Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale

SECONDE PARTIE
LE CRÉDIT D'IMPÔT COMPÉTITIVITÉ EMPLOI (CICE)

I. LE CICE : UN DISPOSITIF COÛTEUX ET DIFFICILE À PILOTER

A. UN CRÉDIT D'IMPÔT DESTINÉ AUX ENTREPRISES, ASSIS SUR LA MASSE SALARIALE INFÉRIEURE À 2,5 FOIS LE SMIC

Par amendement gouvernemental, la troisième loi de finances rectificative pour 2012 7 ( * ) a prévu la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). En vigueur depuis le 1 er janvier 2013, le CICE prend la forme d'une réduction de l'impôt à acquitter en année n au titre de l'exercice n-1. Codifié à l'article 244 quater C du code général des impôts, le CICE est un avantage fiscal qui concerne les entreprises employant des salariés, soumises à un régime réel d'imposition (ce qui exclut les micro-entreprises et les auto-entrepreneurs), quels que soient leur forme et le régime d'imposition de leur résultat, qu'il s'agisse de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés.

L'assiette de ce crédit d'impôt est constituée par les rémunérations brutes soumises aux cotisations sociales (masse salariale), versées par les entreprises dans la limite de 2,5 fois le salaire minimum en vigueur (smic). Son taux, qui était de 4 % des rémunérations versées au titre de l'année 2013 qui a vu le lancement du CICE, est passé à 6 % à partir du 1 er janvier 2014.

Selon les dispositions des articles 199 ter C et 220 C du code général des impôts, le CICE est imputé sur l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été versées. La partie n'ayant pas trouvé à s'imputer est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée, puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période.

La créance de CICE est néanmoins remboursable l'année même de sa constitution dans certains cas : les PME au sens de la réglementation communautaire, les entreprises nouvelles 8 ( * ) répondant à certaines conditions, les jeunes entreprises innovantes (JEI) et les entreprises faisant l'objet d'une procédure de conciliation ou de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire 9 ( * ) .

La liquidation de l'impôt sur les sociétés

L'impôt sur les sociétés (IS) est liquidé de la manière suivante :

- étape 1 : l'IS brut au titre de l'exercice est calculé (il faut totaliser les montants de l'IS au taux normal, de l'IS à taux réduit, de l'impôt sur les plus-values nettes et de l'IS à un taux particulier) ;

- étape 2 : les créances fiscales de l'exercice qui sont imputables et non restituables au titre de l'exercice sont imputées sur l'IS brut déterminé à l'étape 1 ;

- étape 3 : les créances fiscales de l'exercice qui sont reportables au titre de l'exercice sont imputées sur l'IS brut dû après imputation des créances non restituables déterminé à l'étape 2, le CICE faisant partie des créances fiscales qui sont reportables au titre de l'exercice ;

- étape 4 : les créances fiscales de l'exercice qui sont restituables sont imputées sur l'IS brut dû après imputation des créances reportables déterminé à l'étape 3 ;

- étape 5 : l'IS dû après imputation des créances restituables déterminées à l'étape 4 est comparé aux acomptes versés. Si l'IS dû excède les acomptes versés, la différence constitue le solde à payer. Dans le cas contraire, on constate un excèdent d'IS qui, en principe, donne lieu à une restitution.

Source : réponse du ministère du budget au questionnaire budgétaire

B. UNE DÉPENSE FISCALE TRÈS CONSÉQUENTE ET DONT L'ÉVOLUTION EST DIFFICILE À PRÉVOIR

1. Plus de 20 milliards d'euros de créance sur l'État en 2017

En 2017, la créance des entreprises sur l'État au titre du CICE devrait s'élever à plus de 20 milliards d'euros .

Évolution prévisionnelle de la créance de CICE constituée et consommée
de 2013 à 2017

(en milliards d'euros)

2013

2014

2015

2016

2017

Créances des entreprises vis-à-vis de l'État (au titre de l'année N)

10,6

16,3

17,7

19,5

20,3

Consommation de la créance 2013

6,5

0,8

0,0

3,1

Consommation de la créance 2014

9,2

1,2

0,0

Consommation de la créance 2015

10,0

1,3

Consommation de la créance 2016

11,0

Consommation de la créance 2017

Source : réponse du ministère du budget au questionnaire de la rapporteure spéciale

Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi constitue donc manifestement une nouvelle dépense fiscale, exceptionnellement coûteuse, alors qu'un large consensus s'était formé ces dernières années pour réduire le coût des « niches ».

L'enjeu budgétaire exige que le CICE soit évalué sous l'angle de son efficacité . S'il s'agit des premières années de mise en place du dispositif, et qu'il est donc difficile, à ce stade, de faire un bilan détaillé, plusieurs points d'interrogation peuvent en revanche être soulevés quant à la logique même de cette dépense fiscale.

2. Une évolution difficile à prévoir

Le montant de la créance fiscale au titre de l'année n constitue une extrapolation pour l'année n+1 de la créance constatée début septembre dans les données fiscales . Les prévisions de créance pour les années suivantes s'appuient sur cette extrapolation, sur la créance potentielle recalculée par l'ACOSS et sur des hypothèses d'évolution de la masse salariale. Ces hypothèses sont soumises à de fortes incertitudes, lesquelles augmentent avec l'horizon de prévision.

Ainsi, la créance a été sous-consommée en 2014, sans que l'administration ne puisse en établir clairement la raison. A l'inverse, le CICE a été plus fortement mobilisé que prévu par les entreprises en 2015 et son montant a dû être révisé à la hausse. Ces difficultés de prévision paraissent inhérentes au choix d'une dépense fiscale complexe, qui dépend des décisions d'optimisation des entreprises, et dont les bénéficiaires ne sont pas ciblés.


* 7 Loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012.

* 8 Celles-ci peuvent demander le remboursement immédiat des créances de crédit d'impôt constatées au titre de l'année de création et des quatre années suivantes.

* 9 Ces entreprises peuvent demander le remboursement de leur créance non utilisée à compter de la date de la décision ou du jugement qui a ouvert ces procédures.