Mardi 5 février 2013

- Présidence de M. Michel Teston, vice-président -

Présence médicale sur l'ensemble du territoire - Examen du rapport d'information

La commission examine le rapport d'information du groupe de travail sur la présence médicale sur l'ensemble du territoire.

M. Michel Teston, président. - Je voudrais excuser le président Vall, grippé et dans l'impossibilité d'être avec nous aujourd'hui. Nous examinerons d'abord le rapport d'information du groupe de travail sur la présence médicale sur l'ensemble du territoire, mis en place au mois de mai dernier sur ce sujet crucial tant pour nos concitoyens que pour les élus locaux.

Le groupe de travail a procédé à de nombreuses auditions et à plusieurs déplacements. La commission a également entendu sur ce sujet, les ministres Marisol Touraine et Cécile Duflot. Monsieur le président, Jean-Luc Fichet, et Monsieur le rapporteur, Hervé Maurey, nous sommes impatients de connaitre les conclusions de vos travaux.

M. Jean-Luc Fichet, président du groupe de travail sur la présence médicale sur l'ensemble du territoire. - Seize sénateurs ont participé aux travaux de notre groupe qui a mené une quarantaine d'auditions. Je suis heureux de la qualité du travail accompli et des conclusions présentées en harmonie avec Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey, rapporteur. - Outre les auditions que nous avons réalisées, nous avons recueilli une cinquantaine de contributions via l'« espace participatif » mis en place sur le site internet du Sénat et nous avons adressé des questionnaires aux médecins de nos départements respectifs. Le rapport, intitulé « Déserts médicaux : agir vraiment », a été adopté à l'unanimité au sein du groupe de travail.

Des inégalités dans la répartition territoriale de l'offre de soins existent, qui tendent à s'accroître. Paradoxalement, le nombre des professions de santé est globalement suffisant, puisque la France compte près de 200 000 médecins et, avec une densité moyenne de 330 médecins pour 100 000 habitants, se classe au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE. Le problème vient des inégalités de répartition, avec des densités qui varient, d'un département à l'autre, de un à deux pour les médecins généralistes libéraux, de un à huit pour les spécialistes, ou de un à neuf pour les infirmiers libéraux. Ces inégalités sont encore plus criantes à un niveau infra-départemental : même des départements bien dotés en professions de santé, comme les Alpes-Maritimes, comptent des déserts médicaux.

En outre, l'accès aux soins est souvent difficile pour nos concitoyens. Selon la direction générale de l'offre de soins du ministère de la santé, 95 % de la population métropolitaine se trouve à moins de 15 minutes de trajet des soins de proximité fournis par les médecins généralistes, les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes et les chirurgiens-dentistes libéraux. Mais qu'en est-il pour les 5 % restants, soit plus de trois millions d'habitants ? Surtout, plus que la distance, c'est le temps d'attente pour obtenir une consultation qu'il faut considérer : 4 jours en moyenne pour consulter un généraliste, mais de 3 à 4 mois pour un ophtalmologue, et parfois jusqu'à 18 mois selon une enquête de l'UFC Que Choisir. Ainsi, 58 % des Français auraient déjà renoncé à des soins en raison de la difficulté d'obtenir un rendez-vous.

Enfin, les perspectives sont inquiétantes. L'impact décalé dans le temps du resserrement du numerus clausus jusque dans les années quatre-vingt-dix se traduira par une diminution de près de 10 % du nombre des médecins entre 2010 et 2020, alors que la demande de soins augmente, notamment en raison du vieillissement de la population. Diminution du nombre des médecins, mais aussi réduction du temps d'exercice médical : d'une part, les jeunes générations de médecins ne sont plus disposées à travailler 60 ou 70 heures par semaine - d'où leur préférence pour l'exercice salarié -, d'autre part, la charge des tâches administratives s'alourdit. De plus, selon une enquête réalisée pour le conseil national de l'Ordre des médecins, 63 % des étudiants en médecine n'envisagent pas d'exercer en zone rurale.

Les mesures mises en place par les gouvernements successifs pour remédier à l'existence de déserts médicaux, qu'elles soient d'ordre structurel ou incitatif, n'ont pas eu les effets escomptés.

La planification régionale de l'offre de soins a été élaborée sous la responsabilité des agences régionales de la santé (ARS) créées par la loi « hôpital, patients, santé et territoires », dite HPST, du 21 juillet 2009. Mais dans les schémas régionaux de l'offre de soins (SROS) seul le volet hospitalier demeure opposable, le volet ambulatoire ne l'est plus depuis la « loi Fourcade » de 2011.

La permanence des soins n'apporte de réponse aux besoins des patients qu'aux heures de fermeture des cabinets médicaux et ne résout pas la question de la désertification.

Le soutien au développement des maisons et pôles de santé est une autre réponse : il existe déjà environ 400 structures de ce genre et 1 000 projets seraient en cours. Toutefois, leurs coûts de fonctionnement sont plus élevés que ceux d'un cabinet médical traditionnel, et le mode de rémunération à l'acte est inadapté à un exercice pluriprofessionnel coordonné. Ces structures contribuent à accélérer le processus de concentration géographique des professionnels de santé. Enfin, certaines maisons de santé ne disposent pas de médecin !

La dernière réponse structurelle consiste en une régulation des installations. Le dispositif le plus ancien concerne les pharmacies. Le mécanisme a été appliqué aux infirmiers en 2008 et pérennisé en 2011. Il a été étendu en 2012 aux masseurs-kinésithérapeutes, aux sages-femmes, aux chirurgiens-dentistes et aux orthophonistes. Le principe est celui de la liberté d'installation, mais si la zone est déjà sur-dotée, le nouveau venu ne peut bénéficier du régime de conventionnement. Grâce à cette mesure, depuis 2008, le nombre d'installations d'infirmiers en zones sous-dotées a augmenté.

Il existe un ensemble de dispositifs incitatifs financés par l'État, l'assurance maladie, ou les collectivités territoriales. La Cour des comptes a souligné leur absence de lisibilité. Elle n'est pas parvenue à en évaluer les coûts globaux, même si certaines mesures sont très onéreuses : de l'ordre de 50 000 euros en exonérations fiscales et sociales à la charge de l'État pour chaque installation en zone de revitalisation urbaine ou rurale. De même, aux termes de l'avenant n° 20 à la convention médicale de 2005, l'assurance maladie garantit une majoration de 20 % des honoraires des médecins s'installant dans les zones sous-dotées. Selon la Cour des comptes, cette mesure, qui a coûté 20 millions d'euros, pour 773 bénéficiaires en 2010, ne s'est traduite que par un apport net de l'ordre de 50 médecins dans les zones déficitaires depuis 2007. Elle a surtout produit un effet d'aubaine.

La loi HPST a créé un contrat d'engagement de service public (CESP). Il s'agit d'une allocation de 1 200 euros par mois offerte aux étudiants en médecine en échange de leur engagement d'exercer dans des zones sous-dotées. Seuls 350 CESP ont été signés : non seulement le dispositif est insuffisamment connu mais les étudiants en médecine sont de plus en plus issus d'un milieu aisé ; et tous hésitent à s'engager avant même d'avoir choisi une spécialité et une région d'installation.

Enfin, depuis la loi de 2005, les collectivités territoriales sont autorisées à attribuer des aides aux maisons médicales, ou à octroyer des bourses d'étude aux étudiants qui s'engagent à exercer dans une zone déficitaire. Mais ces systèmes sont opaques. J'ai écrit aux vingt-six ARS pour leur demander des éléments d'évaluation ; dans leur très grande majorité, elles n'ont pas été en mesure de me communiquer de chiffres.

Ces résultats peu encourageants nous incitent à faire montre de volonté et de courage pour agir, sans tabou ni a priori. Il est nécessaire d'intervenir sur tous les registres.

Le premier registre concerne les études de médecine : celles-ci forment des praticiens hospitaliers plus que des médecins. Il faut engager une réflexion approfondie sur la sélection initiale, brutale, fondée sur les disciplines scientifiques et qui favorise les étudiants des milieux urbains et aisés, car le passage par une « prépa » privée est devenu indispensable. Et les jeunes citadins ont peu d'appétence pour s'installer en milieu rural ! Diversifions les matières enseignées, avec des cours de gestion, de communication, de psychologie, d'éthique, d'économie de la santé.

Moins de la moitié des étudiants accomplissent effectivement, en cours de deuxième cycle, le stage d'initiation à la médecine générale qui est pourtant obligatoire. Je propose que ce stage conditionne la validation du deuxième cycle des études médicales. Encore faut-il prévoir des aides au logement, un accompagnement, un accueil approprié des stagiaires.

Enfin il est nécessaire de régionaliser les épreuves classantes, en adaptant le nombre de postes ouverts aux besoins de chaque région. Aujourd'hui, la liste est nationale. Et des étudiants préfèrent redoubler plutôt que de devenir généraliste. Un décret de 2011 a cependant limité les possibilités de redoublement. L'instauration d'une quatrième année, professionnalisante, dans le cadre du troisième cycle de médecine générale, comme l'a suggéré l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG), est également intéressante, surtout si elle se déroule dans des territoires sous-dotés.

Un autre registre dans la lutte contre les déserts médicaux consiste à raisonner à l'échelle de territoires. Notre collègue Pierre Camani nous a présenté l'expérience exemplaire du Lot-et-Garonne qui a mis en place une commission de la démographie médicale associant l'ARS, le conseil départemental de l'Ordre des médecins et l'assurance maladie. Le territoire du département a été réparti en quinze « aires de santé », dans le cadre desquelles la commission valide les projets de pôles ou maisons de santé, en fonction des besoins.

Favorisons les délégations de tâches des médecins vers d'autres professions de santé, comme les infirmières ou les pharmaciens. Les médecins généralistes auront ainsi un peu plus de temps d'activité médicale, ils pourront prendre en charge certains des actes aujourd'hui réalisés par les spécialistes.

Encourageons l'exercice regroupé pluriprofessionnel, dans le cadre de maisons de santé. De nouveaux modes de rémunération forfaitaire sont indispensables, comme des « forfaits structure » pour couvrir les frais induits. Revoyons aussi le mode de rémunération à l'acte : ainsi, pour les pathologies lourdes, un mandat de santé publique, avec rémunération forfaitaire, serait plus pertinent.

Améliorons le statut du médecin retraité actif : ceux qui poursuivent leur activité cotisent à la retraite sans en retirer un quelconque bénéfice. Dans les zones sous-dotées, une exonération de cotisations serait bienvenue.

Encourageons également le recours à la médecine salariée, à l'image du centre de santé de La Ferté-Bernard, que son maire nous a décrit, ou à la télémédecine, qui nécessite une couverture en haut débit adaptée et l'établissement d'une cotation tarifaire spécifique aux actes de télémédecine.

Troisième registre : il apparaît nécessaire de procéder à un audit approfondi de l'ensemble des mesures d'incitation. Inutile de financer des maisons de santé qui ne comptent pas de médecins ! Les agences régionales de santé doivent constituer, comme le propose le ministère de la santé, le point d'entrée unique des aides financières. Un référent en leur sein sera le garant de la coordination des aides et d'une bonne information à l'attention des étudiants, souvent ignorants les dispositifs en vigueur.

Enfin, la régulation. Les mesures progressivement mises en place depuis 2008 ont eu des résultats probants. Nous nous sommes rendus à Berlin pour étudier le fonctionnement du système allemand, où la régulation a été introduite en 1992. Je propose d'étendre aux médecins le conventionnement sélectif en fonction des zones d'installation, tel qu'il s'applique déjà aux principales autres professions de santé. Le conventionnement serait réservé aux zones sous-dotées définies par les ARS, sauf reprise d'un cabinet en cas de départ à la retraite ; les dispositifs incitatifs seraient recentrés sur les zones sous-dotées.

Doit-on aller au-delà ? Instaurer une obligation de service des médecins en début de carrière dans les zones sous-dotées ? Subordonner à une autorisation des ARS l'installation dans les zones surdenses, comme le proposait Jean-Marc Ayrault, en 2011, dans une proposition de loi ? Nous avons conclu qu'il fallait d'abord prendre des mesures fortes concernant les spécialistes. Dans certains départements dépourvus de CHU, on n'en trouve plus. A Châteauroux, il n'y a plus de cardiologue et l'hôpital surpaie des vacations ponctuelles de spécialistes ou recrute des médecins étrangers qui ne maîtrisent pas toujours notre langue ou dont le diplôme n'est pas reconnu - on les laisse tout de même exercer, car on a besoin d'eux... Je préconise d'instaurer pour les médecins spécialistes une obligation d'exercer pendant une période de deux ans dans les hôpitaux de chef-lieu, si une pénurie a été constatée par l'ARS.

En ce qui concerne les médecins généralistes, il est important que les étudiants prennent conscience qu'une telle régulation est susceptible d'être mise en place dans l'avenir et que les règles du jeu peuvent changer. Certes cette mesure créerait une inéquité entre générations, mais à s'en tenir à cet argument, toute réforme serait impossible en France !

M. Gérard Cornu. - Ce rapport excellent aborde l'ensemble des problématiques ; espérons qu'il servira de point de départ à de nouvelles mesures !

La qualité des soins, c'est aussi la rapidité : des délais d'attente de plusieurs mois sont intolérables.

Vous avez évoqué le dispositif existant : n'oublions pas l'obligation de consulter un généraliste avant de consulter un spécialiste. Elle fait enrager les généralistes comme les patients, et coûte à la Sécurité sociale.

La régulation ? Elle fonctionne certes pour les généralistes, mais, pour les spécialistes, le non-conventionnement ne serait sans doute pas un obstacle, tandis qu'il aurait des effets pervers pour les patients, en réservant aux riches l'accès aux soins. J'étais opticien et audioprothésiste, je connais le sujet.

Le point le plus important me semble la délégation d'actes à d'autres professions. La régulation concerne les pharmaciens, les kinésithérapeutes, les dentistes, non les opticiens pour lesquels on observe un bon maillage de territoire. Ces professions pourraient accomplir 70 % des actes courants d'ophtalmologie et orienter les personnes vers le médecin si nécessaire. N'est-ce pas préférable à un délai d'attente de plusieurs mois ? Il en va de même pour les pharmaciens ou les infirmiers. Si le sujet est tabou, c'est que les médecins savent se protéger...

Le projet de loi sur les droits des consommateurs rapporté par Alain Fauconnier et adopté par le Sénat permettait notamment aux opticiens de prolonger la durée d'une ordonnance de trois à cinq ans. Mais nous avons reçu une volée de bois vert de la part des ophtalmologues : ils ne manquent pourtant pas de consultations, puisqu'il faut six mois pour obtenir un rendez-vous ! Le texte n'a jamais été adopté par l'Assemblée nationale. Il nous faudra beaucoup de volontarisme car le milieu médical aime se protéger mais il aime moins déléguer. Or le politique a son mot à dire !

Mme Évelyne Didier. - Lors des auditions menées par le groupe de travail, il est apparu que la présence médicale était une question de répartition, non de pénurie, sauf pour quelques spécialités.

Pour de multiples raisons, 70 % des médecins souhaitent devenir salariés, pour exercer un travail normal et non une semaine de 60 heures, sans compter les gardes. Ils veulent aussi travailler en équipe.

J'ai rencontré le président du Conseil de l'ordre en Meurthe-et-Moselle : un contrat de remplacement avec SOS Médecins a réglé la question des gardes de nuit. La collaboration entre le SDIS et le Samu est excellente. Cette organisation n'a entraîné aucune difficulté. Mon interlocuteur soulignait également que des médecins habitent en ville et vont travailler à la campagne. Quant aux stages, la faculté de médecine de Nancy veille à ce qu'ils soient effectués, auprès de médecins libéraux du milieu rural ou péri-urbain. En la matière la volonté des doyens de faculté est déterminante. Selon mon interlocuteur encore, l'unicité du diplôme est un obstacle à la polyvalence ; il n'est pas possible dans le système actuel d'acquérir diverses compétences. Enfin le paiement à l'acte n'intégrerait pas le coût des nouvelles technologies.

Parlons aussi des réseaux de soins et du rôle de l'hôpital de proximité dans l'accueil des malades. C'est une autre dimension importante de la présence médicale.

M. Alain Le Vern. - Les mesures proposées par le libéral Hervé Maurey sont très autoritaires !

Certaines dispositions existent déjà. Ainsi, en Haute-Normandie, nous nous appuyons sur un partenariat entre les agences régionales de santé (ARS), le doyen de la faculté et les collectivités territoriales, en l'occurrence la région, qui est pilote. Elle accorde des bourses aux étudiants stagiaires dans les zones déficitaires. Seuls 10 % des étudiants indiquent souhaiter devenir généralistes. Le doyen est favorable à des mesures coercitives d'affectation, comme il en existe dans les grandes écoles et dans d'autres professions.

Il faut s'appuyer sur les hôpitaux locaux - et pas seulement les CHU - qui doivent être le lieu de l'accès aux soins, notamment pour les urgences. On compte moins de 30 lieux d'accès. Ceux-ci pourraient être développés en milieu rural, tout comme la télémédecine.

Concernant les maisons pluridisciplinaires de santé, disséminées sur le territoire, il revient aux ARS d'en assurer le pilotage, leur reconnaissance préludant à un contrat avec la région. Plus simplement, les collectivités peuvent aussi financer des locaux afin de ne pas décourager l'initiative de certains médecins désireux de s'organiser librement pour assurer un service d'urgence. L'aide à l'installation est alors légitime, et même souhaitable, notamment dans les zones interstitielles suburbaines qui risquent, sinon, de devenir déficitaires dans une dizaine d'années, les médecins les ayant quittées au profit d'autres structures.

Mme Laurence Rossignol. - Je salue la qualité du rapport et son audace. Il met en lumière la contradiction d'un système fondé à la fois sur la liberté d'installation, le paiement à l'acte, le libre choix du médecin, et sur un financement socialisé. Cela a bien fonctionné tant que nous en avions les moyens. Ce n'est plus le cas. Il est étonnant que ceux qui pourfendent les conservatismes dans la société soient ici autant compréhensifs.

Le médecin référent ? J'avais interrogé la ministre, mais sa réponse m'a laissée sur ma faim. Ce mécanisme fut instauré quand la Sécurité sociale luttait contre le nomadisme médical et la surconsommation de soins. Mais, alors qu'il a fallu quinze ans pour le mettre en place, les problématiques ont changé. L'instauration d'un filet de soins pourrait être une des propositions de ce rapport, car la pénurie de généralistes dissuade les assurés de consulter. Il faut adapter le système, ainsi que les sanctions, à la démographie médicale du territoire. Le phénomène n'est pas marginal, comme le pense notre ministre : peu de médecins acceptent de devenir médecins référents.

M. Benoît Huré. - Les rapports sur ce sujet ont été nombreux et inégaux. Le diagnostic est désormais bien établi. L'instauration d'un médecin référent avait pour objectif de limiter autant que possible le nomadisme médical mais aussi - le nomade n'étant pas nécessairement le mieux soigné - les catastrophes médicales. Gardons cela à l'esprit...

Les auditions nous ont confirmé ce que nous entendons dans nos circonscriptions : les praticiens médicaux sont, comme les enseignants et de nombreuses autres professions, de plus en plus submergés par les tâches administratives, qui occupent désormais jusqu'à 35 % de leur temps de travail !

Le problème est moins celui de la pénurie que celui de la répartition des médecins, car en nombre de praticiens rapporté à la population, les comparaisons internationales sont plutôt flatteuses pour notre pays.

La plupart des étudiants appréhendent l'exercice libéral de la médecine. Mais lorsqu'ils sont accueillis et suivent des stages intéressants, des vocations naissent. En outre, une part croissante de nos jeunes médecins aspire à exercer dans le cadre pluridisciplinaire des pôles de santé.

M. Jean-Jacques Filleul. - Le rapport est d'une grande qualité, mais ne fait guère mention des gardes médicales. Ce problème très compliqué est généralement traité par les médecins entre eux. Les maires ont rarement voix au chapitre. Dès 19 heures 30 ou 20 heures, il n'y a plus de présence médicale, hormis les numéros d'urgence 15 ou 17. Du coup, les urgences des cliniques ou des CHU sont encombrées, parfois pour de la bobologie. Le rapport examine-t-il ce problème ?

M. Ronan Dantec. - Ce rapport souligne que notre territoire ne ressemble plus à l'image que nous en avions. Les problèmes ne se concentrent pas dans ce que l'on a appelé la « diagonale du vide ». La Loire-Atlantique se porte plutôt bien, elle est dynamique, mais à plus de 40 kilomètres de Nantes, il est difficile de trouver un médecin.

Je partage l'avis de Laurence Rossignol : notre système doit être rationalisé financièrement. Il faut le faire sans porter atteinte au principe cardinal de liberté d'installation. Si nous ne parvenons pas à concilier les deux exigences, notre médecine deviendra très inégalitaire. Une fois l'équilibre trouvé, certains points resteront à préciser, par exemple, la compensation du surcoût de transport occasionné pour les médecins en zone rurale.

La question de l'installation des médecins est indissociable d'une autre, l'avenir des hôpitaux de proximité, structures susceptibles de soutenir les médecins, qui redoutent l'isolement. Il faut en outre développer les liens qui unissent ces hôpitaux aux CHU, dans une vision plus intégrée.

Je forme le voeu que la masse de propositions que contient ce rapport ne soit pas enterrée mais fasse l'objet de dispositions législatives prochaines. Il y a urgence !

M. Philippe Esnol. - Dix-huit mois d'attente pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste, c'est surréaliste, et pourtant bien réel. Les médecins me répètent qu'il y a une pénurie de généralistes, à cause du resserrement du numerus clausus, et à ce qu'il faut bien appeler une crise des vocations pour la médecine générale. D'ici à dix ans, disent les généralistes, même en zone urbaine nous ne serons plus assez nombreux. Comment les persuadera-t-on d'aller en zone rurale si la pénurie s'étend ? Agir sur le seul numerus clausus n'aura pas d'effet à très court terme. Quelles réponses apporter et dans quels délais, voilà ce qui m'inquiète.

M. Vincent Capo-Canellas. - C'est un excellent rapport. Il met l'accent sur les zones rurales et n'oublie pas les banlieues, dans lesquelles d'autres problèmes se posent, notamment de sécurité : en Seine-Saint-Denis récemment, dans une autre commune que la mienne, un médecin a été victime d'un vol de voiture avec violence. D'autres tombent dans des guets-apens. L'accompagnement que nous offrons aux médecins dans ces situations est insuffisant, mais je conviens que les solutions à apporter à ce phénomène ne sont pas simples.

M. Rémy Pointereau. - Je renouvelle mes félicitations au rapporteur pour la qualité de son travail.

Ne pourrait-on instaurer une obligation pour les médecins d'informer les collectivités territoriales lorsqu'ils partent en retraite ou quittent leur commune d'exercice ? Dans mon chef-lieu de canton récemment, un médecin installé depuis dix ans est parti pour Vierzon, à dix kilomètres, conservant une partie de sa clientèle, avant de quitter définitivement le Cher pour la Martinique. Nous l'avons su trop tard. La situation aurait été plus facile à gérer si nous avions pu l'anticiper. Autre exemple : à Bourges, une zone franche a été créée. Tous les médecins jusqu'à 30 kilomètres alentour sont partis s'y installer, sans avertir les communes qu'ils quittaient !

Enfin, je souhaiterais que soit ajoutée au rapport la synthèse des réponses des médecins à nos questionnaires.

M. Robert Navarro. - Ce rapport est globalement bon. Un domaine a néanmoins été passé sous silence. Dans ma jeunesse, les médecins se déplaçaient pour soigner les populations à risque, les gitans par exemple. Aujourd'hui, les personnes à risque sont de plus en plus nombreuses ; or les services sociaux ne vont pas les voir, les médecins encore moins. Dans l'agglomération de Montpellier, des milliers d'habitants sont ainsi délaissés. Du coup, ce sont les urgences et le CHU qui traitent, a posteriori, les situations les plus graves. Il faut dire aux médecins : vous avez des droits, dont celui de vous battre pour réclamer de meilleures conditions d'exercice, mais aussi des devoirs, comme celui d'assistance à la personne humaine. Ce principe mériterait d'être réaffirmé au cours des études universitaires.

M. Benoît Huré. - Le médecin est souvent en danger quand il se déplace dans ces zones-là.

M. Robert Navarro. - Allons ! Les gens malades ne vont pas agresser ceux qui viennent les soigner !

M. Benoît Huré. - Eux non, mais leur entourage oui !

M. Hervé Maurey, rapporteur. - Je conviens que l'obligation de passer par un généraliste pour voir un spécialiste doit être revue : elle allonge les délais, lorsque les généralistes ne refusent pas tout bonnement d'être médecin traitant.

Le déconventionnement ne serait possible que dans les zones sur-dotées. Notez que les spécialistes qui choisissent de se déconventionner, dans des zones très bien dotées comme Paris, n'ont pas toujours l'activité que l'on croit. Je connais des dentistes parisiens déconventionnés à la recherche de patientèle.

La répartition des compétences entre opticiens et ophtalmologues est un point qui figure dans le rapport.

Selon les régions, le taux de réalisation du stage en secteur ambulatoire varie de 0 % à 100 %. Tout dépend de l'attitude des facultés... Nous avons intégré au rapport les remarques que formulait Evelyne Didier sur l'importance des réseaux de soins et le rôle de l'hôpital. Celui-ci est bien sûr un acteur majeur de la santé à l'échelle d'un territoire. Aucun mur de Berlin ne le sépare des praticiens libéraux. Il est par exemple des hôpitaux qui salarient des médecins libéraux, le patient réglant sa consultation à l'ordre du Trésor public.

M. Le Vern ne résiste jamais à l'envie de me lancer une petite pique. Bien que la Haute-Normandie soit très performante en matière de santé, l'évolution démographique médicale de l'Eure est la plus mauvaise de France. Cela montre bien qu'il faut des mesures volontaristes au plan national.

Laurence Rossignol semble étonnée de l'audace dont ce rapport fait preuve. Les centristes n'auraient donc pas d'audace ? Lors de l'examen de la loi HPST, notre ancien collègue François Autain m'avait qualifié de « centriste révolutionnaire ». Cette étiquette m'a plu, je ne la renie pas !

J'indique à M. Huré que les sujets qu'il soulève sont bel et bien pris en compte dans le rapport.

M. Filleul mentionne les gardes médicales. Le manque de médecins enclenche un cercle vicieux : comment organiser plus de gardes dans les régions qui ont moins de médecins ? Nous devons y remédier en développant des synergies entre les libéraux et l'hôpital.

A Philippe Esnol j'indique que nous plaidons pour un dispositif qui associe régulation et incitation. A défaut, je ne suis pas opposé à davantage de contraintes pour les praticiens, car nous savons que la situation va s'aggraver et l'intérêt général doit primer sur les intérêts particuliers.

M. Capo-Canellas a raison de souligner que les déserts médicaux ne se rencontrent pas exclusivement en zone rurale. Les difficultés des zones urbaines sont abordées dans le rapport. A ce propos, je vous recommande le reportage de Public Sénat qui expose le travail réalisé dans une maison de santé de Seine-Saint-Denis avec les médecins, mais aussi les travailleurs sociaux.

Je rejoins Rémy Pointereau : informer les élus d'éventuels départs des professionnels de santé sur leur territoire serait la moindre des choses.

La remarque de Robert Navarro illustre le manque de médecins, mais aussi l'évolution des mentalités : les contraintes sont de moins en moins tolérées. Cela vaut en zone rurale comme dans les grandes villes du sud de la France.

M. Michel Teston, président. - Tous nos collègues s'accordent ainsi pour souligner la justesse du diagnostic, la pertinence de l'analyse et l'audace des propositions formulées dans ce rapport. Nous allons nous prononcer : je vous engage à montrer une belle unanimité, afin de favoriser la mise en oeuvre rapide de solutions aux problèmes de présence médicale sur notre territoire.

M. Hervé Maurey, rapporteur. - En tant que parlementaire de la majorité, Jean-Luc Fichet se trouvait dans une position plus délicate. Nous avons travaillé tous deux dans le seul but de servir l'intérêt général, sans céder à l'influence ou aux pressions des différents professionnels.

La commission, à l'unanimité, décide d'autoriser la publication du rapport d'information.

Présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente -

Transition vers un système énergétique sobre - Examen du rapport pour avis

La commission examine le rapport pour avis sur la proposition de loi n° 270 (2012-2013), adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes.

M. Michel Teston, rapporteur. - La proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes a soulevé des difficultés lors de son examen en première lecture au Sénat. Le 30 octobre dernier, l'adoption d'une motion d'irrecevabilité déposée par la commission des affaires économiques a conduit au rejet du texte. Après l'échec de la CMP, l'Assemblée nationale a adopté le 17 janvier 2013 une version modifiée de la proposition de loi. Les députés ont modifié jusqu'à son titre. En effet, les articles relatifs à l'énergie éolienne et à la tarification de l'eau, introduits en première lecture, n'avaient aucun lien direct avec l'objet initial du texte et risquaient d'être considérés comme des cavaliers législatifs. Le nouvel intitulé intègre les modifications apportées en cours de discussion. En seconde lecture comme en première, notre commission s'est saisie de ce second volet de la proposition de loi : les quatre articles relatifs à l'énergie éolienne font l'objet d'une saisine pour avis, les deux articles relatifs à la tarification de l'eau d'une saisine au fond.

L'Assemblée nationale n'a apporté que peu de modifications aux dispositions relatives à l'énergie éolienne. L'article 12 bis supprime les zones de développement de l'éolien (ZDE), désormais redondantes avec les schémas régionaux éoliens (SRE) et juridiquement fragiles. Plusieurs ZDE ont déjà été annulées par le juge administratif, pour des raisons de forme - méconnaissance des procédures de participation du public - ou de fond - insuffisance de potentiel éolien. Or, la conséquence en est la perte du bénéfice de l'obligation d'achat de l'électricité produite à un tarif favorable.

L'Assemblée nationale a ajouté que l'autorisation d'exploiter délivrée dans le cadre de la procédure des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) « tient compte » des parties du territoire régional propice au développement de l'énergie éolienne, définies par le schéma. Cette précision résulte d'un amendement présenté en séance publique par le gouvernement, reprenant une idée du rapporteur initial de notre commission des affaires économiques, Roland Courteau. Désormais, le texte établit un lien juridique souple entre les autorisations ICPE d'installations éoliennes et le zonage prévu par les schémas régionaux éoliens. Le préfet pourra se référer à ces derniers pour justifier ses décisions d'autorisation ou de refus, mais aussi s'en écarter s'il estime qu'un projet d'implantation concret présente un intérêt réel, même s'il ne correspond pas au zonage du schéma. Je vous propose de donner un avis favorable à l'article 12 bis ainsi modifié.

L'article 12 ter traite du passage en souterrain dans les sites et espaces remarquables du littoral des câbles nécessaires au raccordement aux réseaux d'électricité des installations marines utilisant les énergies renouvelables. L'Assemblée nationale a reformulé l'obligation du raccordement souterrain ; et la disposition selon laquelle l'autorisation est refusée si les canalisations portent atteinte à l'environnement ou aux sites et paysages remarquables. Je vous propose de donner également un avis favorable à l'adoption de cet article.

Les deux derniers articles relatifs à l'énergie éolienne ont été adoptés par les députés sans modification. L'article 12 quater autorise, en dérogation au principe d'urbanisation en continuité, l'implantation d'éoliennes dans les communes littorales des départements d'outre-mer ; l'article 15 supprime l'obligation pour les parcs éoliens de comporter au minimum cinq éoliennes. Nous avions émis un avis favorable à l'adoption de ces deux articles en première lecture : je vous propose de le confirmer.

Les articles 13 et 14 relatifs à la tarification de l'eau ont fait l'objet de nombreuses modifications. L'article 13 introduisait explicitement la tarification sociale du service de l'eau dans le code général des collectivités territoriales (CGCT). L'article 14 prévoyait le lancement d'une grande expérimentation nationale sur cinq ans, autorisant les collectivités territoriales à créer la tarification sociale de l'eau. Afin notamment de garantir la sécurité juridique de cette expérimentation, le gouvernement a déposé six amendements sur ces deux articles.

Les premiers alinéas de l'article 13 prévoient que les ménages occupants d'immeubles à titre principal peuvent constituer une catégorie d'usagers, à laquelle un tarif spécifique est appliqué. Le troisième alinéa détaillait les modalités de mise en oeuvre : possibilité d'une première tranche gratuite, tarification différenciée en fonction des revenus ou de la composition du foyer. Je souligne que la tarification progressive et sociale existe déjà, à Dunkerque par exemple. Un amendement du gouvernement a supprimé ce troisième alinéa, jugé trop imprécis et source de fragilité juridique. Il est apparu préférable de ne pas modifier le droit existant sur ce point et, en contrepartie, de mieux encadrer l'expérimentation. Je vous propose de donner un avis favorable à cet article et d'attirer l'attention du gouvernement sur le fait qu'en l'état actuel de la proposition de loi, les collectivités territoriales ayant mis en place une tarification progressive et sociale de l'eau, et notamment celles ayant opté pour une première tranche de consommation gratuite, risquent de voir leur situation fragilisée en cas de recours. En revanche, les collectivités se lançant à l'avenir dans la tarification sociale bénéficieront d'un cadre juridique sécurisé et renforcé.

A l'article 14, cinq amendements du gouvernement ont précisé les contours de l'expérimentation. La date de début de l'expérimentation a été reportée à la promulgation de la loi et non plus au 1er janvier 2013. L'expérimentation ne porte plus uniquement sur la tarification sociale de l'eau, mais aussi sur les moyens de favoriser l'accès à l'eau, pour tous les foyers en difficulté, et non uniquement des abonnés actuels. La modulation du tarif de l'eau est prévue, selon les revenus ou le nombre de personnes composant le foyer. Le tarif progressif peut inclure une première tranche gratuite pour les abonnés en grande vulnérabilité.

Le gouvernement a également opportunément précisé les modalités de répartition du surcoût induit par la tarification sociale. Un risque de rupture d'égalité devant le service public avait été soulevé ici, du fait d'un surcoût considérable pour certains abonnés en compensation des tarifs gratuits ou sociaux. Il y aura certes une majoration du tarif pour les tranches supérieures de consommation et pour les foyers aux revenus plus élevés, mais un plafond est désormais prévu par la loi. Le tarif le plus élevé appliqué par mètre cube ne pourra excéder le double du prix moyen du mètre cube pour une consommation de référence fixée par arrêté. Et les communes s'engageant dans l'expérimentation pourront contribuer au financement de l'aide à l'accès à l'eau à partir des dépenses d'aide sociale du budget général.

Autre amendement adopté par l'Assemblée nationale : la subvention attribuée par les communes au Fonds de solidarité pour le logement (FSL) pourra désormais dépasser le plafond légal de 2 % du montant des redevances d'eau ou d'assainissement. Il sera donc possible de globaliser la gestion des aides aux impayés et des aides aux foyers à faible revenu, avec un versement unique par le FSL incluant les aides du département. En l'absence d'intervention de celui-ci, la subvention peut être versée au centre communal d'action sociale (CCAS), qui reversera les aides pendant la durée de l'expérimentation. Le service assurant la facturation de l'eau signera une convention avec les gestionnaires de services et les collectivités territoriales dont il perçoit les redevances. La diversité des modes de gestion du service public de l'eau a ainsi été prise en compte.

L'accès aux données personnelles des abonnés est nécessaire pour déterminer l'éligibilité au tarif social de l'eau. Que de débats en première lecture... Un amendement du gouvernement a finalement sécurisé le mécanisme : les organismes devant fournir les données sont clairement identifiés : il s'agit des organismes de sécurité sociale, de gestion de l'aide au logement, ou de l'aide sociale. La Cnil sera consultée, pour veiller à la protection des données confidentielles.

Le dispositif expérimental est désormais bien encadré, la répartition du surcoût induit bien précisée. En revanche, je déplore que les amendements que nous avions adoptés en première lecture n'aient pas été repris. Ils reportaient la date limite de dépôt des demandes d'expérimentation au 31 décembre 2014, afin de permettre aux nouvelles équipes municipales élues en mars 2014 d'entrer, si elles le souhaitent, dans le dispositif. Compte tenu du coût et de la lourdeur d'une telle expérimentation, les équipes actuelles risquent d'hésiter fortement à s'engager, à l'approche des élections. Je vous propose donc de donner un avis favorable à l'article 14, sous réserve de l'adoption de l'amendement que je vous soumets à nouveau.

M. Rémy Pointereau. - Je suis hostile à la décision prise à l'Assemblée nationale d'autoriser des sites de moins de 5 éoliennes, qui vont miter notre territoire. Je suis également hostile à la suppression des ZDE. Les schémas régionaux de développement éolien sont définis sans concertation avec les élus locaux. Dans l'élaboration des ZDE, les élus avaient leur mot à dire, ils veillaient à ce que l'on ne fasse pas tout et n'importe quoi. Notre chance, en région Centre, a été de réaliser une ZDE avant que le schéma régional ne soit finalisé. C'est donc la ZDE qui prime. Dans le cas contraire, nous aurions eu des éoliennes un peu partout, sans zones de respiration dans la ligne d'horizon. Je pense que le groupe UMP partagera mon avis.

M. Ronan Dantec. - Le rapport Ollier-Poignant a ouvert la voie à la complexification volontaire des règles applicables à l'implantation d'éoliennes. Une volonté simple est à l'oeuvre : arrêter le développer de l'éolien en France, en vertu d'une vision idéologique déguisée en défense du paysage. Cette entreprise, hélas, a réussi. Or la France ne peut pas rester hors du monde : tourner le dos aux énergies renouvelables qui, en Europe, suscitent 250 milliards d'euros d'investissement - contre 15 milliards d'euros dans le nucléaire - est proprement suicidaire. Le texte répond à ces enjeux en relançant la filière. Nous observons une diminution du coût de l'éolien terrestre ; les schémas régionaux nous prémunissent contre tout mitage. Le préfet tiendra compte de cet aspect. Au final, les ZDE sont devenus inutiles et risquées. Enfin, nous nous sommes dotés d'une démarche ICPE extrêmement claire. Ceux qui veulent garder les ZDE ont surtout comme préoccupation de retarder le développement de l'éolien en France, cela me paraît très clair.

M. Rémy Pointereau. - C'est tout le contraire ! J'ai fait ma ZDE dans mon territoire : nous développons les éoliennes de façon concertée, avec les associations et les citoyens.

M. Michel Teston, rapporteur. - La suppression des ZDE vise précisément à ne pas ralentir l'implantation d'éoliennes. La France est plus lente que tous les autres pays à les installer, ce qui nous empêche de développer nos capacités en matière d'énergie éolienne.

Sur la redondance entre ZDE et schémas régionaux éoliens, je rappelle la fragilité juridique dont pâtissent les ZDE : dans de nombreux départements, soit le potentiel éolien s'est révélé difficile à démontrer, soit les procédures de participation du public n'ont pas été respectées, avec les graves conséquences que j'ai rappelées. Pour autant, les promoteurs n'agiront pas comme bon leur semble : l'Assemblée nationale a repris à son compte l'amendement Courteau : on ne pourra construire que dans les zones considérées comme favorables dans les schémas régionaux.

Sur le nombre de mâts, l'Assemblée nationale a tranché pour l'absence de seuil. Nous saurons demain si la commission des affaires économiques retient le seuil de trois mâts - plutôt que cinq - pour lequel le Sénat s'était déjà prononcé à l'occasion des débats relatifs au Grenelle. Pour ma part, je ne vois pas d'inconvénients à ne pas préciser de seuil. Si la commission des affaires économiques se prononçait pour un seuil de trois mâts, nous pourrions toutefois nous y rallier.

M. Marcel Deneux. - Fixer un chiffre est inopportun : le texte doit aussi permettre aux trois régions qui n'arrivent pas à implanter d'éoliennes - bocage, densité d'habitation, etc. - d'y parvenir. En outre, pour les constructeurs, passer de cinq à un augmente les coûts unitaires de raccordement au réseau. Les contraintes économiques joueront. Nous avons déjà eu ce débat à l'occasion du passage en CMP de la loi de 2005.

M. Joël Billard. - L'Eure-et-Loir est le premier département de France en termes d'éoliennes. J'ai eu le privilège de réaliser la première ZDE de la région : tout s'est très bien passé, nous avons planché pour déterminer les meilleures zones. Malheureusement, le schéma régional a exclu une partie de ma ZDE, provoquant l'incompréhension totale des personnes qui y avaient travaillé. Les services de l'Etat nous bloquent en permanence !

M. Michel Teston, rapporteur. - La situation en Eure-et-Loir est certainement celle que vous décrivez, mais dans la plupart des autres départements, elle est exactement inverse : ce sont les ZDE qui ont bloqué la construction des éoliennes.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 14

M. Yves Chastan. - Quel argument l'Assemblée nationale a-t-elle donné pour ne pas retenir l'amendement n°1 que vous nous présentez à nouveau ?

M. Michel Teston, rapporteur. - Je n'ai pas d'explication plausible. Il s'agit plus vraisemblablement d'un oubli que d'une volonté délibérée de ne pas le prendre en compte.

L'amendement n° 1 est adopté.

L'amendement de cohérence n° 2 est adopté.

Le rapport pour avis est adopté.

Mercredi 6 février 2013

- Présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente -

Infrastructures et services de transports - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine le rapport et le texte de la commission sur le projet de loi n° 260 (2012-2013) portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports (procédure accélérée engagée).

Mme Laurence Rossignol, présidente. - Je voudrais excuser le président Vall, sévèrement grippé. Nous avons appris ce matin une triste nouvelle : notre collègue, René Vestri, nous a quittés cette nuit. C'est une perte pour notre commission, comme pour le Sénat tout entier et j'exprime nos condoléances à sa famille et à ses proches.

Nous examinons d'abord le projet de loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports.

M. Roland Ries, rapporteur. - Comme l'a souligné devant nous Frédéric Cuvillier, le projet de loi portant « diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports » comporte, dans ses vingt-cinq articles, des mesures « diverses », mais qui n'en sont pas moins importantes.

C'est vrai pour la majoration des tarifs du transport routier prévue à l'article 7 pour accompagner l'écotaxe poids lourds. C'est vrai, encore, pour l'application des conditions sociales de travail françaises sur les navires effectuant des services dans les eaux territoriales nationales : le Gouvernement va aux limites « eurocompatibles » de ce qu'il lui est possible de faire pour protéger les marins français et l'emploi maritime dans son ensemble.

Ces « diverses dispositions », également, apportent des solutions pratiques à des problèmes identifiés de longue date et qui trouvent parfois leur source dans le génie administratif consistant - trop souvent - à compliquer la gestion des choses. Incohérences ou contradictions entre les textes, applications incomplètes, transpositions imparfaites, procédures brillant par leur complexité, tel est le bréviaire trop commun des tracasseries qu'il faut régulièrement lever, par des textes eux-mêmes peu digestes mais fort utiles en pratique.

Dans leur ensemble, les mesures présentées ici servent l'objectif général de rendre nos transports plus « propres » et plus efficaces, au service de la transition écologique de notre économie. Je les présenterai par grand thème et dans l'ordre des articles.

Les mesures relatives au ferroviaire, soit les articles 1er à 4, sont techniques et n'empiètent pas sur la grande réforme annoncée pour la fin du premier semestre. Elles précisent les textes pour mieux protéger le domaine public ferroviaire, assurer plus de transparence des comptes de la SNCF et faciliter la coopération transfrontalière en matière de transport de voyageurs. Je vous proposerai de les adopter conformes, en y ajoutant un amendement accentuant la transparence des comptes de la SNCF sur les lignes ferroviaires régionales.

Les mesures relatives aux transports routiers concernent les articles 5 à 12. L'article 5 prévoit le reclassement dans la voirie départementale et communale de 250 kilomètres de courtes sections de routes nationales, contre compensation financière.

La mesure principale est le mécanisme de majoration des prix du transport lié à l'écotaxe poids lourds. Engagement du Grenelle de l'environnement, l'écotaxe a été adoptée dans la loi de finances pour 2009, mais son mécanisme a été revu à plusieurs reprises, à l'occasion des lois de finances pour 2011 et pour 2013.

Comme Francis Grignon l'a rappelé lors de l'audition du ministre, l'idée d'une taxe poids lourds est d'abord venue d'Alsace, région qui a subi les reports de poids lourds liés à l'instauration d'une taxe kilométrique en Allemagne. Pour cette raison on a envisagé, par la suite, qu'une « expérimentation » alsacienne devrait précéder la mise en place de la taxe sur l'ensemble du territoire national.

La collecte de ces deux taxes - alsacienne et nationale - a fait l'objet d'un partenariat public privé remporté par le prestataire Ecomouv', non sans quelques péripéties juridiques qui ont fait perdre du temps. L'écotaxe devrait être opérationnelle le 20 juillet 2013 et la taxe alsacienne seulement trois mois avant, le 20 avril. Dans ce cadre, il n'est plus possible de considérer cette taxe alsacienne comme une expérimentation préalable à la taxe nationale, d'autant plus que leurs assiettes diffèrent. La taxe alsacienne ne concerne que les poids lourds de plus de douze tonnes, à l'instar de la taxe kilométrique allemande, alors que la taxe nationale concernera les poids lourds de plus de 3,5 tonnes. La taxe alsacienne ne se justifie plus et elle porte atteinte à l'égalité de nos territoires. Je suis donc plutôt favorable à son abrogation. Son maintien mettrait en difficulté les transporteurs bien au-delà du périmètre alsacien, puisqu'il les obligerait à équiper, par anticipation, tout leur parc, dans la mesure où ils ne savent pas toujours à l'avance lesquels de leurs véhicules traverseront la région Alsace pendant les trois mois où cette taxe sera en vigueur.

L'article 7 aborde le sujet de la prise en compte de cette écotaxe dans le tarif des transports, question d'autant plus aiguë que son entrée en vigueur est imminente. Il s'agit d'un engagement du Grenelle : l'écotaxe ne doit pas se faire au détriment des transporteurs routiers. L'application du principe de « l'utilisateur-payeur », permet de peser le moins possible sur l'équilibre économique déjà fragile du transport routier de marchandises. Les modalités de ce mécanisme de répercussion ont été précisées par le précédent Gouvernement dans un décret publié le 6 mai 2012 - date ô combien symbolique...

Ce décret a fait l'unanimité contre lui. Véritable « usine à gaz », le dispositif crée une surcharge administrative sans précédent et difficile à assumer pour les entreprises de transport, alors que 82 % d'entre elles ont moins de dix salariés ! Ensuite, il rend plus incertains les tarifs du transport, ce qui est une gêne pour les chargeurs. Les transporteurs ont, pour leur part, regretté que leurs frais de gestion liés à la taxe ne soient pas pris en compte.

Rejeté par tous, le décret a fait l'objet d'un recours devant le Conseil d'État. Le mécanisme de majoration forfaitaire automatique, instauré par cet article, a pour objet de le remplacer. Certes, ce dispositif comporte des limites. Il ne répercute pas directement, au réel, la taxe payée par le transporteur pour un transport de marchandises en particulier : figurant dans le dispositif antérieur, cette mesure est impossible à mettre en oeuvre dans les faits.

La majoration forfaitaire est, au fond, la seule modalité d'application qui « tient la route » : elle est simple et lisible, puisque la majoration s'applique à tous les tarifs de transport a priori ; elle est complète, puisqu'elle prend en compte les frais de gestion de l'écotaxe et, surtout, elle est directement opérationnelle. J'ai entendu les craintes des déménageurs, des grossistes, et encore des coopératives, si importantes pour l'activité dans les territoires ruraux. Une nouvelle taxe n'est jamais une bonne nouvelle pour celui qui la paie, mais il convient de ramener les choses à leur juste proportion. Je vous proposerai que le Gouvernement remette au Parlement un rapport détaillé sur les effets de ce dispositif, d'ici la fin 2014.

Ce texte, ensuite, comporte trois articles sur le transport fluvial, qui répondent, là encore, à ce génie « complicateur » de la codification, en réparant par exemple un oubli en matière de droit de ports pour le Port autonome de Paris. L'article 12 renouvelle la procédure de déplacement d'office des bateaux et autres engins flottants dont le stationnement compromet la sécurité ou gêne l'exercice de la navigation sur les voies d'eau. Ce sera très utile pour régler le problème des épaves fluviales et autres engins « ventouses », qui sont souvent habités. Je fais confiance au gestionnaire de la voie d'eau pour utiliser les nouvelles procédures à bon escient, dans l'intérêt de la voie d'eau et de ses usagers, y compris de ceux qui ont fait le choix d'habiter sur l'eau. De mauvaises habitudes ont été prises ici et là, à la faveur d'une certaine impunité. La voie d'eau doit servir davantage au transport, et être mieux valorisée. Je vous proposerai cependant deux amendements précisant que les frais de garde du bateau déplacé sont bien à la charge de son propriétaire.

Les neuf articles consacrés aux transports maritimes portent des réformes importantes. L'article 15 renouvelle les moyens d'actions envers les navires abandonnés, en accélérant la déchéance de propriété et en identifiant clairement les responsabilités et la répartition des charges entre autorités publiques. Chaque année, des navires retenus à quai, pour des motifs de sécurité ou économiques, sont abandonnés par leurs propriétaires, véritables « voyous des mers », souvent avec leur équipage et des arriérés de salaires. Les autorités locales sont confrontées à un véritable casse-tête ; le navire à quai se détériore jusqu'à devenir une source de pollution, un problème pour la vie de tous les jours. L'immobilisation représente un coût, la vente du navire pour démantèlement s'annonce parfois déficitaire, on ne sait pas bien qui doit payer : quand plusieurs centaines de milliers d'euros sont en jeu et que les responsabilités s'entrecroisent entre l'État et les collectivités locales, l'action publique devient elle-même une source de retard. A Brest, par exemple, un navire poubelle est à quai depuis quatre ans... L'article 15 précise utilement les responsabilités ; ces nouvelles règles sont très attendues dans les ports maritimes : je vous proposerai de les adopter sans modification.

Deuxième réforme attendue : l'application des grands principes de notre droit social aux navires qui viennent travailler dans nos eaux intérieures et territoriales. Le droit social applicable aux navires battant pavillon étranger relève d'une casuistique complexe, selon leur espèce, selon leur taille et selon le service maritime qu'ils effectuent, en particulier dans le cas du cabotage, selon que celui-ci est continental, national ou encore dit « avec les îles ». L'Europe y a consacré deux règlements, la France plusieurs lois et un décret important en 1999, la jurisprudence européenne et nationale est abondante. Les États européens ont libéralisé le transport maritime en 1986. En 1992, ils ont traité à part le cas du cabotage avec les îles, c'est-à-dire les ferries, mais, faute d'harmonisation sociale et d'un «pavillon européen », des conditions de concurrence parfaitement déloyales s'exercent, au profit de navires battant le pavillon d'États de l'Union européenne qui jouent sur l'ambiguïté, sinon l'ambivalence, des règles européennes. La matière ne nous est pas inconnue : souvenons-nous de la « directive Services », dite « Bolkestein », et du succès que « le plombier polonais » a eu dans l'opinion... La question est plus radicale, car le droit maritime est bien plus libéral et difficile à contrôler que le droit social sur le territoire national.

Nous avons déjà évoqué ce sujet lorsqu'Evelyne Didier nous a présenté, en novembre dernier, une proposition de loi de son groupe sur le cabotage maritime.

Avec l'article 23, le Gouvernement va aussi loin que les règles européennes l'y autorisent, pour protéger l'emploi marin français. Ces mesures sont attendues par les marins : « les conditions de l'État d'accueil », c'est-à-dire les règles sociales et de sécurité que la France peut imposer aux navires des pavillons étrangers, sont étendues à tout le personnel navigant, et pas seulement aux membres de l'équipage, c'est un progrès évident pour la compétitivité des services délivrés à bord. Ensuite, et c'est audacieux, l'article 23 impose ces règles à tous les navires « utilisés pour fournir dans les eaux territoriales ou intérieures françaises des prestations de services ». D'après le ministère, cette notion très large de « services » englobe le remorquage, le lamanage, les travaux portuaires, les travaux publics en mer, comme l'installation d'éoliennes, l'extraction de matériaux et, d'une manière générale, toutes les activités à caractère commercial. Les navires qui rendent un service de façon tout à fait occasionnelle seront-ils concernés ? J'interrogerai plus précisément le ministre sur ce point, mais je me félicite d'ores et déjà de ces progrès importants.

En complément, avec l'article 20, le Gouvernement renforce les outils de contrôle, avec une nouvelle enquête nautique de nature administrative, plus facile à mobiliser que l'enquête judiciaire, et avec des amendes plus élevées.

Enfin, ce texte vise le transport aérien par un article de précision qui sécurise juridiquement les vols d'hélicoptères au dessus des villes pour leurs missions de secours et d'urgence, c'est bienvenu.

Ces mesures renforcent l'efficacité de nos transports. Nous poursuivons le travail de longue haleine entrepris depuis le Grenelle de l'environnement pour faire changer nos modes de transports ; nous aménageons les modalités de l'écotaxe poids lourds pour qu'elle pèse le moins possible sur les transporteurs eux-mêmes ; nous prenons des mesures très attendues dans nos ports maritimes. Je vous proposerai d'adopter ce texte utile, ainsi que quelques amendements, la plupart de pure forme.

M. Michel Teston. - Je suis, comme le rapporteur, favorable à l'adoption de ce texte. L'article 1er précise utilement que parmi les missions confiées par Réseau Ferré de France (RFF) à la Direction de la circulation ferroviaire seules les missions relatives à la gestion opérationnelle du trafic, et non les études techniques, seront obligatoirement subdéléguées pour des raisons de sécurité. La lutte contre les infractions du rail sera renforcée, avec l'élargissement des catégories d'agents assermentés pouvant intervenir. Les vols de cuivre représentent un coût de 30 millions par an et sont source de nombreux accidents.

Monsieur le rapporteur, serait-il possible d'obtenir la liste exhaustive des « délaissés routiers » que l'État a prévu de transférer aux communes ? Nous avons tous en mémoire la hausse des charges pour les collectivités qu'a entraînée le transfert de plusieurs milliers de kilomètres par le gouvernement Raffarin en 2004. Mais Frédéric Cuvillier a précisé que l'objectif ici est différent, les délaissés ne présentant pas d'intérêt pour la circulation. Je veux bien le croire, mais il nous faudrait cette liste exhaustive.

Concernant la mise en oeuvre de l'écotaxe poids lourds, le dispositif proposé est plus simple que celui présenté par le précédent gouvernement. Il importe de le soutenir, en dépit des difficultés, car les enjeux sont le financement de l'intermodalité et la rationalisation des transports sur de courtes et moyennes distances.

Mme Odette Herviaux. - Ce texte constitue une réforme significative, notamment en matière de transport maritime. L'article 15 donne les moyens d'agir contre les navires abandonnés, qui deviennent dangereux, dont les collectivités doivent parfois prendre en charge l'équipage, sans parler de l'atteinte que portent à l'image des ports ces bateaux rouillés. Le texte comporte également des mesures précises de lutte contre les marées noires.

L'administration maritime, peu nombreuse, au champ de compétences large mais pas toujours reconnues, devait voir ses missions préservées et élargies. L'article 18 va dans ce sens.

Nous avions réfléchi, à l'initiative d'Evelyne Didier, sur le cabotage maritime. A Lorient, nul ne sait quel est le régime des personnels employés sur les deux barges hollandaises qui pompent la vase. Avec ce texte, le droit social français s'appliquera aux personnes employées dans les eaux territoriales.

M. Vincent Capo-Canellas. - Ce texte d'apparence technique se présente sous de bons auspices. Comme Roland Ries, je redoute le génie français de la complexité, qui s'étend parfois à des mesures de simplification !

Pourquoi déclasser d'office des routes maintenant ? Dispose-t-on d'une étude d'impact ? Quelle est la position des collectivités territoriales ? Où est la liste des délaissés ?

Concernant la taxe poids lourds, le rapporteur souhaite abroger l'expérimentation alsacienne. A-t-il un amendement ?

S'agissant de l'écotaxe, une évolution était indispensable ; sans doute son caractère forfaitaire est-il un mal nécessaire. Le problème des transporteurs est réglé, pas celui des autres professions. Comment y parvenir ?

Sur le cabotage fluvial la filiation avec la proposition de loi de Mme Didier est manifeste. Le rapporteur indique que l'article 23 va aussi loin que l'Union européenne le permet, mais estime « audacieux » d'élargir la règle à tous les navires. Existe-t-il donc un risque juridique d'élargir le dispositif à tous les navires qui effectuent une prestation de services ? Ce texte est-il euro-compatible ? Dispose-t-on d'une étude d'impact ?

Mme Évelyne Didier. - Ce texte met enfin en oeuvre la taxe poids lourds ; fort bien, mais il nous faudra être attentifs aux reports sur les autres axes routiers.

J'avais déjà émis des réserves sur Ecomouv' ; veillons à ce que cette société ne bénéficie pas de revenus disproportionnés.

Pour les délaissés, il est nécessaire que les élus disposent de la liste des tronçons concernés afin de savoir ce qui les attend.

Enfin, sur le transport maritime, je me réjouis de voir aboutir des mesures figurant dans la proposition de loi que j'avais retirée.

Nous voterons ce texte.

M. Jean-Jacques Filleul. - Globalement, ce texte est utile et important. L'article 3 résulte d'une obligation de se conformer à la directive n° 91-440. J'espère qu'il ne contrariera pas la nouvelle organisation du secteur ferroviaire que souhaite mettre en place le ministre. Il était nécessaire de protéger le domaine public ferroviaire : on note parfois des blocages sur les lignes TGV.

L'écotaxe repose sur l'application du principe utilisateur-payeur, principe excellent. Mais qui paiera lorsqu'un transporteur recourt à un affréteur pour éviter un retour à vide des camions ?

Les autoroutes bénéficieront de ressources supplémentaires grâce aux reports de trafic ; comment s'effectuera le partage de cette manne ?

M. Louis Nègre. - Le secteur routier traverse une période difficile avec une diminution des marchandises transportées, une forte concurrence européenne et une faible profitabilité. Pour autant faut-il supprimer la taxe poids lourds ? Non. Elle a des effets positifs dans d'autres pays : elle soutient le transfert modal et alimente le financement de l'AFITF. En Allemagne elle rapporte plusieurs milliards. Avec une entrée en vigueur le 20 juillet, elle ne rapportera que quelques centaines de millions et son impact sur les infrastructures sera plus faible. Mais les entreprises avaient réagi à son annonce. Le mode de calcul était complexe, il fallait le simplifier. De plus il semble que le transfert frappera les donneurs d'ordre, non les transporteurs, épargnant les entreprises du secteur.

Le déclassement ? Oui, mais soyons vigilants aux risques de transferts. La taxe poids lourds devra, d'ailleurs, s'accompagner non seulement d'une évaluation annuelle, mais aussi d'un suivi fin des flux de circulation. L'Alsace a été affectée quand l'Allemagne a créé sa taxe. Veillons à éviter les effets d'aubaine et les transferts de flux vers des secteurs fragiles.

En matière de transport maritime et fluvial, les pouvoirs de la puissance publique ont été accrus pour réduire les risques pour l'environnement. Mais n'en restons pas à des effets d'annonce. N'ayons aucun état d'âme à lutter contre les voyous des mers : les anglo-saxons sont plus sévères que nous ! Les dispositions de l'article 15 autorisant les pouvoirs publics à intervenir sur les navires, sont les bienvenues, de même que le pouvoir donné au capitaine de consigner une personne. La France applique une convention de l'Organisation maritime internationale de 1976 qui est beaucoup moins protectrice pour les victimes. Le regroupement des dispositions sur la responsabilité du propriétaire, est facteur de simplification et d'amélioration.

L'article 23 pose les garanties d'une concurrence équitable entre sociétés. Le dumping existe, c'est un fait. Je suis favorable à la concurrence, à condition qu'elle soit loyale.

Je proposerai un amendement à l'article 2 afin que toutes les collectivités, et non seulement les régions, puissent adhérer à un groupement européen de coopération territoriale ayant pour objet d'exercer une mission de service public de transport, prévue à l'article L. 1211-4 du code des transports. De même mon second amendement supprime la référence exclusive à la SNCF au troisième alinéa. Grâce à la concurrence en Allemagne, les autorités de transports paient 20 à 30 % de moins, ce qui est bénéfique aux deniers publics et aux voyageurs. J'en appelle à une concurrence ouverte dans un cadre maîtrisé ; allons dans le sens de l'histoire. De grâce, n'en revenons pas au XXème siècle !

M. Alain Fouché. - Michel Teston a parlé des transferts de compétences non suivis de transferts de financement : je suis dans la vie politique depuis la décentralisation, et je n'ai jamais vu que cela fonctionnait autrement...

Il serait bon, comme de nombreux sénateurs l'ont demandé ici même, que nous ayons rapidement la liste des délaissés routiers concernés par ce texte. L'État ne saurait se débarrasser des routes dont il ne veut plus sans en informer les collectivités à qui il en transfère la gestion.

M. Charles Revet. - Ce rapport traite de points essentiels mais passe rapidement sur d'autres qui ne le sont pas moins, par exemple sur la compétence limitée du commandant d'un navire naviguant sur la Seine, qui ne peut exercer dans l'estuaire d'un grand port maritime.

Nous reviendrons sur l'article 7 et l'écotaxe lorsque nous débattrons des transports de proximité. L'article 23 est tout aussi important. Il ne s'agit pas que de « diverses dispositions ».

Je suis élu du Pas-de-Calais, département qui connaît le plus gros trafic maritime au monde, avec les risques que cela comporte : marées noires, accidents, navires poubelles. Notre législation les prend insuffisamment en compte, alors que la France a les côtes les plus exposées du monde au trafic maritime.

M. Francis Grignon. - En matière ferroviaire, Roland Ries a annoncé plus de transparence : j'attends de voir l'amendement en question. C'est un sujet majeur.

Le 4e paquet ferroviaire maintiendra certainement la date de 2019 pour introduire la concurrence dans le marché des trains intérieurs (TER et TET) - concurrence qui existe déjà pour les trains internationaux. Pour ce faire, il va falloir abroger un article de l'acte dit loi promulgué sous le régime de Vichy, selon lequel le ministre des transports définit par décret les conditions de travail à la SNCF. Cela va poser de nombreux problèmes, notamment pour négocier une convention collective de branche qui puisse s'harmoniser avec ce qui se pratique ailleurs. Il faudra ensuite renouveler les contrats de plan État-régions ; sans compter que la préparation des opérateurs privés prendra une à deux années... La concurrence va s'imposer à nous : anticipons-la si nous voulons conserver un opérateur français de rang mondial.

Je n'ai pas compris toutes les subtilités de la taxe poids lourds. L'article 7 ne traite pas de son principe, mais bien de ses modalités d'application. Figurez-vous que ce sont les transporteurs étrangers qui justifient l'instauration d'un système satellitaire qui coûte les yeux de la tête. En effet, les services du gouvernement ont calculé ce que devrait rapporter une taxe sur les axes concernés, pour finalement simplifier le mécanisme en y assujettissant les entreprises en fonction de leur chiffre d'affaires. Elles seront donc taxées même si elles n'empruntent pas les axes taxés, à un taux moyen de 4,4 %, mais variable selon les régions : 6,5 % en Alsace, 3 % en région parisienne.

M. Roland Ries, rapporteur. - Ce n'est pas tout à fait exact ; j'y reviendrai.

M. Francis Grignon. - Par conséquent, report ou pas sur d'autres axes, les transporteurs français paieront la même chose. Les portiques ne sont pas conçus pour faire payer les gens, mais pour vérifier la présence des appareils de détection dans les camions. Si les transporteurs étrangers, imposés au nombre de kilomètres parcourus, se reportent effectivement, eux, sur les petits axes, les collectivités territoriales auront toujours la possibilité chaque année de redéfinir les axes payants.

Dans ma région, 80 % des transports se font dans un rayon inférieur à 150 km. Si l'on exonère de la taxe les transports effectués sous ce seuil, on se prive de 80% des recettes potentielles. Le coût de transport représente 2,5 % du prix global des marchandises. Le taux moyen national de la taxe est de 4,4 %, ce qui fait 0,1 % du prix acquitté par le consommateur. Je me suis livré à un petit calcul : pour un camion de 25 tonnes qui transporte 25 000 bouteilles de bière sur 200 km, le trajet coûterait 350 euros, soit 0,0006 euro supplémentaires par bouteille.

Le problème des transporteurs réside dans les conditions de travail et la fiscalité européenne. En Alsace, Geodis, filiale de la SNCF, traite la majorité de ses transports avec ce que l'on appelle des tracteurs. Il y a dix ans, 80 % étaient alsaciens. Aujourd'hui ces derniers ne représentent que 20 % des tracteurs. Autant que le contexte économique, cette législation les tue !

M. Jean Bizet. - Nous avons été nombreux à voter l'écotaxe poids lourds. L'idée était louable, mais sa mise en oeuvre est autrement plus problématique. Là où il n'y a guère de modes de transport alternatifs, la finalité de la taxe ne sera pas atteinte et elle ne parviendra qu'à renchérir le coût du transport de 4,4 %.

Certains autres pays se sont dotés d'un dispositif analogue. Il n'en demeure pas moins une forte distorsion de concurrence. Je partage l'inquiétude d'Evelyne Didier : nous accélérons la disparition de nos entreprises, déjà bien mal en point. Conséquences probables : le secteur va se concentrer au profit de groupes étrangers. J'ai cosigné un amendement d'appel sur l'article 7, un peu provocateur, qui exonère le transport de proximité du paiement de la taxe. Dans la détermination de la chaîne de valeur en effet, le distributeur arguera du prix en pied de facture pour renégocier sa part, et faire payer le transporteur.

L'entretien des routes pose un autre problème de taille. La taxe concerne 15 000 km aujourd'hui, mais à terme sans doute tout le réseau national. Disons-le clairement : il faut trouver des moyens de financer l'entretien des routes. Quant à l'impact environnemental, nous allons être déçus ! Le report vers d'autres modes de transport plus respectueux de l'environnement ne me semble possible qu'à un horizon lointain.

Comprenez-moi : je voudrais respecter ce que j'ai voté hier. Mais 2 000 à 3 000 emplois sont supprimés chaque trimestre dans le secteur du transport routier, et nous accélérons le mouvement. Selon mes informations, 80 % du transport est effectué dans un rayon de 300 km, plutôt que 150. Pour protéger nos TPE, exonérons le transport de proximité.

M. Rémy Pointereau. - Le dispositif crée un formidable effet d'aubaine pour les sociétés d'autoroutes. Captant un trafic plus important, elles seront largement bénéficiaires de la réforme. Comment récupérer une partie du produit de la taxe, notamment sur le transport international, plus concurrentiel que le nôtre ?

Je lis que les transporteurs d'intérêt public seront exonérés, tout comme les transporteurs de « biens » agricoles : s'agit-il du matériel ou des denrées ? Est-il possible d'exonérer également les transports infra-départementaux en période de récolte, faute de quoi nous pénaliserions grandement les coopératives et pousserions le prix des denrées à la hausse ?

Comment justifie-t-on la dégressivité des tarifs selon les régions ?

Enfin, j'ai lu que l'écotaxe poids lourds servait également à rémunérer le consortium de gestion du système, qui appartient à l'entreprise Autostrade per l'Italia, italienne par surcroît. Pourquoi Bercy ne gère-t-il pas lui-même le dispositif ?

M. Henri Tandonnet. - Je vous trouve d'abord bien frileux : vous avez remis en cause l'héritage du précédent gouvernement dans bien des domaines, mais conservé l'écotaxe poids lourds. Leurs auteurs même ne l'ayant pas défendue très chaudement, vous auriez pu être plus percutant !

Ce système me paraît monstrueux. Sur son mode de recouvrement d'abord : nous revenons au système du fermier général : Ecomouv', ce n'est rien d'autre. Regardons si les pénalités dont nous devrions nous acquitter pour revenir en arrière valent la peine d'être consenties... Ensuite, le transporteur sera facturé sur les kilomètres utilisés sur les 5 000 km ciblés comme circuit de report, ce qui ne semble pas très dissuasif. Puis la taxe sera répercutée forfaitairement sur ses clients. Mais il n'y a aucune relation entre les deux mécanismes. Les transporteurs pourront répercuter 4,4 % même là où ils n'ont pas acquitté la taxe ! Les distorsions de concurrence sont potentiellement considérables. Certains vont gagner, d'autres perdre. En tant qu'ancien avoué à la Cour, je connais bien le système forfaitaire selon lequel certains dossiers étaient rentables, d'autres non. Jugé obsolète et digne de l'Ancien régime, il a été supprimé à la Cour, et voilà que nous l'introduisons dans le transport routier... De plus, nous entachons de soupçon les relations entre transporteurs et clients. Enfin, le report sur des voies secondaires n'est pas accessible à toutes les entreprises : certaines n'auront pas d'autre choix, en raison de leur localisation, que de passer sous un portique, tandis que d'autres s'en affranchiront. Dans le Lot-et-Garonne, j'ai une grosse entreprise qui achète des containers dans des pays asiatiques et les revend : elle déménagera pour s'éloigner des portiques et ne rien payer !

Les effets pervers sont nombreux. Le syndicat des petits transporteurs craint les pertes, tandis que le syndicat des gros transporteurs se réjouit de voir le marché ainsi assaini. Vous auriez dû repartir de zéro et assujettir tous les transporteurs à une taxe fonction des kilomètres parcourus.

M. Francis Grignon. - Il n'est jamais trop tard !

M. Marcel Deneux. - J'attire votre attention sur les effets pervers des disparités régionales. J'ai déjà connaissance de délocalisations d'immatriculations et de création de filiales chez des transporteurs et des loueurs de camions pour échapper à la taxe. Rappelez-vous, nous avons connu un phénomène similaire pour les vignettes automobiles.

M. Roland Ries, rapporteur. - Ne pouvant répondre sur chaque élément précisément, je répondrai sur quelques points saillants du débat.

Soyons clairs sur le dispositif de l'écotaxe poids lourds. Lors du Grenelle de l'environnement, un large accord nous avait réunis sur son principe, sans distinction des sensibilités politiques. Une seule voix contre avait été recensée, ce qui est rare : ne repartons pas à zéro.

M. Francis Grignon. - C'était l'effet Borloo !

M. Jean Bizet. - Tout de même, il y a des regrets.

M. Roland Ries, rapporteur. - La mise en oeuvre de la taxe est plus délicate. Le dispositif initial était excessivement complexe, et les entreprises ne s'y retrouvaient pas. Le nouveau mécanisme a le mérite de la clarté, même s'il n'est pas totalement exempt d'inconvénients. Il faut distinguer deux choses : d'une part, l'écotaxe proprement dite, payée par les transporteurs français et étrangers au réel, en fonction des kilomètres parcourus sur les voies taxables, d'autre part, le mécanisme de répercussion de la taxe sur les donneurs d'ordre, de nature forfaitaire.

M. Francis Grignon. - Le système satellitaire et de portique ne permet pas de s'acquitter de la taxe : il enregistre les kilomètres. C'est important pour le report.

M. Roland Ries, rapporteur. - Certes, mais sur les voies taxables uniquement.

M. Francis Grignon. - Non, sur l'ensemble des voies.

M. Roland Ries, rapporteur. - En résumé : l'écotaxe poids lourds est payée par les transporteurs sur la base de leur itinéraire sur les voies taxables.

M. Louis Nègre. - L'itinéraire tel que repéré par le système satellite.

M. Roland Ries, rapporteur. - Tout à fait. Les poids lourds sont identifiés sur les routes qui figurent dans le cadre du schéma national des routes taxables, modifié plusieurs fois avec le concours des collectivités locales, y compris alsaciennes.

Puis intervient la grille des taux applicables que vous connaissez, de 6,3 % en Alsace à 0 % pour la Corse - car dépourvue de routes taxables, tout simplement. Il s'agit de neutraliser la taxe pour les transporteurs, qui répercutent celle-ci sur les chargeurs. Le premier système, calculé également au réel, s'est révélé ingérable. Il est désormais forfaitaire, ce qui tient compte de la fragilité du secteur des transports routiers. Le donneur d'ordre augmente alors ses prix ou réduit ses marges, à lui de choisir.

M. Francis Grignon. - C'est bien ça le drame.

M. Roland Ries, rapporteur. - Dans le fret ferroviaire, les coûts d'entretien des infrastructures sont internalisés, tandis qu'ils sont supportés par l'État et les collectivités locales dans le transport routier. L'écotaxe sert aussi à cela : donner aux pouvoirs publics les moyens d'entretenir son réseau. J'ai déposé un amendement pour réclamer une évaluation du dispositif au bout d'un an : ses impacts sur les coûts de transport, sur les reports d'itinéraires, le transfert en direction du fret ferroviaire, etc.

M. Francis Grignon. - L'article 7 dispose que « le prix de la prestation de transport routier de marchandises contractuellement défini fait l'objet de plein droit, pour la partie du transport effectué sur le territoire métropolitain, quel que soit l'itinéraire emprunté, d'une majoration ».

M. Roland Ries, rapporteur. - Il s'agit de la répercussion, non de la taxe !

M. Francis Grignon. - Ce n'est pas clair du tout.

M. Roland Ries, rapporteur. - La répercussion se faisant au forfait et non au réel, les transporteurs ne sont pas incités à rechercher un itinéraire de contournement.

M. Francis Grignon. - C'est ce que je disais pour arguer du fait que la réforme n'a aucun intérêt.

M. Jean Bizet. - Il y a une ambigüité. Il y a 5 000 km de routes taxables. Quel que soit son itinéraire, le transporteur est soumis à une taxe sur son chiffre d'affaires. Tous les transporteurs français auront donc une taxe à répercuter sur leur chargeur. Toute activité de transport sera donc taxée !

M. Roland Ries, rapporteur. - Ne confondez pas la taxe perçue au réel et la répercussion calculée au forfait, quel que soit l'itinéraire choisi, destinée à ne pas encourager le contournement de la taxe.

M. Henri Tandonnet. - Ecomouv' pourra-t-il récupérer, en Pologne par exemple, les 0,12 euro par kilomètre dont tout transporteur devra s'acquitter sur les 5 000 km taxés ? Les 4,4 % en revanche ne seront pas répercutés par les transporteurs étrangers. Celui enfin qui contournera les 5 000 km de routes taxées ne s'acquittera pas de l'écotaxe mais encaissera bel et bien les 4,4 % visibles sur sa facturation et qu'il devra répercuter.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

L'article 1er est adopté sans modification.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3

L'article 3 est adopté sans modification.

Article additionnel après l'article 3

M. Roland Ries, rapporteur. - L'article 3 précise l'obligation de séparation comptable entre les activités de transport et de gestion d'infrastructures ferroviaires par une même entreprise. Renforcer la transparence dans les relations entre la SNCF et les régions est souhaitable. Depuis dix ans, les régions sont les autorités organisatrices des TER et des trains intercité. Les régions souhaitent voir clair dans l'utilisation qui est faite de leur contribution et de leur subvention à l'équilibre d'exploitation, et que soit donc distingué clairement les comptes des différents segments du ferroviaire : TER, TET, TGV, etc. L'amendement n° 26 oblige la SNCF à fournir des comptes sur le périmètre de chaque contrat d'exploitation de TER selon un format défini par la région, alors que la comptabilité est prescrite par l'entreprise. L'article additionnel vise aussi à ce que la SNCF publie, comme c'était le cas il y a quelques années, les comptes propres à la partie de l'EPIC SNCF gérant des contrats de service public, c'est-à-dire les contrats pour les TET et TER. Cet article additionnel est peut-être perfectible, mais je crois utile de l'adopter en l'état, quitte à le modifier en séance. Les régions sont demanderesses, et ont besoin d'actes autant que d'engagements.

M. Louis Nègre. - Je suis favorable à cet amendement, pour nos régions ainsi que pour l'ensemble de notre système. Je le voterai.

L'amendement n° 26 est adopté et devient un article additionnel.

Article 4

L'article 4 est adopté sans modification.

Article 5

M. Roland Ries, rapporteur. - Certains ont souhaité obtenir la liste des délaissés routiers mentionnés dans le projet de loi. Nous interrogerons le ministre pour une réponse dans la semaine. La compensation est un autre point important. L'amendement n° 27 renforce les garanties pour ce reclassement dans la voirie communale ou départementale. Afin de garantir la compensation financière effective des collectivités, le terme « ouvre droit » est remplacé par celui de « donne droit ». La procédure contradictoire d'évaluation des coûts nécessaires à la remise en état est également clarifiée : à défaut d'accord avec la collectivité concernée, ces coûts seront fixés par décret en Conseil d'État. Cette précision semble utile au regard de la présentation - sensiblement différente -faite de cette procédure dans l'étude d'impact : « le représentant de l'État dans le département, après avoir déterminé, avec l'accord, dans la mesure du possible, de la collectivité concernée, le montant de ces travaux de remise en état, prendra un arrêté préfectoral fixant la somme ainsi due pour solde de tout compte à la collectivité ».

M. Vincent Capo-Canellas. - Je suis favorable à cet amendement. En revanche, je m'abstiendrai sur l'article, en l'absence des informations que le rapporteur lui-même a souhaité obtenir.

M. Henri Tandonnet. - Cet article est trop général. Je suis contre.

M. Michel Teston. - Peut-être faudrait-il préciser que notre commission elle-même souhaite obtenir la liste des délaissés concernés ?

L'amendement n° 27 est adopté, puis l'article 5 ainsi rédigé.

Article 6

M. Roland Ries, rapporteur. - Cet article ouvre la possibilité pour l'État d'indexer sur le niveau général des prix les rémunérations de ses cocontractants au titre des contrats de délégation de service public, des contrats de partenariat et des concessions de travaux publics conclus dans le domaine des infrastructures et des services de transport. Il se justifie par la durée de ces contrats - jusqu'à plusieurs décennies. L'amendement n° 28 élargit cette possibilité aux collectivités territoriales.

L'amendement n° 28 est adopté, puis l'article 6 ainsi rédigé.

Articles additionnels avant l'article 7

M. Jean Bizet. - L'amendement n° 2 protège la distribution de proximité. Près de 80 % des transports sont assurés dans un rayon de 150 km ? Pour ma part, j'avais le chiffre de 300 km. Je peux rectifier ce chiffre ; quoi qu'il en soit, on ne mesure pas assez l'effet que l'on va produire sur les petites entreprises de transport.

M. Charles Revet. - Mon amendement n° 9 est identique.

M. Roland Ries, rapporteur. - Cet amendement exonère les tournées de livraison de l'écotaxe poids lourds. J'y suis défavorable : d'abord car il rouvre le débat sur le mécanisme de la taxe, déjà abordé à l'occasion de l'examen de la loi de finances. Il ne s'agit pas de le réécrire. Ensuite, une telle exonération ouvrirait la boîte de Pandore : j'ai rencontré les différents lobbies, et tous sont d'accord avec la taxe pourvu qu'ils ne s'en acquittent pas ! Mais adopter cet amendement revient à se priver de 80 % des recettes potentielles de la taxe. Enfin, je doute qu'une telle mesure soit conforme au droit européen : la directive eurovignette autorise l'instauration de droits de péage à la condition que la concurrence soit préservée entre les acteurs.

Mme Évelyne Didier. - Rentrer dans cet engrenage revient en effet à signer l'arrêt de mort de la taxe. Certaines définitions de la proximité sont curieuses : un rayon de 150 km, c'est la taille d'un département ! A-t-on en outre des exemples concrets de l'impact de la taxe pour les transporteurs ? Quelques centimes ou quelques euros, ce n'est pas la même chose. En définitive, personne ne sait combien rapportera cette taxe. Peut-être se bat-on pour pas grand-chose. L'exemple cité de la bière permet de se faire une idée.

M. Francis Grignon. - Monsieur le rapporteur, si je comprends bien, le transport de proximité ne posera aucun problème puisque, selon votre interprétation, les transporteurs n'emprunteront pas les axes munis de portiques.

M. Jean Bizet. - Là réside la grande ambiguïté du dispositif.

M. Roland Ries, rapporteur. - Je répète qu'en principe, le transporteur paye l'écotaxe et seule sa répercussion est forfaitaire ; son calcul, qui dépend des régions, est fonction de la densité du réseau taxable et de l'utilisation qui en est faite.

Mme Laurence Rossignol, présidente. - Nous avons déjà eu une longue discussion : est-il nécessaire de la reprendre ? Nous disposons d'une liste consistante de questions pour le ministre.

M. Charles Revet. - Nous voulons voter en connaissance de cause !

L'objectif de la loi est aussi de faire supporter le poids de la taxe par les transporteurs étrangers. Nous savons bien que certains camions étrangers traversent la France sans rien débourser. Exonérer les petites entreprises du paiement de la taxe, c'est soutenir le tissu de TPE français.

M. Henri Tandonnet. - Dans l'ancien dispositif, le transporteur ne pouvait saucissonner la taxe entre ses différents clients. C'est une des raisons de son abandon. Vous faites perdre 4 % aux transporteurs qu'ils vont pouvoir répercuter à leurs clients.

M. Francis Grignon. - Dans tous les cas de figure, le transporteur perdra 4 % !

M. Jean Bizet. - A nouveau, le transporteur paie-t-il ou non l'écotaxe poids lourds sur les axes non taxables ?

M. Roland Ries, rapporteur. - Non. Mais il peut la répercuter sur ses donneurs d'ordres.

M. Jean Bizet. - La distribution de proximité utilise généralement des axes non taxables. Cet amendement n'a donc plus lieu d'être, sauf à considérer que la répercussion d'une taxe non acquittée constitue un enrichissement sans cause.

M. Roland Ries, rapporteur. - En effet, c'est ce que j'ai appelé l'effet d'aubaine.

M. Louis Nègre. - Le libellé de l'article n'est pas clair.

M. Vincent Capo-Canellas. - De ce que je comprends, il y a deux dispositifs de taxation bien étanches : d'une part, la taxe poids lourds payée par les transporteurs, d'autre part, la répercussion qu'ils peuvent faire peser sur leurs clients. Rien n'assure que ces deux mécanismes vont s'équilibrer.

M. Roland Ries, rapporteur. - Il n'y a pas deux taxes, mais une seule, répercutable.

L'amendement n° 2, identique à l'amendement n° 9, est adopté et devient un article additionnel.

M. Roland Ries, rapporteur. - L'amendement n° 29 aligne l'écotaxe poids lourds alsacienne, en principe applicable à compter du 20 avril, sur la taxe nationale. C'est d'autant plus justifié que son assiette est différente.

L'amendement n° 29 est adopté et devient un article additionnel.

Article 7

M. Roland Ries, rapporteur. - L'amendement n° 30 est un amendement de coordination avec le précédent.

L'amendement n° 30 est adopté.

M. Roland Ries, rapporteur. - L'amendement n° 31 est un amendement rédactionnel.

L'amendement n° 31 est adopté.

M. Roland Ries, rapporteur. - L'amendement n° 32 prévoit que le gouvernement remet au Parlement un rapport destiné à évaluer, au bout d'une année de fonctionnement, le dispositif de l'écotaxe poids lourds.

M. Louis Nègre. - Fixée au 31 décembre 2014, la remise du premier rapport interviendra au bout de 18 mois d'application du dispositif. Nous devrions pouvoir le suivre au jour le jour, quitte à ne pas disposer d'un rapport formel.

M. Roland Ries, rapporteur. - Un tel objectif n'empêche nullement d'évaluer le dispositif au fur et à mesure. Nous pourrions indiquer « au plus tard au 31 décembre 2014 ».

M. Charles Revet. - Au 31 décembre 2014, il sera trop tard pour en tenir compte dans la loi de finances pour 2015.

M. Louis Nègre. - Indiquons dès lors le 1er septembre 2014 au plus tard. Cela fera 14 mois.

M. Roland Ries, rapporteur. - Entendu, fixons la date de remise du rapport au 1er septembre 2014 pour en tenir compte en loi de finances.

M. Henri Tandonnet. - Quid des évaluations internationales ?

L'amendement n° 32 est adopté.

Les amendements nos 8 rectifié et 3 deviennent sans objet.

L'article 7 est adopté ainsi rédigé.

Articles additionnels après l'article 7

M. Jean Bizet. - L'amendement n° 7, en exonérant de la taxe poids lourds les transports routiers réalisés dans le cadre d'opérations combinées, vise à faciliter le transport multimodal.

M. Roland Ries, rapporteur. - Certes. Mais il rouvre le débat sur les mécanismes mêmes de la taxe alors qu'il importe désormais de la mettre en oeuvre. En outre le transport multimodal bénéficie déjà de mesures d'accompagnement. Nous pourrions les réexaminer à l'occasion de l'évaluation des effets de l'écotaxe sur le transport combiné. Enfin le transport combiné ayant pour objet de réduire la part du transport routier, celle-ci doit être faible, sans compter que tous les tronçons routiers d'acheminement ne sont pas concernés par la taxe. Avis défavorable.

L'amendement n° 7, identique à l'amendement n° 10, est adopté et devient un article additionnel.

M. Jean Bizet. - L'amendement n° 15 autorise à titre expérimental la circulation d'ensembles routiers d'une longueur maximale de 25,25 mètres. Il vise à remédier à la distorsion de concurrence avec d'autres pays de l'Union européenne, comme la Finlande, la Suède, la Norvège, le Danemark, ou certains Länder allemands qui les autorisent. Cette mesure s'inscrit dans la perspective de la directive sur l'harmonisation des transports routiers. Enfin l'empreinte écologique sera améliorée, et tel est le but de l'écotaxe.

Mme Évelyne Didier. - Je comprends que l'on puisse justifier cet amendement par des considérations d'ordre économique. Mais le justifier au nom de l'environnement, c'est le comble : elle est le contraire du transport multimodal ! De plus ces camions ne passeront pas partout, sans compter les dégâts occasionnés à la voirie. Voyez déjà ce qui se passe avec les engins agricoles surdimensionnés !

M. Roland Ries, rapporteur. - Avis défavorable. Cet amendement n'a rien à voir avec la taxe poids lourds qui est liée à la distance parcourue, non aux dimensions des camions. Je souscris aux arguments de Mme Didier : il est dangereux et anti-écologique de faire circuler de tels véhicules de taille disproportionnée.

M. Jean-François Mayet. - La France serait-elle le seul pays à se passer de camions ?

M. Roland Ries, rapporteur. - Les convois de taille exceptionnelle ne doivent pas devenir la norme. Le précédent gouvernement s'était posé les mêmes questions.

M. Jean Bizet. - Il ne s'agit que d'une expérimentation. Elle nous permettra d'en tirer les conséquences. La France ne doit pas rester dans une bulle.

M. Roland Ries, rapporteur. - Il s'agit d'un cavalier législatif. De plus, tous les pays européens ne sont pas du même avis.

M. Jean Bizet. - Si pour une fois la France pouvait être en avance...

L'amendement n° 15 est adopté et devient un article additionnel.

M. Roland Ries, rapporteur. - L'amendement n° 40 vise à garantir que la majoration du contrat de location de véhicule avec conducteur n'est effectuée que dans les cas où le loueur est effectivement redevable de l'écotaxe.

L'amendement n° 40 est adopté et devient un article additionnel.

Article 8

L'amendement n° 33 rédactionnel est adopté, puis l'article 8 ainsi rédigé.

Articles 9, 10 et 11

Les articles 9, 10 et 11 sont adoptés sans modification.

Article 12

M. Philippe Esnol. - L'amendement n° 12 et l'amendement de cohérence n° 14 étendent la possibilité de déchirage d'office des bateaux, après mise en demeure, en exonérant les bateaux d'habitation. Les fourrières sont souvent saturées.

M. Roland Ries, rapporteur. - Le déchirage n'est possible qu'après déchéance de propriété. Aussi cet amendement n'est pas recevable sous cette forme, même si je partage son esprit.

Les amendements n°s14 et 12 sont retirés.

M. Roland Ries, rapporteur. - L'amendement de cohérence n° 24 applique le déplacement d'office à « tout engin flottant ». Il n'y a pas que les bateaux sur l'eau !

L'amendement n° 24 est adopté.

M. Roland Ries, rapporteur. - L'amendement n° 25 précise qu'une fois le bateau déplacé, le propriétaire en reste responsable, notamment pour l'entretien et la surveillance.

L'amendement n° 25 est adopté.

L'amendement n° 13 est retiré en cohérence avec le retrait des amendements n°s 12 et 14.

L'article 12 est adopté ainsi rédigé.

Article 13

L'amendement rédactionnel n° 5 est adopté, puis l'article 13 ainsi rédigé.

Article 14

L'article 14 est adopté sans modification.

Article 15

L'amendement rédactionnel et de coordination n° 6 est adopté, puis l'article 15 ainsi rédigé.

Article 16

L'amendement rédactionnel n° 20 est adopté, puis l'article 16 ainsi rédigé.

M. Rémy Pointereau. - Nous nous abstenons.

Article 17

L'amendement rédactionnel de cohérence n° 16 est adopté, puis l'article 17 ainsi rédigé.

Article 18

L'amendement n° 17 est adopté, ainsi que les amendements n°s 19 et 18, puis l'article 18 ainsi rédigé.

Articles 19, 20 et 21

Les articles 19, 20 et 21 sont adoptés sans modification.

Article 22

M. Roland Ries, rapporteur. - Trois amendements sont relatifs à la consignation. L'amendement n° 23 établit une exception à l'interdiction de consigner un mineur, si le capitaine ne souhaite pas le séparer de ses parents ; la procédure, rare, se voit fondée juridiquement. L'amendement n° 22 prévoit que le procureur de la République peut s'entretenir avec la personne consignée ; enfin l'amendement n° 21 est un amendement de coordination pour que ces mesures s'appliquent dès l'adoption de la loi.

Mme Laurence Rossignol, présidente. - Ces mesures modifient une loi du 17 décembre 1926.

Les amendements n°s 23, 22 et 21 sont adoptés, puis l'article 22 ainsi rédigé.

Article 23

Mme Laurence Rossignol, présidente. - Il semble que l'amendement n° 4 de Mme Didier reprend une mesure qui figurait dans sa proposition de loi.

M. Roland Ries, rapporteur. - Sous une autre forme, en effet. Cette référence au code du travail est bienvenue : si le code du travail garantit à l'avenir plus de droits aux travailleurs détachés temporairement, ces droits bénéficieront aux gens de mer travaillant dans les eaux territoriales françaises. Avis favorable.

M. Francis Grignon. - Nous nous abstenons.

L'amendement n° 4 est adopté, puis l'article 23 ainsi rédigé.

Titre VI

L'amendement rédactionnel n° 34 sur l'intitulé du titre VI est adopté.

Article 25

M. Roland Ries, rapporteur. - L'amendement n° 35 et les amendements n°s 39, 36, 37, 41 et 38 coordonnent les dispositions concernant l'outre-mer.

L'amendement n° 35 est adopté, de même que les amendements n°s 39, 36, 37, 41 et 38, puis l'article 25 ainsi rédigé.

Mme Laurence Rossignol, présidente. - Je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

Mme Évelyne Didier. - Notre groupe était favorable au texte initial, mais il conditionne son vote à la suppression des amendements proposés par le groupe UMP et adoptés au cours de cette séance.

M. Charles Revet. - Même remarque, mais le vote est conditionné à la suppression des amendements proposés par Mme Didier !

M. Michel Teston. - Des amendements ne nous convenant pas et modifiant l'esprit du projet de loi ont été adoptés. Étant cependant convaincus qu'il faut adopter ce texte, nous émettrons un avis favorable à l'adoption du rapport, mais ferons le nécessaire en séance pour revenir à une rédaction plus conforme à notre souhait.

Mme Laurence Rossignol, présidente. - Nous ne votons pas sur l'adoption du rapport, mais sur le texte modifié.

M. Francis Grignon. - Je vous présente mes excuses : après vérification, les transporteurs payent la taxe uniquement s'ils empruntent des axes taxables, mais tout le monde est facturé, ce qui pose un autre problème.

M. Roland Ries, rapporteur. - On peut facturer tout le monde, mais ce n'est pas une obligation.

M. Francis Grignon. - Le Conseil d'État se prononcera sur la question.

M. Michel Teston. - Puisque nous nous prononçons sur le projet de loi modifié, le groupe socialiste s'abstiendra mais fera le nécessaire en séance pour rendre le texte plus conforme à son souhait.

Mme Laurence Rossignol, présidente. - Je mets aux voix le projet de loi dans le texte adopté par la commission.

Tous les commissaires s'abstenant, le projet de loi n'est pas adopté.

Mme Laurence Rossignol, présidente. - Votons une seconde fois ? Si le texte n'est pas adopté au moins par une voix, nous discuterons en séance sur la base du texte du gouvernement, sans nos amendements. C'est comme si la commission n'avait rien adopté.

M. Rémy Pointereau. - Ce serait une première !

Mme Laurence Rossignol, présidente. - La commission n'a pas adopté le texte. Nous discuterons donc en séance sur le texte du gouvernement et chacun pourra redéposer ses amendements, qui seront amendements de leurs auteurs et non de la commission.

M. Jean Bizet. - Vous nous avez demandé de revoter ; j'ai levé la main mais vous ne m'avez pas regardé.

Mme Laurence Rossignol, présidente. - Il est trop tard.

M. Jean Bizet. - Vous nous avez invités à reconsidérer notre vote...

Mme Laurence Rossignol, présidente. - On ne peut pas revoter.

M. Jean Bizet. - Pourquoi l'avez-vous proposé ?

Mme Laurence Rossignol, présidente. - J'ai été surprise : vous n'aviez pas expliqué votre vote.

M. Jean Bizet. - Je signalerai en séance la façon dont cette réunion s'est déroulée.

Mme Évelyne Didier. - Je demande une brève suspension.

Mme Laurence Rossignol, présidente. - Soit.

La séance est suspendue quelques instants.

Mme Laurence Rossignol, présidente. - Je confirme que le texte n'est pas adopté. Il n'y a aucune raison de revoter : chacun s'expliquera en séance.

Prorogation du mécanisme de l'éco-participation pour les équipements électriques et électroniques ménagers - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi n° 272 (2012-2013), présentée par M. Gérard Miquel et plusieurs de ses collègues, relative à la prorogation du mécanisme de l'éco-participation répercutée à l'identique et affichée pour les équipements électriques et électroniques ménagers (procédure accélérée engagée).

M. Alain Houpert, rapporteur. - Ce texte en apparence modeste aura des conséquences pratiques importantes sur la politique environnementale et le recyclage des déchets en France. Il apporte en effet un aménagement au système des filières de responsabilité élargie du producteur (REP). La REP repose sur le principe pollueur-payeur, d'après lequel les mesures de prévention et de lutte contre la pollution doivent être prises en charge par le pollueur.

La réglementation européenne s'est très tôt emparée du sujet, notamment avec la directive de 1975 sur les déchets. En France, la loi du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets a introduit le principe de responsabilité des producteurs, disposant qu'il peut être fait obligation aux producteurs, importateurs et distributeurs des produits de pourvoir à l'élimination des déchets qui en proviennent. Les producteurs peuvent mettre en place eux-mêmes un système de collecte et de traitement, ou adhérer à un éco-organisme agréé. Cette responsabilité, qualifiée par l'OCDE de responsabilité élargie du producteur, vise à transférer la charge du traitement de certains déchets des collectivités vers les metteurs sur le marché, c'est-à-dire des contribuables vers les consommateurs, à prévenir l'impact des produits sur la création de déchets en favorisant l'éco-conception et à développer le recyclage.

Seize filières existent aujourd'hui en France, dont quatre viennent d'être lancées. La filière déchets d'équipements électriques et électroniques est la filière des D3E. Les déchets d'équipements électriques et électroniques comprennent les gros appareils ménagers froids et hors froid, les petits appareils en mélanges, les écrans, ou encore les lampes.

La création d'une filière de recyclage spécifique a été imposée par la directive du 27 janvier 2003, transposée par le décret du 20 juillet 2005, remaniée par une directive récente de 2012 en cours de transposition. Ces textes imposent la collecte sélective des D3E, avec un objectif de 4 kilos par habitant en 2006, et une obligation de reprise gratuite des anciens appareils.

La filière française de recyclage est entrée en vigueur le 15 novembre 2006 pour les D3E ménagers. Elle repose sur quatre éco-organismes agréés par les pouvoirs publics et à but non lucratif, notamment Eco-systèmes. Selon l'Ademe (agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), la filière des D3E représente un fort gisement de valorisation : en 2011, 1,4 million de tonnes d'équipements ont été mis sur le marché ; 196 millions d'euros ont été perçus par les quatre éco-organismes, et 450 000 tonnes ont été collectées, soit 6,9 kilos par habitant et par an.

Les éco-organismes ont reversé en 2011 un total de 32 millions d'euros à leurs partenaires de collecte, dont 19 millions aux collectivités territoriales et 5,5 millions aux acteurs de l'économie sociale et solidaire. La filière REP a également fait économiser 70 millions d'euros aux collectivités. Elle représente une filière d'emploi à part entière, notamment dans l'insertion, avec plus de 3 500 emplois dont 1 500 dans l'économie sociale et solidaire.

La filière des D3E est confrontée à la problématique du stock des D3E historiques, dont les D3E orphelins, c'est-à-dire des déchets qui n'ont pas fait l'objet d'une éco-participation, car ils ont été mis sur le marché avant le 13 août 2005, date jalon pour la mise en oeuvre de l'obligation financière pour les metteurs sur le marché. Ces déchets historiques représentent 93 % des collectes.

Pour les équipements électriques mis sur le marché aujourd'hui, les coûts de recyclage et de valorisation sont internalisés et les metteurs sur le marché contribuent financièrement aux éco-organismes.

Pour les déchets historiques, le risque est grand que les producteurs aient des difficultés à répercuter ces coûts très importants sur l'aval de la filière, du fait des rapports de force dans les filières de distribution. Pour éviter qu'ils ne cherchent à minimiser leur contribution, la loi a instauré, à l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement, un régime obligeant les producteurs à afficher sur une ligne distincte de leurs factures le montant des éco-contributions supportées. Ce dispositif de répercussion s'arrêtera au 13 février 2013.

Les études d'échantillonnage montrent cependant que le taux de présence des déchets historiques parmi les D3E collectés est à ce jour encore très élevé : il était en 2011 de 83 % pour les petits appareils ménagers et de 96 % pour les écrans. Sur la base d'un scénario de décroissance du taux de déchets historiques de 5 % par an, ce taux resterait supérieur à 50 % en 2019.

C'est pourquoi la proposition de loi prolonge ce mécanisme de répercussion jusqu'au 1er janvier 2020. Son article unique corrige également une erreur matérielle de l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement.

Nous approuvons la consolidation d'une filière de recyclage en plein développement, et la garantie de ses moyens financiers.

Enfin, une nouvelle version de l'article précité du code de l'environnement devant entrer en vigueur au 1er juillet 2013, je vous propose d'adopter un amendement de cohérence.

La contribution visible, répercutée à l'identique du producteur jusqu'au consommateur final, est essentielle. Elle évite l'application de marges à chaque étape de la commercialisation du produit et minimise les coûts de vie tout en garantissant un traitement de qualité, et non les bénéfices des fabricants et revendeurs d'équipements.

Le régime de la contribution visible obligatoire a permis de sécuriser les ressources des éco-organismes agréés et de leur donner la visibilité nécessaire pour structurer la filière de recyclage.

La filière industrielle des D3E est jeune : les installations récentes ne sont pas encore amorties. La montée en puissance de la collecte, avec 6,9 kilos par habitant et par an en 2011 et 10 kilos visés en 2014, montre que toutes les capacités de traitement ne sont pas encore installées.

La disparition prématurée de la contribution visible pourrait contraindre la filière à revoir ses ambitions à la baisse et fragiliser un système qui a permis la mise en place, en quelques années, d'un recyclage des D3E à haute qualité environnementale, et qui nous permettra de léguer une belle planète à nos enfants.

Mme Évelyne Didier. - Je tiens à féliciter le rapporteur pour le travail accompli. Une remarque : la question des terres rares mériterait d'être soulignée ; le recyclage est indispensable. Merci également à Gérard Miquel d'avoir déposé ce texte, car cette mesure devait absolument être reconduite.

M. Vincent Capo-Canellas. - Notre collègue Yves Détraigne avait déposé une proposition de loi similaire. Nous sommes favorables à cette proposition de loi ainsi qu'au rapport.

M. Charles Revet. - Je me joins aux félicitations. Le sujet est important et je suis favorable à l'adoption du texte.

M. Alain Houpert. - Les terres rares constituent un enjeu important. Nous n'en avons pas chez nous : c'est dire l'importance du recyclage pour notre compétitivité et pour les générations futures ; de surcroit, il s'effectue dans le cadre d'une économie sociale et solidaire et favorise l'insertion de personnes en difficulté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article unique

Mme Laurence Rossignol, présidente. - Un seul amendement est proposé.

M. Alain Houpert, rapporteur. - Il répare une erreur matérielle.

L'amendement unique est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Mme Laurence Rossignol, présidente. - A l'unanimité !

Le ministre chargé des relations avec le Parlement vient de nous annoncer que l'examen de la proposition de loi est avancé à mardi prochain après-midi en séance publique.

Titres de transport des compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l'Union européenne - Examen des amendements au texte de la commission

La commission examine les amendements de la commission sur le texte n° 322 (2012-2013), adopté par la commission, sur la proposition de loi n° 118 (2010-2011) visant à sanctionner la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l'Union européenne.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - Je vous présente un unique amendement de précision concernant le texte que nous avons examiné la semaine dernière. Il vise à déterminer plus clairement qui est destinataire de l'information sur l'identité du transporteur aérien. Il s'agit de préciser que l'information est donnée au passager ou à l'acquéreur si celui-ci n'est pas l'utilisateur du billet.

Un billet d'avion peut en effet être acheté par un tiers pour le compte de l'acheteur, une entreprise pour ses salariés par exemple. Si le transporteur a l'identité du voyageur, il n'a pas forcément ses coordonnées, mais ceux de la personne qui a acheté les billets. L'amendement lève une ambiguïté à ce sujet : l'information doit être donnée au passager ou à l'acquéreur si celui-ci n'est pas l'utilisateur du billet.

M. Henri Tandonnet. - Cela ne va-t-il pas entraîner une confusion entre l'acquéreur et une éventuelle agence de voyage ?

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - C'est le transporteur ou l'agence de voyage, celui qui émet le billet, qui est tenu de délivrer l'information. Nous précisons à qui cette information est donnée : au passager si ses coordonnées sont connues, à défaut, à celui qui a acheté le billet.

M. Charles Revet. - Nous voterons cet amendement.

Mme Laurence Rossignol, présidente. - L'auteur de la proposition de loi a-t-il été contacté ?

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - Nous avons entendu Mme Odile Saugues avant l'adoption du rapport et l'amendement a été soumis au cabinet du ministre, qui a donné son accord.

M. Rémy Pointereau. - Le groupe UMP votera l'amendement et le texte.

M. Philippe Esnol. - J'ai cru comprendre que Mme Saugues aurait préféré un vote conforme. Si le texte revient devant l'Assemblée, il risque d'être remis aux calendes grecques.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur. - Mme Odile Saugues s'est investie avec passion, constance et acharnement pour faire avancer les choses depuis l'accident de Charm el-Cheikh. A l'issue de nos entretiens, elle nous a dit : « J'attends depuis 2004 ; je comprends l'intérêt d'un vote conforme, mais il vrai qu'en l'état, le texte est inopérant. » Comme nous proposons de combler un vide juridique, Mme Saugues préfère que le texte soit applicable, quitte à attendre encore... Cette péripétie est à l'honneur du Sénat : l'Assemblée nationale aurait pu se rendre compte elle-même des failles juridiques de son texte !

L'amendement est adopté.