Mardi 26 mars 2013

- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président, puis de M. Daniel Reiner, vice-président -

Situation intérieure et extérieure de la Chine - Audition du professeur François Godement

M. Jean-Louis Carrère, président.  - Monsieur le professeur, mes chers collègues, nous sommes particulièrement heureux, Monsieur le professeur, de poursuivre avec vous notre cycle d'auditions sur la Chine, dont vous êtes un très éminent spécialiste.

Alors que le Président de la République se rendra prochainement en République populaire de Chine, à quelques mois de la célébration du cinquantième anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques avec la France, en janvier 2014, notre commission entame un cycle de réunions sur la situation intérieure et extérieure de ce pays majeur, qui sera très bientôt la première économie mondiale.

Entre le 18ème congrès et la session parlementaire, qui s'achève à peine, le nouveau pouvoir chinois nous semble encore en transition. L'équipe gouvernementale est en cours de mise en place, le 3ème plenum du comité central n'étant attendu qu'à l'automne. Dans cette période, la société se montre plus revendicative, notamment sur Internet et les réseaux sociaux, et les lignes paraissent encore fluctuantes.

Sur le plan de la politique extérieure, la recherche de gains économiques et l'approvisionnement en ressources énergétiques et naturelles déterminent largement la politique étrangère chinoise et motivent sa présence croissante, en Afrique notamment. La visite sur le continent africain de M Xi Jinping est à cet égard significative.

Vis-à-vis de ses voisins, la Chine, qui se conçoit avant tout comme une puissance régionale en Asie, a durci ses positions, en particulier face au Japon, dans le contexte de la montée des nationalismes, voire des populismes, et d'une militarisation croissante de la région. Les différends frontaliers en mer de Chine méridionale, autour de la fameuse « langue de boeuf » où giseraient des millions de barils de pétrole, nous inquiètent beaucoup. Que veut vraiment la Chine ? Vous nous direz aussi comment sont vécues à Pékin les évolutions des alliés traditionnels que sont la Corée du Nord, ou, dans une toute autre direction, la Birmanie.

Malgré des « irritants », commerciaux, politiques et de sécurité, les relations sino-américaines sont appelées à se densifier. Comment fonctionne ce couple nouveau, qu'on qualifie parfois de « G2 », avec en arrière-plan la crainte lancinante d'un encerclement de la Chine par les Américains ?

Sur le plan multilatéral, enfin, l'application du traditionnel principe de non-ingérence semble continuer d'être le fil directeur des prises de positions chinoises, comme on le voit par exemple sur le dossier syrien. Vous nous direz à cet égard si l'appui chinois au sein du Conseil de sécurité sur la question du Mali pourrait marquer une réelle inflexion ? A quand une intervention chinoise sur la scène internationale en accord avec son rang économique ? Quand la Chine quittera-elle une mentalité que certains jugent dépassée, car centrée sur ses préoccupations intérieures et reproduisant des réflexes de pays en voie de développement qu'elle n'est plus ?

Beaucoup de questions, vous le voyez. Je vous laisse sans plus tarder la parole.

Professeur François Godement - Il n'est pas facile de brosser un portrait décisif d'un pays aussi contradictoire, aussi immense et aussi complexe que la Chine. Bien que rénové, le pouvoir conservé reste l'apanage secret d'un petit nombre de dirigeants. La Chine est un pays suffisamment grand pour se permettre des irrationalités qui défient la logique.

Il est sûr que les priorités chinoises ont complètement changé en vingt ou trente ans, et sont désormais totalement axées sur l'économie et le développement d'une sphère d'influence, même en Europe, par l'investissement et les mouvements de capitaux, par une action sur le prix des matières premières et de l'énergie. L'influence de la Chine sur des pays tiers, traditionnellement proches de la France, est spectaculaire, comme en Algérie, véritable cas d'école de la percée chinoise.

La Chine est désormais pour nous comme un sport de spectateurs : nous ne sommes plus complètement à l'échelle. Il existe d'ailleurs une tentation européenne permanente de se satisfaire de cette position de spectateurs dépourvus des moyens de la puissance « dure » et ciblant ses interventions sur la puissance « molle ».

Un chiffre illustrera ce changement d'échelle : alors qu'en France, la commission du Livre blanc se bat pour obtenir le maintien de 31 milliards d'euros de crédits annuels, le budget officiel chinois de défense se situe entre 92 et 95 milliards d'euros, soit, compte tenu des estimations majorées qui rajoutent au moins 20 % à ce chiffre, près de 4 fois l'effort français de défense. Pour autant, la Chine serait sans doute aujourd'hui incapable de faire ce que l'armée française réalise au Mali, même à ses frontières.

Le parti au pouvoir est divisé entre ceux qui souhaitent poursuivre sur un modèle de croissance économique qui est un succès sans précédent dans l'histoire de l'humanité, et ceux qui souhaitent le changement face aux inégalités galopantes, à la panne de croissance des économies occidentales et à la perspective de l'épuisement d'une main-d'oeuvre bon marché, compte tenu des évolutions démographiques. Le débat au sein des dirigeants chinois l'année dernière donnait l'impression qu'il allait falloir ouvrir une nouvelle phase de réformes pour continuer le miracle économique chinois. Il n'en a pourtant rien été. Il faut mesurer l'accélération qui s'est produite en Chine : en quinze ou vingt ans, elle a dépassé, en termes de croissance économique, mais aussi de creusement des inégalités de patrimoine, le chemin parcouru par la France entre 1945 et 1990. Deux très puissants leviers étaient à l'oeuvre : tout d'abord le transfert de propriété le plus massif de l'histoire, avec la privatisation de l'immobilier, véritable mécanisme de création de richesses, et en second lieu le succès de l'industrie d'exportation, porté par l'ouverture des marchés internationaux.

La génération qui a tiré profit de cette croissance à partir de la réforme de 1978, mais plus encore des années 1990, dépasse les 80 millions de membres du parti communiste chinois et constitue une large couche sociale qui a pleinement bénéficié de la croissance explosive depuis 1998. Cette catégorie a acquis des intérêts hors de portée pour la génération suivante, qui se heurte à la flambée des prix : l'immobilier à Pékin ou Shanghai n'est pas loin d'être au même niveau qu'à Paris, tandis que le salaire des cadres et ingénieurs ne doit pas masquer l'existence d'un réservoir de main-d'oeuvre ne disposant que des salaires d'il y a vingt ou trente ans. Le fossé social s'est dramatiquement creusé.

Au sommet, les entreprises d'état, le système financier ou les pouvoirs locaux, dépendant de la croissance immobilière, ont intérêt à faire perdurer un système économique alimenté par l'épargne et le crédit. Certes la quasi-totalité des économies mondiales (à l'exception des Etats-Unis et de la France), à l'instar du Japon et de l'Allemagne, a baissé la part des salaires dans le produit intérieur brut, mais la Chine l'a fait plus encore : la part des revenus familiaux et individuels n'est plus que de l'ordre d'un tiers du PIB, chiffre dérisoire qui reflète de très grands déséquilibres internes.

Le système génère de l'insécurité sociale, du fait de l'inexistence des retraites, ou d'une protection santé : soigner un cancer à Pékin coûtera 3 à  400 000 euros au patient, une greffe de rein  500 000 euros. Cela induit un taux d'épargne proche de 50 %. Le système fabrique des ressources puis les utilise pour la création d'autoroutes, ou de trains à grande vitesse, dans le cadre d'un colbertisme qui atteint une échelle inconnue de la France.

Ce fonctionnement entraîne des déformations : dumping sur les marchandises, dumping financier de la part des entreprises d'état incitées à sortir de Chine, entreprises qui étaient pourtant les plus puissantes et les plus insulaires de l'économie chinoise et qui ont désormais amorcé un vaste mouvement vers l'extérieur.

L'économie chinoise touche aujourd'hui certaines limites, même si la mécanique exportatrice s'est spectaculairement remise de la crise des marchés occidentaux, défiant les prévisions. Des déséquilibres internes sont décelables : la consommation d'énergie, sous-facturée en Chine, pèse sur les marchés internationaux ; des bulles spéculatives affectent le crédit, l'immobilier et même les capacités de production, comme le montre l'exemple de l'endettement colossal des chemins de fer chinois (2 à 300 milliards de dollars). Pour autant, tous les raisonnements pessimistes se sont révélés faux jusqu'à présent, puisque la fabuleuse marche en avant de l'économie chinoise a toujours fini par rentabiliser les secteurs fragiles. La question est de savoir jusqu'à quand ?

Le taux de croissance s'est un peu ralenti puisque le chiffre avoué en 2012 est de 7,4 %, ce qui est très bas (pour la Chine !), et les économistes considèrent qu'il aurait été en réalité compris entre 5 et 6 %. Il est difficile d'en juger, tant les dirigeants ont constamment un pied sur le frein et un pied sur l'accélérateur, comme lors de plan de relance de 2008-2009, stratégie gagnante mais coûteuse puisqu'elle a créé son lot de mauvaises dettes.

Le pouvoir politique, enfin, voyait se disputer l'an dernier des dirigeants qui prônaient un tournant vers l'économie sociale, d'autres plus proches des industries d'État, et à la marge la tentation d'une gauche populiste servant d'instrument de chantage au sein des discussions du parti. On pensait à un changement de ligne, pourtant le Congrès du PCC a remis sous cloche un certain nombre de débats. Après une période où le système a été dirigé par des managers montés dans le rang, on voit aujourd'hui en quelque sorte un retour des « actionnaires familiaux », mus par un triple sentiment de légitimité : celui de la révolution, celui du sang et de la famille, et celui du succès par rapport à d'autres modèles. Ils possèdent une légitimité retrouvée, un sens de la cohésion, ils n'opèreront pas de réformes de grande ampleur comme Gorbatchev : leur discours est celui de continuateurs.

Les choix de politique extérieure sont également symboliques. D'abord la continuation de la querelle avec le Japon : la ligne est ferme, le comportement au bord de la ligne rouge, mais sans la dépasser. La visite en Russie et les propos tenus à cette occasion, le choix des émergents, sont autant de directions données à la politique extérieure de la Chine. Quelles conséquences pour nous, les Européens ? Si l'on est pragmatique, ce n'est pas nécessairement mauvais : les Chinois ne veulent pas d'un G2. L'Europe reste le champ économique prioritaire pour la pointe avancée du capitalisme d'État chinois, non seulement pour les marchés, mais aussi pour les technologies et montées en gamme, et la diversification des placements de capitaux. Mais ce n'est pas pour autant une convergence vers le multilatéralisme !

Pour conclure, un mot sur le Mali, puisque les Chinois viennent d'apporter une aide financière humanitaire. L'intervention faite ne porte pas sur le pouvoir en place mais est faite contre des rebelles et des terroristes, avec l'accord de l'ONU et des pays concernés. C'est donc un cas très différent de l'intervention en Libye. La Chine a aussi des intérêts dans la zone, d'où une convergence d'opportunités, mais ce n'est pas une évolution de principe : celle-ci avait pu être vue lors du vote sur la Libye, mais cette évolution a été fortement contestée au sein même du pays : les investisseurs chinois ont perdu la totalité de leurs mises en Libye sur une décision de l'ONU, et c'est impardonnable sur le plan intérieur.

M. Jean Besson. - Vous affirmez que les Chinois ne souhaitent pas de G2, qu'ils promeuvent plutôt un monde multipolaire. Mais dans la réalité, avec leur montée en puissance économique comme militaire, avec la faiblesse de l'Europe, ne va-t-on pas vers un G2 de fait ? Le couple sino-américain paraît incontournable !

Ensuite, qu'en est-il des relations avec la Birmanie ? Notre ambassadeur en Birmanie, lors de son audition devant notre commission, semblait penser que l'ouverture birmane pourrait être de nature à inquiéter Pékin. Cela semble se confirmer par l'arrêt de la construction du barrage financé par la Chine. Est-ce annonciateur, pour la Chine, de problèmes au sud ?

Professeur François Godement - Pour schématiser, plus vous êtes proches de la Chine, plus vous êtes inquiets. Même la junte birmane, qui a pourtant échappé aux sanctions grâce à l'action de la Chine, s'est inquiétée d'une influence trop prédominante. La politique américaine, à cet égard, a été très astucieuse, en privilégiant une approche directe vis-à-vis de la Birmanie à partir de septembre 2009, et cela a fonctionné ! Mais cela ne veut pas dire pour autant que l'influence chinoise a disparu, elle reste très importante, notamment sur le plan économique.

La Corée du Nord est un État indépendant qui sait très bien calculer ses risques stratégiques par rapport à la Chine, qui sait aussi se mettre opportunément dans son sillage. C'est une sorte d'alliance de revers. Les Américains rêvent de faire une deuxième Birmanie, mais cela risque d'être difficile : les deux régimes ne sont pas les mêmes.

Il y a un arc Corée du sud, Japon, Taiwan, Singapour, Inde, Philippines de pays qui prennent des contre-assurances avec les États-Unis, qui souhaitent la force de la présence américaine comme contrepoids. Cette alliance se dissiperait vraisemblablement si la Chine changeait de politique extérieure. Plus la Chine agit en puissance politique du XIXème siècle, plus elle va susciter des résistances et contre-manoeuvres. C'est une providence pour les budgets militaires et d'armements ! Mais pour les Chinois, ces pays s'arment, parlent d'agir, mais bluffent et n'agissent pas, donc l'occupation de l'espace par la Chine est faisable. Ainsi, elle peut remporter des succès spectaculaires et inattendus : il y a deux ans, les relations avec la Corée du Sud étaient extrêmement tendues, aujourd'hui Seoul espère une pression chinoise contre la Corée du Nord et donne donc de la voix contre le Japon dans les affaires territoriales.

Sur la capacité de projection militaire chinoise, je ne pense pas qu'ils possèdent déjà les outils d'intervention adaptés. Mais l'effort est continu.

Enfin, pour revenir sur le G2, les Chinois ne se laissent pas impressionner par nos discours sur les nouvelles normes globales. La Chine construit une zone d'influence, des liens bilatéraux, joue sur les deux systèmes mais n'a pas vocation à remplacer les États-Unis dans l'ordre international. La Chine cherche plutôt à se tailler un système en marge du système, avec des zones de concurrence de plus en plus fortes. Ce qui est difficile à déterminer, c'est si ce comportement est causé par une trop grande arrogance ou un trop grand manque de confiance. C'est certainement un mélange des deux.

M. Jean-Pierre Raffarin. - Le Président de la République va se rendre très prochainement en Chine, quelle piste nouvelle promouvoir pour rendre plus fertile et plus équilibrée nos relations ? N'y-a-t-il pas dans ces relations un sujet franco-allemand ? On a parfois le sentiment, vu de Chine, qu'avec la France, ne serait-ce que parce qu'elle siège au Conseil de sécurité, on fait un peu de politique et de culture, alors qu'avec l'Allemagne, on fait du business. Les positions françaises et allemandes sont parfois contradictoires sur l'économie de marché, sur l'embargo sur les armes, et sur les grands sujets de revendication de la Chine. Nous n'aurons pas une relation équilibrée, susceptible de faire contrepoids, sans densifier la coordination franco-allemande. Or le sujet des relations avec le Chine n'est jamais évoqué dans le dialogue franco-allemand. Tant qu'on n'a pas cette logique de contrepoids et de rapports de force, si importante dans la pensée chinoise, on sera toujours des acteurs sensibles et proches, mais dans l'équilibre, on sera toujours en difficulté si on ne se met pas d'accord avec les Allemands.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Nous pourrions peut-être mettre cette question des relations avec la Chine à l'ordre du jour de nos rencontres régulières avec les membres du Bundestag.

Professeur François Godement. - J'ai participé comme invité à des rencontres germano-chinoises et à des débats en Allemagne sur cette question. Ce qui me frappe, c'est que les Allemands n'ont pas « une » politique avec la Chine - ou alors elle n'est pas exprimée - ils ont « des » intérêts économiques. Ils utilisent l'Europe lorsque cela les arrange, mais s'en distinguent dans d'autres cas. Ils sont divisés, l'entourage de Mme Merkel est plus ferme sur le plan politique que d'autres. Les hommes d'affaires sont très partagés mais ils n'ont pas envie de voir l'UE leur dicter leur politique. Il en va ainsi du soutien à la directive sur les marchés publics en 2010, sur lequel l'Allemagne est revenue en arrière. Elle n'a pas plus que nous une stratégie à long terme. Elle a une politique du moment en fonction de ses intérêts économiques, elle s'inquiète des vols de propriété intellectuelle et des remontées de filières, par exemple sur l'industrie des panneaux solaires. Le jeu français est difficile car économiquement nous ne pesons qu'un quart du commerce allemand avec la Chine, très concentré donc très vulnérable. Mais les Chinois s'abstiennent de peser de façon trop forte sur les points les plus sensibles de la relation franco-chinoise. Ils ont maîtrisé les protestations, par exemple sur la question du Tibet, leurs réactions ont été, somme toute, modérées ; ils ne se sont pas attaqués aux grands intérêts économiques. La position des Français est centrale vis-à-vis des Chinois dans la relation européenne afin de pouvoir poursuivre leurs investissements en Europe. Il y a un problème de discours français sur cette question, car on nous fait, à Bruxelles, la réputation d'être plus intransigeant, alors qu'à Paris on accueille aussi les investissements et placements chinois. Il ne me paraît guère possible de trouver un axe franco-allemand dans la relation économique avec la Chine. Il y a une tentation neutraliste de l'Allemagne, abritée derrière le paravent européen ; elle joue ses propres intérêts et fait souvent cavalier seul.

Mme Nathalie Goulet. - Je reviens d'Ouzbékistan, où les autorités s'inquiètent du retrait des forces d'Afghanistan. La Chine est-elle intéressée par cette partie de son voisinage, et pourrait-elle déstabiliser l'Asie centrale au moment de ce retrait, du fait de ses nombreux investissements dans la zone ? Quelle est son attitude vis-à-vis du monde arabo-musulman ?

Professeur François Godement - Je ne pense pas que la Chine intervienne militairement dans cette région, j'opte plutôt pour un renforcement des relations avec la Russie via l'Organisation de Shanghai, ou avec certains pays de la zone, comme le Turkménistan, avec qui des relations économiques et pétrolières ont été développées. La Chine a un intérêt profond à la stabilité, je ne pense pas que le retrait change la donne, d'autant plus que les Chinois s'y sont préparés, par exemple en envoyant des émissaires dans les zones tribales.

Ils sont certes inquiets sur les forces religieuses, leur analyse est fondée, par exemple au Moyen-Orient, sur le rejet des Frères musulmans, donc il est probable que ces États d'Asie centrale, appuyés sur des bureaucraties, les rassurent.

M. Christian Cambon. - On perçoit en Chine une forte aspiration à la société de consommation, y-a-t-il ou y-aura-t-il une aspiration à la démocratie ? Faudra-t-il attendre un nouveau changement de génération ?

Professeur François Godement - En raisonnant par aphorismes, il faut considérer que les Chinois sont l'un des peuples les plus individualiste de la Terre ; nulle part la distance entre les discours ou les thèses officielles et le vécu ou le ressenti individuels n'est aussi grande, y compris dans les milieux dirigeants. Ils sont d'une curiosité frénétique. Ils sont moins confucéens que d'autres peuples d'Asie orientale, ils sont marqués par toutes sortes d'influences, du taoisme au christianisme social.

Paradoxalement, c'est dans les milieux les plus proches du parti, dans les élites formatées dans le système éducatif au cours des trente dernières années que l'on trouve les partisans de la légalisation et de la constitutionnalisation du système, de la mutation de l'État-parti. C'est une tendance sérieuse mais elle se fait battre à chaque fois, souvent par des manoeuvres en coulisse, par la coalition des autres tendances et par les aînés. Cette tendance existe, il n'y a pas besoin d'influence internationale pour la faire exister.

Les troubles sociaux sont importants et le système est obligé de coexister avec eux. Il peut les étouffer ici ou là ; il sait empêcher l'organisation et la continuité entre les différents terrains de revendications. Il s'accommode de la succession des conflits, et de débats sur Internet ou les réseaux sociaux, à condition qu'il n'y ait ni continuité ni formation d'une organisation d'ensemble. Cela s'appuie aussi sur la diversité très importante de la société chinoise.

Le nombre de catholiques et de bouddhistes augmente, c'est un refuge. Ce sont des signes.

Le régime lui-même est dans une situation qui rappelle l'évolution semi-autoritaire d'autres régimes avant lui. Dans certains discours de Xi Jinping, il y a la recherche d'un compromis entre la place de l'État et celle des individus, une volonté d'avoir un gouvernement plus petit, de ne pas influer sur tous les sujets.

Le système a du mal à retrouver sa légitimité en phase de succession. On avait cru avec les dirigeants précédents qu'il y aurait institutionnalisation de règles. Aujourd'hui la règle joue au profit des descendants des grandes familles. Pour la génération suivante cela sera plus difficile. Il y aura un problème de légitimité. Mais il n'y a pas de « grand soir », la machine marche encore.

M. Alain Néri. - Quelles sont les relations de la Chine avec Taïwan ? Va-t-on vers une normalisation ?

Professeur François Godement - Les relations entre les deux pays existent : il y a un accord sur les échanges économiques directs, sur les transports ... Taiwan emploie entre 15 et 25 millions de salariés en Chine.

Par contre, le système politique est inassimilable. Celui de Taiwan est hyper-démocratique, la liberté d'expression est au-delà de nos démocraties européennes. Il est toujours possible que les Taiwanais revotent pour l'opposition, celle-ci est de mieux en mieux courtisée par la Chine, mais il est difficile d'avoir une vision à long terme. Les Américains ont quasiment forcé Taiwan à adopter une position de retrait vis-à-vis de la Chine. Pour autant, il sera difficile de passer à une phase de rapprochement plus profond.

M. Raymond Couderc. - Le prochain grand projet de la Chine serait de ne garder que 10 % de la population dans les campagnes et de développer une agriculture hyper-performante sur un territoire agricole plus réduit. Partagez-vous cette appréciation ?

Professeur François Godement - Tout s'analyse en termes de besoin de main- d'oeuvre. Les transferts de l'agriculture retardataire vers le secteur industriel et urbain aboutissent à augmenter la productivité de l'économie, à maintenir les bas salaires, car c'est une offre de travail nouvelle, et donc à prolonger la compétitivité internationale dans les secteurs de base de l'exportation. Le Projet du Grand Ouest est destiné à faire entrer cette population dans la mondialisation. On se dirige vers 70 à 75 % de la population urbanisée. D'où le défi de la gestion des villes et de l'environnement.

En matière agricole, les Chinois sont peut-être prêts à renoncer au principe de l'autosuffisance alimentaire en important et en acquérant des terres à l'étranger, en Afrique ou en Amérique latine. Cette conversion progressive est un acquis de l'entrée de la Chine dans l'OMC. Cela s'étale sur 15 à 20 ans.

L'idée selon laquelle le recul de la population en âge de travailler va entraîner une pénurie de main-d'oeuvre et faire augmenter les coûts de la main-d'oeuvre est une illusion à court terme, il y a suffisamment de marges avec les transferts de secteur pour maintenir le modèle traditionnel pendant 15 à 20 ans, à côté d'un modèle plus sophistiqué.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Quelle est la nature des relations entre la Chine et la Corée du Nord ? A-t-elle sur cet État une influence à l'heure où les tensions s'affirment entre ce pays et les États-Unis ?

Professeur François Godement - Les deux dernières années du règne Hu Jintao ont été marquées par un rapprochement entre les deux pays, y compris sur le plan politique. Les Chinois ont pris leur parti d'un système qu'ils n'apprécient pas. Mais c'est un État-tampon et les perspectives d'une réunification troublée leur apparaissent plus compliquée, y compris sur le plan intérieur. Ils peuvent se permettre les faux frais économiques de cette situation, en partie compensés par les recettes qu'ils tirent de l'exploitation des mines.

En surface, les Chinois ont discours qui répond aux Américains et font quelques pressions, mais les Nord-Coréens restent assez indifférents à ce discours comme on a pu le remarquer sur le dernier test nucléaire. Ils n'informent pas les Chinois de toutes leurs intentions.

Tant que la Chine n'est pas dans une position multilatérale, mais d'affirmation dans son environnement régional et éventuellement de contestation, les Nord-Coréens considèrent qu'ils disposent d'un glacis et qu'ils peuvent encore opérer.

M. Jean-Louis Carrère, président. - La Chine a-t-elle conservé une influence sur la Mongolie ?

Professeur François Godement - Aucune sur le plan politique. C'est un pays qui pratique l'alternance démocratique et qui a une diplomatie explicite et affirmée pour contourner et équilibrer la Chine. De plus en plus sur le plan économique, car l'avenir minier et énergétique de la Mongolie n'est pas complètement assuré. Il y a une certaine dépendance donc à l'égard de la Chine. On est dans le schéma des voisins plus réticents que des pays plus éloignés qui peuvent estimer avoir moins à craindre et plus à gagner.

Audition de M. Enver Hoxhaj, ministre des affaires étrangères de la République du Kosovo

La commission auditionne M. Enver Hoxhaj, ministre des affaires étrangères de la République du Kosovo.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je voudrais, au nom de l'ensemble de mes collègues, vous souhaiter la bienvenue et vous dire que nous sommes très heureux, Monsieur le ministre, de vous accueillir devant la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.

Je voudrais également saluer la présence à vos côtés de M. Muhamedin Kullashi, Ambassadeur du Kosovo en France, et celle de Mme Maryse Daviet, Ambassadrice de France au Kosovo.

Le Kosovo vient de célébrer, le 17 février dernier, le cinquième anniversaire de son indépendance, proclamée en 2008. Comme vous le savez, la France a été et reste l'un des principaux soutiens de votre pays, comme en témoigne la présence de nos soldats, de nos policiers et gendarmes, tant dans le cadre de la mission de la KFOR de l'OTAN, que de la mission EULEX de l'Union européenne.

Sauf erreur de ma part, l'indépendance du Kosovo est aujourd'hui reconnue par 95 pays, dont 22 des 27 pays membres de l'Union européenne, tous à l'exception de l'Espagne, de la Grèce, de Chypre, de la Roumanie et de la Slovaquie.

La Cour Internationale de Justice a d'ailleurs conclu en juillet 2010 à la conformité au droit international de la déclaration d'indépendance du Kosovo. Celle-ci demeure toutefois contestée par une partie de la population kosovare d'origine serbe au Nord et par la Serbie, soutenue par la Russie, ce qui entrave notamment votre participation aux différentes organisations internationales ou régionales, y compris dans le cadre de compétitions sportives internationales.

Vous pourrez sans doute nous donner des indications sur les avancées possibles dans le processus de reconnaissance et d'adhésion du Kosovo aux différentes organisations internationales ou régionales.

Nous avons été saisis récemment d'une demande de participation au titre d'observateur du Kosovo au sein de l'assemblée parlementaire de l'OTAN, et je suis heureux de vous annoncer, en ma qualité de président de la délégation française à cette assemblée, que le Parlement français entend soutenir cette initiative.

Nous serions également intéressés de vous entendre sur le rapprochement du Kosovo avec l'Union européenne et le dialogue entre votre pays et la Serbie, sur lequel nous sommes très attentifs et sur lequel nous fondons beaucoup d'espoir. Le succès de ce dialogue est, en effet, déterminant pour la stabilité de la région et pour le rapprochement de votre pays avec l'Union européenne.

Après plusieurs accords importants, vous avez commencé à aborder récemment les questions les plus délicates, en particulier la présence de « structures parallèles » au Nord du Kosovo, financées par la Serbie et qui ne reconnaissent pas l'autorité de votre pays et la normalisation de vos relations avec la Serbie.

A la lumière de la septième rencontre, le 20 mars dernier, et à l'approche de la prochaine réunion du 2 avril, êtes-vous optimiste sur l'issue des discussions et quelles solutions de compromis pourrait-on envisager ? Une des solutions ne serait-elle pas d'accorder aux municipalités du Nord une très large autonomie ? Et faut-il craindre sur le terrain un regain de tensions et des affrontements violents ?

Quel est aussi votre sentiment sur l'évolution de la présence internationale et européenne, notamment l'évolution éventuelle des missions de la KFOR de l'OTAN et d'Eulex de l'Union européenne. Seriez-vous, par exemple, favorable à une reprise de la KFOR par EULEX, dans un cadre adapté et renforcé ?

Enfin, alors que j'ai reçu récemment au Sénat une délégation de la « Commission sur des libertés religieuses au Kosovo », conduite par votre Vice Ministre, M. Petrit Selimi, je voudrais insister sur l'importance à nos yeux du principe de laïcité. En tant qu'ancien ministre de l'éducation, quel est votre sentiment sur ce sujet ?

Monsieur le Ministre, je vous laisse maintenant la parole.

M. Enver Hoxhaj, ministre des affaires étrangères de la République du Kosovo.- Permettez-moi, tout d'abord, de vous remercier pour votre invitation et de vous dire tout le plaisir que j'ai à pouvoir échanger avec vous.

En tant que ministre des affaires étrangères de la République du Kosovo, je dois, en effet, rendre compte régulièrement de mon action devant le Parlement du Kosovo, mais c'est un très grand honneur pour moi de pouvoir échanger également avec des parlementaires d'autres pays.

Je voudrais également vous exprimer les remerciements de mon pays pour le soutien de la France, qui est plus ancien que la déclaration d'indépendance du Kosovo, puisqu'il s'est manifesté dès le début et s'est notamment traduit par l'appui de la France à la mission des Nations unies (MINUK), à la mission de l'OTAN (KFOR) et à la mission EULEX de l'Union européenne.

J'évoquerai trois points dans mon intervention qui devraient permettre de mieux comprendre ce qu'est le Kosovo aujourd'hui et ses perspectives d'avenir.

Le premier point que je tiens à souligner tient au changement majeur qui s'est produit en 2012 avec la fermeture, le 10 septembre 2012, du Bureau civil international.

Depuis son indépendance en 2008, le Kosovo avait été placé sous supervision internationale. Le bureau civil international était en charge de veiller à la mise en oeuvre par le gouvernement kosovar des dispositions de la proposition globale de règlement pour le statut de Martti Ahtisaari.

Au cours de ces cinq dernières années, le gouvernement du Kosovo a beaucoup travaillé sur la consolidation des bases démocratiques et la construction d'un véritable Etat, ainsi que sur l'intégration des différentes communautés.

La fermeture du Bureau civil international par les Etats membres témoigne du fait que le Kosovo est désormais capable de se gouverner seul, sans avoir besoin d'une supervision internationale.

Elle constitue donc une forme de reconnaissance de nos efforts et une étape cruciale dans la marche vers l'indépendance du Kosovo et elle a été perçue comme telle par la population.

Vous m'avez interrogé, Monsieur le Président, sur le processus de reconnaissance de l'indépendance du Kosovo.

À ce jour, l'indépendance du Kosovo a été reconnue par 98 pays.

Ces cinq dernières années, nous avons également beaucoup travaillé sur l'adhésion du Kosovo aux différentes organisations internationales.

Le Kosovo a ainsi été admis au sein de différentes organisations, comme la BERD ou le FMI.

Nous avons donc travaillé sur deux grands axes : la consolidation d'un Etat indépendant et le renforcement de la position internationale de notre pays.

Le deuxième point que je voulais évoquer concerne le dialogue entre Pristina et Belgrade.

Tout d'abord, je tiens à rappeler que ce dialogue ne porte pas sur la souveraineté ou sur l'intégrité territoriale du Kosovo mais uniquement sur la normalisation de nos relations avec la Serbie.

Les négociations ont bien avancé, avec plusieurs accords importants, par exemple concernant les postes frontières entre la Serbie et le Kosovo, et elles portent désormais sur le principal enjeu, c'est-à-dire la question de l'intégration au sein du Kosovo des trois municipalités du Nord du Kosovo peuplées de kosovars d'origine serbe, qui implique l'arrêt par Belgrade du soutien aux « structures parallèles » qui existent au sein de ces municipalités.

Nous avons l'espoir de parvenir en avril à un accord sur la normalisation de nos relations avec la Serbie.

Certes, nous ne parviendrons sans doute pas dans un proche avenir à entretenir des relations normales avec la Serbie, mais il nous semble important de commencer dès à présent un processus de réconciliation. A cet égard, la réconciliation franco-allemande engagée au lendemain de la seconde guerre mondiale constitue à nos yeux une source d'inspiration.

Je me suis également rendu récemment au Timor oriental, dont la lutte d'indépendance à l'égard de l'Indonésie a été très longue, mais qui offre aussi un bon exemple de reconnaissance internationale et de réconciliation.

Le troisième axe que je voulais évoquer est le rapprochement du Kosovo de l'Union européenne.

A l'image des autres pays issus de l'ex-Yougoslavie, le Kosovo aspire à adhérer un jour à l'Union européenne. Notre objectif est de construire l'avenir de notre pays au sein de l'Europe.

Mais, par rapport à d'autres pays issus de l'ex-Yougoslavie, le processus de rapprochement avec l'Union européenne a pris vingt ans de retard.

Nous sommes bien conscients que ce rapprochement ne sera pas un processus rapide et sans difficultés, mais nous voulons nous tourner vers l'avenir.

La Commission européenne, aux termes d'une étude approfondie, a conclu à la faisabilité d'un accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne (ASA) et le Kosovo et a recommandé la conclusion d'un tel accord, tout en encourageant le gouvernement kosovar à travailler sur quatre thèmes :

- La réforme de l'administration,

- La protection des minorités,

- La consolidation de l'Etat de droit,

- Les réformes économiques.

Le gouvernement du Kosovo est pleinement engagé sur ces quatre chantiers et espère pouvoir conclure rapidement un accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne.

Une autre attente importante concerne la libéralisation du régime des visas. Alors que l'Union européenne a supprimé les visas pour l'ensemble des pays des Balkans, le Kosovo demeure le seul pays où s'applique encore le régime des visas, ce qui renforce son isolement au sein des Balkans.

Nous espérons donc que dans un proche avenir les citoyens kosovars pourront voyager librement au sein de l'Union européenne.

M. Michel Boutant. - J'ai écouté vos propos avec attention. Nous connaissons les drames qui ont jalonné votre histoire dans vos relations avec la Serbie. Vous nous avez répondu sur ce point. Je souhaiterais donc connaître la nature des relations que vous entretenez avec vos pays voisins, tels que l'Albanie, la Turquie, la Bosnie-Herzégovine et la Macédoine.

M. Enver Hoxhaj, ministre des affaires étrangères de la République du Kosovo.- En tant que pays indépendant, le Kosovo a toujours voulu contribuer à la stabilité de la région. Certes, des craintes ont pu être émises à Belgrade sur les incidences de l'indépendance du Kosovo sur la région. Or, depuis cinq années, le pays a, avec succès, consolidé non seulement son modèle démocratique au sein de son territoire, mais également son rôle dans le maintien de la paix et de la sécurité au sein de la région.

Nous coopérons avec l'ensemble de nos voisins à l'exception de la Serbie. Nos relations avec ce pays ont, toutefois, évolué de manière historique depuis quelques mois. La Serbie et le Kosovo sont parvenus à un accord relatif à leurs frontières sur la base du modèle européen de gestion intégrée des frontières. Nous avons pu ainsi développer quatre postes frontières de contrôle entre la Serbie et le Kosovo. Aux termes de cet accord, la Serbie a reconnu la douane kosovare. Nonobstant l'absence de relations diplomatiques entre les deux pays, il existe deux bureaux de liaison qui ont été ouverts dans nos deux capitales. De surcroît, nos deux pays ont adopté des positions communes sur la libre circulation des personnes et du commerce. La position de la Serbie évolue donc. Cette dernière semble avoir accepté le Kosovo en tant que pays voisin indépendant.

Quant à nos relations avec l'Albanie, la Turquie et la Macédoine, le Kosovo entretient d'excellents rapports. Ainsi, je m'entretiens très régulièrement au téléphone avec mon homologue de Macédoine et nos deux pays entretiennent une concertation étroite. Nos liens avec la Macédoine sont donc solides.

S'agissant de l'Albanie, nous partageons la même histoire, la même culture et langue. Néanmoins, je tiens à souligner que le Kosovo indépendant est un Etat qui s'est construit sur la base de la citoyenneté, de la laïcité et de la multiethnicité. En tant qu'ancien ministre de l'éducation, j'ai été ainsi le premier à interdire le port du voile dans les écoles en 2008, sur le fondement de la laïcité, quelques mois après notre déclaration d'indépendance. Je ne l'ai pas fait uniquement par conviction personnelle mais conformément à la constitution kosovare.

Nos relations avec la Turquie et la Croatie sont également excellentes. Cette dernière apparaît comme l'un des meilleurs modèles sur lequel s'inspirer dans la région, en termes de réformes à entreprendre. D'une manière générale, en tant qu'Etat européen le plus récent mais constituant une des nations européennes les plus anciennes, nous nous devons d'entretenir des relations cordiales avec nos voisins européens, à Paris, à Bruxelles... .

Quant à la Bosnie, l'absence de relations diplomatiques ne saurait nous être imputée. Nous sommes préoccupés par les évolutions que connaît ce pays.

M. Jacques Berthou. - En tant que sénateur du département de l'Ain et maire de Miribel, commune qui possède un centre d'accueil pour demandeurs d'asile, je m'interroge sur votre position quant au départ de vos propres ressortissants alors que le Kosovo connaît une forte croissance économique. En effet, nous accueillons un grand nombre de nationaux Kosovars. En outre, sans remettre en cause notre tradition de territoire d'accueil, je suis également concerné par l'éventuelle connexion de ces filières d'immigration avec les mafias. Comment stopper ces flux clandestins qui portent atteinte à l'image du Kosovo ?

M. Enver Hoxhaj, ministre des affaires étrangères de la République du Kosovo.- Je souhaite débattre de cette question en toute franchise car s'il y avait des raisons politiques de quitter le Kosovo, il y a vingt ans, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Les motifs personnels de ces ressortissants doivent être d'une autre nature.

Je tiens à présenter trois observations sur cette situation préoccupante qui devrait être clarifiée avec précision. Tout d'abord, de nombreux pays de la région des Balkans possèdent des diasporas traditionnellement répartie en Europe et dans une plus petite mesure en France. On estime à seulement 8 000, le nombre de ressortissants Kosovars en France. Ensuite, il apparaît que certains ressortissants d'autres pays de la région se présentent comme provenant du Kosovo. En outre, tout en respectant le travail réalisé par les ONG pour y avoir milité, je tiens à faire observer que certaines d'entre elles peuvent être amenées à interpréter de manière inusuelle la question des demandes d'asile, en raison de la recherche de nécessaires soutiens financiers. Enfin, certaines personnes utilisent le droit à voyager sans visa octroyé par certains pays. La question est donc complexe. Le gouvernement kosovar est tout à fait disposé à échanger avec vos autorités locales afin d'établir une coordination permettant d'identifier si ces personnes sont ou non des Kosovars.

M. Daniel Reiner, président. - Ce sujet sensible mérite que soit organisé un dialogue entre nos deux pays afin que l'opinion française publique apprécie à sa juste mesure les efforts réalisés par le Kosovo en matière de démocratie et de respect de tous. Nous nous en ferons l'écho.

M. Alain Gournac. - Votre franchise appelle la mienne. Pourriez-vous nous indiquer si parmi les trois nouveaux pays qui ont reconnu récemment le Kosovo, figurent l'Espagne, la Grèce, la Roumanie, la Slovaquie, Chypre ? Dans votre processus de rapprochement vers l'Europe, il peut sembler pertinent de tenter de convaincre ces pays européens.

En tant que sénateur des Yvelines et travaillant avec la Croix rouge et la préfecture, j'ai pu constater que l'immigration des Kosovars est organisée. En outre, contrairement à d'autres pays, elle ne concerne pas uniquement des travailleurs, mais également des familles. Or l'image potentiellement négative qui peut être perçue par la France, comme l'a souligné le Président, nuit à votre action.

Une autre question porte sur le trafic d'organes qui a donné lieu à beaucoup d'exposition médiatique. Une enquête est en cours. Quelles en sont les conclusions ?

Enfin, en ce qui concerne votre intégration vers l'Union européenne, n'est-il pas souhaitable que vous retrouviez le contrôle du Nord du pays, dans lequel vous semblez éprouver des difficultés à permettre le bon fonctionnement de certaines municipalités. Nombre de rapports européens mettent en exergue les risques politiques provenant d'une telle situation.

M. Enver Hoxhaj, ministre des affaires étrangères de la République du Kosovo.- Les trois Etats qui ont reconnu l'indépendance du Kosovo ne sont pas européens. Il s'agit du Pakistan, de la République dominicaine et du Guyana. Je déplore que pour des raisons de malentendus et d'affaires internes, les cinq pays membres de l'Union européenne que vous avez cités n'aient pas encore reconnu notre pays.

S'agissant de nos ressortissants, je vous remercie de les avoir accueillis dans de si bonnes conditions. Quant aux allégations sur le trafic d'organes, M. Dick Marty a publié un rapport sur le sujet. Une résolution du Conseil de l'Europe a été prise sur sa base. La mission Eulex de l'Union européenne a été chargée d'enquêter sur ce sujet. Je regrette que M. Marty n'ait jamais présenté ses preuves devant la mission EULEX et ait ignoré notre demande de le faire. Nous sommes ouverts et prêts à coopérer afin de clarifier cette question une fois pour toute. Je profite de ma visite à Paris pour demander pourquoi M. Marty évite de présenter ses preuves devant les enquêteurs européens.

En réponse à votre question sur le nord du Kosovo, je tiens tout d'abord à rappeler que nous sommes parvenus à intégrer les populations kosovares d'origine serbe du Kosovo, ces cinq dernières années, comme l'illustre le fonctionnement de nos institutions. Au niveau local, on a instauré six municipalités. A l'échelon central, il existe un Parlement composé de cent vingt membres dont vingt six sont issus de l'ensemble des communautés et treize membres de celle Serbe. Le gouvernement central compte trois ministres et un vice-ministre d'origine Serbe. Nous avons plus de 90 000 Kosovars d'origine serbe du Kosovo qui participent à la vie quotidienne institutionnelle, politique et autre du Kosovo.

Nous travaillons désormais à résoudre les difficultés que connaît le Nord du Kosovo. Cette situation a par ailleurs été créée par la Serbie à la fin de la guerre. Cette dernière a, sans succès, tenté de geler le conflit par le biais de sa police et de sa force de sécurité. En toute franchise, nous ne devrions pas nous interroger sur l'adhésion des Kosovars d'origine Serbe du Nord du Kosovo à la situation. Cela ne constitue pas une approche utile. Les minorités dans la région des Balkans sont nombreuses. Qui apprécie d'être une minorité ? Les Croates en Bosnie et les Albanais en Macédoine apprécient-ils leur situation de minorité ? A ce titre, nous demandons à Belgrade de démanteler leur structure parallèle de police et administrative et de ne plus affirmer que les Kosovars d'origine Serbe n'acceptent pas l'indépendance du Kosovo. La plus grande majorité l'a accepté. Nous sommes fiers d'avoir pu construire en cinq ans un Kosovo multiethnique indépendant. La France y a contribué en nous soutenant dans des moments critiques de notre histoire. Nous lui en sommes reconnaissants.

M. André Trillard. - Certaines de mes questions vont recouper celle de mon collègue Alain Gournac. En 1990, les Serbes ont chassé de Pristina la population albanophone. En 2004, on a assisté au mouvement inverse. Qu'en est-il de la présence serbe aujourd'hui dans Pristina et les grandes villes, en dehors des municipalités que vous avez évoquées. La situation que vous décrivez semble bien différente de celle que j'ai pu connaître lors d'une visite en 2007. On compte de grands monuments religieux serbes dans la partie albanophone. Des incidents se sont-ils produits récemment ? Il y en avait lors de ma visite à une époque où le tribunal de Mitrovitsa venait de brûler.

Ma seconde question concerne votre soutien au principe de laïcité, je ne peux que vous encourager. Toutefois, la tendance à l'exacerbation religieuse perdure-t-elle ?

M. Enver Hoxhaj, ministre des affaires étrangères de la République du Kosovo.- Concernant la situation dans la ville de Pristina et les autres villes, se focaliser uniquement sur des statistiques en se référant aux minorités me semble trop réducteur afin de dresser un constat réel de la situation. Je vais toutefois y recourir exceptionnellement. On dénombre 120 000 Kosovars d'origine Serbe habitant le Kosovo aujourd'hui contre approximativement 200 000 dans les années 1990. Nous ne disposions pas de chiffres depuis 1981. Les recensements étaient donc vagues. La grande majorité de ces personnes vivent encore au Kosovo, ce qui tend à prouver que le pays est multiethnique. La municipalité de Gracanica, à proximité de Pristina, est gouvernée par les Serbes du Kosovo. Si vous dénombrez moins de Kosovars d'origine Serbe à Pristina que dans les années 1990, c'est parce qu'une grande partie de cette population provenaient de Serbie et non du Kosovo. Aujourd'hui, certains partis politiques sont issus des communautés serbes. Ils participent à la vie institutionnelle et politique du Kosovo et oeuvrent en faveur d'un avenir européen du Kosovo. Cela constitue une différence essentielle par rapport au passé.

En ce qui concerne les sites religieux, le Kosovo a mis en place des zones de protection destinées à trente cinq églises et monastères depuis cinq ans. J'ai évoqué précédemment que nous avions mis un terme à la surveillance du pays par la communauté internationale. Grâce à cet engagement de protéger le patrimoine culturel de toutes les communautés du pays, nous avons pu satisfaire à l'une des obligations qui nous étaient imposées conformément au plan Martti Ahtisaari. Sachez que notre police protège les églises et les monastères sur l'ensemble du territoire. Convenant de l'importance identitaire aux yeux des Serbes de ces églises et monastères, ces derniers n'en demeurent pas moins importants également pour l'ensemble des Kosovars et habitants de la région. Ils appartiennent à l'humanité en tant que propriété culturelle, créée au moment de l'empire byzantin. C'est pourquoi, nous oeuvrons à leur protection. Nous n'avons pas connu de conflits religieux ces dix dernières années. Le Kosovo est fier d'avoir toujours été un Etat laïc. La religion est le plus souvent appréhendée comme un phénomène d'ordre culturel. Il y a deux siècles déjà, sous l'empire ottoman, la laïcité ainsi qu'un Islam ouvert faisaient partie de la vie des Kosovars.

M. Daniel Reiner, président. - Nous vous remercions beaucoup, Monsieur le Ministre, pour cet échange. Nous sommes très admiratifs du parcours réalisé par le Kosovo. Comme vous le savez, la France a toujours manifesté un grand intérêt pour la région des Balkans et vous savez que vous pouvez compter sur le soutien de la France.

Mercredi 27 mars 2013

- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -

Cybersécurité - Communication

La commission entend une communication de MM. Jacques Berthou et Jean-Marie Bockel sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et de l'information dans l'Union (texte E 8076), dont la commission s'est saisie en application de l'article 73 quinquies, al. 2, du Règlement du Sénat, et sur la stratégie européenne de cybersécurité « un cyberespace ouvert, sûr et sécurisé » (JOIN(2013) 1 final).

M. Jean-Marie Bockel, co-rapporteur. - Avec notre collègue M. Jacques Berthou, nous avons été désignés par la commission, le 20 février dernier, comme rapporteurs sur deux textes européens, publiés le 7 février :

- une communication conjointe de la Commission européenne et de la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, relative à la stratégie européenne de cybersécurité ;

- une proposition de directive de la Commission européenne sur la sécurité des réseaux et des systèmes d'information.

Je concentrerai mon propos sur la stratégie européenne de cybersécurité, avant de laisser la parole à notre collègue M. Jacques Berthou, qui évoquera la proposition de directive et la position que nous vous proposons d'adopter.

Comme vous le savez, depuis la publication du rapport d'information sur la cyberdéfense que j'ai présenté devant vous en juillet dernier, le thème de la cybersécurité n'a pas cessé de prendre de l'ampleur.

Sans trahir aucun secret, je pense pouvoir dire ici - sous le contrôle du président de notre commission et de nos deux autres collègues membres de la commission du Livre blanc - que ce sujet devrait faire l'objet d'une priorité dans le cadre du nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui devrait être rendu public prochainement.

En effet, depuis la publication de notre rapport, les attaques contre les systèmes d'information se sont multipliées.

Il ne se passe pratiquement pas une semaine sans que l'on signale, quelque part dans le monde, des attaques ciblées contre les réseaux de grands organismes publics ou privés.

On peut distinguer quatre types d'attaques informatiques :

- tout d'abord, tout ce qui relève de la cybercriminalité, qui regroupe par exemple la fraude bancaire ou la pédopornographie sur Internet, et qui est en plein essor. Selon la Commission européenne, la cybercriminalité ferait plus d'un million de victimes chaque jour dans le monde et un Européen sur dix aurait déjà été victime d'une fraude à la carte bancaire ;

- Ensuite, les attaques visant à perturber le fonctionnement des systèmes, par une saturation de service : c'est par exemple le cas des attaques du groupe Anonymous visant des institutions publiques ou privées ;

- troisième type d'attaque, le cyberespionnage, qui se développe considérablement ;

- et, enfin, ce qui est nouveau, les attaques informatiques visant à détruire les systèmes.

Vous vous souvenez sans doute du ver STUXNET, qui aurait été développé par les Etats-Unis et Israël et qui aurait détruit un millier de centrifugeuses de la centrale nucléaire iranienne de Natanz.

Mais, en août dernier, deux attaques informatiques d'ampleur ont visé des sociétés du secteur de l'énergie au Moyen-Orient, dont le premier producteur mondial de pétrole Saudi Aramco. 30.000 ordinateurs et 2.000 serveurs ont été rendus inutilisables lors d'une attaque revendiquée par un groupe terroriste.

D'une manière générale, les attaques informatiques peuvent être menées par des pirates informatiques, des groupes d'activistes, des organisations criminelles, mais aussi par des entreprises concurrentes, voire par d'autres Etats.

Les soupçons se portent souvent vers la Chine ou la Russie, mais elles ne sont vraisemblablement pas les seules et il est très difficile d'identifier précisément les auteurs de ces attaques.

Vous avez certainement vu comme moi dans la presse ces dernières semaines les articles consacrés au rapport de la société Mandiant, spécialisée dans la sécurité informatique, mettant en évidence l'existence d'une véritable armée de « hackers » au sein de l'armée populaire de libération chinoise.

On peut également citer les déclarations récentes du Président américain Barack Obama, qui considère les cyberattaques comme une menace prioritaire pour la sécurité nationale des Etats-Unis, au même rang qu'Al Qaida ou le programme nucléaire militaire iranien et nord-coréen.

Lors d'une audition devant le Sénat américain, le 12 mars dernier, les directeurs des services de renseignement ont multiplié les mises en garde au sujet des cyberattaques et du cyberespionnage, la Chine étant particulièrement montrée du doigt.

Les responsables américains disent aussi craindre un « cyber Pearl Harbor », c'est-à-dire une attaque informatique massive, visant par exemple la fourniture d'électricité, qui aboutirait à la paralysie complète du pays, à l'image de l'attaque subie par l'Estonie en 2007, et dont on pense que la Russie serait à l'origine.

Notre pays n'est pas épargné par ce phénomène, comme en témoignent les attaques informatiques dont ont fait l'objet le ministère de l'économie et des finances ou encore AREVA, pour ne citer que les attaques qui ont été révélées par la presse.

Nous recommandions donc dans notre rapport de faire de ce sujet une véritable priorité nationale.

On peut s'attendre, en effet, à une croissance du nombre d'attaques informatiques à l'avenir, en raison du développement du rôle d'Internet et de l'informatique dans tous les secteurs.

D'ores et déjà, nous connaissons les téléphones portables, les ordinateurs, les tablettes, etc. Mais, demain, les objets - de la voiture au pace maker, seront également reliés à l'Internet.

Parmi les 10 priorités et les 50 recommandations contenues dans notre rapport, une partie d'entre elles était consacrée au rôle de l'Union européenne.

En effet, même si la cybersécurité doit demeurer une compétence première des Etats, car elle touche à la souveraineté nationale, il semble toutefois indispensable, s'agissant d'une menace qui s'affranchit des frontières, de renforcer la coopération internationale dans ce domaine.

Or, l'Union européenne a un grand rôle à jouer dans ce domaine puisque la plupart des normes applicables aux opérateurs de télécommunications relèvent de sa compétence.

Je regrettais toutefois dans mon rapport l'absence de réelle stratégie européenne et la dispersion des acteurs européens et, parmi nos recommandations, figurait l'élaboration d'une véritable stratégie européenne dans ce domaine.

La présente communication répond directement à notre souhait puisqu'elle propose une stratégie européenne de cybersécurité.

Ce document contient quatre grands axes de renforcement de l'action de l'Union européenne : la lutte contre la cybercriminalité, la cyberésilience, la cyberdéfense et l'action internationale de l'Union.

En ce qui concerne la sécurité des réseaux et des systèmes d'information, la Commission européenne souligne notamment :

- la nécessité de développer des capacités nationales de cybersécurité et du renforcement de la coopération européenne ;

- l'importance des relations avec le secteur privé et de disposer d'une industrie européenne en matière de cybersécurité et d'équipements de confiance afin d'éviter une dépendance critique à l'égard de fournisseurs extérieurs à l'Union ;

- l'importance de la formation et de la sensibilisation.

Au total, je voudrais saluer cette stratégie européenne qui témoigne d'une prise de conscience, de la part des institutions européennes, de l'importance des enjeux de cybersécurité. Je me félicite, en particulier, de l'accent mis sur les aspects industriels.

Afin de garantir la souveraineté des opérations stratégiques ou la sécurité de nos infrastructures vitales, il est, en effet crucial de s'assurer de la maîtrise de certaines technologies fondamentales, dans des domaines comme la cryptologie, l'architecture matérielle et logicielle et la production de certains équipements de sécurité ou de détection. Garder cette maîtrise, c'est protéger nos entreprises, notamment face au risque d'espionnage informatique.

La France dispose, certes, de nombreux atouts avec de grandes entreprises - comme Thalès, Cassidian, Bull, Sogeti ou encore Alcatel Lucent - et d'un tissu de PME innovantes, par exemple dans le domaine de la cryptologie ou des cartes à puces. Au niveau européen, il existe d'autres groupes comme Siemens ou Nokia.

Mais face à la concurrence américaine aujourd'hui, et demain chinoise, russe et indienne, il est indispensable pour notre pays et pour l'Europe de conserver une autonomie stratégique dans ce domaine. Je pense notamment au domaine sensible des « routeurs de coeur de réseaux ».

On ne doit pas négliger non plus les enjeux économiques et en matière d'emplois dans ce secteur en forte croissance, qui participe à la compétitivité d'un pays.

Notre rapport plaidait donc pour une politique industrielle volontariste, à l'échelle nationale et européenne, afin de soutenir le tissu industriel des entreprises françaises et européennes, notamment des PME, proposant des produits ou des services importants pour la sécurité informatique et, plus largement, du secteur de l'information et des télécommunications.

La France pourrait, si elle en a la volonté, développer une industrie complète et souveraine dans le domaine de la sécurité des systèmes d'information, à la fois dans les secteurs des matériels, des logiciels et des services. Je m'en suis d'ailleurs entretenu avec la ministre déléguée à l'économie numérique, Mme Fleur Pellerin.

Mais cela suppose une politique industrielle volontariste à l'échelle de l'Union européenne, notamment pour soutenir les entreprises européennes qui produisent ce type d'équipements face à la concurrence d'entreprises de pays tiers.

Selon la Commission européenne, l'Europe devrait avoir l'ambition de parvenir à une souveraineté numérique, ce qui veut dire retrouver la maîtrise de certains composants ou équipements.

De ce point de vue, la stratégie européenne témoigne d'une véritable prise de conscience de ces enjeux de la part de la Commission européenne et répond pleinement à notre souhait.

La Commission européenne envisage notamment l'élaboration de normes dans ce domaine, un système de certification, des financements, par le biais de programmes européens, des efforts de recherche et développement, mais aussi la prise en compte de la sécurité informatique dans les marchés publics ou encore dans les primes d'assurances.

Ce que l'Europe a réussi à faire dans le domaine aéronautique ou spatial, pourquoi ne réussirait-elle pas à le faire dans le domaine de la cybersécurité, et, plus largement, dans le secteur des technologies de l'information et de la communication ?

Un autre aspect important concerne la formation.

Il existe aujourd'hui dans notre pays peu d'ingénieurs spécialisés dans la protection des systèmes d'information et les entreprises ont du mal à en recruter.

Notre rapport recommandait donc de mettre l'accent sur la formation et développer les liens avec les universités et les centres de recherche et c'est également l'une des orientations retenues par la Commission européenne.

Il paraît aussi nécessaire de renforcer la sensibilisation des utilisateurs au respect des règles élémentaires de sécurité, règles que le directeur général de l'ANSSI, M. Patrick Pailloux assimile souvent à des règles d'hygiène informatique élémentaires, mais qui sont souvent considérées comme autant de contraintes par les utilisateurs.

Sur ce dernier point, la Commission propose plusieurs actions, comme par exemple l'organisation, en 2014, d'un championnat européen de la cybersécurité ou des exercices de simulation de cyberincidents au niveau européen.

Je vous recommanderai donc d'approuver les orientations générales de cette stratégie et d'appeler les institutions européennes et les Etats membres à une mise en oeuvre rapide de ces priorités.

M. Jacques Berthou, co-rapporteur. - Après cette présentation générale, j'évoquerai, pour ma part, la proposition de directive de la Commission européenne et la proposition de résolution européenne que nous vous proposons d'adopter avec notre collègue Jean-Marie Bockel.

La proposition de directive sur la sécurité des réseaux et des systèmes d'information, qui a été présentée par la Commission européenne le 7 février dernier, en même temps que la stratégie européenne de cybersécurité, comporte trois volets.

Le premier volet porte sur le renforcement des capacités nationales des Etats membres en matière de cybersécurité.

La proposition de directive impose l'obligation, pour tous les Etats membres, de se doter d'une autorité nationale de cybersécurité, d'élaborer une stratégie nationale en la matière et de disposer d'une structure opérationnelle d'assistance au traitement d'incidents informatiques.

Le deuxième volet porte sur l'instauration de l'obligation, pour plusieurs secteurs d'importance critique, de notifier les incidents informatiques significatifs à l'autorité nationale de cybersécurité ;

Le troisième volet concerne le renforcement de la coordination européenne en matière de réponse aux incidents.

La proposition de directive prévoit notamment :

- la création d'un réseau européen des autorités nationales de cybersécurité ;

- l'obligation pour ces autorités d'alerter le réseau en cas d'incidents informatiques majeurs.

Que faut-il penser de cette proposition de directive ?

D'une manière générale, on peut approuver ses principales dispositions.

Il en va, en particulier, de l'obligation, pour les Etats membres de l'Union, de se doter de structures chargées de la cybersécurité et d'une stratégie nationale dans ce domaine.

Face à la multiplication des attaques informatiques ces dernières années, la plupart des grands Etats membres se sont dotés de tels instruments.

Ainsi, dans le cas de la France, grâce à l'impulsion donnée par le précédent Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, une agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (l'ANSSI) a été créée en 2009 et notre pays s'est doté d'une stratégie nationale dans ce domaine en 2011.

Cette agence, rattachée au Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, dépendante du Premier ministre, est un service à compétence nationale. Elle comporte en son sein un centre opérationnel chargé de traiter les incidents informatiques. Ainsi, c'est l'ANSSI qui a traité l'affaire d'espionnage informatique de Bercy, découverte à la veille de la présidence française du G8 et du G20, fin 2010. Elle compte environ 350 personnes, principalement des ingénieurs, et son budget est de l'ordre de 75 millions d'euros.

Le Royaume-Uni et l'Allemagne disposent également de tels organismes, mais avec des effectifs deux à trois fois supérieurs et une organisation parfois différente.

Cependant, tous les autres pays membres de l'Union européenne ne disposent pas encore de tels organismes, ce qui illustre le fait que, pour ces pays, la cybersécurité n'est pas encore considérée comme une priorité.

La proposition de directive permettra donc un progrès.

On peut également se féliciter de l'instauration d'une obligation de déclaration des incidents informatiques significatifs à l'autorité nationale compétente qui serait applicable aux administrations publiques et aux opérateurs critiques, tels que les entreprises de certains secteurs jugés stratégiques, comme les banques, la santé, l'énergie et les transports.

Cette obligation de déclaration est d'ailleurs l'une des recommandations qui figurent dans le rapport d'information sur la cyberdéfense, présenté par notre collègue Jean-Marie Bockel, et qui avait été adoptée à l'unanimité par notre commission.

En effet, la plupart du temps, les entreprises sont réticentes à faire part à l'Etat des attaques informatiques dont elles ont fait l'objet, par crainte que cela nuise à leur image, à leur réputation, voire même que cela entraine une diminution du cours de leur action en bourse. Cela concerne en particulier les cas d'espionnage informatique et le vol de secrets industriels. Notre collègue Jean-Marie Bockel mentionnait l'exemple d'AREVA dans son rapport.

Or, comment l'Etat pourrait-il aider ces entreprises à mieux protéger leurs systèmes et leurs secrets, s'il n'est même pas informé des attaques informatiques dont elles font l'objet ?

L'obligation de déclaration, sous peine de sanctions, mais avec une garantie de confidentialité, me paraît donc une avancée importante, y compris dans le cas de la France.

On peut également se féliciter d'autres dispositions, comme celles de prévoir que les autorités nationales auront le pouvoir de donner des instructions contraignantes aux administrations publiques et aux opérateurs d'importance vitale ou la réalisation d'un audit sur la sécurité de leurs réseaux et systèmes.

Qui peut sérieusement contester l'importance de mieux protéger les réseaux et systèmes d'information de secteurs d'importance stratégique, dont la perturbation pourrait avoir de graves conséquences et conduire à une paralysie générale du fonctionnement de notre pays ?

On pense, par exemple, à la distribution de l'électricité, aux transports ou encore aux banques.

D'une manière générale, la proposition de directive me paraît donc aller dans le bon sens et je vous proposerai d'approuver ses principales dispositions.

On pourrait même aller un peu plus loin et prévoir notamment l'obligation pour les opérateurs d'importance vitale :

- de disposer d'une cartographie à jour de leur système d'information,

- de mettre en place des outils de détection d'incidents et d'attaques informatiques.

En effet, l'expérience des attaques informatiques traitées par l'ANSSI montre que la plupart des administrations ou des opérateurs d'importance vitale ayant été victimes d'attaques informatiques à des fins d'espionnage ignoraient le plus souvent les attaques dont ils faisaient l'objet, parfois depuis plusieurs mois, voire des années.

En outre, ils ignoraient le plus souvent où étaient situés leurs propres ordinateurs, ce qui avait pour effet de retarder l'assainissement de leurs réseaux.

Je n'aurai seulement que deux réserves.

Ma première réserve porte sur la définition des modalités d'application de ces mesures, qui serait confiée à la Commission européenne, par exemple en ce qui concerne la définition des circonstances dans lesquelles s'appliquerait l'obligation de notifier les incidents ou la liste des opérateurs d'importance vitale concernés.

Il me semble, tant pour des raisons tenant à la souveraineté nationale que d'efficacité, qu'il serait plus légitime que les modalités d'application soient confiées aux Etats membres, qui, en définitive, sont les premiers responsables en matière de cybersécurité et sont mieux placés pour prendre les mesures appropriées.

Ma seconde réserve est plus fondamentale. Elle concerne l'obligation de notifier systématiquement les incidents informatiques, non pas seulement à l'autorité nationale, mais aussi à la Commission européenne et à l'ensemble des autres pays de l'Union européenne.

Outre la lourdeur bureaucratique, une telle mesure me paraît dangereuse, notamment dans le cas d'attaques informatiques à des fins d'espionnage.

Il faut savoir que, si les soupçons se portent le plus souvent sur la Chine ou la Russie, d'autres pays, y compris parmi nos alliés les plus proches, sont aussi soupçonnés d'être à l'origine de telles attaques.

Or, informer l'ensemble des Etats membres de l'attaque informatique dont on fait l'objet risquerait d'informer également - directement ou indirectement - l'auteur de cette attaque. Celui-ci pourrait alors prendre des mesures afin de se dissimuler davantage ou augmenter encore le niveau de son attaque. Rappelons à cet égard que, selon des informations publiées par la presse, la Présidence de la République elle-même aurait été victime d'une attaque informatique, en mai 2012, au moment de l'élection présidentielle. Le magazine L'Express a attribué la paternité de cette attaque aux Etats-Unis, ce que les autorités américaines ont vivement démenti. On voit mal les autorités françaises dans ce type d'affaire, qui relève de la sécurité nationale et des services de renseignement, donner des détails à l'ensemble de nos partenaires européens et à la Commission européenne.

Sous ces deux réserves, nous vous proposons donc d'approuver la proposition de directive, et, afin que notre assemblée fasse connaître sa position au gouvernement sur ce sujet, nous vous recommandons d'adopter le texte de la proposition de résolution européenne, qui vous a été distribué.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je remercie nos deux rapporteurs pour la qualité de leur travail.

Avec le rapport d'information présenté par notre ancien collègue M. Roger Romani en 2008, puis celui présenté par notre collègue Jean-Marie Bockel, et cette proposition de résolution consacrée à la stratégie européenne de cybersécurité, notre commission joue pleinement son rôle d'éclaireur sur un enjeu majeur pour notre défense et notre sécurité nationale et qui est appelé à prendre de plus en plus d'ampleur dans les années futures, compte tenu du développement d'Internet et de l'informatique dans tous les secteurs.

M. Michel Boutant. - Certains Etats sont soupçonnés d'être à l'origine d'attaques informatiques. On cite souvent la Chine et la Russie. Mais qu'en est-il de nos propres alliés ? Peut-on réellement faire confiance à nos alliés et partenaires et coopérer avec eux dans ce domaine, qu'il s'agisse de nos alliés au sein de l'OTAN ou même de nos partenaires européens ?

M. Jean-Marie Bockel, co-rapporteur. - Si les Etats que vous avez cités sont effectivement souvent soupçonnés d'être à l'origine de cyberattaques, ils ne sont pas les seuls, et de nombreux pays, y compris parmi nos alliés les plus proches, développent des capacités offensives. Pour dire les choses franchement, il n'y a pas de véritables alliés dans le cyberespace.

Dans le même temps, s'agissant d'une menace qui s'affranchit des frontières, une coopération à l'échelle européenne et internationale est indispensable et la France entretient une coopération étroite dans ce domaine, en particulier avec l'Allemagne et le Royaume-Uni.

M. Jacques Berthou, co-rapporteur. - Il est très difficile de déterminer précisément l'origine d'une attaque informatique car l'attaquant utilise généralement de nombreux ordinateurs compromis situés partout dans le monde, ce que les spécialistes désignent sous le nom de « réseaux zombies ».

Par ailleurs, les demandes d'entraide judiciaire internationale se heurtent souvent à des fins de non-recevoir de la part de certains pays. Le seul instrument international en matière de lutte contre la cybercriminalité, la convention de Budapest, conclue au sein du Conseil de l'Europe, n'a pas été signée par la Chine et la Russie, et elle n'a pas encore été ratifiée par l'ensemble de nos partenaires européens.

Au sein même de l'Union européenne, la directive sur les attaques contre les systèmes d'information n'a pas été encore adoptée définitivement et son contenu reste en deçà de la convention de Budapest, notamment en ce qui concerne l'harmonisation pénale, ce que l'on peut trouver regrettable et même paradoxal s'agissant d'un instrument communautaire.

Enfin, même si la communication de la Commission européenne prend soin d'éviter ce sujet, se pose la question de la transposition de la directive de 2006 sur la conservation des données, qui présente une grande importance en matière de lutte contre la cybercriminalité et les cyberattaques, et dont les lois de transposition ont été invalidées par plusieurs cours constitutionnelles de certains pays, comme l'Allemagne.

A l'issue de cette communication, la commission a adopté à l'unanimité le texte de la proposition de résolution européenne.

Approbation de l'accord de sécurité sociale entre la France et l'Uruguay - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine le rapport de M. Jean-Claude Requier et le texte proposé par la commission sur le projet de loi n° 709 (2011-2012) autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay.

M. Jean-Claude Requier, rapporteur. - L'Uruguay est un pays d'Amérique du sud situé entre le Brésil et l'Argentine, peuplé de 3,5 millions d'habitants et d'une superficie de 176 000 km². La France et l'Uruguay ont signé le 6 décembre 2010 à Montevideo un accord de sécurité sociale, afin d'améliorer l'accompagnement de la mobilité des travailleurs français et uruguayens, en garantissant une continuité des droits en matière de sécurité sociale.

La France compte parmi les pays ayant un dispositif législatif bilatéral en matière de sécurité sociale parmi les plus étoffés. En effet, ce sont 37 Etats ou entités hors Union européenne et Espace économique européen qui sont liés à la France par une convention de sécurité sociale. A ces pays s'ajoutent les 26 autres États-membres de l'Union européenne, la Suisse et les 3 pays de l'espace économique européen que sont l'Islande, le Liechtenstein et la Norvège. Au total, la France est liée à 67 Etats, soit près d'un tiers des Etats dans le monde. Ces accords favorisent la mobilité géographique et accentuent la présence française dans le monde.

Le contenu de l'accord de sécurité sociale avec l'Uruguay est de type classique. En effet, il reprend les 5 grandes parties correspondant aux principes « traditionnels » de la coordination en matière de sécurité sociale : égalité de traitement entre les ressortissants des États signataires, unicité de la législation applicable, règle générale en matière de législation applicable, maintien des droits en cours d'acquisition, maintien des droits acquis. 

Les prestations concernées sont tout d'abord les pensions d'invalidité, de vieillesse et de survivants. Le droit à prestation est subordonné au fait que le bénéficiaire relève de la législation en cause au moment où le risque survient, ou qu'il justifie d'une période déterminée d'assurance auprès de ce régime immédiatement avant l'évènement à l'origine de la prestation. On parle alors d'assimilation des situations constatées sous la législation de l'un ou l'autre État. Les règles de totalisation des périodes d'assurance sont également prévues par la convention. Ainsi, les périodes d'assurance accomplies sous la législation d'un État peuvent, si nécessaire, être prises en compte pour l'acquisition, le recouvrement ou le maintien du droit à pension dans l'autre État.

Ensuite, pour les prestations d'accidents du travail et de maladies professionnelles (AT-MP), le principe retenu est celui de l'ouverture du droit à prestation dans le pays dans lequel le travailleur était soumis à la législation à la date de l'accident ou à la période d'exposition au risque professionnel.

Puis les prestations de maladie et de maternité, et prestations de paternité assimilées : la convention consacre un article à la question de la totalisation des périodes d'assurance pour l'appréciation des droits aux indemnités journalières. Ainsi, il peut être tenu compte des périodes d'assurance accomplies sous la législation d'un des deux États pour l'ouverture et la détermination des droits aux prestations de maladie et de maternité ainsi qu'aux prestations de paternité assimilées prévues dans l'autre État contractant.

Enfin, les prestations familiales sont le dernier champ couvert par la convention. L'article 21 précise que les travailleurs maintenus à la législation de leur État d'origine relèvent de cet État pour le droit aux prestations familiales pour les enfants les accompagnant sur le territoire de l'autre État.

Des dispositions diverses permettent la bonne application de la convention par les institutions de sécurité sociale et les organismes de liaison de chacun des deux Etats. Parmi celles-ci, outre les considérations « classiques » que l'on trouve habituellement, il convient de noter l'introduction d'un article sur la coopération technique destinée à permettre la mise en oeuvre des dispositions conventionnelles, ainsi que des dispositions habituelles relatives à la confidentialité des données personnelles et à la lutte contre les fraudes. Cette coopération technique doit permettre aux Parties contractantes de développer des échanges de bonnes pratiques, d'expertise et d'assistance techniques sur tel ou tel aspect de leurs systèmes de sécurité sociale, ainsi que d'éventuels projets communs dans ce domaine.

Le nombre de personnes potentiellement concernées par cette convention est difficile à déterminer, mais il sera en tout état de cause limité. Au 31/12/2012, 2 862 Français étaient inscrits auprès des services consulaires, contre 2 139 en 2002, soit une augmentation de près de 34 % en 10 ans. Les relations entre nos deux pays sont excellentes, la coopération bilatérale au beau fixe, et ce dans tous les domaines : économique, politique, culturel ... La France est parmi les premiers investisseurs en Uruguay, une quarantaine d'entreprises y sont implantées. Au niveau scientifique, l'Institut Pasteur est présent en Uruguay. En matière d'éducation, le lycée français accueille de nombreux étudiants, et la France est le 6ème pays de destination des étudiants uruguayens en mobilité.

En conclusion, cet accord vient compléter utilement un dispositif législatif déjà étoffé. L'Uruguay a déjà ratifié le présent accord, la France doit envoyer un signal positif à son partenaire en le ratifiant à son tour. Je vous recommande donc d'adopter le présent projet de loi, qui pourrait faire l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique le 16 avril prochain.

M. Alain Néri. - L'Amérique du sud est un continent porteur d'espoirs, cet accord est important pour nos concitoyens implantés dans ce pays. Mais il faut faire un effort de simplification administrative lors de leur retour, en particulier en matière de traduction des documents, qui est souvent difficile et onéreuse. Ne pourrait-on mettre en place une structure qui pourrait les aider ?

M. Jean-Claude Requier, rapporteur. - C'est une bonne suggestion, qui s'inscrit dans le cadre de la simplification administrative.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.