Travaux de la commission des affaires culturelles



Mardi 22 juin 2004

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Culture - Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information - Audition de M. François Nowak, directeur administratif et financier, et M. Xavier Blanc, directeur des affaires juridiques et internationales, de la société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse (SPEDIDAM)

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. François Nowak, directeur administratif et financier, et M. Xavier Blanc, directeur des affaires juridiques et internationales, de la société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse (SPEDIDAM).

M. François Nowak a indiqué que la société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse regroupait quelque 25.000 adhérents, et qu'elle avait vocation, outre à exercer les droits exclusifs de ses membres, à percevoir les droits revenant aux artistes-interprètes au titre de la rémunération équitable et de la rémunération pour copie privée instituées par la loi du 3 juillet 1985.

Il a estimé que le projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, qui transpose pour une large part les dispositions de la directive européenne 2001/29 du 22 mai  2001, n'appelait pas de sa part de remarques critiques. Il a en revanche déploré que la directive du 14 novembre 1992 relative au droit de location et de prêt, n'ait, quoique plus ancienne, toujours pas fait l'objet de mesures de transposition dans le code de la propriété intellectuelle.

Evoquant ensuite la situation née du développement des échanges illégaux de fichiers musicaux sur Internet, il a rappelé que la SPEDIDAM avait fermement pris position contre une politique purement répressive qu'elle juge inadaptée et inefficace, et qu'elle souhaitait au contraire la mise en place d'un nouveau système de licence légale.

Un débat a suivi cet exposé liminaire.

M. Michel Thiollière, rapporteur, a demandé des précisions sur le système de licence légale proposé par la SPEDIDAM et, plus particulièrement, sur son assiette et sur les modalités de sa redistribution. Il a souhaité savoir comment celui-ci pourrait coexister avec le développement d'une offre légale payante. Evoquant les causes et les conséquences de la crise du marché du disque, il a demandé dans quelle mesure le système de licence légale proposé permettrait à cette industrie de procéder à un élargissement de son offre, notamment dans le domaine de la musique classique.

M. Jacques Valade, président, s'est interrogé sur le fonctionnement effectif des logiciels d'échanges en ligne, et sur les raisons qui expliquent que certaines oeuvres soient disponibles sur les réseaux avant même leur publication.

M. Daniel Eckenspieller a souhaité connaître l'état des relations existant entre l'Institut national de l'audiovisuel et la SPEDIDAM et la contribution que cette dernière pouvait apporter à la sauvegarde du patrimoine audiovisuel.

En réponse aux différents intervenants, MM. François Nowak et Xavier Blanc ont apporté les précisions suivantes :

- la solution la plus appropriée pour indemniser les ayants droit des préjudices qu'ils subiront du fait des échanges de fichiers musicaux réside dans l'instauration d'une licence légale sur les abonnements des fournisseurs d'accès ; elle soulève cependant un problème juridique de compatibilité avec l'article 3 de la directive européenne du 22 mai 2001, qui invite les Etats membres à prévoir le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la mise à disposition du public par fil ou sans fil, de manière que chacun puisse y avoir accès de l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement ; il est regrettable que le législateur français ne puisse s'écarter de ce principe, alors que les droits exclusifs paraissent inadaptés aux échanges de fichiers sur Internet ; un débat s'impose donc, car le droit est en décalage avec la réalité ;

- la redistribution du produit de la licence légale sur les échanges de fichiers musicaux fonctionnerait sur le modèle de la rémunération pour copie privée, qui repose sur des sondages ; cette licence légale ne concernerait que les échanges « peer to peer » non marchands ; le développement parallèle d'une offre marchande dépendra de son aptitude à proposer une véritable plus-value qualitative en termes de services ;

- les diffusions radiophoniques, et certaines politiques promotionnelles, qui utilisent certains titres musicaux comme produits d'appel, expliquent que certaines oeuvres soient disponibles en ligne avant même leur publication ;

- la crise du marché du disque s'explique par plusieurs raisons ; elle tient tout d'abord à l'essoufflement de la forte stimulation qu'a constitué pour les ventes l'arrivée du compact disque, qui a permis aux producteurs de reconvertir sur ce support leur ancien catalogue 33 tours ; cette situation a d'ailleurs orienté les firmes vers une logique de compilation, au détriment d'une véritable politique éditoriale, attitude qui n'est aujourd'hui plus tenable ; les conséquences du téléchargement sur le marché du disque ne sont pas forcément plus négatives que ne l'ont été, dans le passé, le lancement de la cassette vidéo ou l'extension de la radiodiffusion ; l'industrie phonographique ne publie pas l'ensemble des statistiques dont elle dispose, et beaucoup d'artistes estiment que la situation du disque est moins catastrophique que l'on ne veut bien le dire ;

- l'Institut national de l'audiovisuel qui, dans ses activités commerciales utilise ses fonds d'archives, ne respecte pas les droits de leurs titulaires ; faute de pouvoir résoudre le problème sur le plan contractuel, la SPEDIDAM a entrepris une action en justice ;

- l'industrie du disque, qui cherche à travers les droits exclusifs à conserver un contrôle sur l'autorisation de diffuser ou non une oeuvre, n'est d'une façon générale pas favorable à la licence légale, qu'il s'agisse de téléchargement ou de radiodiffusion ; or la licence légale apporte une garantie de rémunération pour les artistes interprètes, car la clef de partage entre les producteurs et eux-mêmes est fixée par la loi, contrairement à ce qui se passe en matière de droits exclusifs ;

- il faut veiller au maintien de la copie privée ; les dispositions de la directive européenne laissent au législateur français une marge de manoeuvre dont il faut tirer profit ; les dispositions figurant dans le projet de loi sont, à cet égard, plutôt satisfaisantes, dans la mesure où elles instituent un collège de médiateurs chargé de veiller à ce que les mesures techniques de protection n'entravent pas la copie privée ; il est cependant regrettable que ce collège soit saisi a posteriori, et non a priori ;

- c'est à tort que le ministère de la culture considère qu'il n'est pas nécessaire de transposer en droit français la directive européenne du 19 novembre 1992 ; car l'article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle ne soumet à l'autorisation de l'artiste-interprète que la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, alors que la directive vise à la fois la fixation, la reproduction, la location, le prêt et la distribution ; l'évolution du droit international rend de plus en plus fragile la thèse suivant laquelle ces différents droits sont englobés dans une interprétation extrême du droit français de communication au public ; il convient donc de compléter l'article L. 212-3 du code précité ;

- l'autre enjeu important de cette transposition réside dans la définition de la radiodiffusion et de la communication au public qui sert de base à la rémunération équitable créée par la loi ; alors que l'article 214-1 du code précité ne vise que la communication directe dans un lieu public et la radiodiffusion, l'article 8 paragraphe 2 de la directive a un champ plus vaste qui garantit la rémunération équitable pour la radiodiffusion et pour toute communication au public, incluant donc, notamment, le webcasting ; en outre cette disposition de la directive offre une autre garantie aux ayants droit, dans la mesure où elle prévoit expressément que les Etats membres doivent s'assurer qu'une rémunération équitable et unique est perçue auprès des utilisateurs.

Culture - Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information - Audition de MM. Marc Slyper, secrétaire général, et Laurent Tardif, responsable des affaires juridiques du syndicat national des musiciens de France (SNAM)

La commission a ensuite procédé à l'audition de MM. Marc Slyper, secrétaire général, et Laurent Tardif, responsable des affaires juridiques du syndicat national des musiciens de France (SNAM).

M. Marc Slyper a indiqué que le syndicat national des musiciens de France, adhérent à la Fédération CGT du spectacle, était composé d'organisations syndicales locales regroupant différentes catégories d'artistes, parmi lesquelles des musiciens d'orchestre, des intermittents, des enseignants, des danseurs, des artistes lyriques et des choristes.

Il a rappelé que ce syndicat avait pris l'initiative d'organiser, en 1995, le « concert des 1.000 » au Parc de La Villette, afin de réaffirmer l'attachement de la profession à l'existence des ensembles permanents et de rappeler l'importance des missions de service public qui leur sont confiées.

Il a enfin précisé que le syndicat participait activement au débat sur l'avenir du régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle et soutenait les propositions du Comité de suivi visant à définir les bases d'un régime pérenne susceptible de préserver les emplois culturels et artistiques.

Après avoir noté que le dernier texte législatif relatif à la protection de la propriété littéraire et artistique datait de 1985, il a souligné le contexte très particulier caractérisant la discussion du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information. En effet, alors que l'industrie du disque traverse une crise majeure, les rapports entre les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes demeurent conflictuels depuis la dénonciation en 1993, par ces derniers, du seul accord collectif régissant les relations entre ces deux catégories d'ayants droit.

Il a indiqué qu'une voie médiane devait permettre de concilier les intérêts contradictoires des différents protagonistes de la filière musicale et de trouver une solution contractuelle dépassant la traditionnelle opposition entre les partisans des droits exclusifs sans accord collectif et les tenants de la licence légale. Le Syndicat national des musiciens de France s'est d'ailleurs engagé, contre l'avis des producteurs de phonogrammes et des sociétés de perception et de répartition des droits, dans la renégociation d'un accord collectif avec l'industrie du disque.

Précisant que le rapport de force entre producteurs et artistes-interprètes était défavorable à ces derniers et que l'existence d'un système de gestion collective constituait par conséquent une garantie pour le respect de leurs droits, il a néanmoins souligné le désaccord du syndicat avec les sociétés de perception et de répartition des droits souhaitant la mise en place d'un régime de licence légale pour le téléchargement de fichiers musicaux sur Internet. Dans la mesure où des offres légales payantes sont susceptibles de prospérer sur ces réseaux, il paraît en effet préférable d'assurer le respect des droits de chacun et de négocier des accords définissant leur répartition entre les différents ayants droit.

Insistant sur l'absence de lisibilité du système de gestion collective et sur le manque de fiabilité des données fournies aux artistes-interprètes par les producteurs de phonogrammes, il a appelé de ses voeux un renforcement des contrôles et la mise en place d'une régulation efficace afin de garantir une répartition équitable des revenus issus des futures ventes en ligne.

M. Laurent Tardif a souligné que le projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins offrait la possibilité au législateur de compléter la protection juridique des artistes-interprètes, l'ensemble des dispositions communautaires relatives à ce sujet n'ayant pas encore été fidèlement transposées en droit national.

Il a précisé qu'un certain nombre de droits exclusifs, comme le droit de location ou de distribution, et de droits à rémunération, tel le droit à rémunération équitable au titre de la communication au public d'un phonogramme du commerce, pourtant reconnus au bénéfice des artistes-interprètes par la directive 92-100, n'avaient toujours pas fait l'objet d'une reconnaissance expresse dans le code de la propriété intellectuelle.

De même, il a rappelé que cette directive ouvrait aux Etats membres de l'Union européenne la faculté d'instaurer un droit de prêt au bénéfice des ayants droit. Le régime de licence légale mis en place au titre du droit de prêt au niveau national n'étant ouvert qu'aux auteurs, il a évoqué la possibilité d'en étendre le bénéfice aux artistes-interprètes.

Abordant le problème de la piraterie sur Internet, il s'est interrogé sur l'intérêt d'une extension du régime de licence légale à l'exploitation de l'ensemble des contenus musicaux sur Internet. Il a en effet estimé que si le régime de licence légale avait fait la preuve de son efficacité en garantissant aux artistes des ressources dans le cadre de la radiodiffusion des phonogrammes publiés à des fins de commerce notamment, il convenait néanmoins d'éviter une application uniforme de ce régime afin de préserver les droits exclusifs des ayants droit et de permettre l'émergence d'offres légales de musique à la demande.

Il a précisé néanmoins que la mise en place de telles offres soulevait le problème de la répartition des revenus entre les différents ayants droit et qu'il appartenait par conséquent au législateur de fixer les règles destinées à protéger les droits des artistes-interprètes en encadrant les pratiques contractuelles des producteurs phonographiques. A cet égard, il s'est élevé contre la mise en place de systèmes de rémunération inéquitables basés sur la forfaitisation des revenus ou la cession des droits sur les prestations futures, visant à empêcher les artistes-interprètes de bénéficier pleinement de l'éventuel succès de leur contribution.

Un débat s'est engagé.

M. Jacques Valade, président, a souhaité savoir qui devait être chargé de contrôler la fiabilité des données fournies aux artistes-interprètes par les producteurs de phonogrammes.

M. Michel Thiollière, rapporteur, évoquant la possible cohabitation sur les réseaux numériques entre offres légales payantes et réseaux peer to peer, s'est interrogé sur les modalités permettant de garantir aux ayants droit la rémunération qui leur est due.

En réponse aux différents intervenants, MM. Marc Slyper et Laurent Tardif ont apporté les précisions suivantes :

- en matière d'offre musicale sur Internet, il convient d'opérer une distinction entre les offres légales à vocation commerciale destinées à se substituer pour partie à la vente de phonogrammes et les échanges illégaux de fichiers musicaux sur les réseaux peer to peer. Si le régime juridique des offres légales doit assurer aux ayants droit une rémunération proportionnelle au succès rencontré par l'oeuvre musicale, on peut se demander si la mise en place d'une licence légale n'est pas une solution permettant de garantir à chacun une rémunération en contrepartie de la mise à disposition de fichiers sur les réseaux d'échange ;

- les nouvelles technologies constituent une opportunité pour les artistes contraints de recourir à l'autoproduction pour faire connaître leurs oeuvres. Internet est, à cet égard, un instrument essentiel pour assurer la promotion de ces oeuvres et pour garantir la diversité culturelle et la richesse de l'expression artistique. Les systèmes techniques de verrouillage, en revanche, ne répondent pas à ces exigences ;

- les modalités précises du contrôle de la fiabilité des données fournies aux artistes-interprètes par les producteurs de phonogrammes restent à déterminer. Un tel contrôle pourrait néanmoins se faire, sous la responsabilité de l'Etat, par l'intermédiaire d'organismes paritaires rassemblant les différents acteurs de la filière musicale.

Mercredi 23 juin 2004

- Présidence de M. Jacques Valade, président.

Collectivités territoriales - Libertés et responsabilités locales - Examen du rapport pour avis en deuxième lecture

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen, en deuxième lecture, du rapport pour avis de M. Philippe Richert sur le projet de loi n° 269 (2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux libertés et aux responsabilités locales.

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis, a précisé que la commission des affaires culturelles avait souhaité se saisir pour avis en deuxième lecture du projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités locales, de façon, notamment, à pouvoir examiner les dispositions relatives au sport, ajoutées en première lecture à l'Assemblée nationale.

Avant d'aborder les dispositions du nouveau chapitre IV, il a indiqué qu'il allait procéder à un bref rappel des dispositions relatives au logement étudiant, à l'éducation et à la culture, sur lesquelles la commission s'était prononcée en première lecture, ainsi que sur les modifications que l'Assemblée nationale leur avait apportées.

Il a souligné que, si un seul article du projet de loi (article 51) traitait de la question du logement étudiant,les enjeux soulevés ne devaient pas être sous-estimés, puisque les conditions de vie et de travail des étudiants, y compris étrangers, participaient à l'attractivité des universités françaises.

Il a attiré l'attention de la commission sur la situation critique dans laquelle se trouvait le logement étudiant et sur l'incapacité de l'Etat à faire face à l'intégralité des besoins, tant quantitatifs que qualitatifs.

Aussi bien l'article 51 transfère-t-il, dans ce contexte, aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale qui le souhaitent, la charge des opérations de construction, d'extension, de grosses réparations et d'équipement des locaux destinés aux étudiants, ainsi que la propriété des résidences universitaires appartenant à l'Etat et celle des logements sociaux étudiants des organismes publics d'habitations à loyer modéré ou des sociétés d'économie mixte.

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis, s'est félicité de ce que l'Assemblée nationale ait maintenu la garantie introduite par le Sénat à cet article en première lecture, relative au caractère facultatif et gratuit de ce transfert de compétences.

Il a regretté, en revanche, que la nouvelle rédaction de l'article ne permette plus de faire apparaître clairement une des précisions apportées au dispositif par le Sénat, consistant à confier aux conseils régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) la compétence en matière d'attribution de l'ensemble des logements destinés aux étudiants, que ceux-ci soient transférés par l'Etat ou construits par les communes ou leurs groupements.

Cette mission lui paraissant essentielle, il a souhaité que la commission adopte un amendement visant à revenir à la rédaction du Sénat.

Il a ensuite évoqué les dispositions relevant de l'éducation, pour se féliciter, tout d'abord, que l'Assemblée nationale ait adopté sans modification la moitié des 14 articles transmis par le Sénat.

Il a estimé que les modifications à la marge ou la suppression de certaines dispositions introduites au Sénat -notamment celles imposant le respect de normes sanitaires ou de sécurité préalablement au transfert en pleine propriété des bâtiments scolaires, ou encore celle concernant la participation des collectivités territoriales au financement des transports scolaires- permettaient d'améliorer la clarté du texte de loi, dans le sens d'une plus grande efficacité de l'action locale et a proposé, par conséquent, à la commission, de s'y rallier.

Il a également salué le souci de proximité qui a prévalu à l'adoption d'un nouvel article 70 quater, introduit sur proposition des élus parisiens, dont le dispositif vise notamment à renforcer le poids des mairies d'arrondissement pour les décisions relatives à l'utilisation des équipements éducatifs, sociaux, culturels ou sportifs locaux.

Il a souhaité, cependant, insister sur deux points plus significatifs, sur lesquels les positions de l'Assemblée nationale et du Sénat divergent.

Le premier concerne la suppression de l'article 67 bis procédant au transfert aux départements du service de médecine scolaire, que le Sénat avait introduit dans le projet de loi sur proposition de la commission des affaires culturelles, dans un souci de cohérence et d'efficacité par rapport aux compétences des départements en matière d'aide sociale à l'enfance et de prévention, en vue d'améliorer la continuité dans le suivi des enfants.

Tout en regrettant cette suppression, le rapporteur pour avis a proposé de se rallier à la position adoptée à l'Assemblée nationale, principalement parce qu'elle correspondait à l'engagement pris par le Gouvernement lors des négociations avec les syndicats de l'éducation nationale, et qu'une tentative de retour au texte adopté par le Sénat raviverait inutilement les passions.

Néanmoins, il a indiqué qu'il restait convaincu de l'utilité de ce transfert et a souhaité que des circonstances plus propices et sereines permettent un réexamen apaisé de la question.

Le second est l'article 67, dont il a rappelé à la commission qu'il était un article central du chapitre relatif à l'éducation, puisqu'il confiait aux départements et aux régions les missions d'accueil, de restauration, d'hébergement et d'entretien général et technique dans les collèges et lycées, ainsi que le recrutement et la gestion des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) exerçant dans les établissements.

Il a indiqué qu'un examen approfondi du dispositif adopté à l'Assemblée nationale l'avait convaincu que l'article ne pouvait être adopté en l'état, de nombreuses imprécisions, voire inexactitudes, dans la formulation -comme la mention, purement réglementaire, des « services d'administration et d'intendance »- ainsi que le caractère redondant ou irréaliste de certains ajouts nécessitant une révision.

Il n'a pas souhaité revenir sur la réaffirmation de l'autorité du chef d'établissement sur les personnels TOS, introduite à l'Assemblée nationale, bien que redondante avec les dispositions régissant l'exercice de double autorité (autorité statutaire de la collectivité, autorité fonctionnelle du chef d'établissement) sur les agents transférés.

Il a suggéré, en revanche, de supprimer la référence, réintroduite par les députés, à une convention passée entre l'établissement et la collectivité de rattachement pour organiser l'exercice de leurs compétences respectives, estimant qu'elle était inutile, et surtout génératrice de conflits.

S'agissant, enfin, du nouveau paragraphe XIII, qui prévoit que deux rapports sont adressés par le Gouvernement au Parlement, il a jugé le premier, dont l'objet est le recensement de l'évolution et de la répartition des effectifs de personnels TOS sur les cinq dernières années, tout à fait utile et répondant à un souci de bonne gestion de ces personnels, mais a considéré que l'objectif poursuivi par le second, à savoir l'exposé, par académie, département et établissement, des efforts de rééquilibrage des effectifs entrepris au moment du transfert définitif aux collectivités des personnels TOS depuis la publication du premier rapport, était irréalisable dans le délai imparti. Il a donc proposé à la commission de supprimer ce deuxième rapport.

Abordant, ensuite, les dispositions relatives au patrimoine et aux enseignements artistiques, il s'est félicité de ce que l'Assemblée nationale ait adopté conformes les articles 72 et 76 relatifs respectivement à la décentralisation de l'inventaire général du patrimoine culturel et aux établissements d'enseignement artistique relevant de la responsabilité de l'Etat.

Il a estimé que les modifications apportées aux articles 73, 74 et 75, traitant respectivement du transfert aux collectivités territoriales qui le souhaiteront de la propriété de certains monuments historiques, de la décentralisation des crédits du patrimoine et de l'organisation et du financement des établissements d'enseignement artistique relevant des collectivités territoriales, ne remettaient pas en cause les orientations qu'avait adoptées le Sénat. Il a donc proposé à la commission d'adopter sans modification les articles 73 et 74, et de ne procéder à l'article 75 qu'à une coordination nécessaire.

Concernant l'article 74 portant sur la décentralisation des crédits du patrimoine, il a toutefois indiqué que l'Assemblée nationale avait ajouté une disposition prévoyant la possibilité de fixer dans la convention passée entre l'Etat et la région (ou suivant les cas, le département) les modalités de consultation des associations de défense du patrimoine et de celles représentant les propriétaires privés, dans la détermination du programme de travaux.

Tout en estimant que cette disposition n'était sans doute pas indispensable, il a cependant proposé à la commission de ne pas la remettre en question, notant que les associations concernées étaient très attachées à son maintien.

Il a ensuite présenté à la commission trois articles additionnels adoptés à l'Assemblée nationale, le premier (article 72 bis) visant à autoriser les collectivités territoriales et leurs établissements publics à recruter, en qualité d'agents non titulaires, des personnels travaillant actuellement pour des associations ayant pour objet l'inventaire du patrimoine, le second (article 74 ter) tendant à mettre un terme à l'activité de maîtrise d'oeuvre libérale des architectes des Bâtiments de France, le dernier (article 74 bis) abrogeant l'article 20 de la loi du 12 juillet 1985 sur la maîtrise d'ouvrage publique.

Concernant la première mesure, il l'a jugée souhaitable, tant pour les associations -susceptibles d'être fragilisées par le transfert de compétences opéré en matière d'inventaire- que pour les personnels concernés, dont il a rappelé qu'ils exerçaient dans des disciplines parfois pointues.

S'agissant de l'activité de maîtrise d'oeuvre libérale des architectes des Bâtiments de France, il s'est félicité de la souplesse du dispositif proposé, qui, tout en posant une incompatibilité stricte, permet aux professionnels engagés dans des missions libérales avant le 1er janvier 2005 de les poursuivre jusqu'au 31 décembre 2007.

Tout en adhérant à cette nécessaire clarification, il a toutefois souhaité que le Gouvernement réfléchisse à une possible modification des missions des architectes des Bâtiments de France, tendant à leur permettre de développer, pour le compte de l'Etat ou des collectivités territoriales, une maîtrise d'oeuvre de service.

Abordant enfin l'article 74 bis, il a souhaité s'attarder plus longuement, car le dispositif lui semblait soulever davantage de difficultés.

Il a indiqué que les objectifs poursuivis par l'article adopté par l'Assemblée nationale lui paraissaient louables, puisque, en abrogeant l'article 20 de la loi du 12 juillet 1985 sur la maîtrise d'ouvrage publique, le texte vise à :

- réintégrer dans cette loi les travaux portant sur les édifices inscrits, leur exclusion lui paraissant sans fondement ;

- mettre un terme à une interprétation erronée de l'article 9 de la loi de 1913 précitée, qui tend à considérer que l'Etat est par principe le maître d'oeuvre de toute opération subventionnée portant sur un bâtiment classé, alors que, comme l'ont montré les rapports de MM. Jean-Pierre Bady et Yann Gaillard, il convient de rendre son rôle au propriétaire public ou privé de ces bâtiments.

Cependant, des ambiguïtés découlent du dispositif :

- d'une part, sur la délimitation des dispositions de loi sur la maîtrise d'ouvrage de 1985 qui ne doivent pas être applicables aux opérations sur les monuments classés ;

- d'autre part, sur les garanties accordées au propriétaire de se voir rétablir dans son rôle de maître d'oeuvre, la seule abrogation de la disposition de 1985 (permettant à l'Etat de confier les travaux au propriétaire) n'étant pas suffisamment explicite.

Aussi bien a-t-il souhaité, à ce stade, laisser au Gouvernement un moment de réflexion sur ces questions et proposer à la commission de supprimer cet article, qui pourra, par ailleurs, être utilement réexaminé lors de la discussion du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, puisqu'une disposition en tous points semblable figure dans le paragraphe II de l'article 7 de ce texte.

Abordant, ensuite, le chapitre nouveau relatif au sport, il a tout d'abord rappelé que le sujet avait été évoqué en commission, lors de l'examen du projet de loi en première lecture, pour déplorer l'absence de dispositions traitant des politiques sportives locales.

Il a reconnu qu'il ne pouvait donc, sur le principe, que se féliciter de l'introduction, dans le texte, d'articles valorisant le rôle des collectivités territoriales dans le domaine sportif, dans le droit fil, par ailleurs, des conclusions remises par les groupes de travail des États généraux du Sport.

Souhaitant éclairer la commission sur l'implication réelle des collectivités territoriales dans le domaine sportif, il a rappelé quelques chiffres significatifs -7,8 milliards d'euros consacrés au sport en 2000, qui représentent 30 % de la dépense sportive nationale et 74 % du financement public du sport- pour insister sur le fait que ce sont bien les collectivités territoriales en premier lieu qui font vivre le sport en France, loin devant la contribution des médias, qui reste 11 fois moins importante.

Il a indiqué que, par le biais de la clause générale de compétence, les collectivités territoriales s'étaient largement investies dans de véritables politiques publiques sportives locales, qu'il s'agissait aujourd'hui de clarifier et de structurer -la décentralisation ayant eu lieu de fait.

Il a ensuite présenté rapidement le dispositif adopté à l'Assemblée nationale, dont les principaux apports consistent dans la création d'une instance de concertation entre les acteurs du monde sportif au niveau régional : la conférence régionale de développement du sport (article 76 ter) et dans la désignation du département comme « collectivité chef de file » pour les sports dits de nature (article 76 quater) et pour favoriser la pratique sportive des handicapés et des personnes qui rencontrent des difficultés sociales (article 76 sexies), les autres articles tirant les conséquences de ce dispositif.

Il a réitéré son soutien de principe à la mise en place d'un cadre juridique adapté aux politiques sportives locales, mais déploré que des rédactions hasardeuses et approximatives, reflet de la précipitation qui a présidé à l'adoption de ces articles, ne permettent pas de les adopter en l'état.

Il a particulièrement tenu à souligner le risque de mise en difficulté des départements résultant du transfert de l'élaboration du plan départemental des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature, aucune des questions juridiques -sécurité, responsabilité, protection des propriétés- soulevées au cours de l'examen des projets de loi antérieurs portant sur ces disciplines n'ayant en effet été tranchée.

Outre l'absence de portée juridique de certains des dispositifs, tel celui consistant à investir le département en tant que chef de file pour favoriser la pratique sportive des personnes handicapées ou en difficulté sociale, il a également dénoncé un certain nombre d'approximations juridiques, notamment concernant le projet de schéma de développement du sport, dont l'élaboration est confiée à la conférence régionale de développement du sport, mais qui n'a aucune valeur juridique.

Il a regretté que la politique des équipements sportifs ne soit nulle part mentionnée, alors même que le rapport remis par le sénateur Pierre Martin au ministre des sports a permis d'initier un recensement national de ces équipements, confié au Conseil national des activités physiques et sportives (CNAPS), devant déboucher sur une nouvelle stratégie de planification.

Il a jugé, finalement, que la refondation de la politique sportive locale méritait une réflexion plus approfondie et concertée avec l'ensemble des acteurs concernés, et proposé, par conséquent, des amendements de suppression des articles examinés, tout en souhaitant qu'une véritable réflexion puisse avoir lieu dans un cadre plus approprié qu'un texte portant sur la décentralisation.

A l'issue de l'exposé du rapporteur pour avis, un débat s'est engagé.

M. Yves Dauge a demandé des précisions sur le contenu de l'article 20 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique dont l'article 74 bis du projet de loi propose la suppression.

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis, a indiqué que cet article avait pour objet, d'une part, d'exclure du champ de ladite loi les opérations de restauration sur les édifices protégés en vertu de la loi de 1913 sur les monuments historiques et, d'autre part, d'ajouter à l'article 9 de cette même loi un quatrième alinéa permettant à l'Etat de confier, par voie de convention, la réalisation des travaux sur un immeuble classé, à son propriétaire.

Il a considéré que ces dispositions appelaient effectivement une révision, mais a estimé que le dispositif proposé par l'article 74 bis du projet de loi comportait des incertitudes, et méritait une réflexion plus approfondie.

M. Jacques Valade, président, a invité ses collègues à reprendre cette discussion au moment de l'examen du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, dont la commission se saisira pour avis.

M. Ivan Renar s'est inquiété de la charge financière qu'allaient devoir supporter les départements en conséquence du transfert de compétences opéré par le projet de loi.

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis, a souhaité répondre aux craintes de ses collègues en prenant pour exemple le poids financier induit par le transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) au niveau de son département. Ayant en charge la gestion de 90 collèges, le conseil général du Bas-Rhin pourrait être amené à recruter 90 personnes d'ici trois ou quatre ans, soit une de plus par établissement.

La dépense ainsi engagée représenterait environ 3 millions d'euros, étalée sur plusieurs années, ce qui resterait, selon lui, tout à fait raisonnable en comparaison de la charge induite par la « départementalisation » des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) ou des 30 millions d'euros supportés sans compensation par le département suite à la création de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).

Aussi bien a-t-il appelé de ses voeux le retour à un climat plus serein, d'autant plus justifié que le transfert des personnels en question allait, selon lui, permettre une gestion plus rationnelle, et estimé que les craintes, qui se sont largement exprimées lors de l'examen du texte en première lecture, devaient être relativisées.

M. André Vallet a souhaité savoir qui assurerait la notation des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS). Le rapporteur pour avis a estimé qu'il serait préférable d'en laisser la responsabilité au chef d'établissement.

M. Bernard Murat a souhaité s'exprimer sur les dispositions relatives au sport, pour soutenir la position du rapporteur consistant à renvoyer à un texte ultérieur, plus approprié, l'élaboration d'un cadre juridique adapté aux interventions des collectivités territoriales dans le domaine sportif.

Il a déploré qu'aucune des dispositions examinées ne propose de compensation financière, particulièrement en ce qui concerne la prise en charge des équipements sportifs, élément structurant de l'aménagement des territoires et pourtant absent, à sa connaissance, du futur projet de loi que devrait présenter M. Jean-Louis Borloo sur la cohésion sociale.

Concernant les sports de nature, il a souhaité attirer l'attention de la commission sur la question de la responsabilité, particulièrement des propriétaires privés, qui reste un réel sujet d'inquiétude et n'a, pour l'instant, fait l'objet d'aucun débat tranché.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.

A l'article 51 (logement étudiant), elle a adopté deux amendements, l'un rédactionnel et le second visant à revenir à la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture pour le deuxième alinéa de l'article, afin d'affirmer clairement la compétence des CROUS pour l'attribution de l'ensemble des logements étudiants, qu'ils soient transférés par l'Etat ou construits par les communes ou leurs groupements et, d'autre part, à supprimer l'amendement, adopté par l'Assemblée nationale, qui tend à inscrire dans la loi la pratique permettant aux CROUS de déléguer aux universités le souhaitant la possibilité d'exercer les missions qui leur sont attribuées.

Elle a adopté les articles 64 (transfert du patrimoine immobilier) et 66 (sectorisation des collèges) sans modification.

A l'article 67 (transfert aux départements et aux régions des personnels techniciens, ouvriers et de service), elle a adopté quatre amendements qui ont respectivement pour objet de :

- supprimer la référence, de nature purement réglementaire, à l'organisation interne de l'établissement public local d'établissement et à prendre en compte le cas des personnels intervenant dans le cadre d'équipes mobiles d'ouvriers professionnels (EMOP) ;

- rétablir l'omission du service d'internat existant, le cas échéant, dans l'établissement, dès lors que l'hébergement fait partie des missions confiées par cet article à la collectivité de rattachement au même titre que la restauration scolaire ;

- supprimer l'alinéa, réintroduit lors des débats à l'Assemblée nationale, selon lequel une convention passée entre l'établissement et la collectivité de rattachement précise les modalités d'exercice de leurs compétences respectives ;

- supprimer le texte prévoyant que le Gouvernement adresse au Parlement, au moment du transfert définitif aux collectivités des personnels TOS, un rapport retraçant, par académie, département et établissement, les efforts de rééquilibrage des effectifs entrepris depuis la publication du rapport recensant l'évolution des effectifs sur les 5 dernières années.

Les articles 68 (transfert aux départements et aux régions des établissements d'enseignement demeurés à la charge de l'Etat), 69 (établissements municipaux et départementaux), 70 (compétences des établissements publics de coopération intercommunale), 70 ter (conventions entre les collectivités et l'Etat pour développer des activités communes dans le domaine éducatif et culturel), 70 quater (dispositions relatives aux mairies d'arrondissement), 72 bis (recrutement par les collectivités territoriales des personnels travaillant pour une association ayant pour objet l'inventaire général du patrimoine), 73 (transfert de propriété aux collectivités territoriales de monuments historiques), 73 bis (expérimentation du prêt de certaines collections du Musée du Louvre aux musées de France relevant des collectivités territoriales) et 74 (expérimentation de décentralisation des crédits du patrimoine) ont été adoptés sans modification.

Elle a ensuite adopté un amendement de suppression de l'article 74 bis (conditions d'exercice de la maîtrise d'ouvrage sur les immeubles classés), considérant que son dispositif méritait d'être réétudié.

Elle a adopté l'article 74 ter (interdiction pour les architectes des Bâtiments de France d'exercer des missions de conception ou de maîtrise d'oeuvre à titre libéral) sans modification.

A l'article 75 (organisation et financement des établissements d'enseignement artistique relevant des collectivités territoriales), elle a adopté un amendement de coordination.

Elle a adopté l'article 76 bis (possibilité d'utilisation du produit de la taxe départementale des espaces naturels sensibles) sans modification.

Elle a, enfin, adopté des amendements de suppression des articles 76 ter, quater, quinquies et sexies, (respectivement relatifs à la création d'une conférence régionale de développement du sport, aux sports de nature, travaux d'aménagement y afférant, et enfin, à la pratique du sport par les personnes handicapées ou en difficultés sociales), estimant que les dispositifs proposés, de portée le plus souvent déclarative, comportaient trop d'incertitudes juridiques, reflet de l'absence d'un véritable effort de rédaction dans le cadre d'une réflexion plus globale.

Outre les articles dont elle a souhaité la suppression, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des articles du projet de loi dont elle était saisie, modifiés par les amendements proposés par son rapporteur, le groupe socialiste s'abstenant et le groupe communiste républicain et citoyen votant contre.

Organisme extraparlementaire - Fonds national pour l'archéologie préventive - Désignation de candidats proposés à la nomination du Sénat

Au cours de la même réunion, la commission a décidé de proposer à la nomination du Sénat M. Jacques Legendre, comme membre titulaire, et M. Philippe Richert, comme membre suppléant, pour siéger au sein de la commission du Fonds national pour l'archéologie préventive.

Culture - Audition de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication.

M. Jacques Valade, président, a salué les actions du ministre en termes de communication, de pédagogie et d'initiatives de nature à résoudre les problèmes posés.

M. Renaud Donnedieu de Vabres s'est réjoui de pouvoir poursuivre un dialogue qu'il souhaite permanent et fructueux avec les parlementaires. Il a salué tant l'expertise de la commission que le souhait de cette dernière de mettre en valeur des priorités, dans une « atmosphère républicaine », mettant à distance les clivages partisans.

Il a insisté sur la dimension symbolique essentielle de son ministère et a souhaité le renforcement de la synergie et du lien organique existant entre la culture et la communication, qui sont les deux grands pôles relevant de son champ de responsabilité.

Le ministre a ensuite exposé les trois piliers de la stratégie d'action qui sous-tend les grandes orientations de la politique culturelle qu'il entend conduire, sous le contrôle du Parlement.

Le premier pilier réside dans l'affirmation de l'identité et de l'ambition de la politique culturelle française en Europe et dans le monde, dans un contexte de montée des violences qui rend d'autant plus nécessaire le respect de la liberté, du pluralisme, de la diversité culturelle, valeurs qu'il appartient à son ministère de véhiculer.

Ceci recouvre deux priorités :

- la promotion de la diversité culturelle, concept de plus en plus partagé par les partenaires étrangers et dont le ministre a souhaité qu'il soit consacré sur le plan multilatéral par le biais de l'adoption par l'UNESCO d'une convention internationale en novembre 2005, initiée par la France ; au plan européen, la directive « Télévisions sans frontières » sera renégociée et la France continuera à défendre le régime spécifique des aides au cinéma ;

- l'élaboration d'une stratégie commune pour la culture : à la suite du mémorandum présenté par la France, en février dernier, sur la coopération culturelle européenne, le Conseil des ministres européens de la culture du 27 mai dernier a étudié la proposition française tendant à dépasser le stade de la coopération, tout en respectant l'actuelle répartition des compétences.

M. Renaud Donnedieu de Vabres a ensuite fait part de ses initiatives en matière de lutte contre la piraterie avec, d'une part, la proposition de lancer à l'échelle européenne une action commune de lutte contre la piraterie des oeuvres audiovisuelles et musicales et, d'autre part, la mise en place, en France, d'un plan d'action qui se traduira, dès le 15 juillet prochain, par la première réunion du Comité national de lutte contre la piraterie. A cet égard, il a souhaité que, parallèlement aux valeurs de liberté et de gratuité, soient défendues les valeurs de respect de la diversité et des artistes.

Le ministre a ensuite évoqué le deuxième pilier de l'action de son ministère, qui consiste à définir une politique culturelle ouverte et forte, cherchant à abolir la distance entre l'oeuvre et son public.

Il a ainsi jugé nécessaire d'attirer vers la culture de nouveaux talents et de nouveaux publics. Il a exprimé le souhait que son ministère se recentre sur ses missions régaliennes, éminentes, et il a rappelé que la « société civile », ainsi que les collectivités territoriales, prenaient de plus en plus d'initiatives et participaient de façon croissante au financement et aux pratiques culturelles.

Il a estimé que la décentralisation culturelle n'amoindrissait pas le rôle d'un Etat stratège, qui doit recentrer ses moyens d'action afin de retrouver des marges de manoeuvre et qui doit incarner « le ministère de l'intelligence créatrice » au service des projets de tous les Français.

M. Renaud Donnedieu de Vabres a ensuite exposé les quatre orientations principales qui découlent de cette vision.

Il a tout d'abord souhaité rapprocher les hommes en ouvrant les institutions sur la création, en rendant leur action plus visible et en promouvant les réseaux et le décloisonnement ; à cet égard, il a proposé que les grandes institutions culturelles aillent davantage encore à la rencontre des Français et qu'une synergie des différents acteurs permette de renforcer notre rayonnement culturel international.

Par ailleurs, le ministre a exprimé l'intention, non pas de modifier l'organisation administrative de son ministère, à l'exception du domaine de l'analyse économique et sociale, mais de resserrer les liens entre administration centrale et administrations régionales, ainsi qu'entre administration centrale et établissements publics, afin d'être en mesure de répondre aux problèmes de façon opérationnelle et d'assurer son rôle de médiateur.

Le ministre a ensuite jugé nécessaire d'investir de nouveaux territoires et de nouveaux lieux et, comptant sur l'expérience et les initiatives des élus, il s'est déclaré attaché à une politique déterminée de décentralisation permettant de conjuguer les efforts tout en évitant les blocages. Estimant que celle-ci passe par la dimension locale des politiques publiques, il a exposé la démarche retenue pour le choix du site d'une antenne du musée du Louvre, pour laquelle les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie sont candidates.

Puis le ministre a brièvement évoqué la politique de qualité architecturale et la rénovation de l'enseignement de l'architecture avec, en particulier, le passage au « LMD » (licence-master-doctorat) et la création d'un doctorat d'architecture, essentielle au lien entre enseignement et recherche.

Toujours dans le but d'investir de nouveaux lieux, il a insisté sur l'importance du partenariat avec les collectivités territoriales et avec les entreprises et souligné la nécessité d'élargir le champ du mécénat, y compris aux petites et moyennes entreprises, de plus en plus ouvertes à ce type de démarche.

Evoquant la réforme de l'archéologie préventive, après avoir rendu hommage à M. Jacques Legendre pour sa contribution à la réflexion, M. Renaud Donnedieu de Vabres a regretté que la loi n° 2003-707 du 1er août 2003, qui devait constituer un point d'équilibre, ait finalement débouché sur une situation inextricable et des aberrations, notamment en ce qui concerne la redevance due pour les autorisations et les déclarations d'urbanisme, sur laquelle une étude technique est en cours. Il a rappelé que, dans l'attente des résultats de cette étude, il avait pris la décision, avec le ministre de l'équipement et le ministre chargé du budget, de suspendre l'établissement de la redevance dans les cas avérés aberrants.

Par ailleurs, insistant sur le fait que la culture ne saurait être réservée au seul temps de loisirs, le ministre a souhaité promouvoir sa présence dans les entreprises, les écoles ou les universités, mais aussi favoriser l'exposition des oeuvres, par plusieurs voies, telles que la reprise de spectacles, l'allongement des séries de représentations chorégraphiques, le couplage entre l'aide à la création et l'aide à la diffusion, l'élargissement des horaires d'ouverture des institutions ou encore l'accès des oeuvres et créateurs aux métiers audiovisuels.

Il s'est engagé, par ailleurs, à rapprocher le théâtre public et le théâtre privé, alors que la crise qui les oppose a abouti, cette année, à la suppression de la diffusion télévisée de la cérémonie des Molière, quand bien même les liens avec l'audiovisuel devraient être mis à profit pour attirer un plus large public, notamment les plus jeunes, vers l'activité culturelle et artistique.

A cet égard, il a plaidé en faveur d'une meilleure intégration des activités culturelles au sein de l'école, en collaboration avec le ministère de l'éducation nationale.

Comme troisième axe de son action au ministère, M. Renaud Donnedieu de Vabres a mis en exergue le lancement d'une offre de nouveaux médias et la consolidation de l'identité du service public de l'audiovisuel.

Il s'est engagé à soutenir et privilégier, au moment de la renégociation du contrat d'objectifs et de moyens avec France Télévisions, la spécificité culturelle de l'audiovisuel public, estimant que l'avenir de la redevance y était lié. En outre, il a insisté sur les efforts engagés par le ministère pour contribuer au développement des télévisions locales, ou pour accompagner le démarrage de la télévision numérique terrestre (TNT).

Enfin, dans la perspective de la préparation du budget pour 2005, il a estimé nécessaire de recentrer l'action du ministère sur des priorités essentielles, à partir d'un état des lieux de la situation, faisant observer, à titre d'exemple, que les travaux de restauration les plus urgents du patrimoine inscrit ou classé requièrent 4,5 milliards d'euros de financement.

Abordant, en conclusion de son propos, la question des intermittents, il a salué la réflexion féconde menée par la commission sur le thème de la création culturelle. En réaction à la crise grave et profonde, caractérisée par l'émergence d'un malentendu entre le gouvernement et l'ensemble de la communauté artistique, il a rappelé que des décisions provisoires d'urgence s'étaient imposées en vue d'aboutir à la mise en place d'un nouveau régime d'indemnisation du chômage, indiquant que certaines mesures étaient déjà entrées en vigueur, comme celles concernant les femmes enceintes, et que d'autres le seraient au 1er juillet, telles que la réintégration dans leurs droits des salariés qui auront effectué 507 heures sur 12 mois, grâce à la création, à titre provisoire, d'un fonds spécifique intégralement pris en charge par l'Etat, mis en place à partir des orientations définies par M. Michel Lagrave, chargé d'une mission d'évaluation et d'expertise sur les modalités d'organisation et de fonctionnement de ce fonds.

A cet égard, il a précisé que l'urgence de la situation n'avait pas permis que soient pris en compte, alors que cela avait été envisagé dans un premier temps, les concepts de plafonnement et d'ancienneté ou le fait que ce fonds soit en partie abondé par les collectivités territoriales.

De plus, il a rappelé sa détermination, en liaison avec ses collègues MM. Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher, à renforcer la lutte contre les abus, notamment par l'adoption de mesures réglementaires visant à intensifier les contrôles, mais aussi par une délimitation plus rigoureuse du périmètre des bénéficiaires du régime, à la suite des propositions que rendra prochainement le groupe de travail constitué par M. Jacques Charpillon, chef du service de l'inspection générale des affaires culturelles.

Par ailleurs, M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication a indiqué qu'il venait de désigner M. Jean-Paul Guillot, président du BIPE (Bureau d'information et de prévisions économiques), pour diriger une mission d'expertise sur l'avenir du régime d'assurance-chômage du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel, dont les conclusions devraient être connues avant le 31 octobre prochain, afin de nourrir le débat national sur les perspectives de l'emploi culturel en France, qui se tiendra fin septembre-début octobre, en préparation du débat d'orientation parlementaire qui devrait avoir lieu à l'automne.

A l'issue de l'intervention du ministre, un large débat s'est engagé.

M. Jacques Valade, président, s'est félicité de la volonté du ministre de se nourrir de l'expertise des sénateurs, notamment au travers de leurs expériences d'élus locaux.

M. Philippe Nachbar a souhaité que le ministre apporte des éclairages sur la réforme du statut des architectes des monuments historiques, à la suite des propositions du rapport de M.Jean-Pierre Bady, ainsi que sur le bilan du plan de sensibilisation aux arts plastiques, lancé en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale.

Désignant le ministre de la culture comme le ministre de la langue française, M. Jacques Legendre s'est interrogé sur l'application de la « loi Toubon », dans la perspective de son éventuelle révision. Au sujet de l'archéologie préventive, il a regretté que les débats se focalisent sur les problèmes liés à l'assiette de la redevance, au détriment d'un rappel de ce qui constitue l'esprit de la loi, à savoir notamment l'institution de services archéologiques auprès des collectivités territoriales, faisant observer que la non-application de cette disposition conduirait soit au développement d'organismes privés, soit au retour à une situation de monopole.

Soucieux du rayonnement culturel de la France, M. Yves Dauge a exprimé ses fortes inquiétudes face à la situation dégradée du réseau culturel français à l'étranger, en raison tant du manque de moyens que de son cloisonnement, à défaut de vision politique et stratégique globale. Inscrivant ces enjeux dans le cadre de la réforme de l'Etat, il a regretté que les ministères de la culture et de l'éducation ne jouent pas, de concert avec le ministère des affaires étrangères, leur rôle dans le pilotage du réseau, par exemple pour améliorer l'articulation avec les universités. A cet effet, il a rappelé la proposition qu'il avait émise, consistant dans la création d'une grande Agence nationale, à laquelle participeraient notamment les collectivités territoriales.

De plus, à la faveur des changements politiques intervenus à la tête des régions, et dans le souci d'inscrire l'action culturelle dans la durée, il a plaidé pour la définition d'une véritable politique nationale dans ce domaine. Il s'est inquiété, en outre, des évolutions touchant la maîtrise d'ouvrage publique, s'agissant notamment de leurs répercussions sur les métiers de l'architecture.

Abordant ensuite la réforme de l'archéologie préventive, et faisant remarquer, en particulier, la complexité du système d'appel d'offres ou l'incapacité des DRAC (directions régionales de l'action culturelle) à assurer le recouvrement de la redevance, il a suggéré de mettre en place un système plus simple, consistant à faire payer à chacun une surtaxe, de façon à assurer une péréquation. Enfin, il s'est interrogé sur le financement des écoles de musique, lequel pèse lourdement sur les communes.

Après avoir fait remarquer que la meilleure des refontes de la loi Toubon consisterait en son application effective, M. Ivan Renar a indiqué qu'il était fondamental de garantir l'accès de tous à la lecture et aux livres.

Evoquant enfin l'actualité récente affectant, parmi d'autres, la maison de la culture d'Amiens ou encore le centre régional des lettres de Montpellier, il a exprimé ses craintes que la décentralisation ne constitue une menace pour la pérennité des structures culturelles, si elle se traduit par un retrait de l'Etat.

En réponse à ces intervenants, le ministre a apporté les précisions suivantes :

- le nombre des architectes en chef des monuments historiques devrait passer de 50 à 75, 10 postes étant, dans un premier temps, ouverts au concours qui aura lieu en décembre. En outre, pour les travaux de restauration des monuments classés, un choix entre 4 à 6 architectes sera proposé au propriétaire en amont de tout lancement d'opération, en dépit des difficultés de gestion que cela soulèvera ;

- d'importants progrès restent à faire dans le cadre du plan de développement des arts plastiques à l'école, notamment pour améliorer les relations entre les artistes et les enseignants, et permettre une découverte directe des artistes et des oeuvres par les élèves, par exemple en faisant en sorte que les établissements scolaires puissent devenir des lieux d'exposition temporaire ;

- si la défense de la langue française est un combat essentiel, l'idéal serait, en Europe, que chacun parle sa langue et comprenne celle de l'autre. Quant à la refonte éventuelle de la loi Toubon, le ministère reste ouvert à toute proposition ;

- afin de retrouver l'esprit de la loi relative à l'archéologie préventive, il est urgent que soient effectivement mis en place les services territoriaux qu'elle institue, et qu'une pédagogie active soit menée, même si d'autres points suscitent de fortes inquiétudes, comme les problèmes de financement de l'INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives) ;

- il est essentiel, tant au plan culturel que politique, d'afficher une politique culturelle active pour le rayonnement de la France à l'étranger. Des efforts en ce sens sont engagés, en liaison avec M. Michel Barnier, ministre des Affaires étrangères, pour permettre, par exemple, l'ouverture à la création culturelle de nos ambassades et centres culturels. En outre, une réunion avec les représentants du réseau culturel français à l'étranger se tiendra prochainement au ministère des affaires étrangères. Enfin, il est essentiel de développer, en cohérence avec la politique étrangère de notre pays, des stratégies de présence, telles que l'inauguration récente d'un cinéma français à Kaboul ;

- dans la mesure où les initiatives de régions dans le domaine culturel sont nombreuses, le temps est désormais venu, après la mise en place des nouveaux conseils régionaux, d'engager une discussion globale afin d'aboutir à la définition d'objectifs communs, constituant la base d'une véritable politique nationale. Ainsi, des expériences régionales, telles que la gratuité des manuels scolaires au lycée, se sont mises en place via des contacts bilatéraux avec le ministère, notamment pour gérer les problèmes liés à la diversité des libraires ;

- afin de faciliter l'accès de tous aux livres, des expériences comme celle des « ruches » méritent d'être développées ;

- la mise en place de partenariats entre le public et le privé en matière de maîtrise d'ouvrage impose que soit engagée une réflexion sur le métier d'architecte ;

- s'il ne fait aucun doute que les DRAC sont dans l'incapacité de percevoir la redevance d'archéologie préventive, il convient de poursuivre les discussions à ce sujet avec le ministère de l'équipement ;

- concernant le budget pour 2005, le ministère de la culture se montrera solidaire des efforts entrepris par l'ensemble du Gouvernement, comme cela a été le cas cette année, puisque sur l'exercice 2004, 17 millions d'euros en crédits de paiement ont ainsi été redéployés pour faire face aux besoins les plus urgents de restauration du patrimoine ;

- afin de pouvoir prévenir à temps les situations de crise opposant, comme à Amiens, la politique de l'Etat à la politique locale, le ministère exige désormais des directions régionales une transparence et une information en temps réel qui a souvent fait défaut.

Mission d'information à l'étranger - Russie - 11 au 19 septembre 2004 - désignation des membres

Au cours de la même réunion, la commission a procédé à la désignation des membres de la mission d'information chargée d'étudier la politique culturelle, l'organisation de la recherche et le système universitaire en Russie qui aura lieu du 11 au 19 septembre 2004. Ont été désignés : MM. Louis de Broissia, Yves Dauge, Ambroise Dupont, Jean-Léonce Dupont, Mmes Monique Papon, Danièle Pourtaud, MM. Ivan Renar et André Vallet, en qualité de membres titulaires, et MM. Jacques Legendre, Jack Ralite et Marcel Vidal, en qualité de membres suppléants.