Mme Frédérique ESPAGNAC, rapporteure spéciale

II. LES ENJEUX FINANCIERS ET LES ORIENTATIONS DU PROGRAMME 162 EN 2014

A. DES CRÉDITS ( 37,13 MILLIONS D'EUROS EN AE ET 38,33 MILLIONS D'EUROS EN CP) MAJORITAIREMENT DÉDIÉS AUX INVESTISSEMENTS EN CORSE

Les crédits demandés pour 2014 au titre du PITE s'élèvent à 37,13 millions d'euros en AE et à 38,33 millions d'euros en CP , soit une baisse de 9,85 % en AE et de 6,69 % en CP par rapport à 2013.

Les crédits de toutes les actions sont reconduits en 2014. Seules deux actions enregistrent des variations par rapport aux montants inscrits en LFI pour 2013 : l'action 2 « Eau Agriculture en Bretagne », et l'action 8 « Plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe ». L'action 4 « PEI en faveur de la Corse » continue de représenter la part la plus importante du PITE, correspondant à plus de la moitié des AE et des CP du programme. Cette dernière action sera abondée, en outre, par des fonds de concours , à hauteur de 30 millions d'euros en AE et 25 millions d'euros en CP , en provenance de l'AFITF.

Ces crédits sont répartis entre les quatre actions du programme, comme le retrace le tableau ci-après.

Les crédits du PITE pour 2014

(en millions d'euros)

Actions

AE

Part des AE du programme

CP

Part des CP du programme

2 « Eau Agriculture en Bretagne »

7,4

20 %

7,25

19 %

4 « PEI en faveur de la Corse »

22,24

60 %

23,24

61 %

6 « Plan gouvernemental sur le marais poitevin Poitou-Charentes »

4,78

13 %

5,13

13 %

8 « Plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe »

2,71

7 %

2,71

7 %

Total

37,13

100,00 %

38,33

100,00 %

Source : projet de loi de finances pour 2014, avant son examen par l'Assemblée nationale

Votre rapporteure spéciale regrette que le détail des programmes « contributeurs » au PITE ne soit pas précisé dans le PAP de la mission « Politique des territoires », ce qui aurait permis d'assurer leur « traçabilité budgétaire » ainsi qu'une meilleure information du Parlement.

En revanche, elle note avec satisfaction, d'une manière générale, le souci de la « soutenabilité » des engagements de chaque action, au moyen de niveaux de CP ajustés .

Elle salue, en outre, le fait que les actions portées par le PITE poursuivent un objectif d'aménagement durable du territoire . Les objectifs des différentes actions inscrites au programme sont révélateurs de ce point de vue :

- l'action 2 « Eau et agriculture en Bretagne » vise à reconquérir la qualité de l'eau en Bretagne. La totalité des crédits concerne la protection de la nature et de l'environnement ;

- l'action 4 vise entre autres à mettre en valeur l'espace régional corse et à développer notamment des solutions de transport collectif multimodales (train et bus) et des navettes ferroviaires périurbaines. Elle s'inscrit pour plus de 15 % dans le domaine de l'environnement ;

- l'action 6 vise la préservation de la biodiversité, des habitats ainsi que la réhabilitation du caractère de zone humide du Marais poitevin. Elle est en totalité consacrée à la protection de la nature et de l'environnement ;

- enfin, l'action 8 se donne pour objectif d'apporter une réponse aux risques liés à la contamination des sols par le chlordécone, pesticide utilisé en Martinique et en Guadeloupe.

1. La poursuite de la « reconquête » de la qualité des eaux en Bretagne (7,4 millions d'euros en AE, 7,25 millions d'euros en CP)

L'action 2 « Eau Agriculture en Bretagne » est l'une des deux actions du PITE dont le montant inscrit au projet de loi de finances pour 2014 varie par rapport aux montants inscrits en LFI pour 2013.

Ses crédits enregistrent en effet dans le présent projet de loi de finances, par rapport à la LFI pour 2013, une baisse en ce qui concerne tant les AE ( - 35 %, soit une baisse de 4 millions d'euros), que les CP ( - 27%, avec une contraction de 2,7 millions d'euros). Seules certaines mesures font ici l'objet d'une présentation par votre rapporteure spéciale.

L'action a été enrichie depuis 2011 par un axe 5 relatif au « plan de lutte contre les algues vertes » permettant de réduire les quantités d'azote et de phosphore apportées par l'activité agricole. Conçue pour être mise en oeuvre sur plusieurs années, cette mesure concerne huit baies impactées par la prolifération des algues vertes (Concarneau, Douarnenez, Guisseny, Horn Guillec, Locquirec, Saint-Michel, Saint-Brieuc et la Fresnaye).

Dans le présent projet de loi de finances pour 2014, il s'agit d'ouvrir 4,7 millions d'euros d'AE et 4,5 millions d'euros de CP au titre de ce plan, composé d'un un volet curatif et d'un volet préventif .

Les deux volets du « plan de lutte contre les algues vertes »

Le volet curatif

Le ramassage des algues échouées, devenu systématique dans le cadre du plan algues verte, a permis au 1 er septembre 2013, la collecte d'environ 28 100 m 3 , résultat inférieur à celui constaté à la même date en 2012 (46 087 m 3 ), en raison d'une année d'échouage plus faible. De plus, le traitement de ces algues collectées a atteint les 60 500 tonnes en 2013. Enfin, le récent jugement du tribunal administratif de Rennes, du 12 avril 2013, condamnant l'Etat à prendre en charge la totalité des frais de ramassage et de traitement des algues vertes, constitue une jurisprudence dont les implications budgétaires restent à évaluer. La condamnation porte sur 123 000 euros mais le risque budgétaire total est évalué à 4 millions d'euros (dont 1,5 million d'euros au titre de préjudice pour l'image des communes touchées).

Le volet préventif

Il consiste à réaliser des diagnostics dans chaque exploitation en vue de faire un état des lieux et de construire avec chaque exploitant un projet individuel d'évolution de ses pratiques agricoles. Afin d'encadrer cette démarche, une convention d'accompagnement doit être conclue entre les financeurs (Etat, agence de l'eau Loire-Bretagne, Conseil régional et Conseil général), les porteurs de projets (communautés d'agglomération, comité des bassins versants) et les organismes de conseil (chambres d'agriculture, centres d'étude etc.).

Ce volet préventif repose sur le déploiement de projets de territoire dans chacune des huit baies « algues vertes ». Ainsi, le projet de territoire de la baie de Douarnenez a été validé le 23 juillet 2012. Après la Lieue de Grève, Saint-Brieuc et Fouesnant-Concarneau, il s'agit du quatrième territoire qui finalise son projet. La charte de la baie de Locquirec a pour sa part été validée le 18 septembre 2012 par la commission locale de l'eau du schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) Léon-Trégor. Et trois baies ont abouti en à l'hiver 2012-2013 : la Fresnaye, l'anse de Guissény, et la baie de l'Horn-Guillec. Chaque charte, signée par les financeurs, les collectivités et le président de la Chambre départementale d'agriculture concernée, doit désormais être mise en oeuvre, avec pour chacune des baies des enjeux propres et un calendrier défini par le rythme des conclusions des évaluations annuelles. Un travail d'accompagnement auprès de chaque agriculteur a démarré, se basant sur des diagnostics individuels identifiant précisément les marges de progrès des exploitations agricoles, et l'élaboration de contrats individuels qui permettront d'enregistrer les contributions de chaque exploitation aux objectifs stratégiques.

Source : ministère de l'intérieur

Par ailleurs, le « plan d'urgence nitrates » est arrivé à échéance en 2013 . Ses résultats, en termes de respect du niveau de teneur maximale en nitrates , semblent avérés. Sur les neuf prises d'eau concernées par le contentieux , quatre ont été fermées 17 ( * ) et cinq ont atteint un taux de nitrates conforme , à la faveur notamment du versement d'indemnités de contraintes environnementales visant à compenser les baisses de rendement et les pertes d'exploitation liées aux engagements de réduction de la fertilisation.

2. Des moyens en évolution contrastée pour les investissements en Corse (22 millions d'euros en AE, 23 millions d'euros en CP)

L'action « PEI en faveur de la Corse » est dotée par le présent projet de loi de finances de 22,23 millions d'euros en AE et de 23,23 millions d'euros en CP , soit une stabilité des crédits par rapport à la LFI pour 2013.

Cette orientation doit être appréciée conjointement avec celle des fonds de concours prévus au bénéfice de l'action. Dans la continuité des exercices précédents, en mettant en oeuvre la convention signée le 4 juin 2013 et visant la période 2014-2016, l'action visera à :

- mettre à niveau les réseaux et équipements collectifs (couverture en téléphonie mobile et haut débit, approvisionnement en eau, assainissement, lutte contre les inondations, traitement des déchets), pour 12,5 millions d'euros en AE et 10,7 millions d'euros en CP ;

- renforcer les infrastructures de mise en valeur du territoire insulaire (modernisation des abattoirs, groupement d'intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété, développement urbain et logement social), pour 5,5 millions d'euros en AE et 4,9 millions d'euros en CP ;

- résorber le déficit en services collectifs de la Corse (enseignement secondaire, enseignement supérieur et recherche, formation professionnelle, culture et patrimoine, santé), pour 4,3 millions d'euros en AE et 7,6 millions d'euros en CP.

3. L'action en faveur du marais poitevin (4,8 millions d'euros en AE, 5,1 millions d'euros en CP)

L'action « Plan gouvernemental sur le marais poitevin - Poitou-Charentes » bénéficie, dans le présent projet de loi de finances pour 2014, d'un niveau d'AE et de CP identique à celui fixé par la LFI pour 2013.

Poursuivant la mise en oeuvre du plan pour le marais poitevin adopté en 2002, l'action tendra à :

- améliorer la gestion de la ressource en eau (création de réserves de substitution et entretien du réseau hydraulique notamment, pour 1,5 million d'euros en AE et 1,7 million d'euros en CP) ;

- favoriser une agriculture conforme aux enjeux environnementaux du marais (« reconquête » des surfaces en prairies permanentes au moyen d'aides à la reconversion agricole, d'acquisitions foncières et de mesures agro-environnementales), pour 2,1 millions d'euros en AE et 2,2 millions d'euros en CP ;

- préserver les milieux naturels (mise en oeuvre du document d'objectifs du site « Natura 2000 » du marais poitevin, suivi de l'impact des niveaux d'eau sur les milieux du marais, acquisition foncière et actions de protection des milieux sensibles), pour un total de 750 000 euros en AE et 800 000 euros en CP ;

- enfin, gérer et valoriser de façon durable le territoire et le patrimoine du marais, y compris sur le plan de l'attrait touristique (restauration des marais mouillés, « reconquête » du label de « parc naturel »), pour 400 000 euros en AE et CP.

La création en 2011 de l'établissement public du Marais poitevin marque l' abandon progressif de cette action au sein du PITE : si les deux dispositifs cohabitent, c'est avec l'idée que le premier a vocation à remplacer la seconde. Ce remplacement, prévu initialement pour 2013 ou 2014, devrait avoir lieu en 2016 .

4. La poursuite de la mise en oeuvre du « plan chlordécone » en Martinique et en Guadeloupe (2,7 millions d'euros en AE et en CP)

L'action « Plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe » est dotée par le présent projet de loi de finances de 2,7 millions d'euros en AE comme en CP, soit une baisse de 200 000 euros par rapport à la LFI pour 2013. L'ensemble des opérations prévues s'inscrit dans la continuité des axes d'intervention retenus auparavant , suite à la mise en place du « plan chlordécone » depuis 2008. Ainsi, les crédits demandés doivent notamment permettre (en AE et CP) :

- de renforcer la surveillance des denrées alimentaires , consommées ou mises sur le marché, et de soutenir des initiatives professionnelles pour la « traçabilité » des produits et l'information du consommateur, pour 1,85 million d'euros au total ;

- de gérer les milieux contaminés et d'assurer l'information de la population, pour 396 000 euros ;

- d'améliorer la connaissance des milieux , pour 330 000 euros ;

- ou, encore, de financer le programme de protection des autoconsommateurs des produits de la mer, pour 100 000 euros.

5. Des fonds de concours en faveur des investissements en Corse d'un montant proche de celui du programme (30 millions d'euros en AE et 25 millions d'euros en CP)

Au bénéfice du PITE, 30 millions d'euros en AE et 25 millions d'euros en CP sont attendus, d'après le présent projet de loi de finances, à titre de fonds de concours soit plus de 80 % des AE et 66 % des CP demandés pour le programme en 2014. Ce niveau de fonds de concours s'inscrit dans la continuité des exercices antérieurs.

En pratique, l'intégralité de ces fonds de concours doit profiter à l'action « PEI en faveur de la Corse » et sera versée par l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Les fonds seront employés au financement des investissements routiers, ferroviaires et portuaires découlant du PEI.

Votre rapporteure spéciale souligne que cette situation, outre qu'elle impose la définition de circuits financiers complexes, constitue une forme de « débudgétisation » particulièrement importante , en valeur absolue et par comparaison avec les crédits budgétaires.

Ce recours à un financement en-dehors du budget de l'Etat réduit la portée de l'autorisation accordée par le Parlement à l'occasion de l'examen des lois de finances.

Ce procédé a, de plus, pris une grande ampleur pour ce qui concerne le PITE , puisque les fonds de concours qui lui sont destinés sont du même ordre que le budget du programme lui-même.

B. LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION DU PROGRAMME 162

1. L'abandon du plan pour le marais poitevin

Comme on l'a vu plus haut, la création de l'établissement public du Marais poitevin en 2012 marquait l' abandon progressif du plan gouvernemental pour le Marais poitevin. Il convient de noter que dès sa mise en oeuvre, ce plan devait parvenir à atteindre les objectifs qu'il s'était fixé à l'horizon 2014. L' établissement public créé a donc vocation à prendre le relais des actions relatives à la gestion de l'eau et à la biodiversité conduites jusqu'ici dans le cadre du PITE. Au-delà de 2016, cette action ne devrait plus être inscrite au PITE.

2. Une nouvelle action en 2015 ?

En revanche, parmi différents projets présentés par les préfets de région au ministère de l'intérieur, de nouvelles actions pourraient être envisagées en concertation avec les administrations centrales concernées, et en particulier un projet d'action sur le développement de la filière bois en Auvergne-Limousin-Bourgogne . Ce projet s'appuie sur une concertation interministérielle en cours, une première réunion s'étant tenue le 24 juin 2013 à ce sujet. Les précédentes actions ministérielles conventionnelles ne sont effet pas parvenues à structurer suffisamment la filière. La réserve française en bois est la première d'Europe mais une grande partie de la valeur ajoutée de transformation du bois bénéficie aux pays étrangers. Une part croissante de la production de bois brut est, en effet, exportée. L'essence Douglas pourrait, compte tenu de l'imminente maturité des massifs reboisés après guerre grâce au fonds forestier national, justifier une action publique interministérielle coordonnée forte réunissant tout ou partie des six régions concernées (Auvergne, Limousin, Bourgogne, voire Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées).

L'inscription au PITE de cette nouvelle action pourrait être proposée dans le courant de l'année 2014 et se traduire dès le PLF pour 2015 .


* 17 Suite à ces fermetures de prises d'eau non conformes, le PITE a financé des travaux d'interconnexion des réseaux d'eau et l'installation de nouvelles sources de production.