2. Un environnement conjoncturel défavorable

Les caractéristiques de la structure productive française expliquent qu'au plan conjoncturel, notre pays ait plus fortement subi que certains de ses concurrents directs les modifications de l'environnement international intervenues ces trois dernières années . Il n'a ainsi pas su tirer parti du fort dynamisme économique de certaines zones géographiques et il s'est trouvé fortement pénalisé par l'appréciation de l'euro face au dollar.

a) Une incapacité à tirer parti du dynamisme de la demande mondiale

L'un des principaux atouts industriels de la France réside dans sa forte capacité d'exportation . La compétitivité française dans le secteur des produits manufacturés a fortement progressé en dix ans par rapport à celle des principaux pays de l'OCDE pour atteindre des niveaux historiquement élevés . Entre 1993 et la mi-2003, la compétitivité-prix et la compétitivité-coût à l'exportation se sont respectivement améliorées de 7,8 % et de 22,1 %. Cette évolution de la compétitivité-coût reflète la très bonne tenue des coûts salariaux unitaires au cours de cette période, qui a permis aux producteurs nationaux d'accroître la profitabilité de leurs ventes à l'étranger tout en améliorant leur compétitivité-prix.

L'année 2003 peut toutefois être qualifiée « d'année noire » pour le commerce extérieur français , dont l'excédent de la balance commerciale a enregistré un très net recul par rapport à 2002. Certes, la solidité des parts de marché conquises par les entreprises françaises sur la période 1993-2003 a malgré tout permis de dégager un excédent positif de 4 milliards d'euros. Toutefois, la France a perdu sa place de quatrième exportateur mondial au profit de la Chine, qui a vu ses exportations progresser de 35 % en 2002.

Cette évolution est paradoxale car la reprise de la demande mondiale a été sensible en 2003 . En effet, en accélération continue au cours des trois derniers trimestres, l'économie américaine est apparue, de nouveau, comme la plus dynamique des grands pays industrialisés avec une croissance de 3,1 %, qui s'explique par une hausse de la consommation des ménages et de l'investissement. Après s'être contractée de près d'un demi-point en 2002, la croissance de l'économie japonaise a enregistré une progression notable, évaluée à 2,2 % : ce rebond est lié à la bonne tenue des exportations japonaises et à la hausse des investissements en équipements des entreprises, notamment dans les secteurs exportateurs. En outre, l'Amérique latine est sortie de sa période de récession et l'Asie, tirée par la croissance chinoise, a affiché un taux de croissance de 6,8 %, tandis que les PECO ont également connu une croissance conséquente, de l'ordre de 11 %.

Ces taux de croissance élevés ont permis une progression sensible des importations de ces pays, dont la France n'a pourtant que peu bénéficié . Cette incapacité de la France à profiter de la reprise mondiale est en grande partie liée à la structure géographique de son commerce extérieur . En effet, les deux tiers des exportations françaises (63 %) restent destinés aux pays de l'Union européenne - dont 51 % vers la zone euro - qui ont connu, au contraire des autres grandes régions mondiales, une phase de stagnation l'an dernier (+ 0,7 % pour l'Union européenne et + 0,4 % pour la zone euro) et une faible croissance de leurs importations (de l'ordre de 3 %).

L'économie française n'a ainsi que faiblement tiré parti de la reprise dans les zones à forte croissance et, en tous cas, moins bien que certains de ses partenaires commerciaux comme l'Allemagne . Les exportations françaises vers l'Union européenne ont enregistré une nette décroissance (- 2,2 % en moyenne avec des baisses pouvant atteindre 7 % pour le Royaume-Uni notamment) et surtout vers les Etats-Unis (- 15,7 %), en raison de la baisse des livraisons aéronautiques et du recul des exportations pharmaceutiques. Dans le cadre de cette conjoncture ralentie, seule l'industrie automobile a enregistré une hausse de 2 % de ses ventes à l'étranger. Si le secteur agro-alimentaire a bien résisté, les exportations de l'ensemble des autres produits manufacturés ont été en repli plus ou moins accentué, le recul le plus fort ayant été enregistré par les biens d'équipement (- 7,3 %).

Pourquoi l'Allemagne a-t-elle plus profité de la reprise économique mondiale ?

Selon l'analyse du ministère délégué au commerce extérieur, le meilleur positionnement, notamment au plan géographique, de l'Allemagne, a permis à ses exportateurs de profiter pleinement du rebond enregistré au deuxième semestre 2003. L'économie allemande a ainsi commencé plus tôt que d'autres à diversifier ses débouchés au profit de marchés en forte croissance comme les Etats-Unis dans les années 1990, mais aussi les pays d'Europe centrale et orientale (PECO) et la Chine.

A titre d'illustration, entre 1991 et 2001, la réorientation des exportations a été bien plus accélérée en Allemagne qu'en France. Dès 2001, l'Union européenne ne représentait plus que 55,2 % des exportations allemandes contre 61,2 % pour la France. En outre, durant la même période, la part des PECO dans les exportations allemandes a triplé pour s'établir à 8,5 % (contre 3,5 % dans les ventes françaises), de même que celle de la Chine.

Enfin, les exportateurs allemands ont profité à plein de la forte croissance américaine des années 1990. La part des Etats-Unis dans les exportations allemandes a presque doublé en dix ans, passant de 6,3 % en 1991 à 10,7 % en 2001, alors qu'elles ne progressaient que de deux points en France (de 6,4 à 8,8 %). Comme le soulignait M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur, si la France était dotée de la même répartition géographique des exportations que l'Allemagne, elle pourrait bénéficier de 6 % d'exportations supplémentaires.

Source : le MOCI n° 1641, 11 mars 2004

A l'inverse, les entreprises françaises exportatrices sont peu présentes dans les grandes régions en croissance comme la Chine . Plus dispersées et partant de niveau généralement bas, les exportations françaises en Chine progressent certes dans tous les secteurs à un rythme inégalé. Elles sont ainsi dominées par les biens d'équipement et intermédiaires. Mais, même si le bilan de l'année 2003 est plutôt positif dans la mesure où la hausse des exportations françaises vers ce pays a été de 32,3 % , le retard est encore conséquent car la part de marché française dans les importations chinoises n'est que de 1,4  % . Ainsi, une intensification des relations commerciales avec ce pays doit nécessairement passer par une hausse des investissements des entreprises françaises en Chine, les IDE français n'y atteignant que 1,8 milliard d'euros, soit à peine 0,4  % du stock total des investissements français à l'étranger . La demande mondiale adressée à la France bénéficie donc moins, dans ces conditions, du dynamisme des importations asiatiques du fait d'une moindre présence française sur ces marchés.

Enfin, la reprise mondiale ayant été principalement tirée par la consommation des ménages , son faible contenu en investissement en 2003 n'a pas favorisé la croissance des ventes de biens intermédiaires et de biens d'équipement, qui représentent plus de la moitié des exportations françaises.

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