d) La réglementation environnementale

L'augmentation des coûts liés aux impératifs de sécurité et de protection de l'environnement peut également être un facteur de délocalisation, notamment pour les industries les plus dangereuses .

A la suite de l'accident intervenu dans l'usine AZF à Toulouse le 21 septembre 2001, le Parlement a été saisi d'un projet de loi visant à mieux protéger les riverains des risques d'accidents, promulgué le 31 juillet 2003 (91 ( * )). Ce projet comportait notamment des dispositions permettant de « reconquérir » les zones les plus proches des établissements classés « SEVESO seuil haut » et visant à assurer une meilleure information des riverains tout comme une plus grande transparence dans la gestion de ces usines.

Un tel projet était nécessaire et utile. Toutefois, votre commission, par la voix de son rapporteur, notre collègue M. Yves Detraigne (92 ( * )), a souligné que la légitime protection des personnes habitant à proximité des installations les plus dangereuses ne devait pas se faire de manière à décourager tout nouveau projet d'implantation industrielle, au détriment de l'attractivité de l'économie française. Or, comme le Sénat l'a rappelé tout au long de la discussion parlementaire de ce projet, certains dispositifs de cette loi s'inscrivaient à contre-courant de ces nécessités économiques.

Il en va ainsi de l'article 21 de la loi obligeant les industries « Seveso seuil haut » à évaluer la probabilité d'occurrence des accidents industriels et le coût des dommages matériels potentiels qui en résulteraient. Le Sénat, à l'initiative de votre commission, s'était opposé à cette disposition car il la jugeait inapplicable et estimait qu'une telle obligation constituerait une nouvelle entrave à l'attractivité du territoire en complexifiant un peu plus la réglementation des installations classées. Le Gouvernement et l'Assemblée nationale ne l'ont toutefois pas suivi dans cette analyse.

Pourtant, la complexité croissante du droit environnemental et la moindre attractivité de la France, voire de l'Union européenne, qui pourrait en résulter sont susceptibles de déstabiliser des régions spécialisées dans les industries à risque. On relève à cet égard que l'Alsace compte une centaine de sites industriels « sensibles » et notamment 43 sites « Seveso ». De même, la Seine-Maritime compte une cinquantaine d'établissements à risque (« Seveso seuil haut »). L'impact d'une fermeture progressive de ces sites industriels sous l'influence du renforcement de la législation environnementale pourrait avoir des conséquences extrêmement graves pour le développement économique local et l'emploi .

Au nombre de ces contraintes spécifiques à la France, votre groupe de travail souhaite également évoquer le projet de loi constitutionnel relatif à la Charte de l'environnement . Actuellement en discussion au Parlement, ce texte a pour objectif d'intégrer dans le corpus de règles constitutionnelles une Charte de l'environnement afin de consacrer plusieurs principes environnementaux, au nombre desquels le principe de précaution (93 ( * )).

Tout en lui conférant une valeur constitutionnelle , l'article 5 du projet de loi resserre les conditions de sa mise en oeuvre en en faisant un principe d'action dont la responsabilité reviendrait aux autorités publiques : celles-ci, par application du principe de précaution, devraient désormais veiller à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage .

Chez les industriels, la crainte est grande, à l'occasion de la constitutionnalisation de ce principe, de voir prévaloir la recherche illusoire du « risque zéro » et la tentation de tout arrêter pour y parvenir . Il importe donc que soit réaffirmée l'obligation d'agir par des mesures adaptées et de poursuivre les évaluations. Il est également nécessaire qu'une loi précise ultérieurement les contours du principe de précaution et ses modalités pratiques de mise en oeuvre. A défaut, le risque de freiner la recherche scientifique et l'innovation des entreprises ne serait pas négligeable.

Certes, en ce qui concerne tant la législation sur les risques industriels que celle relative aux grands principes environnementaux, votre commission ne saurait cautionner un développement économique qui ne se soucierait pas des considérations liées à la protection des citoyens et de leur cadre de vie. L'environnement étant un bien collectif et pouvant être affecté de manière irréversible par les activités humaines, il revient aux autorités publiques de le protéger . Toutefois, favorable à une législation mesurée en la matière, elle estime indispensable de trouver un juste équilibre entre la création d'un cadre juridique favorisant et accompagnant la prise de risque et l'innovation, essentielles au dynamisme économique, et la légitime protection de l'environnement et des personnes . Appliqués de manière excessive, ces derniers principes pourraient en effet constituer autant de nouveaux facteurs de délocalisations et de pertes de richesse économique.

* (91) Loi n° 2003-699 du 31 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.

* (92) Voir le rapport n° 154 (2002-2003) sur le projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat.

* (93) Principe déjà défini à l'article L. 110-1 du code de l'environnement dans les termes suivants : « L'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures efficaces et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ».

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