M. Marc Laménie, rapporteur spécial

II. ANALYSE PAR PROGRAMME

En tant que programme portant la plus grande part des interventions de la mission, le programme 169 est déterminant pour l'évolution des dépenses de la mission. Il obéit à des données naturelles mais aussi à des mécanismes de revalorisation qui appellent une attention certaine.

Les deux autres programmes qui composent la mission sont, l'un, le programme 167, lié à des actions destinées à favoriser le lien entre la Nation et sa défense. Ce programme est tributaire du calendrier commémoratif mais peut aussi faire l'objet de régulations non-négligeables, compte tenu de son volume, en exécution. L'autre programme (le programme 158) est un réservoir de moyens destinés à indemniser les victimes d'actes de barbarie et de spoliations commis lors de la seconde guerre mondiale. En ce sens, ce dernier programme est également surtout destiné à provisionner des transferts tout en abritant également les moyens d'une action de recherche et d'identification qui doit gagner en efficacité.

A. LE PROGRAMME 167 MAINTIENT SES CRÉDITS D'ORGANISATION DE LA JOURNÉE DÉFENSE ET CITOYENNETÉ ET EN FAVEUR DE LA POLITIQUE DE MÉMOIRE

Les crédits du programme 167 sont stables en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2016.

Toutefois, l'action 01 « Journée "défense et citoyenneté" » bénéficie d'une certaine dynamique de ses moyens, qui progresseraient de 2,6 %, tandis que ceux réservés à l'action 2 « Politique de mémoire » baisseraient de 1,8 %.

La répartition des crédits du programme attribue 40,4 % des crédits à l'action « Journée "défense et citoyenneté" », avec 15,7 millions d'euros (en CP), et un peu moins de 60 % à l'action 2 avec 22,2 millions d'euros (en CP). Cette répartition est toutefois largement faciale, la JDC demandant une importante participation d'autres programmes extérieurs à la mission.

1. La journée « défense et citoyenneté » (JDC) doit rechercher une plus grande efficacité

L'action 01 est consacrée à la Journée « défense et citoyenneté » (JDC) chargée, depuis la réorganisation du service militaire 23 ( * ) , d'assurer la diffusion de l'esprit de défense auprès des jeunes Français dès 18 ans. Cette journée voit sa mise en oeuvre assurée par la direction du service national (DSN) dont les effectifs sont désormais portés par la mission « Défense ».

Bénéficiant d'une enquête réalisée à sa demande par la Cour des comptes, votre rapporteur spécial a établi un rapport sur la JDC au cours de l'année 2016 24 ( * ) , fondé sur le suivi d'une journée entière par votre rapporteur, dont les principales conclusions sont récapitulées dans l'encadré ci-dessous :

Principales conclusions du rapport de votre rapporteur spécial

Les coûts de la journée défense et citoyenneté sont globalement maîtrisés, mais l'évaluation des coûts complets et l'information apportée au Parlement doivent être améliorée.

Priorité doit être donnée au contenu de la journée défense et citoyenneté, que les problématiques d'organisation semblent éclipser.

La journée défense et citoyenneté doit s'appuyer sur les acquis du parcours scolaire obligatoire des jeunes Français pour se recentrer sur l'esprit de défense.

La journée défense et citoyenneté doit véritablement réunir tous les jeunes Français.

La détection des jeunes en difficulté de lecture et des décrocheurs ne doit pas se limiter à alimenter un outil statistique mais permettre la mise en place d'un suivi personnalisé.

Le projet de loi de finances pour 2017 ne traduit pas encore pleinement ces recommandations qui visent à donner encore plus d'efficacité à un rendez-vous majeur pour la Nation.

a) Les coûts réels de la JDC ne sont pas précisément identifiés

La dotation est en légère augmentation par rapport à 2016 (+ 0,4 million d'euros), dans un contexte de hausse du nombre de jeunes appelés à y participer (810 000 jeunes contre 795 000 prévus en programmation 2016).

Les crédits « transports JDC » et « Alimentation » couvrent respectivement les dépenses de déplacement et d'alimentation des jeunes convoqués aux sessions des JDC ainsi que celles relatives aux intervenants et encadrants et représentent la majeure partie des crédits portés par le programme 167 au titre de la JDC.

L'enveloppe des dépenses de transport qui pèse déjà lourdement dans les dépenses de la journée s'alourdirait sensiblement (+ 12 %). Le ministère explique cette dérive par la hausse prévisionnelle du nombre de jeunes convoqués en JDC. Toutefois, celle-ci est sans proportion avec l'inflation des dépenses de transport. Les dépenses d'alimentation, premier poste des dépenses de la JDC, seraient, quant à elles, maîtrisées du fait de l'abaissement du coût moyen du repas.

À ces crédits budgétaires directs portés par la mission, il convient d'ajouter les crédits provenant de la mission « Défense », soit en 2017, pour le programme 167, 97,3 millions d'euros.

Compte tenu de l'importance de ces crédits de soutien, votre rapporteur spécial s'était interrogé sur le coût réel de la JDC et le « coût moyen par participant » affiché par l'indicateur 1.2 de l'action (coût de 140 euros en prévision pour 2016), le ministère de la défense indiquant lui-même que « les crédits d'administration générale et de soutien commun relevant du programme 178 sont exclus du calcul du coût de la JDC . En effet, depuis la mutualisation, il n'est plus possible de disposer d'une remontée (Chorus) systématique , détaillée et individualisée des prestations réalisées par les bases de défense au profit de la JDC ». Du côté du ministère, la situation n'a pas réellement évolué, « une réflexion sur les coûts complets de la journée étant en cours ».

En revanche, la commission des finances a saisi la Cour des comptes d'une enquête au titre de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Les conclusions de cette enquête ont été rendues au premier semestre 2016 . Le coût complet de la JDC serait compris entre 116 et 118 millions d'euros conduisant à un niveau de coût moyen par participant supérieur à celui mentionné dans les documents budgétaires. Il serait de 150 euros et non de 142,5 euros (un supplément de coût unitaire de 5,2 %).

b) La JDC doit être davantage orientée vers la culture de la défense et l'illustration de la citoyenneté

Le contenu de la JDC a beaucoup évolué en 2016 : le module « secourisme », qui était apprécié par les jeunes mais impliquait des coûts élevés, est remplacé par une sensibilisation à la sécurité routière , conformément à une décision du Premier ministre, actée par la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 25 ( * ) .

Le changement de contenu a conduit le ministère à revoir à la baisse son indicateur 1.1 « Taux de satisfaction de l'usager » de la JDC, la prévision pour 2016 étant un taux de 86 %, contre 90,6 % en réalisation pour 2014. La modification intervenue avait été expliquée par les mauvais chiffres de la sécurité routière en 2014 et le fait que la formation de secourisme semblait redondante avec celle déjà dispensée au cours de l'enseignement secondaire 26 ( * ) . En réalité, il semble avoir eu pour principal mérite de dégager une économie de l'ordre de 4 millions d'euros par an .

Votre rapporteur spécial note toutefois avec intérêt que le module de sécurité routière ayant un format plus court que celui du secourisme, les enseignements de défense verraient leur durée allongée de trente minutes , ce qui est conforme au Livre blanc « Défense et sécurité nationale » de 2013 qui recommandait de recentrer le contenu de la JDC sur sa vocation première de sensibilisation à l'esprit de défense .

Contenu de la Journée « défense et citoyenneté » en 2016

Présentation de la JDC et formalités administratives (25 mn)

Présentation animateurs / groupe (25 mn)

Animation 1 « Nous vivons dans un monde instable : une défense nécessaire »
(65 mn, soit 20 mn de plus qu'en 2015 )

Animation 2 « Une réponse adaptée : notre appareil de défense » (50 mn)

Animation 3 « Vous avez un rôle à jouer : un engagement citoyen » (60 mn, soit 10 mn de plus qu'en 2015 )

Information Jeunesse citoyenne 1 : « Droit à l'information » (30 mn)

Information Jeunesse citoyenne 2 : « Sécurité routière » (30 mn)

Test d'évaluation des acquis fondamentaux (30 mn)

Visite, témoignage, présentation de matériels (60 mn)

Évaluation de la journée - remise des certificats (25 mn)

Pauses (2 x 15 mn) et déjeuner (60 mn)

Source : projet communiqué par le ministère de la défense - Les modules « Défense » apparaissent en gras

Si la JDC concerne un nombre croissant de jeunes, il convient de s'assurer que le taux de participation effectif se rapproche encore du taux de 100 % qui doit rester la cible des organisateurs afin que la JDC contribue encore mieux à la transmission qu'elle entend promouvoir.

Il faut en effet noter que certains jeunes échappent à leurs obligations. En effet, la DSN convoque un jeune à la JDC dès lors qu'il a préalablement effectué son recensement en mairie, étant précisé qu'il peut se conformer à son obligation d'accomplir la JDC jusqu'à ses 25 ans. Or, chaque année, certains ne se font pas recenser et échappent ainsi à leur obligation. Sur la classe de naissance 1989 (qui est complète car les jeunes ont 25 ans révolus), 98,65 % des jeunes ont été recensés et 95,6 % 27 ( * ) sont en règle avec leurs obligations 28 ( * ) , ce qui signifie que 33 250 jeunes n'ont pas accomplis leur JDC .

La DSN travaille actuellement à faciliter le recensement et la convocation des jeunes en dématérialisant l'ensemble des procédures administratives concernant les appelés, via le système d'information PRESAje qui fait l'objet d'une ouverture de crédits de 4,3 millions d'euros en programme 212 de la mission « Défense ». Cette dématérialisation, qui comprend un « e-recensement », accordera aussi aux personnels des mairies un gain de temps tout à fait bénéfique.

c) Les informations réunies lors de la JDC sur les jeunes en difficulté doivent être mieux traduites en actes contre le « décrochage »

Au cours de la journée de défense et de citoyenneté, les jeunes en difficulté sont identifiés. Un entretien leur est proposé au cours duquel des solutions leur sont présentées. Par ailleurs, un circuit d'échange d'informations existe avec des organismes susceptibles de venir en aide à ces jeunes.

La JDC mobilise des dépenses de subvention correspondant à un versement à l'agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI) dans le cadre d'une convention dont le ministère de la défense est cosignataire avec d'autres ministères (affaires sociales, justice, éducation nationale...). On souligne la modicité de cet engagement qui représente 30 000 euros.

Le dispositif tel qu'il fonctionne actuellement n'est pas à la mesure des enjeux. On rappelle que de 100 000 à 150 000 jeunes sont réputés « sortir » du système scolaire sans formation.

Votre rapporteur spécial souhaite que la JDC soit l'occasion de mesures plus actives destinées à prévenir et réparer le décrochage, ce qui suppose un renforcement des liens avec les organismes susceptibles d'offrir une seconde chance scolaire ou, plus globalement, un accompagnement à des jeunes dont la détection ne doit être qu'un pas dans un parcours réellement requalifiant.

À cet égard, il entre dans les projets du ministère de la défense de réorganiser sa direction du service national pour en faire une direction du service national et de la jeunesse. On salue cette initiative bienvenue qui, sans faire des armées le seul instrument d'une action publique qu'il faut mieux charpenter en faveur de la jeunesse en difficulté, devra être le premier pas d'un engagement plus actif dans la remédiation des difficultés que rencontrent de trop nombreux adolescents.

2. La politique de mémoire met l'accent sur la rénovation des sépultures de la Première guerre

La conduite de la politique de mémoire est assurée par les services de la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA).

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit une enveloppe de 22,2 millions d'euros, ce qui représente une baisse de 1,8 % par rapport à la loi de finances pour 2016, déjà fortement décroissante par rapport aux crédits ouverts en 2015.

Cette baisse résulte de la réduction des crédits de fonctionnement, les crédits d'intervention étant eux en légère hausse (+ 2,1 millions d'euros). Elle traduit un ralentissement de l'activité d'entretien des lieux de mémoire conduite en direct par la DMPA dans un contexte où l'entretien des sépultures de guerre et des hauts lieux de mémoire ressortira comme prioritaire. Une part importante des crédits inscrits au titre de cette action est déléguée à des tiers, ONAC-VG (10,23 millions d'euros) et GIP Centenaire principalement.

Les crédits se répartissent entre les deux opérations stratégiques « Mémoire » et « Sépultures de guerre et lieux de mémoire ».

En 2017, les crédits de l'opération stratégique « Mémoire » s'inscrivent en baisse (- 1,5 million d'euros). Compte tenu de la fin du cycle mémoriel lié au soixante-dixième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale , ces crédits restent à un niveau tout à fait satisfaisant qui permettra de contribuer à 200 événements et de soutenir 600 acteurs de la mémoire. L'année 2017 sera notamment marquée par les cérémonies de commémoration de l'entrée en guerre des États-Unis et par la prise de Vimy par les Canadiens le 9 avril 1917.

De leur côté, les crédits de l'opération stratégique « Sépultures de guerre et lieux de mémoire » sont rehaussés de 1 million d'euros. Ils devraient permettre de poursuivre la réalisation du programme pluriannuel de rénovation des nécropoles et carrés militaires de la guerre 1914-1918 .

Ils comprennent la subvention accordée à l'ONAC-VG pour l'entretien et la rénovation des lieux de mémoire et des sépultures de guerre, qui est augmentée de 1 million d'euros (9,96 millions d'euros).

Cette augmentation, pourtant très bienvenue, laisse un peu perplexe dans un contexte de consommation effective des crédits délégués à l'ONAC-VG assez largement inférieure aux disponibilités.

Dans le cadre du programme pluriannuel de rénovation des sépultures de guerre l'établissement a bénéficié de 20,42 millions d'euros de délégations de crédits. Ce montant correspond à la programmation initiale. Pourtant, les crédits consommés par l'ONAC-VG n'auraient pas dépassé 12 millions d'euros.

Votre rapporteur spécial note avec regret que le projet d'un monument dédié aux soldats engagés dans les OPEX, dont le principe a été arrêté depuis 2011 soit encore à réaliser.

Un monument Opex en bonne voie ?

L'an dernier, votre rapporteur spécial avait cru pouvoir se féliciter des avancées du projet d'instaurer un monument commémorant l'engagement de nos forces dans les nombreuses opérations extérieures (OPEX) auxquelles participe la France. Malheureusement, ce dossier, qui a été engagé depuis de déjà nombreuses années a connu un rebondissement regrettable. Il semble toutefois que de nouvelles espérances puissent être formées à son sujet.

Afin de témoigner une reconnaissance spécifique envers les soldats engagés dans les opérations extérieures menées par la France, le ministère de la défense a décidé en 2011 d'édifier dans la capitale un monument dédié aux soldats morts en Opex . Ce projet, engagé en 2012 et qui avait bénéficié d'un million d'euros de crédit en loi de finances pour 2013, semblait pouvoir être finalisé en 2014 et aboutir à l'érection d'un monument place Vauban , près des Invalides. Toutefois, ce premier projet n'a pu aboutir, en raison notamment de l'opposition des riverains.

Se fondant sur les conclusions de la mission de réflexion confiée au général d'armée (2 e section) Pierre de Percin Northumberland, le cabinet du ministre de la défense a finalement décidé :

- d'implanter le monument dans le parc André Citroën (Paris, 15 e ) ; la maire de Paris a émis un avis favorable en juin 2015 et le projet devrait être soumis à la délibération du conseil de Paris en novembre prochain ;

- d'ériger un « mur des noms » avec une éventuelle sculpture, qui pourrait s'intégrer dans un espace de verdure ;

- d'inscrire sur ce monument les noms des « Morts pour la France » uniquement.

Des dépenses ont été engagées pour acquitter indemnités versées aux trois candidats qui avaient présenté un projet dans le cadre l'appel d'offre organisé pour le projet initial, déclaré sans suite, pour un total de 45 000 euros.

Dans une lettre du 29 juin 2015, la maire de Paris a confirmé qu'elle émettait un avis favorable quant à l'installation du monument aux morts en opérations extérieures sur l'esplanade du parc André Citroën (Paris -- 15 e arrondissement). Toutefois, l'esplanade n'a pas recueilli l'approbation des concepteurs du parc. Ils ont toutefois proposé d'accueillir le mémorial dans un des jardins du parc.

Le nouveau projet consiste à ériger un monument commémoratif dans un espace paysager requalifié, dans le respect des contraintes architecturales et techniques. Conduit en lien avec la mairie de Paris et les concepteurs du parc, il est en cours de définition sur le plan technique, juridique et financier et devrait être soumis à la délibération du conseil de Paris en avril 2017.

Le concours pour la création du mémorial sera lancé à l'automne 2016 avec une désignation du lauréat en février 2017. Les travaux de construction du monument seront entrepris après l'achèvement, prévu en décembre 2017, des aménagements de requalification du jardin Eugénie Djendi relevant de la mairie de Paris.

B. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 169 PORTENT LA MARQUE DE MULTIPLES REVALORISATIONS QUI AMORTISSENT LA RÉDUCTION SPONTANÉE DES CRÉDITS

Les crédits du programme 169, qui regroupe la plus grande part des dispositifs de réparation et de reconnaissance en faveur du monde combattant et des ayants droit, sont en baisse de 2,7 % dans le projet de loi de finances pour 2017, soit une baisse moins marquée qu'en 2016 et 2015 où elle avait atteint 4,8 % mais, également, beaucoup moins nette que celle des différentes populations bénéficiaires. Cet écart s'élargit cette année du fait de mesures qui, pour certaines d'entre elles, sont appelées à peser encore plus sur la programmation 2018.

Répartition des crédits entre les actions du programme 169

(en millions d'euros)

Source : commission des finances sur la base du projet annuel de performances pour 2016

L'évolution des crédits dont s'agit qui, au cours des derniers exercices, s'était inscrite en cohérence étroite avec la diminution des effectifs de prestataires, continuerait à dégager des économies. En niveau, celles-ci s'élèveraient à 67 millions d'euros .

Cependant, ces économies ne sont pas à due proportion de la réduction de la population bénéficiaire, signe d'un recyclage du « dividende démographique » pour financer une amélioration de certaines prestations servies à partir du programme. Le différentiel entre la réduction du nombre des prestataires et celle des crédits peut être attribué à différentes mesures directes ou indirectes.

Par rapport à 2016, l'étrécissement des populations bénéficiaires atteindrait 4,9 % pour les pensions militaires d'invalidité (PMI) et 4,8 % pour la retraite du combattant 29 ( * ) . Quant aux bénéficiaires des soins médicaux gratuits, l'hypothèse de programmation repose sur une baisse de 5,1 % de leur contingent. D'autres réductions affecteraient d'autres catégories d'allocataires : 1,5 % pour les bénéficiaires des remboursements et réductions de transport ; 12,7 % pour les effectifs concernés par le remboursement des prestations de sécurité sociale et 2,1 % pour les bénéficiaires des majorations des rentes mutualistes.

Ces tendances démographiques seraient, partiellement, contrebalancées, dans leurs effets sur les dépenses du programme, par une série de mesures nouvelles directes ou indirectes, d'une ampleur inhabituelle, venant revaloriser, mais inégalement, les prestations servies à partir du programme 169.

Principes d'indexation des prestations versées au monde combattant
à partir du programme 169

Les prestations assurées au titre de la dette viagère (pensions militaires d'invalidité et retraite du combattant), la majoration des rentes mutualistes et de l'allocation de reconnaissance font l'objet d'un mécanisme de revalorisation.

Les autres prestations subventionnées par le programme 169 sont attribuées au cas par cas à partir de l'étude particulière des besoins (soins médicaux, dépenses d'appareillages, remboursement de prestations de sécurité sociale, frais de transport, aides sociales, prestations aux rapatriés...).

Action 01 - « Administration de la dette viagère » :

Pensions militaires d'invalidité :

Le montant des pensions d'invalidité est calculé, selon le taux d'invalidité, en nombre de points d'indice de pension militaire d'invalidité (point PMI). La valeur du point PMI évolue selon les variations de l'« indice de traitement brut - grille indiciaire », publié conjointement et trimestriellement par l'INSEE et la DGAFP.

Retraite du combattant :

La retraite du combattant est calculée également en nombre de points PMI. Le nombre de points d'indice est fixé à 48 depuis le 1 er juillet 2012 (article 116 de la loi de finances pour 2012).

Action 03 - Solidarité :

Majoration des rentes mutualistes :

Le plafond donnant lieu à majoration est déterminé aussi depuis 1998 par référence à l'indice du point PMI.

Le plafond annuel majorable a été fixé à 125 points PMI à compter du 1 er janvier 2007 (article 101 de la loi de finances pour 2007).

Action 07 - « Actions en faveur des rapatriés » :

Allocation de reconnaissance :

L'allocation de reconnaissance versée aux rapatriés est indexée sur l'évolution annuelle des prix à la consommation des ménages (hors tabac). Ainsi, tous les ans, un arrêté au 1 er octobre fixe le nouveau montant de l'allocation de reconnaissance. Cependant, en raison de la variation négligeable du taux d'inflation pour les années 2015 et 2016, la revalorisation n'a pas été opérée.

Le projet de loi de finances comporte trois mesures d'amélioration de certaines prestations (voir ci-dessus ainsi que les commentaires du présent rapport sur les articles rattachés) dont le montant pour 2017 serait de 0,80 million d'euros.

Par ailleurs, une revalorisation de la retraite du combattant a été décidée qui alourdirait les charges du programme de 27,4 millions d'euros en 2017. Il s'agit de l'attribution de 2 points supplémentaires au 1 er janvier 2017 suivie de celle de deux nouveaux points au 1 er septembre. Le coût de cette mesure en année pleine serait de l'ordre de 44 millions d'euros.

Enfin, il faut tenir compte des incidences du « rapport constant » sur les crédits.

La valeur du point de pension militaire d'invalidité , qui sert de référence à de nombreuses prestations servies à partir des crédits du programme, est révisée en fonction de l'indice de traitement brut-grille indiciaire publié conjointement par l'INSEE et la direction générale de l'administration et de la fonction publique. Or, sous l'effet de mesures catégorielles, mais surtout des différentes mesures ayant pour incidence de modifier la valeur du traitement indiciaire des agents de la fonction publique (revalorisation du point de 0,6 % en juillet 2016 puis en février 2017 et modification structurelle des rémunérations dans le cadre du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations dans la fonction publique- PPCR), la valeur moyenne de l'index PMI augmenterait sensiblement. La valeur du point PMI s'en trouverait portée à 14,36 euros contre 14,04 euros en 2016 , soit une hausse de 2,3 %, nettement supérieure à celle de l'inflation prévue pour calibrer le projet de loi de finances.

Cette hausse rompt avec l'inertie de la valeur du point PMI observée ces dernières années et induit une revalorisation des prestations financées par le programme.

Elle entraîne des effets particulièrement importants sur les crédits nécessaires au paiement de la retraite du combattant dans la mesure où elle se combine avec les attributions de points dont celle-ci bénéficiera.

Selon les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial, la retraite du combattant qui s'élève actuellement à 673,92 euros (48 points x 14,04 euros), chiffre inférieur à celui indiqué dans le PAP, passera à 746,7 euros, soit une progression de 7,1 % de date à date. L'effet sur les crédits est inférieur dans la mesure où les mesures ne joueront pas en année pleine en 2017.

La valeur de la pension militaire d'invalidité augmentera elle aussi mais moins vite dans la mesure où le nombre de points sur la base duquel elle est calculé serait inchangé. Sa valeur théorique progressera comme celle du point PMI mais sa charge unitaire effective s'accroîtrait plus lentement du fait d'un « effet noria », de remplacement des plus anciens par des générations plus jeunes. La valeur des PMI est en effet sensible à un effet d'âge, comme le montre le tableau ci-dessous.

Répartition des effectifs et coût moyen par bénéficiaire de PMI

Ayants droit par tranche d'âge

2012

2013

2014

Effectifs

Coût moyen (€)

Effectifs

Coût moyen (€)

Effectifs

Coût moyen (€)

Moins de 49 ans

23 384

2 246

21 792

2 261

19 826

2 287

Entre 50 et 69 ans

52 826

2 568

51 476

2 523

50 355

2 486

Entre 70 et 79 ans

60 762

3 858

56 857

3 773

51 496

3 671

Entre 80 et 100 ans et plus

52 232

7 715

51 273

7 302

51 836

6 825

Source : réponse du ministère de la défense au questionnaire budgétaire

Le montant du plafond « majorable » (pour les rentes mutualistes) s'élève à 1 755 euros au 1 er janvier 2016 (125 points x 14,04 euros) ; il devrait passer à 1 795 euros en moyenne en 2017.

Ces évolutions limitent les économies mécaniquement liées à la baisse des effectifs des prestataires en revalorisant les prestations unitaires.

Néanmoins, elles sont loin de compenser les pertes de pouvoir d'achat résultant du mécanisme d'indexation en vigueur observées ces dernières années.

Votre rapporteur spécial a demandé qu'un calcul en variante soit réalisé afin de mesurer les effets d'une indexation des principales prestations sur les prix plutôt que sur le point d'indice-grille indiciaire.

Les résultats sont récapitulés dans le tableau ci-dessous.

Une indexation sur les prix du point PMI aurait porté celui-ci à 14,64 euros en 2015 contre 14,04 euros observés. Le décrochage par rapport à l'inflation atteint 4 % en cinq ans, qui plus est, dans un contexte de faible inflation.

Les économies budgétaires procurées par le mode d'indexation pratiqué et qui correspondent à un sacrifice de pouvoir d'achat des pensionnés, s'élèvent à 117,9 millions d'euros de date à date. Le projet de loi de finances marque un changement de cap et propose de dépenser une partie de ces économies.

De même, votre rapporteur spécial ne peut qu'observer que, cette année encore, les titulaires des pensions militaires d'invalidité (PMI), dont les moyens prévus pour leur service diminuent de 3,6 % 30 ( * ) , se trouvent moins bien traités que la moyenne des titulaires de pensions. Certes, la diminution des crédits pour PMI est moins marquée que celle du nombre de bénéficiaires (- 4,9 %) en raison de la revalorisation évoquée ci-dessus, mais, cette discordance vient aussi d'un effet de composition. Celui-ci tient dans le fait que les pensionnés les plus âgés, qui, hélas, disparaissent en plus grand nombre, sont également les plus grands invalides et par conséquent, ceux qui perçoivent les pensions les plus élevées.

Les crédits consacrés à la solidarité et à la gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité sont en baisse, les premiers, de 2,2 % et les seconds, de 5,4 % .

En ce qui concerne les crédits destinés à la gestion des droits , qui comprennent les dépenses de soins médicaux gratuits , d'appareillage, de réductions de frais de transport et, pour près de 60 %, de remboursement des prestations sociales aux invalides, la baisse des dotations s'explique par des prévisions démographiques mais aussi par une régularisation portant sur des dépenses réalisées pour honorer la dernière catégorie d'interventions mentionnée.

En effet, le remboursement des prestations de sécurité sociale aux invalides (85,2 millions d'euros) verrait ses besoins diminuer de 8,3 millions d'euros (qui rendent compte de la quasi-totalité des économies prévues sur les dépenses de « gestion des droits ») en raison d'un trop versé à la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés de 4,7 millions d'euros en 2016, qui serait régularisé en 2017. Ce poste de dépenses correspond au financement de la section « Invalides de guerre » du régime général de l'assurance maladie qui est ouverte en faveur des pensionnés qui n'ont pas la qualité d'assuré social afin de couvrir les affections pour lesquelles ils ne bénéficient pas d'une prise en charge par les soins médicaux gratuits. Le nombre des bénéficiaires s'élève à 7 240 pour un coût moyen de 12 420 euros. Ces données doivent être complétées par celles relatives aux coûts associés au bénéfice des soins gratuits (plus appareillages des mutilés) qui sont évalués à 40,4 millions d'euros pour 2017.

Au total, en dehors de certaines situations particulières, les dépenses de prises en charge des soins s'élèvent à environ 125 millions d'euros .

On relève que la dépense moyenne correspondant strictement à la gratuité des soins est largement inférieure à celle liée à la prise en charge des frais d'assurance maladie . Elle n'est que de 654 euros contre 12 420 euros pour cette dernière. Cette différence appelle des justifications ainsi que la sensibilité du coût moyen de la prise en charge assurance maladie au nombre des bénéficiaires. De même, il conviendrait de mieux appréhender les raisons pour lesquelles, seul un tiers des pensionnés, appelés à être bénéficiaires des soins gratuits, en bénéficient effectivement. Leur état de santé peut le justifier mais d'autres motifs peuvent être imaginés. En toute hypothèse, les coûts liés à ce régime sont susceptibles de varier sous l'effet d'évolutions du taux de recours qui sont peu maîtrisables.

Quant aux crédits de solidarité , ils représentent 349 millions d'euros, dont 253,5 millions d'euros (72,5 % du total) au titre de la majoration des rentes mutualistes. Cette dernière dépense a été comparativement dynamique ces dernières années dans un contexte de réduction générale des autres prestations, alors même que le nombre des bénéficiaires se réduisaient. La revalorisation des majorations serait compensée cette année par la baisse de l'effectif des bénéficiaires qui passeraient de 362 770 à 355 125 (- 2,1 %).

Les crédits consacrés à l'action en faveur des rapatriés présentent eux une légère diminution de 1,1 % , ces populations bénéficiant de la majoration de leurs allocations prévue à l'article 54 du présent projet de loi de finances (+ 0,57 million d'euros).

Une augmentation de 1 million d'euros des crédits en faveur de l'action sociale de l'ONAC-VG 31 ( * ) est destinée à financer une augmentation de l'aide versée aux plus démunis de ses ressortissants. On rappelle que l'allocation prévue au profit des conjoints survivants afin de leur assurer un revenu égal au seuil de pauvreté 32 ( * ) , l'aide différentielle accordée aux conjoints survivants, a été supprimée le 1 er janvier 2015 en raison de son défaut de base légale 33 ( * ) . Pour mémoire, son exécution en 2014 avait eu un coût de 4,7 millions d'euros.

Le conseil d'administration de l'ONAC-VG a décidé de refondre son action sociale pour la recentrer sur les plus démunis , les plus isolés et les plus fragiles, de manière individualisée et subsidiaire.

Cette évolution qui conduit à couvrir un champ de bénéficiaires potentiels plus vaste que celui auparavant retenu implicitement par les orientations de l'établissement doit être saluée .

Votre rapporteur spécial s'interroge cependant sur la situation des nombreuses victimes d'attentats auxquelles la qualité d'invalide peut être reconnue ou non et qui risque de n'être pas couvertes par l'ONAC quand leur situation serait durablement précarisée. Un groupe de travail ayant pour objet l'évaluation de la politique publique conduite pour prendre en charge les victimes est en cours. Il est souhaitable que la contribution de l'ONAC-VG puisse y être pleinement envisagée.

C. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 158, STABLES, SONT APPELÉS À FINANCER LES INDEMNISATIONS DES VICTIMES DE SPOLIATION ET DES ACTIONS DONT LES EXIGENCES SONT ENCORE FORTES

Le programme 158 porte les indemnisations versées sous forme de rente ou de capital aux victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale .

Ces indemnisations ont été mises en place par les différents décrets suivants : n° 99-778 du 10 septembre 1999 et n° 2000-657 du 13 juillet 2000 (action 01 « Indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation ») et le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 (action 02 « Indemnisation des victimes d'actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale »).

Répartition des crédits entre les actions du programme 158

(en millions d'euros)

Source : commission des finances sur la base du projet annuel de performances pour 2016

Prolongeant le redressement constaté l'année dernière, après la baisse de plus de 4 % intervenue dans la loi de finances pour 2015, ces crédits sont en très légère hausse de 0,1 % (après 0,5 % en 2016) .

La programmation budgétaire traduit une très modeste augmentation des crédits d'intervention, qui sont largement prédominants au sein du programme (97 %), accompagnée d'une économie sur les dépenses de fonctionnement, les dépenses de personnel demeurant stables.

L'augmentation des dépenses d'intervention concerne exclusivement l'action 01 qui finance l'indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliation (+ 291 000 euros) tandis que, de son côté, l'indemnisation des victimes d'actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale (action 02) verrait ses moyens baisser un peu (- 208 000 euros) .

L'action 01 réunit des crédits de 46,4 millions d'euros (46 % des dotations du programme). Elle est majoritairement dédiée (37,2 millions d'euros, soit plus de 80 % de ses moyens) à verser aux orphelins des victimes de persécutions antisémites les arrérages qui leur sont dus. Au total, les crédirentiers bénéficiant de cette catégorie d'interventions seraient au nombre de 5 430 au 31 décembre 2016 pour une rente annuelle de 6 853,9 euros.

De son côté, l'action 02 sert également des arrérages, mais aux orphelins des victimes d'actes de barbarie commis pendant la seconde guerre mondiale, dont les droits ont été aménagés en 2004 quelques années après ceux des orphelins des victimes de persécutions antisémites (2000) 34 ( * ) .

Les prestations versées dans le cadre de ces dispositifs ont entraîné des coûts effectifs supérieurs aux prévisions au cours des dernières années si bien que la réserve de précaution a dû être entièrement dégelée. La prévision pour 2018 fait d'ores et déjà d'une progression des crédits à inscrire de 3,8 % au terme de laquelle ceux-ci passeraient, pour les interventions, de 98,3 millions d'euros en 2017 à 102 millions d'euros. De nouvelles demandes sont reçues et il faut traiter les dossiers en souffrance (voir ci-dessous) en tenant compte des revalorisations automatiques prévues par la réglementation.

Le niveau unitaire annuel de ces deux rentes est identique mais des différences temporelles dans les entrées dans les deux dispositifs peuvent exister de sorte que certains nouveaux bénéficiaires ne sont pas indemnisés en année pleine (ainsi, le coût moyen des nouvelles rentes est estimé à 5 711,60 euros pour les titulaires des droits ouverts à compter de 2014 aux orphelins des victimes d'actes de barbarie).

Au total, la rente mensuelle s'élevait dans les deux cas à 557,23 euros en 2016 et devrait être revalorisée de 2,5 % comme prévu par le décret n° 2009-1003 du 24 août 2009 pour passer à 571,16 euros en 2017.

Le nombre des demandes reçues dans le cadre de ces deux dispositifs a été inégal, le dispositif le plus récent (barbarie) ayant suscité 33 984 demandes depuis 2004 quand celui réservé aux victimes d'actes antisémites a engendré 17 632 demandes en quinze ans.

Le taux de réponse aux demandes transmises apparaît au premier regard comme peu satisfaisant , les services instructeurs ayant été quelque peu débordés, tout particulièrement les premières années, par le flux des dossiers qu'ils ont reçus. Sur les 17 632 demandes de victimes d'actes antisémites, 13 626 décisions ont été rendues (soit environ 75 %) tandis que pour les demandes formulées dans le cadre du dispositif de 2004 le taux de décision est encore moindre avec près de 67 %. Il est vrai que dans le contingent des non-réponses figurent les dossiers classés sans suite. Au total, il resterait 80 % de demandes non traitées à ce jour pour le dispositif créé en 2004 tandis que le taux de dossiers non-traités ne serait que de 3 % pour les rentes versées aux victimes d'actes antisémites.

Les taux de satisfaction sont également différents . Dans le dernier cas mentionné, le taux de décision favorable atteindrait 77 % tandis qu'il ne serait que de 67 % pour les victimes de barbarie. Ce dernier taux est sans doute influencé, par le bas, par le niveau encore trop élevé des dossiers n'ayant pas reçu d'instruction à ce jour.

Le taux de conflictualité des décisions administratives n'est pas négligeable (30,0 % des décisions de rejet dans le cadre de chacun des dispositifs). Cependant, aucun des recours formés dans le cadre du premier dispositif n'a prospéré. En revanche, il reste quelques contentieux liés au dispositif au profit des victimes d'actes de barbarie pour lequel 28 annulations de décisions de rejet ont été prononcées. Vingt-trois recours sont pendants.

Le nombre des bénéficiaires varie selon le dispositif envisagé 35 ( * ) . Les victimes de persécutions antisémites qui ont été indemnisés ont été au nombre de 13 620 pour un coût total de 749,4 millions d'euros . Pour les victimes d'actes de barbarie , le nombre des crédirentiers a été nettement supérieur (22 607) pour un coût de 931,4 millions d'euros . Le coût moyen cumulé par bénéficiaire ressort ainsi comme inégal (54 900 euros dans un cas, 41 199 euros dans l'autre) ce qui traduit les effets d'une ancienneté inférieure du dispositif des victimes d'actes de barbarie compensée par une longévité des bénéficiaires qui apparaît supérieure.

Il faut ajouter aux deux dispositifs envisagés ici le dispositif d'indemnisation ménagé dans l'accord conclu le 8 décembre 2014 entre la République française et les États-Unis pour assurer l'indemnisation de certaines victimes de la Shoah déportées depuis la France mais non couverts par les programmes français d'indemnisation. Une somme de 54,5 millions d'euros a été ouverte à ce titre dans les crédits du programme 158 au cours de l'année 2015. Le nombre des bénéficiaires ultimes de l'accord n'a pas été communiqué à votre rapporteur spécial, leur identification demeurant de la responsabilité du Gouvernement des États-Unis.

Le reste des crédits (un peu plus de 9 millions d'euros, soit moins de 10 % des dotations du programme) est consacré à l'indemnisation des victimes de spoliations confiée à la commission d'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS). C'est le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 qui, à la suite des travaux de la commission présidée par M. Jean Matteoli, a créé ce dispositif. Il est censé dépasser le strict cadre d'un système d'indemnisation puisque la CVIS a pour responsabilité de proposer des mesures équitables de réparation, restitution ou indemnisation appropriées. Cette mission suppose une activité résolue d'enquête afin d'actualiser, le cas échéant, la consistance des biens spoliés (ils peuvent être financiers, mobiliers ou immobiliers) et de retrouver leurs ayants droit.

Or, cette mission n'est pas exercée dans des conditions pleinement satisfaisantes, comme l'ont établi différents travaux auxquels le Sénat a tout particulièrement contribué à travers la mission d'information de sa commission de la culture sur les oeuvres d'art spoliées par les nazis.

Sa rapporteure, notre collègue Mme Corinne Bouchoux, avait ainsi formulé 9 propositions dont votre rapporteur spécial met particulièrement en exergue celles consistant à réaliser un répertoire complet des archives portant sur les oeuvres spoliées, à assurer un plus grand pluralisme des acteurs et à assurer une meilleure accessibilité des oeuvres, parmi d'autres. Certaines de ces recommandations sont applicables aux autres éléments patrimoniaux ayant pu se trouver spoliés pour lesquels l'accès aux archives de certaines institutions financières est tout à fait crucial. Par ailleurs, la recherche active des oeuvres a progressé, ce dont il faut se féliciter mais en notant qu'une diversification des intervenants et une exploitation systématique des oeuvres (recto et verso) et de leur parcours marchand seraient souhaitables.

Votre rapporteur spécial s'inquiète du niveau des moyens humains et financiers confiés à la CVIS qui paraissent assez loin de pouvoir couvrir les besoins d'une action difficile qui, pour mobiliser le bénévolat de plusieurs intervenants et les efforts des héritiers, doit bénéficier des outils nécessaires à sa réussite. Le plafond d'emplois de la commission est de 24 ETPT dont un volant d'agents contractuels qui, de 7 l'an dernier a été ramené à 4 après titularisation de 3 agents.

Il n'est pas sûr, par exemple, que l'implication de la CVIS dans la Taskforce créée après la découverte de 1 500 oeuvres au domicile du fils d'un marchand d'art agissant pour le compte du régime nazi, puisse être aussi effective qu'il serait souhaitable avec les moyens disponibles alors qu'une convention entre la CVIS et cet organisme a été signée le 10 juillet 2015.

Par ailleurs, des incidents sérieux sont intervenus en 2015 qui montrent la nécessité de mettre à niveau la sécurité des outils informatiques de la CVIS. À cet égard, les déménagements répétés de la CVIS peuvent constituer un obstacle à une remédiation pourtant nécessaire. La CIVS, qui a changé de locaux récemment, a vocation à rejoindre en 2017 le site Ségur Fontenoy qui hébergera les services rattachés au Premier ministre. Certes, ceci devrait réduire d'autant ses frais de fonctionnement. Mais, cette perspective ne favorise pas les initiatives pour améliorer sa sécurité.

Avec la disponibilité de moyens suffisants, il y va, bien sûr avant tout, d'un devoir de justice. Il y va aussi d'enjeux financiers très importants.

À ce jour, le système d'indemnisation a suscité 467,4 millions d'euros de dépenses budgétaires depuis sa création (début 2000) jusqu'au 31 juillet 2016 pour 23 558 dossiers déposés dont 21 677 dossiers admis à indemnisation, soit un taux de satisfaction de 92 %. Le niveau moyen d'indemnisation par dossier s'élève à 21 539 euros mais le nombre des bénéficiaires ultimes étant supérieur en raison des règles de succession, le niveau moyen d'indemnisation par bénéficiaire s'est élevé à 9 819 euros. Ces données moyennes n'ont une signification que relative dans la mesure où les préjudices associées à chacun d'entre eux varient fortement. Ainsi, la baisse régulière des nouvelles recommandations de la CIVS (351 en 2015 contre 974 en 2012) ne peut pas être considérée comme totalement prédictive des enjeux financiers dont certains sont encore à venir. Dans ces conditions, si les services de la commission anticipaient en 2016 la fin de l'instruction de dossiers à fort enjeu financier , ainsi que la levée de parts d'indemnité réservées importantes 36 ( * ) , ces prévisions sont toujours susceptibles de révision.

La CIVS a été renouvelée pour une durée de cinq ans par décret du 28 mai 2014 37 ( * ) . Il a explicitement été envisagé son arrêt progressif dans les années qui viennent, les versements de rente pouvant être gérés par l'ONAC-VG .

Toutefois, les dossiers complexes relatifs à l'indemnisation des victimes de spoliations et à la recherche de provenance des oeuvres d'art nécessitent des compétences spécifiques et il semble difficile et, surtout, peu recommandable , d'envisager une disparition de la CIVS tant que ces dossiers seront en cours.


* 22 Rapport d'information de M. Philippe Marini fait au nom de la commission des finances n° 132 (2013-2014) -- 12 novembre 2013.

* 23 Loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national.

* 24 Rapport d'information de M. Marc Laménie, fait au nom de la commission des finances, Sénat, n °475 (2015-2016) 16 mars 2016.

* 25 Article 24 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.

* 26 NB : cela est également le cas de la sécurité routière. Cf. article L. 312-13 du code de l'éducation.

* 27 Chiffres en métropole communiqués en réponse au questionnaire budgétaire par le ministère de la défense.

* 28 Ils ont accompli leur JDC ou ont été exemptés.

* 29 Source : réponse du ministère de la défense au questionnaire budgétaire.

* 30 Les crédits de la retraite du combattant connaissent une baisse moindre de 1,1 %.

* 31 Pour atteindre 26,4 millions d'euros (CP=AE).

* 32 Ce seuil est fixé à 60 % de la médiane des niveaux de vie, soit 993 euros selon les données 2012 de l'observatoire des inégalités.

* 33 Cf. jugement du tribunal administratif de Paris en date du 27 octobre 2014.

* 34 Cette « postériorité » a donné lieu à des contentieux qui n'ont pas prospéré.

* 35 Le nombre des bénéficiaires effectifs dépasse les bénéficiaires immédiats du fait des règles de partage successoral.

* 36 Ces parts sont réservées lorsque des héritiers clairement établis n'ont pas été associés à la requête ou que les ayants droit ne sont pas connus et doivent se manifester.