VI. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU VENDREDI 2 DÉCEMBRE 2011)

Séance du vendredi 2 décembre 2011

Article 48

M. le président. « Art. 48. - L'article 92 de la loi de finances pour 1979 (n° 78-1239 du 29 décembre 1978) est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa :

a) Le mot : « locales » est remplacé par le mot : « territoriales » ;

b) Après le mot : « montant », sont insérés les mots : « hors taxe » ;

c) Les mots : « , déduction faite des frais d'abattage et de façonnage des bois » sont supprimés ;

2° Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les produits des forêts mentionnés au premier alinéa sont tous les produits des forêts relevant du régime forestier, y compris ceux issus de la chasse, de la pêche et des conventions ou concessions de toute nature liées à l'utilisation ou à l'occupation de ces forêts, ainsi que tous les produits physiques ou financiers tirés du sol ou de l'exploitation du sous-sol. Pour les produits de ventes de bois, le montant est diminué des ristournes consenties aux acheteurs dans le cas de paiement comptant et, lorsqu'il s'agit de bois vendus façonnés, des frais d'abattage et de façonnage hors taxe.

« À compter du 1 er janvier 2012, les personnes morales mentionnées au premier alinéa acquittent en outre au bénéfice de l'Office national des forêts une contribution annuelle de 2 € par hectare de terrains relevant du régime forestier et dotés d'un document de gestion au sens de l'article L. 4 du code forestier ou pour lesquels l'office a proposé à la personne morale propriétaire un tel document. »

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le ministre, je sais que la Fédération nationale des communes forestières, la FNCOFOR, a accepté de signer le contrat de plan État-ONF qui entre en vigueur le 1 er janvier prochain, et qu'elle avait notamment accepté le principe de cette contribution forfaitaire à l'hectare. Je m'interroge cependant sur l'opportunité et le sens de cet article 48.

Tout d'abord, la rédaction initiale prévoyait une contribution de 2 à 4 euros par hectare. Elle a, fort heureusement, été fixée à 2 euros au final. Pour autant, cette contribution vient s'ajouter au taux de 12 %, ou de 10 % pour les communes de montagne, dont l'assiette a été légèrement élargie, et impactera toutes les communes.

Certes, l'idée du Gouvernement est d'inciter les communes dont les forêts sont peu productives à les exploiter davantage. Mais s'est-on intéressé aux causes, peut-être climatiques, pédologiques, mais probablement aussi historiques, de ce différentiel entre forêts du nord-est et forêts du sud ? Sommes-nous certains que ce dispositif atteindra son objectif ? Si tel n'est pas le cas, c'est la péréquation qui sera remise en cause.

Du reste, le diable est dans les détails : vous augmentez les frais de garderie mais, en plus, je remarque que vous supprimez la mention « déduction faite des frais d'abattage et de façonnage des bois » au premier alinéa ; ce faisant, vous faites de ce qui était jusqu'alors une taxe sur des bénéfices une charge, et risquez de décourager des communes qui exploitaient, notamment au nord-est de la France.

Peut-être parviendrez-vous à une convergence dans l'exploitation des forêts françaises, monsieur le ministre, mais je ne suis pas convaincue que vous réussirez à inciter les communes qui sortent peu de bois à en sortir davantage. Dans le même temps, vous prenez le risque de décourager d'autres communes qui, elles, exploitaient beaucoup et fort bien leurs forêts. Où est l'étude d'impact ? Il nous faudrait vraiment connaître les raisons pour lesquelles le bois est exploité ou non.

En vérité, ce devrait être à l'État d'assumer la solidarité entre les communes forestières. La FNCOFOR a signé parce qu'elle a bien compris qu'elle n'obtiendrait rien de plus dans la négociation, et parce qu'elle ne voulait sans doute pas prendre en otage le contrat État-ONF. Je reste toutefois convaincue que l'État ne prend pas toutes ses responsabilités en matière de politique forestière ; je pense même que les idées saugrenues de privatisation des activités rentables de l'ONF, évoquées dans la fameuse note de Bercy, n'ont pas été définitivement enterrées.

M. le président. L'amendement n° II-389, présenté par M. Piras, Mmes Nicoux, Bourzai, Herviaux et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 7, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

à l'exception de ceux provenant d'une installation relevant d'une activité de service public.

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les pertes de recettes résultant, pour l'Office national des forêts, du I sont compensées à due concurrence par la création et l'affectation d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts

La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Nous voterons cet article 48, pour les raisons développées par Mme Didier.

Je ne reviendrai pas sur le débat relatif à l'Office national des forêts, que nous avons déjà eu lors de la discussion générale.

Le présent amendement vise à attirer l'attention sur la modification de la définition de l'assiette des frais de garderie.

Monsieur le ministre, l'amendement du Gouvernement adopté à l'Assemblée nationale tend à préciser que sont désormais pris en compte, dans l'assiette des frais de garderie au titre des produits des forêts, les produits issus de la chasse, de la pêche et des conventions ou concessions de toute nature liées à l'utilisation ou à l'occupation de ces forêts, ainsi que tous les produits physiques ou financiers tirés du sol ou de l'exploitation du sous-sol.

Cette dernière précision a suscité quelques interrogations et l'inquiétude de certains élus locaux.

Vous n'êtes pas sans savoir que la définition de l'assiette des frais de garderie a déjà généré plusieurs contentieux, car certaines communes ne sont pas d'accord pour intégrer dans cette assiette des produits issus d'installation relevant d'une activité de service public.

Notre collègue Bernard Piras a été saisi de ce problème par quatre communes qui avaient accepté l'installation d'un centre d'enfouissement technique d'ordures ménagères sur leur territoire forestier. Pendant trente ans, l'ONF n'a pas demandé de frais de garderie aux communes, jusqu'à l'extension de l'installation, ce qui a incité les communes concernées à ouvrir une procédure contentieuse devant le tribunal administratif.

Vous savez, monsieur le ministre, qu'il n'est pas aisé de trouver un terrain pour des installations de traitement ou de stockage des déchets. Certains terrains nus inclus dans le zonage de parcelles forestières peuvent être utilisés à cette fin.

Vous en conviendrez, les communes qui acceptent ces installations sur leur territoire font déjà preuve d'une indéniable solidarité territoriale.

N'est-il pas possible d'exclure explicitement de l'assiette des frais de garderie les produits issus d'installations relevant d'une activité de service public et, au-delà, les antennes, les pylônes, voire les stations d'épuration qui peuvent se trouver sur ces territoires ?

Dans l'hypothèse d'une réponse négative, monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter des clarifications sur la charge financière nouvelle qui pèsera sur les communes du fait de cette extension de l'assiette des frais de garderie ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Cet amendement tend à exclure de l'assiette des frais de garderie versés à l'ONF, qui constituent, malgré leur dénomination, une ressource pour l'Office, les produits issus d'une installation relevant d'une activité de service public.

Les auteurs de l'amendement souhaitent régler ainsi des cas particuliers qui ont pu engendrer des difficultés d'interprétation. La commission comprend leurs motivations, mais elle imagine qu'il existe d'autres cas litigieux que ceux cités par Mme Bourzai, au-delà des installations d'enfouissement des déchets ménagers.

Je souhaiterais donc que M. le ministre nous communique une estimation de la perte de recettes qui résulterait de l'adoption de cet amendement et une typologie des cas d'espèce.

Dans l'attente de ces éléments, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. Michel Delebarre. C'est de la sagesse de rapporteur !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. L'avis du Gouvernement est défavorable, dans la mesure où l'adoption de cet amendement risquerait de compliquer excessivement un dispositif qui vise à assurer des ressources pérennes à l'ONF.

Cette contribution de 2 euros par hectare, ce qui semble raisonnable, devrait permettre de mieux gérer la forêt. Si je comprends la logique de la distinction proposée par les auteurs de l'amendement, celle-ci me paraît cependant difficile à mettre en oeuvre. Je rappelle également que le produit de cette taxe est estimé à 5,6 millions d'euros environ : il s'agit donc d'une ressource importante pour l'ONF.

Enfin, je réaffirme mon opposition farouche, en tant que ministre de l'agriculture, à toute perspective de privatisation de l'ONF.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-389.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 48, modifié.

(L'article 48 est adopté.)