X. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE DU JEUDI 15 DÉCEMBRE 2011

Article 32 et état B

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Vandewalle, inscrit sur l'article 32.

M. Yves Vandewalle. Mon intervention porte sur les crédits de la défense et, là, ce sont quelques dizaines de millions qui sont en jeu, sinon plus.

Les sénateurs ont jugé que l'acquisition de drones MALE de type Reaper était préférable au choix du Gouvernement et ils ont sérieusement amputé les crédits dédiés à cette opération pour imposer leur point de vue.

Pour ma part, j'estime que les rapporteurs du Sénat ont manqué d'objectivité. Ainsi, la liaison satellite du Reaper est qualifiée de « performante » alors qu'elle est inférieure à celle du Harfang ; le « caractère opérationnel » du Héron TP « fait débat » alors que je viens de visiter l'aérodrome où ils sont basés en Israël ; c'est un « drone d'observation » assènent-ils. Ont-ils vérifié ? J'arrête là le florilège des affirmations gratuites qui émaillent leur rapport.

Pour comparer les coûts, les sénateurs ont sollicité une proposition de l'entreprise américaine General Atomics et non pas d'une association entre General Atomics et Cassidian. Il s'agit donc clairement d'un achat sur étagère.

Cette proposition, officieuse, m'a également été communiquée par General Atomics et je l'ai comparée à celle de l'offre initiale de Dassault-IAI.

À ce stade, les deux offres ne sont pas comparables car les périmètres ne sont pas identiques. Le Sénat lui-même s'y perd, qui, dans son tableau comparatif, donne 67 millions d'euros pour sept Reaper, deux stations sol et la logistique initiale.

Ce qui me semble tout aussi important, c'est qu'à ce prix, on n'a qu'une version d'observation, loin de toutes les capacités attendues des militaires.

Disons-le clairement : sans définition précise des besoins, pas d'offres comparables, et c'est bien regrettable, même s'il est plus que vraisemblable que le Reaper soit moins cher que son concurrent car il est produit en grande série.

D'un point de vue militaire, le Reaper a largement fait ses preuves et certains points faibles seront corrigés sur le block 5.

La comparaison avec le Héron-TP israélien est difficile car cet appareil entre en service opérationnel dans l'armée israélienne, et celle-ci fait preuve d'une extrême discrétion sur ses capacités et ses performances réelles. Je me suis rendu récemment en Israël pour lever certaines interrogations, et il est clair que le Héron TP diffère peu en réalité du Reaper.

À mon sens, les choix techniques finaux relèvent de l'expertise du ministère de la défense. En tout état de cause, j'ai pu vérifier que les Israéliens sont aussi très ouverts à une coopération approfondie.

M. Gérard Bapt. Cela reste à prouver !

M. Yves Vandewalle. Une question essentielle est la francisation de l'appareil. Si elle me paraît importante pour garantir notre indépendance nationale et pour commencer à structurer une filière industrielle, elle est anti-économique pour un très petit nombre d'appareils. Pour cette raison, le transfert technologique ne peut pas être comparé au succès du programme britannique Hermès 450-Watchkeeper.

Au demeurant, du côté des entreprises, les discussions ont été interrompues entre General Atomics et EADS, ce que je regrette, tandis que la part française semble bien modeste dans le tandem Dassault-IAI.

C'est pourquoi la stratégie industrielle qui sous-tend la décision gouvernementale doit être plus claire. Si le but est de préparer un partenariat Dassault-BAé, le premier apportant sa compétence en matière d'intégration de systèmes complexes et le second sa compétence en matière de porteur avec Mantis, comment concilier cet objectif avec une mise en concurrence Télémos-Talarion sur le futur drone MALE franco-britannique ?

En conclusion, je pense que le Gouvernement eût été avisé d'organiser un dialogue compétitif avec les alliances Dassault-IAI et General Atomics-Cassidian, sur la base d'un cahier des charges précis, pour obtenir le meilleur rapport coût-efficacité sur le plan militaire, tout en commençant à structurer une filière industrielle. Faute de l'avoir fait, il s'expose à des critiques plus ou moins justifiées. Pour autant, je désapprouve la méthode du Sénat et je voterai l'amendement du Gouvernement visant à rétablir les crédits affectés au drone MALE, dont l'expérience libyenne vient encore de démontrer l'urgente nécessité.