MM. Richard YUNG et Roland du LUART

SECONDE PARTIE
ANALYSE DES TROIS PROGRAMMES DE LA MISSION

I. LE PROGRAMME 105 « ACTION DE LA FRANCE EN EUROPE ET DANS LE MONDE »

A. LE PROGRAMME EN QUELQUES CHIFFRES

Le programme « Action de la France en Europe et dans le monde » regroupe 1 844,6 millions d'euros en AE et 1 852 millions d'euros en CP , soit 62,7 % de l'ensemble des crédits de paiement de la mission. A périmètre constant, les crédits du programme diminuent de 1 % par rapport à 2013 .

Ce programme rassemble 8 082 ETPT , ces effectifs servant dans les directions et services suivants :

- état-major du ministère ;

- inspection générale, conseil des affaires étrangères, conseillers diplomatiques du Gouvernement, direction de la prospective, centre de crise ;

- direction générale des affaires politiques et de sécurité ;

- direction de l'Union européenne ;

- direction des affaires juridiques ;

- direction de la coopération de sécurité et de défense ;

- direction générale de l'administration et de la modernisation ;

- directions dont l'action « soutient et prolonge l'action diplomatique » (protocole, archives, etc.) ;

- experts nationaux détachés servant dans les institutions de l'Union européenne (UE) et diplomates d'échange, placés auprès des ministres des affaires étrangères d'autres pays de l'UE ;

- personnels du programme exerçant dans les ambassades bilatérales et les représentations permanentes ;

- personnels servant au support d'autres programmes du MAE (voire d'autres ministères) lorsque les nécessités locales du service l'exigent.

Ce programme est scindé en six actions, dont les crédits se répartissent de la façon suivante :

Répartition par action des crédits demandés pour 2014 pour le programme 105

Intitulé de l'action

Autorisations d'engagement
(en euros)

Crédits de paiement (en euros)

En % des CP
du programme

Coordination de l'action diplomatique

87 956 112

87 956 112

4,7 %

Action européenne

49 596 283

49 596 283

2,7 %

Contributions internationales

803 329 055

803 329 055

43,4 %

Coopération de sécurité et de défense

94 321 357

94 321 357

5,1 %

Soutien

229 451 331

236 851 331

12,8 %

Réseau diplomatique

579 987 000

579 987 000

31,3 %

Source : projet de loi de finances pour 2014, annexe « Action extérieure de l'Etat »

B. LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DES CRÉDITS DEMANDÉS POUR 2014

Le projet annuel de performances de la mission annexé au présent projet de loi de finances livre de manière précise la nature des crédits demandés pour l'exercice à venir.

En conséquence, pour ce programme comme pour les autres, vos rapporteurs spéciaux se limiteront à souligner les chiffres saillants et les principales évolutions par rapport à l'année dernière.

1. La diminution significative des contributions internationales

Pour 2014, la baisse des crédits du programme est avant tout celle des contributions internationales , qui « pèsent » plus de 40 % du total.

Celles-ci passent, en effet, de 845,8 millions d'euros à 803,3 millions en une année (- 5 %) .

Dans ce total, ce sont les opérations de maintien de la paix (OMP) qui évoluent le plus favorablement (- 26,5 millions d'euros) mais l'ensemble des contributions du système des Nations Unies évoluent à la baisse (la cotisation à l'ONU elle-même passant ainsi de 116,2 millions d'euros en 2013 à 108,8 millions d'euros l'année prochaine).

2. L'augmentation des dépenses de personnel

Comme cela a été souligné en première partie pour l'ensemble de la mission, la diminution des effectifs (- 86 emplois sur le programme 105 en 2014, soit - 1,1 %) ne se traduit pas par une diminution des charges de personnel.

Pour ce qui concerne le programme 105, les dépenses de « titre 2 » devraient ainsi passer de 587,6 millions d'euros en 2013 à 608,3 millions d'euros pour l'exercice à venir .

Cette croissance montre bien la difficulté à tenir ce poste de dépense, le MAE subissant des pressions inflationnistes spécifiques pour ses personnels basés hors de France.

D'autre part, sans que cela ne constitue un véritable enjeu budgétaire, il est regrettable que les recommandations formulées l'année dernière par votre rapporteur spécial Richard Yung dans le cadre de son contrôle budgétaire relatif aux ambassadeurs thématiques 7 ( * ) n'aient été suivies d'aucun effet . Au contraire, des créations de nouveaux postes sont épisodiquement annoncées (en dernier lieu, celle d'un ambassadeur en charge des questions sportives) sans qu'en face, des suppressions de postes équivalentes aient été opérées. C'est pourquoi un amendement de réduction de crédit sera proposé sur cette ligne spécifique afin de souligner la volonté du Parlement de maîtriser ces postes parfois attribués, comme souligné l'année dernière, dans des conditions juridiques discutables.

3. L'augmentation des dépenses de sécurisation des postes

En revanche, parmi les dépenses véritablement choisies du ministère, la priorité du programme concerne la sécurisation des postes .

Cette priorité trouve une traduction concrète dans ce budget, avec une augmentation de plus de 34 % de cette ligne , qui passe de 31,1 millions d'euros à 41,8 millions. On relève, en particulier, une hausse des dépenses liées à la sécurisation passive des postes (+ 4,6 millions d'euros) ainsi que l'apparition d'une ligne de 3 millions d'euros afin de financer l'achat de véhicules blindés.

De plus, hors budget, ces dépenses de sécurisation bénéficieront de l'apport de 10 millions d'euros en provenance du compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » , qui porte le produit des cessions effectuées par le MAE à l'étranger.

C. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Un appui aux priorités budgétaires affichées par le ministère

Tout d'abord, vos rapporteurs spéciaux appuient la priorité affichée à la sécurisation des postes , tant les tensions se sont accrues dans certaines parties du monde et tant l'actualité a montré, ces dernières années, que des ambassades ou des consulats pouvaient être la cible d'opérations terroristes.

La sécurité des personnels qui servent la France est, bien entendu, primordiale, et justifie pleinement la très forte augmentation de ce poste budgétaire, même dans un contexte financier contraint.

2. La nécessité d'un suivi vigilant des contributions internationales

S'agissant des contributions internationales, leur évolution à la hausse a, par le passé, souvent fait peser une forte contrainte budgétaire sur le programme 105.

Cette année, ce sont elles qui, au contraire, apportent une certaine souplesse au niveau des demandes de crédits, du fait, en particulier, de la forte diminution des dépenses liées aux OMP.

Vos rapporteurs spéciaux n'ont pas d'observation particulière à formuler quant à la sincérité de cette ligne, qui est une dépense « de constatation ». Ils seront, en revanche, attentifs sur son exécution, tant il serait dommageable d'en revenir à la pratique passée de sous-budgétisation délibérée des contributions.

3. Un versement de 22 millions d'euros du CAS immobilier en décalage avec les besoins d'entretien lourd du ministère

S'agissant enfin des dépenses immobilières du ministère, objet l'an dernier d'un contrôle budgétaire de votre rapporteur spécial Roland du Luart 8 ( * ) , le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » fera l'objet de deux ponctions à caractère exceptionnel :

- d'une part, comme indiqué supra , afin de contribuer, pour 10 millions d'euros, aux dépenses de sécurisation des postes à l'étranger. De fait, cette dépense n'est pas sans relation avec l'objet même du CAS qui, jusqu'à présent et encore en 2014, finance les acquisitions mais aussi (en grande partie) l'entretien immobilier lourd du MAE à l'étranger ;

- d'autre part, une contribution de 22 millions d'euros au désendettement de l'Etat .

Cette dernière dépense apparaît beaucoup plus discutable au vu des réels besoins d'entretien du propriétaire que vos rapporteurs spéciaux ont pu observer dans de nombreux postes diplomatiques ou consulaires.

A cet égard, il convient de rappeler que le mode de financement de ces dépenses d'entretien (à la fois hors budget et hors CAS « Entretien des bâtiments de l'Etat ») constitue une exception qui a vocation à prendre fin. En effet, aux termes de l'article 47 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, « les produits de cessions de biens immeubles de l'Etat (...) sont affectés à son désendettement à hauteur d'un minimum de (...) 30 % en 2014 », cette contribution ne s'appliquant cependant pas, entre autres, aux produits de cession des immeubles domaniaux situés à l'étranger, jusqu'au 31 décembre 2014 .

Sauf décision contraire de la prochaine loi de finances, les cessions du MAE sur ses immeubles sis hors de France contribueront donc au désendettement à hauteur de 30 % en 2015.

Néanmoins, les lois de finances successives ont largement utilisé ce « privilège » du MAE afin de réduire (voire parfois d'annuler purement et simplement) les crédits budgétaires dévolus à l'entretien du propriétaire de ses immeubles de l'étranger. Ainsi, pour 2014, seuls 2,2 millions d'euros seront affectés à cet usage, alors que le besoin annuel est de l'ordre de 12 millions d'euros .

De ce point de vue, la « contribution exceptionnelle » de 2014, qui n'est peut-être qu'une anticipation, constitue une entorse au contrat .

Au-delà de l'enjeu immédiat (bien réel, encore une fois) de la ponction de 22 millions d'euros sur le CAS en faveur du désendettement de l'Etat, la véritable question est donc celle de l'avenir de ce système .

Vos rapporteurs spéciaux seront très attentifs au caractère réaliste de la solution pérenne qui devra être trouvée d'ici un an , tant il serait de courte vue de réaliser des « économies » qui se traduiront, à plus ou moins long terme, par une dévalorisation du patrimoine de l'Etat.

A titre beaucoup plus ponctuel, votre rapporteur spécial Roland du Luart se félicite du déblocage du dossier des locaux des anciennes archives du Quai d'Orsay, vides depuis plusieurs années. Selon les informations transmises par le MAE, ce ministère devrait bénéficier d'un financement de 24 millions d'euros sur les 30 millions nécessaires à l'importante opération de réaménagement qui s'impose. Le solde devrait être obtenu, notamment, au moyen de la cession de deux immeubles en France, pour lesquels le MAE devrait bénéficier de la totalité du produit.


* 7 Voir rapport général n° 148 (2012-2013), Tome III, annexe 1.

* 8 Voir rapport général n° 148 (2012-2013), Tome III, annexe 1 précité.