AFFAIRES CULTURELLES

Table des matières


Mercredi 28 octobre 1998

- Présidence de M. Adrien Gouteyron, président.

Projet de loi de finances pour 1999 : audition de M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie et de Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire

La commission a entendu M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, et Mme Ségolène Royal, ministre délégué, chargé de l'enseignement scolaire, sur les projets de budget pour 1999, de l'enseignement scolaire, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Afin de permettre un dialogue plus approfondi avec la commission, M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, a proposé de répondre immédiatement aux questions des commissaires.

Un premier débat s'est alors engagé sur les crédits de l'enseignement scolaire.

M. Jean Bernadaux, rapporteur pour avis du budget de l'enseignement scolaire, a demandé comment seraient financés les quelque 3.700 nouveaux emplois enseignants et non enseignants prévus pour 1999, combien d'emplois pourraient être créés par transformation d'heures supplémentaires, et quel serait le coût total des emplois-jeunes de l'éducation nationale et les modalités de leur financement.

Il a également souhaité obtenir des précisions sur les mesures concrètes qui seront proposées afin d'améliorer l'apprentissage de la lecture et sur les disciplines qui feront l'objet prioritairement d'un allégement des programmes.

Il a enfin demandé s'il était envisagé de relever les conditions de ressources posées pour l'attribution des bourses de collège.

Mme Hélène Luc, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement technique, a rappelé que l'enseignement constituait l'un des grands chantiers de réforme annoncés par le ministre.

Elle a souhaité connaître les mesures envisagées pour que l'enseignement professionnel -trop souvent considéré comme une filière d'échec- devienne une voie de réussite et soit librement choisi par les élèves au terme d'une orientation positive, et pour revaloriser le contenu des formations en y introduisant la formation en alternance.

Elle s'est interrogée sur les incidences de la réforme des lycées sur l'enseignement technologique et professionnel, sur les moyens de proposer des formations adaptées à l'emploi et débouchant sur une insertion professionnelle et sur les perspectives de création d'une structure d'observation et de prévision sur l'évaluation de ces formations.

M. Marcel Vidal a remarqué que l'introduction des technologies nouvelles de l'information et de la communication à l'école suscitait encore des réticences de la part des enseignants et a demandé s'il était envisagé de lancer des expériences en ce domaine dans des sites pilotes et d'engager des actions de formation en direction de ces enseignants.

Il a également interrogé le ministre sur le rôle et sur le fonctionnement des groupements d'établissements pour la formation continue (GRETA) dont il a jugé que le statut comportait des ambiguïtés, et sur les crédits budgétaires prévus pour 1999 dans le domaine de la médecine scolaire.

Il s'est enfin interrogé sur le développement de partenariats en matière d'enseignements artistiques, notamment entre l'éducation nationale et les écoles de musique, et sur l'implantation de services culturels à l'université.

M. Daniel Eckenspieller a évoqué le problème de la scolarisation des enfants de moins de deux ans, qui, selon lui, ne devrait pas être systématiquement proposée aux familles, sauf dans les zones défavorisées et il a souligné le hiatus constaté entre le souhait des familles et la réalité de l'accueil de ces jeunes enfants sur le terrain.

M. Claude Saunier a souhaité connaître les intentions du ministre sur le développement des nouvelles technologies à l'école et a demandé des précisions sur la situation des emplois-jeunes de l'éducation nationale qui sont mis à la disposition des maires hors la période scolaire.

M. Franck Sérusclat a estimé que l'apprentissage traditionnel de la lecture et de l'écriture était complémentaire de celui des nouvelles technologies et a souligné la nécessité d'un apprentissage de la lecture de l'image. Il s'est également interrogé sur les outils de formation dans le domaine des nouvelles technologies proposées aux enseignants par certaines grandes surfaces ou des producteurs et a estimé qu'ils devraient être avalisés par le ministère de l'éducation nationale afin d'éviter toute publicité " subliminale ".

Rappelant les efforts engagés par la ville de Saint-Fons dans le domaine des activités post et périscolaires, il a demandé des précisions sur les mesures envisagées par le gouvernement pour organiser le temps des enfants selon les orientations annoncées dans la charte de l'école du XXIe siècle.

M. Pierre Laffitte a souligné la nécessité de la déconcentration de l'apprentissage et de la formation en alternance, ainsi que l'intérêt pour l'éducation nationale de se rapprocher au plan local des structures représentant les entrepreneurs.

Il a également demandé au ministre s'il entrait dans ses intentions de favoriser la formation professionnelle aux métiers liés au numérique et aux télé-services dont un rapport européen a mis en évidence les perspectives de développement.

M. Jean-Pierre Fourcade a souhaité que la déconcentration soit poursuivie au niveau des chefs d'établissement afin notamment que ceux-ci, par exemple, puissent recourir à des sous-traitants pour faire fonctionner les cantines scolaires en cas d'insuffisance de personnels ATOS.

Il a par ailleurs souligné l'intérêt du Bulletin officiel de l'éducation nationale consacré au plan de prévention de la violence et a demandé s'il était envisagé de mettre en place des formations communes dans le cadre des contrats locaux de sécurité.

M. Philippe Richert a exprimé son étonnement en constatant que les méthodes de lecture dites globales étaient encore utilisées alors que celles-ci ne répondent pas aux difficultés des élèves et a dénoncé le caractère théorique de l'enseignement des sciences auquel il a opposé le pragmatisme pratiqué dans les écoles américaines.

Il a ensuite dénoncé la faiblesse des conditions de ressources posées pour bénéficier des bourses de collège qui excluent de fait les familles ne percevant que le SMIC, et a stigmatisé le montant dérisoire du premier taux. Il a également observé que la contribution insuffisante de l'Etat au financement des nouvelles technologies à l'école conduisait inéluctablement à un effort important des collectivités locales.

Il a par ailleurs souligné la nécessité d'aménager le service des enseignants afin de leur permettre d'apporter une aide, hors des cours obligatoires, aux élèves en difficulté. Il a aussi estimé que les enseignants devraient aider leurs élèves à savoir faire la distinction entre le virtuel télévisé et la réalité et les sensibiliser à une " lecture citoyenne " des images afin d'éviter de trop fréquents " dérapages " constatés en milieu scolaire.

Il a enfin souhaité que les contraintes administratives et la " paperasse " n'encombrent pas à l'excès les établissements scolaires.

Mme Hélène Luc s'est enquise des mesures nouvelles proposées pour scolariser les enfants dès l'âge de deux ans avec l'accord des familles. Elle a estimé que la surcharge des classes, qui n'apparaît pas dans les moyennes nationales était principalement à l'origine du mouvement des lycéens qui souhaitent d'abord un enseignement de qualité.

Elle a enfin regretté que les heures supplémentaires ne soient pas davantage transformées en emplois et a demandé des précisions sur l'organisation de la consultation annoncée des enseignants.

Répondant à ces interventions, M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, a notamment apporté les précisions suivantes :

- le projet de budget permet en effet d'augmenter le nombre d'enseignants, et le nombre d'enseignants recrutés sera supérieur au nombre des départs en retraite ;

- les créations d'emplois d'enseignants prévues pour 1999 seront financées, en application du principe du gel des emplois publics, par la diminution du nombre des maîtres auxiliaires, dont 5.000 ont été titularisés en 1998 et, pour une partie importante, par une réduction de la rémunération des heures supplémentaires " années ", dont l'annuité a été ramenée à 36 semaines : compte tenu des réactions négatives des enseignants à l'égard de cette mesure de solidarité, il n'est pas envisagé de poursuivre la transformation du volant existant d'heures supplémentaires en emplois ;

- les créations d'emplois seront également gagées par la suppression de 111 emplois à l'administration centrale, de 490 emplois de professeurs stagiaires non pourvus, et par la suppression d'emplois de surveillants d'externat et de maîtres d'internat, dont la rémunération sera assurée sur d'autres crédits sans que les effectifs soient diminués ;

- le financement des 60.000 emplois-jeunes dont le coût est de 1,70 milliard de francs a été assuré en 1998 par une réduction des heures supplémentaires et le sera en 1999 par des mesures nouvelles ;

- l'allégement des programmes de lycée deviendra effectif à la rentrée 1999 : le programme de français ne sera pas modifié mais les professeurs disposeront, comme pour la philosophie, d'une liberté plus grande pour concevoir leur enseignement qui devra cependant être axé sur la maîtrise de l'écriture et de l'expression ; les programmes d'histoire et de géographie seront rénovés et simplifiés dans une perspective d'ouverture au monde, et allégés de leur dernier tiers pour le baccalauréat ; les programmes scientifiques devront permettre de recourir davantage aux outils informatiques pour les activités purement " calculatoires ", les programmes de biologie et des sciences de la vie et de la terre devant être allégés selon les propositions faites par le Conseil national des programmes et les commissions de spécialistes ;

- l'allégement des horaires trop lourds dans l'enseignement professionnel devra être engagé en concertation avec les enseignants, qui sont attachés à leur maintien ;

- si l'enseignement professionnel est un enseignement de grande qualité qui permet aux deux tiers de ses élèves, souvent orientés par défaut, d'acquérir un métier, l'enseignement technique tend à devenir, du fait d'une dérive vers l'enseignement général, excessivement théorique et n'assure pas de manière satisfaisante la poursuite d'études en IUT, à l'université, ni l'insertion professionnelle de ses élèves ;

- la mise en oeuvre de la formation en alternance dans l'enseignement professionnel, qui est souhaitée par les partenaires sociaux, suppose une modernisation des formations, l'adaptation des sections à l'environnement économique des lycées, l'établissement de relations avec les entreprises, l'institution d'un véritable tutorat et la transformation des lycées professionnels en plates-formes technologiques pour les entreprises locales afin de rentabiliser des équipements scolaires sous-utilisés ;

- la réforme des lycées s'appliquera à l'enseignement professionnel : une campagne de promotion de cet enseignement sera engagée dès janvier 1999 ;

- une mission éducation-économie-emploi sera créée au sein de la direction de la programmation et du développement du ministère et une concertation sera engagée avec les directions concernées du ministère des finances et du ministère de l'emploi et de la solidarité pour adapter les formations professionnelles à l'emploi sur le plan quantitatif et qualitatif ;

- l'orientation des élèves vers l'enseignement professionnel doit être encouragée, notamment vers les sections de mécanique, d'hôtellerie et du bâtiment qui offrent des débouchés et souffrent d'un manque de candidats ;

- le recteur Forestier a été chargé d'une réflexion sur la professionnalisation de l'enseignement technologique ;

- les réticences exprimées par les enseignants à l'égard des nouvelles technologies tendent à se réduire compte tenu du caractère irréversible de leur développement et des modifications que ces technologies introduisent nécessairement dans la pédagogie ;

- notre pays se situe désormais à un rang très honorable pour le câblage et l'équipement informatique des établissements scolaires et pour la création de logiciels éducatifs, même si ceux-ci peuvent être exploités par des compagnies étrangères ;

- 400 jeunes docteurs seront affectés à la formation des enseignants dans les IUFM ; tous les nouveaux enseignants seront formés aux nouvelles technologies et recevront un ordinateur personnel ;

- les GRETA se caractérisent par un statut peu clair, ni public ni privé, une gestion opaque et une utilisation excessive de personnels à statut précaire : confrontés désormais à des difficultés de financement, ils demandent une aide à l'éducation nationale et aux régions qui ne leur sera accordée qu'au prix d'un assainissement de leur situation ;

- le développement des enseignements artistiques, notamment en option jusqu'à la classe de terminale, est notamment entravé par la diversité statutaire et le cloisonnement entre les enseignants de l'éducation nationale et les diplômés des conservatoires ;

- l'aménagement des rythmes scolaires permettra aux élèves du premier degré d'accéder aux nouvelles technologies, aux activités sportives et culturelles et comportera une dimension périscolaire conformément aux orientations définies par la charte de l'école du XXIe siècle ;

- la déconcentration engagée dans l'éducation nationale devrait s'accompagner d'une implication plus grande des organisations consulaires et patronales au plan local dans la formation professionnelle dispensée par les lycées ;

- notre pays dispose d'atouts considérables pour valoriser les techniques de traitement d'image et de son en matière artistique ; il convient à cet égard de conforter les équipes de recherche en créant des formations spécifiques de type BTS ;

- si certaines collectivités locales sous-traitent déjà le fonctionnement des cantines scolaires, les régions restent cependant réticentes à l'idée de recruter des personnels spécifiques pour assurer la maintenance des établissements mais elles pourraient accepter le principe d'un financement d'organismes qui assureraient la gestion des personnels ATOS, ceux-ci conservant un statut national ;

- il convient de ne pas contrarier le développement de la déconcentration de l'éducation nationale et les initiatives régionales dans le domaine de la formation professionnelle et de l'insertion, sous la seule réserve que le caractère de service public soit préservé et que l'égalité des chances soit assurée ;

- l'enseignement des sciences est trop dogmatique et devrait être réorienté sur l'observation telle que celle-ci est préconisée par le professeur Charpak ;

- la perspective d'un aménagement du service des enseignants semble aujourd'hui mieux reçue par les intéressés qui acceptent l'idée d'aider les élèves en modulant les horaires d'enseignement ; cet aménagement devrait cependant être modulé selon les disciplines ;

- alors que les collèges ont recherché une diversification du parcours des élèves en allégeant les effectifs des classes, les proviseurs de lycée ont privilégié la multiplication des options qui s'est traduite par des classes surchargées dans certaines matières ;

- la gestion centralisée des personnels de l'éducation nationale entraîne des inégalités régionales et un surencadrement des lycées parisiens ;

- les conditions de travail des enseignants se sont détériorées, notamment celles des débutants qui sont trop souvent affectés dans des établissements difficiles sans bénéficier de mesures d'accueil et de suivi. En outre l'écart de rémunération entre les jeunes enseignants et les professeurs en fin de carrière ou les professeurs de classes préparatoires est très excessif et source de tensions ; un groupe de travail confié au recteur Bancel sera chargé d'étudier le problème des conditions de travail des enseignants.

Mme Ségolène Royal, ministre délégué, a ajouté les précisions suivantes :

- le rétablissement des bourses de collège s'est accompagné d'une extension de leur champ d'application, de la création d'un troisième taux de 1.800 F et de la mise en place d'un guichet unique pour l'accès aux aides sous la responsabilité des chefs d'établissements ;

- 310 millions de francs seront affectés en 1999 aux fonds sociaux collégien et lycéen et 250 millions de francs au fonds social pour les cantines, la gestion de ces dispositifs dans les établissements devant être simplifiée ;

- plutôt que de lancer un nouveau plan lecture, il conviendra de renforcer l'efficacité du dispositif actuel afin de détecter précocement les difficultés de lecture des enfants et d'améliorer le fonctionnement des réseaux d'aide spécialisée aux enfants en difficulté ;

- afin de repérer les situations d'illettrisme et les élèves en difficulté, les réseaux d'aide à la lecture seront réactivés ainsi que les évaluations effectuées en classe de CM2 et de sixième ; les professeurs de collège bénéficieront d'actions de formation, à l'initiative des recteurs, afin de privilégier le développement de l'expression orale chez les élèves ;

- des états généraux du langage et de la lecture devraient être organisés pour définir des actions prioritaires permettant d'améliorer la maîtrise de ces apprentissages en classe de sixième ;

- la loi de finances pour 1998 avait permis de créer 600 emplois pour renforcer le système de santé scolaire et 400 emplois devraient être créés en 1999 dans le cadre du plan de santé scolaire ; ce plan devrait être axé sur l'éducation à la santé, la prévention de la maltraitance, la lutte contre le racket, la prévention des conduites à risques en matière de toxicomanie, l'accès aux soins, la liaison entre la prévention maternelle et infantile et la santé scolaire à l'école pré-élémentaire, un contrôle médical systématique en fin d'école primaire dans les ZEP et sur la coordination du système de santé scolaire et de la médecine de ville ;

- la scolarisation des enfants de moins de trois ans dans les zones difficiles, conformément aux objectifs fixés par la loi d'orientation de 1989 sur l'éducation, constitue un élément prioritaire dans l'établissement de la carte scolaire ; la scolarisation précoce des enfants doit être encouragée pour prévenir l'échec scolaire et faciliter l'acquisition des langages mais il ne paraît pas souhaitable de l'étendre aux enfants de moins de deux ans ;

- les contrats éducatifs locaux ont vocation à recourir aux emplois-jeunes pour encadrer les activités para et périscolaires et devraient permettre à l'éducation nationale de reprendre le contrôle du pilotage de l'aménagement des rythmes scolaires en préservant les priorités éducatives de diverses activités ;

- la méthode globale n'est sans doute pas la meilleure pour remédier aux difficultés des élèves devant l'apprentissage de la lecture ; la motivation des enseignants permet d'obtenir de bons résultats en mêlant plusieurs méthodes ;

- si le premier taux des bourses de collège peut en effet être considéré comme trop faible, les familles qui en bénéficient peuvent aussi obtenir une aide auprès des établissements sur les crédits du fonds social collégien et du fonds social pour les cantines.

Un second débat s'est ensuite engagé sur le budget de l'enseignement supérieur et sur celui de la recherche.

M. Jacques Valade, rapporteur pour avis du budget de l'enseignement supérieur, a d'abord observé, pour le regretter, que les crédits de l'enseignement supérieur restent inférieurs à 15 % de l'ensemble du budget de l'éducation nationale et ne s'élèvent qu'à 0,57 % du PIB, soit un pourcentage sensiblement inférieur à celui observé chez la plupart de nos voisins.

Soulignant l'intérêt des mesures prises en matière sociale, il a rappelé qu'il avait tenté, lorsqu'il était en charge de l'enseignement supérieur, de faire prévaloir un concept de statut social de l'étudiant et a demandé quelle était l'augmentation réelle du budget si l'on en retranchait la mesure nouvelle de 808 millions de francs destinée à financer la mise en oeuvre du plan social étudiant.

Il a ensuite demandé au ministre si celui-ci avait l'intention de retenir certaines propositions du rapport Attali concernant notamment l'harmonisation des cursus d'enseignement et s'il entrait dans ses projets de faciliter les transferts de technologies.

Il a enfin exprimé la crainte que la mise en oeuvre du plan " Université pour le troisième millénaire " (U3M) intervienne sans une véritable concertation, pourtant nécessaire, avec les régions et les universitaires.

M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis des crédits de la recherche, s'est félicité de l'annonce par le Gouvernement du dépôt d'un projet de loi sur l'innovation.

Il a souhaité avoir l'opinion du ministre sur la possibilité de revaloriser dans la société la notion de prise de risque, qui dans les faits se trouve de plus en plus fréquemment sanctionnée.

Il a salué le rétablissement par le Gouvernement des " stock-options ", indispensable pour permettre aux nouvelles entreprises innovantes de s'assurer des concours en personnels hautement qualifiés dont elles ont besoin.

Puis, évoquant l'articulation entre les arts et les sciences, d'une part, et les nouvelles technologies, d'autre part, il a souligné la nécessité pour les enseignants des disciplines artistiques et littéraires de prendre conscience de l'enjeu économique qui y est attaché. Il a appelé de ses voeux la création en ce domaine d'un réseau regroupant les universités, les industriels, les chambres de commerce et les organismes de recherche afin de tirer parti du nouveau gisement d'emplois que représente l'édition électronique.

Enfin, il a exprimé ses inquiétudes sur le retard pris par la France en matière de télécommunications spatiales large bande à partir de trains satellitaires. Indiquant qu'en ce domaine les projets américains bénéficiaient de l'appui du Pentagone, il a souligné que la recherche risquait en France de souffrir de l'affaiblissement du rôle du Centre national d'études en télécommunications et de l'insuffisance des crédits consacrés au Réseau national de recherche en télécommunications.

M. Ivan Renar s'est inquiété de la désaffection des étudiants pour les disciplines scientifiques qui appelle selon lui des mesures spécifiques dans l'enseignement secondaire. Il a également souhaité obtenir des précisions sur l'importance de l'échec scolaire dans les premiers cycles universitaires et sur l'efficacité du tutorat qui y a été institué, ainsi que sur les modalités de la réforme du CNRS.

Il a indiqué qu'au regard des préoccupations d'aménagement du territoire la répartition inégale des chercheurs sur l'ensemble du territoire constituait un manque à gagner. A ce titre il a fait observer que si la Région Nord-Pas-de-Calais représentait 16 % du produit intérieur national et comptait 7 millions d'habitants, elle ne bénéficiait que de 1 % de l'effectif national de chercheurs. Enfin, il s'est inquiété de l'avenir du projet Soleil.

M. Claude Saunier a rappelé que le ministre s'était engagé au cours du dernier débat budgétaire à faire le bilan du plan " Université 2000 ". Il a par ailleurs évoqué la création coûteuse de départements d'IUT qui ne sont parfois utilisés qu'aux trois quarts de leurs capacités, faute de moyens en personnels.

Partageant le souci exprimé par M. Jacques Valade, il a dit sa crainte que le plan U3M soit imposé aux régions sans la concertation nécessaire. Il a également souhaité obtenir des précisions sur le développement de la formation permanente à l'université, estimant que la part des formations initiales est appelée à s'y réduire du fait de l'évolution démographique.

Après avoir évoqué la situation de l'université thématique d'Agen et rappelé les efforts accomplis par les villes moyennes pour développer des antennes universitaires, il a souhaité que le ministre précise sa conception des réseaux universitaires et a craint que les universités-mères n'aient tendance à se recentrer sur leurs sites initiaux au détriment des antennes délocalisées.

M. Franck Sérusclat a souligné l'insuffisance des mesures nouvelles prévues pour assurer le fonctionnement des bibliothèques et s'est demandé si les crédits inscrits au budget civil de recherche et développement (BCRD) étaient suffisants pour permettre à la France de rattraper son retard en matière d'effort de recherche par rapport au Japon, à l'Allemagne, aux États-Unis et à la Suède.

Répondant à ces interventions, M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, a notamment apporté les précisions suivantes :

- l'augmentation du budget de l'enseignement supérieur, hors plan social étudiant, sera de 3,9 % en 1999 ;

- certaines universités ne consomment pas l'intégralité de leurs crédits puisque 7 milliards de francs feraient l'objet de placements financiers dans les banques ;

- la mise en oeuvre du rapport Attali se traduira par une harmonisation plutôt que par une modification des diplômes mais ces mesures ne seront pas imposées aux universités et aux grandes écoles qui ne le souhaiteraient pas ;

- la licence constituera le carrefour du nouveau cursus universitaire qui s'ordonnera autour d'un parcours court menant à un master et d'un parcours long aboutissant à une thèse, sans suppression des DEUG ni des DEA ;

- le projet de loi sur l'innovation, qui sera déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat, devrait permettre de prendre en compte le problème du transfert de technologies ;

- les activités de valorisation des résultats de la recherche, et en particulier le " consulting ", doivent devenir des critères positifs d'évaluation des chercheurs, au même titre que le nombre de publications ;

- il est indispensable de réhabiliter la prise de risque, qu'elle soit entrepreneuriale ou technologique. Le principe de précaution a, en effet, des limites ;

- l'éducation nationale n'a pas la même conception que l'aménagement du territoire en matière de constructions universitaires et il importe de laisser une large autonomie en ce domaine aux universitaires et aux collectivités locales lorsque leurs projets sont réalistes. En ce domaine, le rôle de l'Etat est de coordonner et d'arbitrer ;

- il ne peut y avoir d'entreprises innovantes sans un système de stock-options ;

- les priorités de la politique spatiale ont été réorientées au détriment des recherches liées aux vols habités et au profit de domaines comme les télécommunications, l'observation de la terre et les technologies de grappes de satellites en orbite basse qui exigent des petits lanceurs ;

- l'enseignement des sciences tel qu'il est pratiqué dans l'enseignement secondaire et la surcharge des programmes sont à l'origine de la désaffection des étudiants pour les filières scientifiques, notamment en physique et en biologie, alors que la psychologie et la sociologie restent encore trop plébiscitées ;

- l'échec dans les premiers cycles universitaires est en voie de diminution : 64 % des étudiants de DEUG obtiennent ainsi leur diplôme en deux ou trois ans, soit un taux de réussite voisin de celui observé dans les classes préparatoires aux grandes écoles (69 %) ; ce résultat encourageant pour une filière courte non sélective résulte de la continuité de la politique universitaire menée depuis plusieurs années ;

- les objectifs de la réforme du CNRS sont de rapprocher cet organisme de la structure péri-universitaire, d'ouvrir le conseil scientifique à la fois à des chercheurs étrangers et à des chercheurs industriels, de permettre aux jeunes chercheurs d'accéder plus rapidement à l'indépendance scientifique et d'accroître la mobilité des personnels ;

- un colloque devrait être organisé au Sénat et à la Sorbonne les 3 et 4 décembre pour établir le bilan du plan U2000 ;

- il n'y a pas de retard français en matière de financement de la recherche mais un mauvais fonctionnement de la recherche française, attesté par la place insuffisante réservée aux sciences de la vie et de la terre, l'absence de lien entre la recherche, l'emploi et la création d'entreprises et un développement insuffisant de l'innovation et de la recherche péri-universitaire ;

- en ce qui concerne le projet Soleil, il convient d'observer qu'alors que les États-Unis disposent de deux synchrotrons, l'Europe en compte six, un autre étant en construction. Il n'existe aucun équipement scientifique pour lequel les besoins européens soient deux fois supérieurs à ceux des États-Unis. En conséquence, s'il doit y avoir un huitième synchrotron, sa réalisation sera confiée à un consortium européen ;

- l'implantation d'un équipement scientifique ne crée pas à lui seul des emplois. Pour créer une dynamique économique favorable à partir de la recherche, il est plus important d'attirer les hommes ;

- l'Institut Pasteur de Lille, appelé à devenir un des centres français de génomie et susceptible, grâce aux brevets qu'il a déposés, de permettre la création d'entreprises innovantes dans le domaine des biotechnologies, constitue un atout pour la région Nord-Pas-de-Calais ;

- le développement des nouvelles technologies dans les bibliothèques conduit à reconsidérer leur conception actuelle et sans doute à privilégier les fonds de références ouverts à tous les étudiants plutôt que les salles de lecture ;

- la formation permanente constitue la priorité de la politique menée en faveur des universités ;

- le développement des nouvelles technologies et de l'enseignement à distance devrait permettre de déconcentrer l'enseignement supérieur en renforçant les antennes universitaires dans les villes moyennes ;

- les IUT de la seconde génération, et notamment les départements déconcentrés, connaissent actuellement une situation difficile résultant d'une utilisation excessive de personnels, y compris administratifs, et d'horaires d'enseignement trop chargés. Les remèdes à ces difficultés doivent être cherchés dans le développement de l'enseignement en alternance dans ces instituts, qui deviennent aussi des centres de recherche et de technologie proches des PME locales, et une présence accrue des enseignants chercheurs.

Contrôle de l'application des lois (année parlementaire 1997-1998) : communication du président

Au cours de la même réunion, la commission a entendu une communication du président Adrien Gouteyron sur l'application des lois entre le 1er octobre 1997 et le 30 septembre 1998.

Le président Adrien Gouteyron a indiqué que le bilan annuel d'application des lois rapportées par la commission confirmait deux constats antérieurs : les délais prévus pour la publication des textes d'application des lois sont rarement tenus, et les départements ministériels ont souvent tendance à mettre en chantier de nouveaux projets de loi avant que les dispositions en vigueur soient devenues applicables.

Il a ainsi relevé qu'était toujours attendue la parution plusieurs fois annoncée du décret d'application de la loi du 28 février 1997, issue d'une proposition de loi sénatoriale, relative à l'instruction des autorisations de travaux aux abords des monuments historiques et dans les secteurs sauvegardés : ce texte serait actuellement à la signature des ministres compétents. De même, est encore attendue la parution, annoncée l'an dernier comme imminente, d'un décret d'application de la loi du 27 mars 1997 : ce décret doit permettre l'entrée en vigueur de dispositions transposant la directive européenne " câble-satellite ", elle-même applicable à partir du 1er janvier 1995.

Le président Adrien Gouteyron a souligné que la loi sur le sport du 16 juillet 1984, modifiée à plusieurs reprises et en dernier lieu par la loi du 6 mars 1998, offrait un bon exemple des aléas de l'application des lois :

- une des dispositions de la loi du 6 mars 1998 a repoussé une nouvelle fois la date limite d'application des dispositions relatives à l'homologation des stades, adoptées en urgence en 1992 ;

- la même loi a modifié les dispositions " audiovisuelles " introduites en 1992 dans la loi de 1984, et dont les décrets d'application ne sont jamais parus ;

- enfin, d'autres dispositions introduites par la loi de 1998, elle aussi adoptée en urgence, ne recevront pas de mesures d'application avant la refonte annoncée de la loi de 1984.

Après avoir cité d'autres exemples de dispositions inappliquées des lois relatives à l'éducation nationale et à la communication audiovisuelle, le président Adrien Gouteyron a constaté que le pouvoir exécutif, souvent prompt à presser le Parlement d'adopter des projets de loi, dans des délais très brefs, était généralement moins diligent lorsqu'il s'agissait de prendre les mesures réglementaires nécessaires à leur application.

Il a noté que cette situation, observée sous tous les gouvernements, paraissait imputable à des causes qui tendent malheureusement à devenir générales et permanentes : la lourdeur des procédures, les difficultés de la concertation interministérielle, la tendance à faire prévaloir les effets d'annonce sur le suivi des mesures prises.

En conclusion de son propos, il s'est félicité de la ténacité avec laquelle les membres et les rapporteurs de la commission interrogeaient les ministres sur l'application des lois.

M. Franck Sérusclat a remarqué que la non-parution des textes d'application des lois était quelquefois imputable à la résistance passive des administrations, hostiles à certaines modifications de la législation.

Le président Adrien Gouteyron est convenu que de semblables cas pouvaient se produire, mais qu'il était en tout état de cause de la responsabilité des ministres de diriger l'action des services de leur ministère et de faire prévaloir le respect de la volonté du législateur.

Jeudi 29 octobre 1998

- Présidence de M. Adrien Gouteyron, président.

Projet de loi de finances pour 1999 : audition de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'nvironnement

La commission a entendu Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sur les crédits destinés à l'environnement dans le projet de loi de finances pour 1999.

En introduction, Mme Dominique Voynet a souligné que le projet de loi de finances pour 1999 reconnaissait le statut de " ministère de plein exercice ", au service d'une exigence citoyenne, au département de l'environnement. Elle a fait observer que les crédits qui lui étaient consacrés passeraient de 0,14 % du budget civil de l'Etat à 0,3 %, soit une augmentation de 110 %, mais de 15,6 % à périmètre et fonctions constants, ce qui représente une progression sept fois supérieure à celle des dépenses de l'Etat en 1999.

Le ministre a ensuite exposé les priorités de son budget.

La première de ces priorités est le renforcement du ministère et des administrations de l'environnement. Mme Dominique Voynet a indiqué qu'elle se traduisait par la création de 140 emplois au sein du ministère, et de quelque 550 emplois dans les administrations de l'environnement (Agences de l'eau, Agence pour l'environnement et la maîtrise de l'énergie -ADEME-, conseil supérieur de la pêche, parcs nationaux, Institut national de l'environnement industriel et des risques -INERIS-, Institut français de l'environnement -IFEN-, Conservatoire du littoral et Muséum). Le ministre a également souligné un renforcement du soutien aux associations, de la fonction d'expertise et des actions internationales et communautaires. Elle a précisé que le budget de l'administration générale progresserait de 12 %, celui de la connaissance de l'environnement de 34 % et celui de la recherche de 7 %.

La deuxième priorité du budget de l'environnement est la préservation des milieux et des espèces et l'aménagement du territoire dans le respect de l'environnement. Le ministre a indiqué que le fonds de gestion des milieux naturels serait doté en 1999 de 164 millions de francs, dont 90 millions de mesures nouvelles, afin notamment de financer la mise en oeuvre du réseau Natura 2000. Le budget consacré à la protection de la nature progressera de 22 %, pour permettre la restauration du domaine public fluvial, délaissé jusqu'alors au profit du Plan Loire. Le budget destiné à la protection de l'eau et des milieux aquatiques augmentera de 15,3 %.

Mme Dominique Voynet a ensuite abordé la troisième priorité du budget de l'environnement, qui consiste à mieux prévenir les risques naturels, industriels ou technologiques et à assurer la protection des personnes. Elle a fait observer que 200 millions de francs seraient consacrés à la lutte contre la pollution de l'air, menée conjointement avec l'ADEME. Dans cette perspective, les plans régionaux de la qualité de l'air, les plans de protection de l'air et le soutien à l'élaboration des plans de déplacements urbains bénéficieront de 71 millions de francs. Le ministre a également souligné la très forte augmentation des crédits consacrés aux plans de préventions des risques pour lesquels une mesure nouvelle de 25 millions de francs est prévue, et le renforcement des moyens de l'INERIS grâce à une mesure nouvelle de 22,5 millions de francs. Le budget alloué à la prévention de la pollution et des risques progressera de 9,75 % à périmètre constant et de 46,7 % à périmètre modifié.

Le ministre a également insisté sur la relance de la politique de maîtrise de l'énergie. Elle a indiqué que 500 millions de francs étaient destinés à cette politique, dont 167 millions en provenance du ministère de l'équipement et 333 millions en provenance du ministère de l'environnement.

Mme Dominique Voynet a précisé que l'octroi à l'ADEME d'une dotation nouvelle de 1.435 millions de francs, corollaire de la création de la taxe générale sur les activités polluantes, induisait une progression optique de 110 % du budget de l'environnement. Elle a déclaré que les missions de l'ADEME seraient renforcées par la remobilisation de l'organisme autour d'un projet d'entreprise et par la signature d'un contrat avec l'Etat.

Le ministre a ensuite souligné que le projet de loi de finances, conformément aux engagements du Premier ministre, amorçait la mise en place d'une fiscalité écologique.

Trois mesures sont prévues à ce titre :

En premier lieu, le rattrapage de la fiscalité sur le gazole est amorcé, afin de réduire l'écart entre le prix moyen communautaire et le prix français. Mme Dominique Voynet a précisé que ce rattrapage s'effectuerait par une hausse de 7 centimes pendant 7 ans, sans pénaliser les transporteurs routiers, pour lesquels un dispositif spécial est instauré.

En deuxième lieu, le taux de la TVA appliqué à la collecte sélective, au tri et à la valorisation matière des déchets est abaissé de 20,6 % à 5,5 %, alors que la taxe sur les déchets ménagers progresse de 40 à 60 francs par tonne. Le ministre a estimé qu'il s'agissait d'un signal positif en faveur du tri, par rapport à l'incinération et la mise en décharge.

En troisième lieu, la création de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) permettra une meilleure application du principe pollueur-payeur, et un renforcement de la prévention des pollutions, à la différence de la fiscalité affectée, plus orientée vers un souci de réparation des dommages causés.

Mme Dominique Voynet a présenté la TGAP comme le " cadre d'accueil naturel " de la future éco-taxe européenne, génératrice d'un double dividende : la dissuasion des comportements polluants et le renforcement de la maîtrise de l'énergie, d'une part, et la mise à disposition de ressources permettant d'abaisser les prélèvements sur le travail, d'autre part. Le ministre a expliqué que ce deuxième dividende ne pouvait exister que dans le cadre d'une fiscalité non affectée. Le produit de la TGAP sera versé au budget de l'Etat, et les organismes jusqu'alors financés par les taxes affectées qu'elle remplace recevront des subventions du ministère dont le montant bénéficiera d'une programmation pluriannuelle, dans le cadre d'un contrat de plan pour l'ADEME. La substitution de la TGAP à tout ou partie des redevances perçues par les agences de l'eau fait actuellement l'objet de concertations approfondies ; elle devrait en tout état de cause respecter les principes fondamentaux définis pour la gestion de la ressource en eau.

A l'issue de cet exposé, le débat s'est engagé.

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis des crédits de l'environnement, après avoir salué la progression et les orientations du budget de l'environnement, a souhaité faire le point sur l'état d'avancement du plan Loire grandeur nature. Il a ainsi mis en exergue les hésitations du ministère concernant la réalisation du barrage de Chambonchard, et leurs conséquences sur les rapports entre l'Etat et l'établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents (EPALA). Il s'est également inquiété des modalités de mise en oeuvre du réseau Natura 2000, et a interrogé le ministre sur le projet de loi de transposition de la directive Natura 2000, qui devrait être soumis au Parlement en 1999. Enfin, il a exprimé ses préoccupations sur certains aspects de la TGAP et particulièrement sur les garanties que pourrait apporter le ministère pour que l'ADEME et, à moyen terme, les agences de l'eau puissent être assurées de la pérennité de leur financement.

Mme Hélène Luc s'est félicitée de l'augmentation des crédits du budget de l'environnement et a demandé au ministre d'apporter des précisions sur la répartition des créations de postes envisagées. Elle a souhaité être assurée que le produit de la TGAP bénéficierait effectivement aux actions environnementales, remarquant que l'objectif d'une fiscalité écologique était plutôt d'inciter au développement des investissements en faveur de l'environnement que de faire payer les pollueurs, et elle s'est inquiétée des modalités futures de financement des agences de bassin.

Elle a également attiré l'attention de Mme Dominique Voynet sur les conséquences de la loi Barnier, qui, dans certaines villes, interdit de construire dans des quartiers entiers.

Enfin, après avoir approuvé la diminution de la TVA sur la collecte sélective et le tri des déchets, elle a remarqué que la progression de 40 à 60 francs par tonne de la taxe sur les déchets ménagers paraissait contradictoire avec cette mesure.

M. James Bordas a dit partager les préoccupations du rapporteur sur le barrage de Chambonchard, et celles de Mme Hélène Luc quant à l'utilisation du produit de la TGAP. Il a estimé, si les redevances des agences de l'eau étaient effectivement intégrées à la TGAP, que le Parlement devrait être consulté tous les deux ans sur les orientations de la politique de l'eau, plutôt que tous les cinq ans.

M. Alain Dufaut a souhaité que toutes les dépenses des collectivités locales et des syndicats d'entretien consacrées aux travaux d'entretien des rivières soient éligibles au fonds de compensation de la TVA.

M. Daniel Eckenspieller a approuvé à son tour la baisse de la TVA sur la collecte sélective et le tri des déchets. Il a cependant regretté que l'Etat ne participe pas aux dépenses exponentielles que le traitement des déchets impose aux collectivités locales, alors même qu'il en tire des ressources. Il a également demandé au ministre d'envisager une baisse de la TVA sur l'incinération des déchets, qui reste indispensable pour l'élimination des déchets ultimes, même si cette réduction devrait être soumise à certaines conditions, telles la collecte sélective préalable et la dépollution des installations.

M. André Bohl a interrogé Mme Dominique Voynet sur l'état d'avancement des schémas départementaux de collectes des ordures ménagères, et il a souligné l'insuffisante concertation qui présidait à leur élaboration. Il a remarqué, comme Mme Hélène Luc, que la baisse de la TVA sur la collecte sélective des déchets ne compenserait pas l'augmentation de la taxe sur les déchets ménagers. Par ailleurs, il a demandé si la transposition de la directive européenne sur l'énergie aurait une incidence sur la valorisation électrique des déchets.

Après avoir rappelé qu'il n'existait aucun carburant non polluant, M. Frank Sérusclat a demandé quelle politique permettrait de limiter le développement de la circulation automobile en ville, notant que les bus étaient des véhicules particulièrement polluants. Saluant l'impulsion positive donnée par le Premier ministre au budget de l'environnement, il a souhaité connaître le montant de crédits budgétaires que nécessiterait une vraie politique de l'environnement. Par ailleurs, il a demandé au ministre d'exposer sa position sur l'énergie nucléaire.

M. Jean Bernard s'est interrogé sur la mise en oeuvre du réseau Natura 2000. S'inquiétant de la faiblesse des compensations prévues, il a estimé que l'application de la directive européenne portait atteinte au droit de propriété. Il s'est ensuite fait l'écho des préoccupations des carriers, qui ont consenti d'importants efforts pour réduire les incidences de leur activité sur l'environnement et qui sont sans cesse soumis à de nouvelles contraintes, par exemple l'interdiction de prélèvements dans le lit majeur des rivières.

Mme Danièle Pourtaud, soulignant l'importance qu'elle attachait, en tant qu'élue de Paris, à l'amélioration de la qualité de l'air, a salué le début d'inflexion de la fiscalité sur les carburants. Approuvant les propos de M. Franck Sérusclat, elle a demandé à Mme Dominique Voynet si les quotas de véhicules propres, imposés par la loi sur l'air, étaient respectés par l'administration et les collectivités locales.

M. Serge Lagauche, appuyant les propos de Mme Hélène Luc, a estimé que la loi Barnier était inapplicable à Paris et pénalisait particulièrement les départements de la petite couronne. Il s'est étonné que la référence pour la limitation de la construction reste les crues de 1910, alors que de nombreux travaux d'aménagement avaient été réalisés depuis.

Il a également demandé à Mme Dominique Voynet si elle comptait encourager l'abandon de la géothermie.

En réponse aux intervenants, Mme Dominique Voynet a notamment apporté les précisions suivantes :

- l'efficacité d'un ministère ne dépend pas du niveau des dotations budgétaires qui lui sont affectées. Une véritable politique de l'environnement exige, plus qu'une révolution budgétaire, une révolution culturelle. La sensibilisation de l'ensemble des services de l'Etat aux problèmes environnementaux a beaucoup progressé. Néanmoins, le ministère de l'environnement souffre d'un manque d'effectifs, et la création d'un corps de l'environnement, aujourd'hui en cours de constitution, permettrait de renforcer la présence du ministère sur le terrain -M. Michel Dreyfus-Schmidt faisant observer à ce propos que les différents agents actuellement chargés de la protection des milieux naturels n'étaient pas des fonctionnaires. Il serait donc souhaitable que les dotations du ministère de l'environnement connaissent, pour les deux ou trois années à venir, des taux de progression identique à celui de 1999 ;

- les nouveaux postes créés sont répartis entre les directions régionales de l'environnement (89 emplois), les directions régionales de l'industrie, la recherche et l'environnement (22 emplois) et l'administration centrale (29 emplois), où ils permettent de renforcer les effectifs du service des affaires internationales, du service juridique, et du nouveau bureau des questions énergétiques ;

- la création d'un compte spécial du Trésor destiné à recevoir le rendement de la TGAP et les discussions d'orientation pluriannuelles au Parlement pourront garantir l'utilisation de la TGAP à des fins environnementales dans les prochains projets de loi de finances. Par ailleurs, le principe du vote pluriannuel des dotations semble plus adapté à la gestion de l'ADEME et des agences de l'eau qu'un vote annuel des crédits. Sans remettre en cause l'autonomie financière des agences de l'eau, il permettra à la fois la programmation des investissements et des actions des agences et le contrôle parlementaire sur l'utilisation de l'argent public. De plus, la création de la TGAP permettra une meilleure application du principe pollueur-payeur, encore trop souvent assimilé à un droit à polluer, et l'application de la théorie du deuxième dividende, c'est-à-dire la diminution des prélèvements pesant sur le travail ;

- les dispositions régissant les zones inondables doivent être rigoureusement appliquées. L'assouplissement des contraintes juridiques qui pèsent sur les collectivités locales n'est pas envisageable, du fait de la responsabilité des pouvoirs publics en matière de sécurité des personnes d'une part, et du coût économique des inondations d'autre part. La coopération entre les communes, qui permet de mutualiser les profits et les risques, peut contribuer à remédier à l'inégale répartition entre les communes des zones inconstructibles ;

- dans certains cas, le ministère de l'environnement ne dispose pas d'instruments juridiques adaptés pour inciter les entreprises à réaliser les investissements nécessaires à la protection de l'environnement. Les entreprises se refusent parfois à se conformer aux dispositions législatives de mise en conformité, pourtant souvent assorties de longs délais, en exerçant parfois un véritable chantage à l'emploi ;

- la collecte sélective des déchets et la valorisation matière constituent une charge pour les collectivités locales, au même titre que les autres équipements de service public. La loi programmant la réduction de l'incinération est cependant appliquée avec souplesse et les coûts qu'elle induit sont partiellement compensés par les aides de l'ADEME, d'Eco-emballage et d'Adelphe. L'incinération ne doit donc plus être que le complément d'une politique cohérente de tri et de valorisation des matières, dans laquelle l'Etat doit jouer, en amont, un rôle pédagogique important. Dans cette perspective, il convient de relativiser l'augmentation de la taxe sur les déchets ménagers, puisque seuls les déchets ultimes devraient être mis en décharge ou incinérés.

Par ailleurs, certains plans départementaux de collecte des ordures ménagères, par exemple ceux qui garantissaient parfois un certain flux de déchets afin de rentabiliser les installations mises en place, ne sont plus acceptables. L'objectif doit être au contraire de maîtriser la production des déchets, et les préfets doivent en la matière faire respecter l'esprit de la loi.

Certaines expérimentations de collectivités locales appliquant une facturation différenciée sont suivies avec intérêt. Elles suscitent en effet une responsabilisation intéressante des usagers ;

- l'évaluation du plan Loire, prévue à mi-parcours de sa réalisation, est en cours, en concertation avec les élus et les associations. L'Etat a déjà engagé 160 millions de francs pour la restauration du lit du fleuve, 112 millions de francs pour le renforcement des digues, 321 millions de francs pour les travaux d'aménagement à Brives Charensac et 50 millions de francs pour réaliser les études sur l'aménagement de la Loire de Nevers à l'estuaire. Les travaux permettant la sécurisation de l'alimentation en eau d'une partie de l'Allier (Naussac I et Naussac II) et les barrages de Maison Rouge et de Saint Etienne du Vigors sont achevés. Le plan Loire entre dans sa deuxième phase, qui se traduira notamment par la réintroduction du saumon dans le Haut-Allier et par la définition de programmes de développement locaux par bassin.

Le ministère de l'équipement est seul habilité à prendre la décision de la mise en oeuvre du projet de barrage à Chambonchard, le ministère de l'environnement n'a pas en effet la responsabilité des travaux de soutien d'étiage. Le ministère de l'environnement a diligenté des études complémentaires avant d'arrêter sa position sur ce barrage, qui ne fait pas l'unanimité. Ainsi, les objectifs de dilution de la pollution sont peu satisfaisants ; le besoin de soutien d'étiage est surestimé au regard des économies de consommation d'eau réalisées par les communes ; le projet de développement touristique ne semble pas viable dans la mesure où le barrage serait principalement utilisé l'été pour réguler le cours du Cher. Le ministère donnera son avis sur cet équipement le 15 décembre 1998, lors de la réunion du comité interministériel d'aménagement du territoire.

La décision unilatérale de l'EPALA de suspendre toute participation financière au plan Loire pour marquer son désaccord avec les réserves du ministère sur Chambonchard est regrettable. L'EPALA n'est pas un syndicat de travaux et devra dans la deuxième phase du plan Loire réorienter ses missions vers l'aménagement et la gestion des milieux naturels ;

- la négociation et la contractualisation sont indispensables à la mise en oeuvre du réseau Natura 2000. C'est dans cette perspective que la discussion a repris dans tous les départements.

La proposition de loi du Sénat ne sera pas reprise car cela présenterait certains inconvénients : d'une part la proposition de loi ne tient pas compte du fait que l'identification des sites est déjà réalisée, et que sa validation est du ressort des scientifiques. D'autre part, le comité national de suivi de Natura 2000 a exprimé sa volonté d'être associé au processus de mise en place du réseau, et il venait de recevoir la proposition gouvernementale de transposition de la directive européenne au moment où la proposition de loi a été votée.

Les 66 millions de francs prévus par le projet de loi de finances pour 1999 suffiront au démarrage du projet Natura 2000 puisque dans cette phase d'élaboration des cahiers d'objectifs, le financement est assuré par Bruxelles. Les années suivantes, en revanche, il serait souhaitable que la dotation augmente.

Enfin, le droit de propriété n'est pas menacé par la mise en oeuvre de Natura 2000. La logique n'est pas celle de l'expropriation mais celle d'un paiement des services rendus à la collectivité et les propriétaires sont plutôt favorables à une aide dans la gestion des espaces fragiles qui se trouvent sur leurs terrains ;

- la loi protégeant les milieux humides et le lit des rivières ne sera pas modifiée. Les carriers ne sont pas soumis à la taxe de modification du régime des eaux, dont le principe est acquis depuis 1964 mais qui est encore en cours de discussion aujourd'hui. C'est également sur le fondement de la loi de 1964 que sont interdits les comportements ayant une influence sur le régime des eaux, comme l'imperméabilisation de zones importantes et l'extraction de granulats du lit des rivières ;

- le ministère de l'environnement aurait souhaité une plus forte augmentation de la taxe intérieure sur les produits pétroliers appliquée au gazole. Le respect des quotas de véhicules non polluants imposés à l'administration par la loi sur l'air exige un important effort financier, ce qui explique le retard pris par l'administration dans l'application de ces quotas. Deux millions de francs supplémentaires sont prévus cette année pour accélérer le renouvellement du parc automobile du ministère de l'environnement. Par ailleurs, la RATP a mis en oeuvre un programme de modernisation qui réduira la pollution imputable aux autobus, qui sont de toute façon déjà moins polluants que les véhicules individuels, compte tenu du nombre de personnes qu'ils transportent ;

- l'évaluation de l'énergie nucléaire doit répondre à des critères économiques et non idéologiques. Le bilan de l'efficacité économique de ce secteur devrait être examiné de façon plus rigoureuse, surtout dans le contexte de la directive sur l'électricité : on ignore, par exemple, le coût réel du combustible MOX (mixed oxyd), qui provient du recyclage de combustible nucléaire déjà irradié.

Par ailleurs, la directive européenne sur l'électricité devrait inciter à privilégier des installations moins lourdes, plus vite rentables, posant moins de problèmes de déchets. Les centrales nucléaires fournissent aujourd'hui 80 % de l'électricité française, la transition sera donc longue, mais, à terme, la réduction de la part nucléaire est une nécessité et deviendra une réalité ;

- le ministère a soutenu l'éligibilité au fonds de compensation de la TVA (FCTVA) des dépenses consacrées par les collectivités locales à l'entretien des rivières. Les dépenses étant déjà éligibles au FCTVA pour les investissements réalisés sur le domaine propre des collectivités territoriales, il serait logique qu'elles le soient aussi pour les dépenses concernant le domaine fluvial mis à leur disposition par l'Etat et par des propriétaires privés. Cela encouragerait d'ailleurs les initiatives dans un domaine où la prévention est nettement préférable à la réparation des dommages. La même démarche a été entreprise pour les investissements des collectivités locales concernant les digues des fleuves côtiers.

Nomination de rapporteur

Enfin, la commission a désigné M. Jean Bernadaux, rapporteur de la proposition de résolution n° 30 (1998-1998) de MM. Jean Arthuis, Guy Cabanel, Henri de Raincourt, Josselin de Rohan et Adrien Gouteyron, visant à créer une commission d'enquête sur la situation et la gestion des personnels enseignants et non enseignants de l'éducation nationale.