Mercredi 17 novembre 2021

- Présidence de M. Christian Cambon, président -

Projet de loi de finances pour 2022 - Mission « Action extérieure de l'État » - Programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » - Examen du rapport pour avis

M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis. - Je souhaite tout d'abord adresser un hommage sincère aux personnels, titulaires, contractuels et agents de droit local, qui se dévouent depuis le début de la pandémie, sans retour vers leurs familles et leurs proches, pour porter au plus haut notre diplomatie et leur assurer notre reconnaissance. La pandémie et l'effondrement de l'Afghanistan ont montré à quel point leur engagement était essentiel, et a pointé les limites des politiques de restriction imposées depuis des années.

La stabilisation des effectifs du ministère se poursuivra en 2022 grâce à l'arrêt du programme « Action publique 2022 » visant la mutualisation et la réduction des fonctionnaires en poste à l'étranger, quel que soit leur ministère de rattachement. 12 millions d'euros sont prévus par le PLF pour faire face aux risques de change et d'inflation et 30 millions d'euros pour la revalorisation des métiers et carrières diplomatiques. Dans cette perspective, la création du corps des administrateurs de l'Etat ne doit pas fragiliser la capacité d'impact et de rayonnement de la diplomatie française. Et il faut trouver les conditions de modernisation de la fonction publique compatibles avec l'impératif d'une fonction publique diplomatique professionnelle et spécialisée. Trois conditions sont nécessaires :

- préserver la spécificité des concours d'Orient comme voie d'accès direct au Quai,

- améliorer les perspectives d'accès des secrétaires des affaires étrangères à l'encadrement supérieur du ministère

- et garantir la réalité du droit d'option qui sera proposé aux personnels.

J'en viens à la politique immobilière du ministère. Nous avons été entendus sur trois points cruciaux :

- la vente de biens pour entretenir le parc immobilier n'est plus considérée comme normale ;

- l'entretien du patrimoine immobilier fait désormais l'objet d'ouverture de crédits budgétaires, et bénéficie même cette année d'un apport non remboursable du compte d'affectation spéciale de 36 millions d'euros ;

- enfin et vous étiez un ardent partisan de cette évolution Monsieur le Président lorsque vous étiez rapporteur du programme 105, le ministère s'est doté de deux schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI), l'un pour l'administration centrale et les biens métropolitains, et l'autre pour le parc immobilier situé à l'étranger.

Là encore je me félicite que nos recommandations aient été suivies. Pour que ces évolutions puissent porter leurs fruits il faut :

- que le niveau des crédits de paiement inscrits annuellement soit de l'ordre de 80 millions d'euros ce qui correspond au besoin,

- que les autorisations d'engagement soient portées à un niveau encore supérieur. La programmation pluriannuelle de travaux rend nécessaire l'ouverture des autorisations d'engagement au bon niveau, en fonction des capacités de traitement des dossiers par les services et en fonction des SPSI dont le ministère s'est doté.

Nous sommes allés en mars faire un contrôle sur pièce et sur place des travaux menés dans le cadre du projet Quai d'Orsay XXI avec mon co-rapporteur André Gattolin. Nous en avons conclu que la fonction immobilière du ministère s'était professionnalisée, et qu'il convenait de lui donner les moyens de mener à bien ses missions.

Mes chers collègues, je vous propose d'adopter les crédits du programme 105.

M. André Gattolin, rapporteur pour avis. - Je m'attacherai essentiellement à la question des contributions internationales de la France aux grandes organisations mondiales, onusiennes et européennes notamment, parce qu'elles constituent une part très significative du programme 105. La quote-part de la France au budget de ces organisations a tendance structurellement à diminuer, en raison de nos résultats économiques au long cours et de la montée en puissance des pays émergents, passant pour le budget de l'ONU de 6,03% sur la période 2004 2006 à 4,43 % sur 2019-2021.

C'est un mouvement mécanique puisque le calcul de ces contributions obligatoires s'appuie sur le RNB par habitants, ce qui ne conduit pas à l'augmentation de notre quote-part. Pour rester dans le classement des 10 premiers contributeurs à l'ONU, il faudrait à l'avenir fournir un effort de plusieurs centaines de millions d'euros. Nous sommes au 9ème rang des contributeurs des agences onusiennes, avec une participation annuelle dix fois inférieure à la contribution américaine, 1er contributeur mondial avec 10,5 milliards d'euros par an. Arrivent ensuite l'Allemagne, au deuxième rang, avec une contribution près de 4 fois supérieure à la nôtre, puis, le Royaume Uni, le Japon, la Suède, la Norvège, le Canada, et les Pays-Bas. Notre classement en tant que contributeur devrait diminuer avec la progression de la Chine notamment. Cette évolution mécanique de nos contributions obligatoires a un impact négatif sur la capacité de la France à peser à l'avenir sur les orientations des organisations internationales. Un décalage important s'est créé au fil du temps et est perçu par nos partenaires comme par nos concurrents entre l'activisme diplomatique français et notre contribution réelle. Notre pays s'est retrouvé dans la gestion de certaines crises humanitaires 10 fois moins disant que nos partenaires européens. Notre capacité d'entrainement vis-à-vis de nos partenaires européens pourrait s'en ressentir cruellement, alors que nos OPEX requièrent leur participation et celle des organisations internationales, pour que l'action militaire aboutisse à des solutions politiques durables. Ça a toujours été un paradoxe de la France, qui consacre beaucoup d'argent aux opérations militaires. La gestion a posteriori des crises revient à nos partenaires moins engagés militairement.

Face à cette situation, en 2021, 20,2 M€ de contributions volontaires ont été inscrits sur le programme 105, parmi lesquels 17,2 M€ de mesures nouvelles, auxquelles s'ajouteront 9,6 millions de mesures nouvelles en 2022 pour porter ces contributions volontaires du programme 105 à 29,8 M€. C'est important et il faut le souligner, le détail de la répartition de ces contributions volontaires est donné dans l'essentiel que vous avez eu. Je souligne simplement que 20,3 millions d'euros sont dédiés au renforcement de la sécurité internationale et 2,3 millions d'euros au programme des jeunes experts associés.

Ces choix traduisent bien notre vision en faveur d'une approche coopérative et multilatérale, à un moment où le mouvement d'affaiblissement et de contestation du système multilatéral est en voie d'accélération, malgré le réengagement de l'administration Biden, et alors que la France est attendue sur ce sujet. Il me paraît donc souhaitable que cet effort soit renforcé grâce à deux recommandations.

Il s'agit tout d'abord de l'inscription de cet effort de nos contributions volontaires dans la durée. Lorsque des effets de change permettent de retrouver une marge de manoeuvre, elle ne doit pas intégralement captée par Bercy et bénéficier à la quote-part française. Que les gains ainsi réalisés permettent d'accroître l'influence française serait une mesure de bonne gestion.

La deuxième recommandation concerne la coordination des efforts des pays de l'Union européenne. Notre effort doit être conjoint entre pays européens, voire avec les États-Unis lorsqu'il s'agit d'objectifs partagés. La Chine est à la tête de 4 organisations onusiennes, ce qui est inhabituel dans l'histoire de l'ONU et pose question.

Nous devons pérenniser notre effort et renforcer nos coopérations. Notre effort ciblé sur quelques priorités à forts effets de levier pourrait être décuplé grâce à la coordination européenne. La France et l'Allemagne coordonnent d'ailleurs leurs interventions en faveur des jeunes experts associés des Nations unies. Cette coopération est d'autant plus importante que la Chine investit 20 fois plus dans ce domaine. Si les Européens ne regroupent pas leurs efforts, leur poids au sein des organisations internationales risque un déclin extrêmement rapide.

Enfin, comme mon collègue, je recommande un avis favorable de la commission sur les crédits que nous examinons ce matin.

Mme Michelle Gréaume. - Il est difficile de se satisfaire de la fin de la déflation des effectifs, alors que le Quai a fait face à la diminution de près de la moitié de ses agents en moins de 50 ans. La réforme du corps diplomatique qui conduit à la fusion dans le corps des administrateurs de l'État pose de réelles questions et l'on peut se demander à quoi ressemblera la prochaine génération des fonctionnaires du corps diplomatique. J'espère que la création de l'école diplomatique et consulaire soit à la hauteur des enjeux soulevés. Je vous rappelle que notre corps diplomatique est à la peine, certains postes ne sont pas pourvus, c'est le cas notamment à Glasgow. Le groupe communiste votera donc contre l'adoption de la mission « Action extérieure de l'État » et contre l'avis sur le programme 105.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je remercie nos rapporteurs pour leurs analyses et les propositions formulées. Je rejoins toutefois ma collègue. Je trouve assez paradoxal d'envisager de se réjouir d'une stabilisation des moyens alors qu'une augmentation apparaît évidemment nécessaire. Nous voyons aujourd'hui que les équipes consulaires et diplomatiques sont en souffrance. On connaît nombre de burn-out de gens qui ont essayé de faire au mieux et qui ont cumulé des retards phénoménaux avec la fermeture des consulats pendant la pandémie et l'inadaptation des outils au télétravail. Nous devons avoir sur ces sujets une réflexion et devrions être plus revendicatifs pour soutenir ce réseau diplomatique qui fait des miracles. Nous observons des équipes qui sont a minima et qui continuent à fonctionner et à donner une belle image de notre pays. Il me semble que nous devons les aider en dénonçant le manque de moyens, ce que nous avons déjà fait. Cependant dénoncer en votant le budget année après année n'est peut-être pas la meilleure façon de procéder.

Je voulais également signaler que je suis en désaccord avec le terme de rapatriement, utilisé pour les 370 000 Français qui sont rentrés en France lors de l'épidémie. Cela n'a pas été un rapatriement. Un rapatriement c'est lorsque l'on met les gens dans un avion et qu'on les ramène en France. Les Français qui se trouvaient à l'étranger ont tous acheter leur billet pour rentrer en France, parfois ils ont dû l'acheter plusieurs fois parce que les vols été annulés. Ils ont vu leur retour facilité par le réseau diplomatique mais il n'y a pas eu de rapatriement en tant que tel. Nous en avions discuté avec le ministre qui avait utilisé ce terme au départ, ce qui avait créé un mouvement de foule vers les consulats qui n'étaient pas en mesure de le gérer, faute d'avoir des avions à disposition.

Mon dernier point concerne la réforme en cours du réseau diplomatique. Il faut que nous fassions très attention. Nous avons un réseau diplomatique qui a fait ses preuves depuis très longtemps. Il ne faut pas casser ce qui marche. Je comprends la tentation qui consiste à montrer qu'une grande réforme est en cours, mais il convient d'être très attentif à la façon dont ceci va être mené. Être en poste à l'étranger, ce n'est pas être en poste en préfecture et en changer tous les trois ans. Quand on passe d'un poste comme Bagdad au Luxembourg, ce n'est pas du tout le même travail pour le diplomate qui est en charge du fonctionnement du poste. Je crois qu'il y a une spécificité diplomatique et j'encourage notre commission à être très vigilante à ce qui est fait dans la réforme en cours. Nous devrions la suivre de façon très précise. Nous avions un outil qui s'appelait l'administration numérique pour les étrangers en France (ANEF) qui a été supprimé, il a fallu trois ans pour trouver un nouvel outil qui n'est pas du tout satisfaisant. On a cassé un outil pour ensuite seulement se demander ce qu'on allait faire. Ne laissons pas casser l'outil diplomatique sans réfléchir d'abord à ce qui va en être fait, il est trop précieux et trop important pour nous.

M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis. - Je suis tout à fait d'accord, cette réforme du corps diplomatique nous préoccupe et c'est pour cela que nous avons énuméré trois conditions pour que la réforme soit encadrée. Nous savons qu'il nous faut être pugnaces, nous l'avons été sur d'autres sujets et nous avons été entendus. Notre commission, sous la direction de notre Président, l'est et elle obtient des résultats.

M. André Gattolin, rapporteur pour avis. - Après la diminution de 3 000 emplois depuis 2007, les effectifs sont stabilisés et 43 ETP seront créés en 2022, dont 40 apprentis. À cela s'ajoute les 30 millions prévus pour la valorisation des métiers et des carrières diplomatiques. Lorsque j'ai assisté à l'examen des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » par la commission des finances, la tonalité était très différente, ce à quoi je ne m'attendais pas vu les efforts incroyables qui ont été faits et qui perdurent puisque 80 % des personnels en poste à l'étranger sont encore sur des horaires atypiques. Il y a eu un effort absolument incroyable des personnels et je trouve regrettable que nos collègues aient une vision aussi strictement comptable de quelque chose qui est essentiel par rapport à notre souveraineté et notre place au sein du concert international.

M. Christian Cambon, président. - Je voudrais abonder dans le sens de ce qui a été dit sur deux sujets. Je partage le sentiment exprimé sur la façon dont la commission des finances examine nos crédits, tant dans le domaine de la défense que dans celui des affaires étrangères. Il faut que notre commission garde sa totale indépendance dans son appréciation. Nous sommes libres d'exprimer notre vote. Nous faisons un travail différent du leur, et chaque commission doit pouvoir exercer ses compétences comme elle l'entend.

Je donne écho aux inquiétudes évoquées sur la réforme des grands corps de l'État. Les remarques faites pour le corps diplomatiques touchent aussi, à mon avis, le corps des préfets. Comme d'habitude, selon la formule hélas usée « quand ça marche, on pourrait faire en sorte que cela ne marche plus ». C'est un réflexe typiquement français. Je me fais l'écho de l'émotion qui agite le corps diplomatique, que ce soit d'anciens diplomates plus libres de parole, ou des diplomates en poste, qui espèrent que le Sénat prendra position sur ces sujets. Il y a une spécificité dans les métiers diplomatiques, des compétences indiscutables, une organisation du temps de travail, un dévouement personnel, l'acceptation de l'expatriation. Je cherche encore vainement la justification d'une telle réforme. C'est un sujet sur lequel nous devons approfondir notre réflexion.

M. Jean-Marc Todeschini. - Sur ce sujet, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères n'a pas pesé, c'est la ministre de la transformation et de la fonction publique qui a remporté les arbitrages. C'est vraiment un sujet qu'il faut regarder de près, nous serons très attentifs aux nominations après cette réforme. Cela va être une catastrophe pour la diplomatie française et un renforcement du fait du prince. Les hauts fonctionnaires sont là pour servir l'Etat et le gouvernement quel qu'il soit.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Pour illustrer ces propos, en 2017, le gouvernement avait suggéré la nomination de 21 consuls généraux. Les syndicats du Quai d'Orsay s'y étaient opposés très justement. Cela avait été d'autant plus mal reçu qu'un consul général est un chef d'équipe qui doit avoir de l'expérience. Cette mesure était tout à fait inhabituelle.

Projet de loi de finances pour 2022 - Mission « Action extérieure de l'État » - Programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » - Examen du rapport pour avis

M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis. - Monsieur le président, mes chers collègues, le budget du programme 185 sera en légère progression, de +2%, l'an prochain. C'est une source de satisfaction, même si nous aurions souhaité une véritable relance de la politique d'influence française.

En la matière, en effet, nous ne soutenons pas les appels à la rigueur budgétaire : notre commission est bien placée pour constater à quel point les luttes d'influence sont devenues un enjeu majeur dans la compétition internationale.

Je dirai même, pour reprendre la formule du nouveau chef d'état-major des armées, que la diplomatie culturelle et d'influence est l'un des instruments à notre disposition pour « gagner la guerre avant la guerre ».

La France a la chance de pouvoir déployer sa politique d'influence à partir d'un réseau historique universel qui a peu d'équivalents au plan mondial. Il s'agit aujourd'hui de saisir les opportunités offertes par ce réseau, et d'éviter à tout prix un repli, synonyme de recul, non seulement pour la francophonie, mais aussi pour nos valeurs et pour notre économie, car tous ces aspects - la langue, la culture, l'économie - sont bien sûr liés.

Dans ce contexte, nos préconisations sont les suivantes :

S'agissant de l'enseignement français à l'étranger, la subvention à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est, certes, stable, mais la trésorerie de l'agence sera très sollicitée, à hauteur de 10 M€ pour abonder les crédits d'aide à la scolarité, et de 10 M€ supplémentaires, en faveur du Liban. L'AEFE anticipe par conséquent une diminution substantielle de sa trésorerie. Or celle-ci lui sert aussi à venir en aide aux établissements en difficulté.

Ces ponctions sont d'autant plus préjudiciables que l'Agence ne peut pas emprunter, en dehors du système des avances de l'Agence France Trésor c'est-à-dire à l'échelle d'un an.

Nous souhaitons que l'Agence soit autorisée à emprunter à moyen et long terme pour financer ses opérations immobilières. C'est indispensable pour atteindre l'objectif de doublement des effectifs à l'horizon 2030. Au rythme actuel, cet objectif serait atteint en 2053... Il faut maintenant donner un coup d'accélérateur, en veillant à ne pas nuire à la qualité de l'enseignement.

Notre rapport souligne par ailleurs les risques qui pèsent sur l'enseignement français au Liban. Ce réseau, qui compte 55 établissements et représente 16 % des effectifs mondiaux, a bénéficié d'aides importantes en 2020 puis en 2021. Mais en 2022, aucun crédit budgétaire spécifique n'est programmé, en dehors du prélèvement que je viens de mentionner sur la soulte de l'AEFE. Cela ne nous paraît ni suffisant, ni pérenne.

Le ministère partage notre constat d'un risque d'effondrement de l'enseignement français au Liban. Des crédits budgétaires doivent donc être programmés. Par ailleurs, le concours de l'État au Fonds pour les écoles francophones chrétiennes au Moyen-Orient doit être reconduit et renforcé.

Enfin, nous demandons que le projet de contrat d'objectifs et de moyens de l'AEFE nous soit rapidement transmis. Le précédent COM a expiré en 2018... Le droit de regard du parlement sur la stratégie mise en oeuvre, institué par la loi du 27 juillet 2010 sur l'action extérieure de l'État, est mis à mal par l'absence de nouveau COM. L'objectif de doublement des effectifs imposerait, au contraire, que nous puissions porter un jugement éclairé sur la stratégie suivie.

Nous demandons, enfin, que ce COM soit gage de prévisibilité, c'est-à-dire qu'il prévoie une trajectoire de moyens suffisants dans la durée pour atteindre les objectifs.

Sous réserve de ces remarques, et de celles que va maintenant présenter André Vallini, nous vous proposons d'émettre un avis favorable à l'adoption de ce budget.

M. André Vallini, rapporteur pour avis. - Monsieur le président, mes chers collègues, après l'enseignement français, le réseau culturel est un autre atout majeur de notre diplomatie d'influence.

Le budget et les effectifs du réseau culturel public sont globalement stables, ce qui est satisfaisant compte-tenu du contexte économique. Mais nous souhaitons que le réseau soit préservé, afin que la conjoncture n'ait pas d'effet structurel à long terme, et que la capacité de notre diplomatie culturelle à remonter en puissance soit préservée.

Or, en 2019, le ministère a fermé 3 instituts français (Amérique centrale, Brésil et Canada). Deux antennes ont par ailleurs été supprimées, à Stavanger en Norvège et à Valence en Espagne. Nous le regrettons. En dehors des recettes issues des cours de langue française, le potentiel de ressources propres de ces instituts n'a-t-il pas été sous-exploité ?

La question du statut des établissements à autonomie financière est en voie de résolution, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Ce point est resté incertain pendant plusieurs années, suite aux réserves émises par la Cour des comptes. Il faut que cette clarification permette de dynamiser et de diversifier les ressources des instituts français, lorsque les seuls cours de langue ne permettent pas une rentabilité suffisante.

Le soutien aux alliances françaises en difficulté doit par ailleurs se poursuivre.

S'agissant de l'accueil des étudiants étrangers, en dix ans, la France est passée du 3e au 7e rang des pays d'accueil. Alors qu'elle était auparavant le premier pays non anglophone à accueillir des étudiants étrangers, elle est désormais devancée par l'Allemagne, la Russie et le Canada. Le prochain pays qui risque de passer devant la France, ce sont les Émirats Arabes Unis. La Turquie et l'Arabie saoudite font des efforts considérables pour attirer des étudiants étrangers.

Les bourses étudiantes sont l'un des rares postes en augmentation de ce budget. Deux réserves toutefois à ce sujet :

- d'une part, il ne s'agit que d'un retour au niveau antérieur à la pandémie de covid-19 ;

- d'autre part, la Cour des comptes a mis en évidence un écart, de l'ordre de 10 M€ en 2018, entre le montant prévu pour les bourses d'études et le montant effectivement consommé.

La Cour des comptes a souligné aussi la dispersion de la gouvernance de cette politique d'accueil et, en particulier, l'insuffisante coordination entre le ministère, les ambassades, les établissements d'enseignement supérieur, et Campus France. Cette politique doit donc être revue. Nous proposons l'instauration d'une marque dédiée, bien visible, et un recrutement mondial selon des critères unifiés.

Comme pour l'AEFE, le contrat d'objectifs et de moyens de Campus France se fait attendre. La pandémie ne peut pas tout justifier, et surtout pas un manque de considération pour le Parlement. C'est le contraire qui devrait prévaloir, alors que les opérateurs de l'action extérieure de l'État sont contraints de revoir en profondeur leurs stratégies.

Je terminerai en évoquant le tourisme. Le programme 185 porte en effet la subvention de l'État à l'agence Atout France. La pandémie a eu des effets dévastateurs : alors que nous espérions atteindre une cible de 100 millions de touristes internationaux par an, ce sont 40 millions de touristes qui sont venus en France en 2020, et probablement 50 millions cette année même si la reprise de la pandémie introduit des incertitudes. Les recettes tirées des visas ont fortement baissé. Or ces recettes viennent abonder chaque année le budget opérationnel d'Atout France. Une rallonge budgétaire est donc nécessaire, pour ne pas rater le tournant de la reprise du tourisme. Des pays - la Grèce, l'Espagne - font des efforts considérables pour attirer les touristes grâce à des campagnes de communication de grande ampleur

Sous ces réserves, je serai moi aussi favorable à l'adoption de ce budget pour 2022.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je partage les analyses des rapporteurs, notamment concernant le Liban.

Vous avez indiqué que la France était passée de la troisième à la septième place du classement des pays d'accueil des étudiants étrangers. Quelles sont les raisons de ce recul ? Le processus d'obtention des visas, la non-reconnaissance de certains vaccins sont-ils en cause ?

L'Institut français d'Oslo est aujourd'hui réduit à quelques bureaux et ses professeurs de langue ont été licenciés. Une école privée a été créée. Cet institut français n'a donc plus de ressources. N'aurions-nous pas intérêt à analyser de plus près les causes de ces fermetures ? À chaque fois, c'est la France qui disparaît, de façon non seulement physique mais aussi hautement symbolique.

M. André Vallini, rapporteur pour avis. - Ces fermetures sont en effet très dommageables pour l'image de la France mais aussi pour son économie. Quand la présence française recule, la France se rétracte globalement. Plus on diminue les moyens des instituts français, plus ils sont contraints de réduire leur activité, ce qui conduit finalement à les fermer.

Concernant l'accueil d'étudiants étrangers, l'augmentation des frais d'inscription a pu jouer. Il faut se préoccuper aussi de l'image que l'actuelle campagne électorale donne de la France à l'étranger.

M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis. - Les fermetures d'instituts français et la stabilité des budgets doivent être analysées au regard des luttes d'influence qui existent au plan mondial. La Chine a, en particulier, créé en 2004 le réseau des instituts Confucius qui compterait aujourd'hui 525 instituts dont 18 en France. Ce réseau s'insère au sein d'universités étrangères tout en restant contrôlé par un organisme émanant de l'administration chinoise. C'est dans ce contexte global qu'il faut analyser la diplomatie culturelle et d'influence de la France.

M. Jean-Marc Todeschini. - Disposez-vous de chiffres sur l'orientation, après le baccalauréat, des élèves de l'enseignement français à l'étranger ? Au Liban, en particulier, il semble que les élèves de l'enseignement français partent bien souvent vers des universités américaines. Pour que cet enseignement français porte ses fruits, il est essentiel que les élèves poursuivent leurs études dans le système français.

M. André Vallini, rapporteur pour avis. - La Chine, la Turquie, la Russie, l'Arabie saoudite font des efforts considérables pour attirer des étudiants. Une prise de conscience est nécessaire.

M. Christian Cambon, président. - La problématique est bien connue : les déclarations sont ambitieuses mais les moyens ne suivent pas. À Vienne, par exemple, la vente du palais Clam-Gallas a des impacts en termes de rayonnement. Le Qatar y a fait son ambassade. Cela donne le sentiment d'un déclassement de la France.

La liste des cessions immobilières est impressionnante, alors même que le Ministre nous avait indiqué que ce mouvement serait stoppé. La pression de Bercy se fait probablement sentir.

M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis. - En 2020, sur 17 955 bacheliers, 9 400 élèves scolarisés dans un établissement homologué ont accepté une proposition d'admission dans l'enseignement supérieur français.

Mme Hélène Conway-Mouret. - À ce sujet, nous avons signalé des difficultés avec Parcoursup.

Pour revenir sur le sujet des cessions, Bercy a été jusqu'à demander la vente d'une ambassade qui nous avait été donnée par les autorités du pays concerné... Là encore, cela donne une image déplorable.

M. Christian Cambon, président. - Comme ce fut longtemps le cas pour les forces armées, les moyens reculent chaque année, jusqu'au moment où il deviendra évident que l'on a été au-delà du raisonnable. Ce sujet devrait être davantage présent dans le débat public, d'autant que nous parlons d'un budget de trois milliards d'euros, relativement raisonnable à l'échelle de l'État, mais contribuant directement au rayonnement de la France.

Projet de loi de finances pour 2022 - Mission « Action extérieure de l'État » - Programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » - Examen du rapport pour avis

M. Bruno Sido, rapporteur pour avis. - Monsieur le président, mes chers collègues, avant de vous présenter avec mon collègue Guillaume Gontard nos observations sur les crédits du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires », je voudrais rappeler combien nos compatriotes établis hors de France ont été depuis 2020 fortement impactés par les vagues successives de la pandémie de Covid, à la fois brutalement et de manière très aléatoire selon les pays. Le gouvernement avait rapidement réagi en ouvrant 100 M€ de crédits supplémentaires en faveur de l'aide à la scolarité et du secours occasionnel de solidarité (SOS-Covid). J'en profite pour saluer la mobilisation des agents de nos 207 postes consulaires. Ils ont notamment rendu possible la vaccination de 60 000 Français établis hors de France, sont venu en aide à environ 87 000 bénéficiaires de l'aide ponctuelle SOS-Covid.

Il faut préciser, comme l'a rappelé le ministre lors de son audition que le soutien aux Français de l'étranger les plus démunis se poursuivra en 2022. La crise sanitaire n'est donc pas encore derrière nous.

De plus, l'année 2022 se caractérisera par l'organisation des élections présidentielles et législatives, ces dernières devant faire l'objet pour la première fois d'un scrutin électronique. L'affectation d'une enveloppe spécifique de 13,3 millions d'euros en provenance du ministère de l'intérieur est prévue pour couvrir ces frais supplémentaires.

Aussi, au sortir de ces deux années, 2020 et 2021, qui auront mobilisé des crédits supplémentaires pour faire face aux effets de la crise sanitaire, ma première observation est celle d'un certain étonnement. En effet, on ne peut que s'étonner que, à périmètre constant et déduction faite des crédits dédiés aux élections, le budget du programme 151 baisse de 3 % par rapport à la loi de finances pour 2021 pour s'établir à 360,9 millions d'euros. Ce niveau est très inférieur aux crédits consommés en 2020, qui étaient de 398,4 millions d'euros. Alors que l'administration consulaire retrouve progressivement son activité antérieure au Covid et que le ministre a donc confirmé le maintien des aides en 2022, avec mon co-rapporteur, nous exprimons deux préoccupations majeures :

- d'abord le risque de sous-budgétisation de plusieurs dispositifs d'aide pour continuer à faire face à la crise sanitaire, mon collègue vous en dira un mot ;

- ensuite le bon déploiement des réformes de modernisation de l'administration consulaire.

Sur ce second point, j'ai échangé avec la direction des Français de l'étranger plusieurs préconisations et pistes de réflexion pour accélérer le rythme de déploiement du nouveau Service France Consulaire à l'Union européenne et au reste du monde. Par ailleurs, il me semble important de rappeler que le processus de dématérialisation des services ne doit pas pour autant conduire à négliger la sécurisation et l'amélioration de l'accueil des usagers lorsque leur présence physique reste indispensable. À cet égard, il faut rappeler que le Service France Consulaire n'est compétent que pour répondre aux demandes d'informations générales. Chaque consulat demeure en charge du suivi des dossiers individuels et des visas. L'expérience de la crise sanitaire montre que le maintien d'un accueil physique reste fondamental.

Par ailleurs, nous avons identifié des marges de progression qui ne semblent pas prises en compte dans les objectifs de dématérialisation. Je propose, à l'image de ce qui existe déjà pour les Britanniques à l'étranger, d'étudier avec le ministère de l'Intérieur la possibilité d'expérimenter pour les Français la dématérialisation totale des demandes de renouvellement de pièces d'identité. De même, pourquoi maintenir l'envoi postal de la propagande électorale à l'étranger qui est coûteux et peu fiable dans de nombreux pays. Là encore je propose d'étudier la possibilité d'une transmission par voie électronique pour les élections organisées hors de France.

Le processus de modernisation du service public consulaire me semble donc encore devoir être clarifié. Sous ces réserves, je formule un avis favorable à l'adoption des crédits de ce budget pour 2022.

Je passe maintenant la parole à mon co-rapporteur.

M. Guillaume Gontard, rapporteur pour avis. - Monsieur le président, mes chers collègues, j'ajouterai aux préconisations de Bruno Sido sur l'organisation des élections présidentielles et législatives qu'il faudra tout particulièrement veiller au maintien de bureaux de vote physique pour les élections législatives où le scrutin numérique sera également mis en place, des problèmes ayant été relevés dans plusieurs pays lors des dernières échéances électorales, ce qui pose de sérieux problèmes démocratiques.

J'en viens maintenant à nos sujets de préoccupations budgétaires.

Le budget pour 2022 ne peut être fixé indépendamment des constats effectués sur les dépenses réelles des deux exercices précédents que sont l'année 2020, au début de la crise Covid, et l'année en cours 2021 où nous constatons que le nombre de bénéficiaires d'aides sociales a continué à augmenter.

Il faut rappeler que le niveau des dépenses consommés en 2020 s'est établi à 398,4 millions d'euros, soit 25,9 millions d'euros de plus que le montant voté en loi de finances initiale pour 2020. Nos auditions ont de plus confirmé le dépassement en cours d'année des crédits prévus pour 2021 de plusieurs dispositifs d'aide. Dans ces conditions, le budget pour 2022 présente un risque de sous-budgétisation de plusieurs dispositifs d'aide pour continuer à faire face à la crise sanitaire.

J'émets avec mon co-rapporteur plusieurs points de vigilance :


· S'agissant de l'aide à la scolarité : nous constatons une sous-budgétisation volontaire devant être complétée par l'excédent de trésorerie de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Le ministère évalue à 71 millions d'euros la « soulte » mobilisable par l'AEFE pour compléter la dotation budgétaire. Cette situation semble soutenable à court terme, mais ce système ne peut pas être pérenne.


· Concernant les aides sociales et le maintien en 2022 du SOS-Covid, il y a un risque majeur de dépassement de crédits en cours d'année. De l'avis même de l'administration consulaire, indépendamment de la crise sanitaire, une partie des Français résidant à l'étranger continue à se paupériser notamment par les effets de crises locales au Venezuela, en Égypte, au Brésil, en Argentine et au Liban. En 2020, le total général de l'aide sociale a atteint un niveau de consommation de 17,8 millions d'euros. Depuis, le nombre de bénéficiaire du dispositif SOS-Covid ne cesse de progresser. Dans ces conditions, la prévision de dépense globale de 15,2 millions d'euros pour 2022 risque d'être insuffisante.


· Le constat est le même pour les organismes locaux d'entraide et de solidarité (OLES). La budgétisation de 1,4 million d'euros est insuffisante. Le besoin excède déjà la prévision si l'on se réfère au niveau de consommation des crédits de 2020 (2,17 millions d'euros pour 108 associations) et de l'année 2021 en cours où, d'ores et déjà 1,7 million d'euros ont été versés.


· Enfin, je voudrais évoquer le dispositif d'aide de la caisse des Français de l'étranger (CFE). La situation sanitaire a également entraîné une hausse du nombre de bénéficiaires de la 3e catégorie dite « aidée », qui a pour objet de permettre aux Français expatriés les plus démunis de bénéficier de la protection sociale offerte par la CFE tout en s'acquittant d'une cotisation minorée. On compte actuellement plus de 2 000 bénéficiaires, mais de l'avis même du directeur de la caisse, ce dispositif ne semble pas suffisamment connu des Français les plus démunis. En 2020, la dotation initiale de 380 000 € avait été portée à 960 000 € pour tenir compte de l'augmentation du nombre d'adhérents et mieux équilibrer entre l'État et la caisse le coût global du dispositif qui s'établit aujourd'hui à 3,8 millions d'euros. D'une part, nous incitons la CFE et l'administration consulaire à mieux faire connaître le dispositif, sous réserve de la revalorisation par le Gouvernement de la dotation prévue pour 2022 dont le montant de 380 000 € apparaît d'emblée insuffisant. D'autre part, la possibilité d'une augmentation pérenne de la contribution de l'État devrait être étudiée, puisque comme nous l'avons dit, l'État ne prend aujourd'hui en charge que 10 % du dispositif contre 50 % lors de sa création. Le modèle de financement actuel pose de sérieuses questions pour l'avenir, d'après le directeur de la caisse.

Au final, mon constat sur tous les points évoqués est que ce budget pour 2022 est en baisse et ne tient pas compte des besoins réels et des perspectives de dépenses. C'est pourquoi, à titre personnel, je m'abstiendrai sur le vote de ce budget.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je pense que, comme pour la réforme de la haute fonction publique, nous pourrions engager un travail sur le vote électronique car nous testerons à grande échelle un mode de scrutin dont l'analyse sera utile pour une éventuelle adaptation au niveau national. En revanche, je ne suis pas d'accord avec la préconisation de dématérialisation totale des demandes de renouvellement des pièces d'identité. Il faut réaliser qu'un grand nombre de nos compatriotes ne sont pas connectés pour raisons diverses, de génération ou de manque de réseau dans leur pays de résidence. Si on dématérialise complètement la propagande électorale, cela priverait certains électeurs d'une communication qui par ailleurs n'existe pas dans les médias. Plus généralement, faisons attentions aux limites de la dématérialisation. On en voit les conséquences dans les consulats où il n'y a plus de standard téléphonique pour prendre rendez-vous.

Pour les bourses scolaires, je voudrais dénoncer ce qui se fait au niveau local sur des économies volontaires de certains postes qui ne dépensent pas totalement les enveloppes qui leur sont attribuées pour justifier à Paris de leur bonne gestion. Cela au dépend des familles qui déscolarisent leurs enfants. C'est très malheureux.

Mme Michelle Gréaume. - Ce rapport point les insuffisances de ce budget dont la légère augmentation concerne une mission ponctuelle, celle des élections. À périmètre constant, les crédits baissent. J'ai une préoccupation concernant le fait d'encourager le Gouvernement à accélérer la dématérialisation des services consulaires. La plateforme téléphonique commune est intéressante, mais elle ne doit pas conduire à fermer les antennes consulaires. Il faudrait que la dématérialisation soit une possibilité et non une obligation pour les usagers car certains d'entre eux ne peuvent accéder aux procédures à distances.

M. Rachid Temal. - Le vote électronique pose la question de la sécurité. Je rappelle qu'il avait été tenté puis retiré. Face aux risques d'attaques quelles sont les garanties apportées par l'administration consulaire ? Sur les autres points, effectivement 100 % des crédits affectés aux bourses scolaires ne sont pas attribués. C'est un sujet récurent mais aussi compliqué. Concernant la dématérialisation, je vous invite à lire un excellent article du journal Le Monde sur la question du service public que l'on veut choisir pour répondre vraiment aux besoins.

M. Bruno Sido, rapporteur pour avis. - Concernant le vote électronique, chacun sait que cela peut apporter une réponse à l'abstention importante et favoriser le vote. Je suis tout à fait d'accord avec ma collègue Hélène Conway-Mouret pour analyser et faire le bilan du scrutin en ligne par internet qui ne s'appliquera, je le rappelle, qu'aux élections législatives.

L'administration poursuit surtout la dématérialisation des pièces d'état-civil, mais pas des passeports et des cartes d'identité. La question du renouvellement des passeports provient d'un échange sur la situation à Londres où le consulat est mal équipé pour recevoir le public. Cela dit, les Britanniques ont de leur côté réussi à dématérialiser la procédure de renouvellement des passeports. Au Royaume-Uni, les Français doivent se déplacer à Londres même s'ils habitent au nord de l'Ecosse. Et encore, il s'agit d'un pays où les moyens de communication fonctionnent. Je précise que la préconisation ne concerne que la possibilité d'expérimenter une telle procédure dématérialisée, pas l'obligation d'y recourir.

M. Guillaume Gontard, rapporteur pour avis. - Je suis d'accord avec les remarques qui ont été faites sur le vote électronique. L'expérience du vote aux élections consulaires qui se sont tenues en mai dernier a ainsi révélé des problèmes. Car pour qu'il y ait vote électronique, il faut aussi des bureaux de vote physique. Or nous n'avons pas été en capacité d'en organiser partout ce qui représente autant de manquements. Par ailleurs, je ne souhaite pas l'installation d'un vote à 100 % numérique.

Le numérique peut être intéressant pour d'autres usages également, par exemple les passeports, mais pour de nombreuses demandes qui peuvent être très complexes, il faudra toujours préserver un accueil physique. Cela nécessite des moyens sur lesquels il faudra toujours être vigilant.

M. Christian Cambon, président. - Nous allons procéder au vote global sur les trois rapports pour avis de l'action extérieure de l'État.

M. Jean-Marc Todeschini. - Le groupe socialiste s'abstiendra. Il s'agit d'une abstention de vigilance, certains crédits étant en hausse et d'autres en baisse. Cette vigilance s'impose car nous n'aurons probablement pas de débat en séance publique.

M. Christian Cambon, président. - Je mets aux voix les trois avis favorables formulés par les rapporteurs des programmes 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » et 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires ».

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

Projet de loi de finances pour 2022 - Mission « Aide publique au développement » - Programmes 110 « Aide économique et financière au développement » et 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » - Examen du rapport pour avis

M. Hugues Saury, rapporteur pour avis. - Les crédits consacrés à l'aide publique au développement connaissent à nouveau une forte hausse d'une loi de finances à l'autre. Les crédits de paiement des deux programmes 110 et 209 croissent en effet d'environ 25%. La cible des 0,55% du RNB consacrés à l'APD en 2022, fixée par la loi du 4 août 2021, sera atteinte.

La progression des crédits budgétaires résulte d'abord de celle des engagements multilatéraux, en particulier à travers l'initiative ACT-A pour faire face à la crise sanitaire et économique. Mais elle correspond également à une forte progression de notre aide bilatérale.

C'est d'abord notre aide humanitaire qui poursuit sa remise à niveau, atteignant 500 millions d'euros en 2022. Il s'agit d'une progression de près de 170 millions d'euros par rapport à 2021, qui concerne tous les aspects de l'aide humanitaire. Nous corrigeons ainsi ce qui constituait, par rapport à nos partenaires, un point faible de notre politique de solidarité internationale.

Deuxième aspect en progression sur le bilatéral : les dons de l'AFD et les crédits que celle-ci octroie aux ONG. Si l'on y ajoute les crédits gérés directement par le ministère, ce sont plus de 900 millions d'euros de dons qui pourront être consacrés à des projets de développement en 2022.

En revanche, après les fortes hausses de ces dernières années, le PLF confirme la stabilisation à environ un milliard d'euros des autorisations d'engagement accordées à l'AFD pour faire des prêts. Cette évolution est due à deux facteurs : d'une part, le plan d'activité de l'agence a été revu à la baisse avec le COVID, d'autre part, il a été décidé de stabiliser son activité à environ 12 milliards d'euros par an. La conjoncture donne donc l'occasion à l'agence de modifier sa « culture d'entreprise », orientée depuis des années vers une augmentation permanente des octrois dans les pays émergents. L'AFD devra désormais mettre davantage l'accent sur la consolidation de ses interventions et sur l'évaluation de leur efficacité. En outre, l'agence a beaucoup embauché récemment, passant de 1 870 à 2 400 agents entre 2016 et 2020, soit 28% d'augmentation : il faudra donc gérer une masse salariale plus lourde tout en freinant son activité.

Après avoir ainsi tracé les grandes lignes du budget de la mission APD pour 2022, je souhaiterais évoquer le contexte dans lequel notre politique de solidarité internationale va continuer à se déployer l'année prochaine dans les pays prioritaires en Afrique.

Ce contexte est marqué par des problèmes sécuritaires persistants et des problèmes politiques qui se multiplient. Les problèmes sécuritaires ne nous ont certes pas empêchés d'augmenter nos interventions au Sahel. En 2020, ce sont 348 M€ qui y ont été décaissés par l'AFD. Lors du Sommet de N'Djamena des 15 et 16 février 2021, les chefs d'Etat du G5 Sahel se sont engagés à accélérer le déploiement des administrations et des services sociaux dans le cadre d'un « sursaut civil et politique » soutenu par la France, en particulier dans la zone des 3 frontières.

Une partie de ces efforts est cependant remise en cause par les deux coups d'Etat intervenus au Mali. Le non-respect par la junte du cadre politique de la transition, ainsi que les discussions entre les autorités maliennes et la société militaire privée russe Wagner, n'ont fait qu'aggraver la situation. Dans ces circonstances, quelle doit être notre attitude ? Pour le moment, la France et l'ensemble de ses partenaires de l'Union européenne ont soutenu la position de fermeté adoptée par la CEDEAO, qui vient de décréter des sanctions individuelles. Ceci a conduit à la suspension de notre aide budgétaire (10 M€) pour l'année 2021. Nous avons également agi pour que la Banque mondiale annule un projet de 250 millions d'euros à Bamako, ce qui constitue une mesure très forte. Cependant, les projets de développement déjà en cours, au profit des populations, n'ont pas été interrompus. En tout état de cause, nous devons suivre la situation de très près car nous savons bien que notre aide n'aurait aucune efficacité à long terme si le nouveau régime ne revenait pas à la légalité et ne reprenait pas sa place dans les instances économiques régionales.

Le problème est d'ailleurs plus général. Nous rencontrons les mêmes difficultés en Guinée après le coup d'Etat du 5 septembre dernier et au Soudan après celui du 25 octobre, pays où nous venons de suspendre l'annulation de la dette. La situation très dégradée en Libye ou encore en Éthiopie soulèvent également de nombreuses difficultés pour notre aide. Encore une fois, celle-ci ne peut en effet être efficace que si des conditions minimales de sécurité et de bonne gouvernance sont réunies.

Dernier point que je voulais signaler, mais que Rachid Temal abordera aussi : le processus de création de la nouvelle commission d'évaluation ne semble pas aller dans le bon sens. D'après nos informations, elle risque de trop d'appuyer sur les services déjà existants au sein des ministères, ce qui ne serait pas cohérent avec l'objectif d'indépendance.

Sous réserve de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « APD ».

M. Rachid Temal, rapporteur pour avis. - Je souhaiterais d'abord apporter un complément s'agissant des moyens consacrés par le PLF 2022 à l'aide publique au développement. Comme Hugues Saury l'a expliqué, les crédits de la mission sont en forte hausse, ce dont nous nous félicitons : il est indispensable de mettre davantage d'argent sur la table pour soutenir le développement de certains pays, surtout en Afrique ; c'est bien notre intérêt partagé avec ce continent dont nous sommes voisins et qui affronte actuellement de multiples crises. Il faut également faire face à la concurrence des Russes, des Chinois ou encore des Turcs.

En revanche, en ce qui concerne les ressources extrabudgétaires, le produit de la taxe sur les transactions financières (TTF) qui alimente l'APD est toujours plafonné à 528 millions d'euros, quand le produit total de la taxe a été de 1,7 milliard d'euros en 2020 et devrait rester stable en 2021. Au-delà de 528 millions d'euros, tout va au budget général : c'est une véritable manne pour Bercy. Pourtant, dès l'origine, la TTF devait constituer une contrepartie en termes de solidarité internationale au développement de la finance. Il est regrettable que cette situation se prolonge un an de plus ; espérons que le rapport prévu par cette même loi nous soit remis assez tôt pour que nous puissions faire évoluer les choses dans la prochaine loi de finances, d'autant que nous ne pouvons pas compter sur la taxe sur les billets d'avion (TSBA).

Deuxième aspect que je souhaitais aborder : la mise en oeuvre, précisément, de la loi de programmation du 4 août 2021. En effet le Parlement, et singulièrement le Sénat, l'ont profondément amendée : il importe donc de suivre attentivement son application. Nous avons donc posé la question de cette mise en oeuvre à l'ensemble des personnes que nous avons auditionnées, y compris le ministre ici même.

Du côté des points positifs, il faut citer la progression des dons-projets, conformément à ce que nous avions prévu dans l'article premier. Par ailleurs, Rémi Rioux nous a indiqué qu'il considérait que la loi avait bel et bien modifié le mandat de son agence. En effet, comme nous l'avons prévu dans l'article 10 de la loi, le mandat de l'AFD n'est plus binaire : pays en développement/outre-mer, mais ternaire : pays les plus pauvres/pays émergents/outre-mer. C'est une clarification essentielle, qui acte que l'aide aux pays pauvres, qui passe davantage par des dons, n'a rien à voir avec le financement du développement durable dans les pays émergents. Le directeur général de l'AFD s'est engagé à nous rendre compte de l'activité de l'agence en suivant cette nouvelle organisation de ses missions, ce qui est un élément positif.

Autre changement dû à la loi et déjà partiellement mis en oeuvre : le principe de la restitution des biens mal acquis. Un nouveau programme budgétaire n°370 a en effet été créé au sein de la mission APD pour accueillir les fonds issus de la vente de ces biens. Il sera doté de crédits au fur et à mesure de l'encaissement des fonds par l'Agence de recouvrement des biens saisis et confisqués. C'est un progrès très important, grâce auquel nous rejoignons les rares pays (Suisse et États-Unis) qui ont déjà ce système.

En ce qui concerne les aspects moins positifs, nous ne disposons toujours pas du rapport sur le criblage des bénéficiaires de l'aide prévu par la loi, qui devait nous arriver le 4 novembre. Il semblerait que les ministères ne parviennent pas à se mettre d'accord. Nous sommes assez inquiets sur ce sujet. Par ailleurs, comme l'indiquait Hugues Saury, ce que l'on nous dit sur la création de la commission d'évaluation est un peu inquiétant. Il serait question qu'elle fasse réaliser ses études par les services d'évaluation déjà existants au sein du Quai d'Orsay, de Bercy et de l'AFD. Ce serait alors un simple donneur d'ordre. Ce n'est pas du tout la lettre ni l'esprit de ce que nous avons voté. Nous avons demandé au directeur du développement durable de faire part de nos fortes interrogations au ministre sur ce point. Il y va de l'indépendance et de la crédibilité de cette commission.

Sous réserve de l'ensemble de ces remarques, je vous propose également de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Mme Marie-Arlette Carlotti. - Nous sommes favorables à l'adoption de ces crédits du fait de leur hausse et des évolutions qui résultent de la loi du 4 août 2021 à laquelle nous avons beaucoup contribué. Il faut cependant suivre avec vigilance la mise en place de la commission d'évaluation, qui est un apport essentiel de la loi. S'agissant des pays pauvres prioritaires, nous avons véritablement rectifié le tir au sein de la loi, ce qui est aussi un point positif pour nos militaires engagés au Sahel. Il est par ailleurs normal de sanctionner les auteurs des coups d'Etat, sans toutefois sanctionner les populations pauvres. Il convient également de surveiller nos versements au Fonds mondial, qui doivent impérativement être conformes à nos engagements, ce qui ne serait pas le cas actuellement. La mise en place du fonds pour l'état civil constitue également un sujet à suivre. Les rapports prévus par la loi de programmation sont très importants, notamment celui sur le criblage. Enfin, je suis inquiète de la tournure qu'ont pris les débats sur la TTF à l'Assemblée nationale.

M. Jacques Le Nay. - L'évolution est positive et nous conduit à être favorables à ce budget. À travers vos auditions, avez-vous perçu un effet de la crise de la Covid-19 sur l'aide au développement ?

Mme Michelle Gréaume. - Notre groupe s'abstiendra. Malgré l'augmentation des crédits, selon l'OMS, il manque 90 millions d'euros de versements français s'agissant du Fonds mondial, et 600 millions d'euros sur ACT-A par rapport aux engagements du Président de la République.

M. André Gattolin. - Il a récemment été question sur une radio des 140 millions d'euros d'APD dont bénéficie la Chine. La moitié de cette aide serait consacrée aux étudiants chinois. Avez-vous des précisions ?

M. Hugues Saury, rapporteur pour avis. - Nous avions fait des concessions sur des aspects importants de la loi de programmation, il serait vraiment dommageable que la commission indépendante ne soit pas celle qui était prévue par le texte.

M. Rachid Temal, rapporteur pour avis. - Tout part d'un problème de pilotage. C'est parce que le pilotage ne fonctionne pas bien qu'on veut évaluer en fin de parcours. La première question est donc celle du pilotage et de portage politique. Le compromis trouvé ne semble pas convenir à l'administration...

M. Hugues Saury, rapporteur pour avis. - Les rapports, pas loin d'une dizaine prévus par la loi, avec des dates de publication différentes, constituent un travail important et je crains qu'il n'y ait des retards. Nous devons maintenir la pression pour les avoir en temps et en heure. S'agissant de la crise sanitaire, nous avons débloqué des financements et distribué des vaccins. En revanche, l'activité de l'AFD a chuté.

M. Rachid Temal, rapporteur pour avis. - Il nous faut une forme de tableau de bord pour contrôler l'exécution de la loi de programmation et en particulier la publication des rapports. Sur la vaccination, il y a désormais un problème de nombre de doses ; il faut aider les pays à produire car si tout le monde n'est pas vacciné, la pandémie se poursuivra. S'agissant de la Chine, il y a, d'une part, les frais d'écolage et, d'autre part, le fait que l'AFD est une banque qui doit faire des profits avec ses prêts, et qui prospecte à cette fin dans les pays émergents. Or la somme des prêts reste très supérieure, nécessairement, à celle des dons. Nous avons fait un premier pas en distinguant les deux missions mais c'est toujours la même structure. Idéalement il faudrait distinguer complètement deux entités, quitte à les maintenir dans un seul groupe.

M. Hugues Saury, rapporteur pour avis. - C'est aussi un problème de communication. Il est évident que les chiffres que l'on présente sont plus élevés si l'on fait la somme des prêts et des dons.

Mme Marie-Arlette Carlotti. - Je me souviens que sur le criblage, nous avions accepté de sursoir au débat en échange de ce rapport. Il ne serait pas acceptable qu'il ne nous soit pas présenté.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Avec Henri de Raincourt, nous avions préconisé qu'il y ait un ministre chargé du développement. Ne faut-il pas insister à nouveau sur ce sujet ?

M. Hugues Saury, rapporteur pour avis. - Il y a un consensus sur le fait qu'il serait logique d'avoir un ministre spécifique sur ce sujet, mais la décision ne nous appartient pas. Le fait d'avoir un ministre unique permettrait aussi de remédier aux désaccords entre le Quai et Bercy.

M. Christian Cambon, président. - Sous la cinquième République il y a toujours eu, auparavant, un ministre chargé de la coopération ou du développement, avec un portefeuille variable.

M. André Vallini. - Le problème est surtout celui de l'absence de longévité ministérielle. J'ai moi-même occupé ce poste pendant un an, c'est trop peu. J'avais choisi de mettre l'accent sur la santé maternelle et infantile, mais il faudrait cinq ans pour avoir une véritable action.

M. Christian Cambon, président. - Nous allons écrire aux ministres sur la question de la commission d'évaluation. C'était un apport important du Sénat et cela ne doit pas être remis en cause. C'est déjà assez regrettable qu'il n'y ait pas de ministre dédié.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ».

Projet de loi de finances pour 2022 - Mission « Sécurités » - Programme 152 « Gendarmerie nationale » - Examen du rapport pour avis

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis. - Le budget de la gendarmerie prévu par le projet de loi de finances pour 2022 est un bon budget !

Avec 9,3 milliards d'euros en crédits de paiement, il augmente de 2,44% par rapport à 2021. Les dépenses de fonctionnement passent à 1,2 milliard en crédits de paiement, soit une augmentation de 14%, et les dépenses d'investissement passent à 284 millions en crédits de paiement, en hausse de 46%. Comme les dépenses de personnel n'augmenteront pour leur part que de 1,1%, la proportion des dépenses de fonctionnement et d'équipement augmente pour la première fois depuis longtemps par rapport aux dépenses de personnel, ce qui est une bonne chose.

Le Beauvau de la sécurité, qui s'est achevé en septembre dernier, a permis de dégager 202,1 millions de crédits de paiement supplémentaires pour l'équipement et l'investissement. Ces crédits permettront notamment le déploiement de 110 000 téléphones mobiles et 11 000 tablettes entre novembre 2021 et avril 2022.

Par ailleurs, le Beauvau a prévu 13 millions d'euros pour les mesures en faveur du personnel. En 2022, le schéma d'emplois de la gendarmerie nationale augmentera de 185 équivalents temps plein, essentiellement au profit des brigades territoriales.

S'agissant des véhicules de la gendarmerie, l'année 2022 devrait également être un « bon cru ». Au 30 septembre 2021, déjà, 3 221 véhicules ont été commandés par la gendarmerie nationale pour un objectif total de 3 707 véhicules sur l'année en cours. L'année prochaine, la dotation augmentera grâce à 100 millions d'euros de crédits débloqués dans le cadre du Beauvau de la sécurité et du plan de relance. Une dotation de 171 millions d'euros est ainsi prévue pour les moyens mobiles de la gendarmerie, dont 145 millions de véhicules et 25,5 millions de moyens blindés. Cette dotation exceptionnelle rendra possible l'acquisition de 5 500 véhicules en 2022. Elle permettra notamment de poursuivre le renouvellement des véhicules de maintien de l'ordre, qu'il s'agisse du remplacement des véhicules de commandement et de transmission, de celui des véhicules de groupe et d'équipe, ainsi que des véhicules blindés. En outre, 650 véhicules « verts » seront acquis sur le programme 362 « Écologie » pour 23,6 millions d'euros. Avec l'acquisition de 5°500 véhicules, on est presque en « sur-renouvellement » par rapport au rythme normal qui serait plutôt de 3°000 ou 3°500 par an.

En ce qui concerne les blindés, comme vous le savez, l'ensemble du parc de la gendarmerie, qui constitue un élément important de la capacité d'action de la force, notamment outre-mer, est marqué par la vétusté. La gendarmerie dispose de 84 véhicules blindés à roues (VBRG), entrés en service en 1974 (47 ans), et de 20 véhicules de l'avant blindés (VAB), dont 14 opérationnels, obtenus auprès de l'armée de Terre, d'une moyenne d'âge de 35 ans. C'est pourquoi une procédure d'appel d'offres a été lancée le 17 décembre 2020 pour l'acquisition de 90 véhicules blindés de maintien de l'ordre (VBMO), pour un budget d'environ 70 M€. C'est finalement l'entreprise alsacienne Soframe, du groupe Lohr, qui a remporté ce marché en octobre 2021. La tête de série doit être présentée à la fin du premier semestre 2022. La livraison doit s'échelonner sur 3 années, à raison de 30 véhicules par an. Ce renouvellement entraînera la réforme concomitante de l'ancien parc blindé.

Je souhaiterais enfin évoquer la réserve opérationnelle. Nous avons en effet auditionné le général Fortin, commandant des réserves de la gendarmerie, pour qu'il nous éclaire sur la montée en puissance annoncée par la Président de la République pour la réserve opérationnelle, avec un passage prévu de 30 000 à 50 000 réservistes.

Nous n'avons pas de doutes sur l'intérêt d'une telle montée en puissance, bien au contraire. La présidence française de l'Union européenne, l'opération POSEIDON sur le littoral de la Manche, la coupe du monde de Rugby en 2023 puis les JO en 2024 : ces événements vont s'ajouter à tous les autres besoins, avec par exemple les festivals d'été. Notre questionnement porte plutôt sur la crédibilité de cette montée en puissance d'un point de vue budgétaire. Actuellement, pour environ 30 000 réservistes et 24 jours annuels par réserviste, les crédits prévus sont de 71 millions d'euros. 24 jours, c'est peu par rapport aux réserves des armées : l'ambition du ministère est donc de monter à 30 jours par réserviste et par an, pour avoir le temps d'assurer à la fois la formation continue et des missions attractives. Un rapide calcul montre que pour monter à 50 000 réservistes et 30 jours par an, il faut passer de 71 millions à 148 millions d'euros de crédits ! C'est considérable. Or rien n'est prévu dans le PLF 2022 : on reste pour l'instant à 71 millions d'euros. Le commandement des réserves a certes fait une demande dans le cadre de la préparation de la LOPPSI, annoncée pour le début de l'année prochaine. Les crédits correspondants devront ensuite figurer dans la plus prochaine loi de finances après l'adoption de cette loi. Il nous faudra être très vigilants à ce sujet : la marche est très haute, mais l'enjeu en vaut la peine !

Sous réserve de ces quelques remarques, nous vous invitons à donner un avis favorable aux crédits du programme 152 pour 2022.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure pour avis. - Après le plan de relance, la gendarmerie nationale bénéficie des suites du Beauvau de la sécurité, qui s'est tenu entre février et septembre 2021, dans la continuité du livre blanc de la sécurité intérieure. Comme l'a souligné Philippe Paul, les crédits de la gendarmerie nationale sont ainsi en nette progression au sein du PLF 2022, en particulier en fonctionnement et en investissement.

Je rappelle que les travaux du livre blanc doivent trouver une issue dans une nouvelle loi de programmation de la sécurité intérieure. Celle-ci a récemment été annoncée par le Président de la République. Il est un peu dommage qu'il faille attendre l'extrême fin du quinquennat pour avoir cette loi de programmation. Après la loi de programmation sur la solidarité internationale, cela devient un peu une mauvaise habitude !

Car si les crédits sont en hausse en 2022, il ne s'agit toujours que de plans ponctuels, et non du résultat d'une véritable programmation pluriannuelle.

Prenons par exemple les crédits de l'immobilier de la gendarmerie. Vous le savez, on assiste à une dégradation constante des conditions de logement dans l'immobilier domanial, résultat d'un sous-investissement persistant, malgré des plans de rénovation ponctuels. Un effort substantiel avait déjà été accompli en 2021 grâce au plan de relance. En 2022, avec le Beauvau de la sécurité et la suite du plan de relance, l'enveloppe pour l'immobilier atteint le montant conséquent de 157 millions d'euros en crédits de paiement. Ce nouvel effort, réel et substantiel, laisse néanmoins selon moi persister deux questions :

- sur quel socle le PLF 2023 sera-t-il construit l'année prochaine, en l'absence de nouveau « Beauvau » et une fois le plan de relance achevé ? Si l'on se base sur les seuls crédits du programme 152 du présent PLF, hors « Beauvau » et plan de relance, c'est un montant de seulement 76 millions d'euros qui est prévu, ce qui est très insuffisant ;

- même avec les ajouts substantiels du plan de relance et du « Beauvau », on reste loin des crédits nécessaires pour maintenir le parc immobilier domanial en bon état, puisqu'il faudrait en réalité 300 millions d'euros par an, dont 200 millions d'euros pour la rénovation et 100 millions d'euros pour l'entretien.

Au total, malgré une deuxième année de hausse des crédits, la question de l'immobilier de la gendarmerie nationale n'apparaît donc pas définitivement résolue. Les pistes présentées en novembre 2020 dans le Livre blanc de la sécurité intérieure (partenariats public-privé, pérennisation du recours à la délégation de maîtrise d'ouvrage aux collectivités territoriales, création d'une société foncière en charge de la gestion du parc domanial, etc), ces pistes ne se sont pas, pour l'heure, concrétisées. Ces interrogations devront donc impérativement trouver des réponses dans la future loi de programmation de la sécurité intérieure.

Par ailleurs, sur la question de la réserve opérationnelle et de sa montée en puissance, je partage les doutes de mon co-rapporteur Philippe Paul. Je voudrai ajouter quelques éléments à ce sujet.

Premièrement, si l'on veut augmenter massivement le recrutement, il faut que les entreprises soient plus accommodantes. Actuellement, la garde nationale va à leur rencontre pour qu'elles autorisent les réservistes à dépasser les 5 jours prévus par la loi. Il faut accentuer ces efforts, notamment auprès des grandes entreprises qui, nous dit-on, sont paradoxalement moins favorables à cette démarche que les PME.

Deuxièmement, il faut améliorer la gestion de l'enveloppe budgétaire de la réserve. Le général Fortin, commandant des réserves, nous a assuré que cette enveloppe n'est plus, comme il y a quelques années, la variable d'ajustement budgétaire du programme 152. On ne se retrouvera donc plus avec des coupes sombres de 30% en deuxième partie d'année comme par le passé. En revanche, les engagements opérationnels effectués en fin d'année voient toujours leur mise en paiement réalisée en début d'année suivante, entraînant des reports de rémunérations. Ainsi, 21,9 millions d'euros ont été reportés de 2020 à 2021, et 10,7 M€ seront sans doute reportés de 2021 sur 2022. Il a là des améliorations possibles et nécessaires, car ces reports ne sont pas bien compris par les réservistes. En tout état de cause, la description de la nouvelle architecture du commandement des réserves que nous a fait le général Fortin nous rend optimistes, car elle montre que la problématique des recrutements et de la formation est bien prise en compte.

Troisièmement, la gendarmerie n'est pas très bien lotie par rapport aux armées. Celles-ci sont en mesure d'employer les réservistes plus de 30 jours par an, contre 24 jours seulement pour la gendarmerie. Il est donc impératif que la montée en puissance des effectifs, à raison de 3000 supplémentaires par an environ, soit accompagnée d'une augmentation du nombre de jours par réserviste. Or, pour le moment, il n'a été communiqué que sur l'augmentation des effectifs, ce qui pourrait faire craindre un ajustement à la baisse des jours de mission. Il nous faudra donc être très vigilants sur ce point lors de l'examen du projet de loi de programmation.

Sous réserve de ces observations, mon groupe votera en faveur des crédits du programme 152 « gendarmerie nationale ».

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 152 « Gendarmerie nationale ».

Désignations au sein d'organismes extraparlementaires

En application de l'article 6 de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État, la commission désigne M. André Gattolin membre du conseil d'administration de Campus France.

En application de l'article 9 de la même loi, la commission désigne Mme Hélène Conway-Mouret et M. Olivier Cadic membres du conseil d'administration de l'Institut français.