Table des matières


Mercredi 8 novembre 2000

- Présidence de M. Adrien Gouteyron, président. -

PJLF pour 20001 - Audition de M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel

La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel, sur l'enseignement technologique et professionnel et les moyens qui lui sont affectés dans le projet de loi de finances pour 2001.

M. Jean-Luc Mélenchon a d'abord rappelé que cet enseignement accueillait désormais la moitié des jeunes d'une classe d'âge, aussi bien dans les filières scolaires, qu'en apprentissage, cette dernière formule sous contrat de travail étant indispensable, même si elle n'est pas la panacée, pour assurer une diversification des voies d'accès aux professions.

Il a ensuite constaté que des pénuries de main-d'oeuvre qualifiée existaient dans diverses branches de production alors que les effectifs des lycées professionnels ont baissé de manière spectaculaire -20.000 élèves de moins à la rentrée 1999, presque 30.000 à la rentrée 2000- la baisse générale des effectifs se faisant pour l'essentiel sentir dans les filières professionnelles, où elle est trois fois plus importante que dans les filières générales.

Il a dénoncé cette situation absurde, alors que les voies technologiques et professionnelles ne sont plus des filières de relégation ou de second choix et incarnent le mieux la vocation de l'école républicaine en permettant à des jeunes de suivre des parcours de réussite, du CAP jusqu'aux diplômes d'ingénieur.

Evoquant l'hétérogénéité des classes de collèges, il a souligné qu'elle était en particulier imputable aux différences d'âge entre les élèves, une même classe de 5e pouvant rassembler des élèves de 12 à 16 ans, qui ne peuvent relever de la même pédagogie. Il a également insisté sur la nécessité d'une amélioration de l'offre de formation : tout élève devrait se voir proposer à quinze ans, un " entretien de plan de carrière " afin de réduire, à l'issue de la scolarité obligatoire, " l'évaporation " des collégiens et des lycéens vers des emplois non qualifiés, et leur permettre de bénéficier d'une formation initiale approfondie et durable.

Il a précisé que cinq académies expérimenteraient cette formule, dans cinq bassins d'emploi différents, selon un protocole en cours de discussion.

Estimant que la suppression des classes de quatrième et de troisième technologiques avait conduit à assécher le vivier de l'enseignement professionnel, il a indiqué qu'il avait suspendu la fermeture de ces classes dans les lycées et engagé leur rénovation, notamment en envisageant de mettre en place une classe de troisième " d'orientation professionnelle " dans chaque lycée professionnel.

Le ministre délégué a ensuite indiqué que l'enseignement professionnel avait vocation à permettre des poursuites d'études et a rappelé que 17 % de ses élèves accédaient d'ores et déjà au niveau post baccalauréat, notamment aux sections de technicien supérieur (STS).

Il a ajouté que la " fluidité " de cet enseignement serait mieux assurée si une offre complète de formations était proposée dans un même établissement, ce qui permettrait à un plus grand nombre de titulaires de brevet d'études professionnelles (BEP) d'accéder au baccalauréat professionnel, puis aux STS. Un tel parcours, qui doit être considéré comme normal, n'est en effet pas évident, s'il ne peut être accompli dans le même établissement, pour des lycéens qui peuvent éprouver des difficultés à se projeter dans l'avenir, et peut leur poser des problèmes matériels, sachant que 38 % d'entre eux bénéficient d'une bourse et que les lycées professionnels accueillent 67 % des boursiers du second degré.

Il a par ailleurs rappelé que tous les diplômes de cette filière étaient élaborés en concertation avec le monde de la production et que le système français de formation professionnelle était considéré comme un modèle par nombre de pays étrangers.

Evoquant son action pour améliorer la crédibilité de la voie professionnelle, il a indiqué qu'une trentaine de certificats d'aptitude professionnels (CAP) avaient été rénovés et que les établissements seraient reclassés par métiers, cet effort de lisibilité devant se traduire par l'abandon de sigles et d'intitulés de formation trop souvent abscons pour les élèves, et par la promotion de diplômes d'enseignement supérieur tels que les diplômes universitaires de technologie (DUT), les brevets de techniciens supérieurs (BTS) et la nouvelle licence professionnelle.

Soulignant l'importance du " décrochage " scolaire à l'issue de la scolarité obligatoire, ou en cours de formation, il a fait observer que le nombre de sorties du système scolaire sans qualification avait chuté de 100.000 à 60.000 en quelques années et que la revalorisation des bourses, ainsi que le doublement de la prime d'équipement s'inscrivaient dans une perspective de définition d'un statut social du jeune en formation.

Il a ajouté que la rétribution obligatoire des stagiaires, sous statut scolaire, initiée par son prédécesseur, ne devait pas avoir pour conséquence de réduire le nombre des stages proposés ; elle devrait être neutre pour l'entreprise, ce qui suppose de trouver un financement adapté, n'affectant ni la taxe d'apprentissage ni les cotisations sociales des employeurs.

Un débat s'est alors instauré.

M. Ivan Renar a évoqué le rôle joué par les régions dans l'enseignement professionnel en citant les expériences engagées dans le Nord-Pas-de-Calais en ce domaine : création d'un forum des sciences relayé par un lycée professionnel correspondant dans chaque bassin de formation, octroi d'aides financières pour la réalisation des projets des établissements.

Il a fait observer que les régions souhaitaient un véritable partenariat avec l'éducation nationale, parfois entravé par certaines pesanteurs administratives, et que les initiatives locales pour développer et conforter certaines formations dans les établissements scolaires ne pouvaient que partiellement être prises en compte dans les contrats de plan, la formation professionnelle continue devant alors remédier aux lacunes de la formation initiale.

Mme Hélène Luc a estimé que les difficultés rencontrées dans les lycées professionnels, qui accueillent trop souvent des élèves en difficulté, résultaient des problèmes de l'école primaire et du collège.

Elle a noté que la baisse préoccupante des effectifs constatés dans les filières professionnelles était due à un manque d'information des élèves sur les perspectives de poursuite d'études, notamment vers la licence professionnelle et au fait que les lycées professionnels sont encore trop souvent considérés comme des structures d'accueil des élèves en situation d'échec scolaire.

Au-delà des réformes annoncées, elle a estimé que le temps était venu de passer aux actes, de rendre plus attractives les fonctions de chef d'établissement et de professeur de lycée professionnel, de développer les enseignements généraux, y compris la philosophie, de rechercher des stages en entreprise, de moderniser le parc machines des établissements -ce qui permet notamment de favoriser les partenariats avec les entreprises- et de privilégier les nouveaux métiers.

S'appuyant sur l'exemple du Val-de-Marne, elle a regretté que certaines formations sanitaires et sociales à vocation parfois ménagère soient encore trop souvent proposées aux jeunes filles, alors que les formations correspondant à des activités économiques exercées dans le département, comme la maintenance aéronautique ou les métiers de l'eau, sont inexistantes, et que 700 élèves ne trouvent pas de place en lycée, notamment professionnel.

Constatant enfin que de nombreux lycéens professionnels souhaitent poursuivre des études supérieures, elle a estimé qu'il convenait de multiplier les passerelles entre les filières, et de lancer des campagnes d'information efficaces en faveur de l'enseignement professionnel.

M. René-Pierre Signé a félicité le ministre délégué pour son action en faveur de la valorisation de la filière professionnelle, qui n'est plus aujourd'hui une voie de relégation et il a souligné l'égale dignité de toutes les disciplines. Il a constaté avec satisfaction que le projet pluridisciplinaire à caractère professionnel permettrait de prendre en compte des compétences générales, que les obligations de service des enseignants avaient été harmonisées et que l'encadrement pédagogique des lycées professionnels avait été renforcé.

Citant l'exemple de la filière bois dans son département, il a enfin souhaité, comme Mme Hélène Luc, que les formations proposées soient davantage adaptées aux besoins locaux.

Evoquant les problèmes de pénurie de main-d'oeuvre qualifiée dans certains secteurs et soulignant lui aussi l'inadéquation au plan local entre l'offre et la demande de certaines formations, ce qui est le cas, dans le Territoire de Belfort, pour la mécanique automobile, M. Michel Dreyfus-Schmidt s'est interrogé sur l'opportunité de mettre en place un système d'aide aux élèves qui devraient se former ailleurs, notamment en matière de logement ou de transport.

Il a par ailleurs regretté que le collège et le lycée d'enseignement général ne sensibilisent pas leurs élèves aux différents métiers.

M. Daniel Eckenspieller a indiqué que la plus grande partie des travailleurs frontaliers de son département avait bénéficié d'une formation dans les filières professionnelles et technologiques et a regretté que les stages courts de découverte des métiers, notamment dans des entreprises artisanales, qui étaient offerts aux élèves de troisième, aient été supprimés.

Répondant à ces interventions, M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel, a notamment apporté les précisions suivantes :

- le développement d'un partenariat avec les régions est fondamental pour l'enseignement professionnel, mais il suppose l'existence de cartes régionales des formations, le schéma régional des formations devant être actualisé et précisé ;

- il est regrettable que les capacités d'accueil de certains lycées professionnels soient sous-utilisées, alors que les régions ont fait un énorme effort d'investissement ;

- les régions doivent contribuer à une réhabilitation de l'apprentissage, en liaison avec les chambres consulaires, notamment par la mise en place de sections au sein des lycées professionnels afin de diversifier l'offre de formations ;

- l'expérience montre que les passerelles entre formations sont plus efficaces dans les établissements qui regroupent diverses filières technologiques et professionnelles (sections d'apprentissage, centre de formation continue, classe de première de transition, section de technicien supérieur...) : cette formule expérimentée avec succès dans certaines régions doit être développée ;

- la mise en place de la licence professionnelle et des plates-formes technologiques, en liaison avec les lycées professionnels et les entreprises, traduit le souci de rénovation de l'enseignement professionnel ;

- les lycées des métiers seront mis en place en concertation avec les régions et devraient constituer les fleurons de l'enseignement professionnel ;

- l'expérimentation doit être privilégiée dans l'enseignement professionnel, les seules limites à l'innovation résultant du respect des règles du service public : à cet égard, les projets pluridisciplinaires à caractère professionnel s'appliqueront à tous les niveaux de formation et toutes les initiatives seront encouragées ;

- le développement de la culture générale est essentiel pour approfondir une professionnalisation durable et répond d'ailleurs à une forte demande des lycéens professionnels ;

- les parents d'élèves sont moins sensibles aux campagnes publicitaires de promotion en faveur de l'enseignement professionnel qu'au taux d'embauche des diplômés, qui désormais approche 100 % pour la plupart des formations ;

- la suppression inconsidérée de certains CAP jugés obsolètes s'est traduite par un transfert de ces formations vers l'apprentissage : les besoins des collectivités locales en personnels qualifiés, notamment dans le domaine sanitaire et social, imposent de maintenir les formations correspondantes, sans d'ailleurs les réserver exclusivement aux jeunes filles ;

- la féminisation des professions est un objectif qui doit être poursuivi sans préjugés, y compris dans des formations de mécanique ou de métallerie autrefois réservées aux garçons, celle-ci devant en outre permettre d'utiliser toutes les capacités d'accueil des établissements, à l'exception des filières obsolètes qui devront être rénovées ;

- si la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée constatée dans certains secteurs de production devait perdurer, elle serait inévitablement comblée par un recours à l'immigration, ce qui conduirait à piller la matière grise des pays en développement ;

- des classes passerelles menant aux formations supérieures sont expérimentées avec succès dans certains établissements, et permettent notamment de favoriser le passage des bacheliers professionnels vers les STS : il convient de réfléchir à un statut pour ces élèves de classes supérieures qui ne peuvent actuellement bénéficier d'aucun régime de bourses ;

- le projet pluridisciplinaire à caractère professionnel est un outil pédagogique constitué autour d'un projet commun pour favoriser un apprentissage : sa mise en oeuvre, qui est effectivement de nature à bousculer les méthodes de travail des enseignants, a été différée d'un trimestre, et suppose une impulsion donnée par les chefs d'établissement ;

- la situation sociale des enseignants a été considérablement améliorée, notamment par l'alignement de l'obligation de service des professeurs de spécialités, pour un coût de 600 millions de francs, par la prise en compte dans leur service du suivi des élèves en stage (297 millions de francs), par les efforts engagés pour unifier le corps des professeurs de lycée professionnel et revaloriser la situation des retraités ;

- avant d'appliquer toute réforme, il convient de tenir compte de l'état d'esprit d'un corps d'enseignants dévoués et passionnés, mais dont beaucoup se ressentent aussi d'avoir vécu vingt ans de crise économique dans une filière d'enseignement particulièrement concernée par le chômage ;

- si les diplômes professionnels ont une valeur nationale, il convient aussi d'adapter localement l'offre de formation à la demande, et il faut que les élus informent le ministre des besoins locaux de formation dans les lycées professionnels et des insuffisances de l'offre de formation ;

- l'enseignement professionnel n'est plus une voie de relégation mais un parcours valorisant et débouchant sur l'emploi qui se traduit par un afflux de candidats vers les IUT et les STS : cette évolution doit cependant tenir compte d'une culture traditionnelle qui reste fondée sur la reproduction des élites mais aussi d'une " mémoire ouvrière de la souffrance au travail " qui conduit encore des familles à ne pas souhaiter que leurs enfants s'orientent vers des métiers qui n'ont pourtant plus la pénibilité d'autrefois ;

- nos formations professionnelles sont appréciées à l'étranger, comme le prouve d'ailleurs l'importance de l'emploi frontalier : au lieu d'une reconnaissance générale des diplômes au niveau européen, il conviendrait de promouvoir une reconnaissance des formations technologiques en fixant des référentiels communs, la langue technologique étant universelle ;

- les stages en entreprise sont particulièrement utiles aux élèves ; les forums des métiers devraient fournir des indications pratiques (lieux d'apprentissage d'un métier, références pédagogiques) plutôt qu'une information sur les formations formulée trop souvent de manière absconse ;

- la découverte des métiers par les élèves de collèges, et aussi par leurs enseignants, pourrait passer par une multiplication des visites de lycées professionnels.

Jeudi 9 novembre 2000

- Présidence de M. Adrien Gouteyron, président. -

PJLF pour 2001 - Audition de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement

La commission a procédé à l'audition de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sur les crédits de l'environnement dans le projet de loi de finances pour 2001.

Mme Dominique Voynet a indiqué que le projet de budget de l'environnement pour 2001 était en forte progression pour la quatrième année consécutive, permettant ainsi de consolider l'action entreprise sur les exercices précédents, et confortant la politique voulue par le Gouvernement dès 1998 dans le domaine de l'environnement. Il progressera de 9 % en crédits de paiement, et de 30 % en engagements, compte tenu, notamment, de l'extension des compétences du ministère en matière de protection et de sûreté nucléaire. Cette évolution témoigne de la priorité que le Gouvernement accorde à l'environnement, mais doit être relativisée au regard des sommes en jeu : le budget de l'environnement ne représente toujours que 0,26 % du budget de l'Etat.

La ministre a estimé que le transfert du financement de l'institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN) du ministère de l'industrie à celui de l'environnement en 2001, pour un montant de 1.334 millions de francs, marquait une réelle extension du champ d'action en matière de sûreté nucléaire de son ministère, qui exercera désormais une cotutelle sur l'institut.

Notant que ce transfert avait suscité quelques inquiétudes, elle a souligné qu'il n'entraînerait aucun bouleversement, et que le gouvernement s'attacherait à assurer en permanence l'indépendance de l'IPSN et la qualité scientifique de l'expertise qu'il est conduit à délivrer. Un projet de révision de ses statuts, actuellement en préparation, vise à assurer une meilleure séparation des activités d'exploitation et d'appui technique et de contrôle, ainsi qu'à rapprocher les contrôles de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Il se traduira par une séparation du commissariat à l'énergie atomique (CEA), et une fusion avec une partie de l'office de protection des rayons ionisants (OPRI).

Elle a noté que le transfert de l'IPSN contribuait à la progression de 9 % des crédits de paiement, mais serait partiellement compensée par une baisse des crédits de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), qui sont ramenés de 1,7 milliard de francs en 2000 à 500 millions en 2001. Elle a souligné que cette réduction des crédits, conduite en plein accord avec l'équipe de direction de l'agence, ne porterait en rien préjudice aux capacités d'intervention de l'ADEME en 2001, et n'était nullement la conséquence d'une quelconque déficience dans la gestion de l'établissement.

Elle a rappelé que le volume des reports de crédits, toujours importants à l'ADEME, avait été accentué avec la mise en place de la taxe générale sur les activités polluantes en 1999, et la décision prise, pour ne pas pénaliser l'établissement dans ce contexte de mutation, de le doter d'un montant de crédits de paiement égal à celui des autorisations de programme ouvertes. Or, ces crédits de paiement ont été très supérieurs au rythme réel des dépenses effectives en raison du caractère pluriannuel des investissements conduits par l'ADEME. Le projet de budget pour 2001 normalisera la situation, au vu des reports de crédits disponibles qui s'établissent à 1.493 millions de francs sur crédits budgétaires à la fin de l'exercice 1999, sans pénaliser en quoi que ce soit les moyens réels de l'agence.

La ministre a indiqué que, hors ADEME et IPSN, le budget de l'environnement progressait, à structure constante, de 10,8 % entre 2000 et 2001.

Par-delà ces chiffres de progression, dont elle a admis la valeur très relative, elle a souhaité insister sur la continuité d'une politique qui a permis, en trois ans, de transformer profondément le ministère dans sa structure et son périmètre d'intervention, pour lui permettre de répondre à l'évolution des attentes des citoyens.

Mme Dominique Voynet s'est félicitée de la progression des effectifs du ministère -près de 30 % depuis 1997- qui correspond à la nécessité de construire une administration et, par ce biais, un service public de l'environnement à la hauteur de ses responsabilités.

En 2001, 300 emplois nouveaux, auxquels s'ajoutent 880 postes créés dans les établissements publics, porteront à 1.500 le nombre des créations de postes sur quatre ans, contribuant à un programme de rattrapage des sous-effectifs qui devra être poursuivi.

Ce rattrapage des moyens s'est accompagné d'une transformation des structures administratives : la création en 2000 de la nouvelle direction des études économiques et de l'évaluation environnementale et du service d'inspection générale de l'environnement sera suivie, en 2001, de celle d'un institut de formation de l'environnement, et de la mise en place de la future agence de sécurité sanitaire environnementale, placée sous la double tutelle du ministère de l'environnement et de celui de la santé.

Ces évolutions ont fait passer le budget de l'environnement de moins de 2 milliards de francs en 1997 à 4,7 milliards de francs en 2001, et même à 5,2 milliards de francs compte tenu de la contribution du fonds national de solidarité pour l'eau (FNSE), et elles ont permis de faire avancer depuis 1997 d'importants chantiers.

Mme Dominique Voynet a estimé à cet égard qu'une étape nouvelle avait été franchie en 2000 avec la négociation des contrats de plan Etat-régions, qui a consacré l'intégration des préoccupations environnementales dans les politiques publiques : les crédits contractualisés du ministère passeront de 1,3 à 3,2 milliards sur la période, et seront complétés par 3,3 milliards de crédits de l'ADEME. Cet effort ne représente que 3 % des crédits contractualisés mais marque une inflexion des politiques sectorielles perceptible dans le budget 2001.

Celui-ci, parallèlement à la consolidation des politiques de l'eau, de la nature et des paysages, traduit un effort significatif en faveur du renforcement de la politique de prévention des risques et des inondations, et de la lutte contre les nuisances.

La ministre a souhaité qu'en ce domaine, les contrats de plan Etat-région contribuent à faire privilégier à l'avenir la prévention des risques et des pollutions par rapport à la réparation des dommages.

Sur les 5.000 plans de prévention des risques naturels prévisibles (PPR) dont la mise en place a été prévue, 2.344 ont été approuvés, et 2.638 sont prescrits ou en cours de réalisation ; les moyens financiers qui sont consacrés à leur réalisation ont été doublés et permettent, depuis l'an dernier, de financer également les études préalables à leur réalisation.

Le budget de la politique de prévention des inondations sera renforcé pour atteindre 274 millions de francs en 2001, et assurer le financement des actions contractualisées avec les régions, notamment dans le cadre des avenants conclus à la suite des événements de décembre 1999. Les moyens de l'INERIS progresseront également fortement.

Dans le cadre de la lutte contre les nuisances, la lutte contre le bruit, qui constitue la première des nuisances identifiées par les Français, bénéficiera d'une mesure nouvelle de 100 millions de francs en autorisations de programme, consacrée au financement de l'insonorisation des façades de bâtiment au voisinage des " points noirs " du bruit dus aux transports terrestres. En outre, une mesure exceptionnelle de 75 millions de francs obtenue en 2000 sera consolidée dans le budget 2001 de l'ADEME pour la lutte contre le bruit au voisinage des aéroports.

La ministre a ensuite présenté les crédits consacrés à la politique de la nature et des paysages qui, après les très fortes progressions des deux dernières années, se stabiliseront en 2001 à hauteur de 720 millions de francs, en hausse de 0,5 % par rapport à 2000. La politique d'acquisition conduite par le conservatoire du littoral constituera une priorité et bénéficiera d'une mesure de 20 millions de francs en autorisations de programmes. La ministre a expliqué la baisse de 3,5 % des crédits du fonds de gestion des milieux naturels par les procédures en cours de négociation pour la mise en oeuvre des documents d'objectifs dans le cadre du réseau Natura 2000, auquel seront cependant consacrés 109 millions de francs en 2001.

La ministre a ensuite estimé que l'extension en 2001 de la taxe générale sur les activités polluantes aux consommations intermédiaires d'énergie consacrait une nouvelle étape dans la mise en place de la fiscalité environnementale, et permettrait de renforcer la lutte contre l'effet de serre dans le cadre du programme national de lutte contre le changement climatique. Elle a précisé que les entreprises fortement consommatrices et soumises à la concurrence internationale bénéficieraient d'un dispositif spécifique reposant sur des engagements de réduction conclus avec l'administration pour des périodes de cinq ans. Elle a évalué à 3,8 milliards de francs la recette attendue en 2001 de cette extension, et a précisé que le produit de cette taxe serait affecté au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.

Un débat a suivi l'exposé de la ministre.

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis du budget de l'environnement, a interrogé la ministre sur les raisons qui justifient que l'institut de protection et de sûreté nucléaire soit placé sous la cotutelle du ministère de l'environnement et sur la contribution que celui-ci apporterait à la cohérence de la politique de prévention gouvernementale.

Evoquant la forte diminution des subventions d'investissements affectées à l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, il s'est interrogé sur les raisons qui expliquent l'important écart constaté entre les prévisions budgétaires et les dépenses réalisées, et s'est demandé si elles présentaient un lien avec la diminution du taux des aides apportées par l'agence.

Il s'est inquiété de la diminution des crédits de paiement attribués au fonds de gestion des milieux naturels, et a demandé des éclaircissements supplémentaires sur les raisons de cette diminution.

Il a également souhaité avoir des précisions sur les formations que dispenserait l'institut de formation de l'environnement et sur ses modalités de fonctionnement, sur la mise en place de l'inspection générale de l'environnement, et sur la répartition des attributions respectives de la future agence française de sécurité sanitaire et de l'institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) en matière d'expertise.

Evoquant les risques de pollution marine liés au naufrage de l'Ievoli Sun, il a interrogé la ministre sur les mesures que le gouvernement pourrait prendre au niveau national, sur l'état d'avancement des négociations engagées avec nos partenaires européens pour améliorer la sécurité des transports maritimes et il a voulu savoir comment le ministère de l'environnement était associé au traitement de ces dossiers, par nature interministériels et dont il n'a pas la maîtrise.

A propos des tempêtes de décembre 1999, il a demandé à la ministre quelle était son appréciation sur les liens entre ces accidents climatiques, le réchauffement de la planète, et l'effet de serre, ainsi que sur les mesures qu'imposait le principe de précaution. Il lui a également demandé les enseignements qu'elle tirait des tempêtes de décembre 1999 en matière de politique de prévention des risques.

Enfin, il l'a interrogé sur les problèmes écologiques que poserait l'élimination des farines animales, dans l'hypothèse de leur interdiction.

M. Serge Lepeltier s'est fait l'écho de la préoccupation exprimée par de nombreux élus locaux confrontés aux difficultés que pose l'évolution de la réglementation en matière d'épandages des boues d'origine agricole et de stations d'épuration. Il a rappelé que l'interdiction de mélanger les boues et les ordures ménagères plaçait de nombreuses installations en dehors de la réglementation, et a souhaité que soient levées les incertitudes juridiques qui entravent la recherche de solutions techniques.

Relevant que la politique d'économies d'énergie n'avait pas eu, depuis son lancement dans les années 1970, les résultats escomptés, il lui a demandé si la solution ne consistait pas à encourager des sources d'énergies propres, susceptibles de se substituer au pétrole, et a souhaité connaître l'état de la réflexion du Gouvernement sur ce sujet, et en particulier sur les compensations fiscales qu'il envisagerait pour parer aux effets d'une diminution de l'assiette de la fiscalité pétrolière.

Il a noté que le problème du bruit dépassait largement celui de la résorption des " points noirs " et que les maires étaient désarmés pour lutter contre les nuisances sonores " quotidiennes " que supporte de plus en plus mal la population. Il s'est interrogé sur les moyens d'améliorer la réglementation et, surtout, son application.

M. Daniel Eckenspieller s'est inquiété de la suppression en 2000 des dotations de l'ADEME destinées à inciter les communes à installer sur leur territoire des équipements d'élimination des déchets. Il a rappelé les difficultés politiques et financières que suscitait la suppression de ces dotations pour les communes qui ont accueilli ces équipements, et a estimé qu'il serait souhaitable, compte tenu notamment de la situation financière de l'ADEME, que ces dotations soient maintenues pour les équipements qui ont été réalisés, même si elles ne pouvaient plus être accordées à l'avenir pour de nouvelles réalisations.

M. Marcel Vidal a interrogé la ministre sur le bilan de la création des emplois-jeunes dans les métiers de l'environnement, sur la mise en place du dispositif véloroutes, et sur le bilan de l'opération " journée sans voitures ".

Mme Danièle Pourtaud a posé une question sur le bilan, quatre années après leur entrée en vigueur, de l'application des dispositions de la loi sur l'air qui imposaient à l'administration, à l'occasion du renouvellement de son parc automobile, une proportion de 20 % de véhicules propres.

Mme Hélène Luc a souhaité davantage de précisions sur les mesures envisagées en matière de lutte contre le bruit au voisinage des aéroports et des grands axes routiers. Insistant sur la gravité des problèmes posés par l'effet de serre, et rappelant l'incitation que constituaient les tempêtes de 1999 à envisager des mesures importantes, elle a souhaité que ce problème fasse l'objet d'un débat en séance publique. Elle a également interrogé la ministre sur la part du budget consacrée à la recherche environnementale, et ses axes prioritaires. Enfin, elle a souhaité connaître les orientations européennes de la réflexion commune engagée par son ministère et le ministère des transports en matière de transports propres.

En réponse aux différents intervenants, Mme Dominique Voynet a apporté les précisions suivantes :

- le rattachement de l'institut de protection et de santé nucléaire au ministère de l'environnement répond à une volonté affirmée depuis plusieurs années d'opérer une clarification entre les missions d'expertise, qui doivent être exercées en toute indépendance, et les missions de contrôle, qui relèvent de la responsabilité du Gouvernement. C'est dans cette perspective que le Gouvernement a souhaité que l'IPSN, chargé de cette mission d'expertise, soit indépendant du commissariat à l'énergie atomique. Il faut souligner la qualité du travail effectué par l'IPSN, qui bénéficiera sans doute d'un renforcement de ses liens avec les experts travaillant sur la radioprotection : ce domaine et celui de l'IPSN sont en effet très proches, et c'est du reste l'IPSN qui a mis en relief les risques de contamination par le radon ;

- le bilan des actions de l'ADEME confirme la montée en puissance du soutien qu'elle apporte en matière de lutte contre le bruit, de traitement des ordures ménagères et de relance de la politique de maîtrise de l'énergie. Toutefois, une stagnation des moyens d'intervention et de fonctionnement de l'Agence dans la première moitié des années 1990 témoigne sans doute d'une certaine usure de l'équipe dirigeante. Les taux d'intervention, qui avaient été relevés pour dynamiser la demande des collectivités locales, ont été rabaissés en 1999 devant une pression de la demande qui s'explique également par le calendrier électoral. Dans l'ensemble, et si l'on tient compte de la baisse du taux de la TVA, le coût à la tonne du traitement des déchets n'a jamais été aussi bas, comme le montre une étude de l'association des maires de France. La hausse du coût des équipements s'explique par les exigences plus fortes des citoyens, et par le relèvement des normes environnementales ;

- le dossier évoqué par M. Daniel Eckenspieller doit faire l'objet d'un nouvel examen par l'ADEME, de façon à prendre en compte le changement des régimes d'aide intervenu en 1999, et présente de bonnes chances d'aboutir ;

- la diminution des crédits du fonds de gestion des milieux naturels en 2001 doit être relativisée, car elle succède à deux fortes augmentations en 1998 et 1999 ;

- le plan Natura 2000 fera l'objet d'une vigoureuse relance, en raison de l'intérêt qu'il présente, et pour répondre aux pressions exercées par la Commission européenne, qui en fait une condition de versement des fonds structurels et qui pourrait à court terme imposer à la France le paiement d'astreintes ;

- la création de l'institut de formation de l'environnement doit permettre une amélioration de la formation des agents de l'Etat dans un domaine où la culture de l'administration n'est pas très développée. Il dispensera des formations spécialisées à de très nombreux agents du ministère de l'environnement, mais aussi des autres administrations, sans empiéter sur les attributions des écoles existantes. Certaines formations intègrent d'ailleurs déjà une formation à l'environnement, c'est le cas par exemple de celle reçue par les ingénieurs des Ponts ;

- la création d'une inspection générale permettra notamment au ministère de ne plus dépendre d'autres administrations pour assurer le contrôle de ses établissements publics, et d'exercer sur eux une tutelle effective ;

- la répartition des attributions entre l'agence de sécurité environnementale et l'INERIS ne devrait pas soulever de difficultés, le champ d'activité de ce dernier restant très centré sur les risques industriels ;

- les différents ministres concernés travaillent en parfaite harmonie au sein du Gouvernement sur les problèmes posés par la sécurité maritime ; le travail intense réalisé par le Parlement européen et la Commission devrait permettre d'accélérer l'examen des trois propositions de directives actuellement à l'étude ; la prise de décisions unilatérales à l'échelon national est une tentation, mais elle risquerait de n'aboutir qu'à déplacer le problème ;

- les conclusions rendues par les groupes d'experts qui travaillent en réseau sur le changement climatique sont inquiétantes et explicites, elles appellent une remise en cause des comportements, notamment dans le domaine énergétique ; on peut regretter toutefois qu'en ce domaine, on soit prêt à consacrer davantage de moyens financiers à la réparation des dégâts qu'à l'infléchissement des politiques publiques ; la part consacrée aux carburants dans le budget des ménages n'a cessé de baisser depuis dix ans ; des rééquilibrages devront être opérés, à l'occasion des prochains arbitrages en matière de construction d'infrastructures, entre la route et le rail ; en outre, une harmonisation européenne des législations relatives au transport routier, notamment en matière de formation, de rémunération, de temps de travail, pourrait être un moyen efficace de combattre l'effet de serre en luttant contre les pratiques de prix abusivement bas ;

- l'affaire de la vache folle est une incitation supplémentaire à développer une politique capable d'anticiper les problèmes sans attendre le déclenchement des catastrophes. Rien cependant ne justifie la psychose qui se développe aujourd'hui. En raison des incertitudes qu'elles présentent, il faudra interdire les farines animales, ce qui suppose un important effort de préparation, compte tenu de l'insuffisance de nos capacités de stockage et d'incinération de ces farines. La mise à niveau de ces capacités nécessitera du temps et des investissements importants. Il faudra aussi résoudre le problème de notre déficit en protéagineux. Il convient enfin de faire une juste appréciation des risques et d'être attentif aux évaluations de l'agence de sécurité sanitaire alimentaire : il serait absurde de dépenser des milliards pour des mesures inspirées par des craintes irrationnelles ;

- un important travail a été effectué sur les boues d'épuration ; l'épandage reste une bonne solution pour l'agriculture, mais il reste à mettre au point un bon mécanisme de garantie en cas d'épandages anormaux ; celle-ci ne saurait relever de l'Etat, aussi les collectivités territoriales doivent-elles s'assurer contre ces risques ;

- la politique d'économie d'énergie suppose la suppression des transports inutiles et évitables, et passe par une harmonisation fiscale européenne ; il conviendra de se doter d'un axe ferroviaire nord-sud, et d'un axe Lyon-Turin permettant également le franchissement des massifs montagneux pour le transport des personnes comme pour le trafic de marchandises. En matière de transports individuels, le dernier salon de l'automobile a montré que l'on est aujourd'hui capable de construire des voitures à faible consommation, à condition de renoncer à certains équipements excessifs ;

- la lutte quotidienne contre les diverses sources de bruit, et en particulier celles qui proviennent des motocyclettes, pose un véritable problème ; certes, elle relève des pouvoirs de police des maires, mais ceux-ci n'ont pas nécessairement des moyens suffisants pour l'exercer, et un durcissement de la réglementation ne serait pas nécessairement opérant : les mesures de prévention et d'éducation civique donnent de bons résultats auprès de la majeure partie du public, mais restent sans effets sur une certaine marge de la population ;

- 23.000 emplois-jeunes ont été créés dans le secteur de l'environnement ; ils correspondent en outre à de vrais métiers, proposés par de nouveaux employeurs, et sont situés aussi bien dans les villes que dans les zones rurales ; ils offrent aussi de bonnes chances de pérennisation, avec des possibilités de sorties intéressantes vers les éco-industries, ainsi que dans la fonction publique et la fonction publique territoriale ;

- 3 millions de francs sont consacrés à la construction de 7 à 9.000 km d'un réseau de véloroutes ; toutes les régions n'ont cependant pas souhaité s'engager dans ce programme, et sa cohérence devra donc être améliorée ;

- l'opération " journée sans voiture " présente d'abord un intérêt pédagogique, car elle force à réfléchir aux alternatives à la voiture. Elle rencontre une forte adhésion de la population des villes concernées, sauf chez les commerçants qui sont dans l'ensemble plus réservés ;

- des efforts conduits en liaison avec les administrations partenaires -et en particulier le ministère de l'intérieur- et les villes ont permis de mettre au point des outils efficaces pour réduire les consommations d'eau et d'électricité des administrations. Ces consommations peuvent en effet être réduites dans une proportion de 20 % sans investissement, et de 40 % avec des investissements limités ; le développement du parc de véhicules administratifs non polluants rencontre actuellement des difficultés liées à l'incapacité de certains constructeurs à fournir des véhicules GPL répondant aux nouvelles normes de propreté, entraînant un blocage pendant six mois des commandes envisagées ;

- le budget commun de la recherche et du développement comporte d'importants programmes de recherche dans le domaine de l'environnement orientés en fonction de cinq axes stratégiques dont l'un concerne la pollution par les transports et le changement climatique. Une demande de renforcement de 50 millions de francs de ce programme est en cours d'arbitrage.