Mercredi 20 janvier 2016

- Présidence de M. Philippe Bas, président -

Communication

M. Philippe Bas, président. - Notre collègue Michel Mercier, rapporteur spécial du comité de suivi de l'état d'urgence va nous faire part d'une communication à ce sujet.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial du comité de suivi de l'état d'urgence. - Cette communication sera rapide car nous avons d'ores et déjà abordé de nombreux points lors des deux auditions qui viennent de se dérouler. Le comité de suivi a procédé à de nombreuses auditions. Nous avons entendu deux catégories d'acteurs concernés. D'une part, nous avons reçu les acteurs de la sécurité : le Préfet de Police de Paris, le Procureur de Paris, le préfet de Seine-Saint-Denis, le directeur général de la sécurité intérieure, le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l'intérieur. Nous avons d'autre part reçu des associations ou des personnes dont le rôle est de défendre les libertés publiques. C'est le cas des avocats, bâtonnier de Paris, représentants du Conseil national des barreaux et avocats ayant défendu des personnes concernées par les mesures de l'état d'urgence. Nous avons aussi reçu la présidente de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, Mme Christine Lazerges, ainsi que des représentants d'Amnesty International. Enfin, nous avons reçu une association, la Quadrature du Net, qui intervient en matière de protection des libertés à l'heure du numérique. J'insiste sur ce point, car pour le reste c'est plus classique. L'importance des données informatiques, et la façon dont on les utilise, ressort particulièrement de l'audition de la Quadrature du Net. Il y aura certainement en la matière un certain nombre de modifications législatives à apporter. En effet, au cours d'une perquisition administrative, on ne peut pas saisir les données informatiques, mais on peut les copier. La différence entre les deux est parfois ténue, mais elle existe. Le statut juridique de ces copies n'est pas réellement fixé : peut-on les garder longtemps ? Doit-on obligatoirement les détruire ? Alors que dans le cadre juridique fixé par la loi relative au renseignement, il existe un statut des données informatiques recueillies, avec des durées de conservation et un contrôle, dans le cadre de l'état d'urgence, il n'y a aucune règle.

Je ne vais pas revenir sur des éléments statistiques, le ministère nous faisant passer régulièrement des données sur le nombre de perquisitions ou d'assignations à résidence. Le vice-président du Conseil d'État est d'ailleurs revenu longuement sur ce point ce matin.

Je voudrais donc insister d'une part, comme je viens de le faire, sur le statut de ces données informatiques et d'autre part sur les conditions de réalisation des perquisitions. Jacques Toubon, le Défenseur des droits, vient de décrire les conditions du déroulement de certaines perquisitions que l'on pourrait qualifier d'artisanales : les personnes concernées ne reçoivent ni procès-verbal ni arrêté de perquisition et ne peuvent donc faire valoir aucun droit à l'égard de leur compagnie d'assurance en l'absence de tels documents, sans compter le fait que les polices d'assurance ne couvrent généralement pas les dégâts matériels causés par les forces de l'ordre.

Le paysage global de cette affaire commence donc à se dessiner. Nous avons clairement indiqué à toutes les personnes auditionnées que notre comité de suivi n'était pas là pour se substituer au juge, c'est le rôle du juge administratif, mais pour éclairer notre commission et à travers elle, le Sénat dans l'hypothèse où le Gouvernement demanderait au Parlement la prorogation de l'état d'urgence. Les médias ont annoncé ce matin que le Président de la République allait solliciter une telle prorogation. Nous verrons bien. Notre comité de suivi commence en tout cas à avoir un aperçu des mesures nécessaires pour qu'un équilibre demeure entre la sécurité et la nécessaire protection des libertés publiques.

Nous allons achever la semaine prochaine les auditions. Je pourrai effectuer à ce moment-là une présentation plus complète de nos travaux. Peut-être disposerons-nous alors des décisions que le Conseil constitutionnel, saisi de deux questions prioritaires de constitutionnalité, doit rendre, qui auront nécessairement une incidence sur l'examen du projet de loi constitutionnelle.

M. Philippe Bas, président. - Vous ouvrez un autre débat en conclusion. Nous disons depuis le début que cette révision constitutionnelle a été engagée pour des motifs qui ne sont pas juridiques. Ce n'est pas un bouleversement que de dire cela. C'est un sentiment assez largement partagé. Dès lors qu'il aura été démontré que, ni sur la déchéance de nationalité, ni sur l'état d'urgence, il n'existe d'impératif constitutionnel nécessitant de réviser la Constitution, nous n'aurons pas pour autant achevé d'examiner tous les motifs qui expliquent cette révision constitutionnelle, y compris les motifs esthétiques.