3. La concurrence de nouvelles zones géographiques dotées de forts avantages comparatifs

En France, la problématique des délocalisations est pour l'essentiel née de la concurrence nouvelle d'un petit groupe de pays émergents au très puissant pouvoir attractif . Sans mésestimer les transferts d'entreprises vers des pays tels que Madagascar, l'Île Maurice, le Brésil, le Viêt-Nam, etc., les délocalisations sont principalement orientées vers quatre zones dotées de forts avantages comparatifs : les PECO, les pays méditerranéens, l'Inde et la Chine.

a) Le défi de l'Union européenne à 25

L'Union européenne doit relever le défi de l'entrée dans le marché intérieur de dix nouveaux pays, dont huit sont issus de l'ancien bloc communiste. Divers éléments font, en effet, de ces pays, depuis une dizaine d'années déjà, un pôle d'attraction important pour l'implantation d'activités économiques à capitaux étrangers : faibles coûts du travail, qualification et productivité de la main d'oeuvre intéressantes, proximité du marché européen, etc.

L'attractivité des coûts unitaires du travail dans les PECO est incontestable. D'après les données de l'Organisation internationale du travail (OIT), les coûts salariaux dans le secteur manufacturier de ces pays, alors candidats, représentaient à la fin des années 1990 en moyenne moins de 10 % des coûts salariaux allemands, les plus élevés de l'Union européenne. Certes, les salaires réels (tous secteurs confondus) ont augmenté plus rapidement qu'à l'Ouest, au rythme moyen de 3,9 % par an entre 1995 et 2000, et ce rattrapage se poursuit actuellement. Toutefois, plusieurs de ces pays, en particulier la Pologne, disposent de réservoirs de main-d'oeuvre importants qui modèrent le rythme de la convergence salariale. En effet, le chômage demeure élevé dans nombre des nouveaux Etats membres, tels les pays Baltes, la Pologne et la Slovaquie, ce qui pèse naturellement sur les salaires. En outre, et en tout état de cause, l'écart des coûts salariaux entre les PECO et les autres Etats membres ne devait se combler que très progressivement : on rappellera à cet égard que, malgré plus de vingt ans d'intégration étroite, il subsiste toujours des écarts importants entre les Quinze (54 ( * )).

La productivité du travail est également un critère favorable aux PECO, qui poursuivent depuis plus de dix ans un processus de rattrapage dans lequel les investissements étrangers jouent un rôle catalyseur important par le transfert de nouvelles technologies, de techniques de production et de savoir-faire managérial. Ainsi, en 2002, la productivité avait augmenté d'environ 40 % par rapport à 1995 , ce qui implique une croissance bien plus importante encore dans le secteur manufacturier . Cette rapidité est rendue possible par le niveau élevé d'instruction de la main-d'oeuvre dans les PECO (mesuré par le nombre moyen d'années de scolarité), même par comparaison avec les Quinze.

De plus, l'élargissement de l'Union européenne est un facteur favorable au développement de cette nouvelle zone d'investissement en raison de l'intégration de l'acquis communautaire , qui crée un environnement juridique et financier plus stable que celui des pays du Maghreb ou de la Chine.

Dernier atout : la proximité des marchés ouest-européens , qui réduit notamment les coûts de transports et permet de conserver une souplesse et une capacité de réactivité à la demande des consommateurs .

Toutes ces raisons conjuguées expliquent que les nouveaux Etats membres de l'Union, et en particulier les PECO, aient déjà été, depuis les années 1990, une destination privilégiée des investissements ouest-européens . Mais leur intégration va-t-elle accélérer ce mouvement et contribuer à affaiblir l'industrie des Quinze ? Deux éléments permettent de relativiser une telle crainte.

Le premier a déjà été évoqué ci-dessus : le rythme actuel des délocalisations vers les PECO est déjà limité et les menaces d'une amplification de ce phénomène ne doivent pas être surestimées puisque, au contraire, la nécessité pour ces Etats de se soumettre aux contraintes réglementaires de l'Union européenne en matière normative, sociale, environnementale, etc., conjuguée à l'élévation progressive du niveau de vie résultant de l'élargissement, vont évidemment diminuer l'importance de leurs avantages comparatifs. D'autre part, le potentiel de croissance de ces pays est significatif et constitue autant d'opportunités à l'exportation pour notre industrie nationale : leurs besoins en infrastructures sont considérables et la consommation des ménages en biens à haute valeur ajoutée, actuellement très faible, devrait rapidement s'accroître.

Dès lors, si l'intégration des Dix devrait avoir des effets contrastés sur l'industrie des Quinze, la géographie économique de l'Europe ne semble pas devoir être bouleversée par son élargissement à l'Est. Les conséquences économiques de celui-ci sont au demeurant essentiellement perçues comme une opportunité pour les entreprises françaises et européennes , tant par les responsables politiques (55 ( * )) que par les décideurs économiques.

* (54) A titre d'exemple, en 2000, le coût horaire de la main-d'oeuvre était de 4,75 dollars au Portugal, de 12,5 dollars en Irlande et de 21,11 dollars en Belgique.

* (55) Voir à cet égard « L'élargissement européen, moteur économique pour la France » , document réalisé par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (mai 2004), ainsi que les déclarations de M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur, le 22 avril (conférence de presse « Elargissement européen » ) et le 11 mai 2004 (lancement du « Kit PME-Europe » ).

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