Travaux de la commission des finances



- Présidence de M. Aymeri de Montesquiou, vice-président

Contrôle budgétaire - Administration électronique au service du citoyen - Communication

La commission a entendu une communication de M. Gérard Braun, rapporteur spécial, sur l'administration électronique au service du citoyen.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a préalablement rappelé que dans sa communication du 24 juillet 2002 portant sur la politique de simplifications administratives, il avait notamment insisté sur la nécessité de simplifier les procédures avant de les mettre « en ligne », et il a indiqué que les efforts entrepris dans ce sens avaient, sans doute, été insuffisants. Toutefois, partant du constat que la diffusion des procédés électroniques s'était récemment accélérée, il a estimé que la question de l'apport de l'administration électronique aux citoyens méritait d'être directement posée.

Après avoir défini le contenu de la notion d'administration électronique et énuméré les avantages qui pouvaient être attendus de son développement, il a souligné qu'en France, les orientations prises étaient caractéristiques d'un grand respect de l'usager, dont la simplification de la vie administrative était autant recherchée que la préservation des libertés.

Il est apparu à M. Gérard Braun, rapporteur spécial, que les programmes d'administration électronique avancés mis en place dans les pays développés promouvaient des techniques similaires. En premier lieu, il s'agissait des formalités administratives en ligne (couramment dénommées « téléservices » ou « téléprocédures »). Il a estimé qu'après la mise à disposition, via Internet, d'informations statiques, puis celle de formulaires « téléchargeables », les téléprocédures étaient devenues la « pierre angulaire » de l'e-administration, car elles permettaient d'échanger à distance des informations avec une administration afin d'accomplir une démarche, en se libérant des contraintes spatiales et temporelles, tout en gagnant en rapidité, voire en facilité. En deuxième lieu, il a rappelé que les programmes promouvaient ensuite la possibilité, pour chacun, d'accéder à ces téléprocédures, viaun portail personnalisé sur Internet permettant, le cas échéant, le stockage de données personnelles. Enfin, M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a noté qu'en cohérence avec ces avancées, des dispositifs d'identification et d'authentification étaient développés, avec, notamment, la signature électronique ou les cartes d'identité électroniques. Par ailleurs, il a observé que la productivité de l'administration constituait un objectif plus récent -pour autant qu'il était manifeste- de l'administration électronique.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a ensuite annoncé qu'il traiterait de l'émergence de l'administration électronique en tant que politique publique, puis qu'il tâcherait de montrer que les conditions d'un développement d'une administration électronique performante étaient aujourd'hui réunies.

Il a préalablement indiqué que, demeurée trop longtemps à la marge des préoccupations des pouvoirs publics, l'administration électronique émergeait progressivement en tant que politique publique, à la faveur de différentiations successives qui avaient d'abord consacré, en tant qu'objectifs publics, la réforme de l'Etat, puis le développement de la société de l'information. Succédant au « PAGSI » de 1998, le (premier) programme d'action gouvernemental pour la société de l'information, le programme gouvernemental RE/SO 2007 (Pour une REpublique numérique dans la SOciété de l'information), avait été présenté le 12 novembre 2002 par le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin. Il comprenait une action sur l'environnement technologique, une action sur la demande, pour mettre tous les Français qui le souhaitaient en capacité d'utiliser les services de base de l'Internet et de l'administration électronique à l'horizon 2007, et une intervention directe de l'Etat en tant qu'acteur de la société de l'information ayant vocation à l'exemplarité. Pour accompagner cette dernière avancée, il a souligné qu'une agence de l'administration électronique devait être mise en place. En effet, il a indiqué qu'avec, d'une part, l'ATICA (agence pour les technologies de l'information et de la communication), et, d'autre part, certaines attributions de la délégation interministérielle à la réforme de l'Etat et de la commission pour les simplifications administratives, la compétence interministérielle en matière d'administration électronique s'était trouvée encore relativement éclatée, et ses moyens insuffisants. C'est ainsi que l'ADAE (agence pour le développement de l'administration électronique) avait été créée en février 2003 pour rationaliser, promouvoir et intensifier le pilotage de l'administration électronique, et ses moyens s'étaient accrus en conséquence.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a ensuite rapporté que la « jeune ADAE », en concertation avec les ministères, avait préparé un vaste plan d'action de l'administration électronique pour la période 2004-2007, comprenant 140 mesures. Ainsi, le Premier ministre avait-il lancé, le 9 février 2004 à Lyon, le projet « ADELE », qui désignait le programme gouvernemental « ADministration ELEctronique 2004/2007 », et donnait un cadre pluriannuel et coordonné au développement de l'administration électronique en France, reprenant les 140 mesures du plan d'action de l'administration électronique pour les quatre années à venir, concernant près de 300 nouveaux services.

Parmi ces services, deux ont paru particulièrement significatifs à M. Gérard Braun, rapporteur spécial. En premier lieu, il a relevé que le « numéro 3939 Allo, service public », numéro de téléphone unique permettant à toute personne d'obtenir rapidement une réponse ou une orientation à toute demande de renseignement administratif, montrait que les progrès de l'administration électronique ne passaient pas forcément par la « connexion » de l'administré, mais aussi par celle de ses interlocuteurs. En second lieu, il a présenté le service personnalisé « mon.service-public.fr », qui devait constituer le « Graal » de l'administration électronique, en permettant à l'usager de créer un « compte personnel » dans lequel le stockage des informations le concernant serait permis afin de les réutiliser directement dans le cadre d'autres téléprocédures, limitant ainsi les démarches et les demandes de pièces justificatives. Il a jugé que la constitution de cet espace administratif allait devoir concilier la possibilité de mettre à la disposition de l'ensemble des administrations des données et documents déjà fournis à l'une d'entre elles, et la prohibition d'un recours à une interconnexion des fichiers menée à l'insu du citoyen.

Puis M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a entrepris de montrer que les conditions du développement d'une administration électronique performante étaient aujourd'hui réunies.

D'abord, il a remarqué que le cadre juridique, qui devait permettre de concilier les progrès des « téléprocédures » et le respect de la protection des données personnelles, s'adaptait progressivement à la diffusion des nouvelles technologies en général, et de l'administration électronique en particulier.

Ensuite, il a indiqué que l'objectif gouvernemental d'avoir mis en ligne toutes les procédures administratives à l'horizon 2007 était en bonne voie d'être atteint, tout en soulignant que la persistance de la faiblesse du taux d'utilisation de l'administration électronique risquait d'être de nature à relativiser la portée de cette performance.

Par ailleurs, M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a rappelé que le succès de l'administration électronique était conditionné par la confiance des usagers. Cette dernière, déjà assurée par la loi « informatique et libertés », sortait renforcée des avis particulièrement prudents de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) rendus sur les différents projets d'administration électronique, qui étaient largement suivis. Ainsi, concernant le portail unique « mon.service-public.fr », il a relevé que l'utilisation d'un « identifiant » unique serait écartée, conformément à la position de la CNIL.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a ensuite souligné qu'il importait que les usagers aient une incitation financière à l'usage des « téléprocédures ». A cet égard, la mise en place, à l'initiative de la commission, d'une réduction d'impôt sur le revenu de dix euros, était excellente, et il fallait, selon lui, s'en inspirer pour d'autres impôts et pour la sphère sociale, particulièrement en direction des PME.

Enfin, M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a attiré l'attention de la commission sur les enjeux de productivité que l'on pouvait attendre de l'administration électronique : son développement devait consister en un « jeu à somme positive », où les « gains de productivité » avaient vocation à être partagés harmonieusement entre les administrés et l'administration, pour le plus grand avantage du contribuable. Heureusement, il s'est félicité que la mutualisation et l'«interopérabilité » (terme désignant la propension, pour un système d'information, à être compatible avec un autre) des systèmes d'information soient, désormais, systématiquement recherchées, et préconisé que l'importance des gains de productivité à attendre des progrès de l'administration électronique, attestée par tous les exemples nationaux et étrangers, puisse notamment permettre, in fine, une réduction substantielle du nombre d'emplois publics.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a conclu en soulignant qu'en raison de la complexification du droit et des procédures, la complexité administrative n'était probablement pas « derrière nous », mais « devant nous », et que la recherche et l'affichage systématiques des gains de productivité résultant des avancées de l'administration électronique n'en étaient que plus urgents. En effet, ces derniers devaient participer largement à la politique ambitieuse de réduction des effectifs qu'autorisaient les départs massifs à la retraite qui allaient avoir lieu au cours des dix prochaines années, et que commandait l'évolution du niveau des prélèvements obligatoires et de l'endettement.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a indiqué qu'il en était alors parvenu au stade où l'important travail de contrôle sur les moyens informatiques de l'administration entrepris par le président de la commission devait apporter, sur le sujet complexe des gains de productivité liés à l'administration électronique, des éclairages déterminants.

Un débat s'est alors instauré.

M. Jacques Baudot a félicité le rapporteur spécial pour la clarté de sa présentation.

M. Aymeri de Montesquiou, président, par delà les progrès de l'administration électronique, s'est interrogé sur la pertinence de la communication gouvernementale et sur le succès de la « télédéclaration » d'impôt sur le revenu.

M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a confirmé que le taux de pénétration d'Internet en France était encore faible comparativement aux autres pays développés. Il a ensuite indiqué que les progrès de l'utilisation des « télédéclarations » d'impôt sur le revenu étaient néanmoins notables. En effet, le nombre de « télédéclarations » était passé de 600.000  en 2003 à plus de 1.250.000 en 2004 ; en outre, la prime de 10 euros qui devrait être soustraite de l'impôt des futurs « télédéclarants » conduirait certainement à amplifier ce mouvement.

M. Philippe Adnot s'est inquiété du coût d'une telle mesure et, d'une façon générale, il s'est interrogé sur l'ampleur de la diminution d'effectifs qui pourrait gager le coût des progrès de l'administration électronique.

En réponse, M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a indiqué que la dépense fiscale correspondant à la remise attribuée aux télédéclarants devait être très largement compensée par les gains de productivité subséquents. Par ailleurs, la problématique des gains de productivité devait faire l'objet de développements particuliers dans le cadre du contrôle sur les moyens informatiques de l'administration entrepris par M. Jean Arthuis, président de la commission.

A titre de « pierre d'attente », M. Gérard Braun, rapporteur spécial, a toutefois indiqué que les gains de productivité retenus par le projet « ADELE », compris entre 7 % et 10 %, étaient largement inférieurs à ceux observés à l'étranger, compris, le plus souvent, entre 25 % et 30 %. La commission a alors, à l'unanimité, donné acte de sa communication à M. Gérard Braun, rapporteur spécial, et décidé que les conclusions de sa mission feraient l'objet d'une publication sous la forme d'un rapport d'information.

Mercredi 7 juillet 2004

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Contrôle budgétaire - Fonds d'aide à la modernisation de la presse - Communication

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a entendu une communication de M. Paul Loridant, rapporteur spécial, sur le fonds d'aide à la modernisation de la presse.

M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a indiqué au préalable, qu'en tant que rapporteur spécial des comptes spéciaux du Trésor, il ne pouvait prétendre à être un spécialiste du secteur de la presse et a rappelé, qu'à l'origine, son contrôle sur le fonds d'aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale et à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale, engagé en application de l'article 57 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, devait être mené avec M. Claude Belot, rapporteur spécial des crédits de la presse, ce qui n'avait pas pu finalement être le cas en raison de contraintes d'emploi du temps. Il a indiqué néanmoins que la lecture des rapports spéciaux de M. Claude Belot lui avait été très profitable.

En introduction à sa communication, M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a fait remarquer que la liberté de la presse, invoquée par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, était considérée comme partie prenante de « la libre communication des pensées et des opinions »et reconnue comme « un des droits les plus précieux de l'Homme ». Il a expliqué que, dans ce contexte, les aides publiques à la presse visaient à garantir le pluralisme des opinions dans une société démocratique, afin d'éviter notamment le retour à la situation de l'entre-deux-guerres où des grands groupes industriels dominaient le secteur de la presse. Il a observé que les aides existantes n'avaient permis d'enrayer ni la baisse du lectorat, ni la diminution du nombre de titres et la concentration du secteur, aujourd'hui dominé par deux groupes d'industriels de l'armement.

M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a montré, en ce qui concerne le fonds d'aide à la modernisation de la presse, que ce fonds constituait certes une partie limitée des aides directes à la presse - 24,43 millions d'euros sur les 1,2 milliard d'euros d'aides dont bénéficiait la presse - mais qu'il constituait la seule aide directe destinée à accompagner le changement des entreprises de la presse quotidienne et à leur permettre de surmonter la crise qu'elles subissaient aujourd'hui. Il a jugé un contrôle de ses crédits nécessaire pour deux raisons, considérant d'une part que l'importance des reports incitait à examiner en profondeur le mode de fonctionnement et de gestion du fonds de modernisation, estimant, d'autre part, que la grave crise que traversait le secteur de la presse quotidienne invitait à « questionner » les instruments de soutien inventés par la puissance publique et à mesurer leur efficacité.

Au terme de plus de 25 auditions, de plusieurs déplacements en province et à l'étranger (aux Pays-Bas et en Suède), de l'examen des réponses à un questionnaire spécial obtenues de la direction du développement des médias des services du Premier ministre, des enseignements d'une étude de législation comparée commandée auprès du service des études juridiques du Sénat, il a abouti à la conclusion que la crise de langueur que connaissait de longue date la presse française était rendue insoutenable par le cycle baissier récent. Il a invité les entreprises de presse à une prise de conscience des nouvelles conditions du marché et s'est déclaré avoir été frappé, au cours de son travail, par la vitalité de la presse dans d'autres pays européens et la concurrence tonique introduite par de nouvelles formes de presse, comme les gratuits, qui administraient la preuve que les Français, à commencer par les plus jeunes, même issus des classes populaires, souhaitaient lire chaque jour un titre de la presse quotidienne.

Dans cette perspective, il a indiqué que la création du fonds de modernisation participait de cette prise de conscience nécessaire. Il a expliqué que ce fonds, d'un volume financier relativement modique, ouvrait la voie à un redéploiement des crédits publics alloués aux entreprises de presse, à partir des subventions d'exploitation actuelles, inconditionnelles et permanentes, vers des aides dédiées à des projets, limitées dans le temps, faisant observer que des aides publiques à la presse se justifiaient, en effet, si elles étaient facteur de changement. Il a jugé que, cinq ans après sa création, l'effet de levier du fonds avait été décisif, face à l'apparition d'un nouveau cycle « schumpetérien » lié aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. Il a évalué les investissements réalisés par la presse dans le cadre du fonds de modernisation à plus de 370 millions d'euros, pour une participation financière de l'Etat inférieure à 30 %.

M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a néanmoins relevé dans le fonds de modernisation certaines limites, notamment en termes de fonctionnement. Il a montré que la cogestion du fonds par les professionnels de la presse et l'existence de clés de répartition implicites des crédits avaient pu provoquer un certain « filtrage » des dossiers et la constitution de files d'attente, alors qu'il aurait été souhaitable qu'il y ait, au contraire, émulation entre les différents projets de modernisation. Il a noté, par ailleurs, que la taxe sur le hors media, affectée au fonds de modernisation, qui avait une assiette particulièrement pointue et un nombre de redevables potentiels très élevé, était peu adaptée pour financer une modernisation de la presse qui était du ressort de l'impôt et du budget général, faisant valoir qu'il n'y avait aucune raison à ce qu'existe un lien automatique entre les ressources issues de la taxe affectée et les besoins de modernisation des entreprises de presse.

Il a ensuite souligné l'importance des reports, dont le montant atteignait 84,15 millions d'euros, soit 3 fois et demie les ressources disponibles en 2004. Il a évalué les reports en gestion, définis par l'écart entre les ressources disponibles et les décisions d'attribution des aides signées par le ministre de la culture, déduction faite des dossiers abandonnés « en cours de route » par les éditeurs de presse, à 34,54 millions d'euros fin 2003, soit 140 % des crédits du fonds pour l'exercice 2004.

En termes d'efficacité économique ensuite, M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a souligné que l'évaluation des investissements financés n'avait jamais eu lieu, la commission de contrôle normalement compétente ne s'étant jamais réunie. Il s'est par ailleurs montré inquiet de la préférence manifestée par les entreprises de presse pour des investissements lourds liés au processus de fabrication, alors que les imprimeries de presse constituaient d'importants foyers de pertes, constatant un effet d'éviction non négligeable au détriment des investissements réalisés dans les rédactions ou en matière commerciale, sans évoquer les projets sur internet qui ne représentaient que 0,5 % des dossiers financés en 2003. Il s'est dès lors interrogé sur les conditions d'analyse des dossiers réalisée par le comité d'orientation du fonds, jugeant les argumentaires économiques des entreprises fort succincts, le retour sur investissement évalué de manière évasive et les réductions de coûts ou l'impact des projets sur les ventes insuffisamment chiffrés. En conséquence, il lui est apparu souhaitable que le comité d'orientation du fonds adopte une approche plus économique dans l'examen des dossiers afin d'évacuer la tentation du « toujours plus » en matière de subventions publiques, rappelant qu'il n'y avait aucun droit de tirage automatique sur le fonds de modernisation de la presse.

M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a regretté que, cinq ans après sa création, le fonds de modernisation n'ait malheureusement pas permis une amélioration substantielle de la rentabilité des entreprises de presse, jugeant nécessaire de s'interroger sur l'opportunité, pour l'Etat, d'avoir financé une modernisation technologique, alors même qu'une modernisation sociale complète du secteur n'était pas encore intervenue.

Il a proposé enfin quelques mesures pour améliorer le fonctionnement du fonds. Il a indiqué qu'il fallait, dès à présent, prévoir la clôture du fonds de modernisation à l'échéance 2010, avec réexamen préalable des investissements réalisés à l'horizon 2007, parce que toute crise, toute mutation d'un secteur économique, avaient une fin. Il a appelé par ailleurs à la budgétisation du fonds de modernisation afin d'assurer une fongibilité des crédits dédiés aux aides à la presse. Il a déclaré ne pas être opposé au relèvement des taux de cofinancement, de 30 % à 40 % pour les subventions de projets individuels et de 50 % à 60 % pour les subventions de projets collectifs, ainsi que les plafonds des aides, de 1,83 million d'euros à 2,45 millions d'euros. Pour tenir compte de la situation financière de certains titres, il a proposé de moduler les taux de subvention, à 50 %, pour les titres à faibles ressources publicitaires et les titres de la presse hebdomadaire régionale. Enfin, il a estimé utile de réhabiliter des pratiques financières vertueuses comme les avances, en supprimant les frais de gestion de 2 % et en redéployant les reports au profit de la presse hebdomadaire régionale et de la presse quotidienne départementale, qui étaient solliciteuses de telles avances.

En ce qui concerne l'efficacité économique des aides, M. Paul Loridant, rapporteur spécial, s'est interrogé sur l'opportunité de réserver le financement des rotatives aux seuls projets collectifs, reconnaissant qu'il s'agissait d'une mesure drastique, mais a manifesté son inquiétude à l'idée que la puissance publique puisse financer des surcapacités de production dans les imprimeries de presse sans s'assurer, au préalable, de la rentabilité de l'investissement. Il a souhaité que le comité d'orientation du fonds sélectionne les projets à financer non plus selon des critères juridiques, mais en fonction du retour sur investissement attendu et du « business plan » de l'entreprise de presse. Dans cette perspective, pour bénéficier d'expertises nouvelles, il a estimé qu'il fallait ouvrir le comité d'orientation à un troisième collège composé de personnes qualifiées extérieures aux entreprises de presse et mettre en route enfin la commission de contrôle, afin de procéder à une évaluation économique ex-post des projets financés et assurer la capitalisation des expériences.

M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a émis au final un jugement contrasté sur le fonctionnement du fonds de modernisation, le jugeant utile et pertinent dans ses objectifs initiaux. Compte tenu du contexte actuel et de la crise qui frappait la presse quotidienne, il a observé la tentation d'un élargissement progressif du fonds de modernisation et d'une certaine automaticité des aides. Il a estimé que cette option ne pouvait aider la presse, l'Etat n'ayant pas vocation à assurer, évidemment, le quotidien des entreprises, mais devant, en revanche, les accompagner de manière exigeante dans un changement décisif pour leur avenir.

Un débat s'est alors engagé.

M. Jean Arthuis, président, s'est montré inquiet du fait que les gains de productivité réalisés par les entreprises de presse dans leurs imprimeries aient pu être absorbés intégralement par l'augmentation de la masse salariale.

M. Claude Belot faisant état des travaux qu'il avait menés en sa qualité de rapporteur spécial de la presse, a jugé que le secteur de la presse quotidienne souffrait d'un certain nombre d'archaïsmes en matière de distribution, du fait de la loi Bichet, mais aussi en matière sociale, en raison du poids considérable du syndicat du Livre. Il a regretté l'absence de dynamisme des entreprises, montrant notamment que la presse quotidienne régionale n'avait pas « surmonté la géographie de la fin de la guerre ». Il a souligné que le lectorat était en train de fondre et que la réaction des titres, face à l'émergence des hebdomadaires locaux ou des télévisions locales, était par trop défensive. Il a souligné le paradoxe consistant pour la France, à avoir, dans toute l'Europe, la presse la plus aidée et la plus en difficulté. Il a dès lors considéré comme une fatalité le mouvement de concentration en cours. En ce qui concerne les aides, il s'est montré opposé à la tentation d'utiliser les reliquats du fonds d'aide à la modernisation de la presse pour financer du fonctionnement et a appelé à un certain courage politique pour mettre de l'ordre dans les aides à la presse.

M. Maurice Blin a mis en évidence les concurrences multiples frappant la presse quotidienne aujourd'hui. Il a montré que le mouvement de concentration actuel risquait d'amener à la même situation qu'avant guerre. Il a souligné la différence de situation de la presse entre la France et les pays du Nord, établissant une comparaison entre les « peuples de la Bible » voués à la lecture et les « peuples des Cathédrales » voués à l'image.

M. Jean Arthuis, président, a montré la dépendance de la presse vis-à-vis de ses annonceurs, comme la grande distribution. En ce qui concerne le pluralisme de l'information, il a relevé que les tendances actuelles du secteur de la presse donnaient une légitimité certaine à la Chaîne parlementaire, indépendante des annonceurs et mieux à même de contribuer à l'animation des débats d'opinion.

En réponse, M. Paul Loridant, rapporteur spécial, a expliqué que les systèmes d'aide à la presse étaient dans les autres pays plus limités qu'en France, indiquant qu'en Suède, seul, le second titre sur le marché recevait des aides afin de préserver la diversité. Il s'est déclaré impressionné par le dynamisme des gratuits, qui recherchaient, en matière de publicité, une diversification des annonceurs.

La commission a alors, à l'unanimité, donné acte de sa communication à M. Paul Loridant, rapporteur spécial, et décidé que les conclusions de sa mission feraient l'objet d'une publication sous la forme d'un rapport d'information.

Présidence de M. Jean Arthuis, président, puis de M. Yann Gaillard, secrétaire.

Marchés financiers - Audition de M. Michel Prada, président de l'Autorité des marchés financiers

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Michel Prada, président de l'Autorité des marchés financiers (AMF).

M. Jean Arthuis, président, a tout d'abord souligné la grande qualité du rapport d'activité 2003 de l'Autorité des marchés financiers, qui mettait notamment en relief les premiers enseignements à tirer de la loi de sécurité financière du 1er août 2003, qui avait beaucoup mobilisé la commission des finances un an auparavant. Il a souhaité que cette initiative opportune, par laquelle le président de l'AMF rendait compte à la commission des finances des travaux du régulateur des marchés pour l'exercice écoulé, puisse désormais constituer un rendez-vous régulier et annuel.

Il a rappelé que, lors de sa dernière audition par la commission, le 24 février 2004, M. Michel Prada avait exposé le contexte de l'installation de l'AMF et les principales caractéristiques de son architecture et de son fonctionnement. Il a salué les nombreuses initiatives qu'avait déjà prises l'AMF, concernant la gestion collective, la communication financière des sociétés, les nouvelles dispositions du gouvernement d'entreprise et l'activité en matière de contrôle et de sanctions. Il a souligné que l'existence d'une autorité de régulation forte, réactive et dotée des meilleures compétences, constituait un aspect déterminant de la compétitivité et du bon fonctionnement de l'économie.

M. Michel Prada a tout d'abord effectué un rappel de l'activité de l'AMF en 2003 et des autorités qui l'avaient précédée : la Commission des opérations de bourse (COB), le Conseil des marchés financiers (CMF) et le Conseil de discipline de la gestion financière (CDGF). Il s'est félicité de la reprise des marchés en 2003 et du retour à des niveaux normaux de volatilité, tout en observant que l'introduction en bourse de seulement trois sociétés en 2003 avait témoigné d'une accalmie : les volumes d'activité quotidiens s'étaient situés entre 3 et 4 milliards d'euros, contre 5 à 6 milliards d'euros avant l'éclatement de la bulle financière. Il a rappelé que l'année 2003 avait été mise à profit par les entreprises pour procéder à des restructurations financières, alors que le nombre de sociétés cotées s'établissait à un peu plus de 860, soit très en deçà du chiffre record de 967, atteint quatre ans plus tôt. Il a noté la forte sollicitation des autorités de régulation dans ce contexte, en particulier pour protéger les actionnaires minoritaires.

Il a souligné le renforcement du cadre réglementaire de la gestion alternative, caractérisée par des produits relativement complexes, dont il convenait que la distribution s'effectuât dans des conditions de transparence appropriée. Il a mentionné la nécessaire adéquation des conditions de commercialisation au public et le besoin de responsabilisation des gérants.

S'agissant de l'activité d'enquête et de contrôle, il a dressé le bilan de l'année 2003 : 33 procédures de sanction avaient été menées à bien, ayant conduit à 61 décisions de sanctions. A cet égard, la COB avait recouru aux procédures d'injonction et de mise en demeure par l'autorité judiciaire, afin que les sociétés se conforment à leurs obligations de publication de l'information financière dans les meilleurs délais.

M. Michel Prada a ensuite exposé le bilan de la mise en place de l'AMF, sept mois et demi après l'installation de celle-ci le 4 novembre 2003.

Il s'est félicité qu'il ne se fût produit aucune rupture dans la régulation sur le marché. Il a montré que l'AMF s'était rapidement organisée, grâce à l'impulsion de son secrétaire général, M. Gérard Rameix, autour de trois pôles opérationnels : les relations avec les émetteurs, les relations avec les intermédiaires financiers, et les activités de surveillance et d'enquête. Il a également mentionné le rôle du pôle de régulation, la mise en place des directions ayant une fonction logistique et le développement significatif de la médiation.

Il a salué le très bon fonctionnement du collège de l'AMF et de la commission des sanctions, alors qu'il pouvait y avoir au départ des interrogations sur les modalités concrètes de travail en commun de formations nombreuses. Il a mis en exergue l'originalité des cinq commissions consultatives de l'AMF, ainsi que du conseil scientifique, qui devrait se réunir prochainement. Les commissions consultatives regroupaient près de 80 experts, représentatifs de l'ensemble des acteurs de la place, y compris les petits investisseurs. Il a rappelé que ce dispositif ne mettait naturellement pas en cause le processus de consultation des associations professionnelles. Il a fait état de plusieurs recommandations adoptées, depuis le début de l'année 2004, sur l'information financière, le contrôle interne des entreprises, ainsi que les décisions sur des affaires complexes, telles que Wanadoo et l'offre publique d'achat (OPA) de Sanofi sur Aventis. Il a ajouté que deux séminaires s'étaient tenus au cours du premier semestre, l'un pour les services et l'autre ayant réuni les membres du collège pour définir la stratégie de l'AMF à plus long terme.

Il a exposé le principal chantier réglementaire en cours : la mise en place du règlement général de l'AMF devrait être menée à bien un an après la création de l'autorité, sur la base du choix d'un ajustement à droit constant des règlements antérieurs de la COB et du CMF. Il a ensuite insisté sur la transposition en droit national des directives du plan d'action pour les services financiers (PASF), en évoquant la possibilité d'un « grand dispositif législatif » et en insistant sur la nécessité d'une transposition rapide et efficace, considérant notamment le délai limite de transposition de la directive relative aux abus de marché, fixé à l'automne 2004.

M. Michel Prada a ensuite présenté plusieurs chantiers à caractère technique et plus opérationnel. Il a observé que le redémarrage du marché, à condition que la croissance se poursuive, entraînerait une augmentation du nombre d'introductions en bourse. Il a évoqué les travaux en cours, concernant l'industrie française de la gestion, leader en Europe pour la gestion collective, en vue de la maîtrise des outils de gestion et de conditions optimales de commercialisation. Il a mis en exergue la nécessité d'accentuer le travail de contrôle et d'enquête afin d'affermir le retour à la confiance des marchés. Il a enfin mentionné la réflexion stratégique en cours sur les conséquences de l'internationalisation des marchés, en relevant que la récente directive sur les marchés d'instruments financiers conduisait à une véritable révolution technique du fait de l'abandon du principe de concentration des ordres et, ce faisant, de la transmission des ordres par différents canaux et de leur exécution par plusieurs réseaux, en particulier par la voie de l'internalisation au sein des intermédiaires de marché. Il a estimé que la concurrence s'exacerberait entre les Bourses classiques et des systèmes alternatifs qui n'existaient pas encore en France. Il a jugé que les problématiques de la transparence des opérations et de la formation des prix se poseraient, dès lors, en des termes renouvelés, afin que soit maintenu l'objectif de baisse du coût des transactions, sans fragmentation des marchés et sans préjudice pour la règle de « meilleure exécution ».

Il a fait état de la régulation des opérations post-marché, c'est-à-dire la compensation, le règlement, la livraison des titres et leur conservation. Il a rappelé que les opérateurs français étaient habitués à des systèmes nationaux centralisés, présentant un caractère quasi-monopolistique et « notarial », alors que l'apparition d'opérateurs nouveaux induisait une évolution des infrastructures post-marché. Il a souligné que la Commission européenne s'était saisie du sujet.

Il a enfin évoqué le chantier des nouvelles normes comptables IFRS qui seraient mises en oeuvre à partir de 2005, en observant que l'absence de préparation de la majorité des participants sur les marchés impliquait un travail de pédagogie et de vérification pour l'AMF. Il a souligné que cette « petite révolution intellectuelle » s'opérait dans un contexte d'intensification de l'activité des régulateurs internationaux, du fait de la consolidation à Paris du Comité européen des régulateurs des valeurs mobilières (CERVM), qui pouvait constituer l'embryon d'un régulateur européen, et du rôle croissant d'instances internationales de concertation comme l'Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) et le Forum de la stabilité financière (FSF).

Pour conclure, il a rappelé la hiérarchie actuelle des places financières en Europe : derrière une place londonienne surpuissante, mais techniquement à la recherche de son avenir, et une place allemande forte et bien organisée, la place française disposait de nombreux atouts mais avait malheureusement enregistré un ralentissement de son activité au cours des trois dernières années. Parallèlement, il a noté qu'Euronext s'était développé et pouvait désormais se projeter outre-Manche. Dans ce contexte, il a mis en valeur les efforts à accomplir pour améliorer l'environnement de la place et développer une culture de marché, ce dont témoignait la constitution, au sein de l'AMF, d'un groupe de travail sur la formation des investisseurs, tant initiale que continue.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Jean Arthuis, président, a souligné la densité et la richesse de l'activité de l'AMF depuis son installation, et a indiqué qu'elle était conforme à la volonté exprimée par le législateur de renforcer la confiance de l'investisseur.

M. Philippe Marini, rapporteur général, après avoir précisé qu'il communiquerait à la commission, fin juillet, ses observations sur l'application de la loi de sécurité financière, un an après sa promulgation, le 1er août 2003, a mis en exergue quatre thèmes.

Il a en premier lieu évoqué les propos, injurieux pour l'AMF, tenus sur le serveur téléphonique d'un investisseur médiatisé, et s'est demandé si M. Michel Prada avait l'intention d'engager une action en justice pour diffamation.

Il a ensuite rappelé l'attention que la commission portait au dossier Vivendi Universal, qui faisait actuellement l'objet d'une enquête judiciaire. Il a considéré qu'un de ses principaux enjeux, qui était déjà latent lors de l'examen de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, dont il avait été le rapporteur, portait sur le devenir des titres rachetés par les sociétés. Il a estimé que la vocation naturelle de ces rachats d'actions consistait à procéder, ensuite, à l'annulation des titres acquis, afin d'accroître le bénéfice par action et de stimuler la politique actionnariale, mais que ces titres servaient souvent de « monnaie d'échange » lors d'opérations conduites avec d'autres sociétés, ce qui constituait, selon lui, une déviation par rapport à l'intention initiale du législateur. Il a également considéré que l'AMF devrait sans doute émettre des recommandations ou principes de bonne conduite sur l'utilisation - aujourd'hui fréquente - de produits dérivés dans les programmes de rachat d'actions.

En troisième lieu, il a estimé que la transposition future des importantes directives adoptées dans le cadre du PASF, compte tenu des importantes questions de principe qu'elles étaient susceptibles de soulever, devrait intervenir dans le cadre d'un projet de loi cohérent et bien conçu, plutôt que par un véhicule législatif polyvalent ou « portant diverses dispositions d'ordre communautaire ». Il a ainsi relevé le cas significatif de la récente directive relative aux marchés d'instruments financiers et de ses mesures d'application, en soulignant que la France devait faire valoir sa propre approche, en particulier sur la question de la transparence pré-transaction.

Il s'est enfin interrogé sur les conséquences de la combinaison entre marchés à terme, crédit bancaire et zones off shore. Evoquant les suites de l'affaire Parmalat, qui constituait selon lui un « cas d'école » pour la Commission européenne, il a rappelé que la commission des finances entendait proposer une initiative tendant à renforcer la transparence des transactions portant sur des entités ad hoc déconsolidantes domiciliées dans des centres off shore, et ce à trois niveaux : une procédure spécifique d'approbation par le conseil d'administration des conventions et contrats y afférant, un rapport particulier des commissaires aux comptes, et la possibilité pour l'AMF de soumettre le visa, qu'elle octroie aux opérations des émetteurs, à la vérification du respect de ces diligences. Il a alors souhaité connaître l'avis de M. Michel Prada sur de telles dispositions.

En réponse, M. Michel Prada a tout d'abord indiqué que l'AMF n'avait pas réagi de manière spécifique aux propos qu'avait évoqués M. Philippe Marini, mais que des investigations étaient actuellement menées sur les différents aspects de l'activité en cause.

Il a ensuite exposé la séquence des événements relatifs aux rachats d'actions réalisés par Vivendi Universal en septembre 2001. Rappelant que l'autorité de régulation américaine, avec qui la COB était entrée en contact dès le 12 septembre 2001, avait suspendu le cadre réglementaire de ces opérations en raison de la crise consécutive aux attentats du 11 septembre, il a indiqué que la COB n'avait pas levé, mais assoupli les règles françaises relatives à la présomption de légitimité des rachats d'actions et à l'interdiction de procéder à de tels rachats au cours de périodes sensibles, telles que les jours précédant la publication de comptes semestriels. Il a indiqué que la direction de Vivendi Universal avait fait part à la COB de son intention d'intervenir sur les titres de la société, et lui avait précisé que les éléments essentiels de ses comptes semestriels avaient déjà fait l'objet d'une communication le 24 juillet 2001. Il a rappelé qu'à la suite du franchissement, à plusieurs reprises, des limites quantitatives imposées par la réglementation, le directeur général de la COB, M. Gérard Rameix, avait vigoureusement rappelé les dirigeants de la société à leurs obligations. Considérant cependant, en fonction de l'analyse de cette période exceptionnelle, que Vivendi Universal avait agi de manière « discutable », le directeur général n'avait pas décidé d'ouvrir une enquête en vue de possibles sanctions, mais avait néanmoins demandé au Président de l'autorité d'adresser une lettre d'observations à la direction de Vivendi Universal.

Il a souligné qu'après cet épisode, d'autres agissements avaient suscité la vigilance de la COB, parmi lesquels la comptabilisation des actifs de la société BSkyB. C'est au vu des événements du premier semestre 2002 que le directeur général avait ouvert une enquête, qui avait conduit à la remise d'un volumineux rapport en 2003, dont les conclusions s'étaient révélées proches de celles de l'enquête menée par la Securities and Exchange Commission (SEC). La COB avait alors saisi le Parquet et engagé une procédure de sanction administrative. M. Michel Prada a enfin indiqué que les juges d'instruction conduisaient naturellement leurs diligences sur la base du rapport de la COB et en fonction de leurs propres informations, recueillies notamment auprès de l'opérateur de marché de Vivendi Universal, la Deutsche Bank, et que la commission des sanctions de l'AMF poursuivait par ailleurs sa propre procédure.

Il a ensuite indiqué qu'il ne pouvait pas se prononcer sur le bien-fondé de la législation en vigueur, s'agissant en particulier des différentes finalités permises pour les rachats d'actions. Il a cependant rappelé que les objectifs des opérations envisagées devaient être publiés, faire l'objet d'une hiérarchisation et être soumis à l'assemblée générale des actionnaires, au même titre que les fourchettes de cours y afférentes. Il a, en outre, précisé que les options de vente ou d'achat d'actions étaient prises en compte pour juger du non-dépassement de la limite légale de 10 % du capital, prévue pour les rachats d'actions. Il a néanmoins estimé qu'il convenait de s'interroger sur la spécificité française que constituait le rachat à des fins de régularisation du cours, que la directive sur les abus de marché n'incluait pas dans les critères de présomption de légitimité (principe dit du « safe harbour »).

M. Philippe Marini, rapporteur général, a alors insisté sur la nécessité de la transparence et de la clarté de l'information communiquée aux actionnaires, et a estimé que les résolutions des assemblées générales de Vivendi Universal portant sur les programmes de rachat d'actions se révélaient complexes à analyser.

M. Michel Prada a rappelé que les entreprises déclaraient mensuellement à l'AMF les opérations qu'elles réalisaient sur leurs propres titres, de telle sorte que les services du régulateur pouvaient en suivre assez précisément le déroulement, mais a admis que les listes d'objectifs et de montants correspondants pouvaient laisser un sentiment d'imprécision ou de grande latitude.

Revenant sur la question des centres off shore, M. Jean Arthuis, président, a évoqué un colloque, où il avait récemment participé, à l'Assemblée nationale, et où les intervenants s'étaient interrogés sur les transferts de risques et la spéculation issue des produits dérivés.

M. Michel Prada a constaté que l'ingénierie financière était désormais un phénomène généralisé, et qu'elle était appelée à se développer, dans la mesure où les opérateurs tendaient aujourd'hui à mieux identifier les risques liés à leurs engagements, et étaient donc conduits à recourir davantage aux instruments de couverture. Il a estimé que cette tendance à la sophistication financière ne pouvait être réellement enrayée et n'avait pas nécessairement des effets pervers. Il a souligné qu'elle pouvait, en outre, se révéler, dans une certaine mesure, conforme aux voeux des régulateurs, ainsi que l'illustrait l'approche des normes prudentielles dites de « Bâle II ». Le rôle des autorités de régulation, s'agissant des instruments dérivés, consistait dès lors, selon lui, essentiellement à s'assurer de la fiabilité des modèles et des opérations, et de l'absence de défaillance opérationnelle, notamment au regard des contreparties. Il n'y avait donc pas lieu de porter un jugement d'opportunité sur des pratiques telles que la vente à découvert de titres, mais plutôt de garantir une certaine transparence. Il a également souligné que le régulateur pouvait efficacement jouer son rôle tant que les produits dérivés étaient utilisés par des acteurs réglementés, tels que les banques et prestataires de services d'investissement, mais que des difficultés et ruptures pouvaient survenir lorsque les risques de marché et de défaut étaient externalisés vers des acteurs non régulés, tels que les particuliers ou les sociétés commerciales. La question du contrôle de l'agrégation de l'ensemble des risques et des effets de levier se trouvait ainsi posée et faisait l'objet de réflexions de la part des régulateurs prudentiels.

Abordant la mise en oeuvre des directives du PASF, M. Michel Prada a décrit le rôle du CERVM dans le processus d'adoption des mesures d'application dites de « niveau 2 ». S'agissant plus particulièrement de la directive sur les marchés d'instruments financiers, il a indiqué que les débats portant sur les mesures d'application relatives à la transparence pré-transaction illustraient deux conceptions : celle des Français qui se montraient favorables à la transparence la plus large possible, alors que les anglo-saxons considéraient qu'une transparence totale conduisait les opérateurs, pour de gros volumes de transactions entre professionnels, à divulguer des informations sur leurs propres positions, et donc à se mettre en risque sur le marché. Il s'agissait dès lors de déterminer à quel niveau placer les limites de la transparence.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est demandé, à cet égard, si le futur cadre des infrastructures de marché permettrait encore aux investisseurs individuels de disposer d'un accès direct à la Bourse, ou si au contraire le mouvement de réintermédiation et d'essor de la gestion collective n'était pas inéluctable.

Revenant sur la directive relative aux marchés d'instruments financiers, M. Michel Prada a souligné l'importance du thème de la « meilleure exécution » des ordres. Il a fait état de l'âpreté des débats actuels sur la conception même de la meilleure exécution, dans la mesure où le prix d'un titre était aussi fonction du temps et du volume concerné, et ne pouvait donc être idéalement le même pour tous. Il a en outre observé que la SEC avait récemment entrepris de réformer le système national de transparence des prix aux Etats-Unis.

Il a ensuite considéré que les centres off shore constituaient un sujet difficile et « embarrassant ». Les véritables difficultés posées par ces places résidaient, selon lui, plus dans le manque de transparence financière que dans les facilités fiscales offertes ou les montages juridiques spécifiques auxquels elles donnaient lieu. Il a ainsi cité en exemple les financements d'aéronefs, qui n'étaient pas nécessairement opaques, même s'ils reposaient sur des mécanismes complexes, ayant souvent recours à l'effet de levier. Il a rappelé que la question de la transparence des centres off shore ne pouvait être traitée efficacement que dans des enceintes internationales telles que le FSF. Il a indiqué qu'au sein de ce forum, les pays d'Europe continentale continuaient de promouvoir l'établissement de listes sélectives, qui avaient, il est vrai, permis quelques résultats encourageants, comme l'illustrait le cas des îles anglo-normandes, tandis que certains pays contestaient la pertinence de cette méthode. M. Michel Prada a reconnu qu'il tendait intuitivement à approuver les propositions de la commission des finances, mais qu'il craignait qu'elles ne conduisent à affecter la France d'un handicap de compétitivité, si elles ne devaient être adoptées que dans notre pays. Une démarche internationale demeurait selon lui plus appropriée, et il a mentionné à cet égard les projets de l'OICV.

M. Maurice Blin a souhaité connaître la typologie des infractions les plus fréquemment sanctionnées par l'AMF, et s'est interrogé sur l'exemple donné par les Etats-Unis en matière de gravité des fautes constatées et de sévérité des sanctions. Il s'est également demandé si la hausse des réclamations des actionnaires, révélée en particulier par le cas de la société Eurotunnel, constituait une tendance de fond ou un épiphénomène.

M. Michel Prada a indiqué que la possibilité dont disposaient les régulateurs anglais et américain de recourir à la transaction constituait un outil juridique puissant et efficace, mais qui s'inscrivait probablement dans un contexte culturel particulier. Il a néanmoins souligné que l'indemnisation civile et le plafonnement des sanctions administratives à un montant de 1,5 million d'euros (à l'exception de celles portant sur les délits d'initiés) étaient deux faiblesses du système français au regard des sanctions pénales. Exprimant un point de vue personnel, il a indiqué qu'il pourrait, dès lors, se révéler utile d'envisager la possibilité, au cas par cas, de recourir à la transaction.

Il a ajouté que les infractions les plus couramment relevées par l'AMF avaient trait à la diffusion d'informations fausses ou imprécises, aux règles de conduite des intermédiaires, en particulier sur les marchés à terme, à quelques délits d'initiés - qui demeuraient très difficiles à prouver - et à des manipulations de cours. Il a insisté sur la nécessité d'une meilleure surveillance, au niveau européen, des opérations portant sur la dette et non pas uniquement sur le capital, considérant leur transparence parfois insuffisante, ainsi que l'avait révélé l'affaire Parmalat.

Il a enfin estimé que les récentes protestations d'actionnaires individuels étaient sans doute conjoncturelles et liées à des situations spécifiques, mais que l'on ne pouvait que se réjouir de ce que ces actionnaires manifestent un surcroît d'intérêt pour la gestion financière et la gouvernance des entreprises. Il a ajouté qu'il convenait d'être vigilant sur le niveau d'acceptabilité par le public de certains comportements de dirigeants d'entreprise, notamment s'agissant de la question délicate des niveaux de rémunération. Il a rappelé que les réactions des actionnaires américains et anglais, pourtant habitués à de grands écarts de rémunération, avaient été parfois vives.

M. Yann Gaillard a relevé que les évolutions majeures que connaissaient les marchés financiers contribuaient à remettre en cause nombre de concepts usuels. Il s'est demandé quelles étaient les relations qu'entretenaient les autorités nationales de marché, et si elles étaient de nature à permettre une action concertée en cas d'urgence. Il a également considéré que la notion de présomption de légitimité pourrait être utilement appliquée à d'autres domaines que les opérations sur titres.

En réponse, M. Michel Prada a rappelé que les principales enceintes internationales étaient l'OICV pour les régulateurs des marchés, le Comité de Bâle pour les établissements de crédit et un organisme équivalent pour le secteur des assurances. Le FSF détenait quant à lui une compétence transversale. Il a constaté que ces instances avaient permis d'importants progrès sur la standardisation des pratiques et l'établissement d'une vision commune du fonctionnement des marchés financiers, et que l'OICV avait significativement progressé dans la voie de la coopération entre régulateurs depuis la création d'un « Memorandum of understanding » multilatéral. Ce mécanisme emportait toutefois des engagements au seul niveau des principes, et non des outils techniques opérationnels.

Il a ajouté qu'au niveau européen, le CERVM constituait l'exemple le plus achevé de coopération, les structures équivalentes pour la régulation du secteur bancaire et celui des assurances ayant été créées plus récemment. Il a précisé que le CERVM cherchait aujourd'hui à aller plus loin dans la voie de l'intégration, mais se heurtait à certaines difficultés juridiques, compte tenu des pouvoirs différents dont étaient investis les régulateurs nationaux. Il a indiqué que la coopération bilatérale entre les principales places, plutôt qu'au sein d'une enceinte multilatérale, prévalait en temps de crise, mais que la récente formalisation des relations entre le CERVM et la SEC contribuerait de façon décisive à la nécessaire coopération transatlantique. S'agissant enfin de la présomption de légitimité, il a précisé que ce dispositif était certes très utile, mais qu'il semblait difficile de l'appliquer au-delà du seul domaine des règles techniques de fonctionnement des marchés.

Nomination d'un rapporteur

La commission a ensuite désigné M. Philippe Marini comme rapporteur du projet de loi n° 376 (2003-2004) portant ratification de l'ordonnance n° 2004-281 du 25 mars 2004 relative à des mesures de simplification en matière fiscale.

Assurance maladie - Demande de renvoi pour avis et nomination d'un rapporteur

Sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission, la commission a ensuite décidé de se saisir pour avis du projet de loi n° 1675 (AN - XIIe législature) relatif à l'assurance maladie, et a nommé M. Adrien Gouteyron rapporteur pour avis de ce projet de loi.

Consommation et investissement - Examen du rapport

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé, tout d'abord, à l'examen du rapport de M.  Philippe Marini, rapporteur général, sur le projet de loi n° 379 (2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, pour le soutien à la consommation et à l'investissement.

Avant d'examiner les articles, M. Philippe Marini, rapporteur général, a brièvement replacé le projet de loi dans son contexte pour indiquer que, compte tenu de la faiblesse de la marge de manoeuvre budgétaire, les mesures envisagées avaient un impact non négligeable sur le plan macroéconomique et qu'elles constituaient autant de signaux positifs pour la confiance. Il a ajouté qu'il les approuvait dans leur principe, dans la mesure où elles ont un caractère temporaire et qu'elles n'ont pour objet que de donner « un coup de fouet à la croissance ».

A l'article 1er (exonération temporaire de droits de mutation pour les dons en argent aux enfants et petits-enfants), et à la suite des interventions de MM. Michel Charasse et Yann Gaillard, la commission a adopté deux amendements, l'un tendant à étendre le dispositif aux arrière-petits-enfants, le second de précision rédactionnelle.

Elle a adopté sans modification l'article 2 (exonération temporaire de droits de mutation pour les dons en argent aux enfants et petits-enfants).

Après un large débat au cours duquel sont intervenus M. Jean Arthuis, président, M. Michel Moreigne, M. Michel Charasse et M. Yann Gaillard, elle a adopté un article additionnel après l'article 2 visant à étendre la dérogation à l'interdiction d'indexation des prêts sur l'inflation.

Puis elle a adopté sans modification l'article 2 bis (nouveau) (exclusion des locations simples du régime du démarchage bancaire et financier), l'article 3 (mesures exceptionnelles de déblocage de la participation et de l'épargne salariale), l'article 3 bis (nouveau) (régime fiscal des opérations de location-accession agréées) et après l'intervention de M. Michel Charasse l'article 4 (aide temporaire en faveur de l'emploi dans les hôtels, cafés et restaurants). L'article 5 (dégrèvement temporaire de la taxe professionnelle afférente à certains investissements réalisés entre le 1er janvier 2004 et le 30 juin 2005) a également été adopté sans modification après les interventions de M. Jean Arthuis, président, M. Michel Charasse, M. Roland du Luart et M. Yann Gaillard.

Elle a ensuite adopté un article additionnel avant l'article 6 visant à clarifier les critères de requalification des plus-values sur cession de valeurs mobilières. Puis elle a adopté sans modification l'article 6 (exonération des plus-values professionnelles réalisées par les contribuables exerçant une profession commerciale, industrielle, artisanale ou libérale) et l'article 7 (exonération des droits de mutation à titre onéreux dus à l'Etat au titre des reprises d'activités de proximité).

A l'article 8 (nouveau) (modification de la redevance d'archéologie préventive), après les interventions de MM. Michel Charasse, Yann Gaillard et Roland du Luart, elle a adopté un amendement visant à modifier l'assiette et le taux de la redevance d'archéologie préventive, et donné mandat au rapporteur général afin d'en parfaire la rédaction s'agissant des dispositions relatives au seuil d'application de la redevance, au montant minimal de redevance déclenchant son recouvrement, et aux modalités de transition entre le système juridique prévu en 2003 et le dispositif proposé par la commission.

Puis elle a adopté sans modification l'article 9 (nouveau) (programme national de développement et de modernisation des activités commerciales et artisanales) et l'article 10 (nouveau) (modification du programme national de développement et de modernisation des activités commerciales et artisanales prévu par la loi d'orientation du commerce et de l'artisanat).

Après les interventions de MM. Jean Arthuis, président, et Michel Charasse, elle a ensuite adopté un article additionnel après l'article 10 tendant à modifier les modalités de paiement de la redevance d'occupation du domaine public et donné mandat au rapporteur général de parfaire la rédaction du dispositif.

Enfin, à l'article 11 (nouveau) (report de quatre mois de l'entrée en vigueur des sanctions pénales prévues par la loi « Dutreil » en cas de défaut de garantie dans un contrat de sous-traitance), elle a adopté un amendement visant à modifier la date d'entrée en vigueur des sanctions pénales prévues par la loi « Dutreil ».

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption du projet de loi ainsi amendé.

Consommation - Soutien à la consommation et à l'investissement - Désignation de candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire

Puis la commission a désigné MM. Jean Arthuis, Philippe Marini, Roland du Luart, Jacques Oudin, Aymeri de Montesquiou, Gérard Miquel, Mme Marie-Claude Beaudeau, candidats titulaires, et MM. Denis Badré, Joël Bourdin, Yann Gaillard, Paul Girod, Jean-Philippe Lachenaud, François Marc, Marc Massion, candidats suppléants, pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement.

Transports - Entreprises de transport aérien et Air France - Examen du rapport pour avis

Enfin, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M.  Yvon Collin, rapporteur pour avis, sur le projet de loi n° 281 (2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 2003-322 du 9 avril 2003 relative aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France.

M. Yvon Collin, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de loi modifiait certaines dispositions de la loi du 9 avril 2003 relative aux entreprises de transports aériens, et notamment à Air France, afin de permettre l'alliance au niveau européen entre Air France et la société néerlandaise KLM. Il a montré que ce rapprochement avait abouti à une offre publique d'échange (OPE), lancée le 5 avril 2004 par Air France sur les titres de KLM et que cette OPE avait conduit, par un effet de dilution automatique de la participation de l'Etat, à une privatisation de la société Air France, effective depuis le 5 mai 2004. Il a précisé qu'au terme de la période complémentaire de l'OPE, le 21 mai 2004, la part de l'Etat dans la compagnie aérienne était passée de 54 % à 44 %, rappelant que le principe de la privatisation avait été autorisé par le Parlement dès 1993.

M. Yvon Collin, rapporteur pour avis, a observé que l'image de la société Air France était relativement dégradée au début des années 90 en raison d'un fort endettement et de conflits sociaux récurrents. Il a mis en parallèle cette situation avec la réalité de la société en 2004, qui était devenue le sixième transporteur au monde, et dégageait des bénéfices dans une période particulièrement sombre pour le transport aérien. Il a observé que la société avait su se développer, rénover son image et proposer une offre attractive, ce qui justifiait la confiance constante des gouvernements de tout bord et du législateur. Puis il a indiqué que ce retournement de situation reposait sur trois raisons :

- la première était la qualité de la flotte, qui avait été en grande partie renouvelée ;

- la seconde était la qualité du « hub » de Roissy, qui permettait d'optimiser au mieux les correspondances entre les différentes destinations ;

- la troisième était un dialogue social rénové au sein de la compagnie, qui avait permis d'associer les salariés aux efforts de maîtrise des coûts, indiquant que cette « sérénité sociale » était une nouveauté indéniablement positive pour Air France, et qu'il convenait de saluer les efforts de toutes les catégories de salariés.

Il a également insisté sur les effets positifs de l'alliance nouée avec de grands partenaires étrangers au sein de « Skyteam », qui regroupait Air France, Delta Air Lines, Alitalia, Aero Mexico, Korean Air Lines et CSA, relevant qu'Air France affichait clairement sa vocation mondiale.

M. Yvon Collin, rapporteur pour avis, a exposé les avantages de la fusion avec KLM, notant que le secteur du transport aérien était mûr pour des liens capitalistiques plus forts que la simple alliance. Il a observé que KLM était la quatrième compagnie européenne, mais ne disposait pas de réseaux intérieurs propres, ce qui l'avait conduit à développer ses liaisons à l'international, et que la société bénéficiait également de la plateforme de Amsterdam-Schiphol, quatrième aéroport européen avec d'importantes possibilités de développement. Il a constaté, en conséquence, que les complémentarités entre les deux sociétés étaient nombreuses et que la direction d'Air France prévoyait des synergies qui devaient permettre d'économiser environ 70 millions d'euros dès la première année, et plus de 600 millions d'euros à long terme. Il a montré que le groupe ainsi constitué serait au premier rang mondial en termes de chiffre d'affaires, avec 19,2 milliards de dollars, et le quatrième pour les passagers transportés, avec 63,4 millions de personnes par an, relevant ainsi qu'il s'agissait de la naissance d'un véritable géant européen et mondial.

M. Yvon Collin, rapporteur pour avis, a exposé les principales modifications introduites par le présent projet de loi. Il a indiqué que la loi du 9 avril 2003 avait anticipé la privatisation d'Air France, mais qu'il était nécessaire d'ajuster le dispositif adopté il y a un an. Il a en effet exposé que la privatisation d'Air France allait aboutir à sa filialisation, l'accord conclu entre Air France et KLM prévoyant la constitution d'une holding qui avait vocation à chapeauter deux filiales opérationnelles selon un modèle qui avait fait la réussite du rapprochement entre Renault et Nissan, afin de maintenir les identités nationales et les marques des deux compagnies, avec notamment et pour une période transitoire de trois ans, le maintien de la nationalité néerlandaise de KLM, afin de préserver sa licence et ses droits de trafic. Il a constaté que le présent projet de loi s'articulait autour de la modification de trois dispositions de la loi du 9 avril 2003 :

- en premier lieu, cette loi avait prévu un certain nombre de dispositions visant à protéger les droits de trafic et la licence d'exploitation de transporteur aérien des compagnies aériennes françaises, soulignant en effet que ces droits reposaient entièrement et conformément au droit communautaire sur leur nationalité. Il a noté que le présent projet de loi précisait que le dispositif de protection s'appliquait non seulement aux sociétés cotées détentrices d'une licence d'exploitation, mais également aux sociétés qui, pour ne pas posséder elles-mêmes une telle licence, détiendraient la majorité du capital et des droits de vote d'une entreprise de transport aérien, relevant que cette disposition était indispensable à la sécurisation juridique de l'accord conclu entre Air France et KLM ;

- en deuxième lieu, il a montré que le présent projet de loi précisait également la représentation des salariés au sein du conseil d'administration, ce qui préservait leur pouvoir ;

- en troisième lieu, il a exposé que la dernière disposition concernait le maintien du dispositif actuel de prise de participation du personnel dans le capital d'Air France, et que ce dispositif aurait vocation à s'appliquer lorsque l'Etat réduirait, comme il s'y était engagé, sa participation dans Air France à 20 % de la compagnie aérienne, cette opération étant aujourd'hui moins soumise à une condition de délai qu'à une évolution favorable du marché financier.

M. Yvon Collin, rapporteur pour avis, a recommandé l'adoption conforme du texte tel qu'issu des délibérations de l'Assemblée nationale.

Un débat s'est alors instauré.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que le présent projet de loi était nécessaire afin de permettre la constitution d'un groupe à l'échelle de la planète.

M. Auguste Cazalet s'est interrogé sur le nombre respectif de salariés dans le groupe Air France et le nombre de salariés du groupe KLM.

M. Maurice Blin a rappelé que le président Christian Blanc avait su « préparer le terrain » et résoudre la crise grave que traversait la compagnie, et qu'il convenait, à ce titre, de lui rendre hommage. Il a noté que la fusion de ces deux sociétés constituait une opération d'envergure, et que la forme juridique retenue, celle de la holding, permettait de préserver l'identité nationale des groupes, qui était d'une importance toute particulière dans le domaine du transport aérien.

En réponse à M. Auguste Cazalet, M. Yvon Collin, rapporteur pour avis, a indiqué que la société Air France employait au total 70.156 salariés et que la société KLM en employait, pour sa part, 34.500, ce qui était considérable, mais qu'il convenait de rapporter ces données au chiffre d'affaires du nouveau groupe qui était de 19,2 milliards d'euros.

En réponse à M. Maurice Blin, il a également reconnu la qualité du travail effectué aussi bien par M. Christian Blanc que par l'actuel président de la société, M. Jean-Cyril Spinetta, qui possédait une connaissance approfondie du secteur et qui avait su tirer le meilleur parti des qualités de la compagnie nationale. Il a approuvé les propos tendant à souligner l'importance de la nationalité dans le domaine du transport aérien, rappelant cependant que si les deux marques, Air France et KLM, avaient vocation à perdurer, il n'y aurait plus, à terme, qu'une seule entité.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé d'émettre un avis favorable à l'adoption sans modification du projet de loi.