MM. Thierry FOUCAUD et Claude HAUT, rapporteurs spéciaux

II. LES POLITIQUES PUBLIQUES DE L'ÉDUCATION : LA RÉFORME DES RYTHMES SCOLAIRES ET L'AVENIR DES RASED

A. LA RÉFORME DES RYTHMES SCOLAIRES AU MILIEU DU GUÉ

Suite à la mise en place de la semaine de quatre jours en 2008, les écoliers français avaient le nombre de jours d'école le plus faible des 34 pays de l'OCDE : 144 jours contre 187 jours en moyenne dans l'OCDE, ce qui conduisait à concentrer fortement un volume annuel d'enseignement élevé (864 heures par an contre 799 heures en moyenne dans les autres pays de l'OCDE).

La mise en place des nouveaux rythmes scolaires a ainsi visé à remédier à cette situation en se fondant sur les principes suivants :

- un allègement de la journée de classe de 45 minutes en moyenne ;

- une meilleure articulation des temps scolaire et périscolaire, dans des conditions d'égal accès à des activités d'éveil culturel et artistique pour tous les enfants d'un même territoire.

Le décret n° 2013-77 du 24 janvier 2013 sur la réforme des rythmes scolaires a ainsi prévu :

- le passage à une semaine de 9 demi-journées incluant le mercredi matin (ou le samedi matin, sur dérogation) ;

- une durée d'enseignement de 5 h 30 au maximum par jour ;

- une demi-journée n'excédant pas 3 h 30 ;

- une pause méridienne de 1 h 30 au minimum ;

- des activités pédagogiques complémentaires.

Les durées quotidiennes et par demi-journée de 5 h 30 et 3 h 30 peuvent également faire l'objet de dérogations.

En outre, la mise en place d u « projet éducatif territorial » (PEDT) a visé à coordonner l'action des différents acteurs concernés en matière d'activités périscolaires. Ce document est élaboré conjointement par la collectivité, les services de l'Etat et les autres partenaires intéressés. Il formalise l'engagement des différents partenaires (collectivités, éducation nationale, autres ministères, associations...) à se coordonner pour organiser des activités éducatives et assurer l'articulation de leurs interventions. Il permet donc d'organiser des activités périscolaires prolongeant le service public d'éducation et en complémentarité avec celui-ci.

Les communes avaient le choix de mettre en oeuvre la réforme dès la rentrée 2013, avant une généralisation à l'ensemble du territoire en 2014. Le nombre de communes appliquant la semaine de neuf demi-journées à la rentrée 2013 s'élève à 3 991 . Parmi celles-ci, 2 953 comptent moins de 2 000 habitants et 32 plus de 50 000 habitants. A la rentrée 2013, 1,35 million d'élèves (dont 53 000 scolarisés dans le privé), soit 22,2 % de l'effectif total des élèves du secteur public , sont concernés.

Le nombre de communes ayant décidé le report de cette réforme à la rentrée 2014 s'élève à 18 907, dont 14 925 de moins de 2 000 habitants et 91 de plus de 50 000 habitants.

Conformément à ses attributions, votre commission des finances s'intéresse tout particulièrement aux conséquences financières de la réforme , notamment pour les collectivités territoriales .

L'article 67 de la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école a institué un fonds en faveur des communes mettant en oeuvre la réforme des rythmes scolaires à la rentrée 2013. Les modalités d'organisation du fonds sont précisées par un décret et un arrêté du 2 août 2013 fixant le taux des aides du fonds d'amorçage pour la réforme des rythmes scolaires.

Le fonds est destiné à fonctionner sur les années scolaires 2013-2014 et 2014-2015. Ayant une vocation temporaire et étant centré sur les collectivités qui mettront en oeuvre la réforme dès la rentrée 2013, ce fonds n'a donc pas vocation à compenser le coût - difficilement chiffrable - de la réforme pour les collectivités, mais à les inciter à la mettre en oeuvre dès la première année.

Pour les dotations du fonds, la part forfaitaire a été fixée à 50 euros par élève et la part majorée à 40 euros par élève pour l'année 2013-2014, puis 45 euros pour l'année 2014-2015. Le bénéfice de la part majorée est identifié à partir des listes fournies par le ministère de l'intérieur 6 ( * ) .

En 2013, le ministère de l'éducation nationale abondera le fonds à hauteur de 30 millions d'euros afin de couvrir les dépenses relatives aux acomptes versés au dernier trimestre 2013. En 2014, le fonds bénéficiera de l'apport de 62 millions d'euros du Fonds national d'action sociale (FNAS) qui ont été inscrits dans la convention d'objectifs et de gestion entre la CNAF et l'Etat pour la période 2013-2017.

Comme votre rapporteur spécial Claude Haut l'avait souligné dans son rapport pour avis sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école, le financement de la réforme intervient dans un contexte où les collectivités territoriales sont sollicitées par ailleurs (à hauteur de 1,5 milliard d'euros dans le PLF 2014) pour participer à l'effort de redressement des finances publiques .

Si l'ensemble des associations d'élus entendues par le rapporteur pour avis ont apporté leur soutien au principe de la réforme, en reconnaissant l'amélioration des conditions d'enseignement qu'elle permet, des obstacles avaient été identifiés en amont. Ceux-ci étaient liés à des difficultés pratiques d'organisation, aux contraintes d'un calendrier qui a semblé trop serré à certains élus ou encore, à des raisons financières. Des coûts indirects - sur l'organisation (comme le nettoyage des locaux), la restauration ou encore le transport scolaire - avaient été pointés.

Sur le coût des activités périscolaires, l'Association des maires de France (AMF) avait avancé le chiffre d'un coût net de 600 millions d'euros au moins et jusqu'à 1 milliard d'euros , en se basant sur une enquête réalisée auprès de certaines communes, qui faisait apparaître un coût par élève se situant entre 100 et 150 euros. Pour sa part, le président du comité des finances locales (CFL) a avancé devant votre commission des finances 7 ( * ) le montant de 800 millions d'euros . Enfin, l'Association des maires ruraux de France (AMRF) estime, à partir d'enquête auprès de ses adhérents, que la réforme se traduira par une hausse de 18,8 % du budget consacré par les communes rurales à l'éducation . Pour ces communes, ce budget peut déjà représenter, avant réforme, la moitié du budget de fonctionnement.

Ces différentes remarques restent d'actualité, alors que la réforme a vocation à être généralisée à la rentrée 2014. En tout état de cause, il serait nécessaire, comme le ministre s'y est engagé, de maintenir la part forfaitaire à la prochaine rentrée au regard des besoins de financement avérés, tels qu'ils apparaissent d'ores et déjà dans la mise en oeuvre de la réforme, pour répondre aux attentes des enfants, de leurs parents et de la communauté éducative. Cette position rejoint celle de l'ensemble des associations d'élus. Bien évidemment, ces sommes seront dédiées à la réforme des rythmes scolaires. La question de la pérennisation du fonds méritera toutefois d'être reconsidérée au regard des charges qui pèsent sur les collectivités territoriales .

B. LES RASED : UNE PRIORITÉ À RÉAFFIRMER

La réussite éducative de tous les élèves figure au coeur des ambitions de l'éducation nationale et nécessite une action dès le plus jeune âge. A cette fin, les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) ont été créés en 1990. Ils ont permis l'intervention de professeurs spécialisés et de psychologues scolaires, en renfort des équipes enseignantes.

Toutefois, entre 2008 et 2012, les suppressions de postes dans l'éducation nationale n'ont pas épargné les RASED : quelque 5 000 postes de RASED ont disparu, au détriment de la qualité de l'enseignement pour les enfants qui en avaient pourtant le plus besoin. Les arguments d'organisation semblent avoir essentiellement été mis au service d'une politique de réduction des effectifs, alors que les RASED constituent un outil apprécié et reconnu dans le champ des politiques de l'éducation nationale, comme l'ont observé vos rapporteurs spéciaux à l'issue de leur mission de contrôle budgétaire sur les RASED conduite au premier semestre de l'année 2013.

Sur les 54 000 postes devant être créés dans l'éducation nationale au cours du quinquennat, 7 000 postes nouveaux seront pourvus pour favoriser l'évolution des pratiques pédagogiques, en prévoyant plus de professeurs que de classes pour, « dans les secteurs les plus fragiles ». Une partie de ces 7 000 postes permettra de renforcer l'action des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED). Cette mention des RASED dans la loi d'orientation pour l'école a été introduite par nos collègues députés de la commission des affaires culturelles et de l'éducation lors de l'examen du projet de loi en première lecture.

Des interrogations demeurent toutefois sur l'articulation du programme « plus de maîtres que de classes » avec le rétablissement des moyens des RASED. Concrètement 8 ( * ) , la mise en oeuvre de ce programme signifie que, dans le cadre d'un contrat éducatif et pédagogique entre l'école et les autorités académiques, onze professeurs seront présents pour dix classes dans les zones d'éducation prioritaire ou celles présentant des besoins similaires pour améliorer les résultats scolaires. Les implantations de ces créations de postes répondront donc à des objectifs différents de ceux des RASED, mais dans des zones ayant des besoins éducatifs plus importants pour réduire les inégalités scolaires. Les mêmes territoires ont vocation à bénéficier d'un soutien accru dans le cadre des RASED.

C'est pourquoi, à l'issue de leur mission de contrôle budgétaire, vos rapporteurs spéciaux ont préconisé de rétablir, sur la durée de la législature, les postes de RASED supprimés entre 2008 et 2012, en complémentarité avec le dispositif « plus de maîtres que de classes ».

Après les 100 créations de postes décidées à la rentrée 2012, les données manquent pour la rentrée 2013. Faute de réponse du ministre aux recommandations qu'ils ont formulées dans leur rapport de contrôle budgétaire, vos rapporteurs spéciaux se réservent la possibilité, si cette absence de réponse perdurait, d'évoquer à nouveau la question des RASED en commission des finances, voire en séance publique, et de poursuivre leurs travaux sur le sujet.


* 6 La majoration forfaitaire est réservée aux communes suivantes :

- les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine cible (« DSU-cible »), soit 250 communes de 10 000 habitants et plus et 30 communes dont la population est comprise entre 5 000 et 9 999 habitants ;

- les commune éligibles à la dotation de solidarité rurale cible (« DSR-cible »), soit 10 000 communes de moins de 10 000 habitants ;

- les communes des départements d'outre-mer et de Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi que la collectivité de Saint-Martin.

* 7 Audition précitée devant la commission des finances le 10 avril 2013.

* 8 Ces précisions ont été apportées par la circulaire n° 2008-2012 du 28 décembre 2012 « plus de maîtres que de classes ».