MM. Claude NOUGEIN et Thierry CARCENAC, rapporteurs spéciaux

SOMMAIRE

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LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX 5

I. L'UNIFICATION DES MOYENS BUDGÉTAIRES DE L'ÉTAT PROPRIÉTAIRE CACHE UNE DÉGRADATION DE LA QUALITÉ DE LA DÉPENSE IMMOBILIÈRE 7

A. UNE MAQUETTE SIMPLIFIÉE EN 2018 7

1. S'il unifie les crédits budgétaires de l'État propriétaire, le compte d'affectation spéciale ne représente que 10 % des crédits immobiliers 7

2. Une simplification de la maquette budgétaire en 2018 7

B. DES CRÉDITS EN APPARENCE STABLES... 8

1. La fin de la contribution au désendettement de l'État explique la diminution des crédits du compte d'affectation spéciale 8

2. Une dépense immobilière stable, mais dont la qualité se dégrade par rapport à 2017 10

C. ... MAIS LA PART DES CRÉDITS EFFECTIVEMENT MOBILISABLES PAR L'ÉTAT PROPRIÉTAIRE RECULE DE 12 % PAR RAPPORT À 2017 12

D. UNE CONTRIBUTION OPPORTUNISTE AU GRAND PLAN D'INVESTISSEMENT 15

II. LES PROGRÈS RÉCENTS SE HEURTENT À UN CADRE INADAPTÉ 15

A. LES PROGRÈS DE LA RÉFORME DE 2016... 15

B. ...SE HEURTENT À UNE CERTAINE INERTIE... 16

C. ...ET À UN CADRE INADAPTÉ 17

1. Des crédits immobiliers interministériels en baisse depuis 2013 17

2. La tension sur les recettes du compte s'accentue 18

3. Les contraintes d'imputation des crédits sur le compte pèsent sur la qualité de la dépense 20

III. LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L'ÉTAT DOIT ÊTRE PROFONDÉMENT REPENSÉE 22

A. LES VOIES DE MODERNISATION SONT CONNUES 22

B. UN CHANGEMENT DE STRATÉGIE SEMBLE S'ENCLENCHER 23

1. L'annonce d'une nouvelle impulsion 23

2. L'amélioration des outils avec l'extension de la comptabilité analytique bâtimentaire 24

3. La diversification des ressources 26

4. Le développement d'une approche patrimoniale 27

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » s'élèvent à 571,7 millions d'euros en crédits de paiement pour 2018. Ce montant est stable par rapport à 2017 (- 1 %).

2. Cependant, cette stabilité s'accompagne d'un nouveau recul des dépenses d'investissement, en baisse de 30 % par rapport à 2017. Cette atrophie contraste avec les objectifs du compte d'affectation spéciale de financer la modernisation du parc immobilier.

3. Parallèlement, une forte progression des dépenses d'opérations financières est constatée. Elle s'explique par le reversement intégral au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche des produits de cession des établissements d'enseignement supérieur rejoignant le plateau de Saclay.

4. Neutralisés de cette dépense exceptionnelle , les crédits immobiliers effectivement disponibles sur le compte d'affectation spéciale pour 2018 s'élèvent à 451,5 millions d'euros en crédits de paiement. Ce montant recule de 12 % par rapport à 2017.

5. Le compte d'affectation spéciale contribue à hauteur de 35 % de ses crédits à la réalisation du Grand plan d'investissement quinquennal mis en oeuvre par le Gouvernement. Cependant, cette contribution ne s'accompagne pas de l'ouverture de nouveaux crédits mais s'apparente davantage à un étiquetage opportuniste de crédits budgétaires traditionnellement inscrits lors des exercices précédents.

6. L'exercice 2018 pourrait toutefois marquer une transition préalable à un renouvellement de la politique immobilière de l'État. La direction de l'immobilier de l'État annonce ainsi un accroissement au cours des prochaines années de la dépense interministérielle d'entretien des bâtiments de l'État.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 87 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur spécial en ce qui concerne le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

I. L'UNIFICATION DES MOYENS BUDGÉTAIRES DE L'ÉTAT PROPRIÉTAIRE CACHE UNE DÉGRADATION DE LA QUALITÉ DE LA DÉPENSE IMMOBILIÈRE

A. UNE MAQUETTE SIMPLIFIÉE EN 2018

1. S'il unifie les crédits budgétaires de l'État propriétaire, le compte d'affectation spéciale ne représente que 10 % des crédits immobiliers

Le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » constitue le principal instrument de la politique immobilière de l'État . Il vise à financer la modernisation du parc immobilier par les produits des cessions d'actifs et des redevances domaniales.

Depuis 2017, il concentre l'ensemble des vecteurs budgétaires de l'État propriétaire. Il supporte à la fois les dépenses d'opérations immobilières structurantes et les dépenses d'entretien lourd du propriétaire.

Pour autant, la politique immobilière demeure fortement éclatée : 44 programmes budgétaires y concourent. Le compte d'affectation spéciale ne représente que 10 % des crédits de l'État consacrés à l'immobilier. La répartition est précisée dans le document de politique transversale « Politique immobilière de l'État », associé au projet de loi de finances.

La valeur nette du parc immobilier de l'État au 31 décembre 2016 telle que comptabilisée au compte général de l'État s'élève à 60,8 millions d'euros , stable par rapport à l'exercice précédent 1 ( * ) .

2. Une simplification de la maquette budgétaire en 2018

Le projet de loi de finances pour 2018 procède à une simplification de l'architecture du compte d'affectation spéciale. Les programmes 723 « Opérations immobilières nationales et des administrations centrales » et 724 « Opérations immobilières déconcentrées » sont regroupés au sein du programme 723, renommé « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État ».

Ce regroupement vise à inscrire dans un programme unique l'ensemble des dépenses relatives aux opérations immobilières portées par le compte d'affectation spéciale. La distinction des opérations immobilières des ministères et de celles des administrations déconcentrées est maintenue au travers de budgets opérationnels de programme.

B. DES CRÉDITS EN APPARENCE STABLES...

1. La fin de la contribution au désendettement de l'État explique la diminution des crédits du compte d'affectation spéciale

Comme pour 2017, il est prévu un compte d'affectation spéciale à l'équilibre pour 2018 . Les recettes tirées des cessions sont prévues en léger retrait par rapport à 2017 (- 2 %), tandis que les produits de redevances domaniales progressent de 6 %.

Équilibre prévisionnel en 2018
du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État »

PLF 2018

Recettes

Dépenses

Solde

Programme 721 - Contribution cessions immobilières au désendettement de l'État

AE

0

CP

Programme 723 - Opérations immobilières nationales et des administrations centrales

AE

524 630 641

CP

581 700 000

Produits des cessions immobilières

491 700 000

Produits de redevances domaniales

90 000 000

Total pour le compte d'affectation spéciale

AE

581 700 000

524 630 641

0

CP

581 700 000

Source : projet de loi de finances pour 2018

Aucune contribution au désendettement de l'État n'est inscrite pour 2018 . L'article 42 de la loi de finances pour 2017 2 ( * ) a supprimé l'obligation de contribution au désendettement de l'État applicable à chaque cession immobilière. Subsistait toutefois une contribution forfaitaire à hauteur de 60 millions d'euros en 2017 en provenance du ministère des affaires étrangères, conformément à l'article 38 de la loi de finances pour 2015 3 ( * ) .

Ces dispositions ne s'appliquent plus à compter de 2018. Aucune contribution au désendettement de l'État n'est donc prévue en 2018.

Les crédits destinés aux opérations immobilières sont globalement stables : les autorisations d'engagement diminuent de 2 %, tandis que les crédits de paiement augmentent de 11 % entre 2017 et 2018.

Présentation par programme des crédits demandés pour 2018

(en millions d'euros)

2017

2018

Évolution

2017-2018

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 721 - Contribution des cessions immobilières au désendettement de l'État

60

-

-

Programme 723 - Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État

533,6

525

524,6

581,7

- 2 %

+ 11 %

Total

593,6

585

524,6

581,7

- 12 %

- 1 %

Source : projet de loi de finances pour 2018

Par cohérence avec les autres comptes d'affectation spéciale disposant de programmes consacrés au désendettement 4 ( * ) , l'intitulé du programme 721 est étendu. Il porte désormais sur la contribution au désendettement de l'ensemble des cessions immobilières, non plus seulement celles de biens situés à l'étranger.

Selon la direction de l'immobilier de l'État, « le Gouvernement a souhaité se doter de cet outil élargi et uniformisé de désendettement, sans que les modalités d'utilisation ne soient à ce stade arrêtées. Pour 2018, [...] aucune contribution obligatoire ni au compte d'affectation spéciale par compte d'affectation spéciale selon les opérations n'est prévue sur les produits des ventes de biens immobiliers de l'État encaissés sur le compte d'affectation spéciale » 5 ( * ) .

En tout état de cause, compte tenu des besoins identifiés, cette modification ne doit pas conduire à réintroduire une contribution au désendettement de l'État 6 ( * ) qui aurait pour effet de réduire les crédits destinés aux opérations immobilières.

2. Une dépense immobilière stable, mais dont la qualité se dégrade par rapport à 2017

La stabilité des crédits du programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État » s'accompagne toutefois d'une modification importante de sa composition .

Trois évolutions par rapport à 2017 doivent être relevées :

- les dépenses de fonctionnement (titre 3) augmentent de plus de 5 % en crédits de paiement ;

- les dépenses d'investissement (titre 5) diminuent de 18 % en crédits de paiement, et de 30 % en autorisations d'engagement ;

- les dépenses d'opérations financières (titre 7) sont multipliées par dix.

Évolution des dépenses immobilières du compte d'affectation spéciale par titres

(autorisations d'engagement, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires.

Le net recul des dépenses d'investissement contraste avec les objectifs du compte d'affectation spéciale de financer la modernisation du parc immobilier. Il confirme la tendance engagée l'an dernier.

Évolution des titres de dépenses immobilières interministérielles
entre 2016 et 2018

(autorisations d'engagement, en millions d'euros)

NB : les crédits immobiliers interministériels recouvrent, pour 2016, les crédits des programmes 309 et 723, pour 2017, ceux des programmes 723 et 724, et pour 2018, ceux du programme 723.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires.

C. ... MAIS LA PART DES CRÉDITS EFFECTIVEMENT MOBILISABLES PAR L'ÉTAT PROPRIÉTAIRE RECULE DE 12 % PAR RAPPORT À 2017

La modification des composantes de la dépense entre 2017 et 2018 s'explique par la mise en oeuvre du projet Paris-Saclay .

Dans le cadre du regroupement d'organismes de recherche, d'écoles et d'universités sur le plateau de Saclay, plusieurs structures quittent leurs locaux historiques. Tel sera le compte d'affectation spéciale en 2018 de l'École centrale Supélec, de la faculté de pharmacie de l'université Paris-Sud (Paris XI) et de l'École normale supérieure de Cachan.

Or la mutualisation de 50 % du produit de cession ne s'applique pas à ces opérations . L'intégralité sera reversée au ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation pour contribuer au financement des nouveaux locaux à Saclay.

Cette contribution explique la forte dotation des dépenses d'opérations financières . Le produit n'alimente pas l'ensemble de la politique immobilière de l'État, mais est fléché en destination des nouvelles constructions du plateau de Saclay.

De fait, il convient de neutraliser cette opération exceptionnelle pour apprécier les crédits proposés en 2018 effectivement mobilisables pour financer l'ensemble des dépenses immobilières de l'État. Ainsi que l'illustre le graphique ci-après, les crédits immobiliers interministériels diminuent de 12 % par rapport à 2017.

Évolution des crédits immobiliers du compte d'affectation spéciale
hors dépenses d'opérations financières entre 2017 et 2018

(crédits de paiements, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Une nouvelle expérimentation de dévolution
du patrimoine aux universités est prévue en 2018

Les universités représentent plus de 20 millions de mètres carrés , soit près des deux tiers du patrimoine immobilier des opérateurs.

À la suite de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) 7 ( * ) , trois universités ont bénéficié à titre expérimental de la dévolution de leur patrimoine en 2011 et 2012 8 ( * ) . Elles se sont engagées par une convention de dévolution à entretenir et renouveler leur patrimoine en programmant sur vingt-cinq à trente ans les opérations de gros entretien et renouvellement nécessaires. En contrepartie, un accompagnement budgétaire durable a été mis en place , conjuguant une dotation initiale de 26,9 millions d'euros et une dotation annuelle récurrente de 21,9 millions d'euros sur vingt-cinq ans.

En mars 2016, l'ancien secrétaire d'État de l'enseignement supérieur a commandé aux inspections générales des finances et de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche un rapport sur la dévolution du patrimoine immobilier aux universités. Dans le rapport rendu en septembre 2016 9 ( * ) , la mission dresse un bilan globalement positif de l'expérimentation de la dévolution conduite en 2011-2012 en matière d'entretien et de gestion du parc, et plaide pour une relance du processus de dévolution , tout en soulignant qu'elle doit s'accompagner d'une sécurisation des financements immobiliers de l'État à moyen terme et d'une plus grande ouverture aux universités des conditions de valorisation de leur patrimoine immobilier.

À l'appui de ces recommandations, le précédent secrétaire d'État de l'enseignement supérieur avait annoncé vouloir engager une nouvelle expérimentation de dévolution . Le 15 décembre 2016, quatre universités candidates - Bordeaux, Aix-Marseille, Tours et Caen - ont été retenues.

Cette nouvelle phase de dévolution ne prévoit pas de dotation financière exceptionnelle. La direction de l'immobilier de l'État accompagnera les universités dans ce processus.

Le plan d'action devant conduire à la signature des actes de transfert de patrimoine en 2018 a été engagé dès le début de l'année 2017. Les protocoles d'impulsion entre le précédent ministre du domaine, le précédent ministre de l'enseignement supérieur et les présidents des universités ont été signés le 24 mars 2017.

Selon les informations transmises, l'objectif est de parvenir, pour les universités techniquement et financièrement prêtes, à une dévolution totale du patrimoine avant la fin de l'année 2018.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des informations transmises par la direction de l'immobilier de l'État

D. UNE CONTRIBUTION OPPORTUNISTE AU GRAND PLAN D'INVESTISSEMENT

Le compte d'affectation spéciale contribue à la réalisation du grand plan d'investissement 10 ( * ) à hauteur de 35 % des crédits prévus en 2018 11 ( * ) .

Deux priorités sont définies : la transition écologique et la transition numérique de l'État. Il s'agit principalement de financer des travaux lourds de rénovation et de restructuration, permettant in fine de réduire la consommation des fluides et de réduire les moyens consacrés à l'entretien correctif.

Ces objectifs ne sont toutefois pas nouveaux . Les travaux de rénovation et d'isolation des bâtiments de l'État constituent une priorité ancienne. Créé en 2006, le compte d'affectation spéciale a ainsi été mobilisé dans le cadre du « Grenelle de l'environnement » dès 2007.

La contribution au grand plan d'investissement s'apparente davantage à un étiquetage opportuniste de crédits budgétaires qui auraient de toute façon été inscrits au sein du compte d'affectation spéciale.


* 1 Pour une présentation exhaustive du parc immobilier de l'État, des différents modes d'occupation et des principales catégories de biens immobiliers, voir « De la rationalisation à la valorisation : 12 propositions pour une politique immobilière de l'État soutenable et efficace », rapport d'information n° 570 (2016-2017) de MM. Michel Bouvard et Thierry Carcenac, fait au nom de la commission des finances, 31 mai 2017.

* 2 Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 3 Il était prévu une exonération de contribution au désendettement pour les cessions de biens du ministère des affaires étrangères situés à l'étranger en contrepartie d'une contribution minimale forfaitaire de 35 millions d'euros par an jusqu'au 31 décembre 2017.

* 4 Tel est par exemple le compte d'affectation spéciale du programme 732 du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

* 5 Réponse au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 6 Notons que si l'article 42 de la loi de finances pour 2017 a supprimé l'obligation de contribution au désendettement appliquée à chaque produit de cession, le compte d'affectation spéciale continue, aux termes de l'article 47 de la loi de finances pour 2006 qui le régit, de porter en dépenses des versements opérés au profit du budget général. Cette disposition rend donc possible un versement en recettes non fiscales du budget général.

* 7 Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités.

* 8 Il s'agit de l'université d'Auvergne-Clermont-Ferrand 1, de l'université de Poitiers et de l'université Toulouse 1.

* 9 « La dévolution du patrimoine aux universités », rapport de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, septembre 2016.

* 10 Il s'agit d'un plan d'investissement d'un montant de 56,3 milliards d'euros sur cinq ans retracé sur des crédits budgétaires.

* 11 Soit une contribution de 180 millions d'euros en AE et de 206 millions d'euros en CP.