Mardi 3 mai 2016

- Présidence de M. Jean-Claude Lenoir, président -

Politique du logement - Audition de Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable

La réunion est ouverte à 17 h 45.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Nous sommes heureux d'accueillir Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable, pour évoquer le projet de loi Action Logement que nous examinerons la semaine prochaine, et plus largement les questions relatives au logement et à l'urbanisme.

Avec M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, et Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État chargée de l'égalité réelle, vous défendrez également le projet de loi égalité et citoyenneté, déposé à l'Assemblée nationale le 13 avril, et que le Sénat examinera après l'été. Une quinzaine de ses articles intéressent déjà les membres de notre commission - qui organisera des auditions spécifiques en temps utile - : pouvez-vous nous préciser leur contenu et le calendrier prévu ?

Plusieurs annonces ont récemment été faites : la reconduction du dispositif d'investissement locatif dit « Pinel » jusqu'en 2017 ; l'objectif de rénovation de 100 000 logements dans le cadre du programme « Habiter mieux » ; ou encore la mise en place d'un programme d'actions en faveur de la mobilisation du foncier et de la relance de l'aménagement opérationnel. Vous avez en outre annoncé que la loi Alur serait appliquée à 90 % cet été. Mes collègues vous sauraient gré de revenir sur tous ces points ; après quoi ils ne manqueront pas de vous poser d'autres questions...

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable. - Je vous remercie de votre invitation pour vous présenter la politique que j'ai l'honneur de conduire. Afin de laisser le plus de temps possible aux questions, mon exposé sera bref.

Loi Alur, mobilisation du foncier public, simplification du droit : on ne peut pas dire que le logement et l'urbanisme aient été ignorés par le Gouvernement depuis 2012. Les objectifs que je poursuis sont ceux du quinquennat : d'abord, mettre en oeuvre un plan de relance de la construction et favoriser la création de logements à prix abordable, ce qui exige une politique du logement nationale mais territorialisée. Ensuite, engager une rénovation massive des logements, ce qui est autant un gisement d'activité économique que de pouvoir d'achat pour les ménages, et à quoi la loi relative à la transition énergétique s'est employée. Troisième objectif : réduire l'étalement - on devrait même dire l'éparpillement - urbain et l'artificialisation des sols, au moyen d'outils nouveaux favorisant un aménagement durable, comme les écoquartiers. Enfin, aider les ménages les plus fragiles en luttant contre le mal-logement, le saturnisme et l'insalubrité et en mettant en oeuvre dans tous les territoires le droit au logement opposable (Dalo) par une mobilisation de l'État et de tous les acteurs.

Vous avez mentionné un autre objectif important, monsieur le président : progresser dans l'application des lois. La loi Alur sera en effet appliquée à 85 % ou 90 % à la fin du premier semestre. Un certain nombre de décrets, pour l'heure à l'étude au Conseil d'État, seront pris en mai ou en juin. Certains articles du texte, comme celui relatif au carnet numérique du logement, posent d'importantes difficultés rédactionnelles et rendront sans doute indispensable une phase d'expérimentation.

Les chiffres de la construction, tant ceux des permis de construire délivrés que des mises en chantier, sont très encourageants, et ce dans tous les secteurs : maisons individuelles, logements collectifs, logements sociaux. Les contrastes sont toutefois forts entre les régions - entre l'Ile-de-France et les Hauts-de-France par exemple. En matière de rénovation, la reprise est plus lente.

Les nouveaux outils créés en matière d'urbanisme portent leurs fruits. Le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) est un succès : 300 sont en cours d'élaboration et 250 le seront bientôt. L'ingénierie foncière a été renforcée, au moyen des établissements publics fonciers (EPF), d'État ou locaux, et nous travaillons avec les nouvelles régions pour que dans les mois à venir, tous les territoires en soient dotés. Le réseau national des aménageurs regroupe, pour mieux les structurer, les aménageurs des secteurs public et privé. Contrats d'intérêt national en métropole, revitalisation des centres-bourgs en zone rurale : les nouveaux outils sont là. Des travaux restent à conduire sur certains territoires spécifiques comme les zones de montagne.

Le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière, qui rassemble les professionnels de l'immobilier et les représentants des locataires, est opérationnel. Tous sont heureux de l'existence de cette instance, qui répond au besoin de modernisation d'une profession très touchée par le numérique et fournit un cadre de dialogue sur les dispositions restées conflictuelles de la loi Alur : bail type, encadrement des loyers, règles de majorité dans les copropriétés, etc.

Défendus naguère au Sénat par Claude Dilain, les outils destinés à remédier au problème des copropriétés dégradées, comme les opérations de requalification des copropriétés dégradées d'intérêt national, sont des avancées majeures, à Clichy-sous-Bois et à Grigny comme en Provence-Alpes-Côte-D'azur et dans le Languedoc-Roussillon. La lutte contre l'habitat insalubre et les marchands de sommeil porte ses fruits, même si nous ne sommes pas arrivés à mettre un terme définitif à ces pratiques.

Le système national d'enregistrement de la demande de logement social est opérationnel. Il permettra de mieux connaître le profil des demandeurs - niveau de revenu, taille du ménage, etc. - ce qui est fondamental.

La garantie Visale, dans le cadre de notre partenariat avec Action logement, bénéficie aux ménages en situation de précarité.

Depuis 2012, les places pérennes d'hébergement augmentent, et des places spécifiques ont été créées pour les femmes victimes de violence. Dans le cadre du plan de réduction de la pauvreté, nous réduisons simultanément le nombre de nuitées hôtelières, qui ne permettent pas d'assurer un suivi social de qualité.

La mobilisation du foncier public, qui a connu une impulsion politique forte en 2015 grâce au rapport de Thierry Repentin, se poursuit : 71 terrains ont été cédés en 2015, et une centaine devrait l'être en 2016, avec une décote atteignant jusqu'à 100 % pour favoriser la réalisation de logements sociaux dans les communes carencées.

Le décret relatif au fonds national des aides à la pierre a été transmis au Conseil d'État la semaine dernière ; sa publication est prévue à la mi-juin. Les aides à la pierre seront grâce à lui sanctuarisées.

J'annoncerai plusieurs mesures dans les semaines à venir : l'octroi par la Caisse des dépôts de prêts de haut de bilan, financements en quasi-fonds propres qui aideront les bailleurs sociaux à réhabiliter des logements ; l'augmentation, dans le cadre du programme Habiter mieux, des objectifs et des crédits de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) destinés à la rénovation de logements pour les ménages modestes, qui passeront de 50 000 logements en 2015 à 70 000 en 2016 et à 100 000 en 2017 - sans préjudice du soutien à l'adaptation des logements ni du crédit d'impôt transition énergétique.

Les données SRU sont accessibles sur le site du ministère du logement depuis quinze jours, et seront actualisées tous les ans. Cela permettra d'encourager les communes à atteindre les objectifs fixés.

Un groupe de travail sur la pression foncière et la spéculation immobilière en Corse a été créé dans la perspective de la création d'une collectivité unique, afin que l'île bénéficie de toute l'ingénierie nécessaire. Un travail sera lancé sur le bassin minier ; un outil d'envergure nationale sera sans doute nécessaire, peut-être sous forme d'une opération d'intérêt national. Nous travaillons aussi sur l'aménagement du littoral, son adaptation à l'évolution du niveau de la mer, et l'indemnisation éventuelle des riverains qui en seraient victimes - vous connaissez le cas de l'immeuble Le Signal à Soulac-sur-Mer. Je pourrai également vous dire un mot, si vous le souhaitez, du plan d'accueil des migrants et réfugiés, qui relève budgétairement de mon ministère pour sa partie hébergement.

Le projet de loi Action Logement, voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, clarifie la gouvernance de l'organisme et met fin à la concurrence entre les différents acteurs. Les fonds de la participation des employeurs à l'effort de construction seront ainsi exclusivement mobilisés sur le logement. Il restera à préciser l'implication d'Action logement sur les territoires.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Je donne tout d'abord la parole à Mme Létard, rapporteure du projet de loi Action Logement.

Mme Valérie Létard. - La réforme d'Action Logement centralise la collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction. Il fallait en effet réformer une organisation imparfaite. On a privilégié l'échelle nationale à l'échelle régionale, soit. Mais le choix de procéder par ordonnance laisse en suspens un certain nombre de questions. Nous confirmez-vous que des représentants des collectivités territoriales siégeront aux côtés des organismes HLM au sein du comité des partenaires, qui sera associé au suivi de la redistribution des fonds à l'échelle nationale ? Comment sera garantie l'équité de la redistribution entre les territoires ? L'Agence nationale de contrôle du logement social aura-t-elle les moyens de mener à bien sa mission, grâce par exemple à l'accès aux données fiscales utiles - nombre d'entreprises participantes, sommes collectées, redistribution entre territoires et organismes ? Des conventions territoriales pourraient-elles être conclues entre Action Logement et les EPCI compétents en matière d'aides à la pierre ? Enfin, vous engagez-vous à nous transmettre le projet d'ordonnance en amont ? Cela nous rassurerait sur les intentions du Gouvernement...

M. Gérard César. - Absolument !

Mme Dominique Estrosi Sassone. - Où en est la mise en oeuvre du Fonds national des aides à la pierre ? La loi de finances pour 2016 contenait un principe de cogestion ; or le projet de décret prévoit une double majorité des représentants de l'État. Nous n'avons pas voté un tel pouvoir de blocage, qui laisserait la main, en dernière instance, aux directions centrales des ministères !

Vous avez annoncé 2 300 places supplémentaires et pérennes d'hébergement d'urgence et l'arrêt d'une gestion saisonnière ; or les crédits sont systématiquement sous-évalués... Comment financerez-vous ces nouvelles places ? De même s'agissant de l'Anah : comment comptez-vous passer de 70 000 logements à 100 000 ? Action Logement sera-t-il mis à contribution ?

La loi de finances 2016 prévoyait aussi une réforme des conditions d'octroi des aides personnalisées au logement. Les décrets ont-ils été pris ?

Deux rapports ont été rendus sur la mobilisation du foncier privé. Vous n'avez pas repris leurs propositions mais annoncé des expertises complémentaires : ont-elles été lancées ? Quand connaîtrons-nous leurs conclusions ?

M. Michel Le Scouarnec. - Je me réjouis que vous soyez à l'écoute des parlementaires... Si vous les écoutez, peut-être les choses changeront-elles enfin.

Depuis le 1er janvier, je suis sollicité presque chaque semaine par les maires et les associations du Morbihan sur les « dents creuses » situées dans les hameaux, rendues inconstructibles par la loi Alur et l'application extensive de la loi Littoral. Les « PLUmés », propriétaires de terrains devenus inconstructibles, sont nombreux, croyez-moi ! Si l'on ne rend pas possibles de nouvelles constructions en assouplissant la loi, de nombreux hameaux bretons mourront, tout simplement. J'ai écrit à Mme Pinel : elle a reconnu l'existence d'incertitudes, la nécessité d'amplifier le travail de pédagogie de services déconcentrés de l'État, et indiqué que le prochain chantier consistera à définir le hameau, notion variable d'un territoire à un autre... Il y a manifestement des choses à préciser !

M. Gérard César. - Dans de nombreux secteurs, nous menons des opérations à cheval sur plusieurs intercommunalités. Mais les comités de pilotage s'arrachent les cheveux par manque de crédits de l'Anah, et les dossiers de rénovation laissés en attente - au titre des propriétaires occupants comme des logements vétustes - se multiplient. Tant dans la lutte contre l'insalubrité que contre la délinquance, l'Anah joue un rôle indispensable. Annoncer un doublement de ses crédits ne suffira pas...

M. Henri Cabanel. - Dans l'Hérault, de nombreux villages situés autour des agglomérations sont confrontés simultanément à une hausse de leur population et à la désertification de leur coeur. Abritant souvent des églises classées, ces coeurs de village sont en effet soumis à de nombreuses contraintes d'accès, de stationnement, ou imposées par les architectes des bâtiments de France, ce qui pousse les bailleurs sociaux à construire plutôt en périphérie, ce qui accroît à nouveau l'artificialisation des terres agricoles et la disparition des commerces centraux... Comment y remédier ?

M. Joël Labbé. - Merci de votre exposé et de votre volontarisme, madame la ministre. En Bretagne, pour des raisons historiques, de nombreuses communes sont très étalées. Ne peut-on asseoir le calcul du taux de logement social sur le nombre de résidences principales dans la partie agglomérée du bourg, et non sur le nombre total de résidences principales, pour que le probable renforcement des critères SRU ne les pénalise pas ?

M. Yannick Vaugrenard. - La construction neuve semble repartir : au premier trimestre, elle a crû de 1,5 % alors qu'elle avait diminué de 6 % sur l'année 2015. Les permis de construire, eux, ont progressé de 7,7 % en un an. D'autres indicateurs confirment-ils cette tendance, ou faut-il n'y voir qu'un feu de paille ?

Nous souhaitons tous une meilleure répartition du logement social sur le territoire, mais les maires ont parfois de grandes difficultés à trouver des offices et sociétés d'HLM pour de petites opérations. Comment pouvez-vous les aider ?

Savez-vous combien de permis de construire ont été délivrés par les préfets dans les communes carencées en logements sociaux, depuis que cette faculté existe ?

Quels ont été les effets sur la construction de logements sociaux du dispositif financier incitatif mis en place pour les maires bâtisseurs ?

M. Daniel Dubois. - Peut-on encore construire en milieu rural ? La ruralité, tout le monde en parle, tout le monde s'inquiète de son sous-équipement, réel. Mais le problème réside davantage dans le vieillissement de la population : si plus personne ne s'installe dans nos communes rurales, à quoi servira-t-il de construire des écoles, des maisons de santé et d'y développer le numérique ? Le prêt à taux zéro, initialement ciblé sur les centres-bourgs, puis élargi à tout le territoire, a été un facteur de relance, mais même les dents creuses au coeur des communes deviennent inconstructibles ! J'ai longtemps hésité, mais c'est devenu impératif : je m'apprête à rassembler les avis de tous les maires de mon département sur les décisions de la Direction départementale des territoires et les avis de la commission départementale de consommation des espaces agricoles, qui empêchent toute construction en milieu rural.

Mme Delphine Bataille. - La mobilisation des collectivités territoriales est indispensable à la relance de la construction. Vous avez annoncé des chiffres encourageants, les pénalités prévues par la loi SRU sont appliquées, et les préfets peuvent délivrer eux-mêmes des permis de construire dans les communes carencées. Le dispositif incitatif pour les maires bâtisseurs, opérationnel depuis peu, a-t-il déjà des effets positifs ? De nombreux maires ont manifesté leur intérêt, mais moins de 700, d'après le Comité des finances locales, pourraient en bénéficier : les critères d'éligibilité pourront-ils être assouplis ?

M. Daniel Gremillet. - En milieu rural, une grande part du bâti, progressivement privé de toute fonction, est laissé à l'abandon. Comment encourager sa reprise en main ?

M. Jean-Pierre Bosino. - Nous sommes très attachés aux aides à la pierre - nous avons d'ailleurs déposé une proposition de loi il y a quelques mois sur cette question. En dépit du dispositif Pinel, rien ne change ; les crédits d'Action Logement, censé être géré paritairement, sont toujours siphonnés. L'État n'y consacrant plus d'argent, prévoyez-vous d'autres sources de financement de la construction ?

Un mot sur le Dalo : avant de devenir ministre, vous jugiez les expulsions coûteuses, y voyiez un échec et préconisiez un moratoire. Où en êtes-vous sur ce point ?

M. Philippe Leroy. - Quel sort l'État compte-t-il réserver aux ressources d'Action Logement, qui n'ont jamais été destinés à son budget ? Nous aimerions en effet connaître le contenu de l'ordonnance que le Gouvernement entend prendre.

Les collectivités territoriales étaient naguère intéressées aux politiques du logement, via les programmes locaux de l'habitat (PLH), et y jouaient un rôle éminent. Plus personne n'en parle ! C'est regrettable.

Les plus démunis bénéficient du Dalo ; les ménages à revenu ordinaire bénéficient du logement social. Reste toute une frange de la population, exclue de l'un comme de l'autre. Certains connaissent de grandes difficultés sociales, mais sont laissés dans les mains des marchands de sommeil : c'est honteux !

M. Gérard Bailly. - Une remarque d'abord : on ne met pas assez la priorité sur la protection des terres agricoles.

La Direction départementale des territoires du Jura produit des notes, que je me suis procurées, encourageant la mise en oeuvre de dispositifs « permettant aux populations de réinvestir les bourgs-centres au plus près des pôles d'emplois, de services et de commerces : production de logements sociaux et adaptés aux personnes âgées, réhabilitation du patrimoine ancien », etc. On ne veut plus que les gens habitent dans nos campagnes ! Que répondez-vous à cela ? Que souhaite réellement le Gouvernement ?

M. Henri Tandonnet. - En dépit des schémas de cohérence territoriale (SCOT), des PLUi, des programmes locaux de l'habitat, des plans de déplacements urbains, l'on raisonne toujours, en matière de logement social, commune par commune. N'est-il pas temps de passer là aussi à une logique intercommunale ? La production de logements sociaux gagnerait à être organisée sur un territoire plus grand par des communes volontaires.

Les EPF locaux sont importants pour le portage foncier. Pourquoi interdit-on leur élargissement ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Le président de la République a annoncé toute une série de mesures, mais leur calendrier de mise en oeuvre gagnerait à être précisé. D'abord, les organismes HLM sont attentifs au délai qui sera retenu pour les prêts de haut de bilan. Ensuite, quand la Foncière créée par la Caisse des dépôts sera-t-elle opérationnelle, et quelles missions lui confierez-vous ? Qui paiera l'élargissement de la garantie du cautionnement, et comment ? Quatrièmement, des études, pas toujours publiques, ont montré que les locataires de logements sous le régime de la loi Pinel ne respectent pas toujours le plafond de ressources : quel contrôle faites-vous de l'occupation de ces logements, et pouvez-vous nous transmettre toute l'information disponible à ce sujet ?

Peut-on envisager, là où les logements sont trop chers au regard de l'exigence de mixité sociale, un dispositif permettant aux organismes HLM de financer une forme de déclassement des logements HLM classiques ?

M. Roland Courteau. - Vous auriez reçu un rapport établissant des préconisations pour mobiliser le foncier privé. Quelles sont-elles ?

L'accès au logement est une des conditions de réinsertion et de reconstruction des femmes victimes de violence. Les besoins en la matière sont-ils satisfaits ? La loi de 2010, qui prévoyait la signature de conventions spécifiques, est-elle bien appliquée ?

Je vous remercie de prendre en compte la montée du niveau des mers. En Languedoc-Roussillon, les experts évaluent à un niveau très élevé le coût des logements qui seront détruits d'ici à quelques décennies. Le mal étant déjà fait avec la concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, le phénomène est inévitable ; y a-t-on bien réfléchi ?

M. Franck Montaugé. - Compte tenu du coût de réhabilitation des immeubles des centres-villes anciens, les EPF pourraient-ils jouer un rôle de portage du bâti ? Quels outils financiers ou fiscaux peut-on imaginer à cette fin, même en situation de marché locatif ou d'acquisition détendu ?

- Présidence de M. Gérard César, vice-président -

Mme Anne-Catherine Loisier. - De nombreux jeunes couples sont empêchés de construire dans nos hameaux, cela a été rappelé, et la présence d'édifices classés dans les centres-bourgs, renchérissant les prix, les en empêche également. Comment, dans ces conditions, allons-nous renouveler nos populations ?

Tous les territoires, y compris dans les zones rurales de moins de quinze habitants au kilomètre carré, doivent-ils être tenus d'établir un schéma de cohérence territoriale ? La cohérence, là où les habitants se voient tous les jours et se disent clairement les choses, se vit au quotidien... Ces schémas, au surplus, coûtent cher en frais d'études et s'ajoutent à de nombreux autres documents. La menace, faute de Scot, de se voir imposer la règle de l'urbanisation limitée n'est guère opérante : l'urbanisation est déjà très limitée !

M. Bruno Sido. - L'absence de PLU - devenus PLUi, ce qui rallonge la procédure... - empêche de construire : ne peut-on imaginer des dérogations pour tel jeune ménage désireux de s'installer ?

Les maisons durent plus longtemps que les hommes - parfois plus d'un siècle. Or faute de succession fluide, certaines finissent par se vider et se transforment en ruines dangereuses contre lesquelles les maires n'ont aucun levier d'action. Quel dispositif peut-on imaginer pour traiter ce problème ?

M. Michel Houel. - Dans ma commune, j'ai appliqué une règle simple et qui donne de très bons résultats : chaque logement collectif doit comprendre 20 % de logements sociaux locatifs ou en accession à la propriété.

Les élus doivent être très fermes en ce qui concerne la revitalisation des centres-bourgs : ils doivent empêcher les commerces de s'installer dans les galeries commerciales qui se trouvent en périphérie. Ainsi, j'ai réussi à garder en centre-bourg nos deux pharmacies qui voulaient partir.

Laissons les hameaux se développer, tout en imposant aux propriétaires de garer leurs voitures sur leur terrain, afin de ne pas encombrer les voiries.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. - Que de questions !

Plusieurs d'entre vous s'inquiètent pour Action Logement. L'État ne fait que porter la réforme de gouvernance voulue par les partenaires sociaux. Certes, cette habilitation par ordonnance ne m'enthousiasme pas, mais les délais sont contraints puisque la réforme doit entrer en vigueur au 1er janvier 2017. Lors de la discussion au Sénat, je ne disposerai pas du texte de l'ordonnance mais nous pourrons nous retrouver pour l'étudier avant qu'elle ne paraisse. Je souhaite que cette réforme soit consensuelle. L'État n'a pas d'objectifs cachés : il n'a pas l'intention de siphonner les crédits d'Action Logement ni de modifier le pourcentage de la participation des employeurs à l'effort de construction.

En revanche, les fonds d'Action Logement ne doivent pas être thésaurisés : ils doivent servir à la construction de logements sociaux et, avec la Foncière, de logements locatifs privé. Ils doivent également financer les prêts d'accession à la propriété qui permettent aux publics les plus précaires d'acheter leur logement... D'ailleurs, Action Logement veut mobiliser plus de crédits pour le logement, débloquer des fonds pour l'amiante lors des réhabilitations des logements sociaux, augmenter sa participation dans la Foncière. Cette réforme de gouvernance n'est pas anodine : il s'agit d'une véritable révolution interne. La mise en place d'un comité des partenaires est nécessaire pour qu'Action Logement travaille avec l'ensemble du monde HLM et pas seulement avec certains organismes. Le lien avec les collectivités locales doit également être renforcé.

L'Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols), nouvelle structure qui effectue les contrôles, disposera de moyens renforcés pour s'assurer que la PEEC remplit ses obligations.

Enfin, il nous faudra réfléchir à des conventions territoriales entre Action Logement et les EPCI : nous en reparlerons en séance. Une déclinaison territoriale d'Action Logement est indispensable, y compris en zone rurale.

Avec le décret pris en Conseil d'État, j'ai obtenu, grâce à certains d'entre vous, la suppression de la double majorité pour le Fonds national des aides à la pierre (Fnap). En outre, le Fnap ne sera pas une simple chambre d'enregistrement, mais il nous a fallu faire oeuvre de pédagogie auprès d'autres ministères. Je souhaite que vous m'aidiez lors de la prochaine loi de finances à doter suffisamment ce fonds.

Je souhaite également que vous m'aidiez à obtenir des crédits suffisants en matière d'hébergement d'urgence pour qu'ainsi je ne sois pas amenée à prendre, dès mars, des décrets d'avance. Nous voulons tous améliorer la politique d'hébergement avec des structures pérennes plutôt que des accueils à l'hôtel. Chaque année, le budget qui lui est consacré augmente : évitons de voter un budget sous-dimensionné qui ensuite doit être abondé sous l'autorité du Premier ministre. La mobilisation des collectivités en faveur de l'hébergement est réelle.

Le budget de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) repose en partie sur les quotas carbone. Elle doit financer 70 000 réhabilitations par an. Fin 2015, des dossiers Anah n'ont pas pu être traités, faute de crédits. C'est dommage, car nous aurions pu atteindre 60 000 logements. Le chiffre de 70 000 logements est même atteignable. Il est à noter l'effet d'entraînement de ces travaux qui incitent des familles moins modestes à en entreprendre à leur tour, notamment grâce aux éco-prêts. Le budget de l'Anah fera l'objet d'un débat important lors de la prochaine loi de finances : cette agence fonctionne aussi bien en milieu rural et péri-urbain que dans les métropoles. Elle a signé des conventions départementales avec la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB). Dotons donc l'Anah d'un bon budget. Je souhaite également simplifier les règles de l'éco-prêt. Le milieu bancaire doit faciliter la mise en oeuvre de nos politiques en devenant acteur des travaux de rénovation.

Les décrets sur l'aide personnalisée au logement (APL) seront publiés d'ici un mois : des mesures d'économie seront prises, avec le versement à l'euro inférieur, la prise en compte du patrimoine des bénéficiaires et des loyers excessifs payés par certains jeunes. Ces mesures d'économie entreront en vigueur en octobre.

Le rapport de Dominique Figeat sur le foncier, ainsi que celui de Daniel Goldberg sur le même sujet, ont été publiés. Le premier propose diverses mesures fiscales mais ce n'est pas à un an de la présidentielle qu'un tel débat doit être lancé. En revanche, nous avons pris en compte certaines de ses propositions, comme l'amélioration de la transparence du marché foncier, avec l'accès aux bases des professionnels de l'immobilier. Nous voulons renforcer la stratégie foncière des territoires, grâce aux établissements publics fonciers (EPF). Le débat sur la modification de la valeur vénale des terrains est nécessaire, mais il ne peut intervenir aujourd'hui. Nous devrons bien un jour traiter de la question de la fiscalité immobilière dans son ensemble.

La loi Alur et la loi Littoral traitent des dents creuses. Le Morbihan est particulièrement concerné par cette question.

M. Michel Le Scouarnec. - C'est vrai !

M. Daniel Dubois. - Il n'y a pas que le Morbihan !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. - Par le passé, les dispositions de la loi Littoral n'ont pas toutes été respectées, si bien que les interdictions actuelles ne sont pas toujours comprises. Nous devrons nous montrer pédagogues pour faire comprendre notre position. En outre, les documents d'urbanisme doivent respecter les dispositions législatives, ce qui n'est pas toujours le cas. Rappelons enfin que le PTZ est distribué pour plus de la moitié en milieu rural.

M. Daniel Dubois. - Mais dans les centres-bourgs !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. - Pas seulement. Faut-il intensifier les constructions dans les centres ? Faut-il au contraire construire en périphérie des bourgs ? Loin d'être un frein, les Scot permettent d'harmoniser au niveau d'un territoire les politiques de logement et de transport.

Pour que les petites opérations comprennent des logements sociaux, il convient que les opérateurs y soient disposés. Je vous invite à rencontrer la présidente de la fédération nationale des sociétés coopératives d'Hlm qui assiste à cette audition. Au niveau territorial, les opérateurs devraient dialoguer entre eux.

Nous devrons nous entendre sur la notion de hameau. Ce n'est pas parce qu'il existe une parcelle entre deux maisons qu'il s'agit d'une dent creuse.

Le PLH permet de connaître les besoins de la population et l'état du marché locatif et d'accession. Les comités régionaux de l'habitat et de l'hébergement sont des outils essentiels pour tout ce qui touche au logement. Nous devons éviter que les aides à la pierre ne soient aspirées par les grandes villes et les métropoles.

Le taux de logements sociaux doit continuer à être calculé à l'échelon de la commune, mais la question des petites communes se pose. La loi SRU implique des effets de seuil, liés à la dernière loi de mobilisation du foncier public mais aussi à la nouvelle carte des intercommunalités. Dans le cadre de la loi égalité et citoyenneté, nous allons revenir sur les effets de seuil qui n'ont plus de sens. En outre, le débat devrait se dérouler au sein des intercommunalités car il n'est pas normal que la ministre du logement décide seule du sort de telle ou telle commune. Il importe de savoir sur un territoire donné s'il y a une forte demande de logements sociaux ou pas. Certaines communes sont en deçà du seuil, ont du mal à trouver des bailleurs mais aussi des demandeurs. En revanche, d'autres communes croulent sous les demandes.

J'en viens au rôle des préfets dans le cadre de la loi SRU : aujourd'hui, 21 permis de construire ont été accordés par les préfets pour 520 logements et 110 préemptions pour 1 800 logements. Le comité interministériel d'octobre 2015 avait publié une liste de 36 communes en grand retard : 22 vont reprendre l'instruction des permis de construire et 29 préemptions sont prévues. Certaines communes se dotent de contrats de mixité sociale, d'autres demandent aux préfets de prendre des permis de construire pour mettre fin au débat municipal. Si les communes concernées par la loi SRU respectaient les engagements auxquels elles sont tenues, 700 000 logements sociaux seraient construits d'ici 2025.

Vous m'avez interrogée sur les maires bâtisseurs : au cours du deuxième semestre 2015, 472 communes ont bénéficié de cette aide d'un montant de 35 millions d'euros, ce qui a permis d'aider la construction de 16 700 logements. Pour le premier semestre 2016, 532 communes bénéficient de cette aide de 47 millions pour 34 000 logements. Nous n'envisageons pas d'assouplir les trois critères d'attribution afin que l'aide reste substantielle, soit environ 2 000 euros par logement.

Certains territoires sont couverts par un EPF d'État et d'autres par des EPF locaux. J'ai demandé aux cinq nouvelles grandes régions, à savoir Poitou-Charentes - Aquitaine - Limousin, Auvergne - Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées - Languedoc-Roussillon, Grand-Est et Hauts-de-France, si elles souhaitaient fusionner leurs EPF ou non. Chaque commune doit être convaincue de l'utilité de conclure une veille foncière avec son EPF. Ainsi, depuis 40 ans, l'EPF d'Auvergne permet à de petites communes rurales de construire des logements. En revanche, seuls les EPF d'État peuvent faire face au coût d'aménagement de friches industrielles très polluées. Dans le Tarn, j'ai demandé au préfet de clarifier la situation.

Les expulsions sont un échec et coûtent beaucoup d'argent puisque l'État est tenu de reloger les familles. Nous avons lancé le plan national de prévention des expulsions et le dispositif est décliné par département. La situation est bien différente entre les départements qui préviennent les expulsions et les autres. Les bailleurs sociaux qui se sont inscrits dans cette démarche obtiennent de bons résultats, ce qui ne les empêche pas d'expulser les locataires de mauvaise foi. Un prochain décret maintenant les APL pour les locataires de bonne foi prévoit la mise en place de plans d'apurement.

J'en viens à l'accès au logement des personnes les plus démunies : le droit au logement opposable n'a rien à voir avec les revenus. En revanche, les personnes sans aucun revenu relèvent des dispositifs d'hébergement et de grande solidarité. Pour rendre ces ménages solvables, il faut de la formation, de l'emploi ou encore des prestations sociales comme le RSA.

La question des seuils pour bénéficier d'un logement social mérite d'être débattue. Faut-il s'en tenir strictement aux planchers et au plafonds ou bien faut-il accepter les dépassements. Et dans ce cas, jusqu'où aller ? Ainsi, l'Ancols a contrôlé un office HLM qui ne logeait que des personnes dépassant largement les plafonds.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - C'est rare !

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. - Certes, mais cela existe.

Si le logement social concerne une grande majorité de Français, le parc privé doit néanmoins être abordable. Il faudrait des logements sociaux dans toutes les opérations privées. Les promoteurs doivent faire un effort sur les prix, y compris en période de reprise.

J'espère annoncer la mise en place des prêts de haut de bilan d'ici quinze jours, d'autant que la Caisse des dépôts est prête. Avec sa lettre de mission, Thierry Repentin a quelques mois pour convaincre les ministères de la nécessité de mobiliser le foncier public.

Des annonces ont été faites pour accroître la garantie locative. Action Logement élargira Visale à d'autres publics. Nous poursuivrons la discussion sur les publics jeunes, même si nombre d'entre eux sont déjà couverts. En effet, tous les jeunes en activité salariée, y compris les apprentis, en bénéficient. Visale garantit ces jeunes, même à temps partiel ou ayant une promesse d'embauche, à l'entrée du bail et pour trois ans. Dorénavant, il faudrait que les travailleurs indépendants bénéficient de cette garantie.

Ayant dû quitter le domicile conjugal, beaucoup de femmes victimes de violences deviennent victimes de mal logement. Dans le cadre du plan pauvreté, le Gouvernement s'était engagé à mobiliser 1 650 places d'hébergement ou de logement ; 500 places restent à créer. Il faut pouvoir accueillir ces femmes qui, quittant leur domicile, se retrouvent en urgence absolue. Dans certains territoires, le dispositif d'aide fonctionne très bien : en Île-de-France, nous relogions chaque année de façon pérenne plus de 250 femmes avec enfants dans du logement social. Nous devrons faire mieux à l'avenir.

Certains centres-villes anciens sont en déprise. Le programme de requalification des quartiers anciens porté par l'Anru a donné de bons résultats. En outre, des publics peuvent être intéressés par ces logements libres. C'est le cas à Saint-Etienne, mais aussi dans d'autres villes. L'action sur les centres-bourgs ne répond pas totalement à cette problématique.

En ce qui concerne les successions difficiles, je ne puis vous apporter de réponse mais la question mérite réflexion.

Enfin, nombre de villes qui disent qu'il est impossible de trouver du foncier pour construire des logements accordent des extensions de parking pour leurs supermarchés, au dépend de la terre agricole. En outre, de nombreux élus veulent leur centre commercial ou leur galerie marchande alors qu'il en existe déjà beaucoup trop. En Île-de-France, des centres commerciaux ne sont plus économiquement viables en raison de la concurrence. Ces centres consomment beaucoup de foncier et n'utilisent même pas leurs toitures pour les énergies renouvelables. Tout cela n'a pas de sens. Les aménageurs devraient se retrouver dans des réseaux d'acteurs afin d'en revenir à la raison. L'activité économique de proximité est essentielle. Grâce à l'intervention d'EPF, certaines villes et métropoles recyclent le foncier utilisé par d'anciens centres commerciaux.

Donnons aux territoires les moyens d'avancer sur tous ces sujets.

M. Gérard César, président. - Merci, madame la ministre, pour ces réponses précises.

Désignations de rapporteurs

M. Daniel Laurent est nommé rapporteur sur la proposition de loi n° 543 (2015-2016) visant à relancer la construction en milieu rural.

M. Ladislas Poniatowski est nommé rapporteur sur le projet de loi n° 545 (2015-2016) ratifiant l'ordonnance n° 2016-129 du 10 février 2016 portant sur un dispositif de continuité de fourniture succédant à la fin des offres de marché transitoires de gaz et d'électricité.

La réunion est levée à 19 h 30.