IV. TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE

http://www.assemblee-nationale.fr/13/ta-pdf/3775-p.pdf

Article 48

L'article 92 de la loi de finances pour 1979 (n° 78-1239 du 29 décembre 1978) est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa :

a) Le mot : « locales » est remplacé par le mot : « territoriales » ;

b) Après le mot : « montant », sont insérés les mots : « hors taxe » ;

c) Les mots : « , déduction faite des frais d'abattage et de façonnage des bois » sont supprimés ;

2° Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les produits des forêts mentionnés au premier alinéa sont tous les produits des forêts relevant du régime forestier, y compris ceux issus de la chasse, de la pêche et des conventions ou concessions de toute nature liées à l'utilisation ou à l'occupation de ces forêts, ainsi que tous les produits physiques ou financiers tirés du sol ou de l'exploitation du sous-sol. Pour les produits de ventes de bois, le montant est diminué des ristournes consenties aux acheteurs dans le cas de paiement comptant et, lorsqu'il s'agit de bois vendus façonnés, des frais d'abattage et de façonnage hors taxe.

« À compter du 1er janvier 2012, les personnes morales mentionnées au premier alinéa acquittent en outre au bénéfice de l'Office national des forêts une contribution annuelle de 2 € par hectare de terrains relevant du régime forestier et dotés d'un document de gestion au sens de l'article L. 4 du code forestier ou pour lesquels l'office a proposé à la personne morale propriétaire un tel document. »

V. RAPPORT SÉNAT N° 107 (2011-2012) TOME III ANNEXE 3

Commentaire : le présent article a pour objet de rééquilibrer le financement du régime forestier des forêts par les collectivités territoriales, en instaurant une contribution supplémentaire annuelle de deux euros par hectare.

I. LE DROIT EXISTANT

Les 2,7 millions d'hectares de forêt communale, soit près de 18 % des espaces forestiers, appartiennent à 11 371 communes propriétaires de forêts. Ces communes propriétaires ont l' obligation de recourir à l'ONF pour gérer leur forêt .

En effet, les forêts gérées par l'Office national des forêts (ONF) pour le compte de l'Etat relèvent du « régime forestier » 1 ( * ) . En outre, dépendent de ce régime les forêts appartenant aux collectivités territoriales et aux établissements publics ou d'utilité publique, aux sociétés mutualistes et aux caisses d'épargne. Les communes en possèdent la majeure partie.

L'article 92 de la loi n° 78-1239 du 29 décembre 1978 de finances pour 1979 et le décret n° 79-333 du 19 avril 1979 2 ( * ) pris pour son application, définissent l'assiette et fixent les modalités de paiement , par les collectivités et personnes morales bénéficiant du régime forestier, des frais d'administration et de garderie dus , en vertu de l'article L. 147-1 du code forestier.

Cette contribution aux frais de garderie et d'administration instituée par cet article se veut une contribution forfaitaire qui n'a pas pour objet de rémunérer une prestation de service mais de participer au financement de la mission de service public confiée à l'ONF .

Assis sur tous les produits de leur domaine forestier , et en tout premier lieu desquels figurent les ventes de bois , les frais de garderie que les collectivités territoriales doivent verser à l'ONF résultent de l'application d'un taux forfaitaire de 12 % en règle générale 3 ( * ) .

Malgré ces frais de garderie, les taux de la contribution ne permettent pas de couvrir les dépenses engagées par l'ONF pour la mise en oeuvre du régime forestier vis-à-vis des collectivités. Les sommes acquittées par les communes ne représentent en effet annuellement qu'environ 10 % à 15 % des coûts de gestion induits .

La variable d'ajustement destinée à combler, à l'échelle nationale, la différence globale entre les charges du régime forestier et les frais de garderie est donc constituée par un versement compensateur de l'Etat pour charge de service public, en application de l'article L. 123-1 du code forestier 4 ( * ) . Ce versement compensateur alloué chaque année par l'Etat à l'ONF s'élève à environ 120 millions d'euros par an en moyenne alors que la contribution des collectivités est quant à elle de l'ordre de 20 millions d'euros.

Toutefois, outre le plafonnement du versement compensateur par le contrat d'objectifs qui unit l'opérateur à l'Etat, entre 1999 et 2008, les sommes effectivement versées par l'Etat chaque année sont inférieure d'environ 10 millions d'euros à ses engagements contractuels à l'égard de l'ONF .

Si, du côté de ses dépenses, l'ONF peut engager des efforts de productivité, il conviendrait également d'agir sur les recettes qu'il perçoit au titre de ses activités résultantes du régime forestier . Tout en faisant valoir que « le partage des charges du régime forestier entre l'État et les collectivités territoriales relève d'une décision politique », la Cour des comptes avait, dans l'enquête précitée, relevé que « le calcul des frais de garderie manque d'équité » .

Une charte de la forêt communale avait pourtant été signée dès 2003 entre l'ONF et la fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR) dans le but de préciser notamment les prestations de l'office qui entrent dans le régime forestier et celles qui relèvent de conventions avec les communes et qui, par conséquent, donnent lieu à rémunération spécifique. Une direction des affaires communales a ainsi été créée au sein de l'office au début de l'année 2008 et cette charte a été complétée par un avenant de juin 2009 créant une commission nationale de la forêt communale , organe paritaire de concertation entre l'ONF et les communes.

L'Etat a, pour sa part, envisagé à plusieurs reprises de modifier et de majorer la contribution des communes forestières , notamment en introduisant un deuxième facteur de contribution, qui serait proportionnel à la surface de forêt gérée. Malheureusement les tentatives de réforme de ce régime ont, jusqu'aujourd'hui, échoué 5 ( * ) .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article , issu de longues négociations avec la FNCOFOR qui ont fini par déboucher sur un accord, a pour objet de répondre à cette problématique du rééquilibrage du financement du régime forestier des forêts par les collectivités territoriales, en augmentant la contribution de celles-ci.

Il est donc proposé d'instaurer à partir du 1 er janvier 2012 une contribution supplémentaire annuelle à l'hectare, d'un montant compris entre deux et quatre euros . Un arrêté conjoint du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé du budget doit déterminer le montant de cette contribution.

Pour 2012, il était annoncé que ce montant serait fixé par arrêté en bas de la fourchette : acquittée par l'ensemble des propriétaires bénéficiant du régime forestier, soit une assiette de 2,8 millions d'hectares, cette contribution aurait ainsi un rendement de 5,6 millions d'euros en 2012 .

L'exposé des motifs de l'article précise que ce montant pourrait être réévalué pour les années suivantes, « en fonction de l'atteinte des objectifs de mobilisation du bois en forêt communale fixés dans le cadre du contrat d'objectifs et de performance conclu entre l'Etat, l'ONF et la FNCOFOR ».

Le présent article élève, par ailleurs, au niveau législatif la définition de l'assiette des produits de la forêt pris en compte dans le calcul des frais de garderie . Les dispositions qui figurent dans le décret n° 96-933 du 16 octobre 1996 sont ainsi reprises à l'identique 6 ( * ) .

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative du Gouvernement , l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable de sa commission des Finances, deux amendements .

D'une part, le premier amendement tend à élargir l'assiette de la contribution aux produits physiques ou financiers tirés du sol ou de l'exploitation du sous-sol. D'autre part, le second amendement vise à fixer son taux à deux euros par hectare , ce qui supprime la possibilité de déterminer ce taux par arrêté au sein d'une fourchette comprise entre deux et quatre euros.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Vos rapporteurs spéciaux approuvent le dispositif proposé par le présent article .

Il convient d'observer qu'il s'agit d'une recommandation récurrente de la commission des finances qui a, à plusieurs reprises, invité à réexaminer le partage du coût du régime forestier , dans la mesure où le calcul des frais de garderie manque d'équité puisqu'il ne prend en compte ni la capacité contributive des communes, ni les prestations de l'office, et reste lié aux options d'exploitation retenues localement 7 ( * ) .

Vos rapporteurs spéciaux saluent la démarche engagée mais la jugent assez timide et préconisent d'aller plus loin année après année .

Si à ce jour, la contribution des communes couvre en moyenne 10 % à 15 % du coût du régime forestier, l'adoption du présent article ne suffira pas pour dépasser le seuil d'une couverture de 20 % des dépenses engagées par l'ONF pour la mise en oeuvre du régime forestier vis-à-vis des collectivités territoriales.

L'objectif ambitieux de 20 millions de mètres cubes supplémentaires entre 2010 et 2020 pour l'exploitation forestière nécessiterait probablement un système d'incitations financières plus accentué, en accroissant par exemple la part de la contribution proportionnelle à la surface de forêt gérée au détriment de la contribution assise sur les ventes de bois.

Pour l'heure, le présent article, s'il va dans le bon sens, ne sera que modérément incitatif . Il ne permettra pas, en outre, de surmonter les difficultés financières que rencontre l'ONF et qui ont été rappelées dans le présent rapport.

Décision de la commission : sous le bénéfice de ses observations, votre commission des finances vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 1 En application de l'article 58-2° de la LOLF, votre commission des finances a demandé à la fin de l'année 2008 à la Cour des comptes une enquête sur l'ONF. Le rapport de la Cour lui a été remis le 29 septembre 2009 . Votre rapporteur spécial, Joël Bourdin, a ensuite consacré un rapport à cette enquête. Il renvoie donc à ce dernier pour une présentation plus détaillée des problématiques de l'office et du régime forestier (« L'ONF à la croisée des chemins », n° 54, 2009-2010).

* 2 Décret modifié par le décret n° 96-933 du 16 octobre 1996.

* 3 Aux termes de l'article 92 de la loi de finances pour 1979 modifié en dernier lieu par la loi de finances pour 1996 : « A compter du 1 er janvier 1996, les contributions des collectivités locales, sections de communes, établissements publics, établissements d'utilité publique, sociétés mutualistes et caisses d'épargne aux frais de garderie et d'administration de leurs forêts soumises au régime forestier, prévues à l'article L. 147-1 du code forestier, sont fixées à 12 % du montant des produits de ces forêts, déduction faite des frais d'abattage et de façonnage des bois ; toutefois, dans les communes classées en zone de montagne, ce taux est fixé à 10 % ».

* 4 Cet article mentionne : « les frais de garderie et d'administration fixés dans les conditions prévues par l'article L. 147-1 et versés par les collectivités et personnes morales mentionnées par l'article L. 141-1 et une subvention du budget général dans le cas où le montant des ressources prévues à l'article L. 147-1 n'atteindrait pas la valeur réelle des dépenses de l'Office résultant de ses interventions de conservation et de régie dans les forêts de ces collectivités et personnes morales ».

* 5 En effet, l'opposition ferme des communes forestières à la majoration de leurs contributions a conduit le Gouvernement à renoncer à son projet de réforme en 1979, 1995, 2005 et 2008.

* 6 La rédaction retient les produits des forêts comme étant « tous les produits des forêts relevant du régime forestier, y compris ceux issus de la chasse, de la pêche et des conventions ou concessions de toute nature liées à l'utilisation ou à l'occupation de ces forêts. Pour les produits de ventes de bois, le montant est diminué des ristournes consenties aux acheteurs dans le cas de paiement comptant et, lorsqu'il s'agit de bois vendus façonnés, des frais d'abattage et de façonnage hors taxe ».

* 7 Un tel mode de calcul conduit à un résultat peu souhaitable : la charge pesant sur une commune est d'autant plus élevée qu'elle a une politique active d'exploitation commerciale de sa forêt. A l'inverse, une commune qui négligerait une telle exploitation bénéficiera dans le même temps des prestations de l'ONF au titre du régime forestier et, donc, profitera de la situation en étant relativement favorisée. Le régime des frais de garderie n'est donc non seulement pas équitable, mais, pire, calculé uniquement sur les ventes de bois, il est économiquement absurde : il conduit paradoxalement à ce que les communes qui vendent peu de bois contribuent moins au financement des missions de surveillance ou de suivi des aménagements forestiers que les communes actives. Une telle logique ne va pas dans le sens de la mobilisation de la ressource forestière, telle que l'a notamment recommandée le Président de la République dans son discours d'Urmatt, le 10 mai 2009.