V. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU SAMEDI 3 DÉCEMBRE 2011)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-351 est présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° II-383 est présenté par Mmes Schurch, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l'amendement n° II-351.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. L'article 42 tend à créer une taxe sur les loyers abusifs des micrologements, c'est-à-dire les logements de moins de 14 mètres carrés.

Le Gouvernement a multiplié les dérogations fiscales en matière de logement - nous avons parlé du dispositif Scellier tout à l'heure - qui ont coûté très cher et ont encouragé le mouvement inflationniste dans l'immobilier sans résoudre pour autant les problèmes de logement.

J'ai bien l'impression que, en fin de législature, il souhaite se donner bonne conscience avec une mesure d'affichage, qui comporte certains effets pervers et qui ne correspond en tout cas certainement pas à l'ampleur du problème.

Nous le savons, il y a un problème de montant des loyers au coeur des grandes agglomérations, à Paris, bien sûr, et dans d'autres grandes villes, mais aussi dans bon nombre de communes suburbaines.

Le groupe socialiste-EELV a fait des propositions pour que la puissance publique, à tous les échelons territoriaux, s'assure de la maîtrise foncière au travers d'établissements publics, car là se trouve le noeud du problème, particulièrement en Île-de-France. L'absence de terrains à construire disponibles, compte tenu de la pression urbaine, renchérit les coûts. Nous suggérons des choix ambitieux en la matière.

Nous avons aussi fait des propositions pour encadrer le prix des loyers. Ces solutions n'ont de vertu que si elles restent transitoires ; sinon, elles pourraient avoir l'effet inverse de celui qui est recherché.

Du reste, s'agissant de la Ville de Paris, je crois savoir qu'un rapport a été remis au maire hier ou avant-hier, préconisant des mesures d'encadrement des loyers. Je le redis, cette solution ne peut être que transitoire puisque le problème de l'inflation des loyers est avant tout lié à l'insuffisance de l'offre, et donc au foncier.

Les solutions que nous voulons promouvoir se retrouvent dans des amendements que nous avons déposés, ainsi que dans une proposition de loi qui sera très bientôt débattue au Sénat.

À l'inverse, la solution que souhaite imposer le Gouvernement est une mesure cosmétique ne réglant absolument pas le problème. Elle est même porteuse, je le répète, d'un certain nombre d'effets pervers.

À mon sens, il n'est pas sérieux de proposer, en fin de mandature, un dispositif très compliqué, avec cinq taux différents et une géographie évolutive, pour un produit des plus modiques, estimé à moins de 1 million d'euros, et qui, loin d'avoir une vertu dissuasive, encouragera au contraire les comportements d'évitement.

Une telle proposition n'est pas à la hauteur de ce qu'il convient de faire pour traiter un problème tout à fait sérieux, notamment au regard de son incidence sur le pouvoir d'achat, le loyer représentant souvent la moitié du revenu des ménages défavorisés.

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l'amendement n° II-383.

Mme Mireille Schurch. Nous estimons que la taxe créée par cet article n'est pas une bonne idée, même si nous pouvons partager les considérants qui ont conduit à la faire germer.

En effet, afin de lutter contre les loyers excessifs pour les petites surfaces, le présent article instaure une taxe qui serait payée par le bailleur lorsque le loyer dépasse un montant qui devrait être défini par décret, mais se situant dans une fourchette de 30 à 45 euros.

Comment ne pas voir que, au final, l'excès de loyer ira simplement de la poche du locataire au budget de l'État en passant par la case « bailleur » ? À l'évidence, le locataire ne s'en trouvera pas moins pénalisé !

De surcroît, la fourchette de 30 à 45 euros nous paraît particulièrement favorable aux bailleurs. Elle est même de nature à légitimer, si l'on ose dire, une augmentation pour ceux d'entre eux qui pratiqueraient des loyers inférieurs.

Nous pensons qu'il faudrait prendre le temps de la réflexion sur la surface plancher en deçà de laquelle un logement ne peut être loué. Actuellement, le seuil de 9 mètres carrés nous semble extrêmement bas, voire indigne.

Nous regrettons également que le produit escompté de cette nouvelle taxe n'ait pas été « fléché » pour financer le logement.

Sur le fond, une telle taxe ne résout pas le problème de l'accès au logement pour les catégories les plus modestes. Le loyer payé par le locataire resterait identique : seul le bénéficiaire changerait, l'État se substituant au bailleur.

Pour notre part, nous préconisons un encadrement des loyers, conjugué à un seuil minimum en deçà duquel une surface ne peut être mise en location. Cela permettrait d'endiguer la hausse vertigineuse des loyers que nous observons, particulièrement en Île-de-France.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements identiques.

La taxe mise en place vise à décourager la pratique des loyers excessivement élevés. Aucune taxation spécifique n'était jusque-là prévue pour lutter contre ce phénomène. L'idée est évidemment d'inciter fortement les bailleurs à diminuer le montant des loyers pratiqués.

Madame Schurch, il faut savoir que, à Paris, les loyers moyens pour les appartements d'une pièce sont supérieurs à 22 euros par mètre carré. Je réponds là par anticipation à votre amendement n° II-382, qui, en prévoyant un seuil de 20 euros, ne nous paraît donc pas adapté.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n os II-351 et II-383.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 42 est supprimé et l'amendement n° II-382 n'a plus d'objet.

Pour l'information du Sénat, j'indique que cet amendement, présenté par Mmes Schurch, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, était ainsi libellé :

I. - Alinéa 4

Remplacer les mots :

, fixé par décret, compris entre 30 et 45

par les mots :

de 20

II. - En conséquence, alinéa 6

Remplacer les mots :

, ainsi que les limites de 30 et 45 € mentionnées au premier alinéa du présent article sont révisés

par les mots :

est révisé

et le mot :

arrondis

par le mot :

arrondi