II. SOUTENIR LES TERRITOIRES ET L'EMPLOI

Outre ces préconisations destinées à renforcer les capacités de réaction du tissu industriel face à la concurrence internationale, il semble nécessaire à votre groupe de travail d'examiner les moyens d'apporter une réponse spécifique aux difficultés qu'elle occasionne aux territoires et à l'emploi. En effet, les conséquences des délocalisations de certains secteurs industriels sur les régions traditionnellement industrialisées sont importantes au niveau tant social qu'économique. Cette évolution nécessite la définition de stratégies locales adaptées pour anticiper et accompagner la reconversion des territoires et de la main d'oeuvre les plus durement affectés. Par ailleurs, il convient d'exploiter de manière plus systématique les gisements d'emplois nouveaux.

A. AFFERMIR LE RÔLE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

La deuxième partie de ce rapport a démontré que, contrairement aux conséquences des grandes vagues de restructuration industrielle qui se sont produites dans les années 1980, les mutations économiques ont aujourd'hui des effets plus diffus sur les territoires car elles affectent plutôt des micro-bassins d'emplois . Ce constat rend nécessaire des actions plus ciblées. Si l'échelon régional exerce actuellement, sous réserve des missions incombant à l'Etat, le rôle de « chef de file » en matière de développement économique, les autres collectivités territoriales et leurs groupements doivent cependant nécessairement conserver des capacités d'intervention pour dynamiser leurs territoires.

1. Le lien économie-territoire

Le renforcement du rôle des firmes multinationales, en particulier avec l'essor des flux d'investissements directs étrangers, bouleverse de manière radicale l'organisation du développement économique local. Comme le souligne un rapport de l'AFII réalisé pour le Conseil régional d'Alsace (142 ( * )), « les firmes ont besoin des territoires et les territoires ont besoin des firmes » .

La dépendance accrue des territoires aux stratégies des entreprises fait apparaître de nouvelles formes de coopération ou de compétition . Le changement dans la manière dont les entreprises conçoivent la segmentation géographique de leurs activités rend nécessaire de redéfinir profondément les objectifs et les moyens d'actions des politiques de développement territorial . La mobilité géographique accrue des facteurs de production, l'élargissement de l'horizon géographique des firmes et la diversification de leur ancrage territorial, tendent à affaiblir certaines solidarités traditionnelles fondées sur les relations de proximité. Ainsi, on assiste à la réduction progressive de l'activité de certaines entreprises dans une région qui avait constitué jusqu'alors leur berceau d'origine mais, à l'inverse, de nouvelles entreprises jusque là complètement étrangères au territoire peuvent s'y implanter.

Le rassemblement sur un même territoire d'une masse critique de compétences et de moyens industriels a des effets multiples . La proximité spatiale facilite la coopération entre les entreprises , par exemple en développant conjointement des nouveaux produits ou en utilisant des réseaux commerciaux communs. Les pouvoirs publics tirent également profit de telles stratégies en coopérant pour lancer des programmes de recherche ou localiser des projets industriels.

A cet égard, les politiques publiques locales sont décisives puisqu'elles permettent de créer les conditions favorables à l'émergence de réseaux de partenariat entre tous les acteurs du développement local (firmes, pouvoirs publics, universités, centres de recherche). Cet objectif peut être atteint en mettant par exemple en place des programmes de coopération technologique ou en aménageant des technopoles. Mais la définition de ces politiques n'est pas sans susciter des difficultés pratiques pour les collectivités territoriales , tenues de s'adapter à cette approche coopérative alors même qu'elles sont en situation de concurrence pour accueillir les investissements .

Par ailleurs, la correction des inégalités et des conséquences des sinistres économiques relève traditionnellement du rôle de l'Etat . Cependant, l'expérience passée montre que l'Etat, dans ses actions de reconversion, ne parvient plus à incarner une vision nouvelle de l'économie du bassin, et que les moyens qu'il alloue à ces actions sont souvent insuffisants.

Votre commission est convaincue que la définition de stratégies adaptées aux besoins des territoires confrontés à des difficultés économiques relève des collectivités locales , qui doivent voir leurs moyens d'action renforcés. Les nouveaux outils proposés par le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales, en cours d'examen par le Parlement, constituent de ce point de vue une véritable opportunité pour l'économie locale .

Ce texte prévoit la définition par la région d'un schéma régional de développement économique ayant pour objet d'arrêter les orientations stratégiques de la collectivité en matière économique. Ce schéma viserait à promouvoir un développement équilibré de la région, à développer l'attractivité de son territoire et à prévenir les risques d'atteinte à l'équilibre économique de tout ou partie de celui-ci. Les aides aux entreprises des autres collectivités territoriales et des groupements devraient tenir compte des orientations du schéma, afin que les stratégies définies à l'échelle d'un territoire soient cohérentes.

Dans ce cadre, les priorités du développement économique local seraient ainsi affirmées. Le schéma pourrait décider, par exemple, de soutenir en priorité certaines filières industrielles ou activités de recherche et développement, en particulier pour favoriser l'émergence des nouveaux secteurs porteurs, ou encore de privilégier les aides aux investissements en matière de protection de l'environnement pour faciliter la mise aux normes des installations industrielles et compenser les surcoûts résultant de la réglementation environnementale.

Outre cette stratégie d'ensemble tenant compte des spécificités de son territoire, la région pourrait engager des actions curatives en cas de sinistre économique ou industriel affectant des bassins d'emplois localisés. Le projet de loi prévoit à cet égard qu'en cas d'atteinte à l'équilibre économique de tout ou partie de la région, le président du conseil régional ou le préfet pourrait réunir les chefs des exécutifs locaux concernés afin de définir les solutions aptes à prévenir les conséquences de tels sinistres.

L'affirmation des responsabilités des collectivités territoriales devrait ainsi les conduire à forger les outils adéquats pour orienter les priorités économiques de leur territoire et, le cas échéant, mener les actions préventives dans le constant souci d'anticiper les difficultés pouvant résulter de délocalisations.

Par exemple, dans le bassin d'emploi du choletais, fortement affecté par la crise de la chaussure et de l'habillement , une étroite coopération entre les élus locaux et les entreprises de la région a conduit à la création du « Pôle enfant » pour structurer l'ensemble de l'industrie locale autour de ce thème . Une sorte de spécialisation émerge, favorisant la synergie des entreprises sur les marchés intérieurs et à l'exportation des produits de toute nature consacrés à l'enfance : mode, confection, chaussure, matériel de puériculture, décoration, jeux de plein air, produits alimentaires, etc. Ce concept marketing innovant est un bon témoignage de la capacité d'animation d'un territoire par ses élus et responsables économiques, dans une perspective de développement à long terme.

* (142) L'Alsace face au défi de la globalisation - Agence française pour les investissements internationaux - 2004.

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