M. Vincent CAPO-CANELLAS, rapporteur spécial

BUDGET ANNEXE
« CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS »

Aux termes de l'article 18 de la loi organique relative aux lois de finances, « des budgets annexes peuvent retracer, dans les conditions prévues par une loi de finances, les seules opérations des services de l'État non dotés de la personnalité morale résultant de leur activité de production de biens ou de prestation de services donnant lieu au paiement de redevances, lorsqu'elles sont effectuées à titre principal par lesdits services. [...]

« Par dérogation [...] , les budgets annexes sont présentés selon les normes du plan comptable général, en deux sections. La section des opérations courantes retrace les recettes et les dépenses de gestion courante. La section des opérations en capital retrace les recettes et les dépenses afférentes aux opérations d'investissement et aux variations de l'endettement ».

La mission « Contrôle et Exploitation aériens » retrace dans le cadre du présent budget annexe, dit « BACEA », les activités de production de biens et de prestation de services de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) .

Le projet annuel de performances pour 2016 rappelle que « comme tous les budgets annexes, le BACEA est présenté à l'équilibre ; ses dépenses sont financées principalement par les recettes tirées de l'activité des services et, le cas échéant, par le recours à l'emprunt ». Le BACEA est donc financièrement autonome et ne perçoit aucune subvention du budget général.

I. UN BUDGET ANNEXE DÉPENDANT DE LA BONNE SANTÉ DU TRANSPORT AÉRIEN

A. LE BACEA RETRACE LES ACTIVITÉS DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DE L'AVIATION CIVILE

1. La direction générale de l'aviation civile (DGAC) assume les responsabilités de l'État dans le domaine de l'aviation civile

Structure unique en son genre en Europe, la direction générale de l'aviation civile (DGAC) concentre l'ensemble des missions de l'État dans le domaine de l'aviation civile :

- elle assure les services de la circulation aérienne auprès des compagnies aériennes, au moyen de ses centres de contrôle en route et de ses tours de contrôle ;

- elle veille au maintien de la sécurité et de la sûreté du transport aérien en assurant la surveillance des industriels, des opérateurs et des personnels navigants ;

-elle est le régulateur économique et social du secteur aérien (compagnies aériennes, aéroports, industries aéronautiques) ;

- elle lutte contre les nuisances , en particulier sonores et atmosphériques , générées par le transport aérien ;

- elle élabore et défend les positions de la France dans les instances internationales qui traitent de l'aviation civile ;

- elle favorise le développement de l'aviation légère.

2. Le BACEA, une mission budgétaire qui rassemble trois programmes

Le programme 613 « Soutien aux prestations de l'aviation civile » regroupe les crédits qui financent l'ensemble des fonctions supports de la DGAC (finances, systèmes d'information, ressources humaines, logistique), soit 1 536,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 1 536 millions d'euros en crédits de paiement (CP) en 2016.

Il porte également la subvention pour charges de service public versée par la DGAC à l'école nationale de l'aviation civile (ENAC) , établissement public administratif qui a pour mission d'assurer la formation initiale et continue des cadres de l'aviation civile.

Le programme 612 « Navigation aérienne » rassemble pour sa part les 528,9 millions d'euros d'AE et les 534,7 millions d'euros de CP destinés au financement des activités de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA), chargée de rendre les services de la navigation aérienne sur le territoire national et dans les espaces aériens confiés à la France par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) pour plus de 3 millions de vols par an .

Elle est responsable des services de contrôle « En-Route » rendus par les centres En-Route de la navigation aérienne (CRNA) et des services d'approche et de contrôle d'aérodrome des 90 aéroports de métropole et d'outre-mer. Son rôle est crucial pour la sécurité des passagers et des populations survolées, ainsi que pour la sûreté du transport aérien.

Enfin, le programme 614 « Transports aériens, surveillance et certification » porte les crédits relatifs à l'exercice des compétences de la DGAC en matière de régulation économique , de développement durable et de respect par l'ensemble des acteurs des règles qui leur sont applicables , soit 44,4 millions d'euros en AE et 44 millions d'euros en CP.

3. Des recettes proportionnelles au niveau du trafic aérien

Les recettes du budget annexe, hors emprunt, devraient s'élever en 2016 à un peu plus de 2 milliards d'euros .

Il s'agit pour l'essentiel de redevances telles que les redevances de navigation aérienne et les redevances de surveillance et de certification (voir infra ), acquittées par les acteurs du transport aérien en rémunération des services rendus par la DGAC .

En outre, le budget annexe perçoit la taxe de l'aviation civile (TAC) , due par les entreprises de transport aérien public en fonction du nombre de passagers et du fret embarqués en France, pour un montant de 393,9 millions d'euros en 2016.

Autrement dit, le budget annexe est exclusivement financé par le secteur du transport aérien. Dès lors, l'évolution du trafic et la bonne santé des compagnies française ont une influence décisive sur son équilibre financier .

B. LA SITUATION TRÈS DIFFICILE DU SECTEUR AÉRIEN FRANÇAIS EST AU CoeUR DES PRÉOCCUPATIONS DE LA DGAC

L'écosystème du transport aérien est principalement constitué :

- des transporteurs , en particulier d'Air France ;

- des aéroports et, en premier lieu, d'Aéroports de Paris , où se situe le « hub » (plateforme de correspondance) d'Air France ;

- et, enfin, de l'État . Ce dernier intervient à plusieurs titres : il définit les règles sociales (droit du travail, niveau des charges), il agit en tant que régulateur et, enfin, il est actionnaire d'Air France (à hauteur de 17,6 %) et d'Aéroports de Paris (à hauteur de 50,6 %).

1. Un trafic aérien qui poursuivra sa forte croissance en 2016

Le trafic aérien devrait connaître en 2015 en France une nouvelle progression de 3 % , due avant tout au trafic international, en forte hausse de 4 % , alors que le trafic intérieur connaîtra dans le même temps une diminution de - 0,5 % .

En 2016, le trafic serait compris entre 147,7 et 153,2 millions de passagers selon les scénarios, avec un taux de croissance médian estimé à 3,1 % . La principale incertitude concerne l'activité du groupe Air France-KLM : une réduction de ses capacités de 2 % entraînerait en effet une baisse de 0,6 point du taux de croissance du scénario médian, qui serait alors ramené à une hausse de 2,5 % (voir infra ).

Évolution du trafic aérien de passagers en France de 2003 à 2013

Source : DGAC

2. Les compagnies aériennes françaises, confrontées à une très forte concurrence, bénéficient trop peu de la croissance du trafic aérien mondial

Le trafic aérien touchant la France a connu une forte croissance de 45 % entre 2003 et 2014 mais a peu profité aux transporteurs français qui ont perdu d'importantes parts de marché tout au long de cette période. La part du pavillon français est ainsi passée de 54,3 % en 2003 à 44,8 % en 2014.

Part du pavillon français dans le trafic total

Source : DGAC

Les difficultés rencontrées par les compagnies françaises s'expliquent avant tout par la très forte concurrence qu'elles subissent de la part :

- des compagnies à bas coût ( Easy Jet , Ryan Air ) sur le segment du court et du moyen-courrier en France et en Europe. Ces compagnies transportent désormais 27 % des passagers, soit 44 % du trafic international intra-européen ;

- des compagnies du Golfe persique ( Ethiad , Quatar Airways, Emirates ) sur le long courrier, en particulier à destination de l'Asie. Le trafic de ces compagnies au départ de la France a connu une croissance fulgurante de 87 % entre 2010 et 2014.

Face à ces acteurs très agressifs d'un point de vue commercial, les compagnies françaises souffrent d'un grave déficit de compétitivité , en raison d'une structure de coûts très défavorable .

a) De nouvelles mesures de compétitivité à partir du plan « Perform 2020 », une nécessité pour garantir l'avenir d'Air France

Confrontée à d'importantes difficultés financières provoquées par ses pertes de parts de marché, la compagnie Air France a mis en place à partir de 2012 le plan « Transform 2015 ».

Ce plan a conduit 6 880 salariés à quitter l'entreprise dans le cadre de plans de départs volontaire entre 2010 et 2014, 800 départs supplémentaires étant prévus en 2015. D'importants gains de productivité ont été demandés aux différentes catégories de personnel.

L'entreprise a également adapté sa stratégie sur de nombreux points :

- développement accéléré de Transavia France 8 ( * ) , devenu le low-cost n° 1 à Orly depuis l'été 2015, lancement puis rapprochement de HOP ! avec Air France, nouveaux partenariats internationaux ;

- restructuration de l'offre moyen-courrier (nouveaux sièges, nouvelle grille tarifaire) et montée en gamme sur le long-courrier (nouvelles cabines) ;

- restructuration de l'offre cargo et poursuite du développement de l'activité de maintenance aéronautique.

Grâce à ces efforts importants, la compagnie est parvenue à réduire progressivement ses pertes d'exploitation et à réaliser un résultat positif en 2014 (hors grève des pilotes en septembre 2014). En raison de la forte demande à l'été et de la baisse des prix du pétrole, le résultat de 2015 devrait marquer une nouvelle hausse 9 ( * ) .

Évolution du résultat d'exploitation d'Air France

Source : Air France

Toutefois, ces résultats restent fragiles et très inférieurs à ceux de compagnies européennes comparables telles que Lufthansa et British Airways . En tout état de cause, ils demeurent insuffisants pour investir et ne permettent pas de rembourser une dette devenue trop élevée.

Les coûts unitaires d'Air France 10 ( * ) sont en effet supérieurs de 15 % à 30 % à ceux de ses concurrents selon les activités. Cet écart provient avant tout des coûts unitaires du travail. Selon la direction d'Air France, l'heure de vol est en effet de 30 % à 40 % plus chère pour les pilotes et 40 % plus chère pour le personnel navigant commercial (PNC). Pour le personnel au sol, les écarts de coûts sont compris entre 10 et 40 % selon les secteurs. Ces différences de coûts proviennent en partie du poids des charges sociales, toujours très excessif dans notre pays, mais également d'un manque de compétitivité .

Air France, un acteur économique incontournable

Les retombées économiques imputables à Air France sont évaluées à 26 milliards d'euros (soit 1,4 % du PIB ) pour 300 000 emplois induits (dont 50 000 emplois au sein du groupe Air France).

Source : EM Strasbourg, étude menée par Herbert Castéran en janvier 2013

Afin d'y remédier, le nouveau Plan « Perform 2020 » proposé par la direction d'Air France vise à améliorer la productivité de l'ensemble des personnels de la compagnie , afin que les coûts unitaires convergent vers ceux des concurrents. Dans cette perspective, les négociations avec les personnels navigants ont pour objet l'accroissement de 100 heures de vol par an à rémunération constante 11 ( * ) .

L'enjeu est de parvenir à une baisse des coûts unitaires, hors change et carburant, de 8,5 % en 2017 par rapport à 2014 et de rendre 80 % des lignes bénéficiaires sur le long-courrier , alors que seule la moitié d'entre elles le sont aujourd'hui. Ce retour à la profitabilité (l'objectif de la direction est un résultat d'exploitation de 700 millions d'euros en 2017) permettrait l'ouverture de cinq nouvelles lignes en 2017-2018.

En l'absence d'accord avec les partenaires sociaux représentant les différentes catégories de personnels, la direction d'Air France pourrait mettre en place un plan d' « attrition », présenté le 5 octobre, dont votre rapporteur spécial considère qu'il représenterait un véritable danger pour l'avenir du fleuron du pavillon français.

Ce plan B prévoit en effet une baisse des capacités en siège-kilomètre offerts 12 ( * ) (SKO) de 10 % (12 % en heures de vol) en 2017 par rapport à 2014, 14 avions sortant de la flotte long-courrier. 5 lignes réalisant des pertes supérieures à 15 % de marge seraient fermées, une partie des lignes feraient l'objet d'une plus grande saisonnalisation tandis que d'autres verraient leurs fréquences réduites. Au total, cette réduction des capacités améliorerait le résultat d'exploitation de 130 millions d'euros.

Les sureffectifs entrainés par cette baisse d'activité concerneraient 2 900 postes d'ici 2017 , dont 1 700 postes au sol, 900 PNC et 300 pilotes. Les départs volontaires seraient privilégiés mais le recours à des départs contraints ne serait pas exclu .

Si les mesures de 2016 sont actées (1 000 départs volontaires, retrait de 5 avions de la flotte), celles de 2017, les plus douloureuses, peuvent encore être amendées par le dialogue social.

L'adoption de nouvelles mesures de compétitivité, à partir du plan « Perform 2020 », apparaît donc indispensable pour lutter à armes égales avec les autres compagnies et éviter un plan d'« attrition » dont les conséquences ne pourraient être, selon votre rapporteur spécial, que néfastes à long terme.

b) Les autres compagnies du pavillon français sont également en proie à d'importantes difficultés

Comme Air France, Corsair, Air Austral et Air Méditerranée ont lancé des plans de restructuration conduisant à une réduction de leurs effectifs et à une refonte de leur réseau . La situation financière d'Aigle Azur est également inquiétante.

D'après Patrick Gandil, directeur général de l'aviation civile entendu par votre rapporteur spécial, Air Caraïbe est la seule compagnie française dont la situation économique et financière puisse réellement être qualifiée de favorable.

3. La signature du nouveau contrat de régulation économique entre l'État et Aéroports de Paris permettra de renforcer l'attractivité du « hub » de Paris

À l'issue d'un bras de fer entre Aéroports de Paris (ADP) et les compagnies aériennes, ADP et l'État ont signé le nouveau contrat de régulation économique (CRE 3) de l'entreprise aéroportuaire à la fin du mois d'août 2015.

Le CRE 3, qui porte sur la période 2016-2020, prévoit une évolution des redevances d'aéroport dont s'acquittent les compagnies aériennes qui utilisent les plateformes de Paris-Charles de Gaulle et d'Orly égale à l'inflation en 2016 puis de 1,25 % par an au-dessus de l'inflation les années suivantes , soit une trajectoire tarifaire inférieure à ceux des deux CRE précédents (2,2 % au-dessus de l'inflation en 2014 et 2015) 13 ( * ) . En outre, il convient de rappeler que les plafonds fixés par le CRE ne sont pas forcément atteints en pratique, l'augmentation des tarifs d'ADP sur la période 2011-2015 n'ayant ainsi atteint le plafond fixé par le CRE qu'en 2011.

Le CRE 3 programme également une nouvelle structure tarifaire , plutôt favorable à Air France, destinée à récompenser la performance des compagnies en incitant à l'augmentation de l'emport ainsi qu'à la concentration du trafic dans de plus gros modules, afin d'optimiser l'usage des infrastructures.

En contrepartie, ADP lancera un programme d'investissements sans précédent de 3 milliards d'euros sur le périmètre régulé 14 ( * ) (soit une hausse des investissements de 50 % par rapport au CRE précédent qui prévoyait un plan d'investissement de 2 milliards d'euros sur la période 2011-2015). Ce programme mettra l'accent sur la maintenance des infrastructures 15 ( * ) , l'optimisation des terminaux 16 ( * ) et l'efficacité de la plate-forme de correspondance de Paris-Charles de Gaulle 17 ( * ) . ADP veillera également à respecter une stricte discipline financière (limitation des augmentations générales de salaires, non-remplacement d'un départ sur deux).

Si les compagnies aériennes françaises ont réagi négativement aux arbitrages rendus par le Premier ministre au cours de l'élaboration du CRE 3, il convient, selon votre rapporteur spécial, de souligner que la stratégie d'ADP leur sera profitable à moyen et long termes , car elles ont tout intérêt à ce que les aéroports parisiens, où elles sont basées, bénéficient d'infrastructures et de services de haut niveau, dans un contexte où eux-mêmes doivent faire preuve de compétitivité pour faire face à la concurrence d'aéroports européens tels que ceux de Londres (Heathrow) et d'Amsterdam (Schiphol) et d'aéroports non européens (Istanbul, aéroports des pays du Golfe persique).

4. Un besoin urgent de mesures nouvelles en faveur de la compétitivité du transport aérien

Le rapport du groupe de travail présidé par notre collègue Bruno Le Roux sur « La compétitivité du transport aérien français » avait permis d'alerter les pouvoirs publics sur les graves difficultés de ce secteur économique . Il avait formulé une série de recommandations destinées à améliorer « l'écosystème » dans lequel évoluent les compagnies du pavillon français.

a) L'exonération de la taxe de l'aviation civile pour les passagers en correspondance dans le cadre du collectif budgétaire pour 2015

Suite aux préconisations du rapport Le Roux, le régime de la taxe de l'aviation civile a été profondément modifié par l'article 92 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2015, dans le but d'améliorer l'attractivité des plateformes aéroportuaires parisiennes .

En vertu de cet article, les compagnies aériennes ont été exonérées du paiement de la TAC à 50 % pour les passagers en correspondance depuis le 1 er avril 2015 et cette exonération sera portée à 100 % à compter du 1 er janvier 2016 .

Afin de compenser la perte de recette subie par le BACEA en raison de cette mesure, la quotité de TAC qui lui est affectée est passée de 80,91 % à 85,92 % au 1 er avril 2015 puis à 93,67 % au 1 er janvier 2016 .

Cette exonération concernera en 2016 12,6 millions de passagers et entraînera une diminution de recettes de 63,5 millions d'euros .

b) D'autres mesures devraient être mises en oeuvre pour améliorer la compétitivité du pavillon français

Si cette mesure constituera un incontestable ballon d'oxygène pour le pavillon français , elle n'est pas suffisante. C'est pourquoi il est nécessaire, selon votre rapporteur spécial, d'envisager d'autres pistes et notamment :

- une affectation à 100 % de la taxe sur l'aviation civile au BACEA afin que l'argent prélevé sur le secteur aérien serve uniquement à améliorer sa compétitivité ;

- un élargissement de l'assiette de la taxe de solidarité (TS) 18 ( * ) qui repose exclusivement sur nos compagnies aériennes. Ce sujet est sensible politiquement et il a peu de chances d'aboutir ;

- un allègement des cotisations sociales du personnel navigant , sur le modèle du régime « shipping » qui soutient l'emploi dans le secteur de la navigation maritime. Une telle mesure, intéressante dans son principe, n'est pas encore mûre d'un point de vue technique et nécessiterait des négociations au niveau européen ;

- un financement par l'État des investissements de sûreté dans les aéroports qui reposent actuellement sur les transporteurs via la taxe aéroportuaire.

c) La nécessité de promouvoir une concurrence loyale

Concernant les compagnies étrangères low-costs qui opèrent en France, nous devons être plus attentifs au respect de nos règles sociales , afin d'éviter les différentes formes de « dumping » qui défavoriseraient le pavillon français. Ryanair a ainsi été condamné en octobre 2013 à 200 000 euros d'amendes et à verser près de 8 millions d'euros de dommages et intérêts aux URSSAF, à Pôle emploi ainsi qu'à plusieurs caisses de retraite.

Ainsi que l'a exposé Patrick Gandil, directeur général de la DGAC, à votre rapporteur spécial, l'Union européenne a engagé depuis 2012 des discussions avec le Conseil de coopération du Golfe (CCG) sur l'instauration d'une concurrence loyale entre les compagnies aériennes sur les lignes long-courriers.

Dans cette perspective, la France a transmis à la Commission européenne et à ses partenaires européens une proposition commune sur ce thème élaborée en partenariat avec l'Allemagne. Cette proposition suggère notamment que l'extension des droits de trafic donnés aux compagnies aériennes étrangères en Europe soit assortie d'un véritable contrôle du mode de fonctionnement de ces compagnies .

Cette stratégie a certes été accueillie très favorablement par la commissaire chargée des transports. Les Pays-Bas, la Belgique, la Suède et l'Autriche ont d'ores et déjà apporté leur soutien à l'initiative franco-allemande.

En outre, sa crédibilité a été confortée par le récent engagement du Sultanat d'Oman auprès de la France : une clause de concurrence loyale entre transporteurs aériens a pu être intégrée dans l'accord entre nos deux pays.

Toutefois, il y a urgence à traiter ce sujet en profondeur. La Commission européenne devrait présenter, d'ici la fin de l'année, une demande pour être autorisée à ouvrir des négociations avec les pays du Golfe, sous la forme d'un mandat qui pourrait être finalisé au cours du premier semestre 2016, sous présidence néerlandaise. Votre rapporteur spécial estime que le Gouvernement pourrait utilement être entendu par le Sénat pour préciser l'objet et les modalités de ce mandat.

Les compagnies du Golfe persique se développent
dans un contexte de concurrence déloyale

Les transporteurs du Golfe, principalement Etihad (basé à Abu Dhabi), Emirates (basé à Dubaï) et Qatar Airways (basé à Doha), dont le marché national est relativement étroit, axent leur stratégie de développement sur une mise en correspondance de nombreuses villes d'Europe avec l'Asie, l'Afrique de l'Est, l'Océan indien et l'Océanie via leurs hubs respectifs. Ces trafics de correspondance représentent 80% des passagers transportés par ces compagnies depuis la France et l'Europe en général.

Le trafic de ces transporteurs au départ de la France a crû de manière considérable, en particulier avec la mise en ligne de l'A380 : plus de 87 % en quatre ans. Dans le même temps, Air France a dû mettre fin à ses services entre Paris et Abu Dhabi et réduire ses dessertes de certains pays d'Asie. Durant la période 2008-2014, la part de marché des compagnies du Golfe entre l'Europe et l'Inde / Asie du Sud-Est a cru de 22 à 34%, tandis que celle des compagnies européennes a chuté de 38 à 27 %.

Etihad Airways , compagnie d'Abu Dhabi, est devenue le principal actionnaire de plusieurs compagnies européennes ( Air Berlin , Alitalia , Darwin ...) et détient une capacité d'influence réelle dans la stratégie de ces compagnies, malgré la règlementation européenne imposant une détention et un contrôle effectif européen des compagnies.

De surcroît, le développement de ces compagnies se fait dans un contexte de concurrence déloyale dénoncée quasi-unanimement par les compagnies aériennes européennes et américaines. Les compagnies américaines American Airlines , Delta et United ont rendu public un rapport très détaillé sur les aides d'État qu'auraient perçues les compagnies du Golfe Emirates , Etihad, et Qatar Airways .

Selon ce rapport, les compagnies du Golfe auraient bénéficié, depuis 10 ans, d'environ 42 milliards de dollars de subventions de la part des États qui les contrôlent , sous plusieurs formes : injection de capitaux publics, prêts et avances non remboursables, garanties d'État, exemptions de taxes et subventions directes. La suspicion est notamment entretenue par le manque de transparence des comptes des compagnies du Golfe qui, pour certaines d'entre elles, ne sont pas publiés.

Source : DGAC


* 8 Transavia, compagnie low-cost appartenant à Air France compte désormais 72 lignes au départ de la France, 21 avions et environ 700 salariés. Elle a doublé son activité en trois ans.

* 9 Entre 2011 et 2015, la marge opérationnelle d'Air France est ainsi passée de 3,6 % du chiffre d'affaires à 8,9 %.

* 10 Les coûts unitaires d'Air France sont rapportés à l'unité de production, le siège-kilomètre-offert (SKO) ou l'heure de vol.

* 11 Soit une cible de 650 heures contre 550 heures sur le moyen-courrier et 750 heures contre 650 pour les PNC et une cible de 690 heures contre 585 sur un moyen-courrier pour un commandement de bord et 780 contre 685 sur long-courrier pour un co-pilote B777.

* 12 Unité de mesure utilisée en transport aérien: elle fournit le volume de sièges sur une ligne donnée. C'est le produit du nombre de sièges offerts par la distance (exprimée en km) qui sépare le point de départ du point de destination.

* 13 La proposition initiale d'ADP présentée dans le dossier public de consultation de janvier 2015 était une augmentation annuelle des redevances de 1,75 % au-dessus de l'inflation. La commission consultative aéroportuaire (Cocoaéro) avait pour sa part, dans son avis du 27 juin 2015, préconisé de fixer les plafonds tarifaires à hauteur de l'inflation + ou - 0,3 %.

* 14 Le périmètre régulé est défini par l'article 1 er de l'arrêté du 16 septembre 2005 relatif aux redevances pour services rendus sur les aérodromes, modifié le 1 er janvier 2011 par l'arrêté du 17 décembre 2009.

* 15 Rénovations à Orly, ainsi qu'aux terminaux 2 B et 2D de Paris-Charles de Gaulle.

* 16 Fusion des terminaux Sud et Ouest à Orly et des terminaux 2B et 2D avec les satellites internationaux du terminal 1 à Paris-Charles de Gaulle.

* 17 Avec notamment la construction d'un trieur de bagages des halls L et M du terminal 2E.

* 18 La taxe de solidarité (TS), qui participe au financement de l'aide au développement dans le domaine de la santé dans le cadre du programme UNITAID confié pour la France à l'Agence française pour le développement (AFD), repose actuellement uniquement sur les transporteurs aériens. En 2014, son produit s'est élevé à 206,7 millions d'euros.