2. Développer la formation continue et favoriser la transférabilité des savoirs

Les mutations économiques impliquent la disparition régulière de métiers et d'emplois qui ne sont plus compétitifs au regard des économies émergentes. Telle est en particulier l'une des principales conséquences des délocalisations. De ce fait, se trouve posée la question de la reconversion des salariés travaillant dans des activités qui ne sont plus compétitives au regard des conditions concurrentielles internationales.

Cette évolution nécessite une action spécifique et volontariste des acteurs sociaux, des entreprises, de l'Etat et des collectivités territoriales confrontées aux conséquences locales des destructions d'emplois. Or, cette action doit anticiper les difficultés à venir dans la mesure où « il faut une génération pour requalifier la main d'oeuvre » , comme l'a souligné M. Lionel Fontagné, directeur du CEPII, devant votre groupe de travail.

De ce point de vue, celui-ci se félicite de la signature par les partenaires sociaux de l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 relatif à la réforme - longtemps attendue - de la formation professionnelle, et de la promulgation de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, qui en constitue la traduction législative.

Ce nouveau dispositif, qui a pour but de favoriser la compétitivité de nos entreprises, vise à simplifier le système actuel de la formation professionnelle , qui a progressivement perdu sa pertinence en raison des inégalités d'accès à la formation entre salariés, de l'inadaptation de l'offre de formation et de l'inefficacité du système de collecte des ressources financières affectées à la formation professionnelle. En outre, la multiplicité des dispositifs (plan de formation, congé individuel de formation, autres congés de formation, co-investissement formation, formations en alternance) nuit à la lisibilité des formations proposées et à leur qualité .

L'inégalité entre salariés constitue l'un des principaux défauts les plus dommageables du dispositif actuel de formation professionnelle. Cette inégalité touche d'abord les salariés en fonction de leur qualification initiale car, comme le rappelle notre collègue Mme Annick Bocandé dans son rapport (147 ( * )), les chances d'accès à la formation des ouvriers non qualifiés sont, en moyenne, trois fois moins élevées (16,1 %) que celles des cadres (52,1 %). Or, même si les délocalisations concernent désormais l'ensemble du processus de production et un large éventail de métiers, elles concernent en grande partie le travail non qualifié. Cette inégalité d'accès à la formation professionnelle imposait donc de faciliter l'accès des salariés les moins qualifiés à la formation professionnelle pour favoriser les reconversions.

Cette inégalité touche également les salariés selon leur âge car, à profil d'emploi identique avec leurs cadets, le taux d'accès à la formation est en moyenne de 36 % pour les 39-45 ans, de 31 % pour les 50-54 ans et de 20 % pour les 55 ans et plus, alors que nos économies sont désormais confrontées à la nécessité de reconvertir les salariés les plus âgés .

Pour remédier à ces défauts, l'accord, traduit dans la loi, reconnaît un droit individuel à la formation et propose de professionnaliser les formations , d'individualiser les parcours de formation (en modulant les temps de formation en fonction des attentes et des capacités de chacun), de rendre transférables les droits à formation accumulés d'une entreprise à une autre et de développer les compétences dans le domaine des technologies de l'information et de la communication . Votre groupe de travail espère que l'ensemble de ces dispositions permettra de remédier aux insuffisances actuelles de la formation professionnelle et de renforcer les capacités d'adaptation des salariés français.

En effet , certaines évolutions sont communes à un grand nombre de filières industrielles concernées par les délocalisations. Or, dans ces évolutions communes, on retrouve la nécessité d'élever les qualifications des salariés . Ainsi, les entreprises ont des besoins croissants dans les filières de l'encadrement ou les postes techniques, qui impliquent un niveau de qualification plus élevée. Si cette élévation passe à l'évidence par une réorientation de la formation initiale, elle peut aussi être obtenue par le développement de la formation professionnelle continue .

Une meilleure organisation de celle-ci implique, il convient de le noter, la structuration de partenariats entre les filières professionnelles et les régions , qui voient à cet égard leurs compétences renforcées en matière de formation professionnelle par le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales.

On observera, pour compléter ces préconisations relatives à la formation continue, qu'au-delà de la question des adaptations aux mutations industrielles, il convient aussi d'anticiper les transformations de la structure productive . Comme l'a souligné devant votre groupe de travail M. Claude Seibel, la France risque de se retrouver à très court terme dans une situation où coexistera un chômage, difficile à résorber dans certaines filières ou dans certains bassins d'emplois, et des tensions sur l'emploi dans d'autres, résultant notamment des besoins de renouvellement démographique liés au départ à la retraite des générations nées pendant le « baby-boom ». Selon M. Claude Seibel, sur la base d'une hypothèse de croissance moyenne de 2 % par an, il y aurait ainsi 7 millions de postes de travail à créer ou à renouveler entre 2000 et 2010 (soit 1,2 million de création et 5,8 millions de renouvellement) contre seulement 6,2 sur la période 1990-2000 (respectivement 1,4 et 4,8 millions). A l'évidence, la diminution de la taille des générations entrant actuellement sur le marché du travail rendra nécessaire le maintien dans l'emploi d'un nombre plus important de salariés âgés . Pour passer ce cap, formation continue et transférabilité des savoirs devront alors être mobilisées pour permettre leur adaptation aux nouvelles exigences de qualification des emplois de demain.

* (147) Rapport n° 179 (2003-2004) sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat.

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