3. La nécessité d'une concertation entre les territoires

Pour rendre plus efficaces les stratégies locales mises en oeuvre, votre groupe de travail estime qu'il importe aussi de favoriser une vision du développement économique au delà du strict échelon local . Si la structuration des activités économiques autour de pôles d'excellence spécialisés est devenue indispensable pour résister à la concurrence internationale, il ne serait en effet pas concevable de promouvoir le déploiement de ce modèle sur le territoire français sans un minimum de concertation entre les collectivités locales compétentes en matière de développement économique , en coopération avec l'Etat. A défaut, le risque serait grand que se constituent dans des territoires pourtant proches des pôles d'excellence similaires , spécialisés sur les mêmes thématiques, à la recherche de compétences semblables, qui se feraient inutilement concurrence .

Convaincu que la richesse économique de notre pays tient également à sa diversité et que l'exploitation des ressources collectives doit être rationnelle , votre groupe de travail juge opportun de créer les conditions d'une concertation entre les territoires dans le domaine du développement économique pour garantir la cohérence de la répartition spatiale des activités économiques sur l'ensemble du territoire . Cette concertation pourrait sans doute être formalisée directement au niveau national par la création d'une conférence rassemblant l'Etat, les présidents de région et les présidents de conseil général pour arrêter les principes et les grandes orientations à retenir en matière de pôles de compétitivité.

Une telle conférence se réunirait annuellement, sous la présidence du Premier ministre, afin d'examiner l'ensemble des questions de nature à favoriser, de manière concertée et cohérente pour éviter toute concurrence inutile des territoires, l'émergence d'activités économiques aptes à prendre le relais de secteurs de l'économie française devenus non compétitifs. Cette concertation permettrait aussi à l'Etat d'assumer son rôle « d'agent de liaison » avec les instances communautaires en matière de développement économique territorial.

4. L'appui de l'Etat

Dans cette perspective, les outils de l'Etat en matière d'anticipation et d'analyse pourraient être plus spécifiquement orientés pour favoriser cette coordination. La nomination, en décembre 2003, de M. Alain Juillet au poste nouvellement créé de haut responsable en Intelligence économique placé auprès du gouvernement , témoigne de la volonté des pouvoirs publics de renforcer la collecte, l'analyse et la défense des informations économiques stratégiques indispensables aux entreprises pour décider de leurs orientations. Cette activité, beaucoup plus développée à l'étranger qu'en France (tels l' Advocacy Center aux Etats-Unis ou les sogo shohas au Japon), va désormais pouvoir prendre une ampleur plus grande et permettre tant aux décideurs économiques qu'aux élus locaux de renforcer leur connaissance de l'environnement conditionnant leurs stratégies.

On pourrait même imaginer que les acteurs syndicaux s'impliquent dans cette entreprise, et promeuvent à l'étranger le modèle social hexagonal, comme le font déjà certains syndicats allemands qui participent à l'action d'influence et de défense des intérêts économiques du pays, concourant ainsi à la diffusion du modèle allemand tant en Amérique latine dans les années 1980 que dans les pays d'Europe de l'Est après 1989... Ces actions d'influence, souvent discrètes, participent à l'arrivée en douceur des produits et des entreprises nationales.

Un signal clair de l'effort entrepris en France sur le terrain de l'intelligence économique est donné par l'administration du ministère des affaires étrangères, qui a créé en 1998 une mission « entreprises », aujourd'hui dirigée par M. Jean-Baptiste Main de Boissière, et destinée à faire l'interface entre les entreprises et le monde diplomatique. Ainsi, le Quai d'Orsay est intervenu dans deux dossiers, celui du téléphone mobile au Kosovo et celui d' Agua Argentina , pour soutenir des entreprises nationales (143 ( * )). En sélectionnant les dossiers clés sur lesquels porter l'action du réseau diplomatique français à l'étranger, la mission participe ainsi à l'action confiée à M. Alain Juillet.

Cet effort français doit être encouragé et poursuivi. Alors que, dans son récent rapport sur l'intelligence économique (144 ( * )), notre collègue député M. Bernard Carayon déplorait l'absence de « think tanks » à la française, la création récente (145 ( * )) de la fondation Prométhée devrait donner une nouvelle dimension au sursaut français en matière d'intelligence économique. Cette fondation, qui devrait regrouper une douzaine d'entreprises, parmi lesquelles Areva , Dassault-Aviation , EADS , Sanofi-Synthélabo , Sagem et Thalès , se présente comme un outil d'anticipation et de définition du périmètre stratégique de l'économie française . Il est heureux que ce cénacle privé apporte sa contribution aux réflexions déjà engagées par les pouvoirs publics sur ce terrain : le croisement des anticipations de ces différentes enceintes et leur influence complémentaire concourront à renforcer la justesse de la prospective dans notre pays et, plus globalement, son intelligence économique, au bénéfice de l'ensemble de notre territoire.

Sans doute la pertinence de ces réflexions serait-elle encore accrue si elle s'appuyait sur des relais locaux , afin d'impliquer les acteurs les plus proches, en termes géographiques, des renseignements économiques et technologiques.

Il convient également d'évoquer la Mission interministérielle aux mutations économiques (MIME) , déjà citée, qui constitue également un outil de l'Etat susceptible d'aider les territoires dans leurs anticipations des crises industrielles et des réponses à leur apporter. Créée en 2003, cette mission a en effet pour vocation de développer l'anticipation des mutations à venir et de mieux coordonner l'accompagnement public des entreprises. Elle remplit cette tâche en assurant notamment une veille active, qui associe le ministère délégué à l'industrie avec les DRIRE, afin d'émettre des signaux d'alerte dès les premiers signes de faiblesse sur un site ou un territoire.

L'anticipation du phénomène des délocalisations est en effet un élément déterminant dans leur prévention ainsi que dans la mise en oeuvre d'alternatives, particulièrement à l'échelle locale. A cette fin, la MIME a mis en place des observatoires des délocalisations au niveau national mais aussi régional. Cette anticipation s'appuie sur la coopération de tous les acteurs des secteurs privé et public, notamment les sociétés de conversion, les collectivités locales ou l'Agence française pour les investissements internationaux.

Cette ramification régionale de l'action de la MIME est essentielle à l'accomplissement de sa mission. Elle doit donc être renforcée et encore mieux exploitée. Dans cette perspective, votre commission estime que des moyens humains complémentaires devraient être accordés à cette mission.

* (143) In La Tribune - 17 mai 2004.

* (144) « La stratégie de sécurité économique nationale » - Rapport d'information n° 1664 (XII ème législature) au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan de l'Assemblée nationale -Juin 2003.

* (145) In Les Echos - 26 mai 2004.

Page mise à jour le

Partager cette page