V. RAPPORT SÉNAT N° 107 (2011-2012) TOME III ANNEXE 23

Commentaire : le présent article tire les conséquences de la réforme de la fiscalité locale et de la suppression de la taxe professionnelle sur la définition des indicateurs de ressources des communes et des établissements publics de coopération intercommunale, utilisés notamment pour la répartition des concours de l'Etat et dans le cadre de la péréquation.

I. LES DISPOSITIONS PROPOSÉES POUR LES COMMUNES

Les potentiels fiscal et financier des communes sont, traditionnellement, utilisés comme critère non exclusif de répartition des dotations de fonctionnement versées par l'Etat dans le cadre de la péréquation verticale (DSU, DSR, DNP) mais également comme critère d'éligibilité à certaines dotations d'équipement (DETR, DDU) ou à des concours spécifiques (dotation élu local).

Ils sont également utilisés, dans le cadre de la péréquation horizontale, par le mécanisme du Fonds de solidarité des communes de la Région Ile-de-France et par le nouvel instrument du Fonds de péréquation intercommunale et communale créé par la loi de finances pour 2011 et dont les modalités de fonctionnement sont précisées par le présent projet de loi de finances.

La suppression de la taxe professionnelle et la réforme de la fiscalité locale qui l'a suivie ont rendu obsolètes les anciennes définitions du code général des collectivités territoriales qui se référaient aux quatre impositions directes locales.

En conséquence, la loi de finances pour 2011 (n° 2010-1657 du 29 décembre 2010) a prévu des définitions provisoires applicables en 2011 et posé les pistes des nouvelles définitions, applicables à compter de 2012. Votre commission des finances avait alors considéré cette démarche comme prématurée. De fait, le présent projet de loi de finances, qui tire les leçons des réflexions menées tout au long de l'année par les commissions des finances des deux Assemblées et le comité des finances locales, est contraint à modifier les définitions résultant de l'article 183 de la loi de finances pour 2011.

C'est l'objet des I (potentiel fiscal), IV (potentiel financier) et V (potentiels par habitant) du texte, proposé par le I du présent article, pour l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales.

Le tableau suivant présente les écarts entre les définitions successives issues des textes antérieurs à la réforme de la taxe professionnelle, de la loi de finances pour 2011 et proposées par le présent article.

Définition des potentiels communaux

Avant la loi de finances pour 2011

Loi de finances pour 2011

Projet de loi de finances pour 2012

Potentiel fiscal

Bases des taxes sur le foncier bâti et non bâti, de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle x taux moyen national

+ compensation versée au titre de la suppression de la part salaires des bases de taxe professionnelle

Bases des taxes sur le foncier bâti et non bâti et taxe d'habitation x taux moyen national

+ bases de cotisation foncière des entreprises x taux moyen national

+ produit de la CVAE

+ produit des IFER

+ compensation versée au titre de la suppression de la part salaires des bases de taxe professionnelle

+ montants perçus de la DCRTP ou du FNGIR

Bases des taxes sur le foncier bâti et non bâti et taxe d'habitation x taux moyen national

+ bases de cotisation foncière des entreprises x taux moyen national

+ produit de la CVAE

+ produit des IFER

+ produit de taxe additionnelle à la TFNB

+ produit de la taxe sur les surfaces commerciales

+ compensation versée au titre de la suppression de la part salaires des bases de taxe professionnelle

+ montants nets perçus de la DCRTP ou du FNGIR

+ produit du prélèvement sur le produit des jeux

+ produit de la taxe « remontées mécaniques »

+ produit de la surtaxe sur les eaux minérales

+ produit de la redevance des mines

Potentiel financier

Potentiel fiscal

+ dotation forfaitaire perçue l'année précédente

- compensation part salaires

Idem

Idem

- prélèvement effectué si la TaSCom transférée est supérieure à la dotation de compensation de la part salaire

Potentiel par habitant

Potentiel fiscal / nombre d'habitants au sens DGF

Idem

Idem

Source : commission des finances

Le II du texte, proposé par le I du présent article, pour l'article L.2334-4 du CGCT traite du cas des communes membres d'un EPCI à fiscalité professionnelle unique ou de zone (FPU ou FPZ).

Il prévoit que le potentiel fiscal de ces communes est majoré de l'attribution de compensation perçue l'année précédente.

S'agissant de la ventilation, entre les communes membres, de l'ensemble des ressources propres de l'EPCI (total des ressources -  total des attributions de compensation), le présent article propose de l'effectuer au prorata de la population de ces communes .

Les recettes concernées sont :

- le produit perçu par l'EPCI au titre de la CVAE, des IFER, de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur le foncier non bâti et de la TaSCom ;

- le produit déterminé par l'application aux bases intercommunales d'imposition de CFE du taux moyen national d'imposition à cette taxe ;

- le produit déterminé par l'application aux bases intercommunales d'imposition à la TH du groupement du taux moyen national de cette taxe ;

- le montant perçu par le groupement au titre de la dotation de compensation de la suppression de la part salaire de la taxe professionnelle perçue par le groupement.

Comme dans le régime en vigueur avant la réforme des finances locales, la ventilation des ressources de l'EPCI ne s'appliquerait pas la première année d'application des dispositions relatives à la fiscalité professionnelle unique ou de zone.

Le texte proposé prévoit enfin que lorsque le groupement de communes ou le syndicat mixte a été transformé en EPCI à TPU ou TPZ, le potentiel fiscal des communes membres est augmenté de la correction du potentiel fiscal, prévue par l'article 11 de la loi n° 80-10 du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale 1 ( * ) .

Le II du présent article modifie la définition de l'effort fiscal , fixée par l'article L. 2334-5 du CGCT.

L'effort fiscal est actuellement défini comme le rapport entre, d'une part, le produit des impôts, taxes et redevances, perçus l'année précédente par la commune et par les établissements publics de coopération intercommunale sur le territoire de celle-ci et, d'autre part, le potentiel fiscal, à l'exception de la part de ce potentiel correspondant à la taxe professionnelle.

Le présent article propose de ne retenir, pour la notion de potentiel fiscal utilisé dans le calcul de l'effort fiscal, que la fraction du potentiel fiscal relative à la taxe d'habitation, la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non-bâties et la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non-bâties .

En parallèle, le III du présent article complète la liste des impôts et taxes dont le produit est pris en compte pour le calcul de l'effort fiscal par la mention de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

Enfin, le V du présent article traite du cas spécifique des communes membres d'un syndicat d'agglomération nouvelle , pour lesquelles, dans la définition du potentiel fiscal, la référence à l'attribution de compensation est remplacée par la référence à la dotation de coopération qui en est l'équivalent.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ POUR LES EPCI

Le paragraphe IV du présent article propose une nouvelle définition du potentiel fiscal des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et modifie en ce sens l'article L. 5211-30 du CGCT.

La définition actuellement en vigueur prévoit, pour toutes les catégories d'EPCI à fiscalité propre, que le potentiel fiscal est calculé par application, à leurs bases brutes d'imposition aux quatre taxes directes locales, du taux moyen national constaté pour la catégorie d'établissement à laquelle un EPCI appartient. Ce montant est majoré de la compensation de la suppression de la part salaire.

Cette règle générale souffre deux exceptions :

- pour les communautés de communes à FPZ, cette majoration est pondérée par le rapport entre le taux moyen national et le taux appliqué dans la communauté de communes en 1998 ;

- le potentiel fiscal des communautés d'agglomération issues de la transformation des syndicats d'agglomération nouvelle (SAN) est pondéré par le rapport entre les bases brutes par habitant de CFE des communautés d'agglomération et la somme des bases brutes par habitant de CFE des SAN et de ceux d'entre eux qui ont été transformés en communauté d'agglomération, sous réserve que ce rapport soit inférieur à 1.

Le texte du présent article propose que le potentiel fiscal d'un EPCI soit désormais égal à la somme :

- du produit déterminé par application aux bases intercommunales du taux moyen national, pour la taxe d'habitation, les deux taxes foncières et la CFE ;

- du produit intercommunal de la CVAE, des IFER, de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier bâti et de la TaSCom ;

- des montants positifs ou négatifs de la DCRTP et du FNGIR ;

- du montant perçu l'année précédente au titre de la dotation de compensation de la suppression de la part salaire.

Le régime dérogatoire des communautés d'agglomération issues de la transformation des syndicats d'agglomération nouvelle (SAN) est maintenu.

Par coordination, le 2° du paragraphe IV du présent article modifie et actualise les impositions prises en compte pour le calcul du coefficient d'intégration fiscale (CIF) 2 ( * ) . Il substitue, à la référence aux quatre taxes directes locales, la référence à la taxe d'habitation, aux taxes foncières, à la CVAE, à la CFE et aux IFER ainsi qu'à la TaSCom.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté sept amendements rédactionnels au présent article. Elle a également adopté deux amendements de fond .

Le premier a été voté à l'initiative de nos collègues députés Bernard Carayon, rapporteur spécial et Gilles Carrez, rapporteur général, avec l'avis favorable du Gouvernement. Il vise à exclure la taxe communale sur les remontées mécaniques de la définition du potentiel fiscal des communes. Comme le soulignent les auteurs de l'amendement « cette taxe est une taxe affectée qui ne vient donc pas augmenter les marges financières dont les communes pourraient disposer librement. En l'état, ce dispositif priverait les communes supports de stations de montagne d'une partie de leurs ressources et grèverait leur capacité de financement des investissements. Or, ces investissements concourent à maintenir voire améliorer la qualité de l'offre touristique afin de conforter l'attractivité des stations de montagne et leur compétitivité au regard des autres destinations d'hiver (stations de ski étrangères ou soleil d'hiver). »

Le second amendement a été adopté à l'initiative des mêmes auteurs avec l'avis favorable du Gouvernement. Il vise à apporter une légère modification au calcul du potentiel fiscal des communes afin de prendre en compte de manière progressive les modifications apportées par la réforme de la taxe professionnelle aux transferts de fiscalité effectués en application de la loi du 10 janvier 1980.

Les auteurs de l'amendement observent que « la réforme de la taxe professionnelle a en effet prévu que les transferts de fiscalité puissent désormais être opérés sur la base des impositions suivantes : CVAE, CFE, IFER, taxe additionnelle sur le foncier non bâti. Or, les conventions ne pourront vraisemblablement pas être conclues dans les délais nécessaires au calcul du potentiel fiscal pour l'année 2012 ». Il est donc proposé, à titre exceptionnel, de retenir les données prises en compte pour la répartition 2011.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Vos rapporteurs spéciaux prennent acte de la décision de l'Assemblée nationale de soustraire la redevance « remontées mécaniques » du calcul du potentiel fiscal des communes, au motif qu'elle est une taxe affectée. Ils souhaitent, sur le présent article, appliquer les conclusions du groupe de travail constitué au sein de la commission des finances sur la mise en oeuvre de la péréquation horizontale.

En conséquence ils vous proposent par amendements :

- de rapprocher, dans la rédaction de l'article proposé, la cotisation foncière des entreprises des autres ressources fiscales sur lesquelles les communes ont encore du pouvoir fiscal, taxe d'habitation et taxes foncières ;

- d' ajouter à la définition du potentiel fiscal des communes :

1 le produit du prélèvement sur les paris hippiques créé par la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne ;

2 le produit de la taxe communale additionnelle aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ou les versements des fonds départementaux pour les communes qui ne perçoivent pas directement la taxe ;

- de créer une notion nouvelle d'« indicateur des ressources élargi » permettant de cumuler, au potentiel financier communal, les dotations de péréquation verticale suivantes, versées directement ou indirectement par l'Etat :

1 dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU-CS) ;

2 dotation de solidarité rurale (DSR) ;

3 dotation nationale de péréquation (DNP) ;

4 versements reçus des FDPTP.

- de créer une notion nouvelle d' « indicateur des ressources élargi » pour les EPCI , intégrant la dotation d'intercommunalité.

Ces indicateurs de ressources élargis seront utilisés pour mesurer la progression vers l'objectif de rapprochement des ressources des collectivités à l'échéance de dix ans, telle qu'il est proposé à l'article additionnel avant l'article 53.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.


* 1 Cet article vise notamment le cas ou des EPCI créés à la place de syndicats ont institué des mécanismes conventionnels de péréquation financière dégressive.

* 2 Le coefficient d'intégration fiscale (CIF) est l'un des outils de la répartition de la dotation d'intercommunalité ; il permet de mesurer le niveau d'intégration d'un EPCI à travers le rapport entre la fiscalité qu'il perçoit lui-même et la totalité de la fiscalité perçue sur son territoire par les communes et leur groupement. À ce titre, il constitue donc un indicateur le plus fiable possible de la part des compétences exercées au niveau du groupement.