Mardi 27 mai 2014

- Présidence de M. Raymond Vall, président -

Déploiement d'un réseau d'infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l'espace public - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi n° 505 (2013-2014) facilitant le déploiement d'un réseau d'infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l'espace public.

La réunion est ouverte à 15 heures.

M. Raymond Vall, président. - Nous examinons une proposition de loi importante qui vise à faciliter le déploiement d'un réseau d'infrastructures de recharge des véhicules électriques sur l'espace public.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - La voiture électrique n'est plus aujourd'hui le « véhicule du futur » mais celui du présent. La filière industrielle se structure rapidement : la France est en position de leader européen. La voiture électrique n'est plus un mythe, mais une réalité, elle s'adapte à nos usages et modifie nos comportements. C'est un véritable changement de société, que nous devons accompagner.

Avec environ 25 000 voitures électriques en circulation aujourd'hui en France, il s'agit certes d'un marché encore marginal, puisqu'il représente 0,5 % du parc total d'automobiles. Mais les ventes ont fait un bond de 50 % entre 2012 et 2013. Le développement de cette filière crée des emplois industriels, des métiers nouveaux, stimule la recherche française, promeut le respect de l'environnement et garantit une moindre dépendance aux énergies fossiles. Nous sommes là au coeur de la transition énergétique.

Le président de la République l'a rappelé lors de l'ouverture de la Conférence environnementale pour la transition écologique le 20 septembre 2013 : « La transition énergétique n'est pas un choix de circonstances, ce n'est pas un compromis, ce n'est pas une négociation. La transition énergétique, c'est une décision stratégique ». Nous avons les atouts pour ne pas manquer ce rendez-vous industriel et environnemental : nos entreprises sont d'envergure mondiale dans les domaines de l'automobile, de l'électricité, de la chimie.

Pourtant, si la filière industrielle se structure, les ventes de véhicules électriques démarrent lentement. Le dernier rapport du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec) est alarmant, nous devons réduire plus rapidement les émissions de gaz à effet de serre. Cela concerne évidemment en premier lieu le secteur des transports, responsable de la plus grosse part des polluants dans l'atmosphère.

Il existe encore des freins au développement du véhicule électrique. Le prix tout d'abord, largement dû au coût élevé des batteries, mais qui baissera bientôt avec l'augmentation des volumes et les avancées de la recherche. Le coût mensuel total, location de batterie comprise, est à peu près de 150 euros. La voiture électrique est finalement plus économique pour qui effectue un grand nombre de kilomètres sur l'année, car le coût d'une recharge complète de batterie est d'environ deux euros. À ce propos, la communication est à améliorer, sur le coût comparé du véhicule électrique mais aussi sur les dix-sept modèles existants. Les concessionnaires ne sont pas très diserts sur les voitures électriques - sur lesquels leur commission est faible. Renault s'est engagé à régler le problème.

Le frein le plus sérieux reste l'absence d'un réseau d'infrastructures de charge suffisant et équilibré. Sans elles, le véhicule électrique restera cantonné à un rôle d'appoint. D'autant qu'il s'agit seulement des 10 % de recharges effectuées hors habitation ou lieu de travail. L'autonomie des batteries est de 120 kilomètres en moyenne, mais cette limite matérielle s'aggrave de l'inquiétude qu'inspire aux usagers le faible nombre des bornes sur la voie publique. Ce facteur psychologique doit être levé de toute urgence. L'installation d'un réseau de bornes structuré sur l'ensemble du territoire se traduira par un maillage « intelligent », ne laissant aucune région en marge et correctement réparti entre bornes de charge normale (recharge en huit heures), bornes de charge accélérée (en une heure) et bornes de charge rapide (30 minutes).

Le président de la République, lors de la Conférence environnementale, a fixé un objectif clair : que le pays soit partout équipé d'ici 2015. C'est à cette fin que le groupe socialiste de l'Assemblée nationale a déposé une proposition de loi facilitant le déploiement d'un réseau d'infrastructures de recharge sur l'espace public. Ce texte s'inscrit dans le droit fil des initiatives de la précédente majorité, notamment des préconisations du « Livre vert » de notre collègue Louis Nègre. Le calendrier du projet de loi relatif à la transition énergétique n'étant pas stabilisé, une proposition de loi courte et ciblée semble le meilleur choix pour avancer sur un point très concret et accélérer le maillage de notre territoire en bornes de recharge.

L'article unique prévoit un dispositif simple mais essentiel : il autorise l'État à implanter, soit directement soit via des opérateurs « à maille nationale » (qui peuvent être privés), des bornes de recharge sur le domaine public des collectivités territoriales, sans avoir à payer de redevance. L'objectif est de doubler le nombre de points de recharge d'ici à la fin 2014, en le portant à 16 000. Aujourd'hui, ce sont surtout les collectivités territoriales qui installent des bornes, avec une aide de l'Ademe (à hauteur de 30 ou 50 % selon le type de borne) sur une enveloppe dédiée de 50 millions d'euros dans le cadre des investissements d'avenir. Malgré cette impulsion, seuls 3 760 points de charge ont été installés dans le cadre de ces projets locaux, 1 497 sont en cours d'instruction. On compte aussi environ 5 000 points de charge Autolib à Paris. Des bornes sont également installées grâce à des partenariats privés : Renault et Leclerc en ont installé 800 sur les parkings de supermarchés.

Ce développement n'est pas suffisant. Il doit être complété par des initiatives intelligentes de l'État ou de nouveaux opérateurs afin de déployer un réseau à maille nationale et sans zones blanches. Pour bénéficier de la dérogation au code général de la propriété des personnes publiques et être exonérés de la redevance, ces opérateurs devront s'être concertés avec les collectivités territoriales et les autres intervenants (comme ERDF), et inscrire leur plan de déploiement dans un « projet à dimension nationale ». Les projets seront soumis à l'approbation des ministres en charge de l'industrie et de l'écologie. Pour éviter toute insécurité juridique, je vous soumettrai un amendement réécrivant l'alinéa 2 : la dimension nationale d'un projet sera constituée dès lors qu'il concerne au moins deux régions et garantit une répartition équilibrée des bornes sur l'ensemble du territoire. Ces bornes pourront également être implantées sur le domaine public de l'État, comme les autoroutes, qui ont besoin de points de charge rapide. Afin de ne pas introduire de rupture d'égalité, je proposerai une extension de l'exonération de redevance à tous les opérateurs, publics ou privés.

La notion d'implantation devrait être remplacée par celle, plus précise, de « création, entretien et exploitation », correspondant aux différentes tâches qui incomberont aux opérateurs. Il vaudra mieux parler de « réseau d'infrastructures » plutôt que « d'infrastructures » pour insister sur l'importance d'un maillage équilibré. Je propose encore d'inclure le domaine public des « groupements » de collectivités territoriales comme les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ; enfin de supprimer la mention, introduite à l'Assemblée nationale, des « réseaux de gaz » dans la concertation obligatoire, puisque ceux-ci n'ont aucun lien avec le sujet.

Cette proposition de loi est parfaitement dans l'esprit de la directive européenne relative aux carburants de substitution qui devrait être adoptée très prochainement et qui prévoit que les États membres se fixent, par des plans nationaux, des objectifs en matière de déploiement de points de charge. La complémentarité avec les collectivités, enfin, est le maître mot de ce texte, qui n'introduit aucune concurrence entre les projets mais une coopération intelligente et rationnelle.

M. Louis Nègre. - Cette petite proposition de loi est de grande importance, au moment où la progression des ventes, qui était de 50 % en 2012-2013...

M. Michel Teston. - Mais en nombre de véhicules, cela fait peu !

M. Louis Nègre. - ...se ralentit. Nous en sommes à un point charnière pour l'avenir du véhicule électrique. Depuis 2009, où j'ai été chargé d'une mission sur cette question par François Fillon, la situation a évolué de manière inquiétante : nous étions alors les premiers de la classe, au point que les Allemands qui avaient d'abord privilégié l'hydrogène réorientaient un milliard d'euros vers la voiture électrique. Aujourd'hui nous perdons des parts de marché, notamment de celui de la prise électrique. Les deux plus grands industriels mondiaux du secteur, Legrand et Schneider, sont français et c'est la prise allemande qui s'impose. Voilà le résultat de notre désunion, qui est la caractéristique des Français, tandis que les Allemands se sont unis pour défendre une seule prise et non deux.

Je suis, en tant que maire, très favorable au véhicule électrique : la première nuisance dont se plaignent les urbains, c'est le bruit, or la voiture électrique n'en fait aucun ; la deuxième est la pollution, au sujet de laquelle nous sommes sous contentieux avec l'Union européenne, or la voiture électrique est également de ce point de vue une bonne solution. D'autant que le mix électrique français, à base d'énergie nucléaire, n'a pas les défauts du mix polonais, par exemple.

Je sonne le tocsin : nous étions pourtant bien partis, mais aujourd'hui il y a péril. Cette proposition de loi apporte un coup de pouce supplémentaire pour soutenir cette filière industrielle d'avenir. Je reviens de Hong-Kong, où s'est ouvert le premier salon international des véhicules de nouvelles énergies en Asie. L'essentiel des véhicules présentés étaient de fabrication asiatique, et surtout chinoise. Les Chinois peuvent demain nous imposer leurs véhicules, alors que nous étions les premiers : soyons réactifs !

Il faut aller plus loin en aidant aussi le secteur privé, puisque 90% des points de recharge ne se trouvent pas sur le domaine public. Les certificats d'économie d'énergie sont une bonne méthode. Si nous n'aidons pas le privé, l'avenir de la voiture électrique sera menacé.

Y aura-t-il un projet national cohérent ? Combien aura-t-on d'opérateurs reconnus ? Pourra-t-il y avoir un opérateur entièrement privé ? Ces questions ont été posées à l'Assemblée nationale sans recevoir de réponse du ministre. Il suffira, dites-vous, qu'un opérateur présente un projet pour deux régions. Et les vingt-deux autres ?

Mme Évelyne Didier. - Le problème sera bientôt réglé !

M. Louis Nègre. - Tout opérateur, y compris privé, pourra-t-il intervenir ? Une concertation sera obligatoire avec les collectivités locales responsables du domaine public - très bien. Pour les concessionnaires, l'État a envoyé des messages contradictoires de stop and go. Ils se demandent notamment si le véhicule en location pourra bénéficier du même bonus - or ce n'est pas le cas. L'État n'a pas été à la hauteur sur ce point.

M. Alain Fouché. - Un élément important de ce texte est la volonté de couvrir toutes les zones du territoire - alors que les opérateurs téléphoniques, par exemple, se sont principalement intéressés aux zones urbaines, en délaissant les espaces ruraux.

Je me suis rendu dernièrement à la centrale nucléaire de Civaux, où l'on présentait les derniers véhicules électriques de Renault : les batteries de certains tiennent 300 kilomètres, le progrès est spectaculaire. Une question : à côté des aides de l'État, celles versées par les régions seront-elles uniformisées ?

M. Michel Teston. - Le texte a été bien enrichi par le rapporteur, comme nous le verrons dans les amendements. Que prévoit-on pour s'assurer que les tarifs seront similaires sur tout le territoire ? Parviendra-t-on à éviter les zones blanches et des zones grises, comme il y en a pour le téléphone portable ? Comment est-il prévu de procéder pour que les bornes soient bien réparties ?

Mme Évelyne Didier. - Il s'agit d'une loi « coup de pouce ». Il serait bon de ne pas faire trop de différence entre le domaine public des collectivités territoriales et leur domaine privé, comme les parkings des salles de sport, médiathèques ou cinémas municipaux, qui sont des lieux propices au rechargement. Nous sommes tous sensibles aux problèmes d'aménagement du territoire : quelle sera la taille des « mailles » ? Dix kilomètres, ou plus ?

On envisage que chacun des opérateurs puisse prendre en charge deux régions au minimum : ne risque-t-on pas que certaines ne soient pas couvertes du tout ? L'État prévoit-il un projet national garantissant un minimum partout ?

Le prix de l'eau varient beaucoup d'un territoire à l'autre. Quel garde-fou peut-on envisager pour que des clients captifs ne se voient pas imposer des prix prohibitifs ?

Ce qui boostera les véhicules électriques, ce sera l'accroissement de leur autonomie, c'est-à-dire l'amélioration de leurs batteries. Quant aux vendeurs de véhicules, lorsque j'ai eu l'occasion de me rendre chez des concessionnaires, je n'ai pas perçu un grand empressement à vendre les voitures électriques. Ne mettons pas au compte des réseaux des problèmes dont ils ne sont pas responsables. Notre groupe aurait préféré une initiative purement publique, mais nous soutenons ce texte.

Mme Odette Herviaux. - Un colloque s'est tenu en Bretagne, il y a un peu plus de six ans, sur les obstacles à l'essor des véhicules électriques : l'insuffisance de leur autonomie, l'absence d'une prise unique pour tous les constructeurs et le nombre de batteries disponibles étaient pointés du doigt. Un net progrès serait acquis si on pouvait échanger immédiatement sa batterie chez un garagiste.

Mme Chantal Jouanno. - Nous soutenons cette proposition de loi, qui donne un coup de pouce d'autant plus nécessaire que la France a pris du retard dans ce secteur d'avenir. Le Sénat doit envoyer un message clair : concrètement, il s'honorerait à installer une borne de recharge dont l'accès ne soit pas restreint à ses propres véhicules !

A-t-on des garanties que les collectivités seront associées à la prise des décisions et aux implantations de ces infrastructures ? Enfin, quelles seront les modalités d'attribution du bonus écologique pour les véhicules électriques ? D'après le décret du 30 octobre 2013,  le bonus est minoré pour tous les véhicules en location de longue durée ou avec option d'achat.

M. Charles Revet. - Cette démarche est plus qu'intéressante. Il y avait trois freins au développement du véhicule électrique : son coût, son manque d'autonomie et la possibilité insuffisante de rechargement. Il faut d'autant plus y remédier que nous disposons d'un potentiel électrique important et que cela contribuera à la protection de l'environnement.

Deux des amendements proposés m'interpellent : ce qui compte, c'est de pouvoir s'approvisionner, voire changer de batterie, c'est tout ; or l'amendement 3 parle de « créer, entretenir et exploiter », ce qui demandera une infrastructure importante. Quant à l'amendement 7, il dit que deux régions suffisent à constituer un projet national, or, ce que nous voulons, c'est que l'ensemble du territoire soit couvert. Nous devons tout faire pour favoriser cette démarche.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - Je vois qu'il n'y a pas d'opposition à ce texte et je m'en réjouis. J'ai veillé à intégrer dans mon rapport le plus grand nombre de réponses techniques précises. J'ai eu la chance de travailler, comme souvent, sur un sujet sur lequel Louis Nègre avait fait un rapport.

M. Louis Nègre. - J'en ai aussi fait un sur le ferroviaire, mais là, vous ne pourrez pas me suivre...

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - Il y a bien eu au premier trimestre une baisse de 10 % - peut-être à cause des limites du bonus que vous avez soulevées. Autre facteur, les collectivités locales et les syndicats d'électricité, qui installaient des bornes, ont ralenti l'effort lorsqu'ils ont eu connaissance de cette proposition de loi, pensant peut-être que d'autres allaient s'occuper de cette question. En réalité les initiatives sont complémentaires.

Nous avions d'abord opté pour des bornes de type 3, lequel a été remplacé par le type 2, lancé par l'Allemagne et devenu le standard européen. L'Ademe apportera une aide pour les travaux d'adaptation des bornes existantes.

Les certificats d'économie d'énergie sont une piste intéressante dont je parlerai au ministre. Quant au nombre des opérateurs, publics ou privés, il y en aura autant que le projet global le nécessitera. Ils devront proposer un plan touchant au moins deux régions, et leur proposition sera validée par les ministres. Pas question d'être opérateur pour servir uniquement ses propres intérêts commerciaux. La plupart des opérateurs, semble-t-il, travailleront sur plus de deux régions, voire sur l'ensemble du territoire. L'évaluation des projets tiendra compte des collectivités locales et des investissements privés : EDF, par exemple, pourrait être opérateur sur les autoroutes, pour installer des bornes de recharge rapide. Parallèlement les collectivités poursuivront leurs plans d'implantation, soutenus par l'Ademe, avec comme objectif une borne tous les 60 kilomètres. Si des zones blanches se dessinent, à l'État de prendre ses responsabilités, je le dirai au ministre.

M. Raymond Vall, président. - Les zones rurales vont voir s'ajouter aux difficultés d'accès au numérique, celles de l'accès au chargement des véhicules électriques.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - Nous comptons sur une bonne complémentarité avec le territoire local, où beaucoup d'initiatives sont prises actuellement.

Le gouvernement s'est engagé sur les aides : il y aura celles de l'Ademe, à hauteur de 30 % pour les bornes de rechargement rapide et de 50 % pour les autres ; celles des régions et celle de l'État pour modérer le coût de la voiture électrique : la Zoé, par exemple, est à environ 12 000 euros au lieu de 20 000 euros sans aide, et peut ainsi concurrencer les petites voitures.

Le premier amendement répondra à la première question de M. Teston. Le nouvel appel à manifestation d'intérêt de l'Ademe devrait proposer une borne pour 3 000 habitants, comme critère aux projets des collectivités territoriales.

Mme Évelyne Didier. - C'est comme pour les pharmacies...

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - Quant aux tarifs d'électricité, le ministre a dit à l'Assemblée nationale que le gouvernement surveillerait le projet global pour que le tarif soit à peu près le même sur tout le territoire. D'autres opérateurs qu'EDF sont prêts à fournir de l'électricité.

On peut espérer une réponse à la question de l'autonomie grâce aux évolutions significatives des batteries. J'ai proposé au président Vall que nous rencontrions Mme Lambert, du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), qui nous apportera des informations précises sur l'alimentation à l'hydrogène. Il semble qu'il faille s'y préparer à brève échéance.

Nous avons veillé, en préparant les amendements, à ce que les collectivités locales soient associées à tous les stades des implantations, ce d'autant plus que nous leur demandons de ne pas percevoir de redevance. La DGF devrait augmenter par compensation, le ministre le précisera. Ses services travaillent sur la question des bonus pour les véhicules en location de longue durée. Les bornes ne seront pas rentables rapidement. Certains opérateurs réfléchissent à des bornes intelligentes, communiquant entre elles, interrogeables à distance par les automobilistes, supports de publicités... Le groupe Bolloré s'est déjà proposé pour en installer beaucoup. C'est un investissement d'avenir.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1er

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - L'amendement n° 1 est de clarification : il garantit que tout opérateur bénéficiera de l'exonération de redevance d'occupation du domaine public.

L'amendement n° 1 est adopté.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - L'amendement n° 2 étend le bénéfice de l'exonération de redevance d'occupation du domaine public à tout opérateur dont une partie du capital serait détenue par une autre personne publique.

M. Charles Revet. - Les stations-service peuvent-elles y prétendre ?

M. Raymond Vall, président. - Il ne s'agit pas du domaine public.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - Cet amendement prévient la rupture d'égalité entre personnes publiques et privées.

M. Charles Revet. - Certaines entreprises de distribution sont implantées sur tout le territoire : ont-elles alors le droit de répondre aux besoins des utilisateurs de véhicules électriques et de se prévaloir de cette disposition ?

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - Oui, si leur dossier, étudié par le ministre, correspond au projet global d'implantation des bornes sur le domaine public.

M. Louis Nègre. - Elles peuvent le faire au sein de leur réseau, avec leur argent !

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - La proposition de loi ne traite que des implantations sur le domaine public. Si Total veut installer demain des bornes dans ses stations, il peut le faire...

M. Louis Nègre. - Il s'agit donc de dépasser le « réseau essentiel » - réseau structurant défini par le ministère et permettant à tout véhicule de faire de l'intercité - et de parvenir à un maillage, d'après mes chiffres, de 2 500 à 3 000 bornes, n'est-ce pas ?

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - Le réseau essentiel désigne en fait toutes les initiatives, d'où qu'elles proviennent - collectivités, acteurs privés... À l'intérieur de ce projet global, ce texte se borne à rendre les implantations cohérentes, en les soumettant à la vigilance des deux ministères afin qu'à terme, le maillage soit satisfaisant.

M. Louis Nègre. - Le second point de cet amendement est-il bien utile ?

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - Il est inévitable : c'est le gage.

M. Alain Fouché. - Si un opérateur implante toutes ses installations à Rouen, par exemple, et délaisse les zones rurales alentour, comment parvenir à l'équilibre ?

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - Le ministre et les directions régionales vérifieront l'implantation des infrastructures ; l'État s'engage à rééquilibrer les choses si nécessaire.

M. Yves Rome. - Par quels moyens ?

M. Raymond Vall, président. - La distance de 60 kilomètres sur autoroute est-elle une amorce de norme ?

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - Le deuxième appel à manifestation d'intérêt de l'Ademe devrait exiger dorénavant une borne tous les 60 kilomètres, non seulement sur les autoroutes, mais sur le territoire national, et si possible, une borne pour 3 000 habitants, tous territoires confondus.

M. Louis Nègre. - Il faudra verrouiller tout cela.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - Les amendements proposés visent à bien amorcer le dispositif.

L'amendement n° 2 est adopté.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - L'opérateur ne se contente pas d'implanter les bornes ; il les crée, les entretient et les exploite. L'amendement n° 3 le précise.

L'amendement n° 3 est adopté.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - L'amendement n° 4 étend l'exonération de redevance aux implantations de bornes sur le domaine public propre des EPCI.

M. Raymond Vall, président. - Cela s'entend.

L'amendement n° 4 est adopté.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - L'amendement n° 5 remplace « des infrastructures » par « un réseau d'infrastructures ».

L'amendement n° 5 est adopté.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - L'amendement n° 6 de cohérence remplace « implantation » par « opération ».

Mme Chantal Jouanno. - Les opérateurs auront la charge de l'implantation, mais aussi de l'entretien des infrastructures de recharge. Il y a plusieurs opérations.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - Certes, mais maintenons la rédaction de cette phrase.

L'amendement n° 6 est adopté.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - La proposition de loi exige des projets de dimension nationale. L'amendement n° 7 précise que cette dernière notion est caractérisée dès lors que le projet « concerne le territoire d'au moins deux régions et que le nombre et la répartition des bornes à implanter assurent un aménagement équilibré des territoires concernés. Le projet est approuvé par les ministres chargés de l'industrie et de l'écologie au regard de ces critères ».

M. Louis Nègre. - La rédaction initiale me paraît plus favorable : « la dimension nationale du projet s'apprécie notamment au regard du nombre de régions concernées ». Deux, c'est faible.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - C'est un minimum. Les propositions peuvent concerner l'ensemble du territoire. C'est d'ailleurs le cas de celle du groupe Bolloré.

M. Charles Revet. - Très bien. Pour que les choses fonctionnent, il faut qu'elles soient simples. Pourquoi remonter au ministère ? Une validation locale suffirait.

Mme Chantal Jouanno. - Oui, pour connaître un peu ces questions, j'abonde dans le sens de M. Revet.

M. Charles Revet. - C'est comme se dessaisir en habilitant le gouvernement à prendre des ordonnances. C'est tout de même nous qui légiférons ! Votons le texte le plus simple possible, de préférence sans renvoi au pouvoir réglementaire.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - L'accord des ministres est nécessaire pour garantir la cohérence du maillage territorial.

M. Charles Revet. - Mais pourquoi remonter au ministère ?

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - Pour la cohérence à l'échelle nationale. Il y a quand même un progrès puisque pour l'heure, la signature requise est celle du Premier ministre.

M. Charles Revet. - En zone littorale, lorsqu'un agriculteur veut construire un nouveau bâtiment, il lui faut attendre dix-huit mois l'accord du ministère... Simplifions les circuits.

M. Raymond Vall, président. - Ne peut-on confier le contrôle et la validation des projets nationaux aux préfets de région ?

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - Je ne le crois pas. De plus, le texte associe déjà les collectivités à la prise de décision. Il n'y a nul diktat national, mais au contraire concertation avec les élus locaux.

L'amendement n° 7 est adopté.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - L'amendement de cohérence n° 9 tient compte de l'extension du bénéfice de l'exonération à l'implantation d'infrastructures de recharge sur le domaine public de l'État : la concertation associera les collectivités, mais aussi les personnes publiques gestionnaires du domaine public concernées. Par exemple, les sociétés d'autoroute.

L'amendement n° 9 est adopté.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - L'amendement n° 8 supprime les mots « et de gaz », ajoutés par les députés, qui n'ont pas leur place ici.

L'amendement n° 8 est adopté.

M. Louis Nègre. - Nous avons essayé d'améliorer le texte. Il est dans notre intérêt à tous que la filière fonctionne.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur. - Les amendements adoptés faciliteront les implantations. La cohérence territoriale dépendra des deux ministres.

La commission a adopté à l'unanimité l'article unique de la proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux.

Audition de M. Stéphane Saint-André, député, candidat désigné aux fonctions de président du conseil d'administration de Voies navigables de France (VNF)

M. Raymond Vall, président. - En application de l'article 13 de la Constitution, nous entendons de M. Stéphane Saint-André, député, candidat désigné aux fonctions de président du conseil d'administration de Voies navigables de France (VNF), établissement public de l'État. Cette nomination ne peut intervenir qu'après une audition du candidat par les commissions compétentes du Sénat et de l'Assemblée nationale, laquelle est suivie d'un vote. L'Assemblée nationale tiendra son audition et se prononcera le 3 juin prochain. Il ne pourra être procédé à la nomination de M. Saint-André si l'addition des votes négatifs de chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.

Après que M. Saint-André se sera présenté et nous aura précisé ses intentions concernant VNF, le projet de Canal Seine-Nord Europe et l'avenir de la voie d'eau en France, il répondra à vos questions. Yves Rome et Francis Grignon ne manqueront pas d'en poser car ils travaillent en ce moment sur l'application de la loi VNF de 2012, Francis Grignon en ayant été le rapporteur du Sénat.

M. Stéphane Saint-André. - Le président du conseil d'administration de VNF, nommé par le ministre des transports et le Premier ministre, exerce, j'en ai conscience, une haute responsabilité. Cet établissement est l'héritier d'une grande tradition française. Dès 1291, Philippe le Bel créait l'administration des eaux et forêts ; en 1604, Maximilien de Béthune, duc de Sully, concevait la construction du canal de Briare, tout premier canal moderne ; après eux Colbert, ayant parfaitement compris l'enjeu de l'accès à la mer par voie d'eau, faisait creuser le canal du Midi reliant la Méditerranée à l'Atlantique via la Garonne. Avant l'apparition du rail, la voie d'eau a rendu possible le développement de nos villes et de nos villages. Elle est aujourd'hui redevenue une nécessité, même si tout le monde ne mesure pas son importance. La France compte 6 100 kilomètres de canaux à entretenir, et VNF gère également 3 000 ouvrages d'art. Accroître la part des voies d'eau dans le transport multimodal est une solution d'avenir pour notre économie et pour nos ports, car l'accès à la mer est un enjeu majeur pour le XXIe siècle, et je vous rappelle que la France est la deuxième puissance maritime mondiale.

Les voies d'eau sont aussi un enjeu de développement durable. Un litre de carburant permet de transporter une tonne de marchandises sur vingt kilomètres par la route, 80 kilomètres par le rail, mais 104 kilomètres par voie d'eau. Un convoi fluvial de 4 400 tonnes transporte à lui seul autant de marchandises que 220 camions ou quatre trains entiers. La livraison du dernier kilomètre gagnerait également à tirer davantage parti des voies navigables. En approvisionnant par la Seine ses 80 magasins Franprix parisiens, le groupe Casino s'épargne 450 000 kilomètres routiers chaque année.

Je ne parle pas même de l'enjeu touristique des voies d'eau. Donner les moyens à VNF d'entretenir et de développer ces infrastructures est une nécessité. Le livre blanc commandé par le précédent gouvernement a donné lieu le 16 mai 2013 à l'annonce d'un plan d'investissements sur 10 ans, faisant des grandes infrastructures l'une de ses quatre priorités. Le projet de Canal Seine-Nord Europe en fait partie.

En période de disette budgétaire, leur financement est toutefois une source de préoccupation. L'écotaxe poids lourds est une première piste. Ma position est claire : je souscris aux propositions du rapport de l'Assemblée nationale, ainsi qu'à celles du rapport sénatorial, pour ce qu'on peut en savoir car il sera publié demain. Autres sources : l'Agence de financement des infrastructures de transport de France ; les contrats de plan État-région. Les recettes d'investissements ne permettent pas de maintenir en bon état les infrastructures existantes. Il manque pour l'heure 60 millions d'euros.

Le trafic fluvial de marchandises a progressé de 1 % en 2013, grâce à l'essor des filières charbon et métallurgie, et à la vigueur des bassins mosellan et rhénan. Cela montre la pertinence du report modal. En passant de 7,83 à 7,91 milliards de tonnes-kilomètre, entre 2012 et 2013, cette hausse certes modérée illustre la dynamique du secteur dans une période de contraction globale des échanges. Entre 2002 et 2013, le transport fluvial a bondi de 11,5 %, tandis que le transport routier se repliait de 12,6 % et le fret ferroviaire de 35,8 %.

Le contrat d'objectifs et de performance 2011-2013, qui visait à créer les conditions d'une nouvelle dynamique, est arrivé à son terme. Ses cinq objectifs étaient les suivants : adapter l'offre de services aux nouvelles attentes des utilisateurs ; renforcer la fiabilité du réseau face à la croissance du trafic et offrir un meilleur maillage du territoire ; développer une politique commerciale ambitieuse pour offrir aux opérateurs des solutions logistiques fiables et économiques ; regrouper les services de l'État dédiés à la voie d'eau dans un établissement unique ; faire du développement durable un objectif transversal de l'établissement. En dépit des contraintes, le bilan de VNF est satisfaisant, puisque le taux de réalisation de ce contrat est de 70 %. La voie d'eau étant par nature un réservoir de biodiversité, VNF s'est donné des objectifs ambitieux, qui ont été largement atteints : l'établissement n'utilise plus aucun produit phytosanitaire, par exemple.

Dans la perspective du prochain contrat, nous proposerons au gouvernement un nouveau projet à l'horizon 2018. Il s'inscrira dans la continuité, dans les arbitrages du budget triennal de la France et dans les contrats de plan État-région en cours de révision. Voici les actions nouvelles prioritaires pour 2014 : pérenniser le modèle économique de VNF ; transformer la taxe hydraulique en redevance domaniale ; étudier l'opportunité et les conditions de faisabilité d'un péage sur le Rhin ; poursuivre les analyses et la refonte des péages avec des objectifs de recettes plus ambitieux ; préparer le dossier européen et suivre la procédure administrative du projet Seine-Nord Europe ; mettre en place les instances définitives représentatives du personnel.

Les sujets sont nombreux et variés. Si je suis désigné, je me rendrai régulièrement dans toutes les directions territoriales, à la rencontre des élus, du personnel de VNF, et de ses partenaires. Je tiens à assumer pleinement la présidence de l'établissement.

M. Yves Rome. - Quel jugement portez-vous sur les transformations de l'établissement, sur les effets de la réforme ?

La construction d'une grande infrastructure destinée à valoriser le modèle français de transition énergétique - à laquelle chacun aspire - est une nécessité. Je continue à m'interroger sur la réalité de sa faisabilité, mais l'Union européenne s'est engagée à financer le projet de Canal Seine-Nord Europe à hauteur de 40 %, soit 2,5 milliards d'euros. En tant que président de VNF, vous aurez sans doute à coeur de mener à bien ce projet.

Les collectivités territoriales resteront engagées dans son financement : les trois régions traversées ont donné leur accord de financement, quant aux départements, notamment l'Oise, ils souscrivent aussi à cette idée - encore faudrait-il ne pas supprimer la clause générale de compétence, si utile sur de tels sujets ! Je ne connais pas une seule collectivité capable de réaliser et de financer seule ce type de projet. Je souligne également que si par malheur la France ne parvenait pas à finaliser son offre avant la date butoir du mois de septembre, l'Union européenne réorienterait ses financements vers les projets en cours sur le Danube...

Il y a un premier signal à lancer : entamons le projet Mageo, de mise au gabarit européen de l'Oise aval, pour relier l'Atlantique au Canal Seine-Nord. C'est dans l'intérêt des ports de Rouen et du Havre, qui s'inquiètent du détournement du trafic vers les ports du nord de l'Europe.

Il est devenu crucial de réévaluer la parole politique. Vous pouvez y contribuer.

M. Francis Grignon. - Je rejoins les propos d'Yves Rome. J'ai été maire d'un village qui borde le Rhin. Sur le grand canal d'Alsace, on voit passer des convois qui équivalent à 700 camions. Il est dommage que nous n'ayons pas fait le canal Rhin-Rhône à grand gabarit, mais enfin, vous connaissez l'histoire, et la responsabilité de la ministre écologiste de l'époque... Or un canal sur le Rhin présente des avantages : d'une part l'écluse d'Ilvesheim est la dernière, car après le Rhin coule en pente douce jusqu'à la mer du Nord ; d'autre part, les péages y sont interdits en vertu des accords internationaux. À ce propos, quels sont exactement ces projets de péage que vous avez mentionnés ?

Quelques autres réflexions. Sur l'écotaxe, la commission d'enquête vient d'achever ses travaux, mardi dernier au milieu de la nuit. Ses conclusions vont dans le bon sens. Nous avons beaucoup défendu la liaison Saône-Rhin, mais avons finalement compris qu'il fallait commencer par le canal Seine-Nord. Espérons que l'on n'oubliera pas le reste ensuite... Pourquoi n'arrive-t-on pas à régler le problème de la « chatière » du Havre ? Chacun se renvoie la balle. Enfin, j'étais rapporteur de la loi ayant modifié la gouvernance de VNF : comment les choses se passent-elles à présent, en dépit de la diversité des statuts parmi le personnel ?

M. Michel Teston. - Vous avez fait allusion à la réforme du 11 janvier 2012 de modernisation du domaine public fluvial qui a renforcé les capacités de VNF, et lui a donné des ressources nouvelles. VNF envisage-t-elle de produire de l'énergie ? Dans l'affirmative, serait-ce géré en interne ou sous-traité ? Cela suppose-t-il de former le personnel ?

M. Jean-Pierre Bosino. - Un mot sur la liaison entre la région parisienne et Compiègne, qui fait l'objet du projet Mageo. Irons-nous au bout de tous les aménagements envisagés dans le projet Seine-Nord ? Quelle est votre opinion sur le montage financier de cette opération ? Les PPP ont toujours un coût important...

M. Stéphane Saint-André. - Je n'étais pas en poste au moment de la réforme. Il est encore tôt pour savoir si l'établissement a gagné en efficacité. C'était en tout cas son but. La réforme s'est relativement bien passée. Je n'ai pas eu connaissance de difficulté, ni avec le personnel, ni avec ses représentants. Fondre différents types d'emplois dans une structure unique n'était pourtant pas gagné d'avance.

Élu de Béthune, je suis très favorable au projet Seine-Nord mais fais partie des élus qui ont attiré l'attention sur le risque qu'il y aurait à regarder passer les bateaux vers les grands ports du nord de l'Europe. Il faut donner les moyens à VNF de réaliser un maillage efficace du territoire, sur le Rhin également, et en France d'une manière générale. Frédéric Cuvillier y est également très favorable.

Je rappelle que la doctrine a évolué sur le projet Seine-Nord en mai 2012 : face au coût élevé du recours au prêt bancaire, le projet de contrat de partenariat a échoué. Le ministre a alors mis un terme au dialogue compétitif et demandé à Rémi Pauvros de réexaminer le dossier. Sa mission de reconfiguration a donné lieu à la remise d'un rapport le 11 décembre dernier. Ce dernier préconise l'optimisation technique du projet - tracé, gabarit, équipements connexes, simplification réglementaire - pour un gain d'environ 550 à 650 millions d'euros, soit 9 à 12 % de son coût total, qui avoisine les 4,5 milliards d'euros. Si le canal Seine-Nord se fait, Mageo se fera sans doute aussi.

M. Yves Rome. - Il vaudrait mieux le faire avant, pour rassurer tout le monde !

M. Stéphane Saint-André. - Par une communication du 19 décembre dernier, Frédéric Cuvillier a fait connaître les suites qu'il compte donner au rapport Pauvros. D'abord, rechercher des financements pour les opérations d'accompagnement dans le cadre du prochain contrat de plan État-région ; confirmer le cofinancement européen, passé de 6% à 40% du projet, et aller le chercher très vite, avant qu'il ne s'envole. Sur le plan technique, le ministre a pris acte de la reconfiguration du projet pour un gain équivalent à 10% du coût initial.

Nous avons lancé les démarches réglementaires liées à la modification de la déclaration d'utilité publique et au code de l'environnement. Le ministre a constaté l'échec de la procédure de PPP, abandonné au profit de la maîtrise d'ouvrage publique. Nous attendons les résultats de la mission administrative destinée à approfondir le montage du projet, sa gouvernance et son économie ; à apprécier les engagements financiers des collectivités territoriales, via la conclusion d'un protocole d'intention de financement, qui devra être voté par les assemblées locales ; à rechercher les financements complémentaires auprès de nos partenaires flamands et wallons. Les études nécessaires au lancement des démarches réglementaires en vue d'une enquête publique ont été lancées par VNF. Nous sommes prêts, tant sur l'appel à projet pour l'obtention du financement européen, que pour l'obtention d'une déclaration d'utilité publique modificative, ou sur les études à remettre au gouvernement pour arbitrer au vu des solutions techniques et du coût actualisé. Le président de la République et le Premier ministre le savent.

Le pays a besoin de ce projet, qui mobilisera 6 000 salariés, et représente entre 20 000 et 25 000 emplois induits. Il faut dynamiser l'activité fluviale, autour de laquelle notre économie était jadis organisée, mais qui a été délaissée au profit exclusif de la route. Il faut remercier le conseil général de l'Oise qui a cofinancé la plateforme multimodale de Longueil-Sainte-Marie. Il reste à l'État à mettre sur la table le milliard d'euros nécessaire à son financement, ce qui, relativement à d'autres financements, n'est pas excessif.

La production d'énergie est un vrai sujet, mais nous n'avons pas beaucoup de visibilité sur le prix de vente de l'électricité produite, or les investisseurs rechignent à se lancer sans maîtriser un paramètre si déterminant pour la rentabilité...

La « chatière » du Havre est dans la compétence du grand port maritime. C'est un enjeu important pour Port 2000. Le directeur général de VNF, Marc Papinutti, vous en dira davantage, ainsi que sur le péage rhénan. Il faudra bien trouver des recettes.

M. Francis Grignon. - Le péage est interdit par les conventions internationales...

M. Marc Papinutti, directeur général de VNF. - La fin de la gratuité fait partie des réflexions en cours. Certains ouvrages commencent à dater. Il faut les entretenir. Il y a de nombreux travaux à lancer pour les remettre à niveau.

M. Francis Grignon. - En contrepartie, il y a les centrales hydrauliques.

M. Marc Papinutti. - Je parle de la partie non concédée à EDF. Lors d'appel à contrat de partenariat pour des travaux réalisés sur la Meuse, nous avons proposé aux candidats d'inclure une production d'hydro-électricité dans leurs projets. Nous avons été surpris qu'ils ne le fassent guère : c'est que l'instabilité des marchés de l'électricité à moyen et long termes et l'impératif de protection environnementale dissuadent d'investir. Sur l'Aisne toutefois, à Bourg-et-Comin, nous avons réussi à remettre en service une petite usine existante, pour de faibles investissements et des recettes importantes. Mais c'est une exception à la frilosité des investisseurs, dans un marché très volatil.

L'établissement public administratif VNF a été créé à partir d'un établissement public industriel et commercial et de services de l'État. Il regroupe des fonctionnaires et des contractuels de l'État, des agents de droit privé, et des ouvriers des parcs et ateliers de l'État. La commande et la hiérarchie sont désormais uniques, les services de navigation ne sont plus dépendants du préfet. Je vous remercie à ce propos d'avoir voté conforme le texte en 2012, cette rapidité était nécessaire pour la mise en place de la réforme. Les instances représentatives du personnel sont toutefois une difficulté. Des cas de boycott perdurent, en raison des dispositions transitoires que j'ai dû prendre. C'est que tout ne se règle pas par un décret en Conseil d'État, pour un établissement aussi complexe. Un projet destiné à donner à chacun une vision de l'établissement à moyen et long terme avait été élaboré : il nous faudra le reconstruire.

M. Charles Revet. - Je vais naturellement évoquer la chatière ! Vous pourrez en tous cas indiquer lors du prochain conseil de développement ou de surveillance que nous en parlons régulièrement. Il s'agit d'un enjeu important pour le devenir du port du Havre, même si celui-ci, étrangement, s'en désintéresse. Je ne l'ai pas inventée, bien sûr : c'est lors des auditions que j'ai menées comme rapporteur de la première réforme portuaire que j'en ai entendu parler. Elle semblait la solution idéale pour les grandes entreprises de transport fluvial. Pour sa réalisation, un partenariat public-privé ou un appel d'offres sur performance étaient envisageables. Son coût, évalué à 50 millions d'euros, est négligeable au regard de son intérêt économique !

Le canal Seine-Nord me fait peur, car il déviera une grande partie du trafic vers les grands ports maritimes de l'Europe du Nord - y compris l'activité parisienne. Les travaux engagés vont induire des coûts de transferts considérables, que la chatière du Havre aurait épargnés en établissant un accès direct et permanent entre la Seine et le port maritime. Rapidement opérationnelle, elle aurait développé le trafic fluvial sur la Seine et l'Oise. Bref, cette chatière me reste en travers de la gorge ! De même, la France, qui a le deuxième patrimoine maritime mondial, après les États-Unis, importe 85 % de ses poissons et crustacés ! Nous avons beau dénoncer cette situation, aucun gouvernement ne nous entend ! N'y a-t-il pas là un certain mépris pour nos assemblées, Monsieur le Président ?

Le mieux étant l'ennemi du bien, ne serait-il pas possible d'aménager les installations actuelles pour améliorer le trafic vers l'Europe centrale ? L'avenir du port du Havre n'est pas nécessairement de se tourner vers la Belgique. André Graillot, qui le conçut, imaginait des trains longs de deux kilomètres. Nous pourrions aussi mieux utiliser les canaux.

Mme Odette Herviaux. - En effet, les façades maritimes doivent être reliées au territoire. Si l'on parle beaucoup des grands ports maritimes et des grands canaux, l'échelon inférieur intéresse moins. J'ai rendu à M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer un rapport sur les ports décentralisés : nous devons veiller à ce qu'ils restent connectés, car le développement de leurs arrière-pays en dépend. Là où l'espace portuaire entre en concurrence avec l'espace urbain, une politique volontariste est nécessaire.

M. Stéphane Saint-André - En effet, la chatière n'a pas été intégrée dans la mise en service de Port 2000, mais VNF et le grand port maritime du Havre y travaillent dans le cadre du contrat de plan État-Région. Je prends note de votre préoccupation, je la comprends, étant moi-même élu local, et je vous promets de m'intéresser de près à ce problème. Le maillage du territoire par des canaux est crucial : après tout, les grands ports d'Europe du Nord ont parfois des bases arrière éloignées de 50 kilomètres de la mer.

Mme Odette Herviaux. - Exactement.

M. Stéphane Saint-André - En ce qui concerne le maillage vers l'Est, le projet Bray-Nogent donnera accès aux produits agro-alimentaires de Champagne-Ardenne. Le projet Lyon-Confluence a été un succès, et des espaces ont été réservés sur le Rhône et la Saône pour le trafic Moselle. Un gros travail a aussi été effectué à Sète. Nous veillerons à la cohérence de l'ensemble.

M. Francis Grignon. - Comme son homologue belge, VNF a-t-il un droit de préemption des terrains proches des canaux ?

M. Stéphane Saint-André - Je l'ignore.

M. Marc Papinutti - Pour le canal Albert, des surfaces ont été réservées. En France, nous ne pouvons pas créer du domaine public fluvial, sauf à acheter des terrains ou à étendre nos concessions. Encore faut-il que celles-ci trouvent leur équilibre, ce qui n'est pas évident sur le Rhin ou en Lorraine.

M. Raymond Vall, président. - Merci à M. Saint-André, qui trouvera toujours en nous des interlocuteurs exigeants mais prêts à le soutenir, parmi lesquels des défenseurs du canal Seine-Nord, du port du Havre, et de tout projet susceptible d'accroître la compétitivité de notre pays ! Je constate que vous connaissez parfaitement les dossiers, et manifestez le souci de développer l'usage de nos voies navigables, dans l'intérêt commun, et en accroissant le recours aux énergies renouvelables.

Nous allons procéder au vote. Le dépouillement aura lieu mardi 3 juin, après l'audition de M. Saint-André par la commission du développement durable de l'Assemblée nationale.

Sobriété, transparence et concertation en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques - Demande de saisine pour avis et nomination d'un rapporteur pour avis

M. Raymond Vall, président. - Sur la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques, la commission des affaires économiques, saisie au fond, a nommé rapporteur son président, Daniel Raoul.

La commission demande à se saisir pour avis de la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques, et nomme Raymond Vall rapporteur pour avis.

Nocivité du diesel pour la santé - Demande de saisine pour avis et nomination d'un rapporteur pour avis

M. Raymond Vall, président. - Sur la proposition de loi relative à la nocivité du diesel pour la santé, la commission des finances, saisie au fond, a nommé Gérard Miquel rapporteur.

La commission demande à se saisir pour avis de la proposition de loi relative à la nocivité du diesel pour la santé, et nomme Odette Herviaux rapporteure pour avis.

Organisme extra parlementaire - Désignation d'un candidat

La commission soumettra au Sénat la candidature de Thierry Repentin comme membre du Conseil national de l'eau.

La réunion est levée à 17 h 23.