c) Des secteurs plus récemment exposés aux délocalisations

Au secteurs industriels traditionnels, dont quelques exemples ont été développés ci-dessus, se sont ajoutées plus récemment d'autres activités, également affectées par des mouvements de délocalisation. Il est possible de citer, à titre d'exemples, les équipements électriques et électroniques, les composants électroniques, ou encore les équipements mécaniques et automobiles.

Dans le secteur des équipements électriques et électroniques , les pertes d'emplois étaient de 1.100 en moyenne annuelle entre 1989 et 2001, et ont été évaluées au total à 10.000 de 2001 à 2003. Alors que l'électronique grand public n'a jamais été aussi présente qu'aujourd'hui dans les foyers, notamment grâce aux téléviseurs, écrans plats et autres enregistreurs de musique, ce secteur a été fortement touché par les délocalisations, comme en témoignent plusieurs exemples.

Ainsi, Dawoo a transféré son usine de téléviseurs de Fameck (Moselle) vers la Pologne, où elle a été ouverte en janvier 2003. De son côté, le groupe électronique néerlandais Philips a également affiché sa volonté de délocaliser une partie de sa production afin d'atteindre une certaine « rationalisation de l'outil industriel entamée en 2001 » , selon les propos de M. Dominique Noguet, directeur de la communication de Philips France (64 ( * )). La stratégie de désengagement de Philips en France a eu pour effet de supprimer 2.000 emplois dans ses usines françaises, qui ne comptent aujourd'hui plus que 8.000 salariés contre 20.000 il y a dix ans. Ainsi à Dreux, Philips ne fabriquera plus de tubes cathodiques dont la production a été transférée en Hongrie. En dépit d'une poursuite de l'activité de l'usine de Dreux dans la production de téléviseurs à cristaux liquides et écrans plats, on ne saurait ignorer l'irrésistible attraction que la Chine et autres pays émergents exercent sur cette activité. Ainsi, Thomson , fleuron de l'électronique française, illustre ce propos avec la récente signature d'une joint-venture avec le groupe chinois TCL , afin de devenir le plus grand fabricant de téléviseurs du monde.

Toutefois, si la logique de réduction des coûts, conjuguée avec celle de recherche de nouveaux débouchés, exerce une pression importante sur les entreprises, la résistance à ces incitations à délocaliser peut résider dans le développement de l'innovation. Ainsi, le fabricant français Netgem , acteur majeur des décodeurs de nouvelle génération, notamment sur le marché britannique où la télévision terrestre numérique (TNT) est déjà en service, produit la totalité de ses décodeurs en France, alors que son concurrent américain, Liberate , vient d'ouvrir deux usines en Asie.

Le secteur des composants électroniques (telles que les puces) est une autre industrie récemment affectée depuis quelques années par les délocalisations. Représentant plus de 120 000 emplois, un millier d'entreprises et un chiffre d'affaires en France de 21,5 milliards d'euros, il constitue une bonne illustration du caractère évolutif des mouvements de délocalisation.

Si, comme l'on exposé à votre groupe de travail deux dirigeants de ST Microelectronics , les usines d'assemblage et de tests ont été délocalisées dès les années soixante, la délocalisation de la fabrication des puces est une tendance nouvelle et plus complexe dans sa mise en oeuvre en raison de la réalisation de lourds investissements (de l'ordre de trois milliards de dollars pour les puces de la nouvelle génération) et du recours à une main d'oeuvre qualifiée. Le mouvement de délocalisation semble néanmoins s'accélérer : le nombre d'emplois a été divisé par deux en dix ans dans cette filière hautement stratégique, puisque ses ventes représentent plus d'un sixième de l'activité industrielle française, et 5.000 emplois ont été supprimés en deux ans. Ainsi Gemplus , leader mondial de la carte à puces, a récemment délocalisé une partie de sa production en Pologne, provoquant la suppression de 400 emplois nationaux.

Ces délocalisations s'expliquent en partie par le renversement de la conjoncture en 2001 sur le marché des semi-conducteurs. Après une année 2000 assez exceptionnelle en raison de la forte croissance de la téléphonie mobile, les industriels du semi-conducteur ont enregistré un recul brutal de leur chiffre d'affaires en 2001, avec une baisse du marché mondial de l'ordre de 30 % dont l'effet négatif s'est également conjugué à celui des surcapacités de production liées aux investissements importants réalisés depuis 1999.

Au-delà de ces raisons conjoncturelles, des réalités inhérentes au marché des semi-conducteurs rendent vraisemblable la poursuite du mouvement des délocalisations : la pression sur les prix en raison de la maturité de certaines technologies, l'accélération de l'innovation technologique des nouveaux entrants sur le marché, et surtout le déplacement du centre de gravité de l'activité économique mondiale vers l'Asie . Industrie d'amont, la filière des semi-conducteurs ( Solectron , Flextronics ou ACT Manufacturing ) se voit elle aussi contrainte de suivre ses clients . Ainsi, par exemple, la Chine occupe en ce domaine une place sans cesse plus importante, ayant déjà conquis 15% du marché mondial en cinq années et comptant depuis 2002 le plus d'abonnés au téléphone mobile.

Les équipements mécaniques n'échappent pas non plus à la récente généralisation des délocalisations aux secteurs de pointe. A titre indicatif et sans corrélation parfaite avec les mouvements de délocalisation, les pertes annuelles d'emplois sont passées de 1.400 entre 1989 et 2001 à 8.900 entre 2001 et 2003. Dans le secteur des équipementiers automobiles , on relèvera la nécessaire localisation près de leurs clients des fournisseurs dits « juste à temps », par exemple de sièges ou de dispositifs d'échappement, qui, ainsi que cela a été exposé à votre groupe de travail par M. Jean-Martin Folz, président-directeur général de PSA Peugeot, se voient imposer par les constructeurs des délais de livraison extrêmement courts, de l'ordre de deux heures.

* (64) ZDNet - 8 janvier 2003.

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