AFFAIRES CULTURELLES

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Mercredi 27 septembre 2000

- Présidence de M. Adrien Gouteyron, président. -

Patrimoine - Archéologie préventive - Examen du rapport en deuxième lecture

La commission a procédé à l'examen du rapport, en deuxième lecture, de M. Jacques Legendre, sur le projet de loi n° 357 (1999-2000), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'archéologie préventive.

Avant de présenter les modifications introduites par l'Assemblée nationale, M. Jacques Legendre, rapporteur, a rappelé l'état d'esprit du Sénat en abordant ce projet de loi en première lecture.

Il a indiqué que le Sénat, sans en contester le principe, avait souhaité que la réforme de la loi de 1941, nécessaire à bien des égards, soit l'occasion de parvenir à un équilibre entre deux préoccupations également légitimes : garantir la protection du patrimoine et permettre les aménagements imposés par le développement économique.

Cet équilibre n'allait pas de soi dans le projet de loi présenté par le Gouvernement, dont l'Assemblée nationale n'avait pas modifié la logique, et qui visait, d'une part, à créer un monopole d'exécution des fouilles confié à un établissement public administratif issu de la transformation de l'actuelle AFAN (association pour les fouilles archéologiques nationales) et, d'autre part, à instaurer un nouveau mécanisme de financement des fouilles fondé sur un impôt payé par les aménageurs et perçu par l'établissement.

Le premier souci du Sénat avait été d'établir une distinction très claire entre l'autorité qui prescrit les fouilles et celle qui les réalise. La confusion entretenue sur ce point par le projet de loi créait, en effet, entre les services de l'Etat et l'établissement public, dont l'équilibre financier dépend du nombre des opérations archéologiques prescrites, une " consanguinité " aux conséquences fâcheuses. Ainsi, avaient été réaffirmées, à l'article premier, les prérogatives de l'Etat et précisé, à l'article 1er bis, le cadre dans lequel étaient prescrites les fouilles.

Le Sénat avait été également soucieux de garantir l'efficacité économique mais aussi scientifique du système retenu pour la réalisation des opérations de fouilles. A cet égard, le monopole concédé à l'établissement posait plus de problèmes qu'il n'en résolvait.

Considérant les incertitudes pesant sur le produit de la redevance, les rigidités induites par le statut de l'établissement mais également l'incompatibilité entre les droits exclusifs reconnus à ce dernier et le maintien de la qualité scientifique des opérations de terrain, indissociable de la diversité des intervenants, le Sénat était revenu sur le monopole, sans toutefois remettre en cause la création d'un établissement public chargé d'exécuter les fouilles, la structure associative actuelle ayant atteint ses limites. Cependant, afin d'accorder à cet établissement la souplesse de gestion nécessaire à l'accomplissement de sa mission, le Sénat lui avait conféré un statut d'établissement public à caractère industriel et commercial.

Le rapporteur a souligné que le refus du monopole était également apparu indispensable pour permettre le développement des services archéologiques des collectivités territoriales, auxquels l'Assemblée nationale ne reconnaissait qu'un rôle auxiliaire.

Enfin, si le Sénat n'avait pas refusé, en dépit de ses limites, le financement par l'impôt proposé par le projet de loi, il avait cependant modifié les modalités de la redevance. Tirant les conséquences de la suppression du monopole, il avait prévu une réduction de redevance dans le cas où l'établissement ne réalisait pas les fouilles. Il avait également prévu d'instituer un " super-taux " dans le cas de terrains très riches en vestiges afin de dissuader les aménageurs d'y réaliser des travaux.

M. Jacques Legendre, rapporteur, a indiqué qu'en deuxième lecture, l'Assemblée nationale n'avait guère pris en considération les observations formulées par le Sénat et était revenue pour l'essentiel au texte qu'elle avait adopté en première lecture.

Il a relevé qu'elle avait en outre modifié très sensiblement l'article 4 du projet de loi relatif à la redevance et introduit trois nouveaux articles destinés à combler les lacunes de la loi de 1941 en matière de propriété des découvertes archéologiques.

S'agissant des dispositions relatives au cadre législatif dans lequel s'exercent les compétences dévolues à l'Etat pour assurer la protection du patrimoine archéologique comme celles relatives à la réalisation des opérations de terrain, l'Assemblée nationale a rétabli son texte de première lecture, sous réserve de modifications mineures destinées à prévenir les dérives que risquaient d'engendrer le monopole.

Ainsi, la limitation du rôle de l'établissement public à un simple avis dans la procédure de désignation du responsable de fouilles, comme la faculté ouverte à l'Etat de consulter des organes scientifiques pour l'exercice de ses missions, visent à éviter une collusion éventuelle entre les services régionaux de l'archéologie et l'établissement public. De même, le nouvel article 2 bis, qui prévoit la négociation de conventions entre l'établissement public et les aménageurs pour déterminer les modalités et les délais de réalisation des fouilles, procède-t-il du souci de mieux prendre en compte les contraintes des aménageurs.

Le rapporteur a observé que ces infléchissements, s'ils allaient dans le bon sens, étaient en grande partie privés de portée par le rétablissement du monopole.

Les risques de confusion des genres entre le prescripteur et l'opérateur de fouilles n'étant pas de ce fait écartés, les garanties relatives à la pertinence scientifique des fouilles ne sont pas suffisantes.

Par ailleurs, la possibilité, pour d'autres opérateurs, en particulier les services archéologiques des collectivités territoriales, d'intervenir sur les chantiers de fouilles, dépendrait en fait de la bonne volonté de l'établissement.

Enfin, les inconvénients du statut de l'établissement public à caractère administratif demeurent.

Le rapporteur a donc proposé, compte tenu de ces observations, de revenir pour ces aspects du projet de loi au texte adopté par le Sénat.

Il a ensuite examiné les dispositions nouvelles introduites par l'Assemblée nationale qui concernaient, d'une part, les modalités de calcul de la redevance et, d'autre part, le régime de propriété des découvertes archéologiques.

Il a fait part de sa perplexité face aux modifications apportées à l'article 4, qui constituent la troisième version d'un dispositif présenté, à chaque étape de la navette, par le Gouvernement, comme susceptible de garantir le financement de l'ensemble des opérations d'archéologie préventive, présentation qui, faute de données statistiques suffisantes, ne peut en pratique être vérifiée.

Il a indiqué qu'outre l'extension de l'assiette de la redevance à l'ensemble des opérations d'affouillement, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale tendait à une nouvelle répartition de la charge fiscale entre les diagnostics et les fouilles.

En ce qui concerne les mécanismes d'exonération et de plafonnement, les amendements adoptés par l'Assemblée nationale tirent les conséquences du rétablissement du monopole en supprimant le mécanisme d'exonération prévu par le Sénat, limitent le montant de la réduction à laquelle ouvrent droit les travaux pris en charge par l'aménageur lui-même au seul coût des opérations de déblaiement des couches ne contenant pas de vestiges et, enfin, restreignent la portée du plafonnement dont bénéficient les constructions affectées à l'habitation aux seuls travaux imposés par les normes d'urbanisme.

Après avoir indiqué que, comme en première lecture, il ne proposerait pas de remettre en cause le principe de la redevance, le rapporteur a toutefois souligné que les atermoiements du Gouvernement constituaient un motif supplémentaire de s'opposer au monopole afin de se prémunir contre les risques d'asphyxie du système.

Le rapporteur a par ailleurs fait remarquer que le dispositif adopté à l'article 4 suscitait deux effets pervers.

Il a craint qu'en premier lieu la diminution de la redevance pour diagnostics, légitime dans son principe, ne suscite en pratique des prescriptions de fouilles justifiées moins par des considérations scientifiques que par des considérations financières ce qui imposait d'établir une très nette séparation entre l'autorité qui prescrit et l'opérateur de fouilles.

Par ailleurs, il a considéré que la nouvelle formule de calcul applicable aux terrains non stratifiés ne conférait pas à la redevance, dans l'hypothèse de sites particulièrement riches, un caractère réellement dissuasif pour des aménageurs disposant de fortes capacités contributives. Dans ces cas, l'Etat devrait choisir entre deux solutions peu satisfaisantes : soit faire supporter à l'établissement des fouilles dont le coût ne serait pas couvert par la redevance, soit classer le terrain, ce qui se traduirait par le gel du projet d'aménagement et une dépense pour les finances publiques au titre de l'indemnisation due au titre de la loi de 1913. Afin d'éviter cette alternative, le rapporteur a proposé de rétablir les formules de calcul adoptées par le Sénat pour les sites non stratifiés.

M. Jacques Legendre, rapporteur, a enfin présenté les dispositions introduites par l'Assemblée nationale relatives au régime de propriété des découvertes archéologiques.

Au dispositif adopté par le Sénat qui, dans le souci de remédier à l'inadaptation des règles posées par la loi de 1941 pour les vestiges mobiliers attribuait leur propriété à l'Etat, l'Assemblée nationale a substitué un article 2 ter qui, tout en maintenant les règles de l'article 716 du code civil, ménage la possibilité, pour une durée qui ne peut excéder cinq ans, de les confier à l'Etat afin de permettre leur étude scientifique.

Le rapporteur a proposé d'adopter sans modification ce dispositif qui, tout en répondant à la préoccupation du Sénat d'assurer une meilleure exploitation des résultats des fouilles, ne remet pas en cause les règles actuelles de dévolution de la propriété des vestiges.

En revanche, il a estimé que le texte adopté par l'Assemblée nationale ne remédiait pas de manière satisfaisante aux difficultés soulevées à l'occasion des découvertes immobilières.

Il a indiqué que le nouvel article 18-1 inséré dans la loi de 1941 par l'article 5 ter (nouveau) modifiait le régime de la propriété des vestiges mais tendait également à préciser les droits de l'inventeur au cas où un vestige fait l'objet d'une exploitation commerciale.

Le premier alinéa de l'article 18-1 soustrait les vestiges archéologiques immobiliers du champ d'application de l'article 552 du code civil qui leur était jusqu'ici appliqué et qui attribuait au propriétaire du fonds la propriété du " dessus et du dessous ". Compte tenu des précisions apportées par le gouvernement, il semble qu'il faut considérer que s'appliqueront désormais les dispositions de l'article 539 du code civil relatives aux biens vacants. L'ensemble des vestiges immobiliers seraient donc, sauf preuve contraire, considérés comme propriété de l'Etat, qui bénéficierait sur les propriétés privées voisines d'un droit d'accès prévu par le deuxième alinéa de l'article 18-1.

En outre, l'article 18-1 prévoit dans le cas des découvertes fortuites faisant l'objet d'exploitation commerciale, que la personne qui assure cette exploitation verse à l'inventeur une indemnité calculée en fonction de l'intérêt archéologique du vestige.

Le rapporteur a estimé que l'opportunité de ce dispositif n'apparaissait pas clairement au regard de ses conséquences tant juridiques que pratiques.

Le texte opère en fait un transfert de propriété au profit de l'Etat sans indemnisation : le propriétaire d'un terrain dans lequel est découvert un vestige qui en est actuellement considéré comme le propriétaire, ne le serait plus sauf s'il apportait une preuve contraire.

Le rapporteur a fait observer que cette nouvelle règle risquait de susciter un important contentieux sur la nature mobilière ou immobilière des vestiges.

Il s'est également demandé si l'Etat devait devenir propriétaire de tous les vestiges immobiliers mis à jour, quelle que soit leur valeur historique ou scientifique.

Compte tenu de ces observations, il a donc proposé sur ce point d'en rester à l'état actuel du droit, plus respectueux des droits des propriétaires.

Par ailleurs, s'il paraît équitable de reconnaître des droits à l'inventeur d'un vestige immobilier comme à celui d'un vestige mobilier, le rapporteur a relevé qu'outre le fait qu'elle s'inscrivait dans la logique du dispositif n'accordant aucun droit au propriétaire du terrain, la solution proposée était à bien des égards ambiguë.

De plus, les modalités de calcul de l'" indemnité ", terme peu approprié, par rapport à l'intérêt archéologique des vestiges, risquent d'être source de difficultés.

Le rapporteur a considéré que le texte proposé n'était pas de nature à remédier aux difficultés soulevées par l'application des règles générales du code civil aux découvertes immobilières, ni à en combler les lacunes relatives à la rémunération des inventeurs. Estimant regrettable de légiférer dans la précipitation, il a proposé de supprimer l'article 5 ter.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Philippe Richert s'est félicité que le rapporteur accepte les infléchissements apportés par l'Assemblée nationale à la solution retenue par le Sénat en matière de propriété des objets mobiliers et refuse le dispositif relatif à la propriété des vestiges immobiliers introduit par l'Assemblée nationale, en proposant des solutions raisonnables, très proches dans leur esprit des dispositions actuellement en vigueur et illustrant ainsi les vertus du bicamérisme.

Il a regretté toutefois que le projet de loi ne prévoie pas, dans le cadre d'un transfert de compétences de l'Etat en faveur des départements, d'accroître en ce domaine les responsabilités des conseils généraux, souvent mieux à même que l'Etat d'assurer la conservation et la mise en valeur des découvertes archéologiques.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.

A l'article premier (définition de l'archéologie préventive et compétences de l'Etat), la commission a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat, sous réserve d'une modification visant à limiter l'objet de cet article à la définition de l'archéologie préventive.

A l'article 1er bis (rôle de l'Etat), la commission a adopté un amendement rétablissant la rédaction du Sénat modifiée afin de reprendre à cet article l'énoncé général des compétences de l'Etat en matière de protection du patrimoine archéologique et de renvoyer à un décret la composition et les attributions des instances scientifiques consultatives.

A l'article 1er ter (carte archéologique nationale), la commission a adopté deux amendements rétablissant le texte du Sénat.

La commission a rétabli l'article 1er quater (services archéologiques des collectivités territoriales) dans la rédaction adoptée par le Sénat.

A l'article 2 (création d'un établissement chargé de la recherche en archéologie préventive), la commission a adopté deux amendements rétablissant le texte adopté par le Sénat, à l'exception de la disposition relative à la propriété des vestiges mobiliers découverts à l'occasion des fouilles préventives.

La commission, par coordination avec la rédaction adoptée à l'article 1er bis, a adopté un amendement de suppression de l'article 2 bis (convention entre l'établissement public et l'aménageur).

A l'article 2 ter (régime juridique des découvertes mobilières faites à l'occasion de fouilles préventives), la commission, outre un amendement rédactionnel, a adopté un amendement de conséquence.

A l'article 4 (redevances archéologiques), outre un amendement de précision et un amendement de conséquence, la commission a adopté quatre amendements visant à :

- réintroduire un taux majoré dans le cas de sites renfermant des structures complexes ;

- supprimer au paragraphe II bis (nouveau) la disposition relative à l'exonération dont peuvent bénéficier les collectivités territoriales, par coordination avec l'article 1er quater ;

- rétablir à ce paragraphe le mécanisme d'exonération de la redevance prévu par le Sénat en première lecture pour les redevables qui ne recourent pas à l'établissement public ;

- rétablir les dispositions prévoyant le remboursement de la redevance en cas d'abandon du projet d'aménagement.

A l'article 4 bis (commission de recours), la commission a adopté un amendement rétablissant le principe de représentation paritaire, au sein de cette commission de l'Etat, des collectivités territoriales, des aménageurs et des personnalités qualifiées.

A l'article 5 (coordination), la commission a adopté un amendement supprimant le paragraphe IV visant à inclure dans la nomenclature des installations classées, les installations qui menacent des vestiges archéologiques.

A l'article 5 bis (régime des découvertes mobilières réalisées à l'occasion de fouilles exécutées par l'Etat), la commission a adopté un amendement visant à compléter cet article pour permettre l'étude scientifique par l'Etat des vestiges mobiliers découverts fortuitement.

La commission a adopté un amendement de suppression de l'article 5 ter (régime des découvertes immobilières).

A l'article 6 (rapport au Parlement), la commission a adopté un amendement rétablissant le texte adopté par le Sénat, sous réserve d'un précision relative à la périodicité du rapport.

La commission a ensuite adopté le projet de loi ainsi modifié.