Mardi 2 novembre 2010

- Présidence de M. Didier Boulaud, vice-président -

Loi de finances pour 2011 - Audition de M. Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement

M. Didier Boulaud, président - Monsieur le directeur général, l'Agence française de développement, dont vous assurez la direction générale depuis le mois de juin, est le principal opérateur de notre aide bilatérale au développement.

Vous avez été directeur délégué de la Caisse française de développement en 1993, il y a 17 ans. Depuis, la caisse est devenue l'AFD. Au-delà du changement de nom, cette institution a, aux dires de tous, profondément évolué.

L'AFD a multiplié par 4 le montant de ses interventions. Elle a considérablement diversifié ses instruments financiers. Elle a étendu la zone géographique dans laquelle elle intervient. Autrefois très concentrée sur l'Afrique où la Caisse française de développement est née, l'AFD est aujourd'hui présente sur tous les continents du Sud, l'Afrique bien sûr, mais également l'Asie et l'Amérique du Sud. L'agence a élargi ses secteurs d'intervention, en s'imposant notamment comme un opérateur central dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique. Elle s'est ouverte à de nombreux nouveaux partenaires français et étrangers.

Vous avez pu, depuis le mois de juin, mesurer la réalité de ces évolutions. Pouvez-vous nous dire celles qui vous ont le plus marqué ?

En matière budgétaire, vous nous décrirez la situation de votre agence. Quand on regarde les comptes de l'AFD, de 2006 à 2010, les ressources budgétaires pour financer les dons ont diminué de moitié. Quelles conséquences cette diminution a eu sur la programmation de l'AFD ?

Monsieur le directeur général, vous avez la parole.

M. Dov Zerah, directeur de l'Agence française de développement - L'AFD fonctionne comme une banque universelle de développement, avec diverse catégories de partenaires : les pays les moins avancés (PMA), les pays à revenus intermédiaires (PRI) et, depuis peu, les pays émergents, sans oublier les pays en voie de devenir émergents. On considère souvent que l'Agence n'a aucune limite géographique ou sectorielle. C'est une erreur. Le champ géographique des interventions de l'AFD est très précisément limité par sa tutelle, comme le sont les domaines d'intervention sectoriels dont sont notamment exclus la culture et l'enseignement supérieur. L'Agence a su augmenter fortement ses interventions pour un coût budgétaire très faible. J'ai hérité à ma venue à l'AFD d'un modèle économique performant que j'entends préserver. Dans le même temps, en accord avec mes autorités de tutelle, je souhaite que les éléments de concessionnalité présents dans les prêts aux pays émergents soient progressivement supprimés et concentrés vers l'Afrique sub-saharienne. J'ai proposé à mes autorités de tutelle que 80 % des dons gérés par l'AFD soient concentrés vers les 14 pays prioritaires et sur les secteurs de la santé et de l'éducation.

Dans le cadre du redressement des finances publiques, les moyens budgétaires provenant de l'Etat et mis à la disposition de l'AFD sont globalement satisfaisants. Les pouvoirs publics nous demandent en outre de faire, au même titre que les administrations, des efforts d'économies sur nos modes de fonctionnement. Dans cette perspective, l'AFD continuera à recruter mais diminuera ses frais de fonctionnement autres que ses frais de personnel.

M. Christian Cambon - Il y a quelques mois, nous avons étudié le projet de document-cadre de coopération au développement qui devrait définir pour les dix ans à venir les principales orientations de notre politique de coopération. Nous avions, à cette occasion, fait part au ministre des affaires étrangères et à vous-même, lors de votre audition par la commission, de notre souhait que les moyens budgétaires de la coopération française soient recentrés sur l'Afrique subsaharienne.

Je suis heureux d'entendre que vous êtes attentif aux priorités que nous avons dégagées. Nous avions également pointé du doigt le fait que l'AFD utilisait des prêts concessionnels impliquant un élément de subvention pour intervenir en Chine, alors même que ce pays semble disposer des ressources pour assumer aujourd'hui lui-même le financement de son développement. Comme nous l'avons constaté lors de notre mission avec André Vantomme au Mali, les moyens de la coopération française en Afrique subsaharienne sont aujourd'hui très limités. Il est surprenant de constater que, dans un pays comme le Mali, avec lequel nous sommes liés par l'histoire, nous ne sommes plus que le dixième bailleur de fonds.

Je constate que l'AFD est devenu le principal opérateur français en matière de lutte contre le réchauffement climatique. J'aimerais savoir quelles sont, dans ce domaine, vos priorités et quelle est la répartition des rôles dans les négociations internationales entre l'AFD, le ministère de l'environnement, celui des affaires étrangères et celui des finances ?

Vous avez, à plusieurs reprises, affirmé votre priorité au soutien à l'agriculture africaine. Pouvez-vous nous dire comment se traduit concrètement cette priorité et quelle est l'articulation entre votre action et celle du Fonds international pour le développement agricole ?

Nous sommes beaucoup à penser que le décollage de l'Afrique doit passer par l'entreprise. L'AFD mène des programmes dans ce sens dans de nombreux pays d'Afrique. Pouvez-vous nous faire un bilan de ces initiatives ? Un des freins au développement est sans nul doute la mauvaise administration. Que fait l'AFD en matière de soutien à la gouvernance ?

M. Dov Zerah - Il est important que l'AFD intervienne dans les pays émergents. D'une certaine façon, l'AFD poursuit ce qui, autrefois, relevait des projets financés sur protocole financier du Trésor. En revanche, l'utilisation de prêts bonifiés dans ces pays est en effet problématique au regard de la rareté des crédits budgétaires consacrés à l'aide au développement. Nous allons cesser progressivement la bonification des prêts dans ces pays, mais nous entendons continuer à être présents dans les pays émergents. L'AFD est en effet très sollicitée dans le domaine de la préservation de l'environnement et de la lutte contre le réchauffement climatique. Le plan indonésien de préservation de l'environnement, élaboré conjointement avec la coopération japonaise, a été, en particulier, un succès tel que la banque asiatique de développement nous a demandé de présenter la démarche française dans ce domaine à l'occasion de sa prochaine assemblée annuelle.

Nous souhaitons être présents dans le domaine de l'agriculture en mobilisant notamment des entreprises françaises de la laiterie. Il y a au Mali un cheptel de 12 millions de bêtes, 30 millions au Sénégal. Et pourtant ces pays importent de la poudre de lait. L'AFD compte intervenir non seulement en soutien des Etats, mais également en soutien des entreprises locales. Financer directement des entreprises locales, dans le cadre de projets de développement permet notamment de contourner certains problèmes de gouvernance.

Dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique, l'AFD intervient aussi bien en Indonésie qu'au Mexique. L'expertise de l'AFD dans ce domaine est reconnue. C'est cette capacité de proposition qui a permis à l'AFD de suggérer l'engagement de la France en matière de biodiversité.

L'AFD a de nombreuses tutelles : le ministère des affaires étrangères bien sûr, celui des finances, mais également le ministère de l'immigration, de l'identité nationale et du développement solidaire, sans oublier le ministère de l'outre-mer. C'est une situation peu confortable mais inévitable, compte tenu des missions de l'AFD qui sont au coeur de la politique étrangère de la France.

M. André Vantomme - Avant toute chose, je voudrais rappeler que notre commission a apporté une contribution à l'élaboration du document-cadre sur l'aide au développement, en présentant une cinquantaine de propositions, et je regrette que nous n'ayons toujours pas été informés des suites réservées à ces propositions.

Ma première question portera sur l'Afrique subsaharienne.

D'après un article paru récemment dans la presse, alors que les crédits d'intervention de l'AFD sont de 6,2 milliards d'euros, seulement 2,074 milliards d'euros seraient consacrés à l'Afrique subsaharienne. En outre, plus de 77 % des financements se feraient sous forme de prêts, les dons ne représentant que 8,5 %, le reste étant constitué à hauteur de 6,5 % par les participations, les garanties avec près de 5 % et les aides budgétaires autour de 2 %. Enfin, l'aide publique au développement est financée à hauteur de 5,4 milliards d'euros par des emprunts sur les marchés financiers, à hauteur de 476 millions d'euros par des aides pour les prêts bonifiés et à hauteur de 348 millions d'euros par des subventions de l'Etat.

Alors que le Gouvernement vient de demander à l'AFD de cibler davantage l'Afrique subsaharienne et d'augmenter la part des dons par rapport aux prêts, comment comptez-vous procéder concrètement pour parvenir à ces objectifs et selon quel calendrier ?

M. Dov Zerah - Votre question est fondamentale. Je souhaite être parfaitement clair sur ce point.

Tout d'abord, ce n'est pas moi qui décide le montant des dons dévolus à l'AFD, qui résulte d'un arbitrage du Gouvernement, et je n'ai pas le pouvoir de transformer d'un coup de baguette magique les prêts en dons, même s'il est possible de faire des prêts à très forte concessionnalité qui s'apparentent à des dons.

D'après les derniers chiffres dont je dispose, le montant total des dons du ministère des affaires étrangères qui nous serait alloué devrait être de 205 millions d'euros.

Sur ce montant, l'AFD devrait proposer de consacrer 37 millions d'euros aux pays en crise, comme Haïti et les Territoires palestiniens, et 158 millions d'euros, soit 80 %, aux quatorze pays les plus pauvres de l'Afrique subsaharienne, principalement dans deux secteurs prioritaires, la santé et l'éducation. Mais il ne s'agit là que d'une proposition de l'AFD et il faut encore qu'elle soit validée par les tutelles ministérielles, ce qui ne va pas de soi compte tenu des nombreuses sollicitations dont elles font l'objet.

Je suis donc convaincu de la nécessité de concentrer davantage les dons sur les quatorze pays prioritaires de l'Afrique subsaharienne, et dans deux secteurs particuliers, la santé et l'éducation.

De même, je suis persuadé qu'il faut concentrer les prêts dans trois secteurs : l'agriculture, l'industrie agroalimentaire et les infrastructures, en particulier l'énergie.

M. André Vantomme - Il me semble qu'en 2009, 177,6 millions d'euros de dons étaient consacrés à l'Afrique subsaharienne.

A la conférence de Monterrey, les pays de l'OCDE avaient mis en avant une sorte de contrat avec les pays en voie de développement à travers lequel les pays de l'OCDE mobilisaient de nouveaux fonds pour atteindre les objectifs du millénaire en échange de quoi les pays en développement s'engageaient à mobiliser leur ressources fiscales pour participer de façon accrue à leur développement. De votre point de vue, y-a-t-il eu des progrès dans ce sens ? L'AFD mène-t-elle des actions pour aider les pays en développement à mettre en place un système fiscal qui puisse assurer à ces états des ressources pérennes ?

M. Dov Zerah - Le sujet que vous évoquez relève davantage de la compétence des tutelles ministérielles que de l'AFD. C'est un débat que nous avons au sein de l'AFD dans le cadre de l'élaboration du nouveau plan stratégique.

A titre personnel, je considère que certains sujets sur lesquels l'AFD intervenait dans les années 1950 ou dans les années 1990, notamment dans le cadre des plans d'ajustement structurel, ne sont plus toujours adaptés aujourd'hui et je considère que l'action de l'AFD devrait être davantage concentrée sur les projets créateurs de valeur ou d'emplois, outre l'utilisation des dons pour l'éducation et la santé.

M. André Vantomme - Dans l'architecture actuelle, coexistent, dans les pays partenaires, auprès de nos ambassadeurs, les SCAC et les agences de l'AFD. En matière de développement, les SCAC n'ont plus qu'environ 20 % des crédits, les agences gérant les 80 % restants. A terme, les SCAC seront à terme intégrés dans le réseau de l'agence culturelle française : l'Institut français. Qu'adviendra-t-il de leurs compétences en matière d'aide au développement ? Peut-on imaginer à terme que les agences de l'AFD reprennent l'intégralité des compétences des SCAC en matière d'aide au développement ?

M. Dov Zerah - C'est également une question qui relève des tutelles et l'AFD n'a pas à se prononcer sur l'organisation des services de l'Etat à l'étranger. Je rappelle que le CICID a décidé que l'AFD n'interviendrait pas dans le secteur de la culture et de l'enseignement supérieur.

M. André Vantomme - La France, à travers l'AFD, intervient dans les pays émergents, dans le cadre de l'objectif des préservations des biens publics mondiaux. L'AFD a ainsi participé à l'extension des transports publics dans la Ville de Curitiba au Brésil, à une ferme éolienne dans le Yunnan en Chine, au plan climat et protection des forêts en Indonésie, à un programme de cogénération dans une décharge à Durban ou dans des projets d'efficacité énergétique en Inde.

Ces initiatives suscitent des interrogations quant aux moyens utilisés. La Chine figure en 2008 parmi les six premiers pays destinataires des interventions de l'AFD en matière de concessionnalité. A un moment où la Chine dispose de suffisamment de réserves pour financer des fonds souverains, il nous semble que nous devrions réserver nos prêts concessionnels aux pays les moins avancés.

Mais au-delà de cette remarque, nous nous interrogeons sur les objectifs de ces initiatives. Je voudrais savoir si vous estimez qu'à travers ces opérations nous pouvons avoir une quelconque influence sur la trajectoire de ces pays, tant nos moyens apparaissent dérisoires par rapport à ce qui s'y passe ? Que cherche-t-on ? Avoir une influence, faire de l'argent ? Quels sont les objectifs précis ?

M. Dov Zerah - En 2008, la Chine s'est trouvée au 6e rang des pays bénéficiaires de l'aide française au développement et cela nous a naturellement conduits à nous interroger. A l'avenir, nous allons faire en sorte de corriger cette tendance, tout en veillant à assurer une transition, compte tenu du stock de 770 millions d'euros de prêts en cours, et en apportant des correctifs plutôt qu'un véritable bouleversement. Il faut certes infléchir cette tendance mais pour autant ce serait une erreur de renoncer à toute intervention en Chine. Principalement pour deux raisons. D'une part, dans un monde globalisé, il est important de nouer des stratégies de coopération, en particulier avec les grandes puissances émergentes, et alors que la France est fortement sollicitée sur des sujets comme le réchauffement climatique ou le transport urbain, qui intéressent également les entreprises françaises. D'autre part, au moment où la France a fait du développement de l'agriculture en Afrique subsaharienne l'une de ses priorités, notamment dans le cadre de sa triple présidence du G7, du G8 et du G20, il est plus qu'opportun de nouer des coopérations avec la Chine sur des pays africains, à l'image de ce que nous faisons avec le Japon.

L'AFD dispose d'une expertise reconnue sur des sujets comme la lutte contre le réchauffement climatique ou le développement des transports urbains, à l'image du projet de bus rapides en Jordanie. Il serait dommage de s'en priver.

M. André Vantomme - En 2009, l'AFD avait reçu la responsabilité de la gestion des crédits de subvention aux ONG. Certains ont douté de la capacité de l'AFD à gérer des projets de petite taille. En 2010, il semblerait que le ministère des affaires étrangères ait souhaité reprendre la responsabilité de ses crédits. Qu'en sera-t-il pour 2011 ? Et quel bilan faites-vous de ces actions ?

M. Dov Zerah - L'AFD acceptera naturellement la décision du ministère des affaires étrangères et européennes. Il me semble que les ONG étaient plutôt satisfaites de la gestion de leurs projets par l'AFD, mais l'expérience est trop courte pour tirer des conclusions définitives. Une des difficultés porte sur les frais de gestion et la rémunération de l'AFD par l'Etat du traitement de ces projets, qui sont des « petits dossiers ». C'est une question qui relève du futur contrat d'objectifs et de moyens.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga - Je souhaiterais avoir des précisions sur le montant total des prêts bonifiés dans les quatorze pays prioritaires de l'Afrique subsaharienne et sur leurs modalités.

Par ailleurs, je souhaiterais vous interroger sur les projets de l'AFD dans les territoires palestiniens, à la lumière de votre récent déplacement dans la région.

Je pense en particulier à la construction de la zone industrielle de Bethleem, qui semble se heurter à des difficultés compte tenu de l'occupation israélienne et des restrictions à la liberté de circulation, mais aussi à la construction de la station de retraitement des eaux usées de Beit Lahia, située au nord de la bande de Gaza, dont nous avions visité les installations avec notre collègue Bernadette Dupont, mais qui a été sérieusement endommagée lors de l'intervention de l'armée israélienne à Gaza et dont les travaux de reconstruction semblent marquer le pas en raison du blocus de la bande de Gaza, qui empêche notamment l'acheminement de ciment et de matériel de construction.

M. Dov Zerah - La réduction du montant des dons nous oblige à être plus efficaces et donc à concentrer davantage les financements disponibles sur les quatorze pays prioritaires d'Afrique subsaharienne et sur les deux secteurs clés que sont la santé et l'éducation, ce qui permettra à la fois de renforcer la lisibilité et l'efficacité de notre action.

Nous menons actuellement des consultations pour mettre en place un ou deux projets phares destinés aux quatorze pays prioritaires d'Afrique subsaharienne dans l'un ou l'autre de ces deux secteurs.

Ainsi, l'AFD travaille avec de nombreuses ONG sur un projet intitulé « Santé sexuelle et reproduction », consistant à apporter un soutien aux adolescentes enceintes, qui pourrait être mis en place dans les quatorze pays de l'Afrique subsaharienne.

De même, l'AFD a financé la construction d'une maternité dans la capitale de Mauritanie, qui assure à elle seule 7 500 naissances par an, ce qui représente un sixième de toutes les naissances du pays. L'existence de cette seule maternité a permis à la Mauritanie de diminuer le taux de mortalité infantile, conformément aux objectifs du millénaire pour le développement.

De la même manière que nous souhaitons concentrer 80 % des dons sur les quatorze pays prioritaires de l'Afrique subsaharienne, l'AFD souhaite consacrer 80 % des prêts bonifiés sur ces pays.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga - Quel sera le montant des prêts consacrés par l'AFD à l'Afrique subsaharienne en 2011 ?

M. Dov Zerah - En 2011, l'AFD devrait consacrer 1,5 milliard d'euros de prêts à l'Afrique subsaharienne.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga - Selon quelles conditions ?

M. Dov Zerah - Je ne suis pas en mesure de vous répondre car les conditions de prêts dépendent dans une large mesure des conditions d'emprunts sur les marchés financiers. Toutefois, pour les pays les moins avancés, ces prêts sont constitués jusqu'à 65 % d'élément-don.

S'agissant des projets cofinancés par l'AFD dans les territoires palestiniens, les choses progressent, comme j'ai pu m'en rendre compte lors de mon récent déplacement.

Le site de la zone industrielle de Bethleem n'est certes pas idéal, mais le bâtiment administratif devrait être inauguré le 24 décembre et le responsable commercial s'est montré confiant sur le nombre d'entreprises qui seraient intéressés pour s'y implanter.

L'eau est naturellement un enjeu essentiel dans la région et j'ai eu l'occasion de m'entretenir sur ce point avec le Premier ministre palestinien.

La construction de la station d'épuration de Beit Lahia, dont je rappelle qu'elle devrait profiter aussi bien à la partie palestinienne qu'à la partie israélienne, me semble en bonne voie. Je devais me rendre sur place mais cela n'a finalement pas été possible.

M. Robert Hue - Vous dites vouloir passer d'un financement des Etats à un financement des entreprises afin de contourner les problèmes de gouvernance. Quelles précautions prenez-vous pour encadrer l'utilisation que ces entreprises font des deniers publics, quels sont les engagements que prennent ces entreprises à votre égard ?

M. Dov Zerah - Un certain nombre de pays d'Afrique sub-saharienne ne sont pas éligibles aux prêts, conformément aux règles de discipline financière édictées par le FMI. Dans certains cas, pour contourner cette interdiction et poursuivre notre mission, nous sommes conduits à soutenir des projets d'entreprises publiques, dans des domaines comme la santé ou le traitement des eaux, par exemple. Ces projets sont menés avec la même rigueur que les projets conduits en partenariat avec des Etats.

M. Yves Pozzo di Borgo - J'aimerais savoir selon quels critères vous définissez les pays dans lesquels vous intervenez. Lors d'une mission, j'ai pu constater que vous interveniez aussi bien au Nigéria qu'en Angola ou en Afrique du Sud. Pouvez-vous m'indiquer les raisons qui vous ont conduit à intervenir dans ces pays ? Pouvez-vous m'expliquer comment vous pouvez augmenter les recrutements de l'AFD tout en diminuant les frais de fonctionnement ?

M. Dov Zerah - La liste des pays d'intervention est définie par nos autorités de tutelle. Le choix des projets dépend d'une série de critères de faisabilité. Dans ces choix, nous sommes guidés, d'une part, par des documents de stratégie, comme le document cadre de coopération, les documents « cadre d'intervention » par pays ou par secteur, d'autre part, par les propositions qui nous sont faites par nos partenaires. Le choix se porte généralement par des projets qui sont à la croisée de nos préoccupations stratégiques et d'une demande locale. Car, évidemment, nous n'intervenons qu'à la demande de pays partenaires. Nous avons environ 270 millions d'euros de frais de fonctionnement dont 170 millions d'euros de dépenses de personnel. Les gains de productivité doivent donc être obtenus sur les 100 millions d'euros de frais de fonctionnement, hors masse salariale.

Les 14 pays pauvres prioritaires ont été définis par le CICID et correspondent pour l'essentiel à des pays d'Afrique francophone. Cela ne signifie pas qu'il ne faille pas intervenir dans les pays anglophones d'Afrique comme l'a souligné le Président de la République lors du dernier sommet France-Afrique tenu à Nice. L'AFD intervient notamment au Ghana et au Nigéria. Il faut faire attention lorsqu'on compare nos interventions en Afrique et dans les pays émergents car les « tickets d'entrée » dans les projets de coopération dans ces derniers sont, compte tenu de leur taille, nécessairement plus élevés.

Mme Catherine Tasca - Vous avez commencé à donner des informations sur les modalités de fonctionnement de l'AFD. Je voulais rester sur ce terrain, finalement très terre à terre, dans nos relations avec les pays de l'Afrique sub-saharienne, et notamment les 14 pays prioritaires. Est-ce que cette priorité vous conduit à modifier les modalités de travail de l'agence, soit à Paris, soit sur place à travers vos antennes ? Parmi les critiques les plus souvent formulées à l'égard de notre politique d'aide au développement depuis des décennies, la première c'est d'abord que çà n'a pas été très efficace puisque 60 ans après les indépendances, on ne peut pas dire que le développement soit au rendez-vous. Mais une autre critique, fondée à mes yeux, c'est que les objectifs ont souvent été plaqués par la France sur ces pays et de manière unilatérale. Les demandes que vous évoquiez étaient sérieusement cadrées par nous. De ce point du vue, envisagez-vous des changements de méthode pour qu'on puisse enfin parler d'un partenariat sur les projets de développement dans ces pays ?

M. Dov Zerah - Je ne crois pas que l'on puisse dire que la politique d'aide au développement n'ait pas été efficace. Il faut avoir à l'esprit la vigueur de la croissance démographique de l'Afrique. La situation aurait été bien pire si nous n'étions pas intervenus dans ces pays à la suite de leur indépendance. Il faut en outre avoir conscience de la formidable crise qu'ont connue les pays d'Afrique dans les années 90 avec la baisse des cours des matières premières.

En revanche, vous avez raison de dire qu'il se passe quelque chose en Afrique. Il y a aujourd'hui les éléments d'une croissance endogène des pays africains et en particulier des pays sahéliens qui se portent mieux que les pays côtiers. S'agissant de nos méthodes de travail, je ne crois pas que nous puissions accumuler les priorités comme nous l'avons fait jusqu'à présent. Je crois qu'il faut nous concentrer sur un certain nombre de pays, sur certains secteurs. J'ai l'intention de regrouper certaines de nos implantations pour constituer des agences régionales et ainsi revoir la cartographie de notre réseau.

Mme Josette Durrieu - Je souhaiterais également vous interroger au sujet de certaines interventions de l'Union européenne en Israël et dans les territoires palestiniens, qui me paraissent soulever des interrogations. Ainsi, il semblerait que l'Union européenne ait financé un logiciel ayant pour objet de renforcer les contrôles aux frontières. Auriez-vous des éléments à ce sujet ? Est-ce que l'AFD est amenée à participer à de tels projets ?

Ma deuxième question concerne la lutte contre le réchauffement climatique. Est-il réellement pertinent que l'AFD intervienne dans ce domaine ? Quels sont les projets concrets financés par l'AFD ? Est-ce qu'il n'existe pas un risque que ce sujet soit privilégié au détriment d'autres priorités, comme la santé ou l'éducation ? Est qu'au préalable, il ne faudrait pas financer des études sur l'évolution du soleil ?

M. Dov Zerah - Concernant les interventions de l'Union européenne, je ne dispose pas d'éléments me permettant de répondre à votre interrogation. Je peux simplement vous dire que l'AFD n'a pas reçu de délégation de la part de l'Union européenne pour gérer des financements au titre de l'aide au développement dans les territoires palestiniens, à la différence par exemple de ce qui se passe dans certains pays d'Afrique, comme au Sénégal ou au Mali. Les projets financés par l'AFD dans les territoires palestiniens se concentrent sur trois secteurs prioritaires : l'eau, le développement urbain et le secteur privé. Outre la station d'épuration de Beit Lahia et la zone industrielle de Bethleem, l'AFD a participé à la construction d'un tunnel à Naplouse destiné à désengorger la circulation au centre ville. L'AFD intervient également par le biais des ONG.

S'agissant de la lutte contre le réchauffement climatique, il est important que l'AFD intervienne sur ce sujet car celui-ci fait l'objet de nombreux financements multilatéraux. Dans ce domaine, l'action de l'AFD consiste essentiellement à apporter un soutien aux pays qui le souhaitent dans la définition du cadre juridique de lutte contre le réchauffement climatique, en intervenant parfois lors de l'élaboration des législations. L'AFD a notamment développé un projet très important de lutte contre le réchauffement climatique en Indonésie, en aidant les autorités indonésiennes à élaborer une stratégie et un cadre juridique en la matière, qui est un véritable succès.

M. Jacques Gautier - Comment l'AFD intervient-elle dans les pays en crise, comme l'Afghanistan ? Est-elle amenée à travailler essentiellement par le biais des ONG ? Les interventions de l'AFD sont-elles concentrées en priorité sur les zones de présence des forces françaises ? Ne faudrait-il pas augmenter notre effort d'aide au développement dans ce pays, car cela participe aussi au renforcement de la stabilité et de la sécurité ?

M. Dov Zerah - L'AFD dispose d'une expérience pour intervenir dans les pays en crise. Toutefois, compte tenu des moyens dont nous disposons, il faut bien faire un arbitrage entre les différentes priorités. On ne peut pas avoir l'ambition d'une politique universelle d'aide au développement avec des moyens financiers réduits. Il faut faire des choix et c'est la raison pour laquelle l'AFD propose de concentrer 80 % des dons sur les quatorze pays prioritaires d'Afrique subsaharienne dans les deux secteurs prioritaires de la santé et de l'éducation. Les évènements récents au Sahel me semblent d'ailleurs conforter la pertinence de ce choix.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam - J'ai pris connaissance avec un grand intérêt d'une étude sur le financement de « petits projets » par le biais du microcrédit en Afrique, qui avait donné des résultats très positifs. Or, lors d'un récent déplacement en Mauritanie, j'ai eu la surprise de constater que certains « petits projets », comme la construction d'un hôtel par exemple, ne pouvaient pas recevoir de financements de l'AFD, en raison d'un seuil trop faible. Je souhaiterais également connaître votre sentiment sur la situation de l'éducation au Sénégal, qui me paraît préoccupante.

M. Dov Zerah - L'AFD ne refuse pas de financer les « petits projets ». Il existe simplement deux procédures différentes, l'une pour les « grands projets », qui sont mis en oeuvre directement par l'AFD, l'autre pour les « petits projets ».

La situation dramatique de l'éducation en Afrique subsaharienne explique la raison pour laquelle l'AFD souhaite en faire l'une de ses deux priorités, avec la santé. Toutefois, à titre personnel, je m'interroge. Cinquante ans après les indépendances africaines, devons nous continuer à intervenir dans le secteur de l'éducation, qui est un domaine régalien ? L'AFD n'aurait-elle pas davantage vocation à concentrer ses interventions sur la formation de maîtres et la formation professionnelle ? La formation des maîtres permet de s'inscrire dans la durée, et la formation professionnelle présente l'avantage de déboucher sur un emploi, comme elle le fait par exemple au Maroc.

M. Didier Boulaud, président - Avant d'exercer un métier, il faut d'abord savoir lire et écrire !

M. Dov Zerah - Certes, mais nous sommes encore sollicités pour la construction d'écoles ou l'achat de manuels scolaires. Est-ce, cinquante ans après les indépendances, réellement la vocation de l'AFD ?

M. Christian Cambon - Vous n'avez pas mentionné l'Union européenne dans votre intervention, alors qu'elle dispose de fonds très importants en matière d'aide au développement.

Par ailleurs, comme nous avons pu le constater lors d'un déplacement au Mali, avec notre collègue M. André Vantomme, chaque Etat membre a tendance à intervenir de manière dispersée et sans réelle coordination dans ce domaine.

M. Dov Zerah - Comme je vous l'ai indiqué, l'Union européenne délègue parfois à l'AFD la gestion des crédits consacrés à l'aide au développement dans certains pays.

Il existe également des réunions de coordination entre les différents acteurs, comme l'Union européenne ou la Banque européenne d'investissement, afin d'apporter des cofinancements sur certains projets et d'avoir ainsi un « effet de levier ».

Les financements de l'Union européenne en matière d'aide au développement sont effectivement très importants mais l'Union européenne souffre d'un manque de coordination, car les vingt-sept Etats membres n'ont pas les mêmes priorités. Ainsi, aujourd'hui peu de pays membres ont une sensibilité africaine, à l'image de la France. Bien souvent, les négociations à vingt-sept aboutissent à une absence quelques fois de priorités.

Mme Catherine Tasca - La francophonie demeure-t-elle un objectif prioritaire de notre politique d'aide au développement, par exemple dans le domaine de l'éducation ?

M. Dov Zerah - Du point de vue démographique, le nombre de locuteurs francophones en Afrique devrait doubler d'ici 2050. Cela justifie aussi la priorité donnée à l'éducation en Afrique subsaharienne.

M. Jean-Pierre Chevènement - Vous avez évoqué les projections démographiques. La population de l'Afrique augmente de près de vingt-quatre millions d'habitants tous les ans et pourrait atteindre près de 2 milliards d'habitants en 2050 et une grande partie de ces habitants seront des francophones. Cela représente une chance extraordinaire pour notre langue mais aussi une responsabilité particulière pour notre pays. L'éducation représente un domaine élémentaire, comme la santé ou l'agriculture. La France fait-elle assez pour aider les pays d'Afrique, notamment francophones ? Je n'en suis pas certain.

M. Dov Zerah - L'éducation est avec la santé l'une des deux priorités de l'action de l'AFD en matière de dons en Afrique subsaharienne, et je peux ajouter l'agriculture au titre des prêts bonifiés.

Loi de finances pour 2011 - Audition de M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor et de la politique économique

La commission auditionne M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor et de la politique économique, sur le projet de loi de finances pour 2011 (mission Aide publique au développement).

M. Didier Boulaud, vice-président - Avant toute chose, je voudrais excuser le président Josselin de Rohan, qui participe actuellement au Sommet franco-britannique sur la défense, et qui ne pouvait donc pas être présent aujourd'hui parmi nous. Je suis heureux d'accueillir M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor au ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi pour cette audition consacrée aux crédits du programme 110 « aide économique et financière au développement », de la mission interministérielle « Aide publique au développement » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011. Je rappelle que ce programme, qui représente près d'un tiers des crédits d'aide au développement inscrits au budget de l'Etat, supporte, pour l'essentiel, la participation française aux institutions multilatérales de développement, notamment au groupe de la Banque mondiale, mais aussi des crédits bilatéraux de dons, de bonification de prêts, d'assistance technique et de traitement de la dette.

Outre la responsabilité de ce programme, le directeur général du Trésor est amené à traiter des questions de développement dans différentes enceintes, qu'il s'agisse de la Banque mondiale ou d'autres banques multilatérales ou régionales de développement, du secrétariat du Club de Paris ou des conseils d'administration des banques centrales de la zone Franc. Ces différentes fonctions font de lui un interlocuteur privilégié de notre commission sur toutes les questions de développement, qu'il s'agisse du pilotage interministériel du dispositif français d'aide publique au développement, des liens entre commerce et développement, des enjeux du traitement de la dette ou encore du financement du développement.

Après une présentation globale du programme 110, nous souhaiterions donc vous entendre sur les priorités françaises en matière d'aide au développement dans le cadre de la double présidence française du G8 et du G2O.

M. Ramon Fernandez, directeur général du Trésor - Avant de répondre à vos questions, je souhaiterais faire quelques remarques introductives sur l'action de la France en faveur de l'aide au développement.

Mais, tout d'abord, je voudrais dire un mot du document de politique transversale « politique française en faveur du développement ». Cette année, ce document important n'a été bouclé que très tardivement. Ceci reflète, je ne vous le cache pas, la difficulté et les arbitrages importants qui ont été nécessaires jusqu'à très récemment pour concilier le respect de nos engagements et la contrainte budgétaire. Ce document, qui devrait vous parvenir très prochainement, offre notamment une vision globale des composantes de l'aide publique au développement (APD), nos prévisions sur leur évolution, ainsi que l'expression de notre politique publique.

Ma première remarque sera donc, dans l'esprit de ce document, de souligner que ce budget représente un effort financier très important en faveur du développement. La France était déjà, en 2009, le deuxième bailleur mondial en volume, derrière les Etats-Unis et le deuxième des pays du G7 en part du revenu national brut, après le Royaume-Uni. Notre pays va encore renforcer son effort.

En effet, l'aide publique au développement, qui a atteint 9 milliards d'euros en 2009, devrait continuer à progresser pour passer, pour la première fois, la barre des 10 milliards d'euros en 2012. Cela correspondra, pour la première fois également, à un effort d'un euro par jour pour chaque ménage français. Cette croissance de l'APD portera exclusivement sur l'aide bilatérale, l'aide multilatérale s'inscrivant, en prévision, en baisse après avoir atteint un niveau historique de 4 milliards d'euros en 2009. La part de l'aide multilatérale dans l'APD devrait passer de 44 % en 2009 à 36 % en 2012.

Ces prévisions d'APD sont obtenues, d'abord, en sanctuarisant le socle de cet effort, les crédits budgétaires de la mission APD, qui sont stabilisés à un niveau de 3,34 milliards d'euros par an, soit 10 milliards d'euros sur le triennum 2011-2013.

Ensuite, en optimisant le coût budgétaire de cet effort. Ceci concerne essentiellement les prêts, dont nous veillons à ajuster la concessionnalité au niveau minimal permettant la réalisation des projets sans menacer la soutenabilité de la dette des pays emprunteurs.

Enfin, en mettant des ressources additionnelles au service du développement. C'est ainsi que la France, qui bénéficie d'un surplus de quotas carbone grâce à une politique environnementale ambitieuse et efficace, va financer, grâce à ce surplus, 150 millions d'euros d'actions de lutte contre la déforestation dans les pays en développement. C'est aussi grâce à des cessions d'actifs que nous allons accompagner, à hauteur d'environ 60 millions d'euros par an, les augmentations de capital des banques multilatérales de développement décidées au printemps dernier, en réponse à l'appel du G20 de Londres.

Au sein de l'aide bilatérale, la structure de notre aide évolue, conformément à la demande exprimée par le Parlement. C'est sur l'aide-projet et sur l'aide-programme que porte l'effort, principalement par une croissance des engagements de l'AFD. L'hypothèse d'annulations de dette moyenne est en revanche stable, d'environ 1 milliard d'euros par an, correspondant essentiellement aux allègements de dette en faveur des derniers pays éligibles à l'initiative renforcée en faveur des pays pauvres très endettés.

Ma deuxième remarque portera sur les actions entreprises pour répondre à l'exigence d'une politique française de développement plus lisible et plus stratégique.

Pour que notre effort d'aide ait un impact maximal, il nous faut le cibler.

Héritière d'une longue tradition de coopération, notre aide publique au développement est diversifiée. Elle est principalement mise en oeuvre par l'Agence française de développement (AFD), par l'Union européenne et par des opérateurs multilatéraux, comme la Banque mondiale ou des fonds, comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Mais elle comprend également, par exemple, pour près d'un milliard d'euros par an, des dépenses liées à la formation des étudiants étrangers ou de recherche sur le développement et de coopération scientifique.

Face à cette diversité, le risque existe d'une dispersion, et le Sénat, notamment, avait souhaité que la France clarifie sa politique, par un ciblage clair et transparent.

Le gouvernement a depuis 2009 pris plusieurs mesures pour traiter ce risque.

Le gouvernement a apporté une première réponse lors du Conseil interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 5 juin 2009 en définissant les cinq secteurs prioritaires de notre coopération : santé, éducation et formation professionnelle, agriculture et sécurité alimentaire, développement durable et soutien à la croissance.

Le gouvernement a prolongé cet exercice en rédigeant un document-cadre de coopération au développement, qui devrait être rendu public prochainement. Une large consultation a été conduite par le ministère des affaires étrangères, au niveau interministériel et en direction de la société civile. Je voudrais saluer le rôle moteur joué par votre commission dans cet exercice, avec les auditions, en mai 2010, de MM. Bourguignon, Michaïlof, Severino et Vielajus, et du ministre des affaires étrangères et européennes, M. Bernard Kouchner, la publication, au nom de votre commission, du rapport d'information des sénateurs Christian Cambon et André Vantomme « Pour une mondialisation maîtrisée - contribution au projet de document-cadre de coopération au développement », et la représentation du Sénat lors des réunions du groupe de travail.

Nous avons désormais une véritable stratégie pour notre coopération, avec quatre enjeux et quatre partenariats différenciés. Les quatre enjeux sont :

- contribuer à une croissance durable et partagée ;

- lutter contre la pauvreté et réduire les inégalités ;

- préserver les biens publics mondiaux ;

- promouvoir la stabilité et l'Etat de droit comme facteurs de développement.

Quatre partenariats sont définis :

- le plus important, celui avec l'Afrique subsaharienne pour soutenir sa croissance et la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ;

- celui avec la Méditerranée pour le développement durable, dans une perspective de convergence ;

- celui avec les pays émergents, pour gérer les équilibres mondiaux ;

- enfin, celui avec les pays en crise, pour en renforcer la stabilité.

Ces partenariats différenciés ne sont pas incantatoires : ils se traduisent aussi par des choix financiers explicites. Ainsi, au moins 60 % de l'effort financier bilatéral de l'Etat devra être affecté à l'Afrique subsaharienne, et pas plus de 10 % aux pays émergents. Par ailleurs, environ 20 % seront affectés aux pays de la Méditerranée et environ 10 % aux pays en crise, comme Haïti ou l'Afghanistan.

Ces partenariats encadreront notamment l'intervention de l'AFD, avec des conséquences, par exemple sur l'intervention de l'AFD en Chine.

Le document insiste aussi sur l'importance de préserver les moyens de l'action bilatérale et je sais que vous y êtes particulièrement attachés. Je vais vous en donner une illustration concrète sur le programme 110 « aide économique et financière au développement » : les crédits de paiement d'aide budgétaire bilatérale y augmentent de 30 %, pour atteindre 86 millions d'euros. Ceci nous permet de concrétiser la relation privilégiée entre la France et les communautés économiques régionales de la zone franc, mais aussi de répondre aux engagements pris envers Haïti. A contrario, le montant consacré aux reconstitutions de l'AID et du FAD s'inscrit en recul par rapport à ce qu'il était en 2007. En conséquence, la France est passée du 2è au 4è rang parmi les bailleurs du Fonds africain de développement, et est celui des bailleurs dont la baisse (10 % en unités de compte) est la plus importante. Afin que ces choix budgétaires ne se traduisent pas par une baisse significative de l'influence française sur ces institutions multilatérales, nous développons parallèlement le partenariat entre celles-ci et l'AFD.

Un effort important et ciblé donc, qui devrait se situer autour de 0,5 % du RNB en 2010 puis décroître légèrement, mais qui ne peut à lui seul suffire pour faire face aux défis mondiaux de moyen terme, et ce sera ma troisième remarque : la mobilisation de ressources nouvelles, via des financements innovants, sera indispensable pour être au rendez-vous de l'objectif d'une APD de 0,7 % du RNB en 2015 comme de l'objectif financier de 100 milliards d'euros par an en 2020 inscrit dans l'Accord de Copenhague.

Vous le savez, la France joue un rôle leader au niveau mondial en matière de financements innovants, et le défi est de convaincre un nombre croissant de pays de mettre en place les mécanismes qui -préfiguration d'une possible fiscalité internationale- devront en particulier permettre de financer les biens publics mondiaux dans les pays en développement.

L'année écoulée a vu des progrès significatifs dans cette direction.

D'abord la reconnaissance, dans l'accord de Copenhague, en décembre 2009, sous l'impulsion du Président de la République, que les financements innovants joueront un rôle dans le financement de la lutte contre le changement climatique.

Ensuite la reconnaissance, par le groupe d'experts mandaté par le groupe pilote sur les financements innovants, mais aussi par le Fonds monétaire international, de la faisabilité d'une taxation internationale des transactions financières ; ces travaux ont débouché sur une déclaration, en marge du sommet des OMD, où Japon, Brésil, Espagne, Norvège et Belgique nous ont rejoints en faveur d'une contribution sur les transactions financières.

Enfin, les travaux du groupe consultatif de haut niveau sur le financement de la lutte contre le changement climatique, dont Mme Christine Lagarde était membre aux côtés, notamment, de Nicholas Stern, Georges Soros et Larry Summers, ont, eux aussi, reconnu le potentiel de financements innovants comme la taxation des émissions de carbone des secteurs aériens ou maritimes, ou la contribution du secteur financier, estimés pouvoir contribuer à cette lutte à hauteur chacun de 10 milliards d'euros par an. Une mise en oeuvre mondiale d'une taxe sur les transactions financières se heurte cependant toujours à la réticence des Etats-Unis et de plusieurs grands pays émergents.

Ce travail de conviction doit être poursuivi, et le calendrier nous en donne l'occasion : ce sera ma quatrième et dernière remarque. Nous mettrons à profit la double présidence française du G8 et du G20 pour progresser sur plusieurs chantiers décisifs en faveur du développement.

Traditionnellement, le développement est plutôt traité dans le cadre du G8 sous l'angle des pays donateurs, alors que le G 20 s'est surtout préoccupé de la stabilité financière, mais le G 20, qui présente l'avantage de réunir également les grands pays émergents, peut constituer un cadre intéressant.

Initialement forum économique et financier, le G20 a été étendu aux questions de développement par la présidence coréenne, qui va proposer à Séoul, dans quelques jours, d'acter un ambitieux plan d'action pluriannuel en faveur du développement. La France a soutenu sans réserve cette initiative, qui va dans le sens d'une plus grande association des pays émergents à l'effort de la communauté internationale vis-à-vis des plus pauvres. La France prendra d'ailleurs, aux côtés de la Corée et de l'Afrique du Sud, la présidence du groupe G20 nouvellement créé et consacré au développement. Au sein de cet agenda, la France mettra plus particulièrement l'accent sur :

- la volatilité des prix des matières premières, notamment agricoles, comment la gérer et comment, en particulier, limiter ses effets néfastes sur la sécurité alimentaire ;

- le développement des infrastructures, avec un accent sur celles qui favorisent l'intégration régionale, élément-clef notamment pour le développement de l'Afrique ;

- et comme je l'ai déjà évoqué et comme l'a souligné le Président de la République lors du sommet de la francophonie à Montreux, la promotion des financements innovants.

Nous considérerons aussi le rôle que pourra jouer le G20 en appui aux négociations sur la lutte contre le changement climatique, en lien avec nos partenaires sud-africains qui hébergeront fin 2011 la conférence des parties de la convention climat.

Le G8 demeurera par ailleurs un forum privilégié de partenariat avec l'Afrique subsaharienne.

Pour conclure, je tiens à souligner l'engagement sans faille du gouvernement, et en particulier du ministère de l'économie et des finances en faveur du développement, qui se traduit par ce budget ambitieux et des objectifs qui ne le sont pas moins pour les échéances internationales à venir.

Certes, ce budget ne permet pas encore d'atteindre les objectifs fixés pour 2015 et il sera nécessaire de faire preuve d'imagination pour trouver d'autres sources de financements innovants. Par ailleurs, il sera nécessaire à l'avenir de mieux associer les grands pays émergents, comme la Chine, l'Inde ou le Brésil, qui revendiquent une meilleure place au sein des organisations multilatérales, comme le FMI ou la Banque mondiale, ce qui est légitime mais appelle également de leur part une responsabilité accrue en matière d'aide au développement.

M. Christian Cambon - Je constate que nous ne disposons pas encore du document de politique transversale qui nous permettrait d'avoir une vision complète des crédits consacrés. Avec le bleu budgétaire, nous n'avons une vision que sur 40 % de l'effort français en faveur du développement. Mais si on extrapole à partir des données à notre disposition, on se rend bien compte que la France n'atteindra pas les 0,7 % en 2015, comme elle n'a pas atteint les 0,51 % auxquels elle s'était engagée pour 2010. Ce n'est pas le cas de tous les pays. On a bien vu, lors du sommet de septembre à l'ONU, que les Anglais seront en mesure d'atteindre cet objectif. A-t-on officiellement renoncé à notre engagement ? Quand on effectue des missions en Afrique, cet engagement nous est souvent rappelé.

Vous avez évoqué un redressement des crédits de l'aide bilatérale que nous appelons de nos souhaits. Quand on voit les montants de nos contributions multilatérales et la faiblesse des moyens disponibles dans nos postes diplomatiques pour aider des projets de développement, on se dit qu'il ya là un déséquilibre auquel il convient de remédier.

La France est le principal promoteur de la mise en place de financements innovants au service de l'aide au développement. L'inscription de ces mécanismes dans les conclusions du sommet sur les OMD est en soi un succès. Pouvez-vous nous dire quelles sont les chances de faire aboutir ce projet, nous décrire en quoi consisterait cette nouvelle source de financement et quel serait selon les scénarios le montant des sommes ainsi récoltées ? Sait-on, dans les solutions envisagées au sein du groupe de travail consacré à ce sujet, si ces sommes seront destinées aux objectifs du millénaire pour le développement ou si une partie des crédits sera également consacrée à la lutte contre le réchauffement climatique ?

En matière de lutte contre le réchauffement climatique, les négociations en cours concernent à la fois le prolongement des accords de Kyoto qui arrivent à échéance en 2012, la conclusion d'un accord plus substantiel que celui de Copenhague où les Européens ont finalement été les seuls à s'engager sur des objectifs contraignants et, enfin, la mise en place d'un fonds mondial pour l'environnement. Sur ce dernier point, pourriez-vous nous indiquer les sommes que la France s'est engagée à financer, l'origine de ces crédits, de quel budget parlons-nous, nous dire où en sont les négociations ?

Plus généralement, pouvez-vous nous indiquer la répartition des rôles entre le ministère des finances, qui alimente notamment le Fonds français pour l'environnement mondial, le ministère des affaires étrangères et européennes qui, avec la Direction des biens publics mondiaux, pilote les négociations sur ce thème, notamment dans le cadre du G20 et le ministère de l'environnement qui, j'imagine, ne se désintéresse pas de la question.

La France, à travers l'AFD, intervient dans les pays émergents, dans le cadre de l'objectif des préservations des biens publics mondiaux. L'AFD intervient en Chine, dans des projets de rénovation urbaine économes en énergie. Depuis 2008, La Chine figure parmi les six premiers pays destinataires des interventions de l'AFD en matière de concessionnalité. A un moment où la Chine dispose de suffisamment de réserves pour financer des fonds souverains, il me semble que nous devrions réserver nos prêts concessionnels aux pays les moins avancés.

M. Ramon Fernandez - Il est difficile de trouver le bon équilibre entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale. Notre aide bilatérale présente des avantages en matière de visibilité et de réactivité. Elle nous permet en outre d'accompagner des projets à dimension régionale. Mais si nous souhaitons que les grands acteurs multilatéraux s'impliquent en Afrique, il nous faut pouvoir peser sur leur programmation grâce au poids de nos contributions. Pour le triennum budgétaire 2011/2013, nous allons légèrement diminuer notre contribution à la Banque mondiale ainsi qu'à la Banque africaine de développement afin de rééquilibrer notre aide en faveur de l'aide bilatérale.

S'agissant des pays émergeants, l'AFD a élargi progressivement son champ géographique de compétence. Elle est devenue un acteur important de la coopération dans ces pays, en particulier dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique. Nous aurons bientôt le recul nécessaire pour mieux évaluer l'impact de ce qui a été fait. Il est sans doute temps aujourd'hui de diminuer les éléments de concessionnalité des prêts effectués dans ces pays pour concentrer le « coût État » sur l'Afrique.

Les financements innovants constituent une perspective nécessaire pour faire face aux besoins de financement de l'aide au développement et de la lutte contre le réchauffement climatique. L'idée d'une taxe sur les transactions financières est aujourd'hui encore partagée par un petit nombre de pays, comme ce fut le cas lors de l'instauration de la taxe sur les billets d'avion. Nous avions alors dépensé beaucoup d'énergie et de temps pour convaincre nos partenaires de la faisabilité et de l'utilité d'une telle taxe. Nous n'avons pas eu à regretter cet effort puisque cette taxe constitue aujourd'hui un élément essentiel du financement de la lutte contre le sida. Il en va de même pour la taxe sur les transactions financières. Le projet fait son chemin. Les rapports de groupe de travail se multiplient pour souligner sa faisabilité technique. Le Président de la République et la Chancelière Angela Merkel essaient de convaincre l'ensemble de nos partenaires européens de promouvoir cette idée dans le cadre du G20. Une taxe sur les transactions financières entre 0,001 % et 0,01% permettrait de lever entre 7 et 60 milliards de dollars par an. Les 27 pays de l'Union ont confirmé que la réflexion sur ce sujet doit être menée. Il existe évidemment des pays opposés à ce projet qui évoquent, notamment, la volatilité de la masse taxable. Les sommes ainsi récoltées devraient permettre de financer aussi bien les objectifs du millénaire pour le développement que la lutte contre le réchauffement climatique. Nous n'en sommes pas aujourd'hui à répartir les gains attendus de cette taxe mais il faut d'abord trouver un consensus autour de l'assiette « taxable ».

Vous avez raison, il nous faut trouver les moyens au sein de l'Union européenne de créer pour l'Afrique des programmations conjointes afin d'éviter que nos coopérations respectives ne se recouvrent. Vous avez cité l'exemple du Mali, la Commission européenne vient d'avaliser une expérimentation pilote par laquelle la France sera dans ce pays le chef de file d'une programmation conjointe des pays de l'Union et de la Commission.

Dans le cadre de nos engagements en matière de lutte contre le réchauffement climatique, la France s'est engagée à financer 420 millions par an, l'essentiel figure dans le projet de loi de finances. Il manque 150 millions sur 2010-2012 qui seront tenus par la vente des droits de tirage liée à nos performances en matière d'émission de carbone.

En ce qui concerne les négociations sur le climat, le ministère des finances est naturellement responsable des aspects financiers. Le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer est en charge des négociations avec l'appui du ministère des affaires étrangères. De ce point de vue, nous avons le sentiment que la répartition des rôles est claire et efficace.

M. André Vantomme - L'OCDE, lors de la dernière revue des pairs, avait souligné la complexité de notre organisation administrative en charge de l'aide au développement. Il y a la direction générale de la mondialisation, la direction du Trésor et l'Agence française pour le développement. La réforme entamée en 2004, poursuivie en 2008, avait prévu que la coordination entre ces différents acteurs soit assurée dans les moments forts par le CICID et, au quotidien, par le COCICID. De ce que je comprends, ce dispositif ne fonctionne pas très bien. Le dernier CICID remonte à juin 2009. Il ne s'est même pas réuni pour avaliser la stratégie française d'aide au développement. Quant au COCICID, il ne semble pas qu'il ait un rôle au quotidien. Cette complexité vous paraît elle un handicap ? Partagez-vous l'analyse du CAD ? Et voyez-vous un moyen d'y remédier ?

Vous avez proposé une nouvelle stratégie française à l'égard de la Banque mondiale. Pouvez-vous nous présenter les principaux points de cette stratégie et nous dire en quoi cette stratégie a modifié l'attitude des pouvoirs publics à l'égard de la Banque mondiale ? Pouvez-vous nous préciser la répartition des rôles entre le FMI et la Banque mondiale, s'agissant de l'aide au développement de l'Afrique ? Pouvez-vous également nous décrire les modalités par lesquelles la France pèse sur la programmation de ces deux institutions et dans quelles mesures elle arrive à faire prévaloir sa priorité pour l'Afrique sub-saharienne ?

De 2006 à 2008, les dons bilatéraux de notre aide ont diminué de 30 %. Quand on regarde les comptes de l'AFD, de 2006 à 2010, les ressources budgétaires pour financer les dons ont diminué de moitié. De ce fait, les administrations, l'AFD en tête, ont fait du prêt plus que de la subvention. Le choix de cet instrument les a naturellement conduits à se tourner vers des pays ou des secteurs solvables, c'est-à-dire à se détourner de l'Afrique sub-saharienne et des services publics de base. Cette évolution n'est-elle pas en contradiction avec la volonté affichée de renforcer nos actions en faveur de l'Afrique sub-saharienne et des objectifs du millénaire pour le développement ?

Nous déclarons chaque année 80 millions d'euros de dépenses liés au franc CFA au titre de l'aide au développement. Il s'agit de rémunérations des dépôts dans les banques centrales africaines. A quoi correspondent ces sommes ? En quoi contribuent-elles au développement ? Le Franc CFA est-il un facteur de développement de la croissance en Afrique ?

M. Ramon Fernandez - Il y a plusieurs acteurs institutionnels en matière d'aide au développement. Mais cette situation ne se traduit pas par un manque de coordination. J'observe que la revue à mi-parcours du CAD souligne les progrès de la France dans ce domaine. La pluralité des acteurs n'est d'ailleurs, pour un sujet aussi vaste, pas une spécificité française. En ce qui concerne la coordination, elle s'effectue au quotidien entre les différentes administrations et en fonction des sujets. S'il est vrai que le CICID ne se réunit que de façon exceptionnelle, je constate que le conseil d'orientation stratégique de l'AFD, où sont réunis les ministres intervenant dans ce domaine, fonctionne de façon satisfaisante et permet, au-delà du conseil d'administration de l'agence, d'assurer le pilotage stratégique de l'AFD qui est devenu le principal opérateur français dans ce domaine.

Le document-cadre de coopération au développement a fait l'objet d'un arbitrage interministériel récemment. La stratégie française à l'égard de la Banque mondiale élaborée l'année dernière a été utile. Elle a notamment contribué à ce que le Président de la Banque mondiale et les instances dirigeantes de la banque clarifient eux-mêmes la stratégie de la banque et placent notamment, au coeur de leurs priorités, l'Afrique, mais aussi la lutte contre la corruption et le soutien aux Etats fragiles. Toutes nos contributions aux fonds multilatéraux font l'objet d'évaluations, au minimum une fois toutes les deux reconstitutions.

En ce qui concerne le franc CFA, la France octroie une sur rémunération sur les fonds centralisés auprès du Trésor français. Les deux banques centrales africaines du franc CFA, la Banque centrale des États d'Afrique de l'Ouest ( BCEAO) et la Banque des États d'Afrique centrale ( BEAC) ont l'obligation de centraliser auprès du Trésor français au moins 50 % de leurs réserves. Ces réserves sont placées sur le compte de l'agence France Trésor et sur les marchés financiers. En contrepartie, les deux Banques centrales africaines reçoivent une rémunération, ce qui est logique, même si elle est supérieure au produit du placement sur les marchés financiers. Au début des années 2000, la France a obtenu, à l'issue d'une négociation, la diminution de la sur rémunération de ces avoirs, qui est désormais légèrement supérieure au produit issu du placement sur les marchés financiers, et notre pays s'est engagé notamment, en contrepartie, à accompagner le développement des programmes économiques de ces deux régions.

La sur rémunération déclarée au titre de l'aide publique au développement est bien une dépense nette pour l'Etat, contrepartie du dépôt d'une partie des réserves des deux Banques centrales auprès du Trésor. C'est aussi la garantie de la stabilité du franc CFA.

S'agissant des subventions-projets, qui sont inscrites dans le programme 209 relevant du ministère des affaires étrangères et européennes, je ne pense pas que l'on a assisté à une diminution en valeur, puisque ces subventions ont augmenté de 2006 à 2010. En revanche, il est vrai que la part relative des prêts a beaucoup augmenté à la même période, ce qui explique la forte diminution de la part relative des subventions-projets. Cela s'explique en partie par l'élargissement du champ géographique. Nous sommes intervenus davantage dans des pays ayant la capacité de souscrire des emprunts. La part croissante des prêts ne se fait donc pas au détriment des dons-projets, car ces instruments sont souvent complémentaires.

Les pays concernés souhaitent souvent, en effet, pouvoir bénéficier de différents types d'instruments de financement (garanties, subventions, prêts, etc.).

M. Robert Hue - Je souhaiterais avoir des précisions sur le rôle des flux financiers en provenance des migrants en matière d'aide au développement. Les deux Banques centrales africaines jouent-elles un rôle dans ce domaine ?

M. Ramon Fernandez - Les deux Banques centrales africaines n'interviennent pas directement sur les flux financiers en provenance des migrants. Elles ont un rôle concernant la définition du cadre juridique régional en matière de lutte contre le blanchiment d'argent par exemple. Elles ont également un rôle d'assistance technique auprès des banques et de mise en relation des banques africaines avec les établissements financiers. Au sein de la zone franc, en 2006-2007, la France avait souhaité mobiliser les différents partenaires, dont les deux Banques centrales africaines, pour mettre en place un cadre plus favorable pour favoriser ces transferts d'épargne. Elles participent ainsi aux ateliers financés par la France et la Banque africaine de développement pour réduire le coût des transferts entre la France et la zone franc.

Mercredi 3 novembre 2010

- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -

Loi de finances pour 2011 - Audition du général Elrick Irastorza, chef d'état-major de l'armée de terre

Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission auditionne le général Elrick Irastorza, chef d'état-major de l'armée de terre, sur le projet de loi de finances pour 2011 (mission Défense).

M. Josselin de Rohan, président - Monsieur le chef d'état-major, même si vous n'avez pas la responsabilité d'un programme budgétaire, à l'exception toutefois du budget opérationnel de programme (BOP) «Forces terrestres » sur le programme 178, vous êtes néanmoins responsable de la cohérence d'ensemble des ressources budgétaires allouées à l'armée de terre. Beaucoup de questions vous seront sûrement posées par nos rapporteurs.

Pour ma part, je souhaiterais que vous nous exposiez votre vision globale du budget. Quel est votre avis sur les crédits prévus pour 2011 ? Répondent-ils aux attentes de l'armée de terre ? Pouvez-vous nous préciser, notamment, quelles conséquences auront les réductions affectant la durée d'entraînement des personnels ? Quelles sont les difficultés spécifiques liées aux coûts croissants d'entretien programmé des matériels ?

Enfin, pouvez-vous nous présenter votre vision des avantages et des inconvénients liés au déploiement des bases de défense ?

La commission s'associe naturellement à l'hommage que vous venez de rendre aux personnels blessés ou tombés aux combats.

Général Elrick Irastorza, chef d'état-major de l'armée de terre - Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'offrir cette opportunité de pouvoir vous faire un point de situation sur l'armée de terre et part de mon appréciation sur le projet de loi de finances 2011.

Depuis l'été 2008, l'armée de terre a conduit les 2 premières étapes de sa réorganisation, tout en assurant simultanément, me semble-t-il à la satisfaction générale, toutes ses missions opérationnelles. Comme je l'ai souhaité : « Pendant les travaux, la vente a continué normalement ».

2010 a été une année difficile marquée par une très forte mobilité interne :

- cette année, l'armée de terre aura projeté 31 000 soldats hors du territoire métropolitain, malgré une diminution de près de 3 000 postes de nos effectifs engagés en opérations stricto sensu au cours des derniers mois ;

- entre plan annuel de mutation habituel, les 7 dissolutions et 10 transferts majeurs programmés et la poursuite de la gestion des restructurations déjà initiées antérieurement, la direction des ressources humaines de l'armée de terre aura édité près de 33 000 ordres de mutations dont les deux tiers avec changement de résidence ;

- enfin, entre 18 200 départs (dont 15 100 sans bénéfice d'une pension) et 15 000 recrutements, cela fait un chassé-croisé de plus de 33 000, ces données s'entendant hors Brigade des sapeurs pompiers de Paris.

Ce sont finalement plus de 97 000 hommes et femmes qui auront été concernés par un mouvement en 2010, ce qui n'est pas sans impact sur la perception de la réforme en cours et la préservation du moral dans une collectivité humaine de 112 000 militaires, 125 000 en comptant le personnel militaire servant hors du BOP.

En dépit de sa moindre mobilité, le personnel civil concerné par les restructurations a également été soumis à de fortes contraintes.

A titre anecdotique, je veux vous citer trois exemples significatifs de cette sur-mobilité en 2010 :

- l'état-major de la 9e BLBMa (Brigade légère blindée d'infanterie de marine), en Afghanistan depuis huit jours, a conduit simultanément sa préparation à l'engagement et son déménagement de Nantes à Poitiers ;

- l'école de l'Infanterie a repris la formation de nos cadres deux mois après avoir déménagé de Montpellier à Draguignan ;

- enfin, tout en déménageant d'Allemagne à Bitche, le 16e Bataillon de chasseurs a envoyé 632 hommes en OPEX et 392 à VIGIPIRATE.

2011 sera encore plus difficile car, aux réorganisations structurelles auxquelles nous sommes habitués de longue date, à savoir 7 dissolutions et 4 transferts majeurs, viendra s'ajouter la réorganisation fonctionnelle d'ampleur de l'administration générale et des soutiens, aujourd'hui courants, demain communs, en bases de défense. Or nous le savons tous, toucher aux processus est plus anxiogène que modifier ou déplacer les structures.

Ces deux réformes ont un impact sur les ressources budgétaires du BOP Terre inscrites au PLF 2011, globalement en retrait de 6 % par rapport à 2010, soit une réduction parfaitement justifiée de 529 M€ :

- 356 M€ suite à une réduction de format de 10 145 postes, un tiers par suppression de postes et deux tiers par transferts, pour l'essentiel à l'organisation interarmées des soutiens ;

- 204 M€ suite au transfert, là aussi vers le BOP soutien, de 37 % des crédits de fonctionnement.

Je relève cependant la stabilité des crédits consacrés aux activités (133M€) et souligne que, cette année encore, avec 583 M€, l'essentiel des crédits hors titre 2 seront consacrés à l'entretien programmé des matériels.

J'estime donc avoir globalement les ressources strictement indispensables à la préparation des opérations et à la conduite de la réforme, mais je reste en revanche préoccupé par les contraintes pesant sur le programme 146 (équipement des forces) et, comme les années précédentes par les ressources attendues du programme 212 (infrastructures).

De façon désormais traditionnelle, je vous propose d'aborder successivement, la préparation opérationnelle, les équipements, les ressources humaines, et enfin la réorganisation.

Principe de réalité oblige, l'armée de terre continue de s'approprier avec pragmatisme le principe de préparation opérationnelle différenciée et la nouvelle politique d'emploi et de gestion des parcs d'équipements majeurs qui lui est associée. En complément d'une formation foncière s'inscrivant dans le temps long, la mise en condition avant la projection différenciée est plutôt bien acceptée par ceux qui en bénéficient, un peu moins par les unités qui n'en n'ont pas encore apprécié l'efficacité et conduisent leurs activités avec des moyens plus chichement comptés.

Une meilleure utilisation des remarquables installations de nos centres de préparation des forces de Champagne et de Provence accroît indiscutablement l'efficacité opérationnelle de nos unités. D'ailleurs nos soldats reconnaissent bien volontiers que la qualité de leur préparation opérationnelle constitue leur meilleure protection en opérations. Le revers de la médaille, c'est un accroissement de l'absentéisme en garnisons et une augmentation sensible des indemnités afférentes, en particulier des indemnités de service en campagne.

Suite à une succession d'allègements, le niveau moyen de notre engagement opérationnel « stricto sensu » est retombé à environ 7 200 hommes, ce qui engendre mécaniquement une diminution du nombre de jours d'activité opérationnelle (JAO) sur les théâtres et une perte de savoir-faire qui doit être automatiquement compensée par un entrainement plus soutenu et donc par une augmentation des journées de préparation opérationnelles (JPO).

Or, à enveloppe constante de 133 M€, je note une légère diminution du nombre de jours de préparation et d'activités opérationnelles (JPAO = JAO + JPO), 116 jours en 2011 contre 120 en 2010, probablement 111 jours en 2012 et 105 en 2013. En revanche, parce qu'il y va de la sécurité des vols, l'objectif de 180 heures de vol par an et par pilote sera maintenu dans l'ALAT, dont 20 heures de vol sur appareils de substitution et 20 heures par transformation de 60 heures de vols sur simulateurs en heures de vol réel. En cas de contraintes supplémentaires, il n'y aurait pas d'autre solution que la réduction du nombre de pilotes.

J'aborde maintenant les équipements. Nous sommes désormais bien entrés dans ce que j'appelle le 3e cycle de régénération de nos équipements depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Le détail vous est présenté dans le chapitre 4 du projet de PLF 2011. A l'exception du véhicule haute mobilité (10 au lieu de 15) et du LRU (lance-roquettes unitaire), les commandes et les livraisons devraient être conformes à la programmation.

La démarche consistant à engager sans attendre les équipements neufs sur les théâtres d'opérations (TIGRE, VBCI, CAESAR, ARAVIS, PVP, etc...) sera poursuivie en 2011, avec la projection de missiles JAVELIN, du véhicule de détection de mines SOUVIM 2, ou encore de FELIN (envisagée fin 2011), une fois terminé l'entraînement d'appropriation au système.

Le 1er régiment d'infanterie de Sarrebourg vient d'être équipé FELIN. Suivront, en 2011, le 13e BCA (Bataillon de chasseurs alpins) de Chambéry-Barby, le 16è BC (Bataillon de chasseurs) de Bitche, le 92e RI de Clermont-Ferrand et le 35e RI de Belfort, ce qui nous amènera à 5 régiments d'infanterie sur 20 «félinisés» en fin d'année dont 2 déjà équipés du VBCI, les 35e et 92e RI.

Je relève toutefois, qu'en dépit d'un processus de renouvellement de ses équipements, qui mérite d'être souligné pour son impact immédiat sur notre capacité opérationnelle et le moral de nos soldats, l'armée de terre reste, depuis 2005, en deçà de la barre - j'ai envie de dire « historique » - des 20 % des crédits consacrés à ses équipements majeurs, avec une année particulièrement difficile en 2007. Avec 1 743 M€ accordés en 2011 au titre du programme 146, elle perdra 139 M€ en valeur absolue par rapport à 2010 -ce qui s'explique et se comprend dans le contexte actuel- et régressera à 18,2 % de l'enveloppe globale à périmètre équivalent. Cela ne me semble plus tout à fait significatif de « l'accent à porter sur la remise à niveau des moyens terrestres » prévu par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationales (page 215).

Pour ce qui relève de ces programmes à effets majeurs, les PEM, j'ai trois préoccupations.

Tout d'abord, avant d'envisager de démembrer le programme Scorpion, il conviendra de se souvenir de sa finalité première : rompre avec les dispendieuses habitudes du passé en recherchant d'emblée un maximum de communalités entre nos équipements neufs ou en cours de rénovation, pour en réduire les coûts et en faciliter ultérieurement le soutien en service post production. Il est évident que ce programme fédérateur incrémental devra, sous la contrainte, faire preuve d'une certaine plasticité, mais y renoncer serait, à court terme, une régression conceptuelle majeure, à long terme une source inévitable de surcoûts.

J'estime ensuite que le premier véhicule blindé multirôle, appelé à remplacer nos vénérables VAB (véhicules de l'avant blindés) des années 70, aujourd'hui sur-sollicités, initialement attendu en 2015 au coût unitaire maximum de 1M€ pour l'engin de base « lisse » ne devra pas dériver au-delà de 2016.

Enfin décaler au-delà du raisonnable l'entrée en service du LRU privera nos armées de la seule capacité interarmées tactique combinant actuellement précision quasi métrique, portée étendue (70 km), et employabilité immédiate quelle que soit la météo et l'heure du jour et de la nuit. 252 roquettes ont été commandées en 2009, il reste à réaliser l'adaptation des lanceurs du 1er Régiment d'artillerie de Bourogne à cette nouvelle munition puisqu'ils ne peuvent plus tirer les roquettes à sous-munitions. Il faut se souvenir que c'est parce que je comptais sur cette transformation de l'actuel LRM (lance roquettes multiple) que j'ai proposé la réduction de moitié de notre artillerie. J'ai pris note des assurances du ministre devant vous.

En 2010, les 116 opérations d'adaptation réactive lancées depuis la fin de l'année 2007 ont continué à produire les améliorations attendues dans les domaines de la protection, de la puissance de feu, de l'observation de jour et de nuit, des télécommunications, des drones et de l'équipement individuel de nos combattants engagés en opérations qui se repassent ces équipements d'une relève sur l'autre. Elles seront poursuivies à hauteur de 100 M€ en 2011 mais ne concernent, in fine, que l'équivalent d'une petite brigade ; ce n'est pas toute l'armée de terre qui en bénéficie.

Avant d'aborder la maintenance, j'aimerais vous rappeler le volume de nos parcs actuellement déployés en opérations : 1 800 véhicules dont plus de 1 000 blindés dont 600 VAB et 24 VBCI (véhicules blindés de combat de l'infanterie). Il convient d'y rajouter les équipements en transit « in » et « out » et ceux immobilisés pour cause de rénovation chez les industriels (VAB TOP (tourelleaux télé-opérés) et VAB rétrofités FELIN par exemple). Il s'ensuit une accélération de l'usure des parcs mais aussi un fort sentiment de sous-équipement en métropole car ce déploiement représente les équipements de 11 régiments sur les 86 que nous comptons encore.

La maintenance fonctionne désormais conformément à ce qui a été planifié, tant en termes d'organisation (création de la SIMMT (Structure interarmées de maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres), du SMITer (Service de la maintenance industrielle terrestre), poursuite du regroupement géographique des unités de maintenance) que de volumes et de choix des matériels à soutenir. La disponibilité technique est supérieure à 91 % sur les théâtres pour le matériel terrestre et 79 % pour les hélicoptères, compte tenu de la priorité accordée en pièces détachées et d'un rythme de travail 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Mais comme je ne peux pas faire effort partout, le prix à payer en retour est très clairement une disponibilité tout juste suffisante en métropole pour conduire un entraînement compatible avec nos contrats opérationnels. Trois leviers me permettent de préserver autant que faire se peut les équipements :

- 1er levier, la politique d'emploi et de gestion dynamique des parcs sur laquelle je ne reviens pas ;

- 2e levier, la mise sous potentiel de tous nos véhicules blindés dont bien sûr le LECLERC dont le soutien en service post production, SSPP, est désormais contractualisé ;

- 3e levier, le soin apporté à l'emploi opérationnel des équipements au prix d'une formation plus exigeante.

Enfin, l'armée de terre s'efforce de préserver ses équipements d'accompagnement et de cohérence (245 M€) et continue de porter une attention soutenue à l'entretien programmé du personnel (181 M€). J'estime que les actions entreprises depuis 5 ans, notamment dans le domaine de l'équipement individuel de base, ont produit les effets attendus sur notre capacité opérationnelle, la protection et surtout le moral de nos soldats qui y sont très sensibles. Cet effort ne devra pas se relâcher.

J'en viens à la manoeuvre des ressources humaines. En 2011, l'armée de terre passera sous le seuil des 110 000 militaires et 15 000 civils. Cela correspond à une réduction de format de 10 145 postes :

- Répartis entre 4 560 militaires et 5 585 civils ;

- Répartis entre 3 369 suppressions sèches au titre de la déflation (dont 2 700 militaires) et 6 776 transferts hors du BOP Terre.

En baisse de 364 M€, pensions comprises, la masse salariale, qui passe sous la barre des 7 Md€, permettra de financer les effectifs et les mesures prévues d'amélioration de la condition du personnel (+ 35 M€).

La première de toutes mes préoccupations est la stabilisation d'un turn-over de notre ressource humaine, que j'estime trop rapide car il nous épuise en termes de recrutement puis de formation et surtout épuise nos viviers traditionnels.

En 2010, nous aurons procédé à 16 300 recrutements externes, 437 officiers, 1 250 sous-officiers et 14 650 militaires du rang dont 1 500 pour, entre autres, la BSPP et les unités de la protection civile. C'est beaucoup trop et il nous faut absolument maîtriser au plus vite l'attrition initiale (25 à 30% au lieu des 15 % escomptés) et améliorer le taux de renouvellement de nos premiers contrats (30 % actuellement au lieu des 40 % attendus).

Pour cela j'ai pris un certains nombres de décisions :

- rendre de la perspective professionnelle à nos EVAT (engagés volontaires de l'armée de terre) en passant d'une gestion collective normée qui nous a permis de professionnaliser à une gestion individuelle au mérite ;

- créer des centres de formation initiale militaire (les CFIM) garants de l'orthodoxie de l'instruction et de l'éducation dispensées à nos jeunes soldats par des cadres mieux sélectionnés et mieux formés ;

- partant du constat que nous avons de très bons soldats, recruter parmi nos EVAT l'essentiel de nos sous-officiers (70 % au lieu de 50 % aujourd'hui) et limiter le recrutement direct à nos seuls besoins complémentaires ;

- rénover le brevet de technicien supérieur de nos sous-officiers en faisant une part plus importante aux acquis de l'expérience ;

- veiller enfin à ce que l'armée de terre demeure l'escalier social qu'elle a toujours été avec 70 % de ses sous-officiers issus du rang et 70 % de ses officiers de carrière du corps des officiers des armes issus du recrutement interne (20 % provenant des officiers contractuels et 50 % des sous-officiers).

Je note qu'en cette fin d'année les premiers effets se font sentir et que nous avons pu réduire nos recrutements externes.

Ma seconde préoccupation, dans le domaine des ressources humaines, découle de la difficulté qu'il y a à concilier la déflation du personnel de carrière (80 % des officiers et 50 % des sous-officiers) avec le rallongement progressif des limites d'âges de 2 ans. Ce problème restera gérable pour les sous-officiers, compte tenu d'un sous-effectif structurel dans les grades terminaux, mais il sera d'une extrême complexité pour les officiers. Sans mesures d'accompagnement dignes de ce nom, il sera difficile de maintenir une pyramide fonctionnelle et la motivation.

Est-ce une conséquence de ces évolutions ? Je relève que nous assistons, depuis 2007, à une accélération des départs précoces de nos jeunes officiers issus de Saint-Cyr. Si le recrutement d'officiers sous contrat permet de pallier quantitativement ce déficit, cette tendance risque de compromettre la satisfaction des besoins en commandants d'unités élémentaires et l'armement des postes de responsabilité d'officiers supérieurs et de très haute responsabilité. Il me semble indispensable de conserver un recrutement direct substantiel et surtout un niveau de sélectivité suffisamment important en cours de carrière si l'on veut éviter la constitution, à moindre effort individuel compte tenu de l'érosion naturelle, d'un grand corps prédestiné.

L'allongement des limites d'âge et le report de la retraite à jouissance immédiate de 2 années sont plutôt bien acceptés. En revanche, je regrette le recul de 4,5 ans pour percevoir le minimum garanti, soit à partir de 19,5 années de service. Il est perçu dans l'armée de terre comme un manque de considération, avec les conséquences qui s'ensuivront probablement sur le renouvellement des premiers contrats.

Enfin, en 2011, l'armée de terre poursuivra la montée en puissance de ses unités de réserve. En 2010 avec un budget de 44 M€, elle a été en mesure de proposer à ses 17 500 réservistes 25 jours d'activité en moyenne. Depuis le début de l'année, 262 ont participé à une mission hors métropole dont 157 à une OPEX et 1 225 ont été engagés à Vigipirate.

Je terminerai par les restructurations.

Globalement acceptée, cette indispensable réforme reste particulièrement anxiogène, non seulement parce qu'elle affecte très directement la vie quotidienne de notre personnel, mais aussi parce qu'elle va éloigner des régiments -c'est-à-dire du coeur de l'armée de terre-, ceux qui, civils et militaires, en assuraient l'administration générale et les soutiens communs, au plus près, depuis plus d'un siècle. Cela dit, cette réforme aura le mérite de séparer très clairement ce qui relève très directement de l'opérationnel de ce qui l'est moins, quand bien même conviendra-t-il de préserver une relative porosité entre les deux.

Dans le domaine de l'infrastructure, les besoins de l'armée de terre, validés par l'EMA, sont évalués dans le programme 212 pour 2011 à 575 M€ (soit 260 M€ au titre des réorganisations et 315 M€ pour l'investissement classique et la maintenance spécialisée), à majorer des 48 M€ à provenir du BOP 0178 0011 pour la maintenance élémentaire. Si ces niveaux de programmation paraissent acceptables puisqu'ils dépassent les niveaux de ressources habituellement consentis à l'armée de terre, ils intègrent en réalité pour moitié les coûts liés à la transformation. Par ailleurs, l'expérience des années 2009 et 2010 montre qu'à peine 50 % des crédits dédiés aux opérations hors restructurations sont effectivement engagés. Si cette situation devait se poursuivre en 2011, il faudra bien admettre qu'en trois ans l'armée de terre aura perdu l'équivalent d'une année d'investissement hors restructurations, avec toutes les conséquences à en attendre sur l'état général de notre infrastructure, la vie courante et la préparation opérationnelle.

En 2011, l'armée de terre continuera de s'acquitter de toutes ses missions, y compris sur le territoire national, en complément des autres services de l'Etat en charge de la sécurité des Français dans le respect de l'instruction 10 100, tout en poursuivant une réorganisation structurelle et fonctionnelle d'une exceptionnelle ampleur.

2012 constituera, dans l'immédiat, la dernière année de restructurations lourdes et de transferts mais la réorganisation n'en sera pas terminée pour autant. Il faudra absolument que les gains en effectifs attendus sur l'administration et les soutiens au sens large soient effectivement réalisés, sinon le bouleversement de notre administration n'aura servi à rien et comme il faudra bien payer la déflation, par tranche de 800, c'est inévitablement un régiment de plus qu'il faudra supprimer. Il ne faudrait pas que, dans quelques années, il se dise devant de trop maigres résultats : « Et dire qu'on a fait tout ça rien que pour ça ! ».

Avec plus de 80 % des effectifs engagés en opérations et 95 % du tonnage de munitions utilisées au combat, l'armée de terre est au coeur des engagements opérationnels de notre pays. 20% des crédits du programme 146 me semblent constituer dans la durée le niveau de ressources lui permettant de s'acquitter au mieux de ses missions au milieu des populations, au contact direct de l'ennemi.

Vous me permettrez de terminer par nos soldats, en ayant une pensée particulière pour ceux qui sont allés au bout de leur engagement depuis le début de l'année, 3 officiers, 9 sous-officiers et 8 militaires du rang, parmi eux des fantassins, des cavaliers, des maintenanciers, des sapeurs, des artilleurs, des logisticiens et des infirmiers, comme tout dernièrement l'infirmier de classe supérieure Miloche, mortellement blessé au combat, dont le sacrifice met en exergue le lourd tribut proportionnellement payé par le service de santé et nos auxiliaires sanitaires, avec 3 tués au combat et de nombreux blessés. Tous nous rappellent que quand on a choisi ce métier on ne choisit plus ses missions sinon il faut avoir l'honnêteté de changer de métier.

Nous nous efforçons de porter aux familles de nos tués et de nos blessés autant d'attention que possible. Cet été, j'ai doublé les effectifs de la cellule d'aide aux blessés de l'armée de terre, la CABAT, en charge de l'assistance immédiate aux familles éprouvées et du suivi dans la durée. En complément de la solidarité institutionnelle dont vous connaissez l'importance mais par nécessité procédurale, je bénéficie du soutien moral et financier de l'association « Terre Fraternité » créée en 2005 par un de mes prédécesseurs, le général Thorette. Elle tire l'essentiel de ses ressources de la solidarité et d'initiatives internes.

Je vous remercie du soutien que vous nous apportez et de votre attention et je suis prêt à répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.

M. André Dulait - Pouvez-vous nous éclairer sur les conséquences budgétaires de la création des Centres de formation initiale militaire ? Comment est perçu, au sein des unités, le recul de l'âge de la retraite ? Enfin, quelle conséquence tirez-vous du récent rapport de la Cour des comptes sur le Service de santé des armées ?

Général Elrick Irastorza, - Les centres de formation initiale militaires (CFIM) ont été créés pour garantir l'homogénéité de la qualité de la formation initiale, se substituant ainsi à une formation effectuée au sein des régiments, dont les résultats étaient variables. Cette nouvelle organisation est neutre budgétairement. Cette formation s'opère désormais sous l'autorité directe des généraux commandant les brigades dans dix centres, ce qui devrait faciliter la fidélisation ultérieure des personnels et surtout garantira la standardisation de la formation et sa qualité.

En sus du décalage pour tous de 2 ans des limites d'âge et de la retraite à jouissance immédiate, environ 800 militaires par an seront touchés par l'allongement de leur durée de service de 15 à 19 ans et demi avant de pouvoir bénéficier du minimum garanti, soit un différentiel de pension d'environ 50 € par homme et par mois. Ce faible effectif n'empêche pas la naissance d'une certaine amertume face à une réforme qui allonge la durée d'activité de 2 ans pour l'ensemble de la population, et de 4 ans et demi pour certains militaires, ce qui est considéré en interne comme anormal.

Parce que nous avons fait le choix du soutien médical de l'avant, en première ligne, le service de santé des armées dispense une formation spécifique permettant aux personnels médicaux, infirmiers comme médecins, d'accompagner au plus près les unités engagées dans des combats, et de leur apporter un soutien médical le plus rapide possible. En effet, les médecins de Percy me l'ont dit, sans le travail fait dans les premières minutes sur le terrain, on ne pourrait ensuite faire aussi bien dans les hôpitaux. Ceci nécessite l'entretien de savoir-faire spécifiques, accompagné d'une forte motivation.

M. Daniel Reiner - Si le budget prévu pour 2011 dispose de ressources légèrement inférieures à celles de 2010, il me semble cependant que la difficulté principale découle de la gestion des ressources humaines : la réduction des effectifs ajoutée à la restructuration des garnisons et à la mise en place des bases de défense me semblent être trop rapides pour être menées sereinement. Le différentiel financier au regard des sommes prévues par la Loi de Programmation Militaire est modéré, mais conduit au décalage de certains programmes comme le LRU (lance roquettes unitaire), mais surtout le programme Scorpion. Celui-ci devait, en effet, être facteur d'économie, et je m'interroge sur les conséquences de ce retard pour l'armée de terre. J'observe que plusieurs projets concurrents sont proposés par les trois industriels français des blindés : Nexter, Panhard et Renault pour les équipements futurs. Comment le choix sera-t-il opéré ? Enfin, je relève, dans le calendrier des opérations d'acquisitions établi par la LPM, que l'achat de 11 avions Rafale a été anticipé au profit de l'armée de l'air : quelles en seront les conséquences sur l'équipement des autres armées ?

Général Elrick Irastorza - Le but du programme Scorpion est de constituer un ensemble capable de se substituer aux différents équipements et systèmes d'information empilés au fil du temps et qui avaient donc des difficultés à communiquer entre eux et généraient un soutien complexe. Au moment où nous devons envisager la rénovation des chars Leclerc, des équipements neufs comme le VBMR et l'EBRC (engin blindé de reconnaissance et de combat) et les systèmes d'information et de combat associés, cette opération d'ensemble doit nous permettre d'utiliser éventuellement la même motorisation, la même électronique de bord ou d'intégrer les mêmes contrats de service post-production.

A l'intérieur de Scorpion, certains programmes peuvent glisser. La question se pose pour la rénovation des chars Leclerc. L'urgence est le remplacement du VAB. Les derniers pourront être utilisés jusqu'en 2025. Son successeur, le VBMR, pourrait être décalé en 2016 mais pas au-delà. Il est nécessaire d'acquérir à l'avenir des engins blindés « basiques » qui seront ensuite adaptés, théâtre par théâtre, en fonction des besoins. Ce coût de 1 million d'euros pour l'engin de base n'est pas neutre. Je rappelle que le véhicule Aravis protégeant son équipage des engins explosifs improvisés, coûte 1 million d'euros pièce. Ceci souligne la nécessité d'une cohérence dans la conception des futurs blindés.

Le coût représenté par 11 Rafales est équivalent à celui de 11 petits programmes de l'armée de terre portant, par exemple, sur le LRU, l'achat de mitrailleuses, de tourelleaux télé-opérés ou de PVP (petits véhicules protégés). Je ne peux que constater que, à enveloppe constante et à iso périmètre, toute dépense supplémentaire faite au profit d'une armée se fera mathématiquement au détriment des autres.

La cible d'acquisition des VBMR, qui devront durer de 30 à 40 ans, est de 977 en phase 1 et de 2 326 au total. En comparaison, le VBCI a une durée de vie estimée à 40 ans et le VAB aura été utilisé durant une cinquantaine d'années. Cette longue durée d'emploi souligne la nécessité de préserver des capacités d'adaptation au fil des besoins. S'agissant des VBMR, l'essentiel est que le programme entre en production.

M. Didier Boulaud - Au sein du programme 212, il m'apparaît que les investissements liés aux restructurations pénalisent l'entretien courant des casernements de l'armée de terre. Dans un récent rapport commun, les commissions sénatoriales des finances et des affaires étrangères et de la défense, ont exprimé des réserves sur le projet Balard. Il semble, notamment, que les états-majors d'armées craignent de ne pas disposer de locaux adaptés à leurs besoins. Enfin, quel est l'état réel du parc de VAB, et du parc de Leclerc ?

Général Elrick Irastorza - Il est certain que la restructuration des régiments pèse sur les crédits d'infrastructure dévolus à l'armée de terre. Avant la réorganisation, ils étaient de 450 millions d'euros par an. En 2010, ces crédits se montaient à 550 millions d'euros, dont 260 consacrés à cette restructuration. Il reste donc 290 millions pour l'entretien courant des bâtiments, dont la moitié n'est toujours pas engagée, ce qui les ramène à une somme insuffisante de 150 millions. Sur trois ans, c'est donc l'équivalent d'une année d'investissement de perdue.

S'agissant de Balard, l'armée de terre a une position un peu particulière puisque déjà colocalisée avec l'État major des armées, boulevard Saint-Germain. Elle perçoit tous les bénéfices d'être avec l'EMA et le CPCO. Le regroupement de tous les états-majors à Balard relève du bon sens dès lors qu'il est techniquement réalisable. Je ne suis pas préoccupé en termes de fonctionnement.

Sur les 406 chars Leclerc perçus, 254 restent en service, dont 240 dans les régiments, et 14 dans les écoles. Un régiment c'est donc 60 chars mais seulement 18 y sont en dotation permanente pour l'instruction courante. Les autres sont répartis dans les deux centres d'entraînement situés en Champagne et en Provence, au parc d'alerte et au parc de gestion, qui constitue le poumon du système. Cette politique novatrice découle de la PEGP (politique d'emploi et de gestion des parcs). Pour les VAB, 3 500 sont actuellement en service. Nous en avons de tous types : HOT, canon de 20, sanitaire, PC, Génie, SIC,... 1 600 VAB dont 1 000 VAB infanterie ont été revalorisés à mi-vie ; de plus, des VAB aménagés en poste de commandement seront modifiés pour devenir des VAB du rang, utilisables dans l'infanterie. Le parc global devrait progressivement diminuer jusqu'en 2025. Le blindé 6 roues Sagaie a été retiré de l'emploi opérationnel pour servir comme matériel de substitution. Les AMX-10RC viennent d'être rénovés, le 256e et dernier vient d'être livré. Pour l'artillerie, 32 AUF1 seront conservés.

M. Didier Boulaud - Pourquoi ne pas détruire les chars inutilisés ?

Général Elrick Irastorza - La décision de conserver ou de démanteler les chars retirés du service ne relève pas de mon autorité.

M. Xavier Pintat - L'armée de terre est-elle satisfaite des drones tactiques DRAC et SPERWER. Comment évalue-t-elle ses besoins futurs en ce domaine ? Par ailleurs, le sommet franco britannique réuni hier a décidé plusieurs actions communes, dont la création d'une force expéditionnaire conjointe : qu'en pensez-vous ?

Général Elrick Irastorza - Le débat entre drones tactiques et drones stratégiques est derrière nous. Le drone tactique le plus utilisé en Afghanistan est le SDTI, qui compte 1 000 heures de vol et 400 missions. Il donne satisfaction, à une réserve près qui touche à sa vulnérabilité dans la phase d'atterrissage. Le système arrive à extinction et devra être remplacé par un système donnant au chef tactique la capacité d'obtenir les renseignements dont il a besoin avec une autonomie de 6 heures et une portée de 80 kms. Le DRAC, sorte de jumelle déportée qui est un bon engin quand il fonctionne, a présenté d'importantes difficultés en matière de décollage et de géo-référencement. Les améliorations apportées par l'industriel concepteur ont permis de l'engager à nouveau en Afghanistan. Techniquement, tout ce qui pouvait être fait l'a été. La décision d'acquérir ou non les 55 derniers systèmes sera prise en décembre prochain, au vu de ses performances, en procédant sans doute à un aménagement de la répartition entre vecteurs aériens et stations au sol.

Le partenariat entre la France et le Royaume-Uni existe de longue date comme par exemple les exercices d'échange à Coëtquidan, et une vingtaine d'échanges entre unités ont lieu chaque année, en particulier en matière de RETEX. Un exercice majeur de commandement et d'interopérabilité des systèmes d'information dénommé « Flandres 2011» a été lancé il y a deux ans. Il s'agira pour une brigade française et une britannique d'évoluer sous commandement d'une division française. Par ailleurs, des pistes de coopération technique sont à creuser sur l'armement du fantassin ou les tourelleaux télé-opérés de 40 millimètres. Enfin, le projet de brigades d'intervention communes reste à finaliser.

M. Jacques Gautier - Le déploiement progressif des missiles JAVELIN en Afghanistan pose le problème du successeur du MILAN en 2015. Le drone tactique britannique WATCHKEEPER sera déployé en 2011 en Afghanistan. Pourrait-il être le successeur du SPERWER ? Enfin, comment trouver un bon équilibre entre les performances technologiques fournies par le système FELIN et la nécessaire rusticité des fantassins ?

Général Elrick Irastorza - Le fantassin est devenu un système d'armes ; l'intégration du système FELIN conduit à faire porter aux soldats un poids identique, avec une nette plus-value dans le tir de jour comme de nuit. Ce système est modulable en fonction des besoins. Aujourd'hui, avec ses munitions, le fantassin est chargé d'un équipement pesant de 40 à 50 kilos, ce qui requiert une excellente condition physique, qui témoigne de la permanence d'une nécessaire rusticité.

Je ne peux me prononcer sur l'état d'avancement du successeur du MILAN. Le MILAN est un bon missile filo-guidé, antichar, mais ce guidage expose le tireur, ce qui n'est pas acceptable dès lors qu'il existe sur le marché une solution alternative comme, par exemple, le missile JAVELIN « tire et oublie ». Ces deux systèmes seront appelés à cohabiter, car ils présentent chacun des avantages et des inconvénients.

S'agissant des drones tactiques, il convient d'utiliser jusqu'à son terme le SPERWER, puis de choisir une solution pragmatique à un coût raisonnable, et restant un engin à la main du chef tactique et déployable rapidement.

Mme Bernadette Dupont - Je voudrais évoquer les cessions immobilières découlant des restructurations, qu'il s'agisse de bâtiments ou de terrains. Nombre d'entre eux sont acquis par des collectivités territoriales qui doivent réaliser de coûteux travaux préalables, notamment le déminage des terrains, avant de leur trouver une nouvelle affectation. Elles souhaitent donc acquérir ces biens à moindre coût ; dans ces conditions, le ministère de la défense peut-il vraiment tirer des ressources complémentaires de ces cessions ?

Général Elrick Irastorza - Les cessions immobilières ne sont pas de mon ressort mais je constate, lors de mes nombreux déplacements en France, que les casernements ont souvent été l'objet de reconversions réussies.

M. Jacques Berthou - La profonde transformation des armées inquiète de nombreux militaires et vous avez vous-même mentionné des départs anticipés d'officiers. De plus, de nombreux métiers militaires seront marqués par une technicité accrue, ce qui conduira à une augmentation de la masse salariale supérieure à celle connue aujourd'hui : cela n'amoindrira-t-il pas les économies attendues de la suppression de 54 000 postes ? Par ailleurs, comment conserver un esprit de corps au sein d'une armée très technique ?

Général Elrick Irastorza - Il existe effectivement une forte appréhension sur les conditions de la carrière militaire, mais celle-ci ne peut échapper à l'incertitude qui touche l'ensemble de la société. Le besoin en compétences très pointues va inévitablement s'accroître ; il s'accompagnera d'un système d'indemnités spécifiques. Ainsi, tous les pilotes d'hélicoptères depuis 2 ans sont devenus officiers et payés en conséquence. Cependant, l'incertitude générale qui marque notre actualité globale ne peut permettre que des prévisions à 10 ou 15 ans. Quant à l'évolution de la masse salariale, pour s'en faire une idée, 1 000 hommes représentent 33 millions d'euros par an, hors pension.

M. André Vantomme - Je relève que le nombre initial de bases de défense, qui était de 90, est désormais de 60 : quels sont les éléments critiques de cette mise en place ? Par ailleurs, quel enjeu constitue pour les armées le développement de sociétés militaires privées (SMP) ?

Général Elrick Irastorza - Nous passons d'un système privatif d'administration à une administration confiée à d'autres, les bases de défense. Les bases de défense, sortes de circonscription militaire d'administration, déchargent les chefs de corps de la responsabilité de la gestion administrative courante ; désormais ils ne sont plus responsables que de la formation et de la préparation opérationnelle de leur unité, de la gestion de commandement de leurs hommes et de leurs équipements de combat. Le reste leur échappe. Ce transfert suscitera des difficultés de fonctionnement, notamment en matière de sélection des priorités, et nécessitera des contractualisations mais cela se fera et je ne suis pas fondamentalement inquiet. L'enjeu principal porte sur l'effectivité des réductions de personnels que cette organisation doit impérativement permettre en 2013-2014, lorsque les économies découlant de ce soutien commun commenceront à se faire sentir. Car pour l'instant nous nous sommes limités à un jeu de taquin et il faudra imputer sur les soutiens communs la charge de déflation associée aux effectifs transférés. A défaut, il faudra supprimer par tranche de 800 personnes un régiment.

J'ai souligné combien la formation et l'entraînement d'un soldat est une tâche difficile : c'est la raison pour laquelle on peut envisager l'externalisation de certaines fonctions comme par exemple le gardiennage. Mais l'emploi de la force publique doit rester contrôlée par l'État, et ne pas être confiée à des sociétés militaires privées. Il ne faut pas perdre de vue que l'armée de terre est une armée de citoyens français professionnels et non de lansquenets.

M. Michel Boutant - Je suis chargée, avec ma collègue Joëlle Garriaud Maylam, d'un rapport d'information sur les réserves civiles et militaires. Les associations de réservistes de l'armée de terre que nous avons entendues ont émis des jugements sévères sur les modalités de leur gestion, et de leur maintien en condition opérationnelle. Qu'en pensez-vous ?

Général Elrick Irastorza - Face à la menace immédiate qui caractérisait la période de la guerre froide, la nation en armes pouvait avoir besoin de doubler ou tripler d'effectif grâce aux réserves. Les conditions d'emploi des troupes ont changé et leur envoi en OPEX requiert une préparation opérationnelle intense, que suivent les réservistes s'ils veulent être envoyés sur le terrain, et qui doit être la même que celle des soldats d'active. Que ne dirait-on si un réserviste allait au bout de son engagement sans avoir suivi cette préparation. Or, très peu d'entre eux en ont la possibilité matérielle. C'est pourquoi les réservistes sont affectés à des unités spécifiques ou constituent un substitut permettant de remplacer le cadre d'active partant en opération. De plus, de nombreux réservistes sont utilisés dans le cadre de Vigipirate. Cet emploi des réservistes engage la responsabilité du chef d'état-major des armées, et du chef d'état-major de l'armée de terre. A engagement opérationnel équivalent, préparation opérationnelle équivalente.

Loi de finances pour 2011 - Audition de M. Michel Miraillet, délégué aux affaires stratégiques

M. Josselin de Rohan, président - Nous accueillons M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense, qui exerce la responsabilité du programme 144 « environnement et prospective de la politique de défense » au sein de la mission « défense ».

Ce programme touche à deux domaines majeurs. La recherche de défense et les services en charge du renseignement de sécurité, principalement la DGSE.

Le contexte budgétaire général et le décalage du développement de certains programmes accentuent la pression sur le budget des études-amont, sur lequel repose en partie le maintien d'un certain nombre de nos compétences industrielles et technologiques.

En matière de renseignement, la situation est plus positive, dans la mesure où les engagements pris avec le Livre blanc sont mis en oeuvre, notamment les recrutements supplémentaires au profit de la DGSE.

Le programme 144 couvre également l'analyse stratégique, la diplomatie de défense et le soutien à l'exportation.

Nous souhaitons que vous nous présentiez, Monsieur le Directeur, l'évolution en 2011 des dotations prévues pour ces différentes actions et, au-delà de la simple approche budgétaire, les grandes orientations mises en oeuvre dans ces domaines déterminants pour la compréhension de notre environnement stratégique et la préparation de nos capacités futures.

M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense - Monsieur le Président, mesdames et messieurs les parlementaires, monsieur le rapporteur, aujourd'hui, c'est pour moi la quatrième occasion de rendre compte des progrès accomplis par le programme 144 qui porte l'essentiel de la « jeune » fonction stratégique « connaissance et d'anticipation » ; Cet élément clé de la politique publique qu'il soutient explique pour une large part la préservation de son périmètre financier.

En qualité de responsable de programme, deux objectifs me sont assignés par la loi de programmation : animer et soutenir la prospective « défense » en appui direct de la réflexion stratégique et du processus décisionnel ; fonder la cohérence d'une politique publique regroupant la compréhension de l'environnement stratégique, les relations internationales, la prospective technologique, le contrôle et le soutien des exportations d'armement et la lutte contre la prolifération.

Au sein de la mission défense, ce programme mobilise près de 8 600 personnes en moyenne, réparties dans l'ensemble du ministère (EMA, DGA, services de renseignement, réseau des postes permanents à l'étranger), et un budget de 1,8 milliard d'euros, soit de l'ordre de 5 % des crédits de paiements du projet de loi de finances pour 2011 et une part notable des efforts consentis au profit de la recherche de défense.

J'aborderai successivement les perspectives de fin de gestion 2010 et les grands choix opérés pour le projet de loi de finances 2011.

La fin de la gestion 2010 se caractérise sur le titre 2 par un déficit d'environ 0,76 % de la dotation prévue par la loi de finance initiale. Cette situation s'accorde avec les objectifs « ressources humaines » fixés au programme pour l'actuelle gestion puisque le plafond des emplois autorisés (8 661 ETP) sera respecté par les emplois occupés en moyenne sur l'année (8 533), et le nombre d'emplois effectivement pourvus en fin d'année (8 636) sera en conformité avec la cible en effectif terminal accordée sur la gestion 2010 (8 677).

Pour les autres titres, le programme devrait engager cette année environ 1 240 millions d'euros et payer 1 247 millions d'euros (dont 70 millions d'euros au titre du plan de relance de l'économie), hors consommation de la réserve qui représente à ce jour un peu plus de 51,3 millions d'euros (49,7 millions d'euros en AE et 51,3 millions d'euros environ en CP). Dans ces conditions, en raisonnant sur un périmètre excluant le plan de relance, le montant des engagements 2010 devrait être en augmentation de 8 % environ par rapport à 2009. Pour les crédits de paiement, une levée de la réserve complète, qui est assurée, donne une capacité de paiement de 1 298 millions d'euros, dont 70 millions d'euros au titre du plan de relance de l'économie, (pour une loi de finances initiale 2010 de 1 239 millions d'euros), soit un niveau de paiement équivalent à celui de 2009.

Etant donné les difficultés rencontrées avec le progiciel de gestion CHORUS, le programme s'efforce de limiter, autant que faire se peut, le montant des factures impayées à la fin de l'année 2010. La totalité des factures reçues ne pourra cependant être honorée d'ici la fin de l'année et le programme affichera un report de charges.

Sur le volet effectifs et masse salariale du projet de loi de finances pour 2011, le programme 144 apparaît comme relativement épargné par la rigueur affectant l'ensemble des administrations de l'Etat. En effet, celui-ci devrait bénéficier d'une augmentation importante de sa masse salariale (+ 5,07 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2010) afin d'accompagner la progression de ses effectifs et de son plafond ministériel des emplois autorisés (de 8 661 ETP en 2010 à 8 673 ETP en 2011).

Cet éclairage général ne doit cependant pas masquer, si l'on examine la situation propre à trois des quatre entités composant le programme (DGA, EMA et DPSD), des réalités plus conformes avec les recherches d'économie et de rationalisation des moyens demandés aux administrations. Ces trois budgets opérationnels de programme perdent en effet 3 % de leurs emplois.

Il résulte de ces constats que la DGSE restera, en 2011, un service à part au sein du programme 144 comme de la mission défense. Elle accentuera la montée en puissance de ses capacités techniques et opérationnelles, dans le cadre de la fonction "connaissance et anticipation". Ces objectifs seront poursuivis à l'aide de ressources budgétaires fortement accrues (+ 11,59 %) et adaptées aux nécessités du développement de ses programmes technologiques. Le budget prévisionnel accordé à la DGSE permettra également de résoudre diverses difficultés rencontrées au cours de la gestion 2010, comme le paiement des dépenses d'indemnités de résidence à l'étranger (IRE) ou le financement de diverses mesures catégorielles au profit des corps d'agents de catégorie C du service.

Dans ce contexte général, les effectifs mis en oeuvre par les quatre budgets opérationnels seront affectés par deux grandes tendances que l'on peut ainsi schématiser.

Tout d'abord, au sein des deux services de renseignements (DGSE et DPSD), mais à des échelles différentes, la priorité est désormais clairement donnée au recrutement de personnels d'encadrement de haut niveau et d'experts techniques. Cette voie, déjà entamée par la DGSE depuis trois ans, sera également recherchée par le biais de la politique de recrutement de la DPSD, malgré des moyens budgétaires plus comptés. L'efficacité supplémentaire attendue de ce renforcement de compétences nouvelles se nourrira par ailleurs de la mutualisation entre les deux services de renseignements des expériences acquises, des actions de formation et de l'exploitation des informations dans le cadre de la création de l'académie du renseignement.

La seconde tendance réside en l'examen systématique de tous les emplois de soutien méritant d'être regroupés ou mis en extinction. Cette mesure sera formalisée concrètement l'année prochaine par le transfert de 50 emplois de soutien des éléments DGA vers le programme 146. L'idée est ici de diminuer les emplois indirectement concernés par les missions fondamentales soutenues par le programme 144.

L'équilibre budgétaire est enfin atteint. A la lumière des résultats prévisionnels de la gestion 2010 et des précisions assez affinées qui peuvent être tirées à cette époque de l'année (0,76 % de déficit de la loi de finances initiale), on peut dire que le projet de loi de finances pour 2011 s'inscrit, pour le programme 144, dans une bonne cohérence par rapport à la loi de finances initiale pour 2010.

La hausse de son niveau traduit directement l'accroissement du périmètre physique attendu en 2011, que concrétise très précisément le schéma prévisionnel d'emplois qui sera piloté tout au long de la gestion.

Il marque également la fin, que j'espère définitive, de la sous-budgétisation chronique qui affectait le titre 2 de certains secteurs du programme depuis sa création. Ceci est particulièrement vrai pour la DGSE qui dispose dès aujourd'hui, en construction budgétaire, des moyens nécessaires pour recruter les effectifs prévus dans la tranche 2011, sans spéculer sur des abondements en fin de gestion.

Pour les prochaines gestions, la variation du périmètre financier du titre 2 ne devrait plus dépendre en principe que de paramètres annuels bien programmés.

Hors titre 2, les crédits du programme connaissent une augmentation de 5,27 % en AE et de 3,11 % en CP à périmètre identique.

Le périmètre du programme 144 va connaître quelques évolutions par rapport à la gestion précédente, dues principalement à quatre mesures : transfert vers le ministère des affaires étrangères et européennes (programme 105) de crédits relatifs au financement des quotes-parts pour charges communes des ambassades et consulats généraux ; transfert vers le programme 178 dans le cadre du financement de la réalisation du projet d'optimisation des procédures d'habilitation de la DPSD intitulé SOPHIA ; transfert vers le programme 146 de crédits de fonctionnement pour accompagner les réorganisations du soutien au sein de la DGA ; poursuite du financement bilatéral du programme du partenariat mondial du G8, dit "PMG8" (2,9 millions d'euros de CP).

Au total, l'ensemble de ces évolutions diminue le budget du programme de 3,8 millions d'euros sans modifier en profondeur la répartition et le volume des crédits par action. Pour 2011, le programme a porté ses efforts financiers sur les domaines jugés prioritaires, en cohérence avec les orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Le budget en crédits de paiements du titre 3 augmente de 5 millions d'euros environ, soit 0,5 % pour 2011. Ces augmentations bénéficient essentiellement au fonctionnement de la DGSE. Cette hausse des crédits ne saurait cependant masquer l'effort de rationalisation des dépenses de fonctionnement demandé à l'ensemble des services et le recul des crédits consacrés aux études amont (-5,6 millions d'euros), aux subventions (-8,2 millions d'euros) et à la diplomatie de défense (-1,3 million d'euros).

Le budget du titre 5 baisse de 23,4 millions d'euros. Cette diminution est localisée en totalité au niveau de la DGSE et s'explique pour partie par le changement de méthode de l'imputation des dépenses de MCO. Les dépenses d'infrastructure du service feront néanmoins l'objet d'abondements interministériels au cours de la gestion 2011.

Les subventions du titre 6 sont en augmentation de 3 millions d'euros; cette hausse correspond en totalité à l'augmentation de l'aide versée au gouvernement de la République de Djibouti, le montant de la subvention versée à l'AED demeurant constant à 4,2 millions d'euros.

Dans ces conditions, avec une hausse globale des crédits de paiements de 38,5 millions d'euros environ à périmètre constant, les ressources du programme inscrites dans le projet de loi de finances pour 2011 permettront d'atteindre les objectifs en application des orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Je vais maintenant vous présenter l'évolution du chacune des actions du programme.

L'action 1 "analyse stratégique" voit son budget augmenter de 10 % à périmètre équivalent à 2010 ou de 9,65 % à périmètre courant.

Le budget consacré aux études prospectives et stratégiques sera de 4,2 millions d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 0,7 million d'euros par rapport à 2010. La priorité donnée à la fonction stratégique connaissance et anticipation trouve ainsi une traduction concrète et permet à la communauté de défense de se doter d'outils de réflexions partagés, études, observatoires et séminaires à la hauteur des enjeux actuels. Le souci d'une saine gestion se traduit par une stricte égalité entre le volume des autorisations d'engagement et celui des crédits de paiement.

Les subventions aux publications stratégiques sont destinées à renforcer la visibilité de la pensée stratégique française. La délégation aux affaires stratégiques reconduit la dotation budgétaire 2010 qui permet la diffusion des études prospectives et stratégiques ou le soutien des positions françaises.

Le programme 144 assure également le financement des programmes « personnalités d'avenir défense » mais aussi le rayonnement « post-doctorats » pour un montant de 0,15 million d'euros.

Les études opérationnelles et technico-opérationnelles (EOTO) qu'il est prévu d'engager en 2011 au titre de l'action 2 « prospective des systèmes de forces » correspondent aux orientations qui ressortent du plan prospectif à 30 ans remis à jour régulièrement par la communauté de défense.

Le budget 2011 des EOTO, d'un montant de 19,64 millions d'euros, progresse de 1,13 million d'euros par rapport à celui voté en lois de finances 2010 qui intégrait le remboursement des avances consenties en 2009 dans le cadre du plan de relance. Si l'on ne tient pas compte de ce phénomène, le budget 2011 des EOTO augmente de 0,42 million d'euros, soit 2,20 % par rapport à 2010. En matière d'EOTO, les travaux qu'il est prévu d'engager en 2011 correspondent aux orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et aux propositions d'études présentées lors du dernier comité des études technico-opérationnelles (CETO) réuni en juillet 2010. L'effort de recentrage sur les études de plus grande ampleur et la réduction des « micro-études » seront poursuivis.

L'action 3 « recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France » voit ses moyens en crédits de paiement, hors titre 2, diminuer de 5,1 millions d'euros, soit -2,2 %, après trois années de hausses consécutives. Par rapport au projet de loi de finances pour 2010, cette réduction des moyens concerne essentiellement la DPSD (-7 % ou -0,87 million d'euros) puis la DGSE (-1,9 % soit - 4,2 millions d'euros).

Pour ce qui concerne la sous-action 31 intéressant la DGSE, les 153,3 millions d'euros de crédits de titre 5 visent d'une part à permettre l'acquisition de matériels opérationnels dédiés au traitement et à l'exploitation du renseignement obtenu, ainsi qu'au soutien, au support et à la logistique des opérations et, d'autre part, à la construction, la modernisation et l'adaptation des locaux abritant les matériels techniques de recueil et de traitement de l'information. Des crédits interministériels d'un montant de 54,5 millions d'euros viendront abonder, en cours de gestion, ces opérations d'investissement. Conformément aux décisions gouvernementales, la DGSE a poursuivi la rationalisation de ses dépenses de fonctionnement, ce qui se traduit par la baisse des dotations des opérations budgétaires concernées. Cette diminution se trouve toutefois atténuée par l'augmentation des effectifs qui, mécaniquement, entraîne un accroissement des dépenses de fonctionnement (surfaces d'accueil, entretien, formation, recrutement).

Les moyens alloués à la DPSD, qui sont retracés dans la sous-action 32, diminuent de 0,87 million d'euros, soit - 7 %. Ce recul des crédits de fonctionnement alloués à la DPSD traduit également la volonté de procéder à des économies de fonctionnement. Le transfert en construction budgétaire de 0,2 million d'euros vers le programme 178 dans le cadre du financement du système d'information SOPHIA relatif à la dématérialisation des procédures d'habilitation et de protection ampute d'autant la dotation prévisionnelle. La dotation en crédits d'investissement de la DPSD reste constante par rapport à 2010 : elle traduit notamment la volonté de maintenir le niveau de performance du système d'information et de sécurité à un haut niveau et de former spécifiquement le personnel aux métiers de la DPSD.

L'action 4 « maîtrise des capacités technologiques et industrielles », qui représente 76 % du programme hors titre 2, dispose de 988,2 millions d'euros d'AE, en augmentation de 2,9 % par rapport à 2010 ; parallèlement, ses CP (926,4 millions d'euros) reculent de 1,5 % par rapport à l'année précédente. Le quasi-maintien du montant des crédits de paiement traduit non seulement la volonté de détecter en amont les technologies émergentes, de consolider le socle technologique existant, de sanctuariser les études amont, mais également la détermination à honorer les contrats ministériels d'objectifs et de moyens des grandes écoles d'ingénieurs de la DGA.

Le montant des crédits alloués aux études amont (707,8 millions d'euros en AE et 646,1 millions d'euros en CP) est en augmentation de 5,3 % en AE et en diminution de 1,5 % en CP par rapport à 2010. Il vise à réaliser l'objectif d'engagement fixé par le ministre de la défense en notifiant de nouveaux actes sur 250 à 300 PEA nouveaux. Le budget reflète la stricte application de la loi de programmation militaire 2009-2014 et inclut notamment 13 millions d'euros destinés aux pôles de compétitivité et transférés vers le programme 191 "recherche duale".

En 2011, si les crédits de paiement alloués aux études amont sont un peu en recul, une certaine disparité peut être notée selon leur nature : les crédits études amont du domaine nucléaire, d'un montant 144,1 millions d'euros, bénéficient de la majeure partie de la hausse du budget 2011 afin de répondre aux besoins de l'état-major des armées concernant les performances des missiles stratégiques, l'invulnérabilité des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) et les transmissions stratégiques, afin de maintenir la crédibilité de la dissuasion qui est une priorité forte inscrite dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. La réduction des crédits études amont de 5,6 millions d'euros est totalement imputable aux études amont hors dissuasion.

Enfin je rappelle que les études amont sont incluses dans un agrégat plus large appelé "recherche et développement" comprenant notamment la recherche duale portée par le programme 191 ainsi que la recherche menée par le CEA au titre du programme 146. S'agissant enfin des subventions versées aux opérateurs de l'Etat relevant du programme, (écoles de la DGA et ONERA), les crédits inscrits au projet de loi de finances sont en recul de 2,2 % par rapport à 2010. Cette diminution des crédits de 8,2 millions d'euros est conforme aux directives du premier ministre : les dépenses de fonctionnement courant des opérateurs connaissent une diminution de 1,75 million d'euros et un départ à la retraite sur deux ne sera pas remplacé. Les contrats d'objectifs et de moyens devront d'ailleurs être renouvelés en 2011.

L'action 5 relative au soutien aux exportations enregistre une augmentation de 0,3 million d'euros de son budget hors titre 2 (soit +5,4 %) pour s'établir à un montant total de 7,1 millions d'euros environ pour 2011. Cette augmentation du budget allouée est essentiellement provoquée par la tenue du salon de l'aéronautique et de l'espace du Bourget, plus onéreux que les salons Eurosatory et Euronaval.

L'action 6 « diplomatie de défense » connaît une augmentation de 1,8 million d'euros par rapport à 2010 essentiellement attribuable, à hauteur de 3 millions d'euros, à la subvention versée au gouvernement de la République de Djibouti par le ministère de la défense en application de la convention bilatérale conclue entre les deux Etats. Pour ce qui concerne les budgets alloués aux postes permanents à l'étranger, l'année 2011 est marquée par le transfert en construction budgétaire d'une partie du soutien des PPE du réseau diplomatique au ministère des affaires étrangères et européennes (programme 105 « action de la France en Europe et dans le monde »), pour un montant de 1,5 million d'euros. En conséquence, le montant de leur dotation s'établit à 4 millions d'euros. Le financement des 8,6 millions d'euros du programme PMG8 est totalement assuré par le programme 144, suite au transfert complet de sa gestion budgétaire du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'aménagement du territoire au ministère de la défense.

Le dispositif de performance du programme 144 a été audité en 2009 par la Cour des comptes et le Comité interministériel d'audit des programmes. Dans l'un comme dans l'autre cas, les autorités de contrôle ont souligné la difficulté pour ce programme, dont les productions sont essentiellement intellectuelles, d'organiser un dispositif de mesure des résultats. Les recommandations qui visaient abandon, reformulations, meilleures précisions, réaménagements voire élargissement du champ d'application de certains indicateurs ont été sans délai insérées dans le document soumis à votre examen. Je ne m'y étendrai pas car il ne s'agit que d'améliorations mineures.

M. Josselin de Rohan, président - Avant de passer la parole au rapporteur, M. Didier Boulaud, je voudrais vous poser une question à laquelle vous pourrez peut-être répondre en fin de réunion, car elle dépasse les aspects budgétaires. Nous approchons du sommet de l'OTAN à Lisbonne et la question de la défense antimissile sera à l'ordre du jour. Pouvez-vous nous dire comment ont évolué les discussions à l'OTAN au cours des derniers mois. S'agira-t-il simplement de prendre à Lisbonne une décision de principe sur la défense des territoires, en renvoyant à plus tard les questions de la mise en oeuvre, ou ira-t-on plus loin dans la définition d'un futur système de l'OTAN ? Y a-t-il unité de vues entre alliés sur l'appréciation de la menace - je pense en particulier à la Turquie -, sur le niveau d'ambition de ce système et sur son architecture ? Enfin, lorsque nous vous avions auditionné sur le sujet au mois de juin, vous aviez souligné la nécessité d'un investissement dans les études amont, afin de « ne pas lâcher prise ». Les perspectives budgétaires des années à venir permettent-elles de prendre en compte cet objectif ?

M. Didier Boulaud - Ma première question porte sur la réforme du statut des personnels d'encadrement de la DGSE. L'effort de recrutement porte essentiellement sur des personnels qualifiés, de catégorie A. La DGSE envisage un alignement du statut de certains de ses cadres sur celui des administrateurs civils et recrutera également à la sortie de l'ENA. Pouvez-vous nous donner des précisions sur cette réforme et sur les bénéfices qui en sont attendus ? Vous avez évoqué le projet « SOPHIA » de dématérialisation des procédures d'habilitation de la DPSD. De quoi s'agit-il exactement ? Est-ce que ce projet permettra des économies en personnels administratifs ? Enfin, la subvention versée à Djibouti va augmenter de 3 millions d'euros, pour compenser la baisse des recettes fiscales provoquée par la réduction de nos effectifs. L'accord de défense avec Djibouti est en cours de renégociation. Le montant de notre subvention fait-il partie des discussions en cours ?

M. Michel Miraillet - Le renforcement du personnel d'encadrement est l'un des axes de la politique du programme 144 en faveur des services de renseignement.

A travers l'alignement du statut de ses cadres sur celui des administrateurs civils, la DGSE souhaite offrir un meilleur profil de carrière à ses personnels en offrant à ses cadres à la fois une grille indiciaire et des perspectives de carrière calquées sur celles du principal corps de direction des services de l'Etat.

Cette mesure reflète un souci de transparence et d'équilibre, mais il va de soi que les grilles indiciaires ne permettent pas de répondre à certains besoins spécifiques pour certains personnels techniques notamment spécialisés dont la rémunération impose parfois la fongibilité de plusieurs ETP.

Le projet SOPHIA permet d'accompagner la baisse des effectifs de la DPSD en substituant des procédures informatisées à des opérations consommatrices en personnels peu qualifiés.

S'agissant de Djibouti, la question de notre subvention est effectivement abordée dans la renégociation de l'accord de défense, étant donné la perspective d'une réduction de nos effectifs déployés.

M. Daniel Reiner - Sur la défense antimissile, la France a engagé certains travaux. Je pense par exemple au démonstrateur spatial Spirale, dont tout le monde dit qu'il produit des résultats très satisfaisants. Dispose-t-on aujourd'hui de suffisamment d'éléments d'appréciation pour évaluer la part que l'industrie française et européenne pourrait prendre dans la défense antimissile balistique ? Je souhaiterai par ailleurs savoir à quoi correspondent les 50 emplois relevant de l'action « prospective des systèmes de forces » qui seront transférés du programme 144 au programme 146. Enfin, le nombre d'attachés de défense diminue. Cette diminution résulte-t-elle d'orientations d'ensemble et dans l'affirmative, quelles sont ces orientations ?

M. Michel Miraillet - Le coût des postes d'attachés de défense n'est pas marginal et le ministre de la défense a souhaité il y a trois ans que le dispositif fasse l'objet d'un examen très fin. Un comité aujourd'hui présidé par l'amiral Launay, inspecteur général des armées, a été crée en vue d'effectuer tous les six mois le point sur l'évolution des besoins et les mesures d'adaptation nécessaires, par exemple pour ajuster le format de nos postes aux perspectives de contrats majeurs en matière d'armement. Certains postes ont été renforcés. D'autres ont été réduits, car leur coût paraissait trop élevé au regard du volume d'activité. L'important est que cet examen s'effectue de manière permanente. Il a également été décidé de ne pas réserver les postes d'attachés de défense aux officiers des armes et de les ouvrir aux ingénieurs de l'armement, lorsque cela paraît plus adapté. Enfin, je participe personnellement, avec le sous-chef relations internationales de l'état-major des armées et le directeur du développement international de la DGA, à l'audition de tous les candidats à un poste d'attaché de défense. Cette procédure permet de vérifier l'adéquation des profils sélectionnés aux postes à pourvoir.

S'agissant des 50 emplois transférés du programme 144 au programme 146, il s'agit d'emplois de soutien que le délégué général pour l'armement souhaitait incorporer aux effectifs de son programme dans un but de meilleure gestion administrative.

M. André Dulait - Vous avez évoqué les difficultés créées par le logiciel CHORUS. En l'attente de la normalisation de la situation, prenez-vous des mesures permettant de traiter en priorité les petites et moyennes entreprises ?

M. Michel Miraillet - Nous donnons une priorité absolue aux PME pour réaliser les paiements retardés par la mise en place de CHORUS, que ce soit sur les budgets d'études amont ou sur les subventions à nos instituts de recherche.

M. Jacques Gautier - J'estime qu'il ne suffit pas de pallier les dysfonctionnements de CHORUS. Il est nécessaire d'identifier les responsables de ces graves défaillances et de prendre à leur égard les mesures adaptées. Je souhaiterais savoir si vous êtes confiant dans le lancement du programme d'observation satellitaire Musis, attendu par nos services de renseignement, dans la mesure où la France semble contrainte de démarrer seule, faute d'engagement, pour l'instant, de nos partenaires européens. Enfin, au-delà de la gestion du programme 144, pourriez-vous nous dire ce que seront les deux ou trois préoccupations prioritaires du directeur chargé des affaires stratégiques pour 2011 ?

M. Michel Miraillet - Parmi mes principales préoccupations, j'en retiendrai trois : les crises de prolifération iranienne et nord-coréenne ; les débats en cours à l'OTAN et au-delà du suivi de notre engagement en Afghanistan, la poursuite de la réforme de l'organisation, de sa gouvernance financière, de sa structure de commandement et de ses agences, dans laquelle nous sommes fortement impliqués, avec le plein soutien du Secrétaire général ; enfin, les perspectives de relance de l'Europe de la défense et des coopérations structurantes à l'image de celle que nous entendons développer avec le Royaume-Uni.

M. Didier Boulaud - Permettez-moi d'exprimer mon scepticisme sur le degré de priorité à accorder à la crise iranienne. Lors de notre déplacement aux Nations unies, à New York, le représentant permanent de la Russie soulignait que sa traduction la plus concrète était le développement des ventes américaines d'armement dans la région. N'exagère-t-on pas délibérément la gravité de la menace représentée par l'Iran ?

M. Michel Miraillet - Je pense pour ma part qu'il s'agit d'une crise grave. L'Iran a mené, en cherchant à les dissimuler à l'AIEA, un grand nombre d'activités dans le domaine nucléaire qui n'ont pas de débouché civil et convergent pour accréditer l'hypothèse d'un programme militaire, probablement initié par le régime dès la guerre avec l'Irak à la fin des années 1980. Le fait qu'un pays signataire du traité de non-prolifération (TNP) ait voulu tromper la communauté internationale est en soi inacceptable. Mais le problème ne se limite pas à l'Iran. D'autres pays de la région pourraient à leur tour se lancer dans des programmes nucléaires à visée militaire, avec comme résultat un bouleversement de l'ordre stratégique dans cette partie du monde et des risques de déstabilisation. Les répercussions d'une éventuelle accession de l'Iran à l'arme nucléaire se feraient sentir à plusieurs niveaux : le poids stratégique que donnerait au régime iranien la menace de l'usage de l'arme nucléaire ; la perception qu'auraient les autres pays de la région de leur propre sécurité ; l'effet désastreux qui en découlerait pour le TNP.

M. Josselin de Rohan, président - Il est certain que la capacité de nuisance de l'Iran dans la région serait décuplée en cas de possession de l'arme nucléaire. En outre, la prolifération gagnerait toute la région, signant la fin du TNP.

M. Michel Miraillet - Pour revenir à la question de M. Gautier, j'indique que nous n'avons pas d'inquiétude sur le programme Musis, qui est désormais lancé. Nous agissons par ailleurs auprès de nos partenaires, en particulier l'Italie, pour qu'ils concrétisent leur participation.

M. Josselin de Rohan, président - Pouvons-nous terminer sur l'OTAN et la défense antimissile balistique ?

M. Michel Miraillet - En ce qui concerne le concept stratégique, le Secrétaire général, M. Rasmussen, a préparé un projet équilibré, sous la forme d'un document d'une douzaine de pages, qui a été plutôt bien accueilli par les nations. Il y a de nombreux points de consensus, notamment la réaffirmation du caractère fondamental de la défense collective. Le projet plaide également pour une relation ouverte, décomplexée, avec la Russie.

L'un des débats sous-jacent porte sur le rôle de la dissuasion nucléaire dans la stratégie de l'Alliance. Le Secrétaire général comme la plupart de nos alliés sont comme nous convaincus que l'Alliance atlantique, Alliance militaire et non pas forum de désarmement, doit demeurer une alliance nucléaire tant que les armes nucléaires existeront. Dans le contexte international incertain que nous connaissons, la France souhaite que le rôle fondamental de la dissuasion nucléaire soit rappelé. Par ailleurs, nous considérons que la défense antimissile balistique peut compléter la dissuasion nucléaire, mais elle ne saurait en aucun cas s'y substituer comme certains de nos alliés, qui surestiment volontairement la capacité du système dont l'Alliance pourrait décider le principe du lancement à Lisbonne, voudraient s'en convaincre

S'agissant de la défense antimissile balistique, vous avez évoqué, Monsieur le Président, la position turque sur l'évaluation de la menace. Tout en soutenant la mise en place d'une couverture aussi complète que possible contre la menace balistique, Ankara ne souhaite pas singulariser la menace iranienne pour des considérations politiques régionales. Le point devra être réglé à Lisbonne.

Pour ce qui est des « briques » susceptibles d'être apportées par la France, nous avons en premier lieu l'Aster 30, dont les performances peuvent répondre à des besoins qui ne sont pas couverts par le SM-3 américain. Le démonstrateur spatial Spirale s'avère très prometteur et suscite un fort intérêt de la part de nos partenaires américains. Nous allons également lancer un démonstrateur de radar très longue portée pour l'alerte avancée. Par ailleurs, l'industrie française est présente, à travers Thales Raytheon Systems, dans l'unique société capable, à ma connaissance, de réaliser le système de commandement et de contrôle (C2) de la défense antimissile de l'OTAN, qui sera financé en commun par les pays de l'Alliance.

Loi de finances pour 2011 - Audition de M. Laurent Collet-Billon, délégué général à l'armement

Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission auditionne M. Laurent Collet-Billon, délégué général à l'armement, sur le projet de loi de finances pour 2011 (programme « équipement des forces » de la mission Défense).

M. Josselin de Rohan, président. - Le budget pour 2011 s'inscrit dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2011-2013, marqué par la nécessité de rééquilibrer nos finances publiques. La défense verra toutefois ses crédits progresser sur les trois prochains exercices. Le programme 146 subit une baisse de 5,8 % des crédits de paiement, contrebalancée par une hausse de 13 % des autorisations de programme - sans prendre en compte les 750 millions d'euros attendus au titre du compte d'affectation spéciale Fréquences.

Quelles sont les grandes lignes de ce programme pour 2011 ? Qu'implique le freinage de certains programmes, notamment la rénovation des Mirages 2000D  ou le programme Scorpion ? Au lendemain de l'accord conclu hier, les journaux titraient : l'Europe de la défense, première victime collatérale de l'accord franco-britannique. Que peut-on désormais attendre de la coopération franco-britannique ?

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement. - Si 2009 a été une année exceptionnelle, 2010 est une année de transition.

Au plan financier d'abord, avec le passage à Chorus qui a été plus délicat que prévu pour le ministère.

En termes de modernisation du ministère de la défense dans le cadre de la RGPP ensuite. Cette modernisation s'est poursuivie, avec la finalisation des textes instaurant la nouvelle gouvernance des investissements et une nouvelle organisation de la conduite des programmes d'armement qui introduit un nouveau découpage des programmes en phases, assorti d'une clarification des responsabilités entre la direction générale de l'armement (DGA) et l'EMA. La DGA verra par ailleurs ses effectifs passer de 11 300 personnes fin 2010 à 9 800 à l'issue de la RGPP (2016).

L'année 2010 est également l'année du changement de gouvernement au Royaume-Uni et de la relance de la coopération entre nos deux pays, sur fond de fortes contraintes budgétaires. Le sommet d'hier ouvre une nouvelle page dans les relations franco-britanniques.

La DGA a été au rendez-vous pour la modernisation de l'outil de défense, en particulier pour la dissuasion, avec la réception du SNLE NG Le Terrible et la mise en service du M51 en septembre, ainsi que la mise en service opérationnel de l'ASMPA sous Rafale sur les bases de Saint-Dizier et d'Istres en juillet.

Pour le programme 146, les engagements devraient se monter à près de 9 milliards d'euros en fin d'année et les paiements à environ 11 milliards d'euros, hors impact de la norme de dépense, qui n'est pas encore fixée par le gouvernement. Les 600 millions d'euros de ressources attendus sur le compte d'affectation spéciale Fréquences ne seront pas disponibles, ce qui entraînera un report de charges en fin d'année 2010 d'environ 1 milliard d'euros.

Pour le programme 144, les prévisions d'engagement et de paiement sont respectivement de 620 millions et de 720 millions d'euros s'agissant des études amont contractualisées avec l'industrie.

Le passage à Chorus a perturbé l'exécution budgétaire à la DGA, car la complexité et les spécificités des contrats d'armement ont été sous-estimées par l'AIFE. Notre priorité a été d'éviter les défaillances des fournisseurs les plus fragiles, à commencer par les PME. La valeur des factures en stock se monte aujourd'hui à plus de 150 millions d'euros sur le programme 144 et à 1,2 milliard d'euros sur le 146, soit près de dix mille factures. Les intérêts moratoires à verser à l'industrie seront donc en hausse, probablement autour de 30 millions au titre de la gestion 2010. Il reste de plus à vérifier si, une fois le fonctionnement normal atteint, les gains de productivité promis par Chorus seront effectivement au rendez-vous.

Beaucoup de commandes pluriannuelles ayant été passées en 2009, peu de commandes emblématiques étaient prévues en 2010. Nous avons commandé la composante spatiale optique de MUSIS, qui remplacera Hélios 2 à l'horizon fin 2016 et la première IPER pour l'adaptation au M 51 de SNLE NG. La négociation de l'avenant au contrat A400M avec les États participants et Airbus Military se poursuit avec un objectif de notification avant la fin de l'année. Parmi les principales livraisons intervenues en 2010, on compte pour la dissuasion le M51, le SNLE NG le Terrible et le missile ASMPA ; dans le domaine conventionnel, on peut noter la livraison des premiers hélicoptères NH90 NFH pour la marine et celle des premiers systèmes FELIN.

La DGA a maintenu sa performance de gestion à un niveau satisfaisant, notamment en termes de maîtrise des coûts : la hausse moyenne des devis pour l'ensemble des opérations du programme 146 sera inférieure à 1 %, en incluant l'impact de la renégociation du contrat A400M.

L'effort de maîtrise des délais doit être poursuivi. Nous en étions à 1,72 mois de retard fin août, pour un objectif de 2,25 mois, principalement en raison de l'A400M et du prélèvement sur la chaîne de production au bénéfice de l'exportation d'un hélicoptère Caracal initialement destiné aux forces.

Les commandes pour les urgences opérationnelles restent limitées, à 160 millions - ce qui est nettement inférieur au montant qu'y consacrent les Britanniques. Le délai moyen constaté entre la demande de l'état-major et la commande au fournisseur est inférieure à quatre mois, ceci dans le strict respect du code des marchés publics qui conduit dans certains cas à l'obligation de mener une mise en compétition des fournisseurs.

S'agissant de la coopération, nous recensons les domaines de coopérations possibles au niveau armement avec l'Italie, qui est le partenaire avec lequel nous avons le plus grand nombre de projets en cours, tant dans le domaine naval que spatial. Le Royaume-Uni reste avec la France le principal investisseur dans la défense en Europe ; depuis l'accord conclu hier, il deviendra un champ d'excellence de la mise en oeuvre de la coopération.

En ce qui concerne l'OTAN, je me félicite de la nomination de notre compatriote Patrick Auroy, ancien directeur-adjoint de la DGA, au poste d'assistant secretary general pour les investissements, qui confirme la place retrouvée de la France au sein de l'organisation. Des décisions importantes devraient être prises lors du sommet de Lisbonne dans le domaine de la DAMB et de la réforme de la structure des agences de l'OTAN.

Quant à l'Agence européenne de défense, les perspectives demeurent modestes.

En matière d'exportation, les prévisions de commandes sont de 5 milliards pour 2010, hors Rafale, loin des 10 milliards initialement prévus. Faute d'exportation de Rafale cette année, nous devons maintenir une production de 11 avions par an, ces appareils étant destinés à l'armée de l'air française et à l'aéronautique navale, et prévoir la charge financière associée sur la durée de la programmation.

Le projet de loi de finances pour 2011 marque une inflexion par rapport à la trajectoire de ressources prévues par la LPM. Les ajustements opérés conduisent à retrancher plus de 2 milliards d'euros aux programmes d'armement sur la période 2011-2013. Pour 2011, l'objectif d'engagement est de l'ordre de 10 milliards d'euros sur le programme 146 et de 700 millions d'euros pour les études amont du programme 144. Les crédits de paiement s'établiront à 9,7 milliards d'euros pour le programme 146 dont 750 millions provenant de recettes extra-budgétaires. Ce niveau contraint de ressource aggravera le solde de gestion du programme 146 d'environ 500 millions d'euros, conduisant à un report de charge fin 2011 de l'ordre de 1,5 milliard d'euros. C'est un seuil qui ne doit pas être dépassé.

Les ajustements opérés dans le cadre de la construction du budget triennal portent essentiellement sur le report du lancement de programmes nouveaux, notamment la rénovation du Mirage 2000D et l'achat des MRTT ; ils sont modérés sur les programmes en cours de réalisation. Il n'a pas été possible de dégager les 200 à 300 millions supplémentaires qui nous étaient demandés, car nos dépenses sont structurellement rigides du fait que nous sommes dans une LPM de production fondée sur des contrats pluriannuels qui ont déjà fait l'objet d'avenants en 2009 et dont une nouvelle évolution ne saurait se faire qu'au détriment des intérêts de l'Etat. De plus, l'absence d'exportation du Rafale à ce stade conduit à supporter le paiement d'une partie des Rafale supplémentaires sur la période de programmation, même si cela viendra alléger la charge au-delà de 2015.

En 2011, les principales commandes et livraisons concerneront le renouvellement des composantes de la dissuasion, avec la commande de l'adaptation au missile M51 des trois premiers SNLE NG ; le renforcement des capacités de frappe avec la commande d'un troisième SNA Barracuda, de 900 missiles Mistral rénovés et la livraison de 11 Rafale, 6 hélicoptères HAP Tigre -qui donnent toute satisfaction en Afghanistan-, 176 AASM, 70 missiles MICA, 4 036 équipements de fantassin FELIN soit 4 régiments et deux systèmes sol-air moyenne portée terrestre.

Le soutien et la mobilité des troupes au sol seront renforcés avec la poursuite de la livraison des VBCI, de petits véhicules protégés (PVP), de véhicules blindés légers (VBL), de VAB à tourelleau téléopéré, des premiers véhicules haute mobilité (VHM), du premier NH 90 TTH et de la poursuite des livraisons de NH 90 NFH à la marine. Concernant la fonction connaissance et d'anticipation, 6 POD de reconnaissance de nouvelle génération seront livrés et deux AWACS rénovés.

S'agissant de l'industrie, le rapprochement entre SNPE et Safran dans le domaine de la propulsion solide devrait être bientôt concrétisé.

La recherche de rationalisation dans les secteurs naval et terrestre sera poursuivie. Des progrès sont attendus dans le domaine de l'électronique embarquée et de l'optronique, en dépit du manque de coopération de certaines sociétés...

Sur le plan européen, notre tâche est désormais principalement de mettre en oeuvre ce qui a été acté hier à Londres, tout en poursuivant l'analyse des projets de coopération potentielle avec d'autres partenaires, et en particulier avec l'Italie et l'Allemagne..

Il nous faudra, en 2011, en liaison avec l'état major des armées, préparer les choix qui seront à opérer en 2012, avec une éventuelle révision du Livre blanc et de la LPM.

M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis - Merci de votre présentation. Les industriels ont manifesté quelque inquiétude au sujet de deux directives européennes, à transposer avant le 30 juin 2011. Le projet est sur le bureau du conseil des ministres. Dans quel esprit ces directives ont-elles été élaborées ?

Nous avons vu sur place à Londres que les choses avançaient. Des accords importants ont été signés hier. Quels projets pourront être mis en oeuvre avec nos amis anglais avant 2020 ?

Si la commande de onze Rafale supplémentaires pèse pour 1 milliard dans le budget 2011, on comprend qu'il faille reporter la rénovation des Mirage 2000 D de quelques années, mais à attendre trop longtemps, on risque de voir le programme abandonné ! Ce serait trahir l'esprit de la LPM, car cet appareil, qui donne toute satisfaction, est complémentaire des Rafale.

Où en est-on de la livraison des Tigre ? Eurocopter accumule-t-il toujours les retards ?

Enfin, la décision tarde concernant le véhicule de transport. Nexter, Renault et Panhard sont sur les rangs mais il n'y en aura pas pour tout le monde... Où en est-on ?

M. Laurent Collet-Billon. - Nous plaidons pour une transposition de la directive sur les marchés publics de défense et de sécurité qui donne la possibilité de maîtriser le degré d'ouverture hors d'Europe sur ces marchés. Ce n'est pas la voie retenue à ce stade dans les différents arbitrages, ce qui pourrait ne pas être sans impact pour notre base industrielle et technologique de défense. Nos partenaires britanniques ou italiens ont, pour leur part, adopté des dispositifs juridiques pour cantonner la publicité sur ces marchés à l'Europe. Ceci montre qu'une marge de manoeuvre existe pour la transposition de ces directives, analyse que nous n'avons cependant pas réussi à faire partager pour le moment.

M. Josselin de Rohan, président. - Les Américains n'ouvriront jamais leur marché !

M. Laurent Collet-Billon. - L'ouverture de notre partenaire américain est un des éléments d'analyse, la question de la transposition mérite également d'être analysée au regard des actions menées par l'AED.

Nous travaillons activement avec les Britanniques dans le cadre d'un groupe de travail de haut niveau sur des sujets de long terme : rationalisation de l'industrie missilière en transmanche, avec des technologies communes pour différents types de missiles et un maître d'oeuvre industriel unique. C'est une source d'économie et un gage d'efficacité. Cette opération sera accompagnée par des affaires inscrites dans la LPM : développement du missile antinavire léger, amélioration des missiles de croisière SCALP/Storm Shadow, etc..

Des actions ont été prises en matière de drones MALE. L'objectif est de disposer d'un drone à fortes capacités à l'horizon 2020.

En matière de guerre des mines, une équipe de projet commune sera mise en place pour définir un prototype de système anti-mines franco-britannique.

Enfin, une réflexion sera conduite pour préciser, en particulier à travers une analyse juridique, le champ des possibilités pour conduire des acquisitions communes.

L'avancée des livraisons des Rafale représente une charge de 800 millions d'euros au total sur 2011, 2012 et 2013. Il sera difficile de dégager des ressources pour relancer le programme Mirage 2000D à court terme, sauf à trouver des ressources supplémentaires ou annuler d'autres dépenses.

M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis. - Même en réduisant le périmètre de la rénovation ?

M. Laurent Collet-Billon. - L'économie est généralement minime...

Le quatrième Tigre de l'année a été livré. Le rythme de livraison reste lent, mais nous arrivons à sortir les appareils. Sur les 27 appareils livrés, six sont consacrés à l'entraînement et trois sont en Afghanistan, où leur disponibilité est exceptionnelle et leur efficacité opérationnelle reconnue par nos alliés, en particulier américains.

Après la série HAP, nous aborderons la série HAD, pour laquelle nous rencontrons actuellement quelques difficultés sur le moteur, la prise en main de la certification par notre partenaire espagnol étant en cours de consolidation.

Si les Allemands devaient réduire de moitié leur commande de Tigre, de 80 à 40, les conséquences sur le programme seraient lourdes.

M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis. - Pour l'instant, ils ne s'en servent pas...

M. Laurent Collet-Billon. - Aucun appareil n'a été pris en compte par la Bundeswehr à ce stade.

M. Jacques Gautier. - Officiellement, pour cause de problèmes de câblage...

M. Laurent Collet-Billon. - Nous avons rencontré nous aussi des problèmes de câblage, mais qui ont été résolus.

L'état du parc de VAB de l'armée de terre impose un renouvellement. L'acquisition de VBMR qui doivent les remplacer est donc une priorité. Les EBRC viendront plus tard. S'agissant de Scorpion, la notification du contrat d'architecture permettrait de mener les travaux nécessaires à la préparation du programme pour une durée de deux ans. Les décisions concernant la suite du programme seront donc prises en 2012. .

M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis. - Quand allez-vous choisir entre les différents industriels ? Certains risquent de rester au tapis...

M. Laurent Collet-Billon. - Le choix sera fait en 2013, pour une livraison en 2015.

M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis. - D'ici là, chaque industriel travaille seul ?

M. Laurent Collet-Billon. - C'est la règle du jeu ! Leurs conseils d'administration disent vouloir procéder à des rapprochements industriels qui seraient bienvenus mais qui ne dépendent que d'eux.

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis. - Merci pour la clarté et la sincérité de vos propos. Le partenariat avec le Royaume-Uni doit nous aider à surmonter les difficultés budgétaires. Dans le domaine nucléaire, il a été décidé hier d'implanter à Valduc des installations radiographiques communes. Les coûts seront-ils intégralement partagés ? L'économie attendue a-t-elle été chiffrée ?

La coopération en matière de drones est positive. Une phase d'évaluation concurrentielle sera lancée en 2011. Les deux pays se sont-ils mis d'accord sur la nature du besoin ? Pouvons-nous rapidement renforcer nos capacités avec les enveloppes financières qui ont été prévues par la loi de programmation ?

Qu'en est-il de la cession de l'usufruit de Syracuse ? Un calendrier a-t-il été établi ? Si la cession intervient trop tardivement, nous serons proches de la fin de vie des satellites et l'opération ne présentera plus d'intérêt !

Il semble que la France peut apporter quelques briques à l'édifice de la défense antimissile, mais il faut du ciment. Le besoin d'un flux de 50 millions par an d'études amont est évoqué pour cela. Est-ce crédible ?

M. Laurent Collet-Billon. - Concernant le financement des nouvelles installations à Valduc, il sera partagé à parts égales avec les Britanniques.

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis. - Mais pas le laser mégajoule ?

M. Laurent Collet-Billon. - C'est un sujet différent.

M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis. - Les Britanniques utiliseront-ils leur propre programme informatique ?

M. Laurent Collet-Billon. - Il leur appartient de décider.

En matière de drones, l'objectif est de disposer à l'horizon 2020 d'un système de drones de haute capacité. La logique poursuivie consiste à développer cette capacité tout en assurant le maintien de la capacité actuelle, constituée aujourd'hui d'un système SIDM à trois vecteurs aériens, bientôt complété par un véhicule supplémentaire et sa station sol pour l'entraînement des opérateurs. Pour attendre le système futur, nous avons le choix entre la pérennisation du système SIDM et l'achat sur étagère du Predator américain. Les performances des deux systèmes ne sont pas comparables. Nous interrogeons EADS pour évaluer les possibilités de maintien de la capacité SIDM, et les coûts associés. La difficulté consiste à préserver suffisamment de crédits pour développer la solution pérenne en parallèle. Les éléments complémentaires seront soumis prochainement au ministre de la défense.

Concernant la cession de l'usufruit de Syracuse, l'appel d'offres devrait être émis le 5 novembre prochain.

M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis. - Y a-t-il des clients potentiels ?

M. Laurent Collet-Billon. - Oui, plusieurs.

S'agissant de la défense antimissile balistique, la DAMB, le sommet de Lisbonne décidera probablement du passage progressif d'une défense de théâtre à une défense de territoire, avec une première étape qui serait une évolution du sous-système de Command and control, dit C2 d'un montant estimé à 800 millions au total. La France y participera à proportion de sa contribution au programme d'investissement de l'OTAN pour la sécurité (NSIP). La France apportera une contribution en nature via le raccordement du SAMP-Terre au C2. Il restera à traiter le raccordement du C2 de l'OTAN à celui des Etats-Unis, le seul qui donne accès aujourd'hui aux systèmes d'alerte satellitaire. Notre contribution sera abondée ultérieurement des données du futur satellite d'alerte.

Le besoin en flux d'études amont pour accompagner ce projet a été estimé à 50 millions par les industriels. Selon les évaluations de la DGA, il est possible de consacrer raisonnablement 10 à 15 millions d'euros sur ce sujet. Un flux de 50 millions d'euros correspond à l'effort qu'il faudrait consentir pour préparer un démonstrateur d'intercepteur endo ou exo-atmosphérique. Une telle somme ne peut pas être mobilisée sans un effet d'éviction fort sur les autres projets d'études, les ressources pour un développement à suivre ensuite n'étant, par ailleurs, pas non plus prévues à ce jour.

M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis. - C'est un choix.

M. Laurent Collet-Billon. - Les Américains financent ce secteur à hauteur de 10 milliards de dollars par an depuis vingt ans : nous ne pouvons pas nous lancer dans cette voie alors que nous devons faire face à une situation tendue où les études amont sont notre seul outil de politique industrielle et de soutien des bureaux d'étude dans cette LPM de production.

M. Jacques Gautier. - Merci de votre franchise. La guéguerre entre Thales et Sagem se poursuit autour du FELIN, Thales proposant son aide au concurrent russe... N'est-il pas temps de siffler la fin de la récréation ?

Enfin, le rapprochement franco-italien en matière de torpilles lourdes n'a-t-il aucune chance d'aboutir ?

M. Laurent Collet-Billon. - La rivalité entre Thales et Sagem ne nous a pas échappé, elle requiert des mesures adaptées.

DCNS, Finmeccanica et Thales travaillent depuis 2007 à une joint venture (JV) pour développer et produire des torpilles lourdes destinées à remplacer en particulier la F17 de nos sous-marins à l'horizon 2016. Du fait des progrès limités sur la constitution de la JV et compte tenu des impératifs calendaires pour l'armement de nos sous-marins, nous avons dès lors envisagé une solution nationale pour la production d'une torpille lourde, ce dont nous avons informé nos partenaires italiens. Ces derniers ont évoqué la création d'un GIE à la place de la JV, hypothèse que nous examinons.

M. Jacques Gautier. - Thales est en retard pour la fourniture d'équipements embarqués sur l'A-400 et de nouveaux standards apparaissent : est-ce à dire que l'armée française sera moins bien équipée que l'armée allemande, qui sera livrée ultérieurement ?

M. Laurent Collet-Billon. - Il y a un point technique délicat qui concerne le flight management system réalisé par Thales. Airbus et Thales nous proposent une solution conduisant à augmenter le nombre de standards de l'avion, proposition que nous étudions avec circonspection. Des dispositions financières contractuelles, prenant la forme de rétentions de paiement, ont été négociées afin de garantir la mise à hauteur par l'industriel de tous les aéronefs aux standards successifs. Le seul écart entre France et Allemagne se fera sur le dernier standard qui répond à des besoins spécifiques allemands et qui ne concerne donc pas les appareils français. S'agissant du soutien, la France et le Royaume-Uni le réaliseront en commun.

M. Jacques Gautier. - L'objectif est-il toujours 2013 pour la première livraison ?

M. Laurent Collet-Billon. - Oui. J'ajoute que l'objectif est de conclure la négociation le 5 novembre prochain.

M. Josselin de Rohan, président. - Monsieur le délégué général, merci pour toutes ces précisions.

Loi de finances pour 2011 - Audition de M. Christian Piotre, secrétaire général pour l'administration du ministère de la défense

Puis la commission auditionne M. Christian Piotre, secrétaire général pour l'administration, sur le projet de loi de finances pour 2011 (programme « soutien de la politique de défense » de la mission Défense).

M. Josselin de Rohan président. - Nous allons entendre M. Christian Piotre, secrétaire général pour l'administration du ministère de la défense. Monsieur le secrétaire général, vous exercez la responsabilité du programme relatif au « soutien de la politique de défense », dit programme 212, qui regroupe un certain nombre d'actions directement concernées par la RGPP, les restructurations et l'optimisation du soutien.

Ce programme assure également le financement de la politique immobilière qui nous préoccupe particulièrement.

Nos collègues Didier Boulaud et François Trucy, dans un récent rapport, ont expliqué les différentes raisons pour lesquelles les recettes de ventes immobilières prévues dans la LPM n'ont pas été au rendez-vous, notamment l'abandon du projet de cession anticipée de l'immobilier parisien du ministère. Vous ne prévoyez que 158 millions de produits de cessions en 2011, mais le ministère table à nouveau sur des rentrées importantes à compter de 2012.

Nous souhaiterions que vous fassiez le point sur ce programme de vente d'emprises. Il est lié, pour ce qui est de Paris, à la réalisation du futur ministère à Balard dans le cadre d'un partenariat public-privé qui doit être lancé l'an prochain.

M. Christian Piotre, secrétaire général pour l'administration du ministère de la défense. - Ce budget est à la fois le troisième de la LPM 2009-2014 et le premier du nouveau cadrage triennal 2011-2013. Le ministère regroupe la mission Défense, avec 31,2 milliards, et la mission « Anciens combattants », avec 3,2 milliards. Les trois programmes dont j'ai la charge représentent 6,4 milliards et je vous parlerai essentiellement du programme 212, qui en représente la moitié.

Le programme 212 comptera 3,2 milliards en CP et 4,4 milliards en AE, en augmentation respective de 22 % et 45 %. Le volume plus important des AE s'explique pour l'essentiel par les dotations aux dépenses immobilières.

Les crédits du titre 2 augmentent de 15 %, à 1,03 milliard et les effectifs passent de 11 663 à 12 552. Cette augmentation tient aux transferts d'organismes qui ont rejoint le SGA et à la création de nouveaux organismes, notamment les centres ministériels de gestion. Dans le même temps, les services du SGA ont supprimé 209 emplois.

Si les crédits du programme 212 financent une partie des services centraux du ministère qui ne sont pas placés sous ma direction, ce programme regroupe quasiment tous les moyens nécessaires aux services et à la conduite des grandes fonctions transversales du ministère, comme les finances, les ressources humaines, l'immobilier, l'informatique, ou les achats hors armements.

Le SGA est responsable d'une quinzaine des quelque 35 projets RGPP et il assume un rôle d'animation de la réforme, en sa qualité de président du comité de modernisation du ministère. Après deux années de réforme, je constate que la feuille de route du ministère est respectée : les modes d'organisation se transforment, parfois les métiers, ce qui peut aussi impliquer des mutations géographiques. Les efforts demandés aux personnels ne doivent pas être sous-estimés.

Depuis 2009, le ministère a procédé à la dissolution de neuf régiments, de quatre centres de formation, de sept états-majors, à la fermeture de deux bases aériennes, au désarmement de dix navires, à seize transferts ou regroupements. L'année 2011 sera marquée par la généralisation de l'organisation du soutien autour des 60 bases de défense tandis que se poursuivront les restructurations, avec un programme particulièrement dense: dissolution de quatre unités et d'un état-major de forces, fermeture de deux bases aéronavales, de deux bases et de trois dépôts de l'armée de l'air, désarmement de trois navires, dissolution des dernières directions interdépartementales des anciens combattants; transfert ou transformation d'une quinzaine d'unités ou établissements.

Dans ce contexte, l'accompagnement des personnels et des restructurations constitue un enjeu majeur. L'amélioration de la condition du personnel, contrepartie des efforts qui lui sont demandés, se traduit par des mesures nouvelles significatives inscrites au PLF 2011 : 70 millions pour le personnel militaire, notamment pour la revalorisation de la grille indiciaire engagée depuis 2009 ; 25 millions pour le personnel civil, contre 15 millions les années précédentes, pour contribuer à la requalification et à la réforme indiciaire des agents de catégorie B.

Les crédits affectés à l'accompagnement des restructurations représentent la plus grosse part, avec 713 millions d'AE et 489 millions de CP qui sont répartis en trois volets social, immobilier et économique.

L'accompagnement social mobilisera 238 millions l'an prochain, contre 180 millions l'an dernier. Cette forte augmentation traduit l'importance des restructurations de l'année, mais aussi l'accroissement du volume de certaines aides comme l'indemnité de départ volontaire des ouvriers de l'Etat, dont le nombre a été porté de 450 à 700 en 2010. Quant au reclassement des personnels civils employés en Polynésie, en Allemagne et au Sénégal, 5,8 millions y seront consacrés.

L'accompagnement immobilier se voit attribuer 524 millions d'AE et 327 millions de CP, destinés aux opérations de transfert et de densification, à des études de pollution préalable à la cession d'emprises ou à des constructions nouvelles, comme l'Institut de recherche biomédicale des armées à Brétigny-sur-Orge. L'armée de terre et l'armée de l'air seront les plus grosses consommatrices de ces crédits en 2011 avec, respectivement, 252 et 110 millions.

L'accompagnement économique consiste, lui, en des aides apportées aux territoires touchés par les restructurations. Il est financé aux deux tiers par le Fonds pour les restructurations de la défense (FRED), doté en 2011 de 65,2 millions d'AE et 38 millions de CP, qui passeront par les contrats de redynamisation de site de défense (CRSD) et les plans locaux de redynamisation (PLR). L'objectif pour 2011 vise une quinzaine de ces contrats et de ces plans, en avance sur les objectifs fixés par la circulaire de 2008.

Hors crédits liés aux restructurations, la politique immobilière et d'infrastructure se voit doter de 2,2 milliards d'AE et 1 milliard de CP, dont 120 millions d'AE et 126 millions de CP en faveur de la politique du logement et 1,8 milliard d'AE et 603 millions de CP au profit des opérations d'infrastructure. Les principales opérations d'infrastructure porteront sur l'accueil des nouveaux hélicoptères, des VBCI, du Rafale, de l'A400M et du futur sous-marin Barracuda, le projet Balard, la rénovation de l'hôpital Sainte-Anne à Toulon. Les cessions immobilières apporteront 158 millions de recettes exceptionnelles. Il s'agit d'une révision complète des perspectives dans le cadre de la programmation budgétaire triennale 2011-1013.

Au-delà des programmes et des crédits, la fonction immobilière dans son ensemble doit s'adapter à la mise en place des bases de défense. Ainsi, le service d'infrastructure simplifiera son organisation et placera auprès de chaque base de défense une unité de soutien chargée de l'entretien et de la maintenance. Sept établissements (ESID) assureront les fonctions de pilotage des opérations d'investissement et des crédits correspondants ; ils mettront leur expertise au service des unités du service d'infrastructure de défense (USID) en tant que de besoin.

Les systèmes d'information d'administration et de gestion, avec 114 millions, sont l'illustration de la modernisation du ministère. Sous l'impulsion de la direction générale des systèmes d'information et de communication (DGSIC) et du SGA, ils font l'objet d'un effort vigoureux de rationalisation, en accompagnement des projets nouveaux et structurants : le système d'information des ressources humaines (SIRH), Chorus, Intradef et Arcade.

La politique ministérielle dans ce domaine est guidée par plusieurs préoccupations: dégager une partie des économies attendues de la réforme globale du ministère, grâce à des surcroîts de productivité, soit 2 000 emplois de gain possibles sur la seule fonction financière ; alléger le coût de maintenance en réduisant les applications ministérielles de 700 à un peu plus de 200 en quatre ans; financer les interfaces nécessaires entre les applications maintenues et les grands systèmes fonctionnels tels que Chorus ou le SIRH.

Je m'inquiétais l'an passé des réductions d'effectifs dépassant les objectifs de la LPM et des difficultés de reclassement des personnels. Le premier risque semble écarté, mais le reclassement et la reconversion des personnels, ainsi que l'évolution des emplois du personnel civil, requièrent toujours autant de vigilance. Nous avons constaté une forte augmentation des indemnisations chômage, qui ont atteint 82 millions. L'adaptation des emplois des personnels civils exige une action concertée, avec l'Agence de reconversion de la défense et les nouveaux centres ministériels de gestion.

Enfin, l'année à venir sera marquée par la mise en place des bases de défense, qui doivent améliorer au plus vite le soutien de proximité des unités et des établissements. Le projet est piloté par l'état-major des armées, nous en attendons beaucoup. L'année 2011 sera également marquée par l'importance des restructurations, dont le volume s'accroîtra sensiblement.

M. Josselin de Rohan, président. - Merci pour cette présentation. Retenu par une autre réunion, notre rapporteur pour avis, M. Didier Boulaud, m'a demandé de le suppléer.

Votre ministère, d'abord, a abandonné le projet d'une vente en bloc des bâtiments sis à Paris intra muros dont il veut se défaire, le manque à gagner serait de 350 millions d'euros : le confirmez-vous ? Quelles conséquences ce renoncement a-t-il eues sur la réalisation de vos programmes ? Comment allez-vous réorganiser la vente ? Quid de l'Hôtel de la Marine, et de l'îlot Saint-Germain ?

Quelles conséquences, ensuite, de la RGPP sur vos moyens d'action ?

Votre ministère a engagé une ambitieuse réforme en créant la direction générale des systèmes d'information et de communication (DGSIC), où en est-on depuis la nomination à sa tête de l'amiral Christian Pénillard ?

M. Christian Piotre. - La création en 2005 de la DGSIC, pour piloter l'ensemble des systèmes d'information du ministère, n'a pas fait l'unanimité et elle a pâti du manque de consensus. En nommant un nouveau directeur général et en révisant les textes, le ministre a voulu redonner son élan à cette initiative.

Nous n'allons pas en engranger les gains immédiatement, il s'agit d'abord de constituer la gouvernance des systèmes d'information : désormais, il y a un responsable incontesté et toute décision relative aux grands systèmes d'information transite par la direction générale. Ce changement a une portée très pratique dans mes fonctions même, puisque les crédits que je gérais directement, jusqu'à cette année, en matière de SiAG sont aujourd'hui délégués à la direction générale.

Il faut poursuivre dans cette direction.

Sur la RGPP, un important travail a déjà été fait : nous avons harmonisé les procédures, redéfini les postes, amélioré la cohérence entre les fonctions et l'organisation, l'exemple type est la création du commissariat aux armées, ou encore la suppression de la direction des anciens combattants, effective en novembre 2011, qui représente le reclassement de 1 200 personnes. Cependant, nous avons encore beaucoup à faire pour accompagner les personnels et mener avec succès les réformes fonctionnelles qui reposent en grande partie sur de nouveaux systèmes d'information, tel que le nouveau système unique « ressources humaines ». Par ailleurs, les restructurations seront plus importantes dans les deux prochaines années que dans les deux dernières.

Enfin, des économies de fonctionnement supplémentaires devront être réalisées pour contribuer à la réduction des ressources à hauteur de 3,6Md€ sur les trois prochaines années.

Nous avons particulièrement bien réussi pour la fonction achat : 16 millions d'économies en 2009, alors qu'on en programmait 5 millions, et nous sommes à 60 millions cette année, contre 20 millions d'économies prévues initialement.

Sur les programmes immobiliers, je commencerai par l'Hôtel de la Marine. Nous n'allons pas aliéner cet immeuble dont l'Etat restera propriétaire, mais nous orienter vers un bail emphytéotique. Pour quelles fonctions, avec quelles contraintes ? Nous y travaillons avec le ministère de la culture sous forme d'un cahier des charges, qui précisera les contraintes liées au respect du patrimoine, aux missions, la possibilité d'affecter une partie de la surface à un usage commercial, puis nous nous tournerons vers les prestataires possibles, sur la base de ce cahier des charges. L'Hôtel de la Marine a été en grande partie restauré, les usages qui peuvent en être faits sont très divers, nous choisirons les meilleurs possibles.

S'agissant de la cession de notre patrimoine situé dans Paris intra muros, nous attendions 500 millions d'une vente globale à un consortium, mené par la SOVAFIM, qu'un montage devait mettre à disposition immédiate du ministère, quitte à ce que nous versions un loyer pour la période nous séparant de l'installation à Balard. Mais la procédure a achoppé sur des divergences d'évaluation des biens, et Bercy a préféré y renoncer. Nous sommes revenus depuis à une procédure classique, immeuble par immeuble, en nous partageant les rôles avec France-Domaine. Ainsi, la caserne Lourcine sera cédée à l'Enseignement supérieur qui la transformera en résidence universitaire et nous sommes en négociation avec la préfecture de région d'Ile-de-France pour d'autres bâtiments. Nous avons jusqu'en 2014 pour réaliser le programme de cessions et nous agissons avec pragmatisme.

Les pertes de recettes ont été compensées par des crédits de reports et par un décret d'avance de 105 millions : au total, 350 millions ont été apportés, notamment par les programmes 178 et 146. L'état-major des armées a pu regarder ces transferts comme une perte, mais il faut bien voir que ces sommes ont bien été utilisées aux opérations d'infrastructure et à l'accompagnement de la réforme. La trésorerie n'a donc que peu souffert du report des ventes de notre patrimoine dans Paris intra muros.

M. André Vantomme. - La réforme des armées est un choix politique que nous devons accepter, puisque c'est le choix de la majorité, mais cela n'oblige pas, pour la mise en oeuvre, à confondre vitesse et précipitation ! Or, l'annulation de la vente groupée du patrimoine parisien a contraint le ministère à trouver 400 millions en urgence, obligeant à des reports de crédits et à des ponctions sur d'autres programmes. Cette opération aurait pu être menée plus tranquillement, sans provoquer autant de dégâts.

La restructuration des sites militaires, ensuite, donne lieu à des situations très contrastées. Certains sites ne posent pas de problème, car ils sont intéressants, mais d'autres risquent tout simplement de se transformer en charge pour les collectivités locales, alors même que la réforme des collectivités locales va amputer leurs moyens d'action.

Sur Chorus, je vous trouve bien lénifiant ! Nous avons entendu des critiques, notamment du délégué général à l'armement : les moratoires liés à Chorus coûtent 20 à 30 millions à la délégation !

Enfin, la diminution des effectifs militaires entraîne un fort accroissement des indemnités chômage.

Etes-vous donc bien certain qu'on a choisi la bonne période et le bon rythme pour réformer l'armée ?

M. Christian Piotre. - Le ministère n'a pas choisi le rythme de la réforme. Il est fixé par la loi de programmation militaire. Nous devons supprimer 54 000 emplois entre 2009 et 2014 : c'est pourquoi nous mobilisons tous les moyens à notre disposition, dans le cadre de la LPM et du Livre blanc. Cette réorganisation repose sur la ré-allocation des économies faites sur le personnel et le fonctionnement au profit des investissements et de l'équipement.

L'annulation de la vente groupée et le remplacement des recettes exceptionnelles qui nous ont manqué résultent d'arbitrages. J'avais indiqué que de telles cessions prenaient nécessairement du temps, en particulier pour les procédures juridiques et la dépollution, quand nécessaire. Les recettes attendues ont été ventilées en conséquence, pour se concentrer sur la fin de la période : 158 millions en 2011, 134 millions en 2012 et 672 millions en 2013.

S'agissant de Chorus, le nouvel outil implique des changements importants, il faut s'y former. L'apprentissage a concerné la défense mais aussi la Direction générale des finances publiques et les trésoreries départementales. On avait sans doute sous-estimé l'ampleur du basculement. Certains comptables assignataires, par exemple, se sont vus confier un nombre d'opérations bien supérieur à leur charge passée. Le ministère de la Défense s'est porté volontaire pour rallier Chorus, dès 2010 pour bénéficier de l'effort d'assistance interministériel. Les enjeux sont considérables en termes de modernisation, puisque nous escomptons un gain de 2 000 emplois pour la fonction financière. Nous savons qu'il y a eu des conséquences négatives sur la trésorerie de certaines PME, nous avons dû les aider à faire face, tout comme nous avons envoyé des renforts dans les services voire auprès des comptables. Nous avons essuyé les plâtres, sans manquer de réactivité.

Je suis parfaitement conscient que les emprises que nous libérons sont d'un intérêt très variable. C'est bien pourquoi la circulaire du Premier ministre de 2008 a prévu des procédures simplifiées, en particulier la vente pour un euro symbolique et l'intervention du FRED et du FNRT. Quant aux contrats de redynamisation des sites de défense (CRSD) et aux plans locaux de redynamisation (PLR), nous sommes en passe d'atteindre la moitié des objectifs fixés par la LPM : 8 contrats sont signés sur 24, deux plans sont acquis et cinq le seront l'an prochain.

Loi de finances pour 2011 - Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

M. Josselin de Rohan, président. - Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous accueillir à nouveau devant notre commission pour cette audition consacrée aux crédits du ministère des affaires étrangères et européennes dans le projet de loi de finances pour 2011, qui sont regroupés au sein de la mission « Action extérieure de l'Etat » et du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement ».

Comme nous le savons tous ici, le contexte budgétaire du projet de loi de finances pour 2011, qui s'inscrit dans le cadre de la loi de programmation triennale 2011-2013, est particulièrement contraint. Il est marqué, en effet, par l'impérieuse nécessité de la réduction des déficits publics de notre pays. Comme l'a souligné le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, cette réduction du déficit public constitue non seulement une nécessité du point de vue de l'équilibre de nos finances publiques, mais aussi un impératif pour préserver la place de la France dans le monde et en Europe. Au moment où le Conseil européen vient de décider, à l'initiative de la France et de l'Allemagne, de renforcer la procédure de lutte contre les déficits excessifs, notre pays ne peut pas s'exonérer éternellement de ses engagements européens.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé d'appliquer à toutes les administrations de l'Etat une réduction de 5 % de leurs crédits de fonctionnement en 2011, effort qui sera poursuivi les années suivantes pour atteindre l'objectif d'une baisse de 10 % en trois ans, et de poursuivre les efforts de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Comme toutes les autres administrations, le ministère des affaires étrangères et européennes participe à cet effort, qu'il avait même anticipé. Ainsi, les crédits de fonctionnement et d'intervention diminuent de 5 % en 2011 et il est prévu de supprimer 610 emplois entre 2011 et 2013. Dans le même temps, le ministère doit faire face à la forte augmentation des dépenses incontournables, à l'image des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix qui augmentent de près de 14 % par rapport à 2010 en raison du taux de change.

Dans ce contexte, certains s'interrogent sur la capacité du ministère des affaires étrangères et européennes à préserver ses missions face à de nouvelles réductions de ses moyens. Je rappelle, en effet, que le ministère des affaires étrangères et européennes s'est montré exemplaire ces dernières années en matière de réforme, en réduisant ses effectifs de 20 %. Alors que le principe de l'universalité du réseau vient d'être confirmé au plus haut niveau de l'Etat, comment faire en sorte que nos ambassades et consulats aient les moyens de fonctionner efficacement avec des moyens en réduction ? La forte augmentation des contributions obligatoires ne risque-t-elle pas de nous contraindre à réduire nos contributions volontaires, qui sont pourtant les plus visibles à l'étranger? De même, en matière d'aide au développement, l'augmentation de la participation française aux fonds multilatéraux, comme le Fonds SIDA, ne risque-t-elle pas de réduire les moyens des contributions volontaires et de notre aide bilatérale? Comme nous avons pu le constater lors de notre récent déplacement aux Nations unies, la diminution constante des moyens de notre diplomatie a une conséquence directe sur l'influence de la France.

Je pense cependant que des marges de manoeuvre existent pour préserver l'efficacité de notre diplomatie. Je me félicite que vous ayez pu préserver les postes de titulaires et obtenu le maintien de la rallonge budgétaire de 20 millions d'euros pour la coopération culturelle, qui permettra de consolider la réforme de notre diplomatie culturelle et d'influence, engagée avec la loi relative à l'action extérieure de l'Etat adoptée l'été dernier. Nous souhaiterions d'ailleurs faire le point sur la mise en place des nouveaux opérateurs, l'Institut français, le nouvel établissement CampusFrance et France Coopération Internationale. Comment se met en oeuvre l'expérimentation du rattachement de certains centres et instituts culturels à l'Institut français?

Où en sommes-nous dans la création de la nouvelle agence chargée de gérer l'immobilier de l'Etat à l'étranger?

Nous aimerions également vous interroger sur les éventuelles mesures d'encadrement de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français scolarisés à l'étranger, à la lumière du rapport remis aujourd'hui au Président de la République par nos collègues Geneviève Colot et Sophie Joissains.

Enfin, pourriez-vous, Monsieur le Ministre, nous dire également un mot de la présidence française du G8 et du G20 ?

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. - Je commencerai par dire quelques mots de l'attentat ignoble qui a eu lieu à Badgad, où une cinquantaine de chrétiens syriaques ont trouvé la mort. Au-delà de la tristesse qui nous étreint, il est judicieux que notre ambassade et notre résidence soient bien protégées. Voilà un exemple de dépenses incompressibles : nous nous devons d'assurer la sécurité de nos citoyens expatriés, qui participent à l'influence et au rayonnement économique de la France. Une cinquantaine demeure encore à Bagdad. Mais une sécurité parfaite est impossible.

Il reste en Irak 300 000 chrétiens sur 800 000 et, dans tout le Moyen-Orient, leur situation est très problématique. Ce n'est pas une politique de visas qui apportera une solution. Un millier d'Irakiens chrétiens ont été accueillis en France, mais tous ne souhaitent pas quitter leur terre, et la hiérarchie de l'Eglise d'Orient ne les y encourage pas. La sécurité en Irak doit reposer avant tout sur les Irakiens : c'est pourquoi nous formons des policiers et des juges, et il n'est pas question de revenir sur cette politique.

L'année 2011 sera marquée par la présidence française du G8 et du G20. Dans ce contexte, il est plus que jamais nécessaire de disposer d'un outil diplomatique efficace, avant, pendant et après les sommets. Il est impératif de respecter nos engagements d'aide au développement, notamment vis-à-vis de l'Afrique. Le ministère poursuit la modernisation entamée depuis trois ans pour répondre aux missions qui lui sont assignées.

Le budget des affaires étrangères pour 2011 s'inscrit dans un contexte de resserrement budgétaire. Tout le monde convient de la nécessité de redresser nos comptes publics, conformément à nos engagements européens ; les Vingt-sept ont récemment adopté à l'unanimité les propositions de la France et de l'Allemagne. L'effort qui consiste à ramener le déficit de 7,7 % cette année à 6 % l'an prochain est sans précédent. Il a donc fallu concilier ces contraintes et nos vastes ambitions.

Le budget du ministère est responsable à plusieurs titres. Il l'est d'abord parce qu'il respecte la volonté du Gouvernement de promouvoir un usage plus rigoureux des deniers publics, et de réduire les dépenses de fonctionnement de 5 % cette année et de 10 % en trois ans : l'économie sera de 18 millions d'euros en 2011. La diminution des emplois se poursuit, grâce à la rationalisation du soutien aux administrations centrales et à des réajustements du réseau : 160 ETP seront supprimés cette année, 700 entre 2009 et 2011 - je n'oublie pas que derrière cette expression, on trouve des hommes et des femmes. Le ministère s'efforce aussi de maîtriser ses contributions obligatoires aux organisations internationales, ce qui suscite bien sûr des mécontentements, mais je rappelle que nous participons à toutes les opérations de maintien de la paix de l'ONU où la continuité de notre effort est reconnue. La France a obtenu une réduction de sa quote-part au fonds européen de développement, qui passera de 24,3 % à 19,5 %. Enfin ce budget est sincère, puisqu'il est fondé sur des taux de change réalistes.

Les contraintes budgétaires ne doivent pas nous empêcher de poursuivre nos objectifs prioritaires, parmi lesquels l'aide publique au développement : le Président de la République a annoncé que les crédits de cette mission seraient maintenus jusqu'en 2013, et il en va de même du programme 209, doté de 2,1 milliards d'euros. Toutefois, rapportée au revenu national brut (RNB), l'aide publique française diminuera : nous étions au deuxième rang mondial en 2009 avec un ratio de 0,47 %, nous devrions l'être encore en 2010 avec un ratio compris entre 0,47 % et 0,51 %, mais à partir de 2011, cette proportion baissera, notamment parce que les annulations de dette ne feront plus sentir leurs effets. Il faut réfléchir au moyen d'optimiser notre aide publique au développement, car les ressources sont rares. Nous travaillons en particulier sur les financements innovants : il est déjà satisfaisant de pouvoir aborder le sujet aux Nations unies, car jusqu'à une date récente, les pays en développement ne voulaient pas en entendre parler, craignant qu'ils ne s'imputent sur le volume de l'aide publique au développement alors qu'ils s'y ajouteront.

Comme le Sénat l'a souvent souligné, il faut tirer le bilan des efforts passés : dès 2011, une évaluation de la politique d'aide au développement menée depuis 1998 sera entreprise, et il serait souhaitable que les parlementaires y soient associés. A cela s'ajoute l'évaluation par les pairs au sein du Comité d'aide au développement de l'OCDE.

Le document-cadre de la politique de coopération au développement a été validé par Matignon aujourd'hui même. L'engagement du Président de la République d'augmenter de 100 millions d'euros en cinq ans l'aide à la santé maternelle et infantile sera tenu. Notre aide publique sera rééquilibrée en direction de l'aide bilatérale, comme vous en avez souvent exprimé le souhait. Les fonds prioritaires destinés à Haïti, à l'Afghanistan, au Pakistan et aux agences humanitaires seront préservés.

La réforme de notre politique d'influence se poursuit après le vote de la loi relative à l'action extérieure de l'Etat. L'Institut français sera bientôt installé au carré Suffren, dans le 7e arrondissement ; il remplacera CulturesFrance et couvrira tout le champ culturel. M. Xavier Dacros, qui doit en assumer la présidence, prépare son lancement opérationnel pour le 1er janvier. Tout reste à faire : définir une stratégie, rénover le réseau, rendre plus complémentaires les 600 alliances françaises et les instituts - soit au total près d'un millier de centres -, améliorer leur visibilité, professionnaliser leurs agents grâce à un effort sans précédent de formation, repenser le mécénat et lever des financements. J'ai obtenu du Premier ministre la reconduction pour les trois ans à venir de la rallonge budgétaire de 20 millions d'euros pour l'action culturelle, qui a permis d'enrayer la chute de son budget.

L'influence de la France à l'étranger passe aussi par la formation des élites. L'établissement public CampusFrance sera issu de la fusion de l'ancien CampusFrance, d'Egide, et d'ici 2012 des activités internationales du Cnouss. Quant à l'AEFE, il faut se garder d'oublier sa double mission, qui consiste à scolariser à la fois les enfants des Français expatriés et ceux des étrangers. C'est un de nos plus beaux vecteurs d'influence, et je ne doute pas de son avenir : j'ai visité récemment le nouveau et magnifique lycée français d'Ankara. C'est pourquoi j'ai tenu à ce que la subvention à l'AEFE soit maintenue au niveau de 421 millions d'euros. Il faut veiller à ce que le coût de la prise en charge des élèves français à l'étranger (PEC) n'augmente pas démesurément, alors même qu'un moratoire a été déclaré sur son extension aux classes autres que celles du lycée. Une somme de 119 millions d'euros y sera affectée en 2011, en hausse de 13 % : elle devrait suffire grâce au moratoire et à diverses mesures conservatoires. Je serai naturellement attentif aux préconisations du rapport Colot-Joissains.

La qualité du service rendu aux Français expatriés figure également au nombre de nos priorités. Les métiers consulaires ne sont nullement subordonnés à ceux de la diplomatie : les membres du réseau consulaire, souvent appelés à ces fonctions par une véritable vocation, doivent assumer des charges de plus en plus lourdes : le nombre d'expatriés augmente, les députés des Français de l'étranger seront élus pour la première fois en 2012, la biométrie est très largement diffusée, notamment en Afrique ; et les frais d'hospitalisation d'urgence ont été transférés au ministère. C'est pourquoi je me suis battu pour défendre les emplois du réseau consulaire : en 2012 et 2013, les suppressions d'ETPT seront rares. En 2011 les crédits du programme 151 augmenteront de 6,6 % hors rémunérations et dépenses de PEC et de bourses, de 11,4 % si on les inclut. Au sein de cette enveloppe, nous maintenons les crédits d'action sociale aux alentours de 16 millions d'euros.

Un effort tout particulier est consenti pour sécuriser nos établissements, qu'il s'agisse des ambassades, des résidences ou des établissements scolaires. Nous mettons en oeuvre depuis trois ans un vaste programme de sécurisation active et passive de nos emprises, et dans les trois pays du Sahel hors Niger nos efforts ont porté leurs fruits. Le Premier ministre a reconnu le caractère prioritaire de cette politique en lui affectant une enveloppe de 10 millions d'euros, dont 2 millions inscrits au PLF pour 2011.

Pour assurer la sécurité des Français, un centre de crise opérationnel a été mis en place en 2008, où une cinquantaine d'agents se relaient jour et nuit. Son budget augmentera de 1,5 %. Comme le montrent les événements récents au Sahel, les menaces sont partout. Les vols de fret en provenance du Yémen ont été annulés ; pour l'heure, les vols voyageurs ont été maintenus. Les crédits d'intervention de la direction de coopération de sécurité et de défense seront stabilisés à hauteur de 35 millions d'euros.

Je conclurai par là où j'ai commencé : l'enjeu majeur de l'année qui vient sera la présidence française du G8 et du G20. A l'ordre du jour figureront la réforme du système monétaire et de la gouvernance mondiale - j'en discuterai demain avec le président chinois en visite à Paris -, la lutte contre la volatilité des prix des matières premières et la promotion des financements innovants pour l'aide au développement des pays pauvres. La crédibilité de la France est en jeu. Conformément aux recommandations de la Cour des comptes et dans un souci de visibilité et de rigueur, nous avons choisi d'inscrire les dépenses liées à ces présidences au sein d'un programme spécifique doté de 60 millions d'euros d'autorisations d'engagements et de 50 millions de crédits de paiement. Le coût total des présidences françaises s'élèvera à 80 millions d'euros entre 2010 et 2012. En se voyant confier la charge de ce programme, le ministère des affaires étrangères se voit conforter dans son rôle de pilotage de l'action extérieure de l'Etat.

Son budget total s'établira à 5,1 milliards d'euros en 2011, en hausse de 3,7 % et même de 4,5 % si l'on exclut les rémunérations, à l'heure même où le Royaume-Uni a décidé d'amputer de 25 % le budget du Foreign Office : c'est encourageant.

M. Josselin de Rohan, président. - Quand on se regarde on se désole, quand on se compare on se console !

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis. - Il est difficile de porter un jugement avisé sur les crédits de l'aide au développement, car le document-cadre ne nous a toujours pas été communiqué ; toutefois M. Vantomme et moi-même avons mené de nombreuses auditions, sur le fondement desquelles nous pouvons formuler quelques remarques. Dans un contexte de restrictions budgétaires, il paraît très difficile de respecter l'objectif de 0,7 % du RNB affecté à l'APD, même si le Royaume-Uni y est parvenu. Faut-il continuer à s'assigner des objectifs inaccessibles, au risque d'être montrés du doigt dans les enceintes internationales ?

Lors d'un déplacement au Mali, M. Vantomme et moi-même avons constaté qu'aux vingt-sept représentations européennes allait bientôt se joindre celle de l'Union : n'y a-t-il pas un effort de rationalisation à entreprendre ? Une politique européenne de l'aide au développement est-elle possible ?

On observe que les dons bilatéraux régressent, même si l'on peut hésiter sur leur proportion exacte : 30 % ? L'Agence française de développement prête plus volontiers qu'elle ne donne, et privilégie donc les pays susceptibles de rembourser. La commission veut rappeler son attachement à l'aide destinée aux pays subsahariens, dont les récents événements du Sahel ont montré la nécessité. Il faut trouver un meilleur équilibre entre aide bilatérale et multilatérale.

S'agissant des fonds multilatéraux, je souhaiterais d'abord vous interroger sur le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Son rythme de décaissement progresse, il faut s'en féliciter, mais des millions de personnes restent en danger. Je remarque d'ailleurs que les frais de gestion sont en augmentation, d'où la nécessité du contrôle et de l'évaluation. Qui est, selon vous, le mieux à même d'accomplir ces tâches ?

Quant au Fonds européen de développement, la réduction de la quote-part de la France dégagera une somme de 100 à 150 millions d'euros. A quoi sera-t-elle destinée ? Je souhaite qu'elle serve à augmenter l'aide bilatérale. Le Fonds manie des sommes considérables, et il est nécessaire de mieux évaluer sa gestion en ces temps de disette budgétaire.

M. André Vantomme, rapporteur pour avis. - Je me réjouis que nous ayons été consultés pour la première fois sur le projet de document-cadre relatif à la politique de coopération au développement. M. Cambon et moi-même avons formulé une cinquantaine de propositions, et j'aimerais savoir lesquelles ont été retenues dans le document définitif validé aujourd'hui.

La France promeut les financements innovants pour l'aide au développement, dont le principe figure dans les conclusions du sommet sur l'eau. Quelles sommes en attend-on ? Serviront-elles à atteindre les objectifs du Millénaire, ou encore à poursuivre la lutte contre le réchauffement climatique ?

Le ministère a souhaité assumer de nouveau en 2010 la responsabilité des subventions accordées aux ONG, confiée l'année précédente à l'AFD, peu habituée à gérer des programmes de petite taille. Qu'en sera-t-il en 2011 ?

Les services de coopération et d'action culturelles (Scac) cohabitent dans de nombreux pays avec les agences de l'AFD ; les premiers perçoivent 20 % des crédits, l'AFD 80 %. Lorsque les Scac seront intégrés au réseau de l'Institut français, l'AFD héritera-t-elle de leurs compétences en matière d'aide au développement ?

La France a contracté de nombreux engagements internationaux : porter le niveau de son aide au développement à 0,7 % du RNB, augmenter cette aide de 50 milliards d'euros dont 25 milliards destinés à l'Afrique, dédier 0,15 % du RNB aux pays les moins avancés, augmenter de 50 % l'aide de l'Union européenne à l'Afrique, affecter 500 millions d'euros à la santé maternelle et infantile - soit 100 millions de plus qu'effectivement prévu -, rehausser de 20 % entre 2011 et 2013 notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, consacrer 1,5 milliard en trois ans à la sécurité alimentaire... Ne faut-il pas cesser de faire des promesses qu'il est impossible de tenir ?

Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) a dressé une liste de quatorze pays prioritaires, situés pour la plupart en Afrique subsaharienne. Or, là plus qu'ailleurs, les crédits diminuent : les subventions bilatérales des programmes 209 et 110 sont passées entre 2005 et 2009 de 219 millions à 158 millions d'euros. Pourquoi ce choix ?

M. Cambon et moi-même avons travaillé dans des conditions difficiles : nous ne disposons toujours pas du document-cadre sur la politique de coopération au développement. Je le regrette : il serait plus respectueux du Parlement de respecter le calendrier convenu.

M. Bernard Kouchner, ministre. - Je vous dois des excuses, même si je ne suis pas personnellement responsable de ce retard : ce document résulte d'arbitrages interministériels.

Que la représentation de l'Union européenne se joigne à l'étranger à celles des pays membres, c'est une bonne chose, quoique cela requière un effort d'harmonisation. Le service européen d'action extérieure se met en place progressivement : ses débuts sont encourageants. Il faut rendre l'action européenne plus visible, car des sommes considérables sont dépensées.

Nous ne renonçons pas à porter l'APD à 0,7 % du RNB en 2015, mais nous ne pourrons naturellement atteindre cet objectif que si la conjoncture le permet. Nous revenons de loin : la proportion était de 0,3 % en 2000 et de 0,4 % en 2003 ! La France devance l'Allemagne et les Etats-Unis ; seul le Royaume-Uni nous surpasse : le gouvernement britannique a même décidé de maintenir son aide au développement au niveau actuel alors que le budget du Foreign Office est amputé d'un quart ! Je ne suis pas sûr que nous soyons prêts à consentir un tel effort...

Les crédits budgétaires de l'APD, qui représentent environ un tiers de ses moyens, seront maintenus au niveau actuel jusqu'en 2013. Les dépenses augmenteront cependant, ce qui nécessitera des ajustements. Je répète que nous engagerons un audit de l'aide au développement et nous efforcerons de cerner les éventuelles redondances entre les actions des différents pays européens, même si cette tâche sera ardue.

Les 68 millions d'euros économisés grâce à la réduction de la participation de la France au Fonds européen de développement seront redéployés pour financer des dons-projets bilatéraux : j'ai d'ores et déjà signé plusieurs projets de coopération, notamment aux Comores.

Parmi nos priorités, il faut citer la lutte contre la pauvreté, la préservation des biens publics mondiaux qui figure parmi les objectifs du Millénaire, l'élaboration d'une stratégie européenne de développement : au Mali par exemple, l'Union mène des projets liés à la sécurité et au développement, objectifs indissociables.

Quant au Fonds mondial de lutte contre le sida, il est très convenablement géré : son secrétariat définit son budget de fonctionnement, un comité scientifique examine les demandes des Etats et propose des projets qui sont ensuite transmis au conseil d'administration, et le comité financier veille à ce que les subventions aillent à des pays dont l'administration et le système de soins répondent aux critères fixés. Près de 5 millions de malades sont aujourd'hui traités grâce aux antirétroviraux : c'est insuffisant, mais cela semblait hors d'atteinte il y a peu. L'inspection générale du Fonds mène d'ailleurs un audit interne. Si son budget de fonctionnement augmente, c'est parce qu'il emploie aujourd'hui 600 personnes au lieu de quelques unes en 2002. La totalité des frais de fonctionnement est d'ailleurs couverte par les intérêts de placements : ce serait un modèle pour les financements innovants.

Sur l'AFD, monsieur Cambon, tout a été dit... Les prêts sont très régulièrement consentis dans les pays émergents. L'exercice est plus aisé que dans les pays dangereux, qui se trouvent être les plus pauvres. D'où un tarissement des dons.

Nous avons accepté de faire plus. La part de l'aide publique au développement bilatérale est de 5 milliards de dollars, sur 46 % des aides. Les prêts, pour 1,2 milliard en 2009, représentaient 10 % de l'aide totale.

Le principe des financements innovants a été accepté et inscrit aux conclusions du G8, document qui n'a rien d'extravagant et sur le sérieux duquel tous s'accordent. Créer un fonds destiné à assurer l'équilibre des monnaies, avec intervention possible du FMI, n'est pas notre choix. Nous souhaitons une taxe sur toutes les transactions financières. L'heureuse façon dont ont prospéré les fonds éthiques nous est une leçon. Notre groupe d'experts, qui a derrière lui cinquante pays, a fait ses propositions : une contribution de 0,005 % sur toutes les transactions. Sur 1 000 euros, cela représente 5 centimes. Autant dire que personne ne sentirait la différence. Il est vrai que les banquiers la voient, car le roulement sur les transactions financières est - selon le périmètre retenu de l'ensemble : transactions boursières, bancaires, individuelles - de plus ou moins 40 milliards l'an. C'est beaucoup. Plus que ce qui serait nécessaire, par exemple, pour assurer la scolarisation de tous les enfants dans le monde.

La France, l'Allemagne - car elle en est, et cela compte -, l'Autriche, l'Espagne - pour le Royaume-Uni, le changement de majorité laisse un flou...-, peut-être l'Italie, sont d'accord. Cela permet d'avancer, sans attendre le consensus des 192 membres de l'assemblée générale de l'ONU. Instituer une telle contribution - je dis bien une contribution, et non taxe pour n'effaroucher personne... - serait donner un exemple que tout le monde pourrait suivre.

Nous avons voulu récupérer, monsieur Vantomme, la part des financements légers des projets de l'AFD, pour donner plus de volets à nos postes : ce sont 40 millions que nous allons ainsi récupérer, avec la bénédiction de M. Dov Zerah, le directeur de l'AFD, pour les mettre dans le circuit des financements bilatéraux.

Vous m'interrogez sur les services de coopération et d'action culturelle. Il faut un peu se reporter en arrière. On a fait le choix, aux temps du rapprochement des deux ministères de la coopération et des affaires étrangères, d'intégrer la coopération et la culture : ce fut une erreur. Ce ne sont pas les mêmes métiers. Cela étant, je puis vous rassurer : la coopération ne va pas disparaître. Les propositions de programmation qui nous remontent des postes sont constructives, et prendront effet à partir du 1er janvier. J'ajoute qu'aux termes de la loi relative à l'action extérieure de l'Etat que le Parlement a votée, l'ambassadeur a bien autorité sur le réseau. Reste que nul n'a la science infuse et que coopération et culture sont bien deux métiers, différents.

J'en viens aux engagements pris à Muskoka sur la santé maternelle et infantile.

M. André Vantomme. - Ce n'est pas le seul volet : il fait partie de toute une liste. Je n'en conteste pas le principe, mais cela représente beaucoup d'argent. Ceux qui font des déclarations n'ont pas conscience des difficultés qu'elles peuvent soulever pour ceux qui auront à les mettre en oeuvre...

M. Bernard Kouchner, ministre. - Cela représente 500 millions sur la période 2005-2015, soit 100 millions supplémentaires par an. Le sommet sur les objectifs du Millénaire pour le développement a conduit à augmenter notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme de 20 % sur la période 2011-2013. Les objectifs sont pris en compte dans ce que je vous ai décrit, et qui résulte en effet d'un effort difficile de trésorerie et d'imagination...

Pour le secteur de l'aide au développement, le volet gouvernance, mis en oeuvre par le ministère des affaires étrangères, représente 20 millions d'euros.

Pour les quatorze pays prioritaires retenus par le Cicid (Comité interministériel de la coopération internationale et du développement), nous sommes convenus de concentrer au moins 50 % des moyens de l'aide bilatérale française en subventions, comptabilisées dans les objectifs du Millénaire, aux pays les plus affectés. L'objectif de 50 % est déjà dépassé. En 2009, 76 % des crédits ont été mobilisés sur les quatorze pays. Nous avons fait le choix de la concentration. Reste qu'il est vrai que la part consacrée aux dons reste insuffisante. La visite du président chinois pourrait être l'occasion de mettre en valeur l'effort particulier qui est le nôtre... Le plus gros de cet effort va à l'Afrique, pour 60 %, dont 50 % en subventions. Vient ensuite la Méditerranée, pour 20 %, les 10 % restants allant aux pays ACP, hors axe de crise, parmi lesquels Haïti...

L'effort est important pour l'Afrique, si on le compare à celui du Royaume-Uni, qui s'en tient à 45 %. A quelques nuances locales près cependant. C'est ainsi que j'ai pu constater que l'effort anglais est presque triple du nôtre au Congo Kinshasa... Preuve que notre aide au développement est extraordinairement efficace...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Vous avez rappelé que les plus hautes autorités de l'Etat veulent préserver l'universalité du réseau, mais aussi que le Royaume-Uni préserve 1 milliard d'aide au développement tout en réduisant les frais de fonctionnement de son réseau de 25 %. N'oublions pas cependant que cet effort de notre voisin insulaire repose sur une politique ancienne de réduction de son réseau. Ce qui n'est pas notre cas et nous oblige à un grand écart effarant entre le principe d'universalité - qui conduit à mobiliser des moyens dans de petits pays avec lesquels nous n'entretenons guère de relations - et l'effort d'aide publique au développement. Gymnastique qui m'incline à poser la question : peut-on encore parvenir à être efficaces en maintenant le principe d'universalité du réseau ? J'ai pu moi-même constater, en Amérique centrale, la chute vertigineuse de nos crédits d'intervention. Quelle marge reste-t-il aux ambassadeurs ?...

Autre question. J'ai entendu, hier, sur RFI, que l'Etat va mettre en vente pour 300 millions d'euros de ses bâtiments publics à l'étranger, dans les trois ans à venir. Quel pourcentage de ce produit reviendra au ministère ? La précédente opération ne lui a guère profité...

M. Bernard Kouchner, ministre. - Il lui en reviendra 100 %.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Il n'en a eu que 10 % la dernière fois...

M. Bernard Kouchner, ministre. - Il s'agit ici de ventes à l'étranger, d'immeubles qui sont notre propriété.

M. Christian Poncelet. - Sauf en Italie.

M. Bernard Kouchner, ministre. - On ne vend rien en Italie ! Ni même à Dublin...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - J'en viens aux crédits de la diplomatie culturelle. Je vous remercie d'avoir incité vos services à élaborer une nouvelle maquette qui permet de retracer dans le programme 185 l'ensemble de l'action culturelle. Je me réjouis de l'annonce d'une prolongation de la rallonge culturelle exceptionnelle de 20 millions pour les années à venir. Reste que les effectifs et les crédits d'intervention culturelle ont été très largement entamés au cours des dernières années : passés de 150 millions en 2006 à 135 millions en 2009, puis 125 en 2010, ils s'établiront à 116 millions en 2011, rattrapage budgétaire compris. Comment, dans ces conditions, réussir la réforme et mettre en place l'Institut français ? Avec l'état des effectifs que l'on connaît : c'est dans le réseau culturel qu'ont été supprimés la plupart des ETP.

M. Daniel Reiner. - La moitié.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - La situation est particulièrement tendue pour l'AEFE. Vous nous dites que 420 millions seront sanctuarisés. Mais l'âne est lourdement chargé : l'entretien immobilier des établissements revient en gestion directe à l'Agence, pour une remise à niveau sur cinq ans estimée entre 140 et 300 millions d'euros. Lui reviennent également les cotisations pour pensions des personnels détachés, situation qui a d'ores et déjà conduit à augmenter les droits de scolarité...

Je lis dans le journal Les Echos, qui rend compte des conclusions du rapport Colot-Joissains, que pour rentrer les gros pieds de la PEC dans les petits souliers budgétaires, il faut « cristalliser » le montant remboursé aux familles. Les frais peuvent augmenter d'année en année : la prise en charge restera bloquée au coût de 2007, soit exactement les 7 millions manquants pour l'an prochain... Quant au moratoire sur le collège, il introduit une nouvelle inégalité de traitement. Je ne saurais suivre, enfin, madame Joissains, quand elle déclare tout benoîtement qu'avec 34 millions pour 6 000 lycéens, on est loin de la charge des 92 millions servis à 23 000 élèves en bourses sur critères sociaux. Quelle différence de traitement, en effet. Et flagrante !

M. Bernard Kouchner, ministre. - Je vous remercie de vos compliments, et de vos critiques. L'universalité du réseau doit évidemment s'accompagner du budget suffisant. Vous avez rappelé qu'à la différence de la France, le Royaume-Uni, qui réduit son budget de 25 % à périmètre de réseau constant, avait déjà renoncé à un certain nombre d'implantations. Mais nos deux réseaux sont comparables en extension.

Vous avez cité l'exemple de l'Amérique centrale. Songez donc au Honduras. Que serait-il advenu si notre ambassadeur sur place, où les deux seules représentations européennes solides sont celle de la France et de l'Allemagne, n'avait pas participé à la recherche de solutions lors du coup d'Etat ?... Songez au Nicaragua... Nous pourrions concentrer nos moyens au Costa Rica, pays le plus stable et le plus démocratique. Pour quel effet ? Telle fut mon argumentation au cours de tout le processus de la RGPP : fermer trente petites ambassades ne fait économiser que 20 millions d'euros, autant dire, rien. Il peut y avoir là des décisions politiques lourdes, et qui ne représentent guère d'économies. Je suis fier, dans le même ordre d'idées, d'avoir ouvert une ambassade à Bichkek, au Kirghizistan où je flairais qu'il y aurait des ennuis, d'autant que s'y ajoute le fait que nous sommes sur la route de la drogue. Notre ambassade est là depuis deux ans, seule avec celle de l'Allemagne et notre ambassadeur y joue, bien que sans grands moyens, un rôle très actif...

Vous m'interrogez sur les ventes immobilières : 100 % des fonds iront au budget du ministère. Nous avons réussi une belle opération au Japon, nous allons peut-être faire de même en Turquie. C'est à Paris que s'est posé un problème. L'opération de la rue de la Convention n'a pas été gérée par le Quai, mais par France Domaine, soit Bercy.

La diminution de 10 % des crédits de fonctionnement sur trois ans concerne tous les ministères. Il est vrai qu'auparavant, le ministère des affaires étrangères avait été le plus discipliné... la vertu n'est pas toujours récompensée...

J'ai cependant obtenu que le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite ne lui soit pas appliqué en toute rigueur : ce sera un sur trois ; un sur cinq pour les titulaires. Sur 15 000 ETP, 8 000 sont occupés par des agents du circuit culturel, auxquels il convient d'ajouter ceux qui sont mis à disposition des Alliances françaises. Il me semble, sans être scandaleusement directif, que la création des Instituts français nous donne là une petite marge de manoeuvre ?...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - A ceci près que ce sont les postes de recrutés locaux que l'on supprime. Tout le monde sait que le réseau fonctionne en grande partie grâce à eux.

M. Bernard Kouchner, ministre. - Mon ministère n'a pas eu à pâtir d'un seul mouvement social. Savez-vous combien le poste de Washington compte de fonctionnaires titulaires ? Quinze sur 700 !

Les crédits de l'action culturelle baissent de 9,6 %. Il y avait eu une baisse de 10 % avant mon arrivée, que nous avons stabilisée en 2008 et 2009. La rallonge de 20 millions d'euros sur trois ans permet d'éviter l'effondrement. Aucune des têtes des trois agences ne se plaint des crédits avec lesquels nous démarrons. Le siège de l'Institut français comptera 150 personnes, auxquelles il convient d'ajouter 41 ETP supplémentaires venus de mon ministère, douze de l'Education nationale et huit du ministère de la culture.

La complémentarité entre instituts et alliances est engagée et l'amorce est excellente : nous avons longuement discuté le contenu de la convention passée avec l'Alliance française. J'en profite pour revenir un instant à la Foncière de l'Etat, dont nous avons, avec Bercy, proposé la création. Comment faire autrement ? Voyez Ankara, où toutes les agences sont réunies, avec l'Institut, dans un bel immeuble de sept étages : c'est formidable, et l'opération nous a rapporté de l'argent. Au Libéria, en revanche, pays que je connais bien, où l'ambassade devait être vendue, j'ai mis le holà. La précipitation est parfois dommageable sur le terrain. Quant à l'Italie, rassurer-vous : nous n'y avons rien à vendre.

M. Robert del Picchia. - Le Palais Farnèse ne nous appartient pas.

M. Bernard Kouchner, ministre. - Le rapport Colot-Joissains vient d'être remis. Il y est dit que les chiffres du ministère et de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger sont excessifs et que les entreprises ne se dégagent pas... Il propose le maintien du moratoire - c'est un progrès... Et l'extension de la « cristallisation ». Il ouvre la dangereuse question de l'équilibre entre dépenses d'exemption et bourses. Notre mission va aussi à prendre en charge les élèves locaux, sauf à mettre en péril, à terme, l'attrait de nos formations universitaires.

M. Robert del Picchia. - Le communiqué de presse de la présidence de la République vient de tomber. Est reprise l'idée de la cristallisation à 2007-2008, soit au moment où la mesure venait d'être mise en application, et concernait peu de monde. Sur l'éviction des enfants étrangers, le rapport relève que leur nombre n'a pas baissé, et qu'il a au contraire augmenté ces dernières années. Est également reprise l'idée du moratoire, maintenu en raison de la situation de crise. Le rapport demande le fléchage budgétaire de la prise en charge des bourses. Il faudrait deux sous-actions dans le même programme : il deviendra ainsi apparent que l'argent économisé sur la prise en charge est allé aux bourses.

M. Joseph Kergueris. - La réussite de la mise en complémentarité des réseaux et de l'Institut en création dépendra pour beaucoup de la mise en oeuvre de la loi relative à l'action extérieure de l'Etat. Quel est l'état d'avancement, monsieur le ministre, des décrets d'application ?

Relativement à l'Institut français, où en êtes-vous de la liste des établissements devant faire l'objet d'une expérimentation de rattachement direct ? L'Assemblée nationale a élargi la tutelle de CampusFrance, outre le ministère des affaires étrangères et celui de l'enseignement supérieur, à celui de l'immigration, directement intéressé par la politique des visas. Quelle est votre appréciation ?

M. Bernard Kouchner, ministre. - Le décret sera devant le Conseil d'Etat le 9 novembre. Il donne au ministre le pouvoir de trancher dans toute situation qui, malgré le poids de l'ambassadeur, donnerait lieu à conflit. M. Darcos, à la tête de l'Institut français, a fait le choix de conduire l'expertise sur seize gros pays au lieu des dix prévus par la loi. Il y aura deux expérimentations en Afrique, une dans un pays anglophone - j'ai proposé le Ghana. Les paramètres ne sont pas simples. Dans un grand pays comme l'Inde, nous n'avons aucun centre culturel... L'Afrique devrait avoir plus en proportion que l'Amérique latine et l'Asie. Il y a une balance à établir entre pays riches et pays pauvres... Et avec tout cela, les volontaires abondent...

Sur la question de la tutelle de CampusFrance, Matignon ayant tranché, je crois qu'il n'y aura pas de problème avec le ministère de l'immigration... La cotutelle est déjà en acte dans l'un des établissements. Vous serez content d'entendre, monsieur le sénateur Kergueris, que l'on constate, en quelques semaines, un vrai mouvement de collaboration.

M. Christian Poncelet. - Je me fais, monsieur le ministre, une réflexion. Je ne comprends pas pourquoi il a fallu attendre un récent attentat dramatique en Irak pour comprendre que certains fondamentalistes sont décidés à éliminer tous ceux qui ne partagent pas leurs convictions. Vous savez que j'appartiens à une région frontalière. C'est dès son accession au pouvoir qu'Hitler a créé les premiers camps d'internement. Et l'on ne s'est aperçu de l'existence des camps d'extermination que dix ans plus tard, en 1944... Il est grand temps d'ouvrir les yeux. Depuis des années, les chrétiens sont assassinés en Indonésie.

M. Bernard Kouchner, ministre. - Nous sommes, hélas !, en conflit avec une partie croissante du monde musulman qui n'est pas à l'image de cette minorité.

M. Christian Poncelet. - On ne peut rester sans rien faire : vous savez bien que les minorités agissantes finissent trop souvent par l'emporter.

M. Bernard Kouchner, ministre. - Il y a bien des nuances selon les pays. Les pays du Sahel qui ont été assez courageux pour mettre en place la démocratie sont à la merci de ce qui passe, de la Somalie à l'océan Atlantique. Je ne sais si on peut parler d'une organisation Al-Qaïda, tant l'action est particulière dans chaque pays. Voyez ce qui se passe au Liban.

M. Christian Poncelet. - Et M. Ahmadinejad, avec l'arme nucléaire ?

M. Bernard Kouchner, ministre. - ... Quant à l'attentat perpétré dans l'église syriaque de Bagdad, il est abject.

M. Christian Poncelet. - Le monde et la France doivent en prendre conscience. Je suis vosgien. A quelques kilomètres de chez moi, on exterminait des juifs. Et à l'époque nous n'avons rien fait.

M. Bernard Kouchner, ministre. - La situation n'est pas la même.

M. Josselin de Rohan, président. - Je vous remercie de cet échange et souligne, à l'attention de MM. Vantomme et Cambon que leur rapport est mentionné dans le document-cadre.

Jeudi 4 novembre 2010

- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -

Loi de finances pour 2011 - Audition de M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation

La commission auditionne M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation, sur le projet de loi de finances pour 2011 (missions Action extérieure de l'Etat et Aide publique au développement).

M. Josselin de Rohan, président. - Nous allons entendre M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats au ministère des affaires étrangères et européennes, nous présenter les trois programmes dont il a la charge : le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission « Action extérieure de l'Etat », le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », de la mission « Aide publique au développement », enfin, le programme 332, consacré à la double présidence française du G8 et du G20.

M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats au ministère des affaires étrangères et européennes. - Conformément au voeu des parlementaires, les crédits des programmes 185 et 209 font l'objet d'une nouvelle présentation : d'une approche géographique, avec le 185 pour le Nord et le 209 pour le Sud, nous passons à une logique stratégique, distinguant mieux l'action culturelle et d'influence d'une part, la solidarité à l'égard des pays en développement d'autre part. Cette distinction, cependant, ne porte pas sur les dépenses de personnels, car les agents agissent fréquemment sur les deux programmes. Nous développons de nouveaux outils, à l'aune de la loi sur l'action extérieure de l'Etat du 27 juillet 2010, en recourant autant que possible à des conventions d'objectifs et de moyens avec les opérateurs, et ce budget est la première application de la nouvelle loi de programmation triennale 2011-2013. Enfin, notre action doit être rapportée aux directives du Premier ministre pour réduire le déficit public : il nous est demandé de réduire nos dépenses de 10 % en trois ans, dont 5 % sur 2011.

Le programme 185 bénéficie du maintien de la rallonge de 20 millions consacrés à la relance de la politique culturelle extérieure, du maintien des bourses étudiantes parce que nous considérons essentiel de bien placer la France dans l'enjeu majeur de la mondialisation de l'enseignement supérieur, de l'accompagnement des nouveaux opérateurs de l'action extérieure de l'Etat et de la sanctuarisation des crédits de l'AEFE pour les trois années à venir. Au total, hors titre II -les dépenses de personnel-, ce programme représente, à périmètre constant, 669 millions, en recul de 1,6 % par rapport à 2010. Les tableaux chiffrés peuvent faire croire à une augmentation du fonctionnement bien supérieure aux interventions : c'est l'effet du transfert vers la subvention pour charge de service public de l'Institut français de crédits auparavant mis en oeuvre par le ministère des affaires étrangères et européennes (administration centrale et postes). L'opérateur redistribuera en fait des crédits aux postes et également aux Alliances françaises.

Le programme 209 s'élève, hors titre II, à 2,2 milliards en AE et à 1,9 milliard en CP. Sur la durée du triennum en CP, l'intégralité des moyens est préservée. Première priorité, l'effort d'aide publique au développement est maintenu, malgré la nécessité de réduire les dépenses publiques. Deuxième priorité, la coopération bilatérale, en redressement de 31 % à 35 % du total, bénéficiera de 68 millions supplémentaires venus de la réduction de notre participation au FED. Troisième priorité, la ligne « dons / projets » progresse fortement : 40 millions d'AE et 75 millions de CP supplémentaires, avec des actions spécifiquement suivies en Afghanistan, au Pakistan et en Haïti. Nous honorons les engagements de la France, notamment ceux pris cette année au G8 de Muskoka pour la santé maternelle et infantile. Enfin, nous maintenons notre soutien aux ONG, avec 45 millions d'AE sur trois ans et une gestion plus proche des ONG.

Le programme 332, enfin, prévoit 80 millions sur deux ans pour la présidence française du G8 et du G20 : 60 millions d'AE et 50 millions de CP en 2011, puis 20 millions de CP en 2012 (auxquels s'ajoutent des ouvertures en LFR 2010 de 20 M€ en AE et 10 M€ en CP). Ces crédits financeront également une série de réunions préparatoires et de rencontres. La France est le premier pays à présider simultanément le G8 et G20, c'est très important au moment où le monde se transforme rapidement, où la conscience de l'interdépendance et la montée d'aspirations nationales vont de pair, où l'on doit trouver un mode de gouvernance multipolaire, avec pour maître-mots la régulation, le développement et l'influence.

M. Josselin de Rohan, président. - Merci pour cette présentation. Je passe la parole à nos deux rapporteurs.

M. Christian Cambon, rapporteur. - Le document de politique transversale ne nous a toujours pas été transmis et le document-cadre ne nous a été remis qu'hier à 19h22, alors que nous en avions besoin plus tôt pour délibérer : pourquoi un tel retard ?

Je suis très sensible à ce que les crédits de l'APD soient préservés et à ce que la France continue de se placer au deuxième rang mondial. Cependant, nous ne parviendrons pas à honorer notre engagement d'atteindre 0,7 % du PIB, alors que nos voisins britanniques s'y préparent comme l'a souligné le premier ministre britannique lors du dernier sommet de l'ONU sur les OMD. A la suite d'une mission au Mali, nous nous sommes interrogés sur les moyens d'améliorer l'efficacité de l'aide européenne. Nous avons constaté une certaine dispersion, entre l'action des 27 ambassades, et celle de l'Union. Ne pourrait-on pas organiser des actions conjointes ? Nos interlocuteurs n'y sont pas opposés. Ne serait-ce pas plus efficace, à l'heure où nous devons faire des économies ?

Notre contribution au FED diminue, nous avons évalué cette diminution entre 100 et 150 millions, vous nous annoncez 68 millions : la différence est importante ! Qu'en est-il précisément, et comment seront utilisés ces fonds ?

Les actions d'aide au développement peuvent-elles être davantage évaluées ? C'est plus facile pour les actions bilatérales, car les actions multilatérales se déploient souvent à plus long terme et, comme l'a montré l'évaluation du fonds sida, elles entrainent des frais de gestion plus importants. M. le ministre a reconnu que l'exercice était difficile, mais ce n'est pas une raison pour ne rien faire. Il a indiqué également qu'il associerait volontiers le Parlement à un tel exercice : comment voyez-vous les choses ?

Enfin, dans un contexte où l'action s'oriente vers les pays émergents, comment comptez-vous appliquer la priorité aux pays d'Afrique subsaharienne, où les besoins sont criants ?

M. André Vantomme, rapporteur. - Nous avons été bien ingrats avec M. le ministre, puisque nous lui avons reproché la transmission tardive du document-cadre. Que dire du document de politique transversale qui n'est toujours pas public ? Pourquoi un tel retard ? Notre travail en a pâti, alors que nous sommes dans notre droit en en demandant la transmission dans les délais.

L'an passé, le ministère annonçait que l'AFD se voyait confier la gestion des crédits aux ONG, le ministère le reprend aujourd'hui : pourquoi ces va-et-vient ?

Sur le réchauffement climatique, alors que le protocole de Kyoto vient à échéance en 2012 et qu'on annonce la mise en place d'un fonds mondial de l'environnement, où en sont les négociations ?

Au G8 de Muskoka, la France s'est engagée à publier la liste de ses engagements, notamment cette de consacrer 0,7 % de son PIB à l'APD : où en est-on de cette publication ?

Le président de la République a réaffirmé la priorité donnée à l'Afrique subsaharienne et aux 14 pays les plus pauvres, mais les chiffres contredisent cette affirmation : nous sommes passés de 219 millions en 2005 à 158 millions en 2009. Comment comptez-vous appliquer cette priorité ?

M. Jacques Berthou. - Quelles sont les actions réalisées en Afghanistan et au Pakistan ? Lesquelles de ces actions sont-elles pérennes, en particulier en cas de retrait de nos troupes en Afghanistan ?

M. Christian Masset. - Nous avons remis en temps et en heure notre partie du document de politique transversale, et nous constatons comme vous que sa transmission, au gré des arbitrages interministériels, a pris du retard.

La France s'est engagée à consacrer 0,7 % de son PIB à l'APD : nous sommes parvenus à maintenir nos crédits, malgré la nécessité d'économies budgétaires. Tous nos voisins n'y sont pas parvenus, même s'il nous reste encore à faire pour atteindre notre objectif.

Le Mali est un pays test de la procédure européenne dite de fast track, où les pays de l'Union réalisent des actions conjointes, sous l'égide d'un chef de file. Cette démarche va dans le sens que vous souhaitez, je vous tiendrai informé de ses résultats.

Les programmes du 10ème FED ne sont pas évalués globalement, les engagements sont faits par tranche de cinq ans avec un réajustement chaque année et il faut prendre en compte les négociations avec les pays ACP. Nous voulons aller vers une budgétisation de nos engagements, à partir de 2013, ce qui suppose de remettre à plat l'ensemble des instruments de l'Union, y compris le FED, trop rigides et trop compartimentés.

Pour le Fonds sida, il existe plusieurs organes d'évaluation, comité financier, comité scientifique ; nous avons pris l'initiative d'augmenter notre part de 20 % et obtenu que le fonds en fasse autant ; l'efficacité est certaine, la pandémie est endiguée ; nous allons nous resserrer sur des priorités. Reste à obtenir un siège réservé au lieu de partager le nôtre avec l'Espagne.

Une évaluation globale de notre dispositif a eu lieu avec la RGPP, nous sommes aussi évalués par le Comité d'aide au développement (CAD) dont le président vient de nous délivrer un satisfecit, sa lettre est à votre disposition. Et nous avons dans nos murs- pour un an- une mission de la Cour des comptes.

Le document-cadre fixe la part de l'Afrique subsaharienne à 60 % des interventions, dont 50 % pour les 14 pays les plus pauvres : la priorité sur ces pays est maintenue, nous sommes même au-delà. La diminution de notre contribution au FED rend disponibles 68 millions - nous avons vérifié ce chiffre dans le détail -, nous comptons les utiliser pour l'essentiel dans des projets d'aide bilatéraux en matière de santé et de protection maternelle et infantile, enjeu crucial dans ces pays où la mortalité infantile et maternelle sont très importantes.

La RGPP nous avait conduits l'an passé à confier à l'AFD la ventilation des 45 millions de crédits que nous consacrons chaque année aux ONG. Certaines ONG ont craint que ce changement ne cadre pas avec leurs spécificités. Elles s'en sont ouvertes au ministre et nous avons été conduits à envisager de redéfinir le système en rapatriant la décision au ministère, même si la mise en oeuvre resterait sous la responsabilité de l'AFD.

Sur le réchauffement climatique, notre objectif est de parvenir à un accord global qui soit juridiquement contraignant. Nous n'y parviendrons pas à la conférence de Cancun, qui sait si nous l'aurons au Cap... Si l'accord de Copenhague n'est pas contraignant, des engagements politiques forts ont été pris en annexe, soutenus par 140 pays, qui représentent les neuf dixièmes des émissions de gaz. Des solutions ont été trouvées sur le financement, sur les transferts de technologie : ce sont des progrès. Nous tâchons d'aller plus loin, dans chacun des groupes, en particulier le groupe Forêts : à Cancun, nous espérons l'adoption du principe d'un fonds vert.

A l'échelon européen, le Conseil environnement a réaffirmé son attachement à la reconduction du protocole de Kyoto, moyennant un accord global dont le contenu serait comparable à celui de Copenhague. L'Union veut donc bien aller plus loin, à condition que ses partenaires s'engagent aussi. Les premiers pas pourraient être accomplis à Cancun et poursuivis en Afrique du Sud, au Cap. Sans financements innovants, l'objectif de 100 milliards de dollars par an d'ici 2020 sera difficile à tenir.

Nous poursuivons notre effort en Afghanistan avec 20 millions, qui vont à l'agriculture, à l'électrification rurale, à la santé, à la formation d'instituteurs et à celle d'enseignants de français pour développer la francophonie ainsi qu'à la gouvernance. Nos actions se déroulent dans les vallées de Kapisa et Surobi, en accompagnement de l'action de nos troupes, pour bien montrer que développement et sécurisation vont de pair.

M. Josselin de Rohan, président. - Nous passons au programme 185.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur. - Je n'aborderai que les points que nous n'avons pas évoqués hier avec le ministre. En premier lieu, la place de la France dans la mondialisation de l'enseignement supérieur.

Vous stabilisez les crédits de bourses mais à un niveau qui avait auparavant beaucoup diminué par rapport à la forte relance du temps d'Hubert Védrine ! Je crains que les postes diplomatiques, à cours de crédits d'intervention, continuent malgré les consignes à utiliser cet argent pour autre chose. Et y aura-t-il une triple tutelle sur CampusFrance, avec le ministère de l'Immigration ? Le ministre n'a pas été clair.

La nouvelle organisation de l'Institut français inquiète les Alliances françaises : leurs crédits transitant désormais par l'institut, comment garantir qu'elles les retrouveront bien tous ?

Enfin, si le maintien du moratoire et la cristallisation du montant de la prise en charge (PEL) garantissent une partie des ressources de l'AEFE, cette garantie ne va pas au-delà de 2012. Ensuite, l'agence n'aura pas d'autre alternative que de se tourner vers les familles, en augmentant les droits de scolarité. Le ministre ne m'a pas répondu hier. L'agence a déjà subi des transferts de charges immobilières, je crains qu'on recommence et qu'elle se retrouve avec des bâtiments datant des années 60 qui ne sont plus aux normes. Il faudrait entre 140 et 300 millions en cinq ans...Sans un sou dans le budget, il faudra bien faire payer les familles !

Même cause, mêmes effets pour les pensions civiles des fonctionnaires détachés. On peut réduire leur nombre - mais nous sommes à la limite du nombre d'enseignants titulaires, surtout dans le primaire, au risque de baisse du niveau dans les pays non francophones. La dotation de l'AEFE ne couvre pas le coût des cotisations sociales, l'agence évalue à 24 % les ressources propres à trouver mais elle n'en a pas d'autre que les frais de scolarité : comment éviter qu'ils montent de 50 % en quelques années ? La demande de bourses va « déraper » comme dit le rapport Colot-Joissains.

M. Joseph Kergueris. - Quelles seront les modalités de la mise en place de l'Institut français et CampusFrance, en particulier celles de sa tutelle ?

M. Christian Masset. - La mondialisation de l'enseignement supérieur est un enjeu essentiel pour le rayonnement et l'influence d'un pays, et la France parvient à maintenir sa troisième place mondiale, qu'elle conforte avec une progression régulière de 220 000 étudiants en 2003 à 270 000 alors que l'Allemagne enregistre un recul. Campus France sera un acteur considérable de diffusion de notre culture, malgré les incompréhensions résultant parfois de la fragmentation entre universités et grandes écoles.

Nous entendons bien stabiliser le nombre de bourses et les postes qui ne s'y conformeraient seront sanctionnés par une diminution des crédits l'année suivante, jusqu'au double du montant...La ressource ne vient pas seulement du budget du MAEE, universités et écoles mènent leurs propres actions. L'important c'est la présence d'une « équipe France ». Campus France sera ainsi le grand opérateur, avec un seul guichet, notamment grâce à la fusion du CNOUS international et d'Egide, ce qui est un énorme progrès.

Le budget de l'AEFE est suffisant pour 2011, mais vous avez raison de dire qu'il faudra trouver des solutions pour 2012 : le maintien des 420 millions cette année est une très bonne nouvelle, cette enveloppe garantit de passer l'année 2011 sans encombre. Au-delà, nous devons trouver un modèle soutenable. L'audit RGPP a souligné l'importance de la place des familles et je ne crois pas injuste de les faire participer, dès lors que des bourses aident celles qui en ont besoin. L'enseignement du français à l'étranger se réforme, il démontre une très grande vitalité et nous continuerons de l'accompagner.

S'agissant de Campus France, le décret est rédigé et l'ambassadeur Pierre Buhler en a été désigné le préfigurateur. Nous pensons comme vous que la triple tutelle n'est pas une bonne solution, ne serait-ce que par souci d'efficacité. Nous l'avons fait savoir et je crois que le Premier ministre le pense aussi. Le rattachement du service international du CNOUS se fera d'ici la fin 2011. Les inspections générales des deux ministères préparent un rapport, la lettre de mission est partie. Nous regardons à être le plus efficace possible.

M. Christian Cambon. - Comment comptez-vous associer le Parlement à l'évaluation ?

M. Christian Masset. - Par ses rapporteurs ; nous vous envoyons tous les rapports d'évaluation, le programme pour 2011 va vous être transmis, notamment tout ce que nous faisons à partir des indicateurs ; nous sommes prêts à travailler avec un groupe de spécialistes si vous le constituez.

M. Josselin de Rohan, président. - Merci de votre participation.