« Femmes et pouvoirs » (XIXe - XXe siècle)


PRÉSENTATION DE LA JOURNÉE D'ÉTUDES
JEAN GARRIGUES, PRÉSIDENT DU CHPP ET PROFESSEUR À L'UNIVERSITÉ D'ORLÉANS

En tant que professeur à l'université d'Orléans, je voudrais d'abord dire que je suis très sensible à l'hommage qui vient d'être fait à la bonne dame de Nohant, puisque au fond elle fait en quelque sorte partie de notre district historique. J'ajoute que le Sénat, les 9 et 10 décembre 2004, va organiser un colloque qui s'appelle « George Sand, littérature et politique », et qui prolongera la réflexion initiée par Martine Reid.

Il y a une autre figure à laquelle je voudrais dédier cette journée d'études : Françoise Giroud, qui est devenue en 1974 la première secrétaire d'État à la Condition féminine. Et c'est pour commémorer le trentième anniversaire de ce secrétariat d'État, ainsi d'ailleurs que la nomination de Simone Veil au ministère de la Santé, que le CHPP, que j'anime, a décidé d'organiser cette journée.

Permettez-moi quelques mots pour vous rappeler que ce comité fort de cent cinquante chercheurs, spécialistes en science et en histoire politique, essaie depuis deux ans d'accomplir une mission à la fois scientifique et citoyenne. Notre mission scientifique consiste tout simplement à favoriser le travail des chercheurs sur la vie politique, et notamment sur l'activité parlementaire. Pour ce faire, nous organisons des colloques nationaux, internationaux ; nous organisons un séminaire mensuel de recherche ouvert à tous, chercheurs et non chercheurs, amateurs plus ou moins éclairés ; nous décernons à partir de cette année un prix de thèse en histoire politique, qui sera dédié au martyr républicain Jean Zay ; nous mettons à la disposition des chercheurs un site Internet qui recense notamment, et c'est unique, tous les travaux d'histoire politique soutenus en France depuis trente ans, de la maîtrise jusqu'à la thèse ; et bien sûr nous leur ouvrons les pages de notre revue Parlement(s) afin qu'ils y publient les fruits de leurs recherches.

Mais notre ambition n'est pas seulement scientifique, elle est aussi citoyenne. Nous ne voulons pas être des chercheurs cantonnés dans notre tour d'ivoire et contemplant avec le cynisme, ironique parfois, du prétendu savoir, les responsables politiques confrontés à l'exercice très difficile de leur mission. C'est pourquoi nous souhaitons favoriser systématiquement le dialogue et la collaboration entre les chercheurs et les acteurs du politique, que ce soit dans notrerevue ou lors de nos journées d'étude. Donc, tout au long de cette journée, nous allons croiser le regard des chercheurs historiens, juristes, politologues, sociologues , avec les témoignages des acteurs je devrais dire des actrices du combat des femmes pour le pouvoir.

Le tournant que nous avons choisi est celui de 1974, pour la raison évidente que j'ai évoquée en commençant cette présentation. On peut d'ailleurs le discuter, et j'imagine que nos intervenantes le mettront en question. Quoi qu'il en soit, il nous a semblé indispensable de le mettre en perspective, ce tournant de 1974, en rappelant les grandes lignes du combat des femmes pour la conquête d'un espace dans la vie politique depuis l'époque de George Sand. Des historiennes spécialistes de cette période (Laurence Klejman et Florence Rochefort pour la fin du XIXe siècle, Christine Bard pour l'entre-deux-guerres, puis la sociologue Évelyne Sullerot, et l'ancienne ministre Anne-Marie Idrac pour les années 1950, 1960 et 1970) vont nous rafraîchir la mémoire sur les difficultés rencontrées par le mouvement des femmes, et sur les combats qu'elles ont dû mener. Pour aborder les années décisives, celles des années 60 et 70, nous avons sollicité le témoignage d'actrices importantes de l'émancipation des femmes. Gisèle Halimi sera le grand témoin qui nous expliquera les doutes, les angoisses et les difficultés de ce combat, ce qui a véritablement changé à cette époque, et comment les femmes ont obtenu de haute lutte ces changements. En contrepoint de leur témoignage, il nous a paru très important de replacer ce combat des femme s dans un cadre plus large on retrouve la démarche des historiens , celui des transformations en profondeur de la société française à l'aube des années 70. Et Jean-François Sirinelli, Professeur à l'IEP de Paris, a bien voulu se livrer pour nous à cet exercice. Il nous permettra de comprendre le tournant à la fois mental et politique de cette époque dont nous parleront quatre grands témoins : Monique Pelletier, qui fut secrétaire d'État à la Justice de 1978 à 1981 ; Hélène Gisserot, devenue ministre déléguée aux Droits de la femme en 1986 ; le sénateur Lucien Neuwirth, le père de la loi votée en 1967 sur la contraception ; et bien sûr Simone Veil, ministre de la Santé de 1974 à 1979, et qui, me semble-t-il, incarne mieux que tout autre la reconnaissance des femmes au pouvoir. Elle a bien voulu accepter de présider cette matinée d'étude, et je l'en remercie chaleureusement.

Les trois tables rondes organisées cet après-midi vont réunir à nouveau des actrices, des acteurs et des observateurs de la vie politique.

La première de ces tables rondes sera consacrée aux expériences des femmes au gouvernement. Pourquoi ont-elles été choisies ? En fonction de quels critères ? Quelles ont été les réactions de leurs collègues masculins ? Quels types de relations se sont instaurées entre elles et eux, entre elles et les autres pouvoirs dominés par des hommes les assemblées, la haute administration, les corps intermédiaires ? En somme, y a-t-il une gouvernance féminine ? Ce sont quelques questions, parmi beaucoup d'autres, auxquelles répondront sans doute Edith Cresson, la seule femme Premier ministre de notre histoire, ainsi que plusieurs femmes ministres qui se sont succédées entre 1981 et 2001 (Michèle André, Corinne Lepage, Margie Sudre, Michelle Demessine), donc vingt années d'expériences ministérielles qui vont nous être résumées, sous l'éclairage de la politologue Mariette Sineau, directrice de recherche au Centre d'études sur la vie politique française, qui va animer cette première table ronde.

La deuxième table ronde sera elle aussi animée par une grande spécialiste de ces questions, qui présente la particularité d'être à la fois actrice et observatrice du combat des femmes. Il s'agit de Françoise Gaspard, sociologue, directrice de recherche, et qui fut une femme engagée en politique, députée et députée européenne. Elle nous parlera de la genèse difficile et si controversée de la loi de juin 2000 sur l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux, dite « loi sur la parité ». Témoigneront aussi Élisabeth Guigou, militante active pour les droits des femmes, et le sénateur Patrice Gélard qui a été rapporteur du projet.

Enfin, la troisième table ronde nous permettra d'éclairer la situation actuelle de la parité, grâce aux analyses de la juriste Gwenaëlle Calvès et aux témoignages de trois sénatrices : Nicole Borvo, Danièle Pourtaud et Janine Rozier, toutes particulièrement impliquées dans la défense de la cause des femmes. Interviendra aussi Nicole Ameline, la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.

Grâce à ce dialogue entre le passé et le présent, je pense que cette journée sera une contribution importante à l'histoire des rapports entre les femmes et le pouvoir. Sous les auspices du Sénat, les actes de cette journée donneront lieu dans quelques mois à une publication.

J'en profite pour remercier ceux qui ont rendu possible cette journée. En premier lieu, bien sûr, le président Poncelet, Mme Gisèle Gautier, mais aussi M. Alain Delcamp, directeur de la communication du Sénat, Mme Sylvie Nat, directrice des études juridiques, et leurs collaborateurs, MM. Coppolani et Wicker. Je remercie aussi Valérie Hannin et Carole Rouaud, du magazine L'Histoire , qui nous apportent leur soutien. J'ajoute qu'elles m'ont permis de rédiger, dans le dernier numéro de L'Histoire , du mois de février, un petit article intitulé « Femmes au pouvoir », qui raconte notamment la genèse du secrétariat d'État à la condition féminine en 1974, les difficultés rencontrées par Françoise Giroud pour le mettre en place et le faire vivre.

Pour terminer, permettez-moi de remercier mes collègues du CHPP, notamment notre secrétaire général, mon ami Frédéric Attal, qui a été la cheville ouvrière de cette journée. Nous travaillons bénévolement, en plus de nos activités d'enseignement et de recherche, et notre tâche, sachez-le bien, n'est pas toujours facile, y compris auprès de nos propres collègues. Notre récompense, c'est de voir cette salle pleine, et notamment pleine d'étudiants et étudiantes, de chercheurs de demain qui partagent notre intérêt, voire notre passion, pour les enjeux dupolitique. Ce serait aussi pour nous une grande récompense de voir le plus grand nombre d'entre vous rejoindre le CHPP, adhérer à notre association, et devenir de fidèles lecteurs de notre revue Parlement(s) . C'est ainsi que nous pourrons continuer à organiser de telles manifestations, grâce au soutien du Sénat.

Merci donc à tous d'être là, et merci surtout à Mesdames les sénatrices et à Mesdames les ministres qui nous font l'honneur d'apporter leur témoignage.

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