M. Jacques GENEST, rapporteur spécial

II. UNE DÉGRADATION SOURDE DE CERTAINES MISSIONS

L'attrition des moyens n'a pas manqué d'exercer des contraintes telles que la question de la redéfinition du périmètre des missions du réseau préfectoral classique a fini par se poser. Selon l'analyse du Gouvernement transmise à votre rapporteur spécial, à partir de 2015, « la situation du programme 307 s'est rigidifiée dans la mesure où il n'était plus en mesure de réaliser des suppressions de postes supplémentaires sans une révision profonde de ses missions » .

C'est de ce blocage que, selon la même analyse « le plan préfecture nouvelle génération (PPNG) permet de sortir » en échappant à la « logique de « rabot » et en gageant les schémas d'emplois jusqu'en 2018 notamment par la réorganisation des services de délivrance de titres tout en consolidant les effectifs dédiés aux missions prioritaires (sécurité/gestion de crises ; expertise juridique et contrôle de légalité ; lutte contre la fraude, coordination territoriale des politiques publiques) ».

Ces affirmations méritent d'être nuancées. En réalité, des modulations ont été apportées bien avant 2015 à l'exercice de certaines missions dans le sens d'un allègement de certaines d'entre elles pourtant prioritaires.

Tant le plan préfecture nouvelle génération que la directive nationale d'organisation des préfectures et des sous-préfectures (DNO) pour les années 2016 à 2018 ont attribué des priorités fonctionnelles au réseau d'administration générale de l'État dans le contexte d'une fin programmée de la plupart des opérations de guichet.

Or, le projet de budget pour 2018 ne traduit que de très loin ces orientations. Certaines priorités paraissent en déshérence quand d'autres reçoivent un meilleure traitement mais dans un contexte qui ne laisse pas présager d'un renforcement décisif.

La fin des opérations de guichet des unités du réseau, qui concerne essentiellement la délivrance des titres sécurisés, sans encore engendrer les économies financières attendues, profite d'une extension de la numérisation des procédures dont les bénéfices n'apparaissent pas encore clairement.

A. QUELLE TRADUCTION DES PRIORITÉS AFFICHÉES ?

1. Les priorités fixées au réseau préfectoral

Le plan préfecture nouvelle génération a été conforté par les priorités fixées par la DNO (2016-2018) publiée au mois de mars 2016.

Le plan « Préfectures nouvelle génération » (PPNG)

Présenté par le ministre de l'Intérieur au cours du comité technique spécial des préfectures du 9 juin 2015, le plan de « Préfectures nouvelle génération » (PPNG) vise à repenser les missions de l'administration territoriale afin d'adapter au mieux les ressources affectées au réseau préfectoral aux besoins de nos concitoyens et des collectivités.

Le plan repose sur plusieurs principes directeurs :

- permettre aux préfectures de répondre aux enjeux de demain en renforçant les missions prioritaires pour le ministère de l'intérieur : lutte contre la fraude documentaire, gestion locale des crises, coordination territoriale des politiques publiques, expertise juridique et contrôle de légalité ;

- veiller à l'égalité d'accès au service public de toutes les populations, préserver la qualité du service et simplifier les procédures, éviter les déplacements de l'usager en préfecture ;

- s'appuyer sur les technologies existantes (numérisation, plateformes, télé procédures, etc.) pour exercer autrement la mission de délivrance de quatre titres (carte nationale d'identité, passeport, permis de conduire, certificat d'immatriculation) ;

- renforcer la sécurisation des titres, la lutte contre les fraudes et le contrôle du ministère de l'intérieur sur la chaîne de délivrance ;

- étudier la possibilité de recourir à un opérateur agissant sous le contrôle du ministère de l'intérieur, pour la réalisation de certaines tâches, en excluant toute privatisation.

Les travaux réalisés dans le cadre du plan devraient être formalisés dans une nouvelle directive nationale d'orientation pour la période 2016-2018 exposée finalement fin mars 2016 (voir ci-dessous).

Chacune des priorités affichées fait l'objet d'orientations générales.

Le renforcement de la gestion locale de crises

En premier lieu, le plan se donne pour objectif de clarifier les missions préalablement à une situation de crise, pendant la crise et après la crise entre les différents acteurs locaux : le Service interministériel de défense et de protection civile (SID-PC) ; les sous-préfectures ; les collectivités locales ; les associations. Au cours des premiers échanges, le groupe de travail consacré à la réorganisation de cette mission a ainsi examiné les moyens de renforcer l'articulation entre les différents niveaux d'intervention (locale, départementale, zonale, voire central), ainsi que la possibilité de développer des outils de partage des informations facilitant l'animation de l'ensemble des acteurs.

En second lieu, l'élaboration du plan doit conduire notamment à étudier les voies d'un renforcement des moyens (par la professionnalisation des viviers des centres opérationnels, par le renforcement du niveau de qualification des agents).

L'amélioration de la capacité d'expertise juridique et le contrôle de légalité

La réflexion engagée dans le cadre du PPNG porte à la fois sur l'expertise juridique et sur le contrôle de légalité.

S'agissant de cette dernière mission, il est envisagé de redéfinir les priorités de contrôle et de réviser la liste des actes transmissibles.

Est également examinée l'extension du rôle du Pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité (PIACL), ainsi que la création d'un pôle d'appui au contrôle budgétaire.

En cela, le PPNG s'inscrit dans la continuité des mesures retenues par le Gouvernement dans le cadre de la revue des missions de l'État engagée en septembre 2014.

Celles-ci consistent à :

- encourager, voire rendre obligatoire pour les collectivités de plus de 50 000 habitants, la dématérialisation des actes soumis au contrôle de légalité ;

- alléger les contrôles à l'égard des collectivités largement engagées dans des démarches de contrôle interne ou de certification ;

- réduire par blocs cohérents la liste des actes transmissibles ;

- renforcer et améliorer le conseil aux plus petites collectivités domaines juridiques les plus complexes.

L'approfondissement de la coordination territoriale des politiques publiques

Il s'agit, d'une part, de délimiter plus précisément le périmètre d'intervention des services de l'administration territoriale et de veiller à l'efficacité de la coordination interministérielle , notamment avec les opérateurs de l'État.

D'autre part, une nouvelle articulation des différents échelons de l'administration territoriale de l'État est envisagée. Dans cette optique, le groupe de travail thématique a examiné la question du rôle des secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR), notamment dans les nouvelles régions issues des regroupements opérés par la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015, le positionnement des services de coordination à l'échelon départemental, ainsi que le socle de compétence des sous-préfectures.

Ainsi que le ministère de l'intérieur le relève lui-même, le renforcement de la coordination territoriale des politiques publiques appelle un certain nombre d'actions prioritaires à la mise en oeuvre desquelles il conviendra de veiller :

- développer des compétences techniques dans les champs de l'économie et de l'emploi, de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme et de l'environnement ;

- adapter le pilotage en matière de politique de la ville au contexte local ;

- développer le pilotage interministériel en matière de soutien financier de l'État : renforcer la cohérence de la parole de l'État dans son dialogue avec les porteurs de projet ;

- accroître les capacités de pilotage dans une démarche de réalisation de projet.

La modernisation des procédures de délivrance des titres et la lutte contre la fraude documentaire

La rénovation des procédures au coeur du PPNG (hors titres délivrés aux étrangers) repose sur la généralisation du recours aux télé-procédures et à la dématérialisation des actes pour la délivrance des titres et, notamment de la carte nationale d'identité (CNI), du permis de conduire et des certificats d'immatriculation. L'objectif du plan est de réduire les formalités et démarches accomplies aux guichets des préfectures.

Ces nouvelles modalités de délivrance des titres doivent permettre de réaffecter une partie des effectifs sur des missions de contrôle et la lutte contre la fraude, mais aussi sur les missions prioritaires du contrôle de légalité, de la gestion de crise et de la coordination des politiques publiques, sachant que les effectifs consacrés à la délivrance de titres représentent aujourd'hui 29 % des effectifs totaux des préfectures.

La lutte contre la fraude documentaire représente également une priorité pour la sûreté des titres délivrés.

Source : commission des finances du Sénat d'après les éléments de présentation du PPNG par le ministère de l'intérieur

Le recentrage souhaité des entités du réseau sur les missions prioritaires conduisait à mettre l'accent sur une meilleure prise en compte des questions de sécurité (gestion de crise et lutte contre la fraude, en particulier), de contrôle budgétaire et de légalité mais aussi de conseil aux collectivités territoriales et, enfin, d'animation des politiques publiques dans les territoires autour des objectifs de coordination des administrations publiques et d'ingénierie territoriale.

2. Le projet de budget pour 2018 au rendez-vous de la directive nationale d'orientation des préfectures ?

Le projet de budget pour 2018, s'il comporte des réductions d'effectifs liées à la fermeture des guichets préfectoraux, ne donne guère d'autres prolongements significatifs à cet ensemble de priorités.

Dans un contexte budgétaire globalement inerte, si, comme on l'a relevé plus haut, les crédits destinés au contrôle de légalité et à la coordination de la sécurité des biens et des personnes enregistrent davantage de moyens, les autres actions connaissent des évolutions paradoxales au vu des priorités attribuées au réseau.

On relève ainsi le maintien des crédits de réglementation générale et de délivrance des titres sécurisés comme premier chapitre de dépenses . Ils connaissent même une légère progression au terme de laquelle ils absorbent 40,7 % des crédits, ce qui est pour le moins surprenant compte tenu des réorganisations massives intervenues ces dernières années.

Quant aux moyens de pilotage territorial des politiques gouvernementales, ils accusent une baisse de 8,9 millions d'euros (près de 11 millions d'euros pour les seuls personnels) expliquée selon le Gouvernement par les réductions d'effectifs des SGAR.

Votre rapporteur spécial relève que les économies correspondantes, qui auraient pu être affectées au renforcement des capacités localement très insuffisantes conformément aux priorités affichées ne le sont pas , les seules enveloppes un peu croissantes correspondant à des frais de maintenance et d'acquisition de véhicules.

La mission de coordination de l'action des services administratifs confiée aux préfets ne ressort pas prioritaire du point de vue budgétaire alors que les attentes liées à la REATe semblent souvent déçues.

Malgré la constitution d'une administration déconcentrée resserrée, il semble que les différents services intégrés dans les nouvelles directions départementales ou régionales continuent pour l'essentiel à se sentir relever d'une logique verticale dans laquelle l'administration centrale de leurs ministères de rattachement compte davantage que des chefs de service qui ne maîtrisent pas les affectations ou les carrières et ne filtrent pas les instructions.

En outre, demeurent, selon toute apparence, différentes idiosyncrasies administratives qui ne facilitent pas la tâche de coordination, que ce soit, celles, traditionnelles, des services de l'autorité judiciaire ou de l'enseignement ou celle, plus nouvelle, des services du ministère de la santé dont l'autonomie paraît s'être affirmée depuis la constitution des agences régionales de santé. Enfin, il faut prendre en compte la fragmentation de l'État central lui-même du fait de la multiplication de ses opérateurs, dont l'autonomie administrative, d'une certaine manière naturelle, peut déployer des obstacles à une coordination complète.

Enfin, force est de reconnaître que les moyens de l'État dans les territoires ont eu tendance à se réduire, évolution qui n'est pas toujours compatible avec le maintien des missions qu'il entend assurer.

Hors personnels de l'enseignement, et hors Paris, la France de province ne dispose plus que de 766 300 agents publics (sur un total de 1 041 700 hors enseignement pour la France métropolitaine et 2 394 100 en comptant les personnels de l'enseignement).

Un sentiment de vide administratif se répand ainsi dans nombre de nos territoires, qu'il convient de prendre pleinement en compte dans une perspective de retour à une politique d'aménagement du territoire qu'il conviendrait de relancer.

Répartition régionale des effectifs de la fonction publique

Source : commission des finances du Sénat

Dans ce contexte de pauvreté des moyens, les difficultés de la coordination de l'action des services administratifs doivent être surmontées.

En ce sens, l'orientation consistant à placer celle-ci dans un cadre fonctionnel correspondant à la mise en oeuvre d'une politique publique bien identifiée, représente une option sans doute efficace.

La déconcentration fonctionnelle peut appuyer la déconcentration organique d'autant plus qu'elle ne peut faire autrement que de prendre en compte les réalités locales dans un contexte désormais marqué par le nécessaire partenariat avec les autorités politiques territoriales.

Néanmoins, votre rapporteur spécial souhaiterait qu'une charte de déconcentration réellement efficace adaptée aux orientations nouvelles données au réseau préfectoral et aux évolutions de la France décentralisée puisse être élaborée afin de donner davantage de lisibilité et de stabilité à la territorialisation de l'action administrative.

Cette étape est nécessaire pour donner corps au projet de renforcer la contribution de l'État à « l'ingénierie territoriale ». Une nouvelle directive nationale d'orientation (DNO) a été publiée sur ce point le 10 mars 2016 . Votre rapporteur spécial relève qu'elle confère une priorité aux politiques publiques nationales dans la mobilisation des ressources mais qu'elle attribue aussi au préfet la responsabilité de définir une offre locale d'ingénierie, notamment en fonction des besoins et des capacités des collectivités territoriales, invite à une attitude proactive de définition de projets nouveaux, et annonce une conduite par projet pouvant mobiliser différentes formules administratives tout en ouvrant aux sous-préfets d'arrondissement des perspectives susceptibles de favoriser leur implication au plus près des territoires.

Votre rapporteur spécial souscrit à l'idée selon laquelle l'ingénierie territoriale doit être en mesure de déboucher sur des initiatives et ne pas se contenter d'accompagner plus ou moins des projets à des stades parfois trop avancés de leur conception. Néanmoins, il faut rappeler aussi que les ressources d'ingénierie doivent atteindre un niveau satisfaisant qu'elles ne vérifient pas, même pour des actions relativement simples. Certains interlocuteurs sont trop lointains tandis que la suppression de l'obligation d'assistance technique pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT) dispensée depuis 2001 par les services de l'État aux communes et groupements intercommunaux défavorisés justifiant de conditions données de population et de potentiel fiscal a créé des difficultés et entraîné des surcoûts difficiles à supporter par les petites communes.

En toute hypothèse, le budget pour 2018 ne porte pas la trace du renouveau annoncé par la DNO.

Tributaire d'une raréfaction des ressources offertes par les ministères spécialisés, le ministère de l'intérieur rencontre lui-même des difficultés à recruter dans des métiers techniques spécifiques (pénurie de candidats ou défaut de profils adaptés aux besoins en compétences des services d'emploi) et n'est pas toujours en mesure de pourvoir la totalité des postes proposé en préfectures. Les filières techniques et des systèmes d'information et de communication sont aujourd'hui celles qui apparaissent le plus en tension.

Par ailleurs, la gestion des ressources humaines du réseau semble recourir de plus en plus à des emplois précaires . Interrogé sur les situations de vacances d'emplois dans le réseau sous-préfectoral, le ministère indique que « le responsable du programme n'a pas de vision des situations de vacance en sous-préfecture ». Il ajoute cependant que pour assurer la continuité de la présence dans les arrondissements, le recours à des agents non-titulaires a justifié de déléguer 14 millions d'euros en 2016 au titre de la rémunération des contractuels infra-annuels pour une consommation finale de 17,53 millions d'euros. Pour 2017, la consommation prévisionnelle des contractuels infra-annuels à fin juin est en nette hausse par rapport à 2016. Elle s'élève à 29,39 millions d'euros (dont 11,10 millions d'euros au titre du PPNG). Ces tendances se retrouvent dans l'augmentation du poids financier représenté par les aides au retour à l'emploi, prévu en hausse de 1 million d'euros, à 5,7 millions d'euros. Il n'est pas certain que ces crédits suffisent à couvrir les besoins programmés sur la base d'un nombre de bénéficiaires de 1 465 que les données d'exécution provisoires pour 2017 conduisent à estimer trop chichement mesuré.

Enfin, dans les collectivités d'outre-mer, des difficultés analogues se rencontreraient malgré un régime indemnitaire plus favorable qu'en métropole, comportant des majorations de traitement (le coût moyen de l'ETPT en outre-mer d'environ 80 000 à 90 000 euros selon les territoires est supérieur à celui de 55 000 euros en métropole).

Enfin, la baisse des crédits d'animation et de soutien du réseau mérite d'être prise en compte . Elle s'inscrit dans un contexte de besoins non couverts, en particulier au regard de l'immobilier du réseau.

Le parc immobilier de l'administration territoriale (1 500 bâtiments) représente une surface de plus de 1.800.000 m² pour une valeur patrimoniale estimée à 1,5 milliard d'euros. Plus de 70 % de ce parc relèvent du régime de la mise à disposition , régime dans lequel les collectivités territoriales, essentiellement les départements, conservent la nue-propriété des bâtiments, le ministère de l'intérieur garantissant la maintenance durable du parc. Or, force est de s'interroger sur les conditions d'entretien de ces bâtiments. Selon les données budgétaires, hors mise aux normes et dépenses dites « développement durable », les crédits prévus à ce titre sont limités à 7,9 millions d'euros auxquels s'ajoutent 1,4 million d'euros pour les bâtiments qu'occupe le réseau sous le régime classique de la location.

3. Le contrôle de légalité et le conseil aux collectivités territoriales

Le projet de budget dote les moyens du contrôle de légalité d'une enveloppe en hausse de 2,3 % . Cette évolution contraste avec les réductions successives de moyens enregistrées ces dernières années. En effet, les crédits de l'action 03 « Contrôle de la légalité et conseil aux collectivités territoriales ont connu une très forte décrue depuis 2009 jusqu'en 2016 (-71 millions d'euros).

Évolution des crédits de l'action 03 « Contrôle de la légalité
et conseil aux collectivités territoriales »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires de la mission « AGTE »

Mais, cette progression doit être mise en rapport avec un niveau de ressources dédiées au contrôle particulièrement étroit (150 millions d'euros en 2017) s'agissant de l'exercice d'une mission constitutionnelle des préfets à forts enjeux. Le projet de renforcer les moyens du contrôle de légalité par la création de 136 postes de 2017 à 2020 reste à concrétiser.

Le projet de budget pour 2018 compte moins d'ETPT au titre du contrôle de légalité et du conseil aux collectivités territoriales (2 619 ETPT) que le budget exécuté en 2015 (2 763 ETPT).

Outre les enjeux en rapport avec l'application de la loi, il convient de prendre en compte la sécurité juridique des opérations des collectivités territoriales mais aussi de l'État, compte tenu de la mise en oeuvre d'actions communes, et de leurs partenaires.

Or, les dysfonctionnements du contrôle de légalité ont été régulièrement mis en évidence.

Pour faire face à un effet de ciseaux entre le nombre d'actes normalement soumis au contrôle de légalité et les moyens disponibles, cette mission a été réorganisée selon un schéma qui a pu concrétiser un affadissement dans l'exercice de cette compétence. Trois niveaux de contrôle ont été définis : un contrôle obligatoire, un contrôle répondant à des priorités locales et le contrôle des actes non prioritaires.

Par ailleurs, pour éviter la consommation de moyens excessifs, la chaîne du contrôle a été simplifiée avec l'instruction donnée aux sous-préfectures de réduire considérablement leur implication matérielle mais aussi analytique dans les processus et la poursuite d'un objectif consistant à développer la transmission dématérialisée des actes des collectivités soumis au contrôle de légalité et au contrôle budgétaire.

Les résultats escomptés n'ont pas tous été atteints.

La transmission électronique des actes passe par l'application « ACTES ». Le taux de collectivités enregistrées dans l'application augmente chaque année de façon significative. Le recours à la dématérialisation devrait s'intensifier dans les années à venir. La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe » 8 ( * ) , a prévu d'étendre la transmission dématérialisée des documents budgétaires soumis à contrôle à toutes les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale de plus de 50 000 habitants dans un délai de cinq ans.

En outre, si le taux d'actes transmis par l'intermédiaire d'ACTES rapportés au nombre total d'actes transmis au titre du contrôle de légalité était, avec 53,2 % en 2016, très supérieur au taux atteint en 2014 (40 %), une partie de cette progression peut être imputée à la baisse du nombre d'actes reçus au titre du contrôle de légalité .

De la même manière, alors que les directives nationales d'orientation ont régulièrement évoqué un effort de rationalisation du rôle des sous-préfectures dans la chaîne de traitement du contrôle de légalité, l'engagement des sous-préfectures dans cette mission demeure. Le personnel dédié au contrôle de légalité dans les sous-préfectures a même connu une hausse ces dernières années. Il représentait 178,44 ETPT en 2016 et encore 167 ETPT en 2017 si bien qu'environ 20 % des effectifs affectés au contrôle de légalité se situent en sous-préfecture.

Il faut donc constater que le processus de centralisation en préfecture, n'a pas été intégral. Il peut être justifié de maintenir des moyens s'ils sont utiles mais les missions de pure interface comme celle consistant à assurer le tri des actes en fonction des priorités nationales et locales de contrôle, présente une contribution au contrôle de légalité, qui, pour n'être pas sans utilité, reste très « préalable ».

Quant aux cibles du contrôle, elles sont loin d'être atteintes.

Bilan des actes contrôlés
selon la hiérarchie du contrôle

2015

2016

Actes contrôlés relevant des priorités nationales

415 498

409 550

Commande publique

161 575

136 892

Fonction publique territoriale

79 098

81 281

Urbanisme

174 825

191 377

Actes relevant des priorités locales

442 055

443 165

Actes non prioritaires

202 303

186 710

Total

1 059 856

1 039 425

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Selon les informations du ministère de l'intérieur seuls 4 % des actes non prioritaires sont contrôlés contre une cible de 5 % Quant aux actes soumis à un contrôle systématique, la cible de 100 % figurant au dispositif de performances du projet annuel de performances est désormais considérée comme irréaliste au point qu'elle a été abaissé de 8 points. L'objectif est donc de contrôler 92 % d'actes pourtant compris dans le champ des actes soumis à un contrôle obligatoire. Au total, la baisse du nombre d'actes effectivement contrôlés reste notable même si, en ce domaine, les données purement quantitatives peuvent être relativisées.

Il est évident que certains actes sont plus complexes que d'autres tout comme il va de soi que la profondeur du contrôle exercé par les services peut être très variable.

Votre rapporteur spécial veut souligner l'importance qui s'attache dans un contexte de complexification juridique de l'action publique et de transferts de missions d'intérêt général aux collectivités territoriales à promouvoir une véritable fonction juridique au sein de l'administration générale territorialisée de l'État. La professionnalisation du contrôle de légalité devrait bénéficier de la création de pôles d'expertise nationaux. Les « pôles d'appui », dont deux seront mis en place à l'automne 2016, l'un à Dijon et l'autre à Orléans, pour répondre aux besoins dans les domaines de la police administrative et de la sécurité routière, sont présentés comme destinés à conforter la position juridique du ministère, tant au moment de l'édiction des actes que de leur défense contentieuse.

Il faut souhaiter qu'ils répondent effectivement aux besoins des préfectures et constituent une ressource dans leur mission de conseil aux collectivités territoriales.

Sur ce point, il faut considérer que la priorité donnée à l'ingénierie territoriale par le PPNG ne pourra trouver de prolongements pratiques qu'à la condition que le conseil juridique aux collectivités territoriales se déploie tout au long de la chaîne de leurs interventions .

À cet égard, la confusion, dans le budget, des moyens du contrôle de légalité et du conseil illustre un déficit de formalisation des activités de conseil du ministère, qui méritent une meilleure définition et plus de moyens. Ceux-ci pourraient être dégagés par l'optimisation du contrôle de légalité exercé par le réseau. Outre la suppression des échelons du contrôle sans réelle valeur ajoutée et le déploiement d'une expertise, la mutualisation du contrôle devrait progresser. À cet égard, les missions des administrations financières de l'État n'ont pas lieu d'être répliquées au niveau préfectoral qui devrait mieux explorer les synergies en ce domaine. La gestion du FCTVA illustre une possibilité de rationalisation dans la mesure où l'éligibilité au fonds se trouve vérifiée plusieurs fois, sans réel motif.

4. Le renforcement des moyens de l'accueil des étrangers ?

Le tableau ci-dessous récapitule les mesures intervenues en réponse à l'augmentation des flux de migrants. Après un train de recrutements supplémentaires relativement fournis en 2016 (+ 102 ETP) majoritairement centrés sur les emplois du pacte de sécurité, un net ralentissement dans la création de moyens s'est lentement installé. Pour 2017, les ETP supplémentaires n'atteignent plus que 61 unités. Quant au projet de budget pour 2018, il ne fait état que de 30 ETP, ces créations d'emplois étant toutes destinées à renforcer les services d'éloignement.

Évolution des effectifs en réponse à l'augmentation des flux d'immigration

(2016-2018)

2016

2017

PLF 2018

ETPT Renforts contractuel infra-annuel en gestion 2017 "plan 1000 mois vacataires"

ETP

T2

HT2

ETP

T2

HT2

ETP

T2

Réponses apportée à l'augmentation des flux d'immigration

Plan d'accueil des migrants (A)

30 ETP

1,41M€

-

-

-

0,07 M€

-

-

95 ETPT (1 138 mois):
- 43% pour les GUDA
- 50% pour les services séjours
- 7% naturalisation

Pacte de sécurité (B)

50 ETP*

-

-

-

-

-

-

Renfort guichets unique asile (GUDA) (C)

16 ETP

0,26M€

-

15ETP

0,82M€

-

-

-

Service éloignement (D)

-

-

-

-

-

-

30 ETP

0,55M€

Délégation supplémentaire du RPROG en cours de gestion (E)

6 ETP

-

-

46 ETP

-

-

-

-

Total

102 ETP

1,67M€

-

61 ETP

0,82M€

0,07M€

30ETP

0,55M€

(*): 50 ETP notifiés pour une réalisation de 56 ETP

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Les recrutements effectués au titre du pacte de sécurité en 2016 ont en réalité été fléchés vers les services d'éloignement selon les informations communiquées à votre rapporteur spécial, conduisant ceux-ci à bénéficier pour 2016 et 2017 de 56 ETP (pour une réalisation supérieure de 6 unités aux prévisions) supplémentaires. Les 30 ETP prévus pour 2018 porteraient le total à 86 ETP nouveaux en 2018 par rapport à 2015.

Ces recrutements paraissent particulièrement nécessaires au vu des conclusions tirées du retour d'expérience conduit par l'inspection générale de l'administration (IGA) à l'occasion du tragique attentat de Marseille le 1 er octobre dernier.

On rappelle que les agents du bureau de l'éloignement de la préfecture examinent les dossiers qui leur sont transmis et, selon la situation administrative de l'étranger au regard du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), préparent une décision portant obligation de quitter le territoire français (OQTF) et, le cas échéant, une assignation à résidence ou un arrêté de placement en rétention ; ce bureau relève de la direction des migrations et de l'intégration, placée sous la responsabilité du préfet, secrétaire général de la préfecture. Ce service exerce ainsi un rôle d'analyse tout à fait déterminant pour vérifier la régularité de la situation des étrangers et préparer les mesures que peuvent nécessiter des situations irrégulières. Le mauvais fonctionnement de la chaîne décisionnelle ayant contribué à laisser libre de mouvements le terroriste ayant commis les crimes de Marseille a illustré les pathologies que les dysfonctionnements du service d'éloignement peuvent engendrer. De trop faibles effectifs peuvent naturellement y contribuer. On rappelle que le rapport de l'IGA a pu indiquer que : « Le samedi, un seul agent est de permanence à la préfecture pour préparer les documents d'éloignement » , suggérant ainsi une forme d'inadéquation entre les moyens et les besoins. Votre rapporteur spécial n'a pas pu vérifier si d'autres facteurs que la disponibilité théorique des effectifs trop faibles par rapport aux besoins ont pu jouer dans cette affaire. Mais, sous réserve que les emplois supplémentaires prévus pour 2018 soient mobilisés avec pertinence, il lui semble que ces créations de postes pourront au moins contribuer à réduire un déficit qui s'est creusé sourdement ces dernières années .

Les autres emplois créés en 2016 l'ont été au profit de l'accueil des migrants (+46 ETP), un volume d'emplois analogue, essentiellement prélevés sur les réserves nationales et régionales ayant été affectés à cette même fonction en 2017. Par ailleurs, les guichets uniques d'accueil des demandeurs d'asile ont, dans ce cadre, fait l'objet d'une certaine attention, profitant en plus de près de 40 ETP au titre du « plan 1 000 mois vacataires ». Le projet de budget pour 2018 ne prolonge pas cet effort , ce qu'il convient de regretter au vu de son ampleur toute relative et des déficits considérables de moyens existant en la matière.

C'est de façon plus globale qu'il faut apprécier les moyens dédiés à la politique d'accueil des étrangers.

La mission « étrangers » recouvre cinq sous-missions :

- le séjour ;

- les naturalisations ;

- l'éloignement ;

- l'asile ;

- le contentieux.

Le tableau ci-après présente le nombre d'emplois affectés pour chaque procédure, leur évolution entre 2016 et 2017 ainsi que les coûts associés. Il permet de faire ressortir plusieurs évolutions significatives. En premier lieu, en lien avec les données précédemment exposées, l'augmentation des ETPT d'une année sur l'autre ressort comme plutôt modérée (+ 210,6 soit une progression de 7 %) compte tenu de certains besoins, en particulier dans le domaine de l'asile.

Les effectifs consacrés aux différentes fonctions ont été inégalement renforcés, la plupart des renforts ayant été affectés à la fonction de traitement des demandes d'asile (+ 86 ETPT, soit un supplément de moyens de 28,3 % par rapport à 2016). Cette augmentation doit être mise en regard de la forte élévation de la charge de travail. Une forte hausse de la demande d'asile s'est amorcée au troisième trimestre 2015 et s'est intensifiée au quatrième trimestre, conduisant à une hausse globale de 24 % pour l'année 2015. Ce phénomène s'est poursuivi tout au long de l'année 2016, mais dans une moindre mesure (+ 7 %). Cette accélération de la demande résulte pour l'essentiel du contexte de crise de l'asile que connaît l'Europe dans son ensemble depuis la mi-2015, la France étant toutefois moins touchée que certains de ses homologues (Allemagne, Suède, Autriche, etc.). Sur l'ensemble de la période entre 2007 et 2016 la demande de protection internationale a ainsi augmenté de 141 % en France.

Les guichets uniques d'accueil des demandeurs d'asile

Dans le cadre de la réforme de l'asile, 34 guichets uniques d'accueil des demandeurs d'asile en France métropolitaine ont été créés en 2015.

Ils réunissent des agents de préfecture dédiés aux activités d'enregistrement, et des agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) chargés de l'évaluation de la vulnérabilité et de la prise en charge des demandeurs d'asile (hébergement et ouverture des droits à l'allocation de demande d'asile).

La cartographie des guichets uniques repose sur le schéma antérieur des points d'enregistrement des demandeurs d'asile. Le site de Calais a été fermé début 2017, suite au démantèlement du campement de la Lande.

Leur implantation immobilière est majoritairement en préfecture, sauf pour trois sites hébergés en direction territoriale de l'OFII.

La deuxième fonction ayant connu un renforcement particulier a été la fonction contentieuse (+ 31 ETPT, soit un supplément de moyens de 11,5 %), évolution sans doute inévitable compte tenu des importants risques contentieux liés au droit des étrangers, qui se matérialisent par des coûts élevés (voir infra ), mais qui ne peut être considérée comme contribuant à un renforcement des moyens de premier rang de la politique d'accueil des étrangers conduite par la France.

En revanche, les trois autres sous-missions ont été peu dotées en effectifs supplémentaires.

Répartition des renforts en ETPT par fonction

Séjours

53

+ 3,1%

Naturalisations

23

+ 5,9%

Éloignement

18

+ 5,6%

Asile

86

+ 28,3%

Contentieux

31

+ 11,5%

Source : commission des finances du Sénat

Le renforcement des effectifs consacrés aux naturalisations, dont les modalités de traitement ont été profondément modifiées, ne s'est pas traduit par une augmentation du nombre des demandes traitées. En lien avec la baisse des demandes de naturalisation (- 30 887 demandes entre 2009 et 2016), une certaine réduction du stock des demandes à traiter par les préfectures est intervenue (- 20 580 demandes en stock) mais celui-ci demeure élevé (25 566 demandes) et le nombre des demandes traitées a baissé de 41 254 unités entre 2009 et 2016.

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

1 er semestre 2017

Demandes de naturalisation

93 381

80 245

83 042

50 705

67 633

70 499

67 665

62 494

31 959

Demandes traitées

98 878

89 499

85 725

69 188

65 053

65 621

69 483

57 624

30 916

Stock des demandes à traiter :

- en préfecture

46 146

60 556

41 136

28 855

31 145

33 839

26 708

25 566

24 001

- à la SDANF

29 899

15 563

3 234

3 075

5 331

9 536

18 634

7 848

6 652

TOTAL

76 045

76 119

44 370

31 930

36 476

43 375

45 342

33 414

30 653

Nombre de naturalisations et réintégrations

63 513

65 305

46 479

32 875

38093

40 941

43 494

48 833

26 480

Effets collectifs

28 435

29 268

19 794

13 128

14 114

16 669

18 070

19 234

10 126

TOTAL

91 948

94 573

66 273

46 003

52 207

57 610

61 564

68 067

36 606

Source : ministère de l'intérieur

De leur côté, les coûts associés aux emplois mobilisés dans le cadre de l'accueil des étrangers sont passés de 146 millions d'euros en 2016 à 146,7 millions d'euros en 2017, marquant une faible progression (+ 700 000 euros). Celle-ci paraît traduire une politique de recrutement fondée sur le recours à des emplois faiblement rémunérés, incluant sans doute un nombre important de contractuels.

Évolution de certains éléments représentatifs de la gestion des étrangers
entre 2016 et 2017

Données 2016

Service

ETPT

Montant correspondant

Séjours

1 700,66

80 272 211,14

Naturalisations

391,25

19 384 953,29

Éloignement

322,22

17 250 195,95

Asile

304,64

14 006 758,54

Contentieux

270,28

15 046 062,27

TOTAL

2 989,049

145 960 181,2

Données 2017 (prévisions)

Service

ETPT

Montant correspondant

Séjours

1 753,49

79 466 052,37

Naturalisations

414,67

19 162 977,21

Éloignement

340,30

17 676 855,89

Asile

390,05

15 027 463,96

Contentieux

301,09

15 379 185,29

TOTAL

3 199,60097

146 712 534,7

Source : ministère de l'intérieur

5. Un programme marqué par les enjeux de sécurité ?

Les déversements massifs de crédits - 21 % des dotations de la mission à destination de la mission « Sécurités » ne sont qu'un élément d'une recomposition tendancielle des moyens de la mission AGTE vers des actions de sécurité publique, qui engage le programme 307 mais aussi le programme 216 (voir infra les développements relatifs à ce dernier programme).

Des moyens supplémentaires destinés à répondre aux attentats terroristes ont été dégagés. Mais, l'effort fourni en 2016 et 2017 semble ressortir du projet de budget pour 2018 comme pour « solde de tous comptes ».

Évolution des effectifs en réponse aux actes terroristes commis en France
(2016-2018)

2016

2017

PLF 2018

ETPT Renforts contractuel infra-annuel en gestion 2017 « plan 1000 mois vacataires »

ETP

T2

HT2

ETP

T2

HT2

ETP

T2

Réponses apportées aux actes terroristes commis en France

Pacte de sécurité (F)

185ETP**

4,48M€

0,43M€

185 ETP

-

0,85 M€

-

-

-

PLAT (sécurisation des préfectures, téléphonie) (G)

-

-

1M€

-

-

0,50M€

-

-

Délégation supplémentaire du RPROG en cours de gestion au titre du PLAT (H)

-

-

0,24M€

-

-

1,5M€

-

-

-

Total

185 ETP

4,48M€

1,67M€

185 ETP

2,85M€

-

-

(**): 185 ETP notifiés dont 50 ETP pour les services étrangers (B) pour une réalisation de 200 ETP

Source : ministère de l'intérieur

B. LA DÉLIVRANCE DES TITRES SÉCURISÉS, UNE INÉVITABLE NUMÉRISATION AUX BÉNÉFICES ENCORE PEU APPARENTS

Alors que la délivrance des titres sécurisés a fait l'objet d'une réorganisation en profondeur censée tirer parti des progrès technologiques pour obtenir des gains de productivité, une amélioration du service et des progrès d'efficacité contre les fraudes et falsifications, certaines interrogations subsistent face au bilan de ces réformes.

1. Une modernisation coûteuse à ce jour

D'un point de vue budgétaire, les crédits de l'action « Réglementation générale, garantie de l'identité et de la nationalité et délivrance des titres » (688,3 millions d'euros) restent inertes malgré les réformes. Par rapport à 2015, les économies effectuées n'apparaissent pas supérieures à 6 millions d'euros (moins de 1 % des dépenses) pour une restructuration des emplois de 497 ETPT (4,1 % des effectifs). Face à ces économies, il faut prendre en compte les investissements nécessaires et les compensations versées aux communes sélectionnées pour recueillir les données. Leur montant (près de 40 millions d'euros) excède à ce jour largement des économies qui, de leur côté, il faut le noter sont récurrentes.

2. La fermeture presque complète des guichets du réseau préfectoral

La numérisation du processus de délivrance des titres sécurisés s'est accompagnée d'une importante réduction des points de contact entre l'administration et les usagers. Dans un premier temps limitée aux passeports biométriques, elle concerne désormais de nombreux autres titres sécurisés, dont la carte nationale d'identité.

Ce processus s'est accompagné de la fermeture de nombreux points d'accès auparavant accessibles dans les communes et, par conséquent, d'un report de charges sur les usagers et certaines mairies.

La mise en place du passeport biométrique, en 2009, s'est accompagnée du déploiement de dispositifs de recueil dans un nombre réduit de mairies, dans le réseau préfectoral et les postes consulaires ou diplomatiques. Un nombre de 3 500 dispositifs de recueil ont été installés par l'agence nationale des titres sécurisés, en 2009, auprès de 2 062 communes , de l'ensemble des préfectures et de certaines sous-préfectures, et de 212 postes diplomatiques de la France à l'étranger.

Ces dispositifs ont vocation à permettre le recueil de l'ensemble des pièces constituant la demande ainsi que son envoi dématérialisé aux services instructeurs mais également le recueil des données biométriques (empreintes digitales et photographie).

Le dépôt des demandes de passeports biométriques est régi par le principe de déterritorialisation si bien qu'il n'est pas nécessaire d'être résident de la commune pour présenter une demande à la mairie de celle-ci. C'est une solution naturellement recommandable sans laquelle seuls les résidents des communes dotées de dispositifs de recueil de données pourraient ambitionner d'accéder aux titres concernés par la numérisation. Mais, cette déterritorialisation pose bien entendu des difficultés sérieuses, tant aux usagers qu'aux communes qui assument la charge du nouveau dispositif.

L'éloignement des points d'entrée est le principal problème supporté par les usagers résidant dans les dizaines de milliers de communes non équipées, d'autant que le nouveau système peut être sensible à de menues perturbations.

Quant aux charges supportées par les communes gestionnaires des dispositifs nécessaires à la formulation des demandes, elles peuvent dépasser largement les compensations prévues selon les témoignages de nombreux responsables locaux.

Ces difficultés n'ont pas ralenti le processus de numérisation que le ministère a souhaité étendre à la carte nationale d'identité.

Désormais recueillies selon les mêmes modalités techniques que le passeport, les demandes de titres d'identité ne peuvent être déposées qu'auprès de mairies équipées d'un dispositif de recueil.

Dans ce contexte, l'inspection générale de l'administration a préconisé le déploiement de 228 dispositifs de recueils complémentaires , qui viennent s'ajouter au parc déjà existant. Le déploiement effectif a concerné 278 nouveaux dispositifs de recueil auprès de communes déjà équipées et de communes souhaitant maintenir ce service aux usagers. Par ailleurs, 250 nouveaux dispositifs de recueil sont en cours de déploiement.

S'agissant de l'indemnisation, il a été décidé de compléter l'indemnisation forfaitaire déjà versée pour les passeports biométriques par une indemnité forfaitaire par dispositif de recueil pour couvrir le traitement des demandes de CNI émanant des demandeurs non-résidents.

Selon les données transmises par le ministère, le total des compensations versées aux communes atteindrait 39,78 millions d'euros.

S'agissant du passeport , l'article 136 de la loi de finances pour 2009 a complété le code général des collectivités territoriales (CGCT) par la création d'un article L. 2335-16 instituant une dotation relative à l'enregistrement des demandes et à la remise des titres sécurisés. Elle s'élève à 5 030 euros par an par station de recueil, ce qui représente en 2015, une dotation de 18,28 millions d'euros , pour 2 088 communes et 3 526 dispositifs de recueil .

L'extension du dispositif à la carte nationale d'identité a conduit à augmenter la compensation à hauteur de 3 550 euros par dispositif de recueil soit 8 580 euros au total. Le coût de cette revalorisation s'élève à 12,9 millions d'euros pour les 3 526 dispositifs installés avant la réforme, 2,4 millions d'euros pour les 278 stations déployées en 2016/2017 et 2,2 millions d'euros pour les 250 dispositifs qui seront déployés entre la fin de l'année 2017 et le début de l'année 2018.

Pour compenser la charge d'activité des communes dont les dispositifs sont les plus sollicités, le montant sera porté à 12 130 euros pour les communes ayant enregistré plus de 1 875 titres par dispositif (soit plus de 50 % de la capacité des installations) au cours de l'année précédente. Cette mesure représente une indemnisation supplémentaire de 4 millions d'euros par an.

3. Un raccourcissement des délais très relatif

Le projet annuel de performances présente le raccourcissement du délai moyen de délivrance des titres (passeports biométriques, cartes nationales d'identité, permis de conduire) comme l'un des trois objectifs les plus représentatifs de la mission. Quoiqu'on puisse penser de ce choix de priorité, il est naturellement important que les titres permettant l'exercice de grandes libertés publiques et, tout simplement, l'existence quotidienne, puissent être remis aux demandeurs dans les meilleurs délais .

Force est de constater que les performances atteintes en la matière ne sont pas au niveau attendu. À titre d'exemple, alors que le PAP présenté dans le cadre du projet de de loi de finances pour 2017 prévoyait que 90 % des passeports biométriques soient mis à disposition dans les 15 jours, cette cible a dû être revue à la baisse pour ne plus concerner que 80 % des titres en cause. C'est cette même cible qui était fixée pour les cartes nationales d'identité.

Encore faut-il relever que les performances du dispositif sont jaugées à partir de critères peu exigeants, d'autant qu'ils ne recouvrent pas l'ensemble des délais entre la première démarche du demandeur et sa satisfaction pleine et entière. Les délais de référence (15 jours pour les passeports et les cartes nationales d'identité, 19 jours pour les permis de conduire) doivent être jugés d'autant plus élevés que leur computation ne recouvre pas l'ensemble de la démarche entreprise par l'usager. Elle ne débute qu'à partir de la réception de la demande au CERT, étape susceptible d'être précédée de bien d'autres démarches dont la durée moyenne n'est pas envisagée.

Par ailleurs, il faut tenir compte des importantes disparités territoriales qu'occulte la référence à une cible moyenne.

S'agissant des permis de conduire , pour le seul délai moyen de traitement des demandes de permis de conduire imputable à la préfecture (mesuré à partir du nombre de jours séparant la date de réception par le service instructeur de l'ensemble des éléments constitutifs du dossier et la date d'envoi au centre de traitement des numérisations des documents nécessaires à l'édition du titre), l'hétérogénéité est considérable. Pour une moyenne nationale en 2016 de 10,5 jours, le délai est de 1,5 jour dans le Jura et la Creuse mais de 45,4 jours en Corse du Sud (25 jours en Haute Corse). Si le flux des demandes peut jouer (ainsi, dans le Rhône, le délai est de 23 jours), il n'est manifestement pas un déterminant mécanique. En Essonne, le délai est de 3,1 jours, tandis qu'en Seine-et-Marne il atteint 21,9 jours.

De mêmes constats s'imposent en ce qui concerne la carte nationale d'identité . Pour un délai moyen de 7,9 jours en 2016 apprécié à partir d'une donnée incomplète (le nombre de jours séparant la date de réception de la demande par le service instructeur et la date d'envoi de la demande par ce service au centre de fabrication, qui n'incluent pas les délais imputables aux autres maillons de la chaîne - mairie, centre de fabrication, livraison...), on observe un délai effectif d'une journée dans le Territoire-de-Belfort, de 4,4 journées en Ardèche, mais de 39,8 jours dans le Rhône et 12,8 jours à Paris. Les performances là aussi ne semblent pas corrélées avec des données sociodémographiques, pas davantage d'ailleurs qu'avec les performances obtenues dans la délivrance d'autres titres.

Quant aux passeports biométriques , qui sont de longue date délivrés dans le cadre d'un processus de dématérialisation, l'inégale efficacité des traitements s'impose aussi comme un constat. Pour une moyenne nationale de 12,9 jours en 2016, le délai tel qu'il est suivi par le ministère était en 2016 de 30,5 jours en Auvergne-Rhône-Alpes pour 7,2 jours et 7,4 jours en Corse et dans les Hauts-de-France, respectivement.

Il peut être intéressant d'observer que les délais de traitement des demandes ne sont pas nécessairement plus courts dans le cadre de processus marqués par une plus forte dématérialisation et régionalisation et qu'en outre, ils peuvent varier d'une année à l'autre sans raison évidente . On est conduit à supposer l'effet de tensions techniques mais aussi des évolutions d'effectifs qui peuvent atteindre une grande ampleur. Par ailleurs, la transition entre deux types d'organisation est probablement à l'origine de perturbations.

En toute hypothèse, votre rapporteur spécial souhaite que l'impact sur la qualité du service aux usagers de la dématérialisation de la délivrance des titres sécurisés et de leur régionalisation en termes de délai fasse l'objet d'un suivi dans des conditions plus satisfaisantes qu'aujourd'hui. Par ailleurs, il insiste pour que les points noirs territoriaux de la délivrance des titres soient au plus vite résorbés.

4. La lutte contre la fraude documentaire, quels résultats ?

La lutte contre la fraude documentaire est présentée comme un des déterminants majeurs des évolutions de stratégie mises en oeuvre ces dernières années dans le cadre du remodelage des attributions et des moyens des réseaux d'administration générale de l'État.

Selon le Gouvernement, les types de fraudes ont changé ces dernières années justifiant un déploiement de moyens vers de nouvelles solutions.

La fraude documentaire par falsification ou contrefaçon aurait été endiguée du fait de la mise en oeuvre au cours des dernières années des titres de nouvelle génération, qui, dotés de différentes sécurités, nécessitent des moyens techniques dont le coût devient un élément dissuasif pour ce type de fraudes.

En revanche, l'analyse des fraudes démontrerait que les failles existent dans la chaîne de délivrance des titres de sorte que ce n'est plus le document lui-même qui fait l'objet de falsification ou de contrefaçon mais les pièces justificatives présentées à l'appui de la demande de titre.

Afin de lutter contre les obtentions indues (obtention d'un vrai titre sur présentation de pièces justificatives falsifiées), l'effort porte sur la sécurisation de la chaîne de délivrance des titres et sur la traçabilité des titres édités .

La sécurisation de la chaîne de délivrance a été renforcée par deux dispositifs :

- la transmission dématérialisée via COMEDEC des actes de naissance entre les communes et les centres d'expertise et de ressources titres (CERT) chargés de l'instruction des demandes de cartes nationales d'identité et de passeports ;

- le dispositif 2D-Doc de sécurisation des justificatifs de domicile par lecture d'un code-barres à deux dimensions apposé sur certains documents servant de justificatifs de domicile.

En ce qui concerne la traçabilité des titres édités , les outils employés proviennent principalement de bases de données dont la qualité dépend de l'exhaustivité et de l'accessibilité.

Dans sa réponse au questionnaire du rapporteur spécial, le ministère évoque les données relatives aux titres perdus ou volés versées dans les fichiers de police internationaux (système d'information Schengen (SIS) et Interpol) ainsi que l'application DOCVERIF déployée depuis le 1 er septembre 2016, qui permet aux services de police et de gendarmerie de vérifier la validité des CNI et des passeports présentés lors des contrôles d'identité.

Par ailleurs, les applications de gestion nécessaires aux changements apportés aux procédures de délivrance des titres par la dématérialisation des demandes présentées par les usagers intègrent des moyens nouveaux. Il est ainsi précisé que « l'enregistrement des demandes de CNI est effectué depuis le début de l'année 2017 au moyen des dispositifs de recueil utilisés pour les passeports qui disposent de moyens (transmission électronique des données de l'état civil, vérification instantanée de l'inscription au fichier des personnes recherchées, vérification des empreintes au moment de la remise du titre) plus développés que la précédente application » .

Enfin, un nouvel outil d'aide à la détection automatisée des tentatives de fraude au certificat d'immatriculation (CIV) , dénommé SELFIM (système expert de lutte contre la fraude à l'immatriculation), permettrait de renforcer significativement l'expertise des cellules spécialisées dans les CERT CIV en matière de lutte contre la fraude. Il s'agirait d'un « outil innovant utilisant des algorithmes détectant les dossiers qui présentent des risques de fraude aux certificats d'immatriculation » .

Dans ce contexte de développement technologique et d'expansion des fichiers , l'automatisation des processus n'empêche pas la programmation d'un renforcement des personnels dédiés à la lutte contre la fraude, le nombre de personnes dédiées à la lutte contre la fraude documentaire devant être multiplié par cinq pour atteindre près de 220 agents spécialisés au terme de la mise en oeuvre du PPNG dans le cadre de la création de cellules de lutte contre la fraude dans les CERT.

Votre rapporteur spécial rappelle qu'il partage pleinement les préoccupations exprimées par la commission des lois du Sénat que la lutte contre la fraude n'aboutisse pas à la constitution de fichiers qui, soit par leur vulnérabilité, soit par une accessibilité insuffisamment encadrée se retourneraient contre les libertés de nos compatriotes et produiraient des effets inverses à ceux recherchés.

L'un des points importants de la lutte contre la fraude réside dans l'utilisation de l'application COMEDEC. Or, celle-ci demeure plutôt confidentielle à ce jour. Au 31 août 2017, seules 366 communes sont raccordées à ce dispositif. Même si 700 communes supplémentaires sont en cours de raccordement, après avoir signé une convention avec l'ANTS et le ministère de la justice, il reste donc beaucoup de « trous dans la raquette ». À ce titre, il convient de mentionner la loi de modernisation de la justice du XXI e siècle. Elle a rendu obligatoire (au 1 er novembre 2018) le dispositif COMEDEC pour les communes qui sont ou ont été siège d'une maternité. Dans ce contexte, une nouvelle aide aux communes utilisatrices de la plateforme, sera effective au 1 er juin 2018. Le projet de budget n'en fait pas ressortir clairement la programmation.

Par ailleurs, l'actualité montre, hélas, que des fraudes documentaires apparemment relativement simples et rustiques persistent dans le contexte des migrations internationales.

5. L'équilibre financier de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) reste, malgré certains progrès apparents, une source de perplexité
a) La situation financière de l'ANTS, débudgétisation et amélioration

Établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de l'intérieur, l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) a pour mission de développer et d'assurer la production de titres sécurisés . Initialement compétente pour les passeports électronique et biométrique, le certificat d'immatriculation des véhicules, le titre de séjour électronique, la carte nationale d'identité électronique (CNIe) et le visa biométrique, l'Agence a vu ses attributions progressivement étendues à d'autres documents comme le permis de conduire ou, plus récemment, le titre d'identité et de voyage et la carte de frontalier 9 ( * ) .

Le projet de loi de finances ne rend pas bien compte de la mobilisation des finances publiques au service de l'ANTS. Le budget n'assure qu'une partie minoritaire des ressources de l'ANTS sous la forme du reversement à l'agence du produit de la redevance d'acheminement des certificats d'immatriculation des véhicules (28,7 millions d'euros pour 2018, comme en 2017). Ces sommes ne sont pas inscrites dans les crédits initiaux du projet de loi de finances mais rattachées en cours de gestion selon un circuit très complexe.

Surtout, le financement de l'agence sollicite les finances publiques au-delà de cette redevance puisqu'il repose sur des recettes affectées 10 ( * ) . Leur produit s'élève à près de 13 % des dotations du programme 307 dont il convient donc d'apprécier le niveau sur une base augmentée par rapport aux seuls crédits.

Les taxes affectées s'élèveraient en 2018 à 223,7 millions d'euros (en incluant la redevance susmentionnée), comme en 2017 . Ces produits ont augmenté de 4,5 millions d'euros depuis 2015 soit une hausse de 2 %.

Par ailleurs, l'agence dégage quelques ressources propres 11 ( * ) , pour un montant de 5,8 millions d'euros dans le budget initial de 2017. Elles paraissent en voie d'expansion, ce dont il faut se féliciter, sous certaines réserves. Même s'il n'entre pas dans la vocation d'un établissement public administratif de développer une activité commerciale, il n'apparaît que souhaitable que les savoir-faire de l'agence soient mieux valorisés.

Votre rapporteur spécial s'interroge cependant sur la mention des téléservices en tant qu'explication de la dynamique de ces ressources dans le projet annuel de performances . Il faut remarquer que la fermeture de nombre de services assurés aux guichets des préfectures (mais aussi des mairies) s'accompagne d'une progression significative des appels téléphoniques adressés au centre de contact de l'ANTS, de la part des usagers mais aussi des mairies. Ainsi l'agence a-t-elle reçu 3 000 appels par jour concernant les demandes de certificats d'immatriculation (contre 2 000 avant la dématérialisation), le nombre d'appels quotidiens ayant également doublé à 400 pour les cartes nationales d'identité. Cette inflation de communications, outre qu'elle pèse sur le pouvoir d'achat des usagers et sur les budgets des communes, traduit certaines difficultés d'adaptation aux nouvelles procédures.

Votre rapporteur spécial, fort de l'expérience des communications avec certains centres d'appels, ne peut qu'exprimer une certaine inquiétude quant aux effets de la suppression systématique des accueils au guichet des entités du réseau préfectoral. Il s'interroge sur l'accessibilité de ces centres aux différents intervenants de la chaîne de délivrance des titres, rappelant qu'en cas de défaillance, les guichets de première entrée, le plus souvent localisés en mairie devront faire face à des demandes mal satisfaites.

Les taxes affectées à l'ANTS sont des droits de timbre acquittés lors de la délivrance de certains titres dont elle a la charge. La recette la plus productive provient du droit de timbre relatif à la délivrance des passeports biométriques (126,1 millions d'euros en 2018, soit plus de la moitié des recettes), sur la délivrance des certificats d'immatriculation des véhicules (36,2 millions d'euros) et de la carte nationale d'identité (11,25 millions d'euros). Les titres de séjour et de voyage des étrangers engendrent une somme très significative (14,6 millions d'euros) au vu du volume qui est le leur, nettement inférieur à celui impliqué par les autres opérations.

Les plafonds des taxes affectées à l'ANTS
en 2015, 2016, 2017 et 2018

(en millions d'euros)

Taxes et redevances

Produit attendu par l'établissement

Prévision 2018

Réalisation
2015

Réalisation
2016

Prévision
2017

Droit de timbre sur les passeports

118,80

118,75

126,10

126,10

Droit de timbre sur les titres de voyage biométrique délivrés aux réfugiés et apatrides

0,90

0,90

0,90

0,90

Taxe perçue à l'occasion de la délivrance, du renouvellement, du duplicata ou du changement d'une carte de séjour

13,60

13,59

13,59

13,600

Droit de timbre sur la carte nationale d'identité en cas de non présentation de l'ancienne carte lors de son renouvellement

11,25

11,25

11,25

11,25

Droit de timbre sur les certificats d'immatriculation des véhicules

38,70

36,20

36,20

36,20

Redevance d'acheminement ( 1 )

26,00

36,30

28,70

28,70

Droit de timbre sur le permis de conduire pour non présentation lors du renouvellement

10,0

7,70

7,00

7,00

Total

219,20

224,70

223,74

223,74

( 1 ) Le produit de la redevance d'acheminement n'est pas plafonné.

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2018

Les dépenses de l'ANTS , de leur côté, ont connu une forte augmentation depuis 2011 (+ 32,5 % entre 2011 et 2014) liée principalement à la mise en oeuvre du nouveau permis de conduire au format européen , produit à partir de l'application dite « FAETON » ainsi qu'aux surcoûts dus à la maintenance du système d'immatriculation des véhicules (SIV).

Dans le budget initial de l'opérateur, les charges de fonctionnement sont largement prédominantes (201,2 millions d'euros en 2017), les dépenses de personnel s'élevant à 7,5 millions d'euros, soit 3,3 % du total des dépenses (en forte augmentation de 17,2 % par rapport aux 6,4 millions d'euros prévus en 2016). La section d'investissement porte 20,6 millions d'euros en 2017, quasiment inchangée par rapport au budget précédent. Toutes dépenses confondues, les investissements occupent une place modérée dans l'ensemble avec moins de 10 % des engagements.

Cette structure de dépenses traduit la fonction de l'ANTS qui, outre des missions de conception et de conduite de projets, exerce essentiellement un rôle de maître d'ouvrage et de plaque tournante de distribution de titres.

Au total, l'ANTS dégagerait un léger excédent de 173 000 euros.

Cette stabilisation des perspectives financières de l'agence est remarquable compte tenu d'un historique marqué par de profonds déséquilibres.

Toutefois, votre rapporteur spécial relève que le développement des recettes de téléservices y est pour beaucoup, ce dont il ne se félicite pas a priori.

b) Des problèmes structurels demeurent

Afin de rétablir son équilibre budgétaire, l'ANTS est engagée dans une démarche de maîtrise des dépenses qui passe notamment par la réduction du coût de production des titres.

Le nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP) 2015-2017 signé le 10 juillet 2015 par le secrétaire général du ministère et le directeur de l'Agence fixe comme objectif la diminution du coût de production du passeport de 5 % et du permis de conduire de 30 % d'ici 2017 .

Ces objectifs, qui pèseront moins sur l'ANTS que sur ses partenaires, en particulier sur l'Imprimerie nationale, n'ont pas encore trouvé de traduction claire dans les faits. Par ailleurs, ils devraient s'accompagner d'une réduction des droits acquittés par les usagers qui ne s'est pas matérialisée.

Le tableau ci-dessous récapitule les évolutions des coûts de production unitaire des titres produits par l'Imprimerie nationale tels qu'appréhendés par l'ANTS. Certaines évolutions paraissent sans rapport avec les coûts qu'extérioriserait une comptabilité analytique rigoureuse puisqu'elles sont expliquées par des changements dans les conventions entre l'ANTS et l'Imprimerie nationale. Dans d'autres cas, les variations enregistrées correspondent à des modifications substantielles des cahiers des charges. Ainsi, en est-il allé pour le permis de conduire, le projet d'insertion d'une puce ayant été abandonné.

Il convient de rappeler que la réalisation des titres sécurisés est un monopole confié par la loi n° 93-1419 du 31 décembre 1993 à l'Imprimerie nationale, société anonyme détenue à 100 % par l'État. L'ANTS se trouve par conséquent dans une situation particulière qui ne lui permet pas de faire jouer la concurrence.

Coûts de production des fournitures en titres

2012

2013

2014

2015

2016

31 juillet

2017

Passeports

13,30 €

13,24 €

13,47 €

13,06 €

11,94 €

12,07 €

Certificats d'immatriculation

0,74 €

1,04 €

1,06 €

1,06 €

1,07 €

1,08 €

Titres de séjour (1)

12,70 €

12,84 €

11,07 €

10,47 €

10,52 €

10,38 €

Visa (1)

0,80 €

0,83 €

0,83 €

0,66 €

0,66 €

0,66 €

Permis de conduire (2)

/

9,99 €

10,02 €

8,69 €

6,84 €

6,84 €

Cartes agent

/

11,59 €

11,62 €

11,58 €

11,58 €

11,58 €

Cartes d'accès sécurisé

/

9,39 €

9,44 €

9,41 €

9,44 €

9,50 €

Permis Bateau

/

/

3,19 €

3,20 €

3,19 €

3,19 €

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

La réduction des coûts de production des titres a eu son pendant dans l'évolution des coûts de transport. Ces coûts sont sensibles à un effet de volume. Le transport des passeports, des titres de séjour, des cartes d'accès sécurisées et des cartes agent est assuré par colis. Si la production augmente, le nombre de titres par colis augmente et les coûts moyens unitaires diminuent. Par ailleurs, les options d'acheminement peuvent être plus ou moins coûteuses.

Coûts d'acheminement des titres

2012

2013

2014

2015

2016

31 juillet

2017

Passeports (1)

1,38 €

1,17 €

1,00 €

1,08 €

1,12 €

NC

Certificats d'immatriculation

2,85 €

2,85 €

2,86 €

2,81 €

2,76 €

2,76 €

Titres de séjour (1)

1,38 €

1,17 €

1,00 €

1,08 €

1,12 €

NC

Visa

0,02 €

0,01 €

0,01 €

0,02 €

0,01 €

0,01 €

Permis de conduire (2)

/

3,09 €

2,87 €

1,85 €

1,88 €

1,83 €

Cartes agent (1)

/

1,17 €

1,00 €

1,08 €

1,12 €

NC

Cartes d'accès sécurisé (1)

1,17 €

1,00 €

1,08 €

1,12 €

NC

Permis Bateau

Tarif Ecopli

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

Les enjeux d'une réduction du coût unitaire de production et d'acheminement des titres peuvent être appréhendés à partir des prévisions de production en volume.

Ainsi, d'ici 2030, 33 millions d'anciens permis de conduire vont devoir être renouvelés et remplacés par des permis de conduire au format européen. De même, les demandes de passeport biométrique sont en augmentation : 3,88 millions de passeports devraient être produits en 2015 contre 3,78 millions en 2013 et 3 millions en moyenne les années antérieures.

On peut mettre en rapport les coûts unitaires mentionnés plus haut avec le tarif des différents droits perçus par l'ANTS.

Les tarifs demandés aux usagers ressortent comme sensiblement supérieurs aux coûts , ce qui n'est pas juridiquement injustifiable, les taxes différant des redevances pour lesquelles une proportionnalité doit être respectée entre coûts et tarifs, mais mérite d'être mieux justifié d'autant que des phénomènes de péréquation paraissent à l'oeuvre . Le poids prépondérant des recettes associées au droit de timbre à la charge des demandeurs d'un passeport biométrique dans le financement de l'agence a été souligné ci-dessus (126,1 millions d'euros, soit plus de la moitié des ressources de l'agence). Celle-ci indique que les dépenses correspondantes s'élèvent à 88,3 millions d'euros (37,7 % du total des dépenses).

Votre rapporteur spécial s'interroge sur les conditions dans lesquelles sont fixés les tarifs des droits de timbre des différents titres développés par l'ANTS. Il observe qu'en dépit des informations transmises qui tendent à extérioriser une réduction des différents coûts unitaires supportés par l'ANTS, ses recettes, même si elles ont été globalement insuffisantes pour couvrir les charges de l'ANTS, ont connu une forte augmentation, en lien avec des volumes traités en expansion, dans un contexte où les tarifs unitaires ont eux-mêmes augmenté et laissent apparaître une forte discordance avec les coûts de chacun des titres concernés. Il convient en particulier de vérifier que les produits versés à l'ANTS par les ministères auxquels l'agence fournit des cartes agents couvrent convenablement les coûts d'une activité que l'agence entend développer considérablement.

Par ailleurs, il faut tenir compte d'un certain nombre de risques pesant sur l'ANTS.

À ce sujet, un rapport l'inspection générale de l'administration (IGA) a préconisé l'adoption d'une politique de maîtrise des risques plus complète et plus systématique dont les recommandations doivent donner lieu à des suites effectives.

Par ailleurs, dans le contexte des réorganisations en cours visant à ôter au réseau préfectoral son rôle dans la chaîne de traitement des titres, excepté pour les titres liés à la situation des étrangers, le risque d'un transfert de charges récurrent aux dépens de l'ANTS n'est pas négligeable. On a déjà indiqué que le retrait de l'État territorialisé des missions qu'il exerce jusqu'à présent dans ce domaine se traduit par de premières créations d'emploi et par un déplafonnement des taxes affectées à l'établissement. Il n'est pas sûr que les moyens supplémentaires ainsi dégagés puissent suffire.


* 8 Article 128 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 9 Décret n° 2014-512 du 20 mai 2014 modifiant le décret n° 2007-255 du 27 février 2007 fixant la liste des titres sécurisés relevant de l'Agence nationale des titres sécurisés.

* 10 Hormis pour la redevance d'acheminement, le produit des taxes attribuées à l'ANTS est plafonné comme c'est le cas général des taxes affectées dans le cadre des normes budgétaires appliquées aux opérateurs. En cas de recettes supérieures au plafond fixé chaque année en loi de finances, l'excédent est reversé au budget général de l'État.

* 11 Ces recettes propres sont par exemple liées à la fabrication des cartes d'agents pour différents ministères ou à l'utilisation du système de transmission électronique des données d'état civil COMEDEC.