MM. Yannick BOTREL et Joël BOURDIN, rapporteurs spéciaux

II. UNE MISSION À LA PERFORMANCE PERFECTIBLE

A. LES TRAVAUX D'ÉVALUATION CONDUITS RÉCEMMENT OU EN COURS

Le Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux (CGAAER) a procédé à l' évaluation sur 2009 et 2010 de deux actions financées par le programme 775 : le projet de développement agricole et rural de la chambre régionale d'agriculture de Haute-Normandie (PRDAR) et celui d'un organisme national à vocation agricole et rurale (ONVAR), en l'occurrence l'association de formation et d'information pour le développement des initiatives agricoles et rurales (dit « réseau AFIP »). D'après les réponses du Gouvernement au questionnaire de votre rapporteur spécial, les évaluateurs ont conclu à la pertinence et à la cohérence de ces deux projets avec l'objectif de développement durable du programme 775 et ont relevé l' effectivité des actions conduites et leur impact positif sur les enjeux agro-environnementaux et de développement des territoires. Ils recommandent toutefois de développer des partenariats plus étoffés avec les établissements d'enseignement agricole et de recherche et de s'ouvrir davantage aux organismes spécialisés dans le développement de l'agriculture biologique (GAB).

En 2011 et 2012, la réalisation des évaluations , au nombre de trois, a été confiée à des bureaux d'études par appel d'offres . Elles ont démarré en juin 2011 et concernent le programme de développement agricole et rural de la chambre régionale d'agriculture de Lorraine, celui de la chambre d'agriculture de la région Centre et celui d'un ONVAR, le « service de remplacement-France » (anciennement fédération nationale des services de remplacement).

Les enseignements généraux des évaluations des deux programmes de chambres régionales d'agriculture sont sensiblement identiques à ceux produits par les évaluations 2009-2010 ( cf. supra ). Les évaluateurs soulignent l'importance du cadre national de mise en oeuvre (programmation en mode projet, actions obligatoires,...) qui oriente fortement l'activité des chambres régionales.

Les autres enseignements et recommandations produits sont spécifiques à chaque chambre régionale :

- ex. pour le PRDAR Lorraine : renforcer les partenariats avec la recherche, améliorer la définition stratégique de certaines actions ;

- ex. pour le PRDAR Centre : favoriser l'approche « système d'exploitation » afin d'éviter une dichotomie environnement/économie, mettre en oeuvre une stratégie régionale de communication des résultats du programme.

Les enseignements de l'évaluation du programme « Service de remplacement France » sont encore plus spécifiques. Ils portent en particulier sur l'organisation interne de la structure (fonctionnement en réseau, implication des responsables professionnels...) en regard des efforts fait récemment par cette structure pour mieux répondre aux exigences du PNDAR.

En 2013 , le programme de la chambre régionale d'agriculture de Provence-Alpes-Côte d'Azur a fait l'objet d'une évaluation dont les résultats ne sont pas encore connus. Et la chambre régionale d'agriculture de Bourgogne sera évaluée en 2014 .

A côté de ces travaux d'évaluations, des contrôles sont conduits sur l'emploi des subventions du programme 775 :

- avant paiement , un « contrôle approfondi » (sur pièces 36 ( * ) et sur place) de l'utilisation des crédits par différentes chambres régionales d'agriculture a été conduit par les services de la direction générale des politiques agricole, agro-alimentaire et des territoires (DGPAAT) ;

- après paiement , le CGAAER a procédé au contrôle des projets de développement agricole et rural de nombreuses chambres et de Coop de France, syndicat national des entreprises coopératives agricoles, agroalimentaires et agro-industrielles.

Les programmes contrôlés par la DGPAAT ont fait l'objet de remarques visant essentiellement à améliorer la qualité et la lisibilité de leurs comptes-rendus techniques. Des recommandations ont également été faites pour que les chambres contrôlées appliquent l'intégralité des clauses et obligations contenues dans les conventions de subvention (logos CAS-DAR sur les publications, signatures,...) et se dotent systématiquement d'une comptabilité analytique.

Les contrôles réalisés par le CGAAER ont conduit aux recommandations suivantes :

- nécessité de mettre en place des politiques régionales du remplacement agricole précisant notamment les publics prioritaires et les tarifs applicables par région ;

- nécessité d'améliorer et de rendre plus homogènes les outils d'enregistrement des temps de travaux des agents impliqués dans les programmes ;

- recommandation à la DGPAAT d'améliorer les conventions passées avec les ONVAR.

Il convient de souligner que selon les réponses du Gouvernement au questionnaire de votre rapporteur spécial, « les différents contrôles n'ont pas révélé d'anomalies significatives sur l'emploi des fonds du CAS-DAR ».

B. LES APPELS À PROJETS SOUMIS À L'EXPERTISE DE COMITÉS INDÉPENDANTS SONT À RENFORCER EN VUE DE PRÉVENIR TOUTE LOGIQUE D'« ABONNEMENT AUX AIDES »

Votre rapporteur spécial se félicite du financement d'actions par le biais de procédures d'appels à projets (16 millions d'euros en 2014 contre 12,33 millions d'euros en 2012 et en 2013, soit une augmentation de 3,7 millions d'euros). Il plaide pour un accroissement de la part des dépenses destinées à ce type d'actions (12,82 % dans le présente PLF).

Ce souhait résulte notamment du constat déjà formulé relatif à la justification insuffisante des crédits : cette insuffisance ne permet pas de s'assurer que les crédits « fléchés » vers les chambres, les instituts ou les ONVAR vont aux projets de développement et non aux structures elles-mêmes. Dans son rapport annuel pour 2008, la Cour des comptes avait ainsi relevé qu'en matière de développement agricole, « la répartition des aides a toujours été fondée, de fait, non sur la nature des projets, mais sur la reconduction des subventions dans une logique de financement pérenne des structures ». Une telle « logique d'abonnement aux aides » est aux antipodes d'une démarche de performance. Face à ces critiques de la Cour des comptes, qui avait en particulier souligné l'absence d'avis scientifique extérieur et indépendant pour l'analyse des programmes de développement agricole et rural des ONVAR, des comités scientifiques ont été mis en place pour la période 2009-2013 dans les différentes structures concernées. Il en existe ainsi aujourd'hui trois : le comité scientifique de l'APCA, le comité scientifique de Coop de France et le comité scientifique des ONVAR. La présidence de chacun d'entre eux a judicieusement été confiée à une personnalité scientifique désignée par le ministre de chargé de l'agriculture.

Chaque comité est composé d'experts de la recherche, de l'enseignement supérieur, d'organismes de développement agricole ou rural. Les membres sont désignés intuitu personae . Ces comités ont un rôle d'évaluation ex ante . Ils examinent les projets de programmes annuels et émettent un avis extérieur et indépendant, avis fourni à l'organisme concerné et au ministère de l'agriculture. Ils accompagnent également les organismes dans la mise en oeuvre de leur contrat d'objectifs dans le but d'améliorer leurs pratiques.

La prise en compte des avis des Comités scientifiques (quand ceux-ci demandent la réécriture de tout ou partie du programme) fait partie des critères d'examen et d'approbation des programmes.

En dépit de ces avancées, votre rapporteur spécial estime que la justification des dépenses reste insuffisante pour s'assurer que les crédits ne sont pas distribués en vertu d'une logique d'abonnement des organisations par lesquelles ils transitent .


* 36 Ce type de contrôle est systématique pour tous les programmes de développement agricole et rural, sur la base des programmes prévisionnels et des comptes rendus de réalisation des programmes transmis par les organismes, certifiés par les agents comptables ou les commissaires aux comptes.