Mercredi 13 novembre 2013

- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -

Accord entre la France et l'Italie pour la réalisation et l'exploitation d'une ligne ferroviaire Lyon-Turin - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine le rapport de M. Pozzo di Borgo et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 115 (2013-2014), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne pour la réalisation et l'exploitation d'une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin.

M. Yves Pozzo di Borgo. - L'accord que je vais vous présenter est un projet ambitieux, il marque une étape décisive pour un projet d'infrastructure majeur mis à l'étude depuis plus d'une quinzaine d'années par les gouvernements français et italien : la construction d'une liaison ferroviaire nouvelle entre Lyon et Turin. Une large partie de l'itinéraire sera vouée non seulement aux trains de voyageurs, mais également au trafic de marchandises, notamment par ferroutage.

Vous connaissez comme moi la situation actuelle du trafic transalpin : il est principalement routier. En termes de fret, les chiffres sont particulièrement éloquents : 85% des tonnes de marchandises qui traversent les Alpes sont acheminées par transport routier et 15% par le ferroviaire. La ligne ferroviaire du Mont-Cenis est ancienne et inadaptée à nos systèmes de transport actuels : située à une altitude très élevée (1300m) avec des rampes d'accès en pente forte, les convois de fret ne peuvent les passer sans rajouter de locomotive supplémentaire. En termes de trafic de marchandises, Vintimille est le point de passage le plus important en France, et le deuxième passage alpin. Les trafics s'élèvent à 1,3 million de poids lourds en 2011.

On ne peut passer sous silence les nuisances provoquées par ce trafic ! Entre 1980 et 2005, le volume total de transport de transit a plus que doublé. En 2011, comme en 2010, 2,7 millions de poids lourds ont franchi les passages franco-italiens, soit une moyenne de 7400 camions par jour. Même si le nombre de poids lourds traversant les Alpes est resté constant ces dernières années, les conséquences sont ressenties, particulièrement en termes de nuisances sonores et de pollution. Il est urgent de désengorger les Alpes. À cela s'ajoute le risque sécuritaire. Nous avons tous en mémoire les tragiques accidents qui se sont produits dans les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus, ainsi que dans celui du Gothard en Suisse.

Le projet dont nous parlons aujourd'hui n'est pas nouveau, et il a déjà été entériné par deux accords, l'un en 1996 et l'autre en 2001. Ces accords, tout comme celui-ci, n'enclenchent pas les travaux ! Ce sont des accords préparatoires formalisant en particulier les études, la gouvernance et mettant en place des outils adaptés pour une meilleure réalisation du projet. Cette nouvelle ligne ferroviaire s'inscrit pleinement dans l'objectif de création d'un réseau européen de transport, voulu par la Commission européenne, et est un maillon du corridor méditerranéen allant d'Algésiras à la frontière orientale de l'Union. Ce sera une ligne mixte passagers et fret, d'une longueur de 269 kilomètres dont 193 kilomètres en tunnels et 76 kilomètres à l'air libre.

Cette ligne sera divisée en trois tronçons : un accès français entre Lyon et St Jean de Maurienne, d'une longueur de 140 kilomètres ; une section transfrontalière entre St Jean de Maurienne et Suse/Bussoleno, de 64 kilomètres ; un accès italien entre Suse/Bussoleno et Turin, d'une longueur de 65 kilomètres. Plusieurs types de trains circuleront : des trains de voyageurs (TGV et TER) pourront circuler jusqu'à une vitesse de 220 km/h et les trains de fret et d'autoroute ferroviaire jusqu'à une vitesse de 120 km/h. À terme, les temps de transport seront donc considérablement réduits : Paris-Milan se fera en 4h contre près de 7h aujourd'hui.

Je passe rapidement sur les dispositions de l'accord, vous trouverez toutes les précisions dans mon rapport. Sachez que cet accord crée un promoteur public chargé de la conduite stratégique et opérationnelle de la partie transfrontalière du projet, une commission des contrats, au sein de ce promoteur public, chargée de contrôler la régularité et la transparence des procédures d'attribution des contrats et marchés, et un service permanent de contrôle, dont la mission sera de veiller au bon emploi des fonds publics et au bon fonctionnement du promoteur.

Sont également définies les clés de financement du projet. Pour la seule partie transfrontalière, le coût s'élève à 8,5 milliards d'euros, à répartir entre l'Union européenne, qui devrait prendre 40% à sa charge, et entre les deux parties : la France paiera 42,1% du reliquat, soit 2,15 milliards d'euros sur 10 à 15 ans, et l'Italie 57,9%.

En effet, afin d'atteindre l'objectif d'un réseau européen de transport moderne et interconnecté, l'Union européenne a décidé de consacrer, dans le cadre de son programme ?TEN-T, 26 milliards d'euros sur la période 2014-2020, c'est-à-dire trois fois plus que sur la période précédente. Le 17 octobre dernier, le commissaire européen chargé des transports, M. Siim Kallas, a rappelé l'importance de ce dossier, le soutien plein et entier de la Commission européenne à la nouvelle ligne ferroviaire et la nécessité, pour les États, de mettre en oeuvre concrètement ce projet. Actuellement, les grandes liaisons sont en Europe sont nord-sud. Bien sûr, ce co-financement suppose aussi le respect de certaines conditions, au premier rang desquelles la présentation d'un plan d'investissement par les deux États, que ceux-ci procèdent par appel d'offres et que la sélection du projet proposé se fasse par une évaluation externe et interne. Les deux États doivent aussi ratifier l'accord qui est aujourd'hui soumis à l'approbation du Sénat et installer le nouveau promoteur.

J'en viens maintenant à ce qui est pour moi l'essentiel de ce projet : ses perspectives !

Les relations franco-italiennes sont riches, les deux pays étant, l'un pour l'autre, le deuxième partenaire commercial (avec 70 milliards d'euros d'échanges en 2012, légèrement bénéficiaires pour l'Italie). L'Italie représente le premier marché pour les ventes de produits agroalimentaires français et constitue un des débouchés privilégiés pour les exportations françaises d'automobiles et de produits métallurgiques. L'essentiel de l'économie italienne se concentre dans le nord-ouest du pays, autour de Milan, véritable capitale économique du pays, de Turin et de Gênes, et se caractérise par une forte présence industrielle. Plus qu'une liaison Lyon-Turin, ce sont aussi les relations Paris-Milan qui bénéficieront de cette nouvelle ligne ferroviaire ! Mettre ces deux villes à 4h de train l'une de l'autre contribue au rapprochement de deux aires économiques fortes : le Grand Paris et la région milanaise.

C'est également la sécurisation des voies de communication entre la France et l'Italie qui est en jeu. Les économies françaises et italiennes sont fortement intégrées, mais néanmoins dépendent de trois passages routiers et une ligne ferroviaire inadaptée. Or ces axes de communication sont fragiles ! Rappelons que suite aux incendies, le tunnel du Mont-Blanc a été fermé pendant 3 ans et celui de Fréjus 2 mois. Un trafic ferroviaire plus intense permettra de réduire la fragilité des axes et de sécuriser les échanges entre les deux pays.

D'autant plus que, les pays alpins développant des infrastructures de transport de ce type, le risque est la marginalisation des flux avec la France si nous restons à l'écart des grands axes de communication modernes. L'Autriche et l'Italie ont mis en place le chantier du tunnel du Brenner, et la Suisse a mis en service le nouveau tunnel du Lötschberg et s'apprête à mettre en service le nouveau tunnel du Gothard. Au final, ces projets et infrastructures renforcent le partenariat économique entre l'Italie et l'Allemagne et risquent de nous isoler.

En outre, rappelons que la liaison Lyon-Turin est un maillon d'une chaine beaucoup plus longue allant du sud de l'Espagne à la frontière orientale de l'Union européenne. De fait, nos échanges avec les pays européens hors UE, comme l'Ukraine (qui représente aujourd'hui 1 milliard d'euros d'exportations), pourront vraisemblablement en profiter.

Enfin, le gain est également assuré en termes écologiques. Dès 1991, en signant la Convention alpine, la France s'est engagée, avec ses partenaires européens, à prendre des mesures, dans le domaine des transports, « en vue de réduire les nuisances et les risques dans le secteur du transport interalpin et transalpin ». En encourageant le report modal, cet accord permettra aussi de réduire les émissions de gaz à effet de serre, puisque le fret ferroviaire possède une plus grande efficacité énergétique que le transport routier.

L'objectif recherché est de passer d'une répartition 85/15 en faveur du routier à une répartition 55/45. La Suisse, qui a fait le choix du ferroviaire, a mis sur rails 80% de son trafic de marchandises. Rappelons que les études menées par « Lyon-Turin ferroviaire » ont montré que sur les 350 km de liaison, un poids lourd rejetait une tonne de CO2 dans la vallée alpine. Tout report modal est autant de gaz épargné à l'environnement !

Bien sûr, comme tout projet d'envergure, celui-ci n'est pas exempt d'oppositions. Tout d'abord, sur le coût. Un rapport de la Cour des Comptes a estimé le coût total du projet à 26 milliards d'euros ! Comme il a été répondu, cette estimation est largement surestimée car elle englobe des coûts qui n'ont pas à être pris en compte pour la France, comme la modification du tracé en val de Suse, intégralement pris en charge par l'Italie. Par ailleurs, le financement du projet se fera à très long terme, sur plusieurs décennies, permettant de ne pas grever les finances publiques dans une période budgétaire déjà contrainte.

Ensuite, sur le phasage. Les opposants au projet soulignent que le tunnel va déboucher sur la ligne existante, vétuste et inadaptée ! Or, c'est oublier que la construction du tunnel va provoquer de fait l'accélération de l'ouverture des travaux pour les accès. Le calendrier indicatif pour ceux-ci se trouve dans mon rapport, je vous y renvoie.

Enfin, les opposants pointent la sous-utilisation de la ligne actuelle, qui ne serait utilisée qu'à 17% de ses capacités, et serait apte au report modal. La sous-utilisation est une réalité, néanmoins, ainsi que je l'ai précédemment souligné, les caractéristiques mêmes de la ligne historique font qu'on ne peut en attendre davantage.

Le présent accord est un texte technique de gouvernance du projet mais il n'engage pas l'ouverture des travaux, cela nécessitera la signature d'un nouvel accord. J'insiste sur l'importance que celui-ci intervienne rapidement pour que le projet puisse être véritablement enclenché ! Le sommet franco-italien du 20 novembre 2013, qui traitera en particulier du présent projet, doit être l'occasion de lancer la prochaine phase.

En conclusion, ce projet n'est ni démesuré, ni financièrement inopportun, mais il s'agit au contraire d'un projet d'aménagement du territoire cohérent, adapté et vecteur de gains économiques et écologiques. Maillon essentiel de la ligne ferroviaire européenne ouest-est, faire l'économie de cette ligne nous mettrait de fait en marge des échanges avec l'Europe du sud et celle de l'est. C'est pourquoi je vous propose d'adopter ce projet de loi, qui fera l'objet d'un examen selon la procédure normale en séance publique le 18 novembre.

M. Jean-Louis Carrère, président - Je comprends ces préoccupations : sur la nationale 10, ce sont plus de 10.000 camions par jour qui passent, et la forêt landaise n'est plus en capacité d'absorber les émissions de gaz à effet de serre. Je suis donc favorable à ce projet. Néanmoins, l'Europe doit aussi offrir des perspectives en termes de grands travaux : ceux-ci font sens et doivent voir le jour !

M. André Vallini. - Il s'agit à la fois d'un projet d'avenir et d'un vieux projet, présent depuis 20 ans dans nos territoires, il nécessite d'être pris en compte dans le PLU, nos départements sont impactés alors même que le projet est juste esquissé.

Le rapport de la Cour des Comptes a insufflé le doute dans les esprits sur ce projet. Il a fait beaucoup de mal. Mais il ne présente que de fausses alternatives ! Sauf à entreprendre de très lourds travaux, il est impossible d'utiliser la ligne du Mont-Cenis.

Les Verts ont manifesté une opposition forte au projet, en France comme en Italie. C'est contradictoire, car il s'agit d'un projet de report modal ! Je compte sur l'aide de l'Europe, elle ne doit pas flancher malgré les oppositions.

Enfin, s'agissant du soutien financier, on entend parler de grands travaux européens depuis Jacques Delors. Ici, c'est une opportunité formidable ! Mais il faut en parallèle montrer une détermination politique pour faire avancer ce projet d'avenir.

M. Pierre Bernard-Reymond. - Le rapport de la Cour des Comptes a fait beaucoup de mal au projet, qui suscite aussi beaucoup d'oppositions en Italie. Ce projet a-t-il fait l'objet d'un débat public au sens de la législation française ?

Nous avons une habitude de patience, dans les Hautes-Alpes, nous voyons les tentatives de désenclavement, nombreuses mais souvent avortées. Regardez ce qu'il se passe avec l'A51, alors qu'il s'agit pourtant de terminer l'axe Genève-Marseille !

M. Jean Besson. - L'ensemble des élus de Rhône-Alpes soutient ce projet, ainsi que les syndicats et le patronat. Lyon-Turin s'inscrit en réalité dans la liaison Séville-Kiev, seule liaison ferroviaire qui n'est pas nord-sud. Nous sommes tous très mobilisés sur ce dossier.

Quant au rapport de la Cour des Comptes, il est incompréhensible, d'autant plus que le dossier est financièrement solide et qu'il est soutenu par l'Europe !

M. Jacques Berthou. - L'avantage économique sera indéniable pour la région Rhône-Alpes également. Ce projet permettra le transit de voyageurs et facilitera la desserte des vallées alpines. La plus grande partie du tracé est souterrain et permettra de capter une grande partie du trafic du tunnel du Mont-Blanc. Aujourd'hui, il faut trois locomotives pour faire passer un train sur la ligne du Mont-Cenis !

M. Christian Cambon. - Je suis stupéfait de voir que les Verts sont opposés à ce projet, c'est d'autant plus incompréhensible quand on voit le choix de la Suisse d'opter pour le ferroutage et l'impact environnemental du report modal. Quels seront les investissements, côté français, pour améliorer le réseau, au-delà de la création de cette ligne ?

M. Bernard Piras. - Sur ce dossier, il est fondamental de montrer une volonté européenne et italienne de tenir face aux oppositions !

Mme Kalliopi Ango Ela. - Les Verts sont par principe pour le ferroutage. Néanmoins, sur ce dossier précisément, nous émettons des réserves car nous ne sommes pas convaincus de l'utilité économique et écologique du projet. L'influence des Verts ne doit pas être appréhendée à la seule mesure de l'élection présidentielle. Ils ont une importance locale forte, avec une préoccupation récurrente de proximité. Nous estimons nécessaire de revoir les priorités, dont la desserte locale.

M. Raymond Couderc. - L'Europe a revu à la hausse son enveloppe pour les grands projets de transport, mais quid de la ligne Séville-Amsterdam ? Il manque toujours un tronçon entre Montpellier et Perpignan !

Mme Michelle Demessine. - Le trafic routier est trop important, mais il faut garder à l'esprit que c'est le fruit de la mondialisation et de la recherche du profit. L'essentiel du blocage est financier, il y a des freins sur les grands projets d'infrastructure, en particulier ferroviaires. Aujourd'hui ce projet repart mais il doit être porté politiquement ! Il faut s'engager à tous les niveaux, local comme étatique, comme l'avait fait Jean-Claude Gayssot. Et il ne faut pas oublier le rôle que l'Europe a à jouer.

M. Rachel Mazuir. - Il convient d'être vigilant lorsque l'on parle de bilan carbone, car les camions devront toujours aller à Grenay, point de départ de l'autoroute ferroviaire alpine. Ce projet ne règlera malheureusement pas totalement le problème du routier.

M. Jean-Claude Requier. - Cette ligne va permettre d'opérer un rééquilibrage en Europe. Il ne faut pas faire remonter les peurs et les rumeurs.

M. Yves Pozzo di Borgo. - Les responsables italiens sont fortement mobilisés sur cette question, un travail a été mené par M. Virano, président pour la partie italienne de la conférence intergouvernementale pour le Lyon-Turin, afin de renouer le dialogue. Aujourd'hui, le consensus est presque établi dans la vallée. En France nous n'avons pas tenu de débat public.

S'agissant du financement européen, les projets devront être déposés très rapidement, en 2014.

Concernant l'impact économique, bien sûr que c'est en premier lieu la région Rhône-Alpes qui en bénéficiera, tout comme cela avait été le cas pour la région Nord-Pas-de-Calais lors de la mise en service du tunnel sous la Manche. Mais au-delà, l'impact sera aussi positif pour l'ensemble des régions.

S'agissant du phasage, il s'agit évidemment d'une question primordiale. Les accès français et italiens font partie du projet, je vous renvoie à mon rapport pour le détail.

Il est nécessaire d'accélérer les choses, et en premier lieu de déposer le dossier auprès de l'Union européenne.

Le soutien politique est pour cela nécessaire, et l'action de certains, comme M. Jean-Claude Gayssot, a effectivement été décisive pour porter ces projets.

Également, il est vrai qu'en 2013, l'autoroute ferroviaire alpine n'a pu transporter que peu de poids lourds, ses navettes étant limitées à 4 ou 5 par jour. Néanmoins, les estimations à horizon 2035 misent sur 700 000 poids lourds par an.

Quant aux 17%, on ne peut malheureusement pas, techniquement, attendre plus de cette ligne ferroviaire existante. Autrement, on l'aurait privilégiée !

Suivant l'avis du rapporteur, le groupe Écologiste votant contre, la commission a adopté le projet de loi et a proposé qu'il fasse l'objet d'un examen selon la procédure normale en séance publique.

Juridiction unifiée du brevet - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine le rapport de M. Jacques Berthou et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 97 (2013-2014) autorisant la ratification de l'accord relatif à une juridiction unifiée du brevet.

M. Jacques Berthou, rapporteur. - Nous sommes saisis d'un projet de loi autorisant la ratification d'un accord international qui concerne la création d'un système juridictionnel unifié des brevets au niveau européen.

Malgré l'importance de ce texte, nous sommes appelés à nous prononcer dans l'urgence puisque le projet de loi, qui a été déposé au Sénat le 23 octobre, devrait être inscrit à l'ordre du jour de la séance du 21 novembre. En effet le gouvernement souhaite que la France soit l'un des premiers pays à ratifier cet accord.

J'ai donc procédé la semaine dernière à l'audition des différents responsables de ce dossier, au sein du ministère des affaires étrangères, du ministère de la justice et de l'INPI (Institut national de la propriété intellectuelle) sur ce sujet particulièrement technique et important.

Avant de décrire le contenu de cet accord, je voudrais vous décrire brièvement le fonctionnement actuel en matière de brevets.

Qu'est-ce qu'un brevet ?

Le brevet est un titre de propriété industrielle qui confère à son titulaire le droit pour une période limitée dans le temps (20 ans en règle générale) et sur un territoire donné, d'interdire à tout tiers non autorisé d'exploiter (c'est-à-dire de fabriquer, d'utiliser, de commercialiser ou d'importer) l'invention.

Le premier brevet industriel fut délivré en 1421 à Florence et c'est l'architecte et ingénieur Filippo Brunelleschi qui l'obtint pour une invention dans le domaine de la manutention de marchandises destinées au transport par bateau.

Plus tard, c'est à Venise que fut octroyé un second brevet, lorsqu'en 1469, la ville accorda à un assistant de Gutenberg, pour la durée de sa vie, le privilège d'imprimer, à l'exclusion de tout autre, par un système utilisant des caractères mobiles.

Chaque pays a ensuite mis en place son propre système de brevet. Ainsi, le système de brevets français s'appuie sur un droit dont l'origine remonte à la Révolution de 1789.

Un fascicule de brevet comporte deux parties. Les revendications définissent l'objet de la protection demandée. C'est la partie essentielle et juridiquement opposable du brevet.

La description (avec éventuellement les dessins) sert à interpréter les revendications. La description expose l'état antérieur de la technique, le problème technique et la solution apportée. La description sert à interpréter les revendications, mais elle ne crée pas de droit.

Le brevet est un outil majeur pour développer l'innovation. Il permet aux entreprises de rentabiliser, et donc de pérenniser, les investissements réalisés en recherche et développement.

Il participe aussi à la diffusion des innovations, en rendant publique l'invention et en facilitant la délivrance de licences d'exploitation.

Dans une économie basée sur la connaissance, les brevets représentent donc un des facteurs essentiels de l'innovation, de la croissance économique et de la compétitivité.

La procédure de délivrance des brevets se fait en plusieurs étapes.

Le dépôt est la première phase de la procédure susceptible d'aboutir à la délivrance d'un brevet. Il existe plusieurs voies de dépôts selon l'étendue territoriale de la protection que le déposant souhaite apporter à son invention.

- La voie nationale : elle est propre à chaque État qui définit lui-même ses critères de brevetabilité, ainsi que la procédure de dépôt et d'examen.

En France, la demande de brevet se fait auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI).

Une fois la demande déposée à l'INPI, le déposant dispose d'une priorité d'un an pour demander l'extension de la protection en Europe ou à l'international. En pratique, près de 90 % des entreprises françaises utilisent la voie nationale pour leur premier dépôt.

L'INPI reçoit environ 17 000 demandes de brevets français et en délivre plus de 11 000 par an.

- La voie européenne, régie par la Convention de Munich de 1973, est gérée par l'Office européen des brevets (OEB), qui met en oeuvre une procédure de dépôt et d'examen centralisé suivant des règles uniformes.

A partir d'un seul dépôt auprès de l'Office, un brevet européen peut être délivré dans tous les pays désignés par le déposant, parmi les 38 pays membres de l'Office européen des brevets. Ce brevet européen se scinde ensuite en autant de brevets nationaux que de pays désignés.

Chaque année, l'Office européen des brevets reçoit près de 250 000 demandes (dont environ 180 000 par l'intermédiaire des offices nationaux) et délivre entre 50 000 et 60 000 brevets européens par an.

- Il existe également une procédure internationale, issue du traité PCT (« Patent cooperation treaty ») de 1970, gérée par l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).

Elle permet, à partir d'une demande unique, de désigner les États où la protection est souhaitée parmi plus d'une centaine de pays.

Chacun des offices nationaux ou régionaux (tels que l'Office européen des brevets) des États désignés traite la demande selon ses règles propres.

Cette voie internationale n'aboutit donc pas à la délivrance d'un titre international mais à la délivrance de plusieurs brevets nationaux ou régionaux.

L'examen du brevet est l'opération consistant pour un office de la propriété industrielle à procéder à des recherches, afin d'identifier les antériorités susceptibles d'affecter la brevetabilité de l'invention qui fait l'objet de la demande de brevet.

La demande de brevet fait l'objet d'une publication avant toute délivrance. En France, elle intervient 18 mois à compter de la date de dépôt.

La délivrance du brevet est l'opération consistant pour un office de la propriété industrielle à accepter la demande de brevet déposée auprès de cet office.

Cette opération intervient, en général, plusieurs années après le dépôt de la demande.

J'en viens maintenant à la présentation du système du brevet européen et à ses lacunes.

Le brevet européen est né de la volonté des États d'édifier un système de brevets unifié à l'échelle de l'Europe dans un souci de simplification et de réduction des coûts pour les déposants.

A la suite de l'échec des tentatives pour instituer un brevet communautaire, la Convention de Munich du 5 octobre 1973 (dont on vient de fêter le quarantième anniversaire) a mis en place le système du brevet européen dans un cadre intergouvernemental. Il couvre aujourd'hui 38 États, dont l'ensemble des États de l'Union européenne et des pays tiers comme la Turquie et la Norvège.

Ce système repose sur une procédure unique de délivrance des brevets par le biais d'une seule demande auprès de l'Office européen des brevets situé à Munich.

Une fois délivré, le brevet européen éclate en un faisceau de brevets nationaux dans les États que son titulaire a désignés pour voir son invention protégée.

Le brevet européen n'est donc pas un titre unitaire, mais il demeure régi, après la procédure centralisée de délivrance, par les lois nationales.

Bien qu'il soit considéré comme le meilleur au monde, ce système se heurte à une triple limite.

La première tient au fait que la Convention de Munich a été élaborée il y a plus de trente ans et pour une dizaine de pays. Il est donc nécessaire de la moderniser pour l'adapter à l'augmentation du nombre d'Etats parties et aux évolutions technologiques survenues depuis 1973.

La deuxième est financière. Le coût d'accès au brevet européen est sensiblement plus élevé que celui du brevet américain ou japonais (on considère généralement qu'il est au moins 2 à 3 fois plus coûteux : le coût pourrait aller jusqu'à 36 000 euros pour une protection dans l'ensemble des Etats parties contre 2 000 euros aux Etats-Unis et 600 euros en Chine).

Cela tient à la multiplicité des procédures de validation, aux taxes de maintien en vigueur dans l'ensemble des pays désignés et à l'exigence d'une traduction intégrale du brevet dans les langues des pays désignés.

Certes, le Protocole de Londres a modifié le régime linguistique du brevet européen, en allégeant les exigences en matière de traduction, afin de réduire son coût.

Pour ce faire, il prévoit que, dorénavant, la « description » - c'est-à-dire la partie technique du brevet - ne fera plus l'objet de traduction dans les langues officielles des pays désignés.

En revanche, les « revendications » - c'est-à-dire la partie essentielle et juridiquement opposable du brevet - fait toujours l'objet d'une traduction dans les trois langues officielles de l'Organisation européenne des brevets, c'est-à-dire l'allemand, l'anglais et le français.

La troisième limite a trait à la sécurité juridique en l'absence d'harmonisation des litiges. Chaque brevet européen relève, en matière de contentieux, du juge national. Et rien ne garantit qu'une décision d'un juge dans un pays fasse l'objet, pour un litige identique, d'une même décision dans un autre pays.

Cela représente une lacune d'autant plus importante que les grands pays tiers (Chine, Etats-Unis) disposent, pour leur part, d'un système juridictionnel unifié.

L'idée d'un brevet de l'Union européenne assurant une protection uniforme sur tout le territoire européen - alors qualifié de « brevet communautaire » - a germé dès 1975.

Plusieurs tentatives ont avorté, en 2000 et en 2003.

Le Conseil des ministres de l'UE, au terme d'un long débat, avait alors constaté qu'il était impossible de recueillir l'unanimité requise, en raison notamment des questions touchant au régime linguistique.

En effet, l'Italie et l'Espagne, dont les langues sont respectivement la quatrième et la cinquième les plus parlées de l'espace communautaire, exigeaient de bénéficier du régime dont jouissent l'anglais, l'allemand et le français dans le cadre du brevet européen.

La Commission européenne a relancé les discussions en avril 2007 et a présenté deux nouvelles propositions en juin 2010. Toutefois, la négociation a échoué fin 2010, une fois encore en raison du régime linguistique : l'Espagne et l'Italie ont rejeté un régime fondé sur les seules langues française, anglaise et allemande.

Les 25 autres Etats membres de l'Union européenne ont alors décidé de s'engager dans une « coopération renforcée ».

Je rappelle que la « coopération renforcée » est un mécanisme qui permet aux Etats membres qui le souhaitent d'aller plus vite et plus loin en matière d'intégration sans en être empêchés par les autres, sur le modèle de l'euro ou de Schengen.

12 pays, dont la France, en ont fait formellement la demande dès décembre 2010, rejoints progressivement par les autres Etats membres.

En mars 2011, le Conseil de l'Union européenne a adopté la décision autorisant, conformément à l'article 20 du traité sur l'Union européenne, une coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection unitaire par brevet.

En réaction, l'Espagne et l'Italie ont saisi la Cour de justice de l'Union européenne d'un recours en annulation contre la décision du Conseil autorisant la coopération renforcée en mars 2011.

Les négociations relatives à la mise en oeuvre de cette coopération renforcée ont conduit, le 10 décembre 2012, le Conseil des ministres à trouver un accord sur les deux règlements de l'UE mettant en oeuvre la coopération renforcée (l'un portant sur la création du titre de propriété intellectuelle, et l'autre sur le régime des traductions).

Parallèlement, des négociations ont été menées en vue de créer une juridiction unifiée des brevets.

Les premiers travaux menés ont abouti en 2009 à un projet d'accord sur la création d'une juridiction ayant compétence exclusive à la fois pour les brevets européens et pour les brevets européens à effet unitaire.

Ce projet d'accord avait vocation à être conclu, d'une part, par l'Union européenne et ses Etats membres et, d'autre part, par les Etats tiers à l'Union européenne et parties à la Convention sur le brevet européen.

En juin 2009, au regard des interactions fortes entre cette future juridiction et l'ordre juridique de l'union européenne, le Conseil a demandé à la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) de rendre un avis sur la compatibilité de ce projet d'accord avec le droit de l'Union européenne.

Dans son avis rendu le 8 mars 2011, la Cour a conclu que le système envisagé n'était pas compatible avec les dispositions du droit de l'Union.

Les Etats membres ont procédé en conséquence à plusieurs modifications : ils ont ajouté des garanties destinées à s'assurer que les mécanismes de mise en oeuvre du droit de l'Union, applicables à l'égard des juridictions des Etats membres, le seraient également à l'égard de la future juridiction et sont convenus que la future juridiction devrait prendre la forme d'une juridiction « commune aux Etats membres », ce qui emportait deux conséquences : l'exclusion de la participation d'Etats tiers à l'accord, ainsi que celle de l'Union européenne.

Les négociations se sont ensuite poursuivies parallèlement à celles concernant la mise en oeuvre de la coopération renforcée.

Dans la dernière partie de ces négociations (fin 2011-juin 2012), la difficulté a porté sur le choix du siège de la division centrale de la nouvelle juridiction, Paris, Munich et Londres le revendiquant.

Après de longues négociations, une solution a finalement pu être trouvée lors du Conseil européen de juin 2012.

L'accord relatif à une juridiction unifiée du brevet a été signé le 19 février 2013 par les tous les Etats membres de l'Union européenne, à l'exception de l'Espagne, de la Pologne. La Croatie a indiqué sa volonté de rejoindre la coopération renforcée sur le brevet européen à effet unitaire et l'accord international sur la juridiction unifiée des brevets.

Le schéma juridictionnel envisagé repose sur une juridiction unifiée, compétente à la fois pour les brevets européens « classiques » et les nouveaux brevets européens, dits « à effet unitaire ».

La juridiction aura compétence exclusive pour connaître des actions relatives à la contrefaçon et à la nullité des brevets européens au sens de la convention de Munich et des brevets européens à effet unitaire.

La juridiction se composera d'un Tribunal de première instance et d'une Cour d'appel.

Le Tribunal de première instance comprendra une division centrale, des divisions locales (jusqu'à 4 par pays), et/ou des divisions régionales, créés par deux Etats ou plus.

S'agissant de la division centrale, elle se compose de trois sections spécialisées par matière, situées respectivement à Paris (siège de la division), Londres et Munich.

S'agissant de la Cour d'appel, elle sera située à Luxembourg.

La juridiction saisira la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles afin de garantir le respect du droit communautaire.

Enfin, on peut relever que le greffe sera également situé à Luxembourg et qu'un centre de médiation et d'arbitrage doit également être créé, dont le siège sera situé à Lisbonne et Ljubljana.

Un cadre de formation des juges aura son siège à Budapest afin d'assurer et de renforcer l'expertise des juges dans les domaines technique et juridique.

Que faut-il penser de cet accord ?

D'une manière générale, la France a apporté un soutien constant au principe du brevet dit « communautaire », puis du brevet européen à effet unitaire. En effet, l'unification du régime du brevet en Europe permettra de stimuler l'innovation et la compétitivité de nos entreprises, par une baisse des coûts et une simplification des procédures.

L'accord sur la juridiction unifiée du brevet est particulièrement favorable pour la France. En effet, les négociations ont permis de conforter la place du français dans le système européen du brevet, puisque c'est le régime trilingue qui sera d'application pour le brevet européen à effet unitaire. La préservation de la langue française mérite d'être d'autant plus soulignée que plusieurs États membres ont clairement plaidé au cours de cette négociation en faveur d'un régime « tout anglais ».

Elles ont également permis d'obtenir que Paris soit le siège de la division centrale de la juridiction. Ce faisant, la place de Paris est consacrée comme lieu majeur en matière de propriété industrielle.

Enfin, la France a obtenu que le président du tribunal de première instance qui sera le premier à siéger sera de nationalité française.

Cela est loin d'être négligeable, au regard du rôle majeur qu'il jouera dans la mise en place de l'ensemble des règles de procédures de la nouvelle juridiction, plus globalement de son fonctionnement.

Sur proposition du rapporteur, la commission adopte le projet de loi et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.

Contrat d'objectifs et de moyens de Campus France - Communication

La commission entend la communication de Mme Kalliopi Ango Ela et examine le projet d'avis de la commission sur le contrat d'objectifs et de moyens de Campus France.

Mme Kalliopi Ango Ela, rapporteure. - En application de l'article 1er de la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'Etat, nous devons examiner pour avis le projet de contrats d'objectifs et de moyens (COM) de Campus France.

Le contexte mondial de l'enseignement supérieur est marqué par une forte croissance de la mobilité étudiante internationale. Les deux tiers des étudiants en mobilité proviendront en 2025 des pays émergents. Cet enjeu majeur soumet les pays d'accueil à une forte concurrence à la fois économique, scientifique et d'influence.

L'ouverture de nos universités et grandes écoles est l'une des conditions du maintien de la position de la France parmi les pays majeurs de l'économie de la connaissance.

La mobilité d'étudiants étrangers vers la France a progressé de 60% au cours des dix dernières années. La France a accueilli en 2011-2012, 288 544 étudiants étrangers et se situe avec l'Allemagne à la 4ème place.

Le contrat d'objectifs et de moyens de Campus France, qui est l'opérateur de cette politique d'attractivité en direction des étudiants et des chercheurs, comporte 4 objectifs stratégiques, eux-mêmes déclinés en 16 sous-objectifs et 47 indicateurs de performances ou d'activité.

Cette présentation a tendance à mettre sur le même plan des objectifs stratégiques fondamentaux et des objectifs secondaires.

Ces quatre objectifs stratégiques correspondent globalement mais pas strictement aux missions fixées par le législateur.

Le contrat ne reprend que de façon atténuée « la promotion et le développement » de l'enseignement supérieur dispensé au moyen des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Cette atténuation s'explique par les nouvelles orientations données par le législateur aux Universités dans le cadre de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.

« L'aide à la délivrance des visas et l'hébergement » est comprise dans l'objectif 2. Dans ce cadre, des guichets uniques aident les étudiants en cours de séjour à constituer leur dossier de renouvellement de titre de séjour et facilitent leur mise en relations avec les préfectures qui les instruisent et les délivrent. Ils aident également les étudiants à trouver un logement.

Je formulerai quelques remarques qui trouveront dans l'avis leur écho sous forme de propositions d'amendement.

Pour l'accomplissement de ses missions, Campus France fait appel au réseau diplomatique à l'étranger, sous l'autorité des chefs de mission diplomatique. Cette capacité est rappelée dans l'objet du contrat. Mais à aucun moment, l'Etat ne s'engage sur le maintien de ce réseau d'Espaces Campus France, ni sur les moyens qu'il lui affecte dans un contexte général de baisse des dotations de fonctionnement des EAF et des subventions aux Alliances françaises, pas plus qu'il ne prévoit une concertation avec l'EPIC Campus France pour définir la cartographie de ce réseau. Je propose d'inscrire cet engagement de l'Etat dans le COM.

L'objectif 4.2. « Améliorer l'efficience de la gestion des crédits des bourses du gouvernement français » est justifié. Les indicateurs de performances associés peuvent être pertinents. Toutefois, les gains de productivité attendus ne peuvent être obtenus que si l'établissement a une visibilité sur le nombre de dossiers qu'il aura à traiter, de telle sorte qu'il puisse affecter à cette mission, le nombre d'agents strictement nécessaire et qu'il puisse dimensionner correctement les moyens de fonctionnement et outils informatiques correspondants.

Il est probable que, compte tenu des frais fixes de structures, le modèle économique de cette activité suppose une augmentation du nombre de bourses gérées pour obtenir une diminution des coûts de gestion. Or, il n'est pas établi dans le contexte budgétaire actuel que l'Etat ait l'intention de développer le nombre de boursiers.

Pour mémoire, le nombre total de bourses du gouvernement français s'est élevé en 2012 à 14 491, en légère baisse par rapport à 2011.

A minima, il serait en conséquence souhaitable que le ministère des affaires étrangères s'engage à communiquer en début d'année civile, après le vote de la loi de finances, le nombre de bourses qu'il demandera à l'EPIC Campus France de gérer.

Le contenu de l'objectif 4.5. « Améliorer l'efficience de la gestion interne à l'opérateur et assurer une gouvernance de qualité » est insuffisant en matière de gestion des ressources humaines. Il serait souhaitable que l'EPIC puisse avoir une visibilité sur les emplois qu'il sera autorisé à pourvoir et donc que l'article 1er contienne un tableau annuel du nombre d'emplois sous plafond.

Le COM ne contient aucune indication sur les priorités géographiques assignées à l'EPIC Campus France dans ses différentes missions. Ces priorités sont définies par le ministère des affaires étrangères. Elles ont nécessairement une incidence pour Campus France, ne serait-ce qu'en termes de coût de déplacement ou d'organisation (langues utilisées dans les publications, organisations des missions...). A tout le moins, les zones prioritaires d'action du ministère devraient-elles figurer dans le COM.

Si le COM fait preuve de réalisme en indiquant des montants de subvention en baisse, on comprend d'autant moins certaines réserves, comme celles concernant les mesures de régulation budgétaire. Les dispositions financières seront toujours soumises à l'aléa de la loi de finances annuelle. Dès lors, si l'on veut trouver un intérêt financier pour l'établissement, l'exonération du gel budgétaire paraît un minimum. Aussi je vous propose de supprimer la mention « et des mesures de régulation budgétaire » de l'article 1er.

L'article 1er indique que « l'EPIC pourra bénéficier de financements complémentaires sur projets, de la part des ministères de tutelle comme d'autres bailleurs. ». Il est pour le moins étonnant que le COM ne mentionne pas les projets susceptibles d'être développés dans les deux prochaines années, ni les financements complémentaires qui pourraient leur être affectés. Le développement des guichets uniques en région, ou encore de système d'identification et d'animation du réseau des « alumnis » (anciens étudiants et chercheurs) sont des projets nouveaux qui auraient pu être identifiés à ce titre et se voir attribuer de nouveaux financements. De fait, il est demandé à l'EPIC de les financer avec une subvention pour charge de service public en diminution.

De surcroit, le COM contient un objectif 4.6. « S'attacher d'une manière générale à diversifier et augmenter les sources de financement de l'opérateur non liées au budget de l'Etat » dont la rédaction est ambiguë. Cet objectif est d'ailleurs dépourvu d'indicateur associé. S'agit-il de demander aux usagers de participer au financement de certains services ? S'agit-il d'orienter les priorités vers les prestations au titre des bourses des gouvernements étrangers au détriment de ses missions de service public ? Il paraît à tout le moins nécessaire que le conseil d'administration de Campus France en débatte. 

Enfin, d'une manière générale, les indicateurs proposés sont de nature quantitative et rarement de nature qualitative. Or, l'efficience d'un service public se mesure aussi par la qualité du service qu'il rend à ses usagers et la satisfaction qu'il leur apporte dans la relation qu'ils nouent avec eux. Il est sans doute difficile de proposer d'emblée un indicateur synthétique mesurant le degré global de satisfaction des usagers. Pour autant, il importe que l'établissement entre dans ce cadre logique et qu'il puisse, en liaison avec les ministères concernés, bâtir le ou les indicateurs qui pourront à l'occasion du prochain COM mesurer sa performance. C'est pourquoi la conduite d'enquêtes de satisfaction est indispensable dans le cadre du COM.

Enfin, je voudrais formuler trois observations complémentaires.

Le COM 2013-2015 est soumis au CA en novembre 2013. Dès lors sa durée de vie se trouve raccourcie à 2 ans. Il serait souhaitable qu'à l'avenir les COM soient préparés et adoptés l'année qui précède leur renouvellement.

Dans l'acronyme COM, le C veut dire contrat. Or comme souvent, les COM fixent des objectifs sur lesquels les établissements s'engagent, ils fixent des indicateurs qui vont permettre d'apprécier leur mise en oeuvre, mais ils sont très évasifs sur les moyens mis à disposition par la tutelle. Dès lors il y a un réel déséquilibre, des obligations certaines, des moyens incertains. C'est plus une feuille de route qu'un contrat.

D'outils de pilotage stratégique, les COM deviennent de plus en plus un nouveau mode d'exercice de la tutelle permettant à l'opérateur et à l'Etat de déterminer les indicateurs d'activité ou de performance sur lesquels la gestion de l'opérateur sera appréciée. D'ailleurs, l'évolution prochaine de la dénomination de ces outils, « contrat d'objectifs et de performances », mettra les mots en adéquation avec la réalité.

Je propose que la commission donne un avis favorable à l'adoption du COM par le conseil d'administration de Campus France, sous réserve des observations et amendements inscrits dans le texte qui vous a été distribué et si vous me suivez dans cette voie, je remercie notre collègue René Beaumont, qui représente le Sénat au sein de ce conseil de se faire votre porte-parole pour faire valoir notre point de vue.

M. Yves Pozzo di Borgo. - La formation des élites est devenue un marché où s'exerce une forte concurrence entre les Etats et leurs établissements d'enseignement supérieur. La France a-t-elle développé une stratégie pour attirer les meilleurs éléments dans ses établissements ? Cette vision stratégique me semble manquer dans le contrat d'objectifs et de moyens.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je me réjouis de la mise en place d'un réseau des anciens boursiers et chercheurs qui ont bénéficié d'un soutien du gouvernement français. C'est un élément important pour le développement de notre stratégie d'influence et nous le demandions depuis longtemps. Nous investissions dans la formation d'étudiants et nous ne conservions aucun lien avec eux.

Je rejoins l'appréciation d'Yves Pozzo di Borgo sur la nécessité d'attirer les meilleurs éléments dans nos établissements et de les orienter vers des filières qui correspondent autant au besoin de développement de ces pays que des besoins de la France. Il est dommage que le contrat d'objectifs et de moyens ne développe pas une réflexion sur les filières à privilégier, notamment scientifiques ou des hautes technologies. Nous avons besoin de mettre l'accent sur ces formations.

A la lecture du document, je vois qu'on fait la promotion de la possibilité de suivre des enseignements en anglais. Même si c'est un élément de la loi Fiorasso, il me semble que nous devons continuer à nous battre pour la pratique de la langue française et sur le développement de la francophonie.

Enfin, il me paraît important dans cette politique d'attractivité de faire un lien avec les conditions d'attribution des visas. Tout se rejoint. Je reviens d'Iran, où nombre de médecins et de scientifiques de haut niveau francophones auraient souhaité venir en France pour se former ou effectuer des recherches et se sont vu refuser un visa sans examen en fonction d'a priori négatifs. Il faut que nous soyons vigilants. Beaucoup de jeunes sont découragés parce qu'ils ont investi dans des formations intensives en français auprès des alliances françaises ou des instituts français et se voient refuser un visa. On devrait en tenir compte davantage.

M. Jeanny Lorgeoux. - Cet avis s'inscrit dans la vision stratégique que nous avons développée dans le rapport du groupe de travail sur l'Afrique que nous venons d'adopter.

Mme Kalliopi Ango Ela, rapporteure. - Le contexte mondial de l'enseignement supérieur est marqué par une forte croissance de la mobilité étudiante internationale. Le nombre des étudiants en mobilité, 4 millions aujourd'hui, devrait atteindre 7 millions en 2025, pour une population étudiante mondiale qui sera passée de 100 à 200 millions entre 2000 et 2015. Les deux tiers proviendront des pays émergents. Cet enjeu majeur soumet les pays d'accueil à une forte concurrence à la fois économique, scientifique et d'influence.

Il faut distinguer la stratégie d'attractivité qui est mise au point par le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et sa mise en oeuvre s'agissant de la promotion des études en France et de la gestion des bourses qui appartient à l'établissement public Campus France. Il n'est donc pas anormal que l'on ne retrouve pas dans le document les éléments de la stratégie d'attractivité qui ont été exposés ici par le ministre des affaires étrangères et la directrice générale de la mondialisation.

Il est effectivement important de mettre en oeuvre un réseau des anciens boursiers, étudiants et chercheurs pour asseoir notre politique d'influence, comme il en existe un, depuis peu, des anciens élèves des établissements.

De même, pour ce qui concerne les visas, chacun s'accorde à penser que la délivrance de titres de séjour à entrées multiples pour les étudiants et les chercheurs serait une bonne initiative. Nous pourrons sans doute interroger le ministre de l'intérieur lors de son audition en fin d'après-midi.

M. Jean-Louis Carrère, président,- Le projet d'avis a été distribué. Je le mets aux voix.

Le projet d'avis est adopté à l'unanimité, il sera transmis au ministre des affaires étrangères et au président de l'établissement public industriel et commercial Campus France.

Nomination de rapporteurs

La commission nomme rapporteurs :

. Mme Joëlle Garriaud-Maylam sur le projet de loi n° 114 (2013-2014) autorisant la ratification du traité entre la République française et la Fédération de Russie relatif à la coopération dans le domaine de l'adoption ;

. Mme Josette Durrieu sur la proposition de résolution européenne n° 101 (2013-2014) au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, présentée par M. Simon Sutour, Mmes Bernadette Bourzai, Catherine Morin-Desailly et M. Jean-François Humbert, sur la politique méditerranéenne de l'Union européenne.

Loi de finances pour 2014 - Mission « Sécurité » et mission « Immigration et asile » - Audition de M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur

La commission auditionne M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur, sur le projet de loi de finances pour 2014 (mission Sécurité et mission Immigration et Asile).

M. Jean-Louis Carrère, président - Je vous remercie, Monsieur le Ministre, d'avoir répondu à notre invitation pour venir devant la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, pour cette audition consacrée aux crédits de la Gendarmerie nationale et ceux destinés à l'immigration et l'asile dans le projet de loi de finances pour 2014.

Mais avant de vous entendre, je voudrais, au nom de mes collègues, dire quelques mots sur les évènements survenus lors des cérémonies du 11 novembre à Paris. Cette commémoration est un moment de rassemblement républicain autour des soldats tombés pour la France et il faut condamner de manière la plus ferme le comportement déplacé de certains groupes, qui ne respectent en rien la mémoire et le recueillement.

Vous allez nous présenter les grandes lignes des budgets de la gendarmerie et de l'asile et de l'immigration, mais peut-être pourriez-vous, Monsieur le Ministre, nous dire quelques mots concernant vos priorités concernant la politique en matière de sécurité et la politique d'immigration et d'asile. Je pense notamment aux zones de sécurité prioritaires, au plan de lutte contre les cambriolages ou encore à la réforme du droit d'asile.

Concernant le budget de la gendarmerie, qui fait l'objet d'une priorité gouvernementale, je me félicite de la création de 162 postes supplémentaires, après plusieurs années de diminution des effectifs. Des tensions pèsent toutefois sur le fonctionnement.

La commission a entendu le 22 octobre dernier le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Denis Favier, qui nous avait fait part des difficultés de la gendarmerie concernant la fin de gestion de l'année 2013 en raison du « gel » et du « surgel » des crédits, qui auraient eu des conséquences sur l'activité opérationnelle des unités.

Je me félicite que vous ayez obtenu depuis de Bercy une levée de la réserve de 111 millions d'euros au profit de la police et de la gendarmerie, ainsi qu'une enveloppe de 10 millions d'euros supplémentaires pour l'immobilier de la gendarmerie. Mais comment éviter qu'une telle situation ne se reproduise l'année prochaine ?

Concernant l'asile, dans une mission dont la dotation reste globalement stable entre 2013 et 2014, ce sont cette année encore les crédits liés à l'exercice du droit d'asile qui représentent l'essentiel des dépenses. Les demandes d'asile sont en constante progression depuis plusieurs années, et nous sommes confrontés à leur traitement, de plus en plus long. Vous avez signé en septembre dernier un contrat d'objectifs et de performance avec l'OFPRA, pouvez-vous nous en présenter les grandes lignes et ce que vous en attendez ?

Voilà, Monsieur le Ministre, quelques observations d'ordre général, mais les deux rapporteurs pour avis du budget de la gendarmerie, nos collègues Gérard Larcher et Michel Boutant, et nos deux rapporteurs pour avis sur l'asile et l'immigration, nos collègues Alain Néri et Raymond Couderc, ainsi que d'autres collègues, auront certainement beaucoup de questions à vous poser, à l'issue de votre exposé liminaire.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur.- Je viens aujourd'hui vous présenter deux des programmes budgétaires dont j'ai la responsabilité et qui touchent directement aux compétences de votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Il s'agit des budgets de la Gendarmerie nationale et de celui de l'asile.

Vous m'invitez, Monsieur le Président, à évoquer avec vous de façon un peu plus générale les politiques de sécurité et d'asile. Je réponds volontiers à cette invitation : c'est toute l'utilité d'une audition comme celle-ci. En vous présentant ces budgets, je souhaite donc surtout souligner devant vous quelles sont les priorités du gouvernement et les moyens qu'il entend y consacrer.

Quelques mots donc sur la politique de sécurité. En introduction, vous avez évoqué les zones de sécurité prioritaires (ZSP). La création de ces zones de sécurité prioritaires figurait parmi les engagements du Président de la République, afin de lutter contre la spirale de l'insécurité quotidienne et l'enracinement de la délinquance dans certains territoires où la délinquance est enracinée ; en ville, bien sûr, mais aussi dans certains territoires ruraux.

Cet engagement a été tenu avec la création de 64 ZSP. Parmi elles, 14 ont été mises en place en zone de compétence exclusive de la gendarmerie ou au sein de zones relevant pour partie de la police et de la gendarmerie nationales. J'annoncerai dans les prochains jours une courte liste de nouvelles zones. A terme, il devrait y avoir une centaine de ZSP sur le territoire.

La mise en place des ZSP a apporté des changements profonds. Car pour faire reculer durablement la délinquance, il faut s'y attaquer en profondeur et cela nécessite de revoir nos méthodes.

La coordination des forces de sécurité intérieure a été renforcée. Favoriser les échanges d'information, constituer des équipes communes, décloisonner les pratiques : il s'agit d'une évolution majeure !

La mise en place des ZSP a également permis de rendre le partenariat entre les forces de l'ordre et les acteurs locaux plus opérationnel en le portant sur des objectifs précis : lutte contre les atteintes aux biens, à la tranquillité publique, prévention de la récidive.

Les premiers résultats obtenus dans les ZSP ne sont pas le fruit du hasard. Ainsi, les atteintes aux biens sont en baisse, de près de 800 faits (soit une baisse de 6,2%), sur les 10 premiers mois de l'année 2013 par rapport aux 10 premiers mois de 2012 sur l'ensemble des communes de la zone gendarmerie concernées par les ZSP. Je m'en félicite mais je me garde de tout triomphalisme. En matière de sécurité, de lutte contre la délinquance, contre les trafics, seuls la persévérance, la mobilisation, l'engagement font que l'on parvient à l'objectif fixé.

Vous avez également évoqué, Monsieur le Président, la thématique des cambriolages. Vous le savez, je suis particulièrement attaché à la lutte contre ce phénomène. Les cambriolages sont vécus comme un véritable traumatisme par nos concitoyens. Un cambriolage, c'est une atteinte insupportable à l'intimité du foyer.

Au plan national, cela fait cinq ans que le nombre des cambriolages ne cesse d'augmenter : une hausse de 18% de 2007 à 2012, dont +44% pour les résidences principales. Même si nous sommes encore loin des niveaux enregistrés en 2002 et 2003, la tendance doit absolument être inversée.

Les vols à main armée sont aussi un sujet de préoccupation, car ils augmentent depuis le début de l'année ; très loin, cependant, de l'explosion observée en 2008 et 2009 avec +34%. Il faut stopper cette tendance dont les commerçants sont les principales victimes. On ne peut pas admettre que des commerçants viennent travailler, chaque jour, avec la peur de se faire braquer.

Lutter contre ces phénomènes, de façon déterminée, résolue, offensive, c'est l'objet du plan national dont j'ai annoncé le lancement le 25 septembre dernier.

Ce plan comporte quatre volets :

- la redéfinition d'une stratégie de police judiciaire ciblée sur les délinquants d'habitude et les filières structurées ;

- l'occupation renforcée de la voie publique ;

- la protection des commerçants ;

- la mobilisation de nos partenaires.

Il s'agit de renouveler les méthodes et la stratégie afin de gagner en efficacité et en réactivité. Aucun effort ne sera épargné pour y parvenir : c'est notre engagement devant les Français.

J'en viens aux aspects plus strictement budgétaires de mon propos. Je connais l'attachement des Sénateurs, et celui des rapporteurs, Messieurs Michel Boutant et Gérard Larcher au premier chef, à la gendarmerie nationale, à son maillage territorial, à l'efficacité de son action, et à sa relation de grande proximité avec les élus locaux. Cet attachement est aussi le mien, vous le savez.

Nos concitoyens ont une attente forte en matière de sécurité. Il faut y répondre. Ce qui implique de disposer de forces de l'ordre en nombre suffisant, respectées et considérées, et enfin, bien équipées.

Des effectifs en nombre suffisants d'abord. Vous le savez, les années 2008-2012 ont été des années de diminution drastique des effectifs : 7 000 suppressions dans la police et 6 700 suppressions dans la gendarmerie nationale.

Vous constatez tous les jours les effets de cette politique : des brigades aux effectifs incomplets, qui, parfois, s'approchent dangereusement du seuil minimal nécessaire pour fonctionner.

Sans changement de politique il y a un an et demi, les effectifs des forces de l'ordre auraient encore diminué de plus de 6 000 postes en 2013 et 2014.

Parce que le Président de la République a fait de la sécurité des Français une priorité, nous avons rompu avec la politique de suppressions d'emplois dans la police et dans la gendarmerie.

En 2013, tous les départs en retraite dans les deux forces ont été remplacés. Il en sera de même en 2014 et 405 fonctionnaires et militaires supplémentaires seront recrutés : 162 dans la gendarmerie, 243 dans la police. Deux tiers de ces recrutements seront constitués de titulaires, contre seulement un quart cette année. Cet effort se poursuivra en 2015, jusqu'à la fin du quinquennat.

Je tiens à souligner cet effort de recrutement dans un contexte de contrainte budgétaire et alors même que la quasi-totalité des ministères voient leurs effectifs baisser.

Les effectifs ne sont pas tout. Nous devons travailler sans cesse sur des réorganisations permettant de gagner en efficacité :


· Redéploiements territoriaux des zones de compétences entre la police et la gendarmerie : les opérations conduites en septembre dernier sont encourageantes. J'ai pu m'en apercevoir moi-même en me rendant dans le Loir-et-Cher, à Romorantin, et dans le Val d'Oise ;


· Mutualisation des fonctions de police technique et scientifique de premier niveau : elle est déjà à l'oeuvre dans la Creuse, elle le sera dès le début de l'année prochaine dans trois nouveaux départements ;


· Réforme du renseignement territorial avec l'association plus étroite de la gendarmerie dans les services départementaux d'information générale (SDIG) ;


· Réorganisation des fonctions support : le service unique des achats, de l'équipement et de la logistique de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la sécurité civile, que je vous avais annoncé l'an dernier, sera opérationnel le 1er janvier prochain.

Ces réorganisations doivent nous permettre d'atteindre les objectifs que j'ai assignés aux deux forces : que cela soit dans les zones de sécurité prioritaires, mais plus largement, dans la lutte contre les cambriolages et les vols à main armée.

Les effectifs de la gendarmerie nationale seront donc plus nombreux l'an prochain.

Ils seront également mieux considérés au plan statutaire et indemnitaire. L'année 2014 sera de nouveau une année de nette amélioration de la situation des personnels de l'arme. En effet, le passage à la catégorie B des sous-officiers sera poursuivi, avec une entrée en vigueur de la tranche annuelle le 1er septembre prochain.

Par ailleurs, une indemnité de fonctions et de responsabilité sera versée à 3 000 commandants d'unité, afin de mieux valoriser les fonctions d'encadrement.

Pour ce qui concerne les moyens de fonctionnement, d'équipement et d'investissement, les effets de la RGPP ont été néfastes avec une baisse de 18% aboutissant à :


· des renouvellements d'équipements reportés d'année en année, notamment pour le parc automobile : la gendarmerie n'a acquis que 300 véhicules en 2012 là où elle aurait dû en renouveler 3 000 ;


· des investissements, notamment immobiliers, réduits à néant ;


· des crédits de fonctionnement extrêmement tendus et soumis à la contrainte de plus en plus forte du poids des loyers.

L'année 2013 a permis une première inflexion avec une stabilisation des crédits de fonctionnement et d'investissement. Néanmoins les mesures de régulation budgétaire - les gels et surgels - ont placé la gendarmerie, comme la police, dans une situation difficile.

Cette analyse a été partagée par le Premier ministre et le ministre du budget. 111 millions d'euros ont donc été restitués aux deux forces de l'ordre en cette fin d'année 2013. Cela permettra à la gendarmerie nationale, non seulement d'assurer un fonctionnement normal de ses brigades, de ses escadrons et de l'ensemble des unités, jusqu'au 1er janvier prochain, mais aussi d'acquérir 1 500 véhicules et 10 000 terminaux informatiques non remplacés depuis plus de deux ans.

J'ajoute que pour faire face aux besoins immobiliers les plus pressants, j'ai obtenu un dégel supplémentaire de 10 millions d'euros d'autorisations d'engagement. Elles permettront de réaliser d'ici la fin de l'année, des travaux indispensables dans plus de 200 logements de gendarmes et de leurs familles.

Pour 2014, nous continuons à infléchir la tendance à l'oeuvre depuis 5 ans. Les crédits de fonctionnement et d'investissement progresseront de près de 1% l'an prochain. C'est modeste, j'en conviens, mais cette augmentation doit être appréciée au regard des efforts accomplis par la quasi-totalité des services publics.

J'avais entendu l'an dernier vos inquiétudes concernant la réalisation d'opérations immobilières en partenariat avec les collectivités locales. J'ai donc obtenu de pouvoir inscrire 6 millions d'euros d'autorisations d'engagement nouvelles, ce qui permettra de lancer 41 opérations comportant 439 logements.

Enfin, 10 millions d'euros d'autorisations d'engagement permettront d'engager de nouvelles opérations de restructuration et de maintenance lourde.

J'ai bien conscience de la situation très dégradée du parc immobilier, notamment domanial, de la gendarmerie nationale, et que les efforts que nous pouvons faire sont encore éloignés de besoins réels. Nous devons donc travailler sur des solutions innovantes, notamment en partenariat de long terme avec des opérateurs immobiliers. Nous y travaillons actuellement, et j'aurai l'occasion d'évoquer à nouveau ce point devant vous.

J'en viens aux crédits du programme « immigration, asile et intégration ».

J'évoquerai principalement l'asile, qui fait l'objet du rapport pour avis de Messieurs Alain Néri et Raymond Couderc. Les crédits qui y seront consacrés en 2014 dépasseront 503 millions d'euros soit environ 80% des crédits du programme « immigration et asile » et 0,4% de plus qu'en 2013.

L'asile est un droit constitutionnel, conventionnel, européen, bien sûr. Mais dans notre tradition républicaine, c'est surtout un droit sacré ; l'honneur de la France. Mais notre système d'asile implose : depuis 2007 la demande d'asile augmente en moyenne de 10% chaque année. Avec probablement 68 000 demandes en fin d'année, ce chiffra aura doublé en six ans. Nous le savons, 80% de ces demandes aboutiront à un rejet par l'OFPRA et la CNDA.

Les problèmes de l'asile, nous les connaissons ; et beaucoup d'entre vous les vivent au quotidien dans leur territoire : allongement des délais d'instruction ; concentration des demandeurs d'asile dans certaines régions et villes ; saturation des hébergements par les déboutés non éloignés.

En matière d'asile, ce budget 2014 est un budget de transition, avant la réforme de la politique d'asile, que vous avez évoquée, Monsieur le Président Carrère. Ce budget apporte une première réponse d'urgence avec :


· un nouveau renforcement de l'OFPRA, à hauteur de 10 emplois, comme en 2013, pour améliorer les délais de traitement des demandes d'asile.


· le financement de 2 000 nouvelles places en centres d'accueil pour demandeurs d'asile qui ouvriront en avril et en décembre prochains ; cet effort vient amplifier l'action déjà conduite en 2013 qui a vu l'ouverture de 2 000 places de CADA en juillet dernier.


· Enfin, nous tirons toutes les conséquences du rapport que j'avais demandé, conjointement avec le ministre délégué en charge du budget, à l'IGF et à l'IGA sur la gestion de l'allocation temporaire d'attente (ATA). Déjà 7 millions d'euros de versements indus ont été supprimés au deuxième semestre 2013.

Mais, en dépit des efforts considérables du gouvernement, c'est bien l'ensemble du système qu'il faut réformer.

J'ai lancé en juillet dernier une large concertation en associant les collectivités territoriales, les administrations, le HCR, la CNDA et toutes les associations du champ de l'asile. Deux parlementaires, Mme Valérie Létard et M. Jean-Louis Touraine, me feront des propositions pour refonder la politique de l'asile.

A ce stade, aucun scénario de réforme n'est arrêté mais des sujets incontournables ont d'ores et déjà été identifiés par les parlementaires :


· Une réduction significative des délais (17 mois en moyenne aujourd'hui, 9 mois en 2015) ;


· Une détermination dès l'arrivée, de l'éligibilité de la demande d'asile avec un traitement accéléré des demandes dont le fondement est de toute évidence infondé.


· Un pilotage plus directif des hébergements : des équilibres entre territoires doivent être recherchés. Les demandeurs d'asile doivent être dirigés vers des hébergements en fonction des places disponibles.


· Une territorialisation plus importante de toute la procédure : un dispositif efficace est un dispositif au plus près des réalités locales.


· L'éloignement des déboutés du droit d'asile qui engorgent les hébergements.

Voilà, mesdames et messieurs les Sénateurs, les éléments dont je souhaitais vous faire part. J'ai essayé de me borner aux programmes budgétaires pour lesquels vous m'auditionnez aujourd'hui. Mais je sais que nous avons d'autres sujets de discussions, qui intéressent principalement vos compétences en matière de défense. Je pense notamment à la loi de programmation militaire, que vous avez examinée récemment, ou encore à la réforme du renseignement intérieur et du renseignement territorial, que j'ai initiée ces derniers mois.

M. Michel Boutant, rapporteur pour avis sur le programme « gendarmerie nationale » - Avant toute chose, je voudrais saluer l'engagement du gouvernement au service de la sécurité des Français. Alors que les effectifs de la police et de la gendarmerie ont connu une diminution sensible ces dernières années, il est prévu la création de 162 postes supplémentaires de gendarmes en 2014. Je voudrais également vous féliciter d'avoir obtenu récemment de Bercy la levée partielle du « gel » et du « surgel » affectant la fin de gestion de l'année 2013 pour votre ministère, avec une enveloppe de 111 millions d'euros. Dans un contexte budgétaire difficile, je crois que l'on peut se féliciter de cette mesure.

Après ces observations liminaires, je souhaiterais, Monsieur le Ministre, vous poser quatre questions.

Ma première question porte sur la répartition des 111 millions d'euros entre la police et la gendarmerie ? Par ailleurs, comment éviter que la même situation ne se reproduise en 2014 avec un gel voire un « surgel » des crédits dès le début de l'année ?

Je souhaiterais également vous interroger au sujet de la réduction des tâches indues des gendarmes, en particulier les transfèrement et extractions judiciaires.

Alors qu'un accord avait été conclu en septembre 2010 entre le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice concernant le transfert progressif des transfèrements de détenus à l'administration pénitentiaire, ce processus a été suspendu en 2013 en raison de difficultés rencontrées par l'administration pénitentiaire.

Alors que des effectifs de policiers et de gendarmes ont été transférés à l'administration pénitentiaire, ce sont donc toujours des gendarmes et des policiers qui sont chargés d'effectuer ces transfèrements dans de nombreux départements.

Or, les transfèrements de détenus pèsent lourdement sur les brigades territoriales de la gendarmerie, comme je peux le constater dans mon département de la Charente. Je souhaiterais donc connaître vos réflexions sur ce point.

Je souhaiterais aussi connaître votre sentiment concernant la baisse de la dotation concernant la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale.

Comme vous le savez, les réservistes opérationnels de la gendarmerie jouent un rôle indispensable de renfort des unités, notamment pendant la période estivale ou lors de grands évènements.

Or, depuis quelques années, en raison des restrictions budgétaires, le nombre de réservistes de la gendarmerie et la durée moyenne de service ont tendance à stagner.

En 2014, le budget consacré à la réserve opérationnelle va baisser passant de 40 à 35 millions d'euros. Je regrette personnellement cette diminution compte tenu du rôle important joué par les réservistes et je souhaiterais connaitre votre point de vue.

Enfin, nous avons été nombreux, au sein de la commission, à avoir des inquiétudes au sujet du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur, notamment au regard de son statut militaire.

Pourriez-vous nous présenter brièvement, Monsieur le Ministre, un état des lieux concernant ce rattachement. La gendarmerie nationale a-t-elle trouvé sa place au sein du ministère de l'intérieur et ne faut-il pas avoir des inquiétudes concernant la pérennité de son statut militaire au regard du rapprochement entre gendarmes et policiers ?

M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis sur le programme « gendarmerie nationale » - Avant toute chose, je voudrais saluer l'action des hommes et des femmes de la gendarmerie nationale, qui accomplissent, sur le territoire national, outre-mer ou sur les théâtres d'opérations extérieures, une mission difficile au service de la sécurité des Français.

Après cette remarque d'ordre général, je souhaiterais, Monsieur le Ministre, vous poser quatre questions sur le budget de la gendarmerie pour 2014.

Tout d'abord, je souhaiterais vous interroger au sujet de l'immobilier de la gendarmerie nationale.

Comme vous le savez, 70% du parc domanial de la gendarmerie a plus de 25 ans et certains logements sont dans un état préoccupant. Je pense notamment aux logements des gendarmes mobiles à Versailles-Satory, en particulier le quartier Delpal, que nous avons visité avec mon collègue Michel Boutant ou à la caserne de Melun.

Or, les conditions de logement des gendarmes et de leur famille ont un impact direct sur le moral et la manière de servir.

Après une année 2013 qui a été une « année blanche » pour l'immobilier, les crédits disponibles en 2014 - de 10 millions d'euros - sont très limités et en deçà des besoins. Ils devraient être consacrés en priorité aux opérations de rénovation les plus préoccupantes.

Pourtant les besoins sont urgents, tant en matière de construction (besoin de 200 millions d'euros) que d'entretien lourd (besoin de 100 millions d'euros).

La seule marge de manoeuvre de la gendarmerie en matière d'investissement immobilier est de pouvoir compter sur les revenus tirés des cessions immobilières, notamment la vente de l'ancien siège de la direction générale, rue Saint Didier.

En vertu d'un arbitrage du Premier ministre, rendu le 2 avril 2012, la gendarmerie nationale devrait bénéficier d'un retour sur cessions de 120 millions d'euros sur la période 2012-2014.

Mais cet engagement a été remis en cause par la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement (dite loi Duflot), mais aussi par la situation économique et l'évolution du prix de l'immobilier.

Dans ce contexte, je souhaiterais savoir, Monsieur le Ministre, ce que vous comptez faire concernant l'immobilier de la gendarmerie nationale.

Est-ce qu'une partie du produit des cessions immobilières sera bien affecté à la rénovation immobilière de la gendarmerie ?

Ma deuxième question porte sur les fortes tensions qui pèsent sur le fonctionnement de la gendarmerie et qui obèrent la capacité opérationnelle des unités.

En raison des fortes contraintes budgétaires et de l'augmentation des loyers, les crédits de fonctionnement de la gendarmerie ont tendance à baisser, ce qui a un impact sur le travail et la présence des gendarmes sur le terrain.

Je donnerai l'exemple du carburant, dont le prix a augmenté mais dont la dotation a tendance à stagner ces dernières années.

Ainsi, dans plusieurs groupements de gendarmerie, des consignes ont été données aux gendarmes des brigades de limiter leurs déplacements, de réduire les kilométrages en voiture, de privilégier les déplacements en train, allant jusqu'à préconiser plus de patrouilles à pied et à vélo.

Or, cela va réduire la surveillance sur le terrain car on voit mal une patrouille de gendarmerie à pied ou en VTT couvrir les trois ou quatre cantons de sa communauté de brigades.

Je pourrai citer aussi l'entretien des véhicules. Ainsi, les véhicules en mauvais état sont retirés de la circulation, faute de crédits pour les réparer. Il en va de même pour les munitions, alors que l'entraînement au tir est une obligation.

Dans ce contexte, le projet de budget pour 2014 donne-t-il réellement les moyens de fonctionner aux services de police et de gendarmerie ?

Enfin, ma dernière question porte sur la forte contraction des crédits d'investissement, qui ne permet pas à la gendarmerie de lancer des programmes de renouvellement de ces équipements.

Je pense naturellement au remplacement des hélicoptères monoturbines par de nouveaux modèles ou au remplacement des véhicules blindés.

Mais il en va aussi de même concernant le renouvellement des véhicules ou des ordinateurs.

Après une année blanche en matière de véhicules, il est prévu 40 millions d'euros pour commander 2 000 véhicules sur un parc comprenant 27 500 véhicules. Mais cela suppose que l'intégralité des crédits soit effectivement versée à la gendarmerie, ce qui est loin d'être garanti.

Les fortes contraintes qui pèsent sur les crédits d'investissement me paraissent de nature à fragiliser l'avenir de l'Arme.

Enfin, ma dernière question porte sur les éventuelles conséquences de la réforme territoriale et la diminution du nombre de cantons sur le maillage territorial assuré par la gendarmerie départementale.

M. Alain Néri, rapporteur pour avis sur le programme « immigration et asile » - Le droit d'asile est un sujet sensible, vous vous êtes saisi du problème en mettant en place ce comité de concertation. L'équilibre à trouver est difficile ! Être trop restrictif serait remettre en cause un droit fondamental, mais continuer sur la lancée actuelle conduirait à galvauder un droit pourtant fondamental. Le droit d'asile est une force !

Nous avons constaté, depuis plusieurs années, que le système ne répondait plus aux besoins. Le délai de traitement des demandes s'envole, or il est insupportable de laisser des personnes dans l'incertitude aussi longtemps. La mission que vous avez confiée à nos 2 collègues sur la réforme du droit d'asile s'achève, les conclusions doivent être remises fin novembre. Je vous remercie de nous avoir indiqué les premières orientations qui semblent se dégager, mais pourriez-vous nous dire quelques mots sur le calendrier de la réforme ?

Le « paquet asile », adopté en juin 2013 au plan européen, renforce les exigences en matière d'accueil des demandeurs d'asile et de traitement des demandes. La nouvelle directive « Procédures », qui devra être transposée d'ici à 2015 permet en particulier la présence d'un tiers auprès du demandeur d'asile à l'occasion de son entretien. Quels aménagements seront nécessaires en droit français, lors de la transposition, concernant les procédures ? En particulier, cela pourrait-il rallonger les délais d'instruction et présenter un coût financier ?

M. Raymond Couderc, rapporteur pour avis sur le programme « immigration et asile » - Le gouvernement poursuit en 2014 l'effort de construction de places en CADA. En parallèle, les dotations d'hébergement d'urgence et d'ATA sont revues à la baisse. Néanmoins, compte-tenu des données : consommation prévisionnelle 2013, rythme de construction des places, flux continu des demandes d'asile ... ne craignez-vous pas que la dotation soit rapidement insuffisante pour faire face aux besoins ? Pouvez-vous nous parler de la politique visant à rééquilibrer sur le territoire l'offre d'hébergement vers les départements les moins sollicités actuellement ?

S'agissant des délais de traitement des demandes, ils sont cette année encore critiques : 186 jours en réalisation 2012, 204 jours au premier semestre 2013 ! Le contrat d'objectifs et de moyens de l'OFPRA, signé en septembre dernier, retient pourtant un objectif de traitement global de traitement de 9 mois, recours devant la CNDA inclus ! Soit 3 mois pour traiter le dossier à l'OFPRA. Ces dernières années, des efforts importants ont été fournis pour doter l'OFPRA de moyens dédiés, pourtant cela n'a eu aucune incidence sur le délai de traitement. Dans ce cas, comment pensez-vous atteindre l'objectif de 3 mois ?

M. Christian Cambon. - Au-delà de la question des effectifs, certaines tâches indues, comme les garde-statiques ou les transfèrements, pèsent lourdement sur la capacité opérationnelle de la police et de la gendarmerie. Comme je peux le constater dans mon département, dans certains commissariats, qui comptent pourtant un effectif d'une centaine de policiers, il est parfois très difficile de trouver trois policiers disponibles pour effectuer une patrouille de nuit. Il me paraît donc indispensable de réduire ces tâches annexes afin d'affecter les policiers et les gendarmes sur le terrain.

Vous l'avez rappelé, le droit d'asile est un principe sacré. Néanmoins la frontière est mince entre l'asile et l'immigration ! La suppression du forfait médical est un signe à destination des pays où l'accès aux soins est difficile. Certaines associations, subventionnées par l'État, ont mis en place un système visant à prendre en charge et faire disparaître dans la nature les déboutés du droit d'asile. Quelles mesures comptez-vous prendre ? Ce sont vos efforts qui sont mis à mal !

M. Alain Néri, rapporteur pour avis sur le programme « immigration et asile » - Comme beaucoup de maires de communes situées en zone rurale, nous sommes confrontés à une hausse de la petite délinquance en zone rurale et périurbaine avec en particulier une recrudescence des cambriolages. Or, ce phénomène est très mal vécu par la population qui aspire à vivre tranquillement. Ainsi, les cambriolages sont particulièrement mal supportés parce qu'ils sont perçus comme une violation de l'intimité et lorsqu'ils concernent des objets ayant une valeur affective.

Mme Kalliopi Ango Ela. - S'agissant de la baisse des délais de traitement des dossiers d'asile, pourquoi ne pas donner plus de moyens aux préfectures ? En particulier pour le premier accueil, la remise du dossier OFPRA et de la première autorisation de séjour provisoire ?

M. Jean-Claude Peyronnet. - Je voudrais, pour ma part, me faire le porte-parole d'un département où la situation en matière de sécurité s'améliore, avec une baisse de la délinquance, grâce notamment à la stabilité des effectifs de gendarmes et à la contribution des réservistes. Par ailleurs, grâce notamment aux efforts des collectivités territoriales, les logements des gendarmes dans les casernes locatives ne connaissent pas les difficultés de certains logements dans les casernes domaniales.

M. Jean-Claude Requier. - Je souhaiterais connaître, Monsieur le Ministre, votre sentiment au sujet de l'idée d'une diminution de la limitation de vitesse autorisée.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - S'agissant de l'ampleur de la croissance de la demande d'asile, pourquoi ne pas prendre des mesures visant à permettre l'accès au travail de ces demandeurs ? L'intérêt serait à la fois humanitaire, économique, permettrait de lutter contre le travail non déclaré, d'inciter les gens à garder des papiers d'identité, d'avoir une meilleure connaissance et surtout de faciliter leur intégration. Actuellement, en Europe, seule la Suède accepte ce droit au travail.

M. Jean Besson. - Je souhaiterais, à mon tour, vous faire part de ma préoccupation au sujet de l'état parfois très vétuste de certains logements de gendarmes, en particulier dans les casernes domaniales, qui pèse lourdement sur le moral des militaires de la gendarmerie et de leur famille. Le logement concédé par nécessité absolue de service constitue la contrepartie de la disponibilité du gendarme. Il constitue un cadre de vie pour les épouses et les enfants des militaires de la gendarmerie, ce qui peut avoir de lourdes conséquences sur le moral.

M. Manuel Valls, ministre de l'Intérieur - Je vais d'abord répondre aux questions sur le droit d'asile.

S'agissant de l'allocation temporaire d'attente, ses crédits sont budgétés à 135 millions d'euros en 2014, et sa baisse, par rapport à 2013, s'explique par la mise en oeuvre des recommandations de l'audit réalisé par l'IGA et l'IGF. Le principal facteur déterminant est l'évolution de la demande d'asile, et les prévisions sont fragiles. Le budget 2013 avait été construit sur une hypothèse de croissance de la demande de 4%, or elle sera finalement de 14%. S'agissant des places d'hébergement d'urgence, 2 000 places ont été créées en juillet 2013 et 2 000 seront créées en 2014. Cela soulagera le dispositif mais on doit s'adapter. La politique visant à équilibrer sur le territoire l'offre d'hébergement est une question présente dans la concertation sur la réforme du droit d'asile, il faudra prendre des décisions mais d'abord attendre les conclusions du rapport, car il s'agit d'un sujet délicat.

Concernant le calendrier de cette réforme, les conclusions du rapport vont être remises sous peu, fin novembre. Ensuite j'engagerai une consultation politique et opèrerai des arbitrages pour une loi en 2014. Tout ce qui peut être fait par décret le sera sans attendre la loi.

S'agissant des directives européennes, l'impact sera important sur notre système d'asile, avec des modalités relatives à l'organisation de l'entretien, un délai de 6 mois encadrant l'instruction de la demande d'asile. Il y a là une contradiction entre les principes, les règles de droit, et la réalité ! Un atelier de la concertation a d'ailleurs été consacré à l'évolution et la mise en oeuvre des nouvelles procédures dans le cadre des directives.

L'OFPRA a été dotée de moyens supplémentaires, le nouveau directeur a très bien travaillé, il mène des missions foraines pour régler les problèmes sur le terrain, comme à Lyon ou à Metz. Tant que nous ne trouverons pas de solutions pour réduire les délais, nous serons face à des difficultés.

L'éloignement des déboutés, dans le respect de leurs droits, est aussi une nécessité. La réforme de l'asile devra permettre un service unifié des demandeurs pour que l'État puisse prendre ses responsabilités vis-à-vis des déboutés ayant épuisé toutes les voies de recours.

S'agissant de l'accès au travail, celui-ci sera de droit au bout de 9 mois de procédure en vertu des nouvelles règles européennes. Je reste néanmoins prudent, car un demandeur d'asile, certes a des droits, mais n'est pas pour autant dans un parcours d'intégration, cela n'aurait pas de sens s'il est au final débouté ! Attention à ne pas poursuivre des objectifs contradictoires.

Enfin, la simplification sera un des axes majeurs de la réforme, sans préjuger des conclusions de la concertation. Les missions entre les préfectures, l'OFII, l'OFPRA, et les associations, est à revoir, en particulier pour réduire les délais qui pèsent sur tous. Il faudra aussi revoir les moyens afin que les nouvelles procédures puissent être mises en oeuvre.

Concernant la sécurité routière, grâce notamment à l'engagement du Président Jacques Chirac et de ses successeurs, la situation s'est améliorée puisqu'en dix ans le nombre de morts sur la route a été divisé par deux, avec moins de 4 000 morts en 2012. Mon objectif est d'atteindre la barre des moins de 2 000 morts sur la route avant la fin de la décennie. Le Conseil national de la sécurité routière doit recevoir en novembre un rapport et le délégué interministériel doit étudier plusieurs pistes, comme par exemple la question de l'expérimentation des « boites noires » dans les voitures. On verra ensuite s'il est nécessaire de convoquer un Conseil interministériel. Il faut travailler sur plusieurs pistes, comme l'amélioration de la voierie, notamment sur le réseau secondaire, la prévention, notamment chez les jeunes, la lutte contre l'alcoolisme, les drogues ou l'utilisation du téléphone portable au volant. Mais il est aussi vrai qu'une partie des accidents est due à la vitesse excessive et qu'il ne faut pas exclure d'emblée l'idée d'une baisse de la limitation de vitesse, au moins sur certaines voies ou certains tronçons, même si je sais qu'une telle mesure serait certainement mal perçue par une partie de l'opinion publique.

J'en viens maintenant aux nombreuses questions portant sur la gendarmerie.

Je voudrais tout d'abord rassurer le Président Gérard Larcher car il n'y a aucun lien entre la réforme de la carte territoriale, et le nouveau découpage des cantons, et le maillage territorial assuré par la gendarmerie départementale. Il y a simplement des réaménagements, pour tenir compte notamment des évolutions de la délinquance, mais il s'agit là d'un processus habituel et non d'une remise à plat d'ensemble.

S'agissant des transfèrements, Monsieur le Sénateur Michel Boutant, le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice sont d'accord pour poursuivre le processus de transfert progressif de cette charge à l'administration pénitentiaire. La pierre d'achoppement porte sur le nombre de postes à transférer. Le ministère de la justice souhaiterait obtenir 1 350 postes supplémentaires, alors que le ministère de l'intérieur souhaite que ce nombre soit de 1 200, ce qui représente déjà une augmentation substantielle par rapport au précédent arbitrage. Nous attendons donc l'arbitrage du Premier ministre qui devrait intervenir prochainement.

Concernant la réserve opérationnelle de la gendarmerie, elle représente effectivement un apport important aux unités de la gendarmerie, notamment en période estivale. Compte tenu des difficultés budgétaires, nous sommes contraints de réduire le montant de sa dotation, qui passera à 35 millions d'euros en 2014, mais, contrairement aux années précédentes, cette diminution sera compensée par la création de postes supplémentaires de militaires de la gendarmerie et de gendarmes adjoints volontaires.

Enfin, l'intégration de la gendarmerie au sein du ministère de l'intérieur s'est déroulée dans de bonnes conditions et la gendarmerie n'a pas perdu son identité et son statut militaire. Avec le ministre de la défense, nous venons d'assister aux obsèques du militaire de la gendarmerie, membre du GIGN, décédé lors d'un exercice avec la marine nationale, et je peux témoigner de l'attachement des gendarmes à ce statut militaire, y compris dans de telles circonstances tragiques. Le statut militaire est en effet indissociable de l'identité de la gendarmerie et il existe une vraie complémentarité entre les deux forces de sécurité.

Je partage naturellement vos préoccupations, Monsieur le Président Gérard Larcher, concernant l'état de l'immobilier domanial de la gendarmerie, qui nécessiterait 200 millions d'euros pour la réhabilitation et 100 millions d'euros pour les opérations de maintenance lourde, et je connais bien la situation de vétusté de certaines casernes, qui ne date pas d'aujourd'hui.

Malgré un contexte budgétaire contraint, j'ai obtenu que la gendarmerie puisse bénéficier d'une dérogation afin de pouvoir bénéficier d'une partie importante du produit de cessions, avec un taux de 75%, que je souhaiterais porter à 100%.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 nous avons également prévu une dotation de 6 millions d'euros pour les subventions aux collectivités locales pour la construction de casernes locatives et apporté notre soutien à un amendement visant à reconduire le dispositif des baux emphytéotiques (BEA).

Plus généralement, je suis favorable à une plus grande implication des collectivités locales en matière d'immobilier de la police et de la gendarmerie nationales. Il est d'ailleurs frappant de constater le décalage, lorsque l'on se rend dans les territoires, entre l'état des bâtiments de l'Etat, comme les préfectures, les commissariats ou les casernes de gendarmeries, et celui des immeubles appartenant aux collectivités locales ou à leurs services, comme les casernes des pompiers.

Concernant les moyens de fonctionnement et l'application des mesures de gel et de surgel sur le budget pour l'année 2014, nous serons naturellement vigilants.

Enfin, s'agissant des crédits d'investissement, la situation ne permet pas de renouveler les équipements dont dispose la gendarmerie, mais nous avons engagé une réflexion, à la suite d'un rapport d'inspection remis au printemps dernier, sur une meilleure mutualisation des deux flottes d'hélicoptères du ministère, la flotte d'hélicoptères de la gendarmerie, qui se compose de 56 appareils, et celle de la sécurité civile, qui compte 35 appareils, dans l'objectif de renforcer la mutualisation, notamment du soutien, rationaliser en préservant la capacité opérationnelle, et renforcer les synergies, tout en préservant les missions et l'identité de chacune des deux forces.

J'ai souhaité, M. Christian Cambon, ouvrir une réflexion sur les missions de la police et de la gendarmerie, notamment afin de renforcer la présence des policiers et des gendarmes sur le terrain. Il s'agit d'une réflexion sur la police et la gendarmerie de demain, avec notamment la question de l'utilisation des nouvelles technologies, la diversité du recrutement, etc.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je vous remercie, Monsieur le Ministre, pour vos réponses.

Je voudrais également, au nom de l'ensemble des membres de la commission, rendre hommage au militaire de la gendarmerie, membre du GIGN, décédé lors d'un exercice et avoir une pensée pour sa famille, ses camarades du GIGN et les militaires de la gendarmerie nationale.

Jeudi 14 novembre 2013

- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -

Mali - Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

La commission auditionne M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur l'opération au Mali.

Cette audition ne fera pas l'objet d'un compte rendu.