M. Didier Rambaud, rapporteur spécial

III. LE PROGRAMME 164 : « COUR DES COMPTES ET AUTRES JURIDICTIONS FINANCIÈRES »

Observations principales sur le programme

- Les crédits demandés atteignent 217,4 millions d'euros en 2018 , soit une augmentation de 1,5 %, qui s'explique par une hausse des dépenses de personnel. Cette hausse des dépenses est notamment due à une augmentation du nombre d'emplois de catégorie A (+ 10 ETPT) et une baisse équivalente du nombre d'emplois de catégories B et C ainsi qu'à une hausse du régime indemnitaire des magistrats financiers.

- Les dépenses de fonctionnement, faible diminution, prévoient le financement du déploiement du schéma stratégique des systèmes d'information, pour près de 1 million d'euros .

- La présentation du suivi de la performance est modifiée en 2018, notamment du fait de l'introduction d'une nouvelle méthode de calcul de l'indicateur mesurant les effets sur les comptes des travaux de certification . Celui-ci prend désormais en compte le nombre de constats d'audit , et traduit plus fidèlement l'effet positif des travaux de certification sur les entités contrôlées .

- Après plusieurs années de réorganisation, quelques évolutions sont attendues en 2018, et l'activité des juridictions financières devrait se stabiliser. Elles poursuivent cependant l'expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales , ainsi que la mise en oeuvre de leur nouvelle compétence de contrôle des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS) et aux établissements de santé privés.

Le programme 164 retrace les crédits de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) , ces dernières regroupant 18 chambres régionales des comptes (CRC), dont 5 en outre-mer et 5 chambres territoriales des comptes (CTC), situées en outre-mer 27 ( * ) .

A. UN PROGRAMME SUJET À QUELQUES MODIFICATIONS POUR 2018

1. Une progression modérée des crédits

Les crédits demandés atteignent 217,4 millions d'euros en 2018 , soit une augmentation de 1,5 %, après une progression de 0,5 %. Les dépenses hors titre 2 diminuent sensiblement (- 1,2 %) mais moins fortement qu'en 2017 (- 8,2 %). Ce mouvement s'inscrit dans celui d'une diminution, amorcé en 2015, et lié notamment à la sortie du dispositif des loyers budgétaires de plusieurs chambres régionales des comptes, à la suite de la révision des conventions d'utilisation de 2015.

Les dépenses de titre 2 (88 % des crédits) augmentent en 2018 de la même manière que l'année précédente, de 1,9 %, sans toutefois permettre de saturer le plafond d'emploi, qui demeure fixe à 1 840 ETPT. 28 ( * ) Lette hausse résulte de la politique de revalorisation des emplois, de la hausse du régime indemnitaire des magistrats financiers (+ 0,8 million d'euros) et de la poursuite de la mise en oeuvre du protocole interministériel dit « PPCR » . Cependant, ce protocole ne sera finalement pas appliqué en 2018 29 ( * ) , aussi le coût supplémentaire qu'il représente, de l'ordre de 293 740 euros - soit 8,2 % de l'augmentation des dépenses de titre 2 du programme 30 ( * ) - n'aura pas lieu d'être.

2. Une maquette budgétaire modifiée

Depuis sa refonte en 2012, la maquette du programme n'avait pas connu de changement et a conservé les mêmes objectifs et indicateurs de performance. Le projet annuel de performance pour 2018 intègre une révision changement dans le calcul de l'un principaux indicateurs, mesurant les effets sur les comptes des travaux de certification 31 ( * ) . Il ne prend plus en compte les montants financiers des corrections demandées par la Cour aux entités contrôlées, mais désormais les constats d'audit formulés lors des travaux de certification .

La méthodologie de calcul de l'indicateur retenue précédemment conduisait en effet à une interprétation négative de la performance réalisée. Il mesurait en effet le taux « corrections réalisées/corrections demandées », constitué par la moyenne des taux mesurés pour la certification des comptes de l'État et pour la certification des comptes du régime général de la sécurité sociale. Depuis 2015, ce taux diminue, non en raison d'une moindre prise en compte des corrections demandées.

Cette diminution traduit en réalité une situation positive : sous l'effet de long terme des travaux de certification, la fiabilisation des comptes de l'État conduit à diminuer le volume financier d'anomalies détectées par la Cour, aussi le montant des corrections demandées s'est-il réduit. En revanche, cette meilleure prise en compte des corrections dans les comptes de l'État a eu pour effet de mettre plus explicitement en évidence la situation des régimes sociaux, dont le volume financier de corrections demandées demeure élevé, et pondère ainsi à la baisse l'indicateur.

Ainsi, l'indicateur dans sa nouvelle formule traduit plus fidèlement l'impact positif des travaux de certification de la Cour, et met en exergue une fiabilisation des comptes des entités contrôlées : 135 constats étaient réalisés en 2016, 123 devraient l'être en 2017, et l'objectif pour 2018 est fixé à 117.

Par ailleurs, l'objectif n° 6 « Améliorer le fonctionnement des juridictions financières » et l'indicateur sur l'efficience de la gestion des ressources humaine qui lui était rattaché sont retirés de la maquette. La partie consacrée aux coûts synthétiques transversaux de la justification au premier euro reprend les données qui étaient associées à cet indicateur.

Les autres indicateurs sont inchangés et leurs prévisions de performance pour 2018 sont, comme en 2017, satisfaisantes.

3. Des dépenses de fonctionnement en baisse malgré le début de la mise en oeuvre du schéma stratégique des systèmes d'information pour la période 2018-2022

Les crédits de titre 3 enregistrent une baisse de 0,8 % par rapport à 2017, qui reste cependant très inférieure à la diminution entre 2016 et 2017 (-9,5 %). L'essentiel de ces crédits est affecté au fonctionnement récurrent du programme, aussi la somme allouée aux projets de développement demeure résiduelle. Près d'un million d'euros sont affectés au financement du déploiement du schéma stratégique des systèmes d'information (SSSI) pour 2018.

Ce schéma vise à accélérer la dématérialisation des pièces et des procédures de contrôle , qui aboutirait à l'amélioration d'une plateforme existante et faciliterait les échanges entre les juridictions financières avec les entités contrôlées d'une part et la Direction générale des finances publiques d'autre part.

B. UNE STABLISATION DE L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES

Après plusieurs années de réorganisation, dont notamment la révision de la carte territoriale des juridictions financières, seules quelques évolutions sont attendues en 2018, et l'activité de la Cour des comptes et des CRTC devrait ainsi se stabiliser.

1. Des réorganisations internes sans incidences budgétaires majeures

Les textes législatifs et règlementaires régissant les juridictions financières ont été modifiés en 2017 32 ( * ) . Réalisée à moyens constants, cette modification a permis une réelle simplification des règles , une clarification des procédures, un renforcement des droits de la défense et une suppression de certaines dispositions obsolètes ou susceptibles d'être déclarées non conformes à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Une réorganisation des chambres de la Cour des comptes sera avalisée en 2018 , avec une répartition nouvelle des compétences entre elles et la fusion de deux chambres, portant ainsi leur nombre de 7 à 6. Les enjeux budgétaires sont moindres, mais cette réorganisation favorisera une plus grande cohérence dans le travail de chacune des chambres en fonction de leurs compétences.

2. La poursuite de l'extension des compétences de contrôle

De nouvelles compétences introduites ces dernières années sont progressivement mise en oeuvre par les juridictions financières. En vue de mettre en place la certification des comptes des collectivités territoriales, la Cour et les CRTC ont préparé le lancement d'une expérimentation « de dispositifs destinés à assurer la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes des collectivités territoriales et de leurs groupements 33 ( * ) », qui devrait débuter en 2018, par la réalisation d'audits ciblés avec les collectivités expérimentatrices . La liste de ces collectivités a été publiée dans un arrêté de novembre 2016 34 ( * ) . Cette expérimentation est menée en deux phases, la première, entre 2017 et 2020 portant sur un accompagnement des collectivités par les juridictions financières dans l'évaluation de la fiabilité de leurs comptes ; la seconde, entre 2021 et 2023, étant réservée à la réalisation de certifications préparatoires. Un bilan sera remis sous la forme d'un rapport du Gouvernement au Parlement en 2023.

La préparation de cette expérimentation s'est traduite par un redéploiement interne de ressources humaines et budgétaire dès 2016, qui devrait perdurer en 2018.

La loi de modernisation de notre système de santé a également étendu la compétence de contrôle des juridictions financières aux établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS) et aux établissements de santé privés 35 ( * ) , ce qui représente 36 000 organismes publics et 33 milliards d'euros d'argent public, et 2 000 établissements de santé privés et 14 milliards d'euros d'argent public. Les conclusions des premiers travaux de contrôle devraient être publiées en 2018. Si ce nouveau mode de contrôle, aujourd'hui limité à quelques établissements, était amené à se développer, une création d'emplois pourrait être envisagée.

Encore en cours de discussion, le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022 prévoit une mesure introduisant une nouvelle règle prudentielle pour la maîtrise de l'endettement des collectivités territoriales 36 ( * ) . Les collectivités devront respecter des plafonds nationaux d'années en matière de ratio d'endettement. Dans le cas où elles dépassent ce plafond, elles devront produire un rapport, qui, s'il ne contient pas de mesures suffisantes pour revenir en-dessous du seuil de référence ou s'il n'est pas adopté, conduira les CRC à rendre un avis d'analyse de la situation financière des collectivités concernées. L'étude d'impact du projet de loi indique qu'un certain nombre de collectivités pourraient être concernées - 178 communes, 27 groupements, 8 départements et 3 régions. Cette mesure pourrait donc accroître la charge de travail des CRC , mais le projet de loi de programmation étant toujours en discussion, son éventuel impact budgétaire sur le programme 164 n'est évidemment pas pris en compte dans le projet de loi de finances pour 2018.


* 27 Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Saint-Barthélemy et Saint-Martin ainsi que Saint-Pierre et Miquelon.

* 28 Le plafond d'emploi demeure sous-exécuté en 2018, à 1790 emplois. Les prochains projets de loi de finances devraient permettre d'atteindre progressivement le seuil des 1840 de 2019 à 2022.

* 29 D'après l'annonce du ministre de l'action et des comptes publiques lors du rendez-vous salarial du 16 octobre 2017

* 30 Hors contribution au CAS « Pensions »

* 31 Indicateur 1.2 de l'objectif n° 1 « Garantir la qualité des comptes publics ».

* 32 Ordonnance n° 2016-1360 du 13 octobre 2016 modifiant la partie législative du code des juridictions financières et décret n° 2017-671 du 28 avril 2017 modifiant la partie réglementaire du code des juridictions financières.

* 33 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 34 Arrêté du 10 novembre 2016 fixant la liste des collectivités territoriales et groupements admis à intégrer le dispositif d'expérimentation de la certification de leurs comptes.

* 35 Article 109 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 36 Article 24 du projet de loi n°40 (2017-2018) de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022