Table des matières




Mercredi 9 janvier 2002

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Chômage - Régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle - Examen du rapport

La commission a tout d'abord examiné le rapport de M. Bernard Fournier sur la proposition de loi n° 138 (2001-2002) adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relative au régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle.

M. Bernard Fournier, rapporteur, a indiqué que la proposition de loi constituait une solution inédite au problème récurrent du sort du régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle dans la mesure où, si ce n'était pas la première crise que traversait ce régime, c'était la première fois que le législateur intervenait pour lui apporter une solution.

Il a rappelé que les intermittents du spectacle bénéficiaient d'un régime d'assurance chômage spécifique, et incontestablement favorable, dont les règles relevaient des annexes VIII et X à la convention générale d'assurance chômage.

Ces règles qui conduisent l'allocation chômage à devenir non pas un revenu de substitution mais un revenu de complément, sont depuis longtemps critiquées par les organisations patronales qui y voient un avantage indu dont le financement ne devrait pas être assuré par la solidarité interprofessionnelle mais par une contribution publique.

Le rapporteur a relevé toutefois que ce régime constituait une donnée essentielle de l'économie du secteur culturel, dont l'essor s'est accompagné d'une généralisation du travail intermittent. Au cours des vingt dernières années, le nombre des intermittents a connu une forte progression, dont le rythme s'est accéléré depuis 1990, passant de 41.038 en 1991 à 92.440 en 2000.

Le marché de l'emploi des intermittents présente la particularité d'être à la fois en croissance et en crise. Entre 1986 et 1999, le nombre de jours de travail offerts aux intermittents a doublé alors que, parallèlement, on constatait une augmentation encore plus forte des effectifs d'intermittents, leur nombre étant multiplié par trois.

Cette évolution est à l'origine de la progression du déficit des annexes VIII et X qui, entre 1991 et 2000, est passé de 210 millions d'euros à 610 millions d'euros, le rapport entre le montant des prestations servies et celui des cotisations perçues -d'ailleurs élevé-restant pour sa part de 5 à 1.

En dépit de cette situation préoccupante, le régime des annexes VIII et X n'a pas été réformé, même si des avancées ont pu être accomplies pour pallier certaines de ses dérives à l'initiative du Gouvernement et des partenaires sociaux.

Le rapporteur a rappelé que l'adaptation du régime d'indemnisation des intermittents du spectacle à la convention générale d'assurance chômage du 1er janvier 1997 avait été menée à bien tardivement, les partenaires sociaux n'étant parvenus à un accord que le 20 janvier 1999. Cet accord, s'il ne procédait pas à une refonte du dispositif, prenait toutefois en compte l'accord du 12 octobre 1998 déterminant les conditions dans lesquelles les employeurs peuvent recourir à des salariés intermittents.

L'ouverture des négociations sur la convention générale d'assurance chômage n'a pas permis aux partenaires sociaux d'envisager les conditions d'une réforme d'envergure de ce régime, même si la profession avait formulé dans le cadre d'un accord conclu le 15 juin 2000 des propositions modifiant significativement les modalités d'indemnisation.

M. Bernard Fournier a relevé que les difficultés rencontrées dans la renégociation de la convention générale avaient également eu pour effet de prolonger la validité des annexes VIII et X qui avaient bénéficié des reconductions successives de la convention générale du 1er janvier 1997 puis de celle de ses annexes, jusqu'au 30 juin 2001.

Mais, à cette date, les annexes VIII et X sont devenues caduques et aucun nouvel accord n'est intervenu.

Le rapporteur a indiqué que si l'UNEDIC continuait à verser les prestations, cette situation, très fragile sur le plan juridique, exigeait, faute de pouvoir espérer la conclusion prochaine d'un accord interprofessionnel, une initiative législative, le pouvoir réglementaire ne pouvant intervenir dans la mesure où il existe une convention générale d'assurance chômage agréée.

M. Bernard Fournier a indiqué que la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale prorogeait les annexes VIII et X telles qu'annexées à la convention générale du 1er janvier 1997.

En effet, elle s'applique à compter du 1er juillet 2001, date à laquelle expirait le délai de prorogation des annexes de la convention du 1er janvier 1997 et prévient ainsi tout risque de contestation de la prolongation par l'UNEDIC des dispositions des annexes. Par ailleurs, le dispositif maintient le régime des annexes jusqu'à l'agrément d'un nouvel accord.

S'il a considéré que le principe de la prorogation était incontestable, le rapporteur a porté une appréciation plus nuancée sur ses modalités.

La prorogation des annexes VIII et X constitue, en effet, au regard de la situation actuelle la seule solution envisageable. Tout en garantissant la sécurité juridique des allocataires, elle permet par ailleurs de réaffirmer la nécessité de prendre en compte la spécificité de l'activité artistique au sein du régime d'assurance chômage.

Le rapporteur a souligné que le législateur ne se substituait pas aux partenaires sociaux puisqu'il ne modifiait en rien les règles d'indemnisation et ne remettait pas en cause la compétence qui leur est reconnue pour les fixer.

Cependant, il a estimé que la durée de la prorogation fixée par l'Assemblée nationale était au mieux trop longue et au pire indéterminée, ce qui présentait plusieurs inconvénients.

En premier lieu, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale ne constitue pas l'assurance de parvenir rapidement à un accord, pas plus qu'elle ne favorise une réforme des règles d'indemnisation, réforme qui exigera des concessions qui peuvent s'avérer coûteuses pour les intermittents comme pour les entreprises du secteur. A cet égard, le rapporteur s'est interrogé sur les chances de parvenir dans ces conditions à un accord alors que l'échec des négociations garantit l'existence d'un régime plus favorable. Ce risque est d'autant plus grand que si aucun accord n'était agréé, la proposition de loi continuerait à produire ses effets au-delà du terme de la convention générale d'assurance chômage du 1er janvier 2001.

Le rapporteur a indiqué en outre que dans la mesure où il ne fixait aucun terme à son application, le dispositif de la proposition de loi n'était pas conforme à l'interprétation dégagée par le Conseil constitutionnel de l'article 21 de la Constitution relatif à l'exécution des lois. Sa durée d'application dépendra en effet uniquement de l'intervention d'une décision du pouvoir réglementaire, à savoir l'arrêté d'agrément.

M. Bernard Fournier, rapporteur, a donc estimé nécessaire de fixer un terme précis à la prorogation par la proposition de loi des annexes VIII et X et au délai qu'elle ouvre pour parvenir à la conclusion d'un accord. Il a considéré raisonnable de proroger les annexes jusqu'au 30 juin 2002 à défaut, avant cette date, d'agrément d'un accord sur leur adaptation à la convention générale du 1er janvier 2001. Ce délai semble suffisant dans la mesure où les partenaires sociaux ont manifesté le souhait de reprendre très rapidement les négociations. Il est nécessaire que l'intervention du législateur en ce domaine, qui constitue une entorse manifeste au paritarisme, soit la plus brève possible afin de ne pas affecter le caractère conventionnel du régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Mme Marie-Christine Blandin a déclaré partager l'analyse faite par le rapporteur du rôle de la loi. La loi doit assurer la transition entre deux conventions et ne doit pas obérer le débat nécessaire sur les conditions d'emploi dans le secteur culturel. La proposition formulée par le rapporteur de fixer un terme à la prorogation est donc judicieuse. Cependant, les circonstances des mois à venir ne sont pas de nature à permettre aux négociations d'aboutir rapidement d'ici le 30 juin prochain, et il serait préférable pour cette raison, de prévoir un délai plus long, par exemple jusqu'au 31 décembre 2002.

M. Ivan Renar a indiqué que la situation actuelle traduisait une réelle difficulté résultant principalement de l'ampleur des déficits des annexes VIII et X. Le Parlement va voter une loi d'opportunité pour remédier à un vide juridique.

Après avoir rappelé que le régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle était une particularité française, envié par beaucoup d'artistes dans les pays étrangers, il a fait observer que ce régime était perverti par le recours systématique des entreprises, notamment audiovisuelles, y compris dans le secteur public, à cette forme de salariat. L'intermittence est devenue un mode de gestion des structures culturelles. A cet égard, il a estimé qu'une mission d'information permettrait de prendre la mesure de ce phénomène, dont les intermittents n'étaient pas les responsables.

Indiquant que les négociations entre les partenaires sociaux devaient reprendre très prochainement, M. Ivan Renar a estimé que le délai proposé par le rapporteur pourrait être suffisant. Il conviendra toutefois d'apprécier dans quelle mesure le processus de négociation s'engage réellement. Il a rappelé qu'en ce domaine le législateur donnait délégation aux partenaires sociaux mais qu'en cas de carence de ces derniers, il lui appartenait de reprendre l'initiative.

M. Jacques Valade, président, a considéré que si le législateur limitait la durée de la prorogation pour inciter les partenaires sociaux à la reprise des négociations, un délai trop long ne constituait pas un « aiguillon » efficace.

M. Michel Guerry s'est interrogé sur les nouvelles propositions formulées par les partenaires sociaux en vue de ces négociations.

M. Pierre Laffitte a souhaité être assuré que la proposition de loi permettait de remédier pour le passé au vide juridique résultant de l'absence, depuis le 1er juillet 2001, de fondement légal au versement des prestations par l'UNEDIC.

Mme Danièle Pourtaud s'est demandé à son tour si le délai proposé par le rapporteur n'était pas trop court, d'autant plus que la proposition de loi fixait le terme de la prorogation par référence à l'agrément par le ministre chargé de l'emploi de l'accord des partenaires sociaux.

En réponse aux intervenants, M. Bernard Fournier a apporté les éléments de réponse suivants :

- un délai trop long ne constituerait effectivement pas une incitation suffisamment puissante pour inviter les partenaires sociaux à engager rapidement des négociations susceptibles de déboucher sur un accord ;

- les partenaires sociaux souhaitent que l'intervention du législateur dans un domaine dévolu à la négociation collective soit aussi limitée que possible et n'acceptent le principe de la proposition de loi que pour remédier à une difficulté juridique. Ils ont fait part de leur volonté de reprendre le plus rapidement possible les négociations ;

- une remise à plat du régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle s'avère nécessaire afin de remédier à ses effets pervers. Cette nécessité est perçue par l'ensemble des partenaires sociaux même si les solutions qu'ils proposent divergent encore ;

- la proposition de loi est rétroactive. La prorogation prend effet à compter du 1er juillet 2001 et prévient ainsi tout risque de contestation du maintien par l'UNEDIC de l'application du régime des annexes VIII et X ;

- la procédure d'agrément par le ministre chargé de l'emploi des aménagements à la convention générale, qui est imposée par le code du travail pour l'ensemble des conventions d'assurance chômage, devrait pouvoir être mise en oeuvre dans le délai de six mois.

La commission a ensuite procédé à l'examen de l'article unique de la proposition de loi.

Elle a adopté à l'article unique (prorogation des annexes VIII et X) un amendement tendant à proroger les annexes VIII et X jusqu'au 30 juin 2002 à défaut de l'agrément, avant cette date, d'un accord sur les aménagements à la convention d'assurance chômage du 1er janvier 2001 prenant en compte les modalités particulières d'exercice de ces professions.

La commission a ensuite adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

Symposium international sur la protection et la législation de la culture folklorique et traditionnelle

La commission a ensuite entendu une communication de M. Jacques Valade, président, sur le symposium international sur la protection et la législation de la culture folklorique et traditionnelle qui s'est tenu à Pékin du 18 au 20 décembre 2001 et auquel il avait été convié, en sa qualité de président de la commission, à représenter la France.

M. Jacques Valade, président, a rappelé que ce symposium avait été organisé à l'initiative conjointe du ministère chinois de la culture et de la commission de l'éducation, de la science, de la culture et de la santé de l'Assemblée nationale populaire, afin de confronter les expériences nationales en matière de conservation du patrimoine et de contribuer à la réflexion en cours des autorités chinoises sur l'adaptation de la législation nationale à la sauvegarde du petit patrimoine et des cultures minoritaires. Il a noté que les représentants de nombreux pays occidentaux, mais aussi africains et orientaux, avaient participé à ce colloque ainsi, du côté chinois, que des représentants tant des autorités nationales que des provinces et régions autonomes, soulignant que les interventions de ces derniers avaient mis en évidence leur attachement à la sauvegarde de la culture populaire dans tous ses modes d'expression, y compris les formes traditionnelles de spectacle vivant, et les initiatives très variées prises à cette fin au niveau local. Il a observé que ce souci de protection du patrimoine n'était pas toujours aussi perceptible dans l'évolution des grandes métropoles chinoises.

Indiquant qu'il s'était efforcé, dans son intervention, d'exposer la conception française de la politique de protection du patrimoine et son évolution, M. Jacques Valade, président, a relevé que les organisateurs du colloque s'étaient montré sensibles à ce que la France, qui constitue en Chine une référence en matière de politique culturelle, participe à ses travaux.

Nomination d'un rapporteur

Au cours de la même réunion, la commission a désigné M. Philippe Richert rapporteur de la proposition de loi n° 114 (2001-2002) de M. Nicolas About, autorisant la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman, dite « Vénus hottentote », à l'Afrique du Sud.