Travaux de la commission des lois



- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

Nomination d'un rapporteur

La commission a tout d'abord nommé M. Pierre Fauchon rapporteur de la proposition de loi n° 41 (2004-2005) de MM. Jean-Jacques Hyest, Christian Cointat et François Zocchetto, relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance.

Contrôle de l'application des Lois au 30 septembre 2004 - Communication

La commission a tout d'abord entendu M. Jean-Jacques Hyest, président, sur l'application des lois du 1er octobre 2003 au 30 septembre 2004.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a rappelé que la commission avait été saisie au fond de 16 lois au cours de la session parlementaire 2003-2004, soit 40 % du total des lois votées, exclusion faite de celles portant approbation de conventions, traités et accords internationaux, contre 33 % lors de la session 2002-2003 et 50 % lors de la session 2001-2002. Il a déploré que seules trois d'entre elles, toutes trois d'origine sénatoriale, fussent le fruit d'une initiative parlementaire : la loi du 24 février 2004 permettant l'inscription sur la liste d'aptitude des élèves administrateurs du Centre national de la fonction publique territoriale, la loi du 10 mai 2004 actualisant le tableau de répartition des sièges de sénateurs et certaines modalités de l'organisation de l'élection des sénateurs et la loi du 9 août 2004 tendant à modifier la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l'étranger.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a relevé que 5 de ces 16 lois étaient d'application directe, 1 était devenue entièrement applicable au cours de la session, 4 étaient partiellement applicables, 6 n'avaient encore fait l'objet d'aucune des mesures d'application prévues, 4 d'entre elles ayant toutefois été adoptées au cours de la session extraordinaire. Il a ajouté que, du 1er octobre 2003 au 30 septembre 2004, 26 des 183 mesures prévues avaient été prises pour l'application des lois votées au cours de cette même période, soit un très faible taux de 11,5 %, contre 12 % pour la session 2002-2003, 14 % pour la session 2001-2002 et 30 % pour la session 2000-2001.

En revanche, il a observé que 4 lois adoptées au cours des précédentes sessions et ayant fait l'objet d'un examen au fond par la commission étaient devenues applicables en raison de la parution de l'ensemble des mesures réglementaires requises : la loi du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la loi du 3 janvier 2003 modifiant le livre VIII du code de commerce, la loi constitutionnelle du 25 mars 2003 relative au mandat d'arrêt européen et la loi du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques.

Il a indiqué qu'au total, 17 lois adoptées lors de la onzième législature et 16 lois examinées au fond par la commission depuis le début de la douzième législature demeuraient partiellement applicables ou non applicables.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a estimé que les lois habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures législatives, étaient d'application directe, l'utilisation de l'habilitation étant facultative et non pas obligatoire. Il a observé que les ordonnances prévues par la loi du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit avaient pratiquement toutes été prises et qu'elles acquerraient une valeur législative après leur ratification par la deuxième loi de simplification du droit en cours d'examen au Parlement.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a dressé un bilan plus précis de la mise en oeuvre des dispositions relatives au droit d'asile, au référendum local, au traitement automatisé des empreintes digitales et photographies des étrangers sollicitant un visa ou encore à la sécurité intérieure.

Il s'est par ailleurs félicité que le Gouvernement, conformément à un engagement pris au cours des débats parlementaires, ait mis fin, par un décret du 4 mai 2004, à l'incompatibilité entre les activités d'avocat et celles de collaborateur d'un député ou d'un sénateur.

En conclusion, M. Jean-Jacques Hyest, président, a souligné que ce bilan annuel permettait non seulement de vérifier le respect de la lettre, de l'esprit et des délais d'application de la loi, mais aussi de mettre en exergue la nécessité de la modifier ou de la compléter, citant en exemple un amendement au projet de loi de simplification du droit présenté par M. Jean-René Lecerf afin de rendre applicable à certaines collectivités d'outre-mer la lutte contre le blanchiment de capitaux.

Se félicitant du rôle de précurseur joué par le Sénat, il a indiqué, d'une part, que l'Assemblée nationale avait modifié son Règlement en 2004 afin de confier à chaque rapporteur d'un projet ou d'une proposition de loi le soin de faire à intervalle régulier un contrôle de son application et d'interpeller le Gouvernement lorsque des difficultés ou des retards apparaîtraient, d'autre part, qu'à la suite d'une circulaire du Premier ministre relative à la qualité de la réglementation, le site Internet Légifrance, sous l'autorité du Secrétariat Général du Gouvernement, présentait désormais des échéanciers des décrets d'application des lois.

La commission a donné acte au président de sa communication.

Droits de l'Homme - Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité - Audition de M. Bernard Stasi, président de la mission de préfiguration de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE)

Puis la commission a procédé aux auditions sur le projet de loi n° 9 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

Elle a tout d'abord entendu M. Bernard Stasi, président de la mission de préfiguration de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE).

M. Bernard Stasi a indiqué que le projet de loi créant la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité était appuyé sur le rapport qu'il avait remis au Premier ministre le 16 février dernier. Cette nouvelle autorité indépendante, a-t-il ajouté, serait compétente pour connaître de toutes les discriminations dans quelque domaine qu'elles s'exercent.

Selon M. Bernard Stasi, l'institution de cette nouvelle autorité s'imposait pour quatre raisons. En premier lieu, le sentiment de subir ou de connaître des discriminations s'était manifesté de manière accrue chez les citoyens et au sein des associations ou des syndicats depuis une dizaine d'années. En second lieu, cette initiative répond à la volonté exprimée à plusieurs reprises par le Président de la République, en particulier dans son discours prononcé à Troyes le 14 octobre 2002. Ensuite, la mise en place d'une structure capable d'agir contre les discriminations s'inscrivait dans l'évolution du droit communautaire marquée par l'adoption de trois directives : la directive du 15 décembre 1997 relative à la discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe, la directive du 29 juin 2000 concernant la discrimination directe ou indirecte fondée sur la race et l'origine ethnique et la directive du 27 novembre 2000 relative à l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. Enfin, le projet de loi visait à répondre aux insuffisances du dispositif actuel. Ainsi le groupe d'étude et de lutte contre les discriminations (GELD) ne disposait d'aucun pouvoir de traitement des signalements enregistrés par le service téléphonique « 114 ». De même, les commissions départementales d'accès à la citoyenneté (CODAC) fonctionnaient de manière inégale selon les départements. M. Bernard Stasi a formé à cet égard le voeu que les nouvelles commissions pour la promotion de l'égalité des chances et de la citoyenneté (COPEC) se mettent en place dans un esprit de partenariat avec la future autorité. Par ailleurs, le nombre de condamnations pénales dans le domaine des discriminations demeurait modeste en raison, souvent, de la difficulté pour la victime de rassembler les éléments de preuve.

M. Bernard Stasi a souligné qu'au terme des nombreuses auditions auxquelles il avait procédé, il était apparu que la création d'une autorité indépendante dotée de pouvoirs effectifs lui permettant d'instruire et de traiter les réclamations des victimes de discriminations avait recueilli l'approbation la plus large au-delà des clivages politiques. Le projet de loi, a-t-il poursuivi, reprenait les grandes lignes du rapport qu'il avait élaboré : la Haute autorité pourrait traiter en premier lieu les réclamations individuelles et apporter un soutien aux victimes de discriminations, qui pourraient la saisir directement. Outre la promotion de l'égalité, la HALDE se verrait également assigner une mission consultative et de proposition auprès des pouvoirs publics et enfin une mission d'observation et de recherche. L'autorité serait composée de onze membres, le Président de la République, les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et le Premier ministre désignant chacun deux membres tandis que les présidents des hautes juridictions et du Conseil économique et social nommeraient chacun un membre. M. Bernard Stasi a rappelé qu'il avait préconisé que chacune de ces autorités nomme un membre, le collège ainsi constitué étant appelé à coopter, ensuite quatre membres supplémentaires, ce qui aurait permis de désigner des personnes qualifiées conformément aux voeux de nombreuses associations. Il a relevé que la Haute autorité pourrait s'appuyer néanmoins sur un groupe de personnalités qualifiées qu'elle nommerait. En outre, l'autorité devrait bénéficier, même si la loi ne le mentionnait pas explicitement, d'un réseau de délégués territoriaux. Ainsi, cinq délégations pilotes devraient être installées au cours de la première année, dont une outre-mer, dans la perspective à plus long terme de la mise en place de 26 délégations.

M. Bernard Stasi a regretté qu'un amendement adopté par l'Assemblée nationale ait maintenu la gratuité du service d'accueil téléphonique destiné à remplacer le « 114 », alors même que ce principe avait pour effet d'entraîner la saturation du service par des appels fantaisistes (98 % de l'ensemble des appels).

M. Bernard Stasi a également rappelé que l'autorité bénéficierait de moyens d'investigation tant à l'égard des administrations que des personnes privées et qu'elle pourrait notamment effectuer des auditions et des vérifications sur place. Elle serait tenue de saisir le procureur des faits dont elle avait connaissance et qui laissaient présumer l'existence d'une infraction pénale. Elle pourrait également être invitée à présenter ces réclamations devant les juridictions civiles, pénales ou administratives saisies. Elle exercerait enfin une fonction de médiation entre les victimes et les auteurs présumés de discriminations avec l'accord des intéressés.

La HALDE, a poursuivi M. Bernard Stasi, aurait aussi pour mission de promouvoir l'égalité en menant des actions de communication, d'information ou de formation et en élaborant « des codes de promotion de l'égalité » destinés à délimiter de bonnes pratiques. Il a conclu en soulignant que l'autorité agirait en complémentarité avec la justice, les administrations et les instances consultatives en charge de la lutte contre les discriminations ainsi qu'avec les associations et les syndicats.

A la suite de l'intervention de M. Bernard Stasi, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a émis le voeu que dans le prolongement du rapport de M. Bernard Stasi, le projet de loi puisse recueillir le plus large accord au sein de la Haute assemblée. Il a estimé que l'une des clefs d'un tel assentiment reposerait sans doute sur la place reconnue aux associations au sein du dispositif législatif ainsi que sur la mise en place des délégations territoriales. Il a par ailleurs souhaité savoir si les ressources financières prévues par le projet de budget pour 2005 pour la mise en place de la Haute autorité correspondaient aux moyens dévolus aux institutions équivalentes dans les autres pays européens. Il s'est également demandé s'il serait opportun de fixer un délai pour la saisine de la Haute autorité par les particuliers. Il s'est enfin étonné qu'une voix prépondérante ne soit pas reconnue au président de cette institution en cas de partage des voix.

M. Jean-Jacques Hyest, président, s'est interrogé sur l'opportunité de désigner des parlementaires au sein de la Haute autorité.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a d'abord regretté que la marge d'initiative laissée au Sénat pour modifier le projet de loi portant création de la HALDE paraisse limitée. Il s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles le Médiateur de la République n'exerçait pas les attributions qui seraient confiées à cette autorité. Enfin, il a souhaité que l'équilibre politique puisse être garanti au sein de cette institution.

M. Robert Badinter a attiré l'attention sur les questions soulevées par l'articulation entre la Haute autorité et les autorités judiciaires. Il a relevé en effet que la plupart des discriminations tombaient sous le coup de la loi pénale et noté, à cet égard, que la possibilité reconnue à l'article 4 du projet de loi à la HALDE de demander des explications à toute personne privée mise en cause devant elle ne s'accompagnait d'aucune disposition relative aux droits de la défense.

M. Henri de Richemont a, quant à lui, souligné les difficultés soulevées par l'article 9 du projet de loi liées à la possibilité pour les personnes astreintes au secret professionnel de confier des informations à caractère secret à la Haute autorité. Il a rappelé à ce sujet que des informations relevant du secret professionnel ne devraient pas servir de base à la saisine du parquet.

M. Jean-Pierre Sueur s'est interrogé sur les risques liés à la multiplication des autorités indépendantes dans notre organisation institutionnelle. Il a souhaité que soit recherché un système de désignation qui assure l'équilibre politique au sein de la HALDE, suggérant que certains des membres de cette institution soient nommés par les assemblées parlementaires elles-mêmes et non par leurs présidents.

Mme Alima Boumediene-Thiery a demandé des précisions sur les domaines de compétences respectifs du Haut conseil à l'intégration et de la HALDE. En outre, elle a souhaité savoir d'une part, si la faculté de proposition de la Haute autorité pouvait aller jusqu'à des propositions de caractère législatif, d'autre part, si l'égalité des droits politiques entrait dans le champ d'action de cette institution. Elle s'est interrogée enfin sur les critères qui présideraient à la désignation des personnalités qualifiées au sein de la HALDE.

En réponse aux commissaires, M. Bernard Stasi a apporté les précisions suivantes :

- il serait souhaitable que la composition du collège de la HALDE permette de satisfaire à l'objectif de la parité hommes-femmes ainsi qu'à une représentation politique équilibrée ;

- aucune disposition n'interdit qu'un parlementaire soit désigné au sein de cette institution ;

- le processus d'élaboration du projet de loi a reposé sur une large concertation qui n'exclut pas que le texte actuel fasse, dans le cadre de la procédure parlementaire, l'objet des améliorations nécessaires ;

- le champ d'action ouvert à la HALDE est plus large que celui du Médiateur dont les compétences concernent les relations entre les citoyens et l'administration ;

- l'institution, dans la période récente, d'autorités indépendantes a suscité un très large accord et l'action qu'elles ont entreprise a largement attesté de leur intérêt ;

- le Haut conseil à l'intégration exerce des compétences différentes de celles qui seraient reconnues à la HALDE, même si les deux institutions pourront agir de manière complémentaire ;

- la HALDE aura pour mission d'entretenir un lien permanent avec les associations ;

- la Haute autorité pourra recommander des modifications à caractère législatif ou réglementaire.

M. Philippe Bardiaux, rapporteur général de la mission de préfiguration de la HALDE a par ailleurs apporté les précisions suivantes :

- la mise en place d'un collège de 11 personnes véritablement représentatif constituant une gageure, la cooptation permettrait, le cas échéant, d'assurer un rééquilibrage de la composition de la Haute autorité ;

- le budget de la Haute autorité pourrait s'élever à 10,7 millions d'euros en 2005, permettant notamment la création de postes budgétaires (de l'ordre d'une cinquantaine de personnes), les moyens de cette institution devant être ensuite adaptés en fonction de l'évolution de son activité ; l'amendement adopté par l'Assemblée nationale assurant la gratuité du service téléphonique constitue une source de dépenses importantes non prévues initialement ;

- la mission première de la Haute autorité étant de favoriser la saisine de la justice, le délai de recours des victimes de discrimination sera en pratique encadré dans le délai de prescription de trois ans applicable aux délits ;

- l'articulation entre la justice et la Haute autorité sera facilitée par le pouvoir de nomination reconnu au premier président de la Cour de cassation ; de même le traitement des réclamations par la HALDE devrait être dirigé par un magistrat ; par ailleurs, la Haute autorité aidera la victime à rassembler les preuves de la discrimination dont elle a pu souffrir et disposera à ce titre de pouvoirs d'investigation à l'égard des personnes privées dans la limite des prérogatives reconnues à une autorité administrative indépendante ; elle a pour vocation de favoriser la médiation ou d'assurer la transmission à l'autorité judiciaire, sans interférer avec les compétences de cette dernière.

Audition de M. Gilles Lebreton, professeur, directeur du groupe de recherche en droit fondamental international et comparé (GREDFIC) à l'université du Havre

La commission a ensuite entendu M. Gilles Lebreton, professeur, directeur du groupe de recherche en droit fondamental international et comparé (GREDFIC) à l'université du Havre.

M. Gilles Lebreton a souligné, en premier lieu, que la création d'une Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité répondait à des exigences internationales, européennes et nationales fortes.

Il a ainsi observé que le Comité des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies avait recommandé à la France, en 1997, de créer un « mécanisme institutionnel pour recevoir et traiter les plaintes relatives aux droits de l'homme incluant toutes formes de discriminations (...) agissant comme médiateur entre les parties et pouvant attribuer des compensations ».

Il a expliqué que, sur le fondement de l'article 13 instituant la Communauté européenne, plusieurs directives européennes avaient été adoptées en matière de lutte contre les discriminations :   la directive 2000/78 du 27 novembre 2000 relative à l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ; la directive 76/207/CEE du 9 février 1976, modifiée par la directive 2002/73/CE du 23 septembre 2002 relative à l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles et les conditions de travail ; la directive 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative à l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique. Il a précisé que ces textes prévoyaient un aménagement de la charge de la preuve au profit du plaignant, lorsque sont établis des faits permettant de présumer l'existence d'une discrimination, et prescrivaient la création d'un ou plusieurs organismes chargés de promouvoir, d'analyser, de surveiller et de soutenir l'égalité de traitement.

Enfin, il a rappelé que la création d'une Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, souhaitée par le président de la République, avait pour objet, au même titre que la loi du 15 mars 2004 sur la laïcité, de restaurer les valeurs républicaines et la cohésion nationale et permettrait, conformément à un objectif de lisibilité, de simplifier l'organisation administrative. A cet égard il a observé que le groupe d'étude et de lutte contre les discriminations et les commissions départementales d'accès à la citoyenneté créés en 2000 n'avaient pas rencontré le succès escompté, les parquets ne donnant pas suite à leurs signalements.

Il a indiqué que les organismes requis par le droit communautaire existaient déjà dans d'autres pays mais que les solutions retenues n'étaient guère transposables en France, le seul point commun consistant dans le droit de saisine reconnu aux victimes. Il a ainsi expliqué que la lutte contre les discriminations était confiée :

- en Suède, à une personne unique, appelée l'ombudsmann ;

- en Grande-Bretagne, à trois commissions composées de membres nommés par le ministre de l'intérieur et chargées respectivement de promouvoir l'égalité raciale, l'égalité entre les hommes et les femmes et les droits des handicapés ;

- au Québec, à une commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, chargée non seulement de lutter contre les discriminations mais, plus généralement, de veiller au respect des libertés individuelles ;

- aux Pays-Bas, à une commission pour l'égalité de traitement dotée d'un pouvoir de recommandation au terme d'une procédure contradictoire ;

- en Irlande, à une autorité pour l'égalité et à un tribunal spécial pour l'égalité.

En second lieu, M. Gilles Lebreton a approuvé les dispositions du projet de loi, tout en formulant plusieurs propositions d'amendement.

Il s'est ainsi félicité que la Haute autorité ait compétence pour connaître non seulement des discriminations directes mais également des discriminations indirectes. Il a suggéré d'en dresser une liste non exhaustive, en reprenant celle établie par la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, complétée par une référence aux discriminations fondées sur le patrimoine génétique.

M. Gilles Lebreton a mis en exergue les risques de conflit de compétences entre la Haute autorité et d'autres autorités administratives indépendantes, tout particulièrement le défenseur des enfants. Il a ainsi observé que de nombreux cas de discriminations concernaient des enfants, comme en témoignaient deux arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme de 1968 (affaire linguistique belge) et de 1979 (Marcks), ce qui expliquait la création, au Québec, d'une commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Aussi a-t-il proposé de prévoir, à l'article premier du projet de loi, que la Haute autorité soit compétente pour connaître de toutes les discriminations sous réserve de celles relevant de la compétence du défenseur des enfants.

Evoquant la composition de la Haute autorité, il a exprimé la crainte que le mode de désignation de ses membres ne permette pas d'assurer le pluralisme des opinions. Aussi a-t-il proposé, s'inspirant des préconisations du rapport de M. Bernard Stasi, que le Premier ministre ne nomme pas deux des onze membres -l'exigence d'indépendance devant surtout jouer à l'égard du Gouvernement- et que les neufs membres désignés par le Président de la République, le Président du Sénat, celui de l'Assemblée nationale, celui du Conseil économique et social, le vice-président du Conseil d'Etat et le Premier président de la Cour de cassation cooptent les deux derniers.

Par ailleurs, il a jugé contraire à la Constitution l'obligation imposée par les députés en première lecture au Président de la République, au Président du Sénat, au Président de l'Assemblée nationale et au Premier ministre de désigner chacun un homme et une femme, le Conseil constitutionnel ayant en effet considéré, dans une décision du 12 janvier 2002 relative à la loi de modernisation sociale, que la recherche d'une composition équilibrée entre les femmes et les hommes des jurys de validation des acquis de l'expérience ne devait pas prévaloir sur la considération des compétences, des aptitudes et des qualifications.

Il a suggéré de porter de cinq à six ans la durée du mandat des membres de la Haute autorité, afin de l'aligner sur celle retenue pour la plupart des autres autorités administratives indépendantes et de faciliter son renouvellement par moitié.

Il a regretté que la Haute autorité ne dispose pas de délégations territoriales, à la différence de ses homologues belge, britannique et québécoise ou du Médiateur de la République en France.

Enfin, il a estimé que la possibilité offerte à la Haute autorité de créer des organismes consultatifs, si elle lui permettrait d'associer les interlocuteurs du milieu associatif, risquait d'être source de lourdeurs.

Il a approuvé l'ensemble des dispositions de l'article 3 du projet de loi, tout en regrettant que les associations ne puissent pas saisir la Haute autorité, cette possibilité étant prévue pour le Médiateur de la République.

Il s'est étonné que, contrairement à la Commission nationale pour la déontologie de la sécurité, la Haute autorité ait la possibilité et non l'obligation de porter à la connaissance des autorités ou personnes publiques investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.

Il s'est félicité, d'une part, que la Haute autorité puisse procéder à des vérifications sur place, saisir le juge des référés lorsque ses demandes ne sont pas suivies d'effet, être invitée à présenter ses observations lors des audiences pénales et soit obligatoirement informée par le procureur de la République des suites données à ses transmissions, d'autre part, qu'elle ne puisse pas se constituer partie civile, ce rôle incombant aux associations, et qu'elle ne dispose pas d'un pouvoir de sanction, ce pouvoir devant être réservé au juge. En revanche, il a jugé nécessaire qu'elle soit tenue d'informer le procureur de la République, avant leur achèvement, des médiations entreprises.

En conclusion, après avoir opéré une distinction entre les autorités administratives indépendantes investies d'une fonction régulatrice, à l'instar du Conseil supérieur de l'audiovisuel et de l'Autorité des marchés financiers, et celles chargées d'une fonction tribunicienne, comme le Médiateur de la République ou le défenseur des enfants, M. Gilles Lebreton a estimé que la dénomination de « Haute autorité » retenue par le projet de loi correspondait bien à la fonction tribunicienne qui lui était dévolue.

M. Michel Dreyfus-Schmidt s'est étonné que les parlementaires ne puissent pas saisir la Haute autorité. Il s'est demandé si la création éventuelle de délégations territoriales de la Haute autorité ne rendrait pas inutiles les commissions départementales d'accès à la citoyenneté (CODAC).

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, a souhaité savoir si le projet de loi permettait à la France de s'acquitter de l'ensemble de ses obligations communautaires. Il a souligné, d'une part, que la parité entre les hommes et les femmes recherchée par l'Assemblée nationale serait partielle et précaire, d'autre part, que le risque d'inconstitutionnalité des dispositions votées n'avait pas échappé au président de sa commission des lois, rapporteur du projet de loi. Enfin, il s'est interrogé sur les moyens d'assurer une composition pluraliste de la Haute autorité.

M. Gilles Lebreton a estimé que le projet de loi permettrait probablement à la France de s'acquitter de ses obligations communautaires, ajoutant à son propos liminaire que l'article 17 prévoyait un aménagement de la charge de la preuve au profit du plaignant lorsque sont établis des faits permettant de présumer l'existence d'une discrimination. Il a toutefois observé que le délai limite de transposition de la directive du 29 juin 2000 était expiré depuis 2003.

Il a indiqué que diverses solutions pouvaient être envisagées pour garantir le pluralisme de la Haute autorité, par exemple en confiant à des autorités distinctes le pouvoir de proposition et le pouvoir de nomination.

Il n'a élevé aucune objection à l'encontre de l'institution d'un droit de saisine de la Haute autorité par les parlementaires et a estimé que les CODAC devraient être supprimées si la HALDE venait à disposer de délégations territoriales.

M. José Balarello s'est opposé à la dénomination de « Haute autorité » et à la dérogation à l'obligation de secret professionnel prévue par l'article 9 du projet de loi.

M. Pierre-Yves Collombat s'est interrogé sur la nécessité de créer une nouvelle Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, soulignant la multiplicité des autorités administratives indépendantes et des organismes de lutte contre les discriminations.

M. Gilles Lebreton a rappelé qu'aux termes de l'article 13 de la directive du 29 juin 2000, les Etats membres devaient désigner « un ou plusieurs organismes chargés de promouvoir l'égalité de traitement entre toutes les personnes sans discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique. » Il a estimé que la formule de l'autorité administrative indépendante était la plus adaptée, en France, pour mettre en oeuvre cette obligation et inspirait les réflexions d'autres Etats membres de l'Union européenne.

Il ne s'est pas déclaré choqué par les dispositions du projet de loi autorisant la levée du secret professionnel pour permettre à la Haute autorité d'exercer ses missions.

M. Robert Badinter a souligné la nécessité de prévoir le remplacement des membres de la Haute autorité en cas d'empêchement.

Présidence de M. Patrice Gélard, vice-président

Auditions de M. Richard Serero, secrétaire général de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), M. Alain Piriou, porte-parole de « l'Inter-associative lesbienne, gaie, bi et trans » (ILGBT), et M. Jean-Marie Schleret, président du Conseil consultatif national des personnes handicapées (CCNPH)

Puis la commission a entendu M. Richard Serero, secrétaire général de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), M. Alain Piriou, porte-parole de « l'Inter-associative lesbienne, gaie, bi et trans » (ILGBT), et M. Jean-Marie Schleret, président du Conseil consultatif national des personnes handicapées (CCNPH).

M. Richard Serero, secrétaire général de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, a rappelé que la LICRA avait apporté une contribution décisive à la création du groupement d'intérêt public GELD et à la mise en place d'un service d'accueil téléphonique, le « 114 », en 2000. Il a observé que ce service d'accueil téléphonique avait moins bien fonctionné que prévu, les personnels, également chargés de l'information sur le virus du sida, étant insuffisamment formés et les fiches de signalement transmises à des associations peu habituées à travailler avec les services de police et de gendarmerie.

Il a également souligné que la LICRA prônait, depuis 1996, le renversement de la charge de la preuve au profit du plaignant, lorsque sont établis des faits permettant de présumer l'existence d'une discrimination, et qu'elle avait mené plusieurs campagnes de dénonciation des atteintes au principe d'égalité, n'hésitant pas à employer le terme d'apartheid.

Après avoir déploré l'échec des CODAC, il s'est déclaré favorable à la mise en place rapide de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, estimant qu'elle devrait être assortie de relais territoriaux et qu'une évaluation devrait être réalisée par la suite pour en améliorer l'efficacité.

En conclusion, il a souhaité que le principe républicain d'égalité soit conforté, soulignant que le concept de discrimination positive était étranger à la tradition française.

M. Alain Piriou, porte-parole de « l'Inter-associative lesbienne, gaie, bi et trans » (ILGBT), a remercié la commission des lois qui permettait pour la première fois l'audition de son collectif devant le Parlement. Il a déploré que le renversement de la charge de la preuve prévu par l'article 17 du projet de loi ne concerne pas l'ensemble des discriminations mais uniquement celles fondées sur l'origine nationale et l'appartenance à une ethnie ou une race. Il a estimé que le projet de loi réalisait une transposition restrictive de la directive européenne du 29 Juin 2000, alors que le droit tendait à sanctionner de façon égale toutes les discriminations, et jugé préférable que l'aménagement de la charge de la preuve vise la même universalité que le champ de compétence de la HALDE.

S'il a pris acte de la possibilité offerte par l'Assemblée nationale à la Haute autorité de créer auprès d'elle un organisme consultatif, il a exprimé le souhait que les associations soient représentées au sein même de son collège, au moyen d'une cooptation par les membres désignés.

Se félicitant de la compétence donnée à la HALDE pour réaliser des médiations, il a estimé nécessaire de préciser dans le projet de loi son rôle d'assistance aux victimes, en matière juridique, psychologique et linguistique.

Il a indiqué que la Haute autorité devrait laisser les victimes de discriminations libres de choisir la voie contentieuse ou celle de la médiation, soulignant que les associations ne poussaient nullement les victimes à engager des contentieux au mépris de leurs conséquences.

Enfin, évoquant les propositions plus générales de « l'Inter-associative lesbienne, gaie, bi et trans » pour lutter contre les discriminations, il a souhaité que le droit de la fonction publique soit aligné sur le droit du travail.

Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.

M. Jean-Marie Schleret, président du conseil consultatif national des personnes handicapées (CCNPH), a tout d'abord indiqué que ce conseil regroupait trente-cinq organisations nationales représentatives, des collectivités, des syndicats, ainsi que des caisses de sécurité sociale. Il a ainsi souligné que le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, récemment examiné en deuxième lecture au Sénat, prévoyait que le CCNPH devait garantir la participation des personnes handicapées aux politiques publiques.

Il a toutefois précisé que le projet de loi précité traitait du handicap sous l'angle de la participation et de la citoyenneté, et non sous celui de la lutte contre les discriminations, alors même qu'en dépit de l'existence des maisons départementales des personnes handicapées et des commissions d'accès au droit, les discriminations à l'encontre des personnes handicapées restaient encore nombreuses.

M. Jean-Marie Schleret, président du conseil consultatif national des personnes handicapées, a rappelé que ces discriminations se manifestaient dès la petite enfance (seuls 46 % des enfants handicapés étant scolarisés). Il a mis en cause le manque de volonté, citant l'exemple du refus d'accès d'un chien d'assistance aux locaux d'un centre d'enseignement régional d'éducation adaptée.

S'agissant du domaine de l'emploi, il a déploré que 37 % des entreprises assujetties n'emploient aucune personne handicapée, en dépit de la formation parfois remarquable de ces personnes, et ajouté que de telles discriminations se retrouvaient également dans l'accès à la santé, citant le cas d'une mutuelle ayant refusé l'adhésion d'une jeune fonctionnaire territoriale atteinte de trisomie 21.

Il a en outre souligné la difficile situation des personnes handicapées vieillissantes confrontée à l'isolement, tant à domicile qu'en établissement, et regretté les difficultés relatives au logement (escalier difficilement praticable...) ou aux transports, estimant le nombre de personnes handicapées isolées à 580.000. Il a de plus évoqué les difficultés d'accès aux loisirs et aux prestations d'hôtellerie.

Au regard de ces difficultés persistantes, M. Jean-Marie Schleret, président du conseil consultatif national des personnes handicapées, s'est félicité de la création d'une Haute autorité de lutte contre les discriminations dotée de pouvoirs contraignants, exprimant le souhait que des relais départementaux soient instaurés.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur, s'est interrogé sur la compatibilité du maintien de responsabilités associatives avec le statut de membre du collège de la future HALDE, ainsi que sur l'opportunité de la gratuité du service d'accueil téléphonique, rappelant l'expérience du 114 et les réticences exprimées par M. Bernard Stasi s'agissant du maintien proposé par l'Assemblée nationale de la gratuité de ce service.

M. Richard Serero, secrétaire général de la LICRA, s'est déclaré opposé à ce que des membres du collège de la HALDE conservent des mandats associatifs, estimant que les associations devaient avoir un rôle de vigilance mais ne pouvaient être juge et partie.

S'agissant du service d'accueil téléphonique, il a indiqué que beaucoup d'appels constituaient en fait des erreurs de destination et il a appelé à maintenir la gratuité de ce service, afin d'éviter une sélection par l'argent, tout en estimant nécessaire de choisir un autre numéro que le 114.

M. Alain Piriou, porte-parole de l'ILGBT, a indiqué s'en remettre sur ce point à l'avis des associations ayant expérimenté le 114.

S'agissant du rôle dévolu aux associations, il a jugé la composition de la future HALDE exagérément institutionnelle et souhaité une meilleure prise en considération des associations et la reconnaissance de leur expérience de terrain. Dans l'hypothèse où des responsables associatifs deviendraient membres du collège de la HALDE, il a estimé nécessaire pour eux d'abandonner leur mandat associatif. En revanche, il a considéré une telle mesure inutile dans l'hypothèse d'une simple représentation au sein de l'organisme consultatif auprès de la Haute autorité.

Pour sa part, M. Jean-Marie Schleret, président du CCNPH, a souligné que si l'exercice de responsabilités associatives devait être suspendu pendant le mandat de membre du collège de la HALDE, il ne devait pas empêcher une nomination à cette instance. S'agissant du service d'accueil téléphonique, il a rappelé que seuls 7% des appels du 115 (numéro du SAMU social) correspondaient à sa vocation.

A ce sujet, M. Richard Yung a douté que la suppression de la gratuité permette la disparition des appels mal dirigés. Il a ensuite souhaité entendre M. Alain Piriou, porte-parole de l'ILGBT, sur la question des critères permettant de choisir les membres de la future HALDE parmi les associations.

Ce dernier a estimé que devaient être respectés les critères de parité et d'origine, la HALDE devant montrer l'exemple, mais que les associations n'étaient pas forcément cloisonnées, ainsi que le montrait la création d'un collectif pour la HALDE composé d'une cinquantaine d'associations consacrées aux personnes handicapées, à la lutte contre le racisme, contre l'homophobie et à la promotion des femmes. Il a ainsi déclaré faire confiance aux associations ayant un objectif global de lutte contre les discriminations et non aux seules associations de lutte contre l'homophobie.

M. Richard Serero, secrétaire général de la LICRA, a en revanche considéré qu'une association ne pourrait accepter d'être représentée par d'autres et douté de la possibilité de parvenir, dans la pratique, à un super collectif d'associations. Il s'est néanmoins félicité de la possibilité de créer des organismes consultatifs regroupant des associations, considérant qu'il s'agissait d'une novation en matière d'autorités administratives indépendantes.

Audition de Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, auprès du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale

La commission a enfin entendu Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, auprès du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

Après avoir estimé que la lutte contre les discriminations était l'affaire de tous, Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, a souligné l'urgence de la création d'une autorité indépendante chargée de dénoncer les comportements discriminatoires, en raison tant de l'article 13 du traité instituant la communauté européenne que de l'échec des dispositifs antérieurs -qu'il s'agisse du service d'accueil téléphonique 114, des CODAC ou du groupement d'intérêt public GELD- et de la volonté constante du Président de la République, M. Jacques Chirac, depuis son discours de Troyes du 14 octobre 2002.

Elle a souligné que les discriminations compromettaient la cohésion sociale et le pacte républicain fondé sur le principe d'égalité, en s'exerçant souvent à l'encontre des publics les plus fragiles.

Après avoir indiqué que le présent projet de loi reprenait largement les conclusions de l'excellent rapport issu de la mission de préfiguration confiée par le Premier ministre à M. Bernard Stasi, Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, a présenté la future Haute autorité.

Elle a rappelé que la future HALDE pourrait soit être saisie par toute personne s'estimant victime de discrimination, soit se saisir d'office des faits dont elle aurait connaissance, la saisine devant se faire par écrit, afin de disposer d'un dossier permettant de mener à bien des vérifications.

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, a ensuite indiqué que tant les autorités publiques et les organismes chargés de missions de service public que les personnes privées pourraient être amenés à s'expliquer devant elle.

Tout en relevant les possibilités de médiation introduites par le projet de loi, elle a rappelé que le gouvernement n'avait pas retenu l'hypothèse évoquée dans le rapport de permettre à la HALDE de se constituer partie civile, considérant que les associations avaient déjà ce pouvoir et que la véritable difficulté résidait dans l'établissement de la preuve de la discrimination par la victime.

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, auprès du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, a ensuite insisté sur l'indépendance de la future HALDE et sur l'importance des moyens, notamment financiers, qui lui seraient alloués, le projet de loi de finances initiale pour 2005 prévoyant une dotation de 10,7 millions d'euros. Elle a à ce sujet jugé les comparaisons avec le budget de l'autorité belge hasardeuses, rappelant que cette dernière traitait également d'intégration, et que le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD), responsable pour la France de la politique d'intégration, disposerait pour sa part de 167 millions d'euros de crédits d'intervention.

S'agissant de l'organisation de la future HALDE, Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, a indiqué que les dispositions du projet de loi étaient volontairement peu précises afin de respecter l'indépendance de la Haute autorité et de laisser toute latitude au collège de ses membres. Elle a toutefois précisé que le gouvernement avait accepté des amendements à l'Assemblée nationale tendant à inscrire la parité entre les hommes et les femmes au sein du collège et à assurer la représentation des personnalités qualifiées au sein de l'organisme consultatif que la Haute autorité pourra créer auprès d'elle. Tout en reconnaissant qu'il n'existait pas de disposition relative à l'organisation déconcentrée de la Haute autorité, elle a appelé à une telle déconcentration, notamment outre-mer, et souligné que de tels relais seraient indépendants, contrairement aux CODAC.

S'agissant de l'opportunité du maintien de la gratuité du service d'accueil téléphonique,Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, a souligné son rôle en matière d'accueil et de délivrance d'informations, et indiqué que le gouvernement s'était engagé devant l'Assemblée nationale à conserver un tel service.

Elle a ensuite indiqué que le gouvernement avait accepté un amendement afin de permettre à la future HALDE de procéder ou de faire procéder à une médiation, et estimé que la Haute autorité devrait signer une convention sur ce point avec le Médiateur de la République.

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, a par ailleurs souligné que la HALDE n'aurait vocation ni à se substituer aux associations, l'aide aux victimes pour rassembler des éléments de preuve étant sa priorité, ni à la justice, mais qu'elle pourrait jouer un rôle d'aiguillon, le contentieux en matière de discrimination étant actuellement très faible.

Elle a en outre rappelé que cette réforme se ferait à droit constant et qu'il appartiendrait à la HALDE, le moment venu et au regard de son expérience, de faire des propositions d'évolution, le gouvernement devant parallèlement dresser un bilan régulier des politiques de promotion de l'égalité des chances.

Après avoir regretté que le projet de loi de lutte contre l'homophobie n'ait pas été examiné avant le présent projet de loi, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, s'est interrogé sur la pertinence de l'obligation de parité instituée par l'Assemblée nationale, soulignant qu'elle serait partielle (ne s'appliquant que lorsque deux membres doivent être nommés par une même autorité), provisoire (au regard du tirage au sort qui devrait être réalisé deux ans et demi après la création de la HALDE) et constitutionnellement problématique dans sa formulation. Par ailleurs, il a souhaité des éclaircissements sur l'avenir du GIP GELD et de son personnel.

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, a précisé que le gouvernement souhaitait voir le projet de loi de lutte contre l'homophobie examiné avant la fin 2004. Par ailleurs, tout en reconnaissant que la parité serait incomplète, elle a estimé que cette disposition témoignait surtout d'une volonté de diversité. S'agissant des personnels du GIP GELD, elle a indiqué que le nouvel article 16 bis introduit par l'Assemblée nationale prévoyait qu'ils pourraient rejoindre la HALDE à leur demande et bénéficier d'un contrat de droit public.

M. Yves Détraigne s'est étonné de la nomination de deux membres de la future HALDE par le Premier ministre, s'agissant d'une autorité administrative indépendante, ainsi que de l'absence d'une possibilité de saisine de la HALDE par les parlementaires ès qualité.

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, a considéré qu'il appartiendrait à toutes les autorités détenant le pouvoir de nomination de promouvoir la diversité. S'agissant des modalités de saisine, elle a indiqué qu'avait été privilégiée la simplicité, 40 % des saisines du Médiateur de la République s'effectuant de manière directe, mais que les parlementaires pourraient aider les personnes le souhaitant, même en l'absence de disposition spécifique.

Mme Alima Boumediene-Thiery a redouté des risques de confusion entre l'action des CODAC, du Haut conseil à l'intégration, du FASILD et de la future HALDE, et a souhaité une meilleure coordination des différents dispositifs. Elle s'est interrogée sur les possibilités de regroupement de ces entités au sein d'un organisme, comme en Grande-Bretagne. De plus, elle a déploré que les dotations allouées à la future HALDE l'aient été au détriment des associations existantes, puis s'est enquise des critères choisis pour la représentativité des associations appelées à siéger au sein de l'organisme consultatif.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a pour sa part évoqué la question de la compatibilité de la qualité de membre du collège de la future HALDE avec le mandat des responsables associatifs.

M. Christian Cointat a ensuite déploré l'intitulé de la future Haute autorité, estimant qu'elle alimentait le soupçon de discriminations nombreuses en France. Il a préconisé de la rebaptiser « Haute autorité pour l'égalité de traitement ». Il s'est en outre interrogé sur la pertinence de la création d'un nouvel organisme dans un domaine où ils prolifèrent, alors même que le gouvernement tend à simplifier le droit, et il a préconisé de privilégier la modernisation de l'outil judiciaire, estimant que la création d'une nouvelle autorité administrative indépendante témoignait d'une certaine défiance vis-à-vis de la justice.

M. José Balarello a jugé la terminologie « Haute autorité » disproportionnée, la directive ne prévoyant qu'un « organisme ». Il s'est par ailleurs ému de l'article 9 du projet de loi permettant à des personnes d'être déliées du secret professionnel, considérant qu'il ne pouvait s'appliquer à la profession d'avocat. De plus, il a craint un développement du contentieux visant les attributions de logements à loyer modéré (HLM), entraînant un risque de ghettoïsation contraire à l'objectif recherché.

M. Richard Yung a pour sa part regretté la nomination de deux membres par le Premier ministre et proposé que les deux assemblées parlementaires (et non plus leur président) choisissent leurs représentants, afin d'assurer une meilleure représentativité politique.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a déploré cette politisation des nominations et a souhaité que celles-ci reflètent les compétences et l'expérience des personnes. En outre, il a jugé essentiel de préciser si les personnes nommées par les présidents des assemblées parlementaires pouvaient être ou non des parlementaires.

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, lui a indiqué que cette imprécision était volontaire, afin de laisser une entière liberté aux présidents des assemblées parlementaires.

Elle a indiqué à Mme Alima Boumediene-Thiery que la future HALDE pouvait créer auprès d'elle des organismes consultatifs pour accueillir les associations, et qu'il serait possible de nommer parmi les onze membres du collège des représentants d'associations. Elle a de plus souligné que le Haut conseil à l'intégration et le FASILD traitaient d'intégration et de promotion de l'égalité, et non de lutte contre les discriminations, et que la future HALDE s'en différencierait encore par ses pouvoirs significatifs et son indépendance. Enfin, elle a indiqué que le système français serait semblable au britannique, la future HALDE ayant vocation à combattre toutes les formes de discrimination prohibées par la loi ou par les traités auxquels la France est partie.

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, a ensuite indiqué que l'intitulé complet de la future Haute autorité «  de lutte contre les discriminations et pour l'égalité » permettait de répondre aux préoccupations exprimées par M. Christian Cointat. Elle a de plus estimé que les missions de la HALDE seraient progressivement amenées à se rééquilibrer de l'accompagnement aux victimes vers la promotion de la diversité.

En réponse à M. José Balarello, Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, a indiqué que les dispositions relatives au secret professionnel n'auraient pas vocation à obliger une personne à le lever, mais uniquement à la soustraire à des poursuites pénales. Elle a de plus souligné que les offices publics d'HLM n'étaient pas visés particulièrement et salué leur rôle déterminant en faveur du nécessaire développement de la mixité dans les quartiers.

En réponse à M. Richard Yung, elle a enfin souligné la volonté du gouvernement de promouvoir la diversité de la composition du collège de la future HALDE, en matière politique, mais surtout en matière d'expertise et d'expérience.