M. Edmond HERVÉ, rapporteur spécial

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LE PROGRAMME 101 « ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE »

- Les moyens du programme « Accès au droit et à la justice » augmentent de 8,8 % en crédits de paiement, en passant de 339,7  millions d'euros à 369,5 millions d'euros .

- Cette évolution résulte principalement de la progression des crédits de l'action n° 1 « Aide juridictionnelle ». L'enveloppe consacrée à l'AJ voit en effet passer sa dotation de 318,2 millions d'euros en 2013 à 347,2 millions d'euros, soit une hausse de + 9,1 % .

- L'effet conjugué de la hausse de l'enveloppe de l'action n° 1 (+ 29 millions d'euros) et de la suppression de la contribution pour l'aide juridique (- 60 millions d'euros), prévue à l'article 61 du présent projet de loi de finances, met en évidence un recul de financement de l'AJ à hauteur de 31 millions d'euros . Ce moindre financement est justifié dans les hypothèses du Gouvernement pour 2014 par une meilleure maîtrise du nombre d'admissions à l'AJ.

- Les hypothèses du Gouvernement se fondent pour 2014 sur une prévision de baisse des admissions à l'AJ de 2,3  % (pour 889 000 admissions au total).

- L'effort financier en faveur de l'aide aux victimes et des associations de médiation familiale est maintenu avec une enveloppe, respectivement, de 13,7 millions d'euros et de 3,2 millions d'euros .

- Le « taux de mise en recouvrement des frais avancés par l'Etat au titre de l'AJ » continue d'enregistrer une performance qui n'est pas satisfaisante : 7 % en prévision actualisée pour 2013 (pour un montant de sommes mises en recouvrement de 17 millions d'euros).

LE PROGRAMME 101  « ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE »

V. LE PROGRAMME 101  « ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE »

A. LA PRÉÉMINENCE DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE (AJ)

Bien qu'il ne contienne que 4,7 % des moyens de la mission « Justice » (en crédits de paiement), le programme « Accès au droit et à la justice » revêt une importance singulière, car il vise à répondre à l'aspiration des citoyens à connaître leurs droits et à pouvoir agir en justice .

L'aide juridictionnelle (AJ) constitue la première action du présent programme, avec 94 % de ses moyens. Le « passage en limitatif » des crédits d'AJ, à compter du 1 er janvier 2006 avec l'entrée en vigueur de la LOLF, a marqué une étape essentielle pour ces dépenses dont, d'une certaine manière, l'ordonnateur est le justiciable, puisque l'AJ est un droit pour ceux qui répondent aux conditions légales.

L'AJ (totale ou partielle) concerne les personnes dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice , en matière gracieuse ou contentieuse, en demande ou en défense, devant toute juridiction, et s'applique aux procédures, actes ou mesures d'exécution. Les prestations sont versées aux avocats par l'intermédiaire des caisses de règlements pécuniaires des avocats (CARPA) 60 ( * ) et directement pour les autres auxiliaires de justice.

Le développement de l'accès au droit et du réseau judiciaire de proximité , objet de l'action n° 2 du présent programme, est mis en oeuvre par les conseils départementaux de l'accès au droit (CDAD), actuellement au nombre de 101. Ces groupements d'intérêt public (GIP) sont des opérateurs de l'Etat chargés, notamment, de coordonner les activités des « maisons de la justice et du droit » (MJD), implantées principalement dans les quartiers difficiles ainsi que les « points d'accès au droit » (PAD). Cette action dispose de 1,4 % des moyens du programme.

La politique d'aide aux victimes d'infraction pénale (action n° 3, dotée de 3,7 % des crédits de paiement du programme) consiste principalement dans le soutien des associations d'aide aux victimes, dont le réseau assure l'accueil, l'information et l'orientation auprès des TGI. L'action vise, également, des dispositifs plus ciblés de réponse en urgence, tels que le numéro 08VICTIMES devenu « 116 006 » 61 ( * ) . Enfin, elle renvoie aux bureaux d'aide aux victimes implantés au sein des TGI.

L'action 4 « Médiation familiale et espaces de rencontre » représente 0,9 % des crédits de paiement du programme et s'inscrit dans les orientations du ministère de la justice qui visent à maintenir les liens familiaux au-delà des séparations et des divorces. L'intégration de dispositions spécifiques sur la médiation familiale dans le code civil et le nouveau code de procédure civile 62 ( * ) a, en effet, été l'occasion de promouvoir ce mode de résolution amiable des conflits et de mieux prévenir les conflits ou leur multiplication. La mise en oeuvre de ces dispositions repose essentiellement sur le réseau des associations et des services de médiation familiale.

Gérés par des associations, des espaces de rencontre parent(s) / enfant(s) , organisent, le plus souvent sur décision du juge aux affaires familiales (JAF), un droit de visite entre un enfant et l'un de ses parents, lorsqu'un accompagnement particulier est requis. La loi précitée du 5 mars 2007 portant réforme de la protection de l'enfance permet au JAF de recourir à un tel espace.

Etant donnée la nature des différentes actions composant le programme, il apparaît logique que la totalité des moyens du programme soient constitués de crédits d'intervention 63 ( * ) .

B. LA MODIFICATION DE L'ÉQUATION BUDGÉTAIRE DE L'AJ

1. La hausse des crédits de l'AJ (+ 9,1 %) et la meilleure maîtrise des admissions pour compenser la suppression de la contribution pour l'aide juridique

Les moyens du programme « Accès au droit et à la justice » augmentent de 8,8 % en crédits de paiement , en passant de 339,7  millions d'euros à 369,5 millions d'euros.

Cette évolution résulte principalement de la progression des crédits de l'action n° 1 « Aide juridictionnelle ». L'enveloppe consacrée à l'AJ voit en effet passer sa dotation de 318,2 millions d'euros en 2013 à 347,2 millions d'euros dans le présent projet de loi de finances, soit une hausse de + 9,1 %.

La trajectoire budgétaire des crédits consentis à l'AJ en 2014 mérite un décryptage particulier. Elle doit être lue en lien avec l'article 69 du présent projet de loi de finances , rattaché à la mission « Justice ». Cet article prévoit la suppression de la contribution pour l'aide juridique instaurée par la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011. Votre rapporteur spécial commente infra cet article. Le produit de la contribution pour l'aide juridique est estimé à 60 millions d'euros . Il vient s'ajouter au budget de l'AJ pour la rétribution des avocats accomplissant des missions d'AJ.

L'effet conjugué de la hausse de l'enveloppe de l'action n° 1 (+ 29 millions d'euros) et de la suppression de la contribution pour l'aide juridique (- 60 millions d'euros) met en évidence un recul de financement de l'AJ à hauteur de 31 millions d'euros .

Ce moindre financement est justifié dans les hypothèses du Gouvernement pour 2014 par une meilleure maîtrise du nombre d'admissions à l'AJ . A la suite des travaux d'évaluation menés dans le cadre de la politique de modernisation de l'action publique (MAP), il est en effet prévu l'année prochaine :

- le renforcement du contrôle sur le traitement des commissions d'office ;

- l'accroissement de la mise en oeuvre du principe de subsidiarité de l'AJ quand les frais de justice peuvent être pris en charge par une assurance de protection juridique ;

- l'amélioration de la mise en oeuvre de l'article 7 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, cet article organisant un filtrage des demandes au regard de leur bien-fondé et de leur recevabilité ;

- la revalorisation l'unité de valeur (UV) utilisée pour le calcul de la rétribution des avocats à l'AJ (avec une application uniforme de ce montant revalorisé à l'ensemble des barreaux 64 ( * ) ). Cette revalorisation est prévue par l'article 61 précité. L'UV passe de 22,50 euros hors taxe (HT) à 22,84 euros HT pour les missions achevées à compter du 1 er janvier 2014.

Le PAP pour 2014 précise en outre qu'« une restriction du champ de l'aide juridictionnelle, résultant de la déjudiciarisation de certains contentieux ou eu égard au montant et à l'intérêt du litige, est également envisageable ».

Les hypothèses du Gouvernement se fondent dès lors pour 2014 sur une prévision de baisse des admissions à l'AJ de 2,3 % (pour 889 000 admissions au total). Cette baisse peut être mise en perspective de la prévision pour 2013 (- 0,7 %) et de la tendance sur moyenne période (+ 1 %).

En conclusion sur cette question du financement de l'AJ , votre rapporteur spécial souligne que différentes pistes peuvent être envisagées en dehors de la contribution pour l'aide juridique. Il rappelle les travaux menés par votre rapporteur spécial alors Roland du Luart et présentés dans son rapport d'information n° 23 (2007-2008), « L'aide juridictionnelle : réformer un système à bout de souffle ».

2. Les autres actions du programme

Les crédits de paiement de l'action n° 2 « Développement de l'accès au droit et du réseau judiciaire de proximité » se stabilisent à 5,3 millions d'euros (montant identique à celui prévu pour 2013). Cette stabilité traduit la pérennité d'une politique cherchant à améliorer le service rendu en matière d'accès au droit. Les crédits demandés permettront d'achever la couverture du territoire en CDAD 65 ( * ) et de maintenir le rythme d'ouverture de nouvelles MJD.

Les crédits en direction de l'action n° 3 « Aide aux victimes » enregistrent une légère augmentation : 0,9 million d'euros supplémentaires, pour une dotation totale de 13,7 millions d'euros. Significative en valeur relative (+ 7 %), cette augmentation témoigne des efforts du ministère de la justice en faveur de la modernisation et du renforcement des dispositifs d'aide aux victimes, avec un accent particulier sur la création de nouveaux bureaux d'aide aux victimes pour les généraliser à l'ensemble des TGI et des TI.

Enfin, les crédits destinés aux associations de médiation familiale et d'espaces de rencontre (action n° 4) se maintiennent à 3,2 millions d'euros. Cette stabilité traduit la continuité d'une politique recherchant un règlement apaisé des conflits familiaux (médiation familiale) et le maintien des liens entre un enfant et ses parents dans des situations où ces derniers ne peuvent les accueillir à leur domicile (espaces de rencontre). Les crédits demandés permettront en particulier de poursuivre, dans deux TGI pilotes, l'expérimentation des dispositifs de « double convocation » et de « tentative de médiation familiale préalable obligatoire » afin de limiter les procédures contentieuses ou de faciliter leur règlement.

C. LES MISES EN RECOUVREMENT : UNE PERFORMANCE TOUJOURS EN DEÇA DU SOUHAITABLE

Le PAP du programme « Accès au droit et à la justice » est essentiellement axé sur deux problématiques : l'AJ et l'aide aux victimes.

Il convient, tout d'abord, de relever une amélioration des délais de traitement des demandes d'AJ par les bureaux d'AJ (BAJ). Ainsi, alors qu'en 2009 18 % des BAJ dépassaient le délai cible de deux mois et que ce taux avait augmenté en 2010 (23 %), il est redescendu à 12 % en 2012 et la prévision actualisée pour 2013 est de 10 % (la prévision pour 2014 est identique).

L'effort de maîtrise du coût de gestion des dossiers d'AJ peine en revanche à faire pleinement sentir ses effets . Le coût de traitement d'un dossier était de 17,09 euros en 2009 et de 16,10 euros en 2012. En prévision actualisée pour 2013, cette charge devrait se situer encore à 16 euros. L'objectif du programme consiste à faire passer ce coût sous la barre des 16 euros l'année prochaine.

En outre, le « taux de mise en recouvrement des frais avancés par l'Etat au titre de l'AJ » continue d'enregistrer une performance qui n'est pas satisfaisante : 7 % en prévision actualisée pour 2013 (pour un montant de sommes mises en recouvrement de 17 millions d'euros). Ce résultat est certes en progrès par rapport à la réalisation en 2012 (1,6 %), mais il ne correspond pas à la prévision fixée pour 2013 (12 %). Le PAP souligne que « l'exigence d'une amélioration significative du taux de mise en recouvrement est rappelée lors des dialogues de gestion avec les entités déconcentrées du ministère de la Justice ».

Le reversement au budget général des montants recouvrés, depuis 2013, ne doit pas avoir pour conséquence un relâchement de l'attention s'agissant des mises en recouvrement .

Concernant l'aide apportée aux victimes, l'indice de satisfaction des victimes d'infraction se stabilise à un niveau de 76 % (en réalisation pour 2012, en prévision actualisée pour 2013, en prévision pour 2014 et en cible pour 2015). Le PAP souligne que « la prévision pour 2014 et la cible pour 2015 se situent au niveau attendu pour 2013 qui apparaît difficile à améliorer de manière significative eu égard aux circonstances conduisant les victimes à s'adresser aux associations chargées de leur venir en aide ».


* 60 Votre commission, en application de l'article 58-2° de la LOLF, a demandé à la Cour des comptes une enquête sur la gestion de l'AJ par les CARPA. Il en a résulté un rapport d'information n° 63 (2008-2009), « Vers un regroupement des caisses de règlements pécuniaires des avocats ? ».

* 61 Ce numéro offre une écoute et une orientation personnalisée, 7 jours sur 7, de 9 h à 21 h.

* 62 Loi n° 2002-305 du 2 mars 2002 sur l'autorité parentale et loi n° 2004-439 du 26 avril 2004 sur le divorce.

* 63 Depuis le 1 er janvier 2007 et afin d'assurer une meilleure gestion des personnels des services judiciaires, les ETPT servant le présent programme sont portés par le programme « Justice judiciaire ».

* 64 Actuellement, aucun barreau ne perçoit sa dotation à partir de la valeur de base l'UV, soit 22,50 euros HT. La valeur de l'UV utilisée est majorée et modulée selon les barreaux. La valeur majorée la moins élevée est pratiquée pour les barreaux de Paris, Nice, Grasse et des Hauts-de-Seine et elle se monte à 22,84 euros HT.

* 65 Le dernier CDAD restant à ouvrir (en Lozère) sera créé en 2014.