Mercredi 16 mars 2016

- Présidence de M. Philippe Bas, président -

La réunion est ouverte à 9 h 35

Mission d'information « désendoctrinement, désembrigadement et réinsertion des djihadistes en France et en Europe » - Nomination de co-rapporteurs

M. Philippe Bas, président. - Nous devons nommer un rapporteur sur la mission d'information intitulée « désendoctrinement, désembrigadement et réinsertion des djihadistes en France et en Europe » dont le bureau de la commission vous a proposé le principe. Je vous propose, sur ce dossier sensible, de nommer co-rapporteures Mmes Benbassa et Troendlé.

Il en est ainsi décidé.

- Présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente -

Protection de la Nation - Examen des amendements

La commission examine les amendements sur le projet de loi constitutionnelle n° 395 (2015-2016), adopté par l'Assemblée nationale, de protection de la Nation.

Motion tendant à opposer la question préalable

M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable à la question préalable : il s'agit d'une révision constitutionnelle dont le Président de la République a pris l'initiative après les attentats de janvier et novembre 2015, la moindre des choses est de l'examiner.

M. Christian Favier. - Nous condamnons fermement ces attentats et soutenons les mesures indispensables pour renforcer la sécurité. Pour autant, nous estimons qu'une révision constitutionnelle n'est pas nécessaire.

La commission émet un avis défavorable à la motion tendant à opposer la question préalable.

Article additionnel avant l'article 1er

M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 4.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.

Article 1er

M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements de suppression nos 16, 22, 46 et 48 rectifié.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 16, 22, 46 et 48 rectifié.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Le sous-amendement n° 38 à mon amendement n° 6 est intéressant, mais l'expression « péril imminent » ayant donné lieu à une abondante et claire jurisprudence, mieux vaut nous y tenir. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable au sous-amendement n° 38.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Même avis sur l'amendement n° 70.

M. Pierre-Yves Collombat. - Il précise cette notion assez vague de péril imminent, vu la gravité de la décision concernée.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 70.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Même avis sur les amendements nos 23 et 24.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 23 et 24.

M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n° 25 prévoit une consultation des présidents des assemblées avant la mise en oeuvre de l'état d'urgence. C'est une bonne idée, j'émets donc un avis favorable sous réserve d'une rectification rédactionnelle. Il faudrait écrire « après consultation des présidents des assemblées » et transformer cet amendement en sous-amendement.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 25 sous réserve de rectification.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable au sous-amendement n° 21 à mon amendement n° 7 : notre rédaction se conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

La commission émet un avis défavorable au sous-amendement n° 21.

M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n° 26 concerne la loi organique : il est satisfait.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 26.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 49 rectifié, qui exige un lien direct entre les mesures de l'état d'urgence et les raisons de son instauration. Ce serait trop restrictif. En novembre et décembre derniers, par exemple, l'emploi des forces de l'ordre avait été déterminé aussi par la COP 21. Il faut donc admettre que, lorsque l'état d'urgence est proclamé, ses mesures peuvent être utilisées à d'autres fins.

M. Pierre-Yves Collombat. - Je ne peux pas entendre cela !

M. Philippe Bas, rapporteur. - Vous avez bien dû l'entendre tout de même...

M. Pierre-Yves Collombat. - Cela me crève le coeur ! On ne décrète pas l'état d'urgence en général, mais pour une raison précise. Sinon, son inscription dans la Constitution serait dangereuse. C'est d'ailleurs tout le débat, et je m'étonne que nous n'encadrions pas mieux ce dispositif.

M. Philippe Bas, rapporteur. - S'il y a un attentat, qu'il faut sécuriser les gares, les lieux publics, et qu'une conférence internationale se tient, les moyens de l'état d'urgence et les effectifs des services de sécurité doivent bien être répartis, y compris pour la sécurité d'événements qui n'ont rien à voir avec les motifs de l'état d'urgence. Le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel ont tous les deux reconnu la validité des mesures prises depuis novembre. L'ordre public est un tout. S'il y a un péril imminent, il n'y a pas pour autant plus d'hommes disponibles pour y faire face. Il faut donc optimiser leur emploi, au besoin en interdisant des manifestations pour dégager des effectifs. Pour être efficace, l'état d'urgence doit être conçu largement. Bien sûr, il y aura un contrôle de nécessité, de proportionnalité et d'adaptation des mesures prises.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 49 rectifié.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 27.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 27.

M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n° 32 rectifié bis étant satisfait, je demande son retrait.

M. Jean-Yves Leconte. - Je le maintiens.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 32 rectifié bis.

M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n° 50 rectifié est également satisfait. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 50 rectifié.

M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n° 19 est également satisfait. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 19.

M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n° 33 rectifié bis est satisfait par l'un de mes amendements, adopté la semaine dernière. Retrait.

M. Jean-Yves Leconte. - Je le maintiens.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 33 rectifié bis.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 51 rectifié.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 51 rectifié.

M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n° 28 est de coordination avec l'amendement n° 2 : avis défavorable par cohérence.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 28.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Le sous-amendement n° 41 porte sur mon amendement n° 8. La mention de l'ensemble des contrôles juridictionnels prive cet amendement de son efficacité concernant la compétence de l'autorité judiciaire. L'article 66 de la Constitution disposant que « nul ne peut être arbitrairement détenu » et que « l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe », l'état d'urgence, s'il déroge au droit commun, ne peut prévoir de mesures de détention par l'autorité administrative. Il faut le dire.

M. Alain Richard. - Ce débat est intéressant. La mention du rôle de gardien de la liberté individuelle qu'a l'autorité judiciaire n'est pas utile dans un article qui instaure l'état d'urgence, puisque nous ne touchons pas à l'article 66. Elle est même un peu dommageable, puisque l'article 36-1 s'ajoute à l'article 16 et à l'article 36, qui régissent aussi des états d'exception. Y introduire cette mention risque de créer ce que nous appelons au Conseil d'État un miroitement. Mieux vaut considérer que l'article 66 suffit à donner cette garantie, y compris pendant l'état d'urgence.

M. Philippe Bas, rapporteur. - L'analogie que vous effectuez avec l'état de siège et l'article 16 n'est pas totalement convaincante. Les mesures prises en vertu de l'article 16 ne font l'objet d'aucun contrôle juridictionnel - ce qui peut conduire, et a conduit, à des excès. Et, en cas d'état de siège, ce sont les tribunaux militaires qui sont compétents. Puisque nous introduisons dans la Constitution un nouveau régime dérogatoire, autant en fixer les bornes.

La commission émet un avis défavorable au sous-amendement n° 41.

M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n° 66 est astucieux. Il renvoie aux débats que nous avons eus avec le premier président de la Cour de cassation. Celui-ci recommandait de remplacer, à l'article 66 de la Constitution, les mots « de la liberté individuelle » par les mots « des libertés individuelles ». Toutefois, introduire cette expression à l'article 36-1 sans modifier l'article 66 créerait une incohérence dans la Constitution. Avis défavorable. Pour aller au bout de leur projet, les auteurs de cet amendement devraient proposer de modifier l'article 66 ! J'y serais tout aussi défavorable...

M. Pierre-Yves Collombat. - Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris. Or le diable est dans les détails. Et il est plus difficile, assurément, de faire respecter les libertés individuelles que la liberté individuelle.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 66.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable au sous-amendement n° 39, qui porte sur mon amendement n° 9. Cet amendement prévoit en effet qu'à tout moment le Parlement peut se réunir et adopter une résolution ou une proposition de loi mettant fin à l'état d'urgence. Le sous-amendement n° 39 y ferait obstacle.

La commission émet un avis défavorable au sous-amendement n° 39.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Des trois amendements nos 67, 68 et 69, je retiens le troisième, sur lequel j'émets un avis favorable, sous réserve d'une légère rectification. Cet amendement devrait être transformé en sous-amendement à l'amendement n° 9, pour ajouter à l'alinéa 3, après les mots « chaque assemblée », les mots « ou d'au moins deux groupes parlementaires ». Il prévoit qu'à la demande de deux groupes parlementaires au moins, le Parlement débattra d'une résolution ou d'une proposition de loi modifiant ou supprimant l'état d'urgence. Nous avions déjà prévu cette possibilité si la Conférence des présidents le souhaitait.

M. Pierre-Yves Collombat. - Ce compromis me paraît acceptable.

M. Alain Richard. - Prudence : les groupes parlementaires ne sont pas reconnus par la Constitution, je crois. Ils ne figurent que dans les règlements.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Je me suis aussi interrogé et j'ai procédé aux vérifications nécessaires : l'article 51-1, introduit en 2008, les mentionne. Il dispose que : « le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein » et « reconnaît des droits spécifiques aux groupes d'opposition de l'assemblée intéressée ainsi qu'aux groupes minoritaires ».

M. Alain Richard. - Mon objection tombe donc. Mais ce serait le seul cas où une autre instance que le Gouvernement aurait une priorité sur l'ordre du jour. Est-ce vraiment nécessaire ? L'état d'urgence est, par définition, temporaire. S'il y a des motifs d'y mettre un terme, la Conférence des présidents y serait sensible.

M. Pierre-Yves Collombat. - Est-ce nécessaire ? Tout dépend de ce qu'on estime prioritaire. Pour nous, c'est la démocratie. S'il y a la même majorité au Sénat et à l'Assemblée nationale, un texte défendu par la minorité ne serait pas adopté... Puis l'examen d'un texte ne signifie pas son adoption. Pourquoi ces objections ? Une situation exceptionnelle autorise des dérogations.

M. Jacques Mézard. - Dans une démocratie parlementaire, en cas de crise grave, si des mesures d'exception sont prises, il est bien naturel que deux groupes politiques puissent demander un débat sur l'application de l'état d'urgence. Contester cela, c'est affirmer que, sous l'état d'urgence, l'administration exerce tous les pouvoirs. On sait qui fait cela...

M. Philippe Bas, rapporteur. - Je rappelle qu'en temps ordinaire, une semaine par mois est régulièrement réservée aux propositions de loi. Si l'inscription de l'état d'urgence dans la Constitution n'est pas indispensable, comme l'a bien montré le Conseil constitutionnel par trois décisions, faisons en sorte qu'elle soit utile, c'est-à-dire qu'elle apporte des garanties. C'est ce que fait cet amendement, sans nuire au bon fonctionnement de nos institutions.

M. Jean-Yves Leconte. - Pourquoi ne pas remplacer les deux groupes parlementaires par un nombre donné - vingt ou trente - de parlementaires ?

M. Alain Vasselle. - Nous pourrions préciser que les deux groupes en question doivent représenter au moins la moitié des parlementaires.

Mme Catherine Troendlé, présidente. - C'est de la surenchère !

Mme Catherine Tasca. - L'existence des groupes est reconnue. Le débat sur les conditions de mise en oeuvre de l'état d'urgence aura lieu dans les médias, dont nous savons comment ils façonnent l'opinion. Il est donc utile qu'il puisse aussi être porté au Parlement. Nul ne peut préjuger de l'adoption ou du rejet d'un texte.

M. Michel Mercier. - Je soutiens cet amendement. Nous devons donner aux groupes minoritaires la possibilité d'ouvrir le débat. Nous aurions pu rattacher cette possibilité à l'article 51-1 de la Constitution, cela dit...

M. Hugues Portelli. - Lorsque nous avons introduit, en 2008, la possibilité pour les parlementaires d'interroger le Conseil constitutionnel sur la durée d'utilisation de l'article 16, nous avons prévu un minimum de soixante parlementaires. Pourquoi ne pas reprendre ce seuil ? Cela éviterait de donner tant de pouvoir à des groupes ultra-minoritaires, représentant vingt sénateurs ou trente députés.

M. Michel Mercier. - Ces groupes minoritaires que vous décriez ont une grande utilité quand il s'agit de faire une majorité !

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 67 et 68 et un avis favorable à l'amendement n° 69 sous réserve de rectification.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 59, qui empêcherait la tenue d'une session extraordinaire.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 59.

M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n° 52 rectifié prévoit que la loi de prorogation doit être votée conforme par les deux assemblées et limite la durée de prorogation à trois mois, sans renouvellement. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 52 rectifié.

M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n° 40 a été inspiré par les réflexions de la commission de Venise du Conseil de l'Europe. Il conditionne la prorogation de l'état d'urgence au fait que la situation l'exige. Cela va de soi ! Le Parlement en jugera, sous le contrôle du Conseil constitutionnel. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 40.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n° 35 rectifié, qui précise que la prorogation peut être renouvelée selon les mêmes modalités, sous réserve d'une rectification rédactionnelle.

M. Jean-Yves Leconte. - Je l'accepte.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 35 rectifié sous réserve de rectification.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 42, car il va de soi.

M. Michel Mercier. - Il est tautologique.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 42.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n° 53 rectifié.

Mme Esther Benbassa. - Tout arrive !

M. Philippe Bas, rapporteur. - L'état d'urgence est proclamé par décret et peut être ensuite, au-delà de douze jours, prorogé par la loi, indéfiniment. La prorogation ne fait pas disparaître la décision réglementaire initiale. Elle n'impose pas non plus le maintien de l'état d'urgence pendant toute la durée où elle l'autorise. Le décret initial peut donc être simplement retiré, ce qui met fin à l'état d'urgence. Cet amendement le rappelle utilement, et apporte ainsi une garantie à laquelle je n'avais pas pensé. Il faudrait toutefois le rectifier pour préciser aussi qu'il peut être mis fin à l'état d'urgence par le Parlement, en écrivant : « il peut être mis fin à l'état d'urgence par la loi ou par décret délibéré en conseil des ministres ».

Mme Esther Benbassa. - Je l'accepte.

M. Michel Mercier. - Je suis moins enthousiaste que vous. La Constitution ne doit pas régler toutes les questions relatives à l'état d'urgence. Une loi prévoit déjà qu'il peut y être mis fin par décret... J'espère que, si je vote cet amendement, Mme Benbassa fera l'effort de voter la loi !

M. Philippe Bas, rapporteur. - Nous ne lui demandons rien de tel - mais nous connaissons son élégance...

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 53 rectifié sous réserve de rectification.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 60.

Articles additionnels après l'article 1er

M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 62, qui veut abroger l'article 16 de la Constitution.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 62.

M. Michel Mercier. - Je retirerai l'amendement n° 5.

Article 1er bis

M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements de suppression nos 17, 29, 47 et 54 rectifié, car cet article apporte une précision utile.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 17, 29, 47 et 54 rectifié.

Articles additionnels après l'article 1er bis

M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 55 rectifié, qui veut interdire de réviser la Constitution pendant l'état d'urgence, de même que les amendements nos 63 et 64. C'est ce que nous sommes en train de faire ! Et si elle est bien amendée par le Sénat, cette révision sera utile.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 55 rectifié, 63 et 64.

Article 2

M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements de suppression nos 18, 30, 36, 37, 43 rectifié bis, 56 rectifié et 71. Nous aurions pu ne pas réviser la Constitution mais, pour le Président de la République, cette révision forme un tout, avec ses deux articles : il s'agit de mettre en oeuvre le pacte de sécurité annoncé à Versailles.

M. Jean-Pierre Sueur. - Les auteurs de ces amendements votent en leur faveur.

M. Philippe Kaltenbach. - J'ai déposé l'amendement n° 36 car j'estime que la création d'une peine complémentaire de déchéance de nationalité prononcée par le juge n'oblige nullement à modifier la Constitution, qui prévoit déjà, en son article 34, que la loi organise le système des peines. Ne faisons pas bégayer notre droit ! L'article 25 du code civil prévoit déjà la déchéance, il suffit de le modifier. En disant que les deux articles de cette révision sont liés, notre président se fait le porte-parole du Président de la République. L'article 1er est utile et il suffit.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 18, 30, 36, 37, 43 rectifié bis, 56 rectifié et 71.

M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n° 45 rectifié substitue la dégradation civique à la déchéance de nationalité. Le Conseil d'État a signalé un risque d'inconstitutionnalité si la déchéance était étendue aux Français de naissance par une loi simple. Cela me paraît très précautionneux et il aurait plutôt fallu qu'une telle loi soit déférée au Conseil constitutionnel pour que nous en ayons le coeur net. Sur la dégradation civique, en revanche, il n'y a aucun risque d'inconstitutionnalité. Avis défavorable.

M. Christophe Béchu. - Cela ne ferait pas d'ailleurs disparaître la déchéance de nationalité, mais cela ajouterait une peine - ce qui montre bien que nous sommes dans la fuite en avant.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 45 rectifié.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Même avis sur l'amendement n° 58.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 58.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Le sous-amendement n° 20 rétablit le délit parmi les causes de déchéance de nationalité. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable au sous-amendement n° 20.

M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n° 2 est satisfait.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.

M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n° 72 est satisfait.

M. Pierre-Yves Collombat. - Il y a tout de même un problème. Quid si d'autres pays nous imitent ? Nous avons assez de vrais problèmes pour ne pas en ajouter de faux...

M. Philippe Bas, rapporteur. - Si le criminel est déjà déchu de son autre nationalité, il ne pourra l'être de la nationalité française.

M. Alain Vasselle. - Allons-nous créer des apatrides ?

M. Philippe Bas, rapporteur. - Nous le prohiberions expressément dans la Constitution. La difficulté sera d'obtenir une information sur la détention, ou non, d'une ou plusieurs autres nationalités par un ressortissant français.

M. Pierre-Yves Collombat. - Dans la version du Sénat, cet amendement est satisfait, mais nous nous adressons aussi au reste du monde. Si chacun se met à pratiquer ce sport... Ces questions ont été soulevées, entre autres, par M. Weil et M. Trévidic.

M. Alain Richard. - Si la déchéance de nationalité est prononcée par une décision administrative, il s'agira d'un décret pris sur avis conforme du Conseil d'État. Le Gouvernement devra donc démontrer que l'intéressé détient une autre nationalité. Les défenseurs feront leur possible pour montrer qu'il y a une incertitude... Mettre fin au droit de séjour de l'intéressé est une autre décision, qui peut être plus tardive que la déchéance elle-même et assortie de multiples modalités.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Le droit actuel impose déjà au pouvoir exécutif de faire la preuve que la personne concernée a bien une autre nationalité, puisqu'il interdit de faire des apatrides.

M. Alain Vasselle. - Si l'autre pays déchoit ensuite l'intéressé de sa nationalité, la France ne sera pas responsable...

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 72.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 3 rectifié, qui reprend le texte du Gouvernement.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3 rectifié.

M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n° 31 est satisfait.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 31.

Articles additionnels après l'article 2

M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 44 rectifié relatif au droit de vote des étrangers, qui prétend « honorer une promesse de trente ans » dont la majorité sénatoriale n'est pas comptable et qui n'a rien à voir avec cette révision constitutionnelle.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 44 rectifié.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Même avis sur l'amendement n° 57 rectifié, ainsi que sur l'amendement identique n° 65.

Mme Éliane Assassi. - Ces amendements reprennent les termes d'une proposition de loi constitutionnelle adoptée par le Sénat et tiennent un engagement pris depuis trente ans et renouvelé par le candidat Hollande. Cette proposition est aujourd'hui sur le Bureau de l'Assemblée nationale, où la majorité est à gauche...

M. Alain Marc. - C'est un cavalier ! Nous avons assez à faire pour assurer la protection de la Nation...

Mme Catherine Troendlé, présidente. - Il n'y a pas de cavalier sur un projet de loi constitutionnelle.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 57 rectifié et 65.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements nos 74 rectifié bis, 75 rectifié bis et 73 rectifié bis, qui veulent consacrer la profession d'avocat dans la Constitution.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 74 rectifié bis, 75 rectifié bis et 73 rectifié bis.

La commission donne les avis suivants sur les autres amendements de séance :

Auteur

Avis de la commission

Question préalable

Mme ASSASSI

1 rect.

Défavorable

Article additionnel avant l'article 1er

M. MASSON

4

Défavorable

Article 1er
Régime juridique de l'état d'urgence

Mme ASSASSI

16

Défavorable

M. MALHURET

22

Défavorable

Mme JOISSAINS

46

Défavorable

Mme BENBASSA

48 rect.

Défavorable

M. BONNECARRÈRE

38

Défavorable

M. MÉZARD

70

Défavorable

M. MALHURET

23

Défavorable

M. MALHURET

24

Défavorable

M. MALHURET

25

Favorable si rectifié

M. MASSON

21

Défavorable

M. MALHURET

26

Défavorable

Mme BENBASSA

49 rect.

Défavorable

M. MALHURET

27

Défavorable

M. LECONTE

32 rect. bis

Défavorable

Mme BENBASSA

50 rect.

Défavorable

M. MASSON

19

Défavorable

M. LECONTE

33 rect. bis

Défavorable

Mme BENBASSA

51 rect.

Défavorable

M. MALHURET

28

Défavorable

M. BONNECARRÈRE

41

Défavorable

M. MÉZARD

66

Défavorable

M. BONNECARRÈRE

39

Défavorable

M. MÉZARD

67

Défavorable

M. MÉZARD

68

Défavorable

M. MÉZARD

69

Favorable si rectifié

Mme ASSASSI

59

Défavorable

Mme BENBASSA

52 rect.

Défavorable

M. BONNECARRÈRE

40

Défavorable

M. DURAN

35 rect.

Favorable si rectifié

M. BONNECARRÈRE

42

Défavorable

Mme BENBASSA

53 rect.

Favorable si rectifié

Mme ASSASSI

60

Défavorable

Article additionnel après l'article 1er

Mme ASSASSI

62

Défavorable

M. M. MERCIER

5

Retiré

Article 1er bis
Délais relatifs à l'examen des projets de loi prorogeant des états de crise

Mme ASSASSI

17

Défavorable

M. MALHURET

29

Défavorable

Mme JOISSAINS

47

Défavorable

Mme BENBASSA

54 rect.

Défavorable

Article additionnel après l'article 1er bis

Mme BENBASSA

55 rect.

Défavorable

Mme ASSASSI

63

Défavorable

Mme ASSASSI

64

Défavorable

Article 2
Déchéance de nationalité et des droits qui y sont attachés

Mme ASSASSI

18

Défavorable

M. MALHURET

30

Défavorable

M. KALTENBACH

36

Défavorable

M. GABOUTY

37

Défavorable

Mme KHIARI

43 rect. bis

Défavorable

Mme BENBASSA

56 rect.

Défavorable

M. MÉZARD

71

Défavorable

M. YUNG

45 rect.

Défavorable

M. NÉRI

58

Défavorable

M. MASSON

20

Défavorable

M. M. MERCIER

2

Défavorable

M. COLLOMBAT

72

Défavorable

M. MASSON

3 rect.

Défavorable

M. MALHURET

31

Défavorable

Article additionnel après l'article 2

Mme KHIARI

44 rect.

Défavorable

Mme BENBASSA

57 rect.

Défavorable

Mme ASSASSI

65

Défavorable

Mme AÏCHI

74 rect. bis

Défavorable

Mme AÏCHI

75 rect. bis

Défavorable

Mme AÏCHI

73 rect. bis

Défavorable

- Présidence de M. Philippe Bas, président -

Marchés publics - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine le rapport de M. André Reichardt et le texte qu'elle propose sur le projet de loi n° 105 (2015-2016) ratifiant l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

M. André Reichardt, rapporteur. - Les marchés publics représentent, chaque année, plus de 200 milliards d'euros, soit dix points de PIB. Ce chiffre illustre l'importance que revêt la ratification de l'ordonnance du 23 juillet 2015.

Le Gouvernement a été habilité à la publier par la loi relative à la simplification des entreprises du 20 décembre 2014 pour transposer deux directives communautaires du 26 février 2014 et rationaliser le droit de la commande publique. Cette ordonnance entrera en vigueur en avril prochain. Au regard de ses enjeux, je regrette que le Gouvernement n'ait pas encore inscrit son projet de loi de ratification à l'ordre du jour de la séance publique. En me nommant rapporteur, la commission a toutefois souhaité examiner l'ordonnance dès à présent afin d'être en mesure, le moment venu, de la ratifier de la manière la plus éclairée possible.

Cette ordonnance concerne les marchés publics allotis, les marchés globaux et les marchés de partenariat, mais pas les concessions qui font l'objet d'une ordonnance spécifique publiée le 29 janvier dernier dont le projet de ratification n'a pas encore été déposé.

La transposition des deux directives précitées fournit de nouveaux outils aux acheteurs publics pour qu'ils puissent mener une politique d'achats plus cohérente. C'est ainsi que l'ordonnance crée une « procédure concurrentielle avec négociation » qui permettrait à l'acheteur de dialoguer avec les candidats pour améliorer leur offre même au-dessus des seuils d'appels d'offres.

Le principe de l'allotissement - qui consiste à diviser le marché en lot pour faciliter l'accès des PME aux marchés - est également conforté. Il est en effet étendu aux entités privées accomplissant des missions d'intérêt général comme La Poste ou la SNCF, ce qui permettrait, d'après le Gouvernement, d'attribuer 1,25 milliards d'euros de marchés supplémentaires aux PME.

La rationalisation du droit de la commande publique, second objectif de l'ordonnance, passe tout d'abord par une unification et une simplification des règles applicables : l'ordonnance remplace ainsi 17 textes en vigueur. En outre, elle fixe au niveau législatif les principes de la commande publique alors que l'actuel code des marchés publics est de niveau règlementaire.

Enfin, l'ordonnance propose une nouvelle architecture des marchés.

Il s'agit désormais de distinguer, d'abord, les marchés allotis, qui correspondent, comme aujourd'hui, à la forme contractuelle de droit commun. Par rapport au droit en vigueur, une nouvelle évaluation préalable serait nécessaire pour les marchés dépassant 100 millions d'euros, les entreprises pourraient proposer des offres variables et les acheteurs seraient contraints de motiver leur choix de ne pas allotir un marché.

Deuxième catégorie : les marchés globaux, qui dérogent à la loi de 1985 sur la maîtrise d'ouvrage publique car l'entreprise assume la conception de l'ouvrage, l'exécution des travaux, voire l'entretien du bâtiment. L'ordonnance simplifie le recours aux contrats globaux de performance dans lesquels l'entreprise s'engage à remplir des objectifs chiffrés. Elle étend également les marchés globaux sectoriels - qui concernent des secteurs sensibles comme les prisons - aux opérations de revitalisation artisanale et commerciale.

Enfin, les marchés de partenariat regroupent les actuels partenariats public-privé (PPP) - examinés par nos collègues Portelli et Sueur dans leur rapport de 2014 - et les contrats domaniaux qui avaient été utilisés pour répondre aux besoins des acheteurs publics.

L'ordonnance circonscrit l'utilisation des marchés de partenariat tout en simplifiant les conditions dans lesquelles les acheteurs peuvent y recourir. Elle réforme l'évaluation préalable de ces marchés et crée une étude de soutenabilité budgétaire. Ces documents seront respectivement transmis pour avis à la mission d'appui des partenariats public-privé et à la DGFiP. Le recours à ces marchés de partenariat nécessiterait, d'après l'ordonnance, de remplir un critère unique : celui du bilan. Les critères de l'urgence et de la complexité, jugés trop imprécis, seraient donc supprimés. Enfin, l'ordonnance crée des seuils minimaux déterminés par niveau réglementaire en-dessous desquels il ne serait pas possible de conclure un marché de partenariat.

Pour ma part, je vous propose d'adopter ce projet de loi de ratification sous réserve de certaines modifications tendant à un meilleur équilibre entre les marchés allotis, les marchés globaux et les marchés de partenariat.

Tout d'abord, le champ et le délai de l'habilitation ont été respectés. Je n'ai pas repéré de sur-transposition manifeste, à l'exception de la nouvelle obligation d'évaluation préalable pour les marchés allotis dépassant 100 millions d'euros, que je vous proposerai de supprimer pour ne pas alourdir la charge des acheteurs publics.

Le Gouvernement a repris certaines propositions parlementaires, notamment en prévoyant des seuils minimaux pour le recours aux contrats de partenariat. Nous pourrions ajouter une proposition que j'avais formulée lors de ma communication du 11 février 2015 : préciser les modalités de prévention des conflits d'intérêts dans la commande publique en s'inspirant de la loi sur la transparence de 2013. L'idée est de privilégier le déport de l'acheteur concerné par un conflit d'intérêts et non l'exclusion d'une entreprise de la procédure de mise en concurrence.

Concernant la répartition entre le domaine législatif et le domaine règlementaire, je n'ai constaté qu'une seule incohérence, à laquelle je vous proposerai de remédier : l'encadrement de la possibilité pour l'acheteur public d'attribuer un marché à partir du seul critère « prix » doit être précisé au niveau législatif car il aura des conséquences sur les collectivités territoriales.

Enfin, je regrette que plusieurs propositions de nature règlementaire de la mission commune d'information sénatoriale sur la commande publique n'aient pas été reprises, notamment les mesures visant à améliorer la trésorerie des entreprises.

Concernant l'économie générale du texte, je vous proposerai de rechercher un meilleur équilibre entre les différents types de marchés. Il convient en effet de concilier les marchés allotis - qui doivent rester le principe car ils constituent les contrats auxquels toutes les entreprises peuvent accéder, y compris les PME - des marchés globaux et des marchés de partenariat - qui présentent des avantages qu'il ne faut pas sous-estimer pour les acheteurs publics mais qui qui doivent rester une exception au regard de leurs effets d'éviction sur les PME et les entreprises spécialisées dans un seul corps d'état.

Je vous proposerai ainsi de conforter l'allotissement en renforçant les modalités de motivation de la décision d'un acheteur de ne pas allotir son marché.

Je souhaite également supprimer le nouveau dispositif des offres variables car il permettrait à de grands groupes de proposer des « prix de gros », ce qui les avantagerait de manière excessive par rapport aux entreprises spécialisées et aux PME.

Nous aurons inévitablement un débat sur la place des marchés globaux et des marchés de partenariat. Pour ma part, je souhaite les encadrer mais je ne veux pas prendre des mesures qui reviendraient à les supprimer. N'oublions pas qu'il s'agit d'instruments pour concrétiser les projets d'investissement publics et qu'il serait contreproductif de réduire la palette d'outils à la disposition des acheteurs publics.

S'agissant des seuils minimaux de recours aux marchés de partenariat, je souhaite qu'ils soient fixés par décret et à un niveau relativement bas : 60 % des PPP ont un montant inférieur à 30 millions d'euros et 60 % sont inférieurs à 3 millions d'euros dans le cas particulier de l'éclairage public. Ne mettons pas en danger ces contrats avec des seuils trop élevés ! Je rappelle également que d'autres sécurités sont prévues, comme l'étude de soutenabilité transmise à la DGFiP, qui sera très contraignante pour les acheteurs locaux.

Je propose de renforcer ces sécurités afin de mettre en oeuvre un encadrement raisonné des marchés globaux et de performance. L'un de mes amendements vise ainsi supprimer les opérations de revitalisation artisanale et commerciale de la liste des marchés globaux sectoriels et un autre tend à donner plus de garanties aux sous-traitants intervenant dans un marché de partenariat.

En conclusion, le texte du Gouvernement est équilibré même s'il doit être amélioré sur certains points. Ce débat sera également l'occasion d'aborder la question fondamentale du délit de favoritisme, qui constitue le noeud gordien de la commande publique et que notre collègue Bonnecarrère propose de réformer conformément à une proposition de la MCI qu'il a présidée.

M. Jean-Pierre Sueur. - Je ne sais toujours pas à quelle date nous pourrons débattre en séance publique de la ratification de cette ordonnance. Il n'est pas rare qu'un tel débat n'ait jamais lieu... On m'a dit que cette fois-ci, la ratification pourrait nous être proposée par amendement à la loi « Sapin ». Il faudrait que le Gouvernement nous précise ses intentions.

À la suite du rapport sur les partenariats public-privé (PPP) que nous avons rédigé, avec M. Portelli, nous avons élaboré de concert un certain nombre d'amendements. Pour faire un PPP plutôt qu'un marché classique, il faut présenter une évaluation. Or, quand celle-ci a bien lieu et que l'on ne sait ni où, ni quand ni à quelles conditions le marché sera mis en oeuvre, on obtient souvent des rapports d'une nullité confondante ; seul l'examen de la situation financière de la collectivité locale peut être objectif. J'ai également des réserves par rapport à la mission d'appui aux partenariats public-privé première version, sa mission étant de propager les PPP.

M. Philippe Bas, président. - M. Sueur a raison : il faudrait que le Gouvernement nous indique ses intentions concernant la date de ratification de l'ordonnance. En attendant, prenons de l'avance et livrons-nous à un examen approfondi de ce texte.

M. Jean-Yves Leconte. - Un certain nombre de nos préoccupations pourraient entrer en interaction avec le projet de loi sur l'architecture en cours d'examen au Parlement. Les inquiétudes sont réelles ; elles touchent le choix des maîtres d'oeuvre dans le cas des contrats globaux, et aussi la capacité des petits entreprises à garder une part de ces contrats.

M. Didier Marie. - Je souscris également à cette volonté de favoriser l'accès des petites entreprises aux marchés publics, mais je voudrais insister sur l'importance particulière du secteur des HLM. Ils ont une mission d'intérêt général de construction de logements qu'il ne faut pas entraver par le présent texte.

M. René Vandierendonck. - M. Alain Lambert m'a fait savoir que, contrairement à ce qui a été demandé par le Conseil national d'évaluation des normes, le Gouvernement a refusé de supprimer des mesures nouvelles qui ne relèvent pas de la transposition des directives communautaires.

N'allons pas nous payer de mots. Si l'on veut à la fois aider la mercerie qui fait 8 000 euros de chiffre d'affaires, soutenir l'épicerie qui va revitaliser le coeur du bourg et développer l'offre de logements, il faudra bien en passer par un marché global. En disant cela, je pense à la revitalisation rurale.

S'agissant des HLM, on doit pouvoir prendre comme critère la qualité, et la concilier avec la mixité sociale. Nous ne devons pas empêcher les marchés de conception-réalisation, notamment dans le cadre des travaux de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.

M. André Reichardt, rapporteur. - Il est vrai que nous n'avons toujours pas de date concernant la ratification de cette ordonnance. Nous pourrions demander à la Conférence des présidents d'inscrire à l'ordre du jour un débat sur ce thème.

Nous pourrions effectivement utiliser la deuxième lecture du projet de loi sur l'architecture. J'avais bataillé en première lecture contre un tel usage de ce texte ; cette fois, allons-y gaiement !

Comme M. Vandierendonck, j'ai reçu une sollicitation de M. Lambert. Ancien directeur de chambre de métiers, je suis très sensible à son propos sur la revitalisation rurale.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Articles additionnels après l'article unique

M. André Reichardt, rapporteur. - Mon amendement COM-34 revient au droit en vigueur en supprimant le dispositif des offres variables. Les amendements COM-2 et COM-21 de MM. Portelli et Sueur sont identiques.

M. Alain Richard. - Il est clair que la décision d'allotir a un coût que l'acheteur n'est pas en état de mesurer. Le discours dominant veut qu'il soit bon d'allotir mais, dans la vraie vie, cela ne répond pas au souhait de la grande majorité des petites et moyennes entreprises, qui sont sensibles au coût de la procédure. En outre, plus il y a de lots, plus on court de risques que certains soient infructueux. Faire jouer la taille, c'est l'essence même de l'économie de marché !

M. Pierre-Yves Collombat. - Oui, c'est son charme...

M. André Reichardt, rapporteur. - Nous devons trouver une position d'équilibre entre les deux exigences, afin de ne pas porter un coup fatal aux petites et moyennes entreprises.

M. Alain Vasselle. - Il n'est pas facile de concilier ces intérêts contradictoires. Dans la société d'HLM que je présidais, il était possible de présenter des offres sur des lots et des offres globales : nous avons constaté que les entreprises qui se présentaient sur un seul corps d'état étaient plus compétitives.

M. Hugues Portelli. - Je préside depuis longtemps des commissions d'appel d'offres et je constate que les grands groupes se présentent partout pour écarter les petites entreprises. Nous n'avons pas à leur faciliter la tâche ! Chez moi, une grande entreprise a racheté les trois quarts des entreprises de plomberie, qui sont devenues, de fait, ses sous-traitants.

M. Alain Marc. - Je plaide dans le même sens. Le moins-disant est souvent choisi alors qu'il faut privilégier le mieux-disant. On pourrait utiliser d'autres critères que le prix pour attribuer les marchés comme la trace carbone.

Les amendements identiques COM-34, COM-2 et COM-21 sont adoptés.

M. André Reichardt, rapporteur. - Mon amendement COM-35 renforce les exigences de motivation pour les acheteurs décident de ne pas allotir un marché. C'est très important pour l'équilibre entre les différents marchés publics.

M. Alain Vasselle. - Je partage cet objectif mais pourquoi interdire à un acteur public de présenter des lots groupés ?

M. André Reichardt, rapporteur. - S'il y a lot unique, c'est un marché global déguisé. Le risque de contentieux devient alors sérieux, d'où l'importance que ce choix soit motivé.

M. Michel Mercier. - Cet amendement vise-t-il tous les achats publics, même de quelques milliers d'euros ?

M. André Reichardt, rapporteur. - Il concerne les marchés au-dessus de 25 000 euros.

M. Michel Mercier. - Cela va compliquer considérablement la tâche des petites communes.

M. André Reichardt, rapporteur. - Avec cet amendement, on demande simplement à l'acheteur de justifier pourquoi il veut déroger au principe de l'allotissement alors que les marchés allotis sont les principes et les marchés globaux l'exception. Quant au seuil de 25 000 euros, il est réglementaire.

M. Alain Vasselle. - M. Mercier a raison. Rien ne nous empêche d'interpeller le Gouvernement sur cet effet de seuil.

M. Didier Marie. - Pour les seuils, il y a une réglementation européenne. Il n'est pas utile de sur-transposer.

M. André Reichardt, rapporteur. - Il s'agit bien de motiver la décision de ne pas allotir. En pratique, cela ne concernera que des opérations d'un montant très élevé.

L'amendement COM-35 est adopté. Les amendements COM-3 et COM-22 sont satisfaits.

M. Didier Marie. - Avec mon amendement COM-14, je souhaite limiter l'obligation d'allotissement aux seuls marchés dont les montants dépassent les seuils communautaires.

M. André Reichardt, rapporteur. - Cela affaiblirait considérablement le principe de l'allotissement.

M. Alain Vasselle. - Les organismes HLM ne peuvent pas lancer d'appels d'offres dans de telles conditions d'allotissement !

M. Jean Louis Masson. - Nous ne légiférons pas pour les seuls HLM !

M. Didier Marie. - Il y a quand même un cas particulier des HLM, qui doit être pris en compte.

M. André Reichardt, rapporteur. - D'autres amendements donneront satisfaction à M. Vasselle concernant la possibilité pour les organismes HLM d'avoir recours aux marchés globaux.

L'amendement COM-14 n'est pas adopté.

M. Hugues Portelli. - Notre amendement COM-4 supprime la dérogation permettant aux HLM d'avoir recours aux marchés de conception-réalisation jusqu'au 31 décembre 2018. L'amendement COM-23 de M. Sueur est identique.

M. Didier Marie. - La dérogation actuelle a constitué un levier important pour la production de logements. Je souhaite, au contraire, qu'elle soit pérennisée par mon amendement COM-15.

M. André Reichardt, rapporteur. - Je me base sur un rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable de 2013 pour m'opposer à ces trois amendements opposés : restons-en au droit en vigueur, cela me semble plus sage.

M. Alain Vasselle. - Ce type de procédure a été utile aussi pour la construction de lycées et collèges.

M. François Grosdidier. - Il faudrait mieux définir les critères qui justifient l'usage de cette procédure.

M. Jean-Pierre Sueur. - Ce sont des logements sociaux dont nous parlons avec ces amendements, pas des établissements scolaires.

Les amendements COM-4, COM-23 et COM-15 ne sont pas adoptés.

M. André Reichardt, rapporteur. - Mon amendement COM-36 précise le régime juridique des contrats globaux de performance.

L'amendement COM-36 est adopté.

M. Hugues Portelli. - Mon amendement COM-5 soumet le recours aux marchés globaux de performance à un critère de complexité. Il est identique à l'amendement COM-24 de M. Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. - Dans un amendement ultérieur, nous rétablissons les notions de complexité et d'urgence pour les marchés de partenariat. Le Conseil constitutionnel considère le PPP comme une dérogation au droit de la commande publique.

M. André Reichardt, rapporteur. - L'amendement ne traite pas des partenariats public-privé mais des marchés publics de performance. La précision souhaitée est inutile : on n'utilise le marché public de performance que parce que la complexité du dossier est avérée. En outre, avoir un entrepreneur unique pour ce type de marchés le rend seul responsable des résultats obtenus.

M. Jean-Pierre Sueur. - M. Portelli acceptera sans doute que nous retirions ces amendements identiques et élaborés en commun, au profit de nos amendements COM-9 et COM-28 auxquels le rapporteur accordera une attention particulière.

Les amendements identiques nos COM-5 et COM-24 sont retirés.

M. André Reichardt, rapporteur. - Je propose de maintenir la liste des contrats globaux sectoriels actuellement en vigueur : défavorable aux amendements identiques COM-6 et COM-25, au profit de mon amendement COM-37.

M. Alain Vasselle. - Qu'est-ce qu'un contrat global sectoriel ? Réaliser les cinq gendarmeries en même temps ? Cette disposition contredit l'idée d'allotir au maximum. Encore une contradiction dans ce texte !

M. Didier Marie. - Je regrette que l'on maintienne ces dérogations à l'allotissement et que l'on ne se préoccupe pas du logement social.

M. André Reichardt, rapporteur. - Tout mon effort est de trouver le plus juste équilibre entre les différents types de marchés. Ces dérogations à l'allotissement existent depuis une vingtaine d'années, maintenons-les.

Les amendements identiques COM-6 et COM-25 ne sont pas adoptés.

L'amendement COM-37 est adopté.

M. André Reichardt, rapporteur. - Je propose de supprimer l'évaluation préalable pour les marchés publics stricto sensu. L'ordonnance prévoit deux obligations d'évaluation préalable : pour tous les marchés de partenariat, ce qui reprend l'état du droit, et pour les marchés publics stricto sensu dont le montant est supérieur à 100 millions d'euros hors taxe, ce que le droit en vigueur ne prévoit pas. Il est souhaitable que cette évaluation des marchés de partenariat perdure mais pourquoi rajouter une obligation d'évaluation préalable pour tous les autres marchés publics au-delà de 100 millions d'euros ?

M. Jean-Pierre Sueur. - Je suis favorable à cet amendement, qui est un moindre mal car il va dans le sens souhaité. Je répète que ce qui est pervers, c'est le terme « évaluation » car je ne sais pas ce qu'il recouvre. Je suis d'accord s'il s'agit de regarder la capacité d'endettement des collectivités locales. Certaines se lancent dans des contrats de partenariat alors que les collectivités auront plus tard beaucoup de mal à payer. Philippe Seguin, président de la Cour des comptes, dans la dernière présentation de son rapport faite au Sénat, a parlé de « crédit revolving des collectivités locales » : on décide, on inaugure mais on ne paie rien dans l'immédiat. Par contre, si on ne sait pas ce qu'on évalue, cela devient compliqué. On ne peut pas évaluer le projet à une date à laquelle on ne connaît pas les candidats à un contrat de partenariat ou ceux à un marché alloti.

L'amendement COM-38 est adopté.

M. André Reichardt, rapporteur. - Cet amendement vise à préciser la procédure à mettre en oeuvre pour prévenir un éventuel conflit d'intérêts lors de la passation et de l'exécution d'un marché public. Il reprend la proposition 18 du rapport de la mission d'information sénatoriale sur la commande publique d'octobre 2015 de MM. Martial Bourquin et Philippe Bonnecarrère.

L'amendement COM-39 est adopté.

M. André Reichardt, rapporteur. - Il s'agit de reprendre au niveau législatif une disposition des directives « marchés publics » 2014/24/UE et « secteurs spéciaux » 2014/25/UE du 26 février 2014 qu'il convient de transposer. Le Gouvernement a prévu d'insérer ces dispositions dans le règlement d'application de la présente ordonnance mais il me paraît essentiel de l'inscrire au niveau législatif car c'est un principe fondamental qui régit les conditions d'attribution des marchés publics et qui n'est pas sans incidence sur la libre administration des collectivités territoriales.

M. Philippe Bas, président. - C'est dans le champ de l'article 34 de la Constitution.

L'amendement COM-40 est adopté.

M. Didier Marie. - Je propose d'aligner le régime des clauses financières des offices publics HLM sur celui des autres organismes HLM, car bien que rattachés à des collectivités territoriales, ce sont des établissements publics particuliers. Il serait dommageable que les offices qui ont investi l'an dernier 8 milliards d'euros voient leur situation dégradée par ces obligations alors que nous avons besoin d'eux pour la construction de logements sociaux.

M. André Reichardt, rapporteur. - Mon avis est défavorable, non sur le fond, mais parce que le Gouvernement s'est engagé à redonner de la souplesse aux organismes HLM dans le décret d'application de la présente ordonnance. Dans l'attente, je proposerai à M. Didier Marie de retirer son amendement ou de demander au Gouvernement en séance publique des informations complémentaires sur ce point.

L'amendement COM-16 est rejeté.

M. André Reichardt, rapporteur. - Concernant l'amendement COM-32 de M. Bonnecarrère, mon avis est défavorable.

L'amendement COM-32 est rejeté.

M. Didier Marie. - Cet amendement vise à permettre aux offices HLM de rédiger librement leurs clauses financières.

M. André Reichardt, rapporteur. - Mon avis est défavorable, dans la logique de l'amendement défavorable au précédent amendement COM-16.

L'amendement COM-17 est rejeté.

M. Jean-Pierre Sueur. - Mon amendement COM-26 est identique au COM-7 de notre collègue Portelli et concerne l'architecture. Il s'agit de dire que les contrats de partenariat ne peuvent pas intégrer le volet architecture. La plupart de ces contrats de partenariat sont obtenus par trois groupes. Dans ces contrats, le titulaire du partenariat choisit souverainement l'architecte, ce que je trouve choquant. Je pense qu'il est préférable d'organiser un concours préalable à l'issue duquel les élus choisissent directement l'architecte d'une opération.

M. René Vandierendonck. - Pour moi, c'est une aberration.

M. Jean-Pierre Sueur. - Les élus ont leur mot à dire sur l'architecture. Le contrat de partenariat conduit à se dessaisir totalement de cette question. L'architecture d'une prison a beaucoup d'importance, elle est liée à l'idée que l'on se fait de la détention et de la réinsertion.

M. René Vandierendonck. - Je ne veux pas laisser croire que Pierre Mauroy ou Martine Aubry ont été aveuglés par les grands groupes de construction quand ils ont lancé la construction du grand stade de Lille. Lorsque vous faites un partenariat public-privé, vous choisissez une équipe parmi laquelle il y a un architecte. Le partenariat public-privé n'est pas sans dangers. Il y a plusieurs exemples d'échecs. Mais il est des cas où le partenariat public-privé présente un intérêt, à condition d'être cadré.

M. Michel Mercier. - Le partenariat public-privé nous a permis de faire un certain nombre de constructions et jamais l'architecture n'a été oubliée. Pour la construction du nouveau palais de justice de Paris, réalisée dans le cadre d'un partenariat, les différents projets ont été exposés, les magistrats ont donné leur avis. J'avais demandé au maire de Paris et au Président de la République leur avis sur l'architecture du bâtiment. L'architecture est aujourd'hui un élément essentiel du choix du partenariat ; au moment où le garde des sceaux veut relancer la construction des prisons, il faut l'encourager.

M. Philippe Bas, président. - Oui, en mobilisant les moyens nécessaires.

M. Didier Marie. - Il y a, je pense, des éléments de confusion dans notre discussion. D'un côté on veut, et tout le monde est d'accord, aider les petites et moyennes entreprises à conquérir des marchés publics, de l'autre on aborde deux questions différentes : les partenariats public privé et les marchés de conception réalisation. Un partenariat exige une équipe commune architecte-entreprise pour réaliser l'opération mais derrière il y a un montage financier qui est déterminant. Dans les marchés de conception réalisation, la question de la redevance ou du loyer ne se pose pas. Pour revenir à la question du logement social, toutes les opérations de conception réalisation ont permis de mettre en concurrence les équipes en préservant le modèle architectural et en veillant à une bonne maîtrise des coûts ainsi qu'à l'innovation technologique.

M. Jean-Pierre Sueur. - Il ne faut pas créer de la confusion. J'ai présidé une commission d'appel d'offres pour la construction d'un centre de formation d'apprentis. Dans un projet, l'architecture n'était pas à la hauteur mais l'entreprise était très bonne, dans un autre c'était l'inverse et j'ai dû faire un choix entre les deux. C'est le problème des marchés globaux. Pour le contrat de partenariat, il faut choisir globalement l'architecte, la banque et les corps de métier.

M. André Reichardt, rapporteur. - J'émets un avis défavorable pour deux raisons. D'abord, la commission avait rejeté un amendement identique en octobre 2014, en le jugeant contraire à la logique même du marché de partenariat. Ensuite, la présente ordonnance répond déjà partiellement au souhait de nos collègues en prévoyant que l'acheteur puisse organiser un concours de maîtrise d'oeuvre à titre facultatif pour la conception d'ouvrage et en imposant aux titulaires des marchés de partenariat d'identifier l'équipe de maîtrise d'oeuvre. C'est une avancée, même si elle n'est pas suffisante.

Les amendements COM-7 et COM-26 sont rejetés.

M. Jean-Pierre Sueur. - Sur les amendements précédents, si nous pouvions modifier par amendement le verbe « pouvoir » en « devoir », c'est-à-dire obliger à mettre en concurrence les architectes, ce serait un très grand progrès.

Les amendements COM-8 et COM-27 sont rejetés, l'amendement de coordination COM-41 est adopté.

M. André Reichardt, rapporteur. - Concernant les amendements COM-9 et COM-28, je voudrais rappeler qu'actuellement, trois critères permettent de recourir aux marchés de partenariat : l'urgence, la complexité et le bilan. Les deux premiers, que MM. Portelli et Sueur souhaitent réintroduire, ont posé des problèmes d'interprétation. La cité municipale de Bordeaux en est un bon exemple : le tribunal administratif de Bordeaux avait considéré que le critère de complexité n'était pas rempli, alors que la cour administrative d'appel de Bordeaux a considéré le contraire. L'article 145 du projet de décret d'application de l'ordonnance détaille le contenu du bilan, qui comprendrait plusieurs critères : la complexité, les délais, les modalités de financement, etc. Ce bilan permet donc une approche globale du marché de partenariat.

Votre amendement pourrait d'ailleurs être plus large que l'ordonnance. Il suffirait seulement de justifier de l'urgence ou de la complexité pour recourir au marché de partenariat, alors que le critère du bilan proposé par le Gouvernement est plus exigeant. En effet, si ce n'est pas parce qu'un marché est complexe qu'il doit être un marché de partenariat. Je suis donc défavorable à ces amendements.

M. Jean-Pierre Sueur. - Ce que l'on appelle le bilan ou l'évaluation ne peut pas être fait car les données nécessaires ne sont pas disponibles. Vous dites que c'est ambigu et que les jurisprudences ne sont donc pas constantes, mais l'urgence et la complexité ont été déclarées comme critères par le Conseil constitutionnel. Vous dites qu'il faut les supprimer pour les remplacer par le bilan, or le bilan ne peut être fait. On peut dire de manière ultime que l'urgence ou la complexité est intégrée dans le bilan, mais cela ne signifie pas grand-chose. La seule chose qui peut être évaluée, c'est la capacité financière de la collectivité. Le marché de partenariat est un pari. Le reste est habillage.

M. Pierre-Yves Collombat. - Les questions que nous traitons sont importantes et très techniques. Il est dommageable de les évoquer à une telle heure.

M. Philippe Bas, président. - Nous allons d'ailleurs reporter la communication de la mission de suivi et de contrôle des dernières lois de réforme des collectivités territoriales, sauf en ce qui concerne votre partie, relative aux services territoriaux de l'État.

Les amendements COM-9 et COM-28 sont rejetés.

M. André Reichardt, rapporteur. - Huit amendements COM-1 à COM-31 concernent les seuils minimaux en-dessous desquels le recours à un marché de partenariat n'est pas possible. Ils répondent à deux logiques : soit la suppression de ces seuils, soit une fixation des montants correspondants au niveau législatif tout en les rehaussant. Je préfère en rester à l'équilibre trouvé par l'ordonnance.

M. Jean-Pierre Sueur. - Je retire mes trois amendements sur ce point : il s'agissait d'amendements d'appel. Il semble préférable de définir les seuils au niveau règlementaire. Nous avons échangé avec le Gouvernement à ce sujet.

M. François Grosdidier. - Je défends les amendements supprimant les seuils. Il est regrettable de priver les petites entreprises et les petites collectivités des possibilités offertes par ces marchés. Cela peut par exemple concerner les communes, dans des domaines comme la rénovation thermique ou électrique. On justifie les seuils par les risques financiers pour les petites communes. Mais les dispositifs prévus pour évaluer ces risques font qu'elles seraient davantage protégées que dans le cas d'une souscription d'emprunt ordinaire.

Les amendements COM-1, COM-20, COM-10, COM-11 et COM-12 sont rejetés et les amendements COM-29, COM-30 et COM-31 sont retirés.

M. André Reichardt, rapporteur. - Nous suivons une recommandation de MM. Portelli et Sueur avec l'amendement COM-42. L'ordonnance prévoit que les sous-traitants de ces contrats pourraient demander au titulaire de constituer un cautionnement bancaire afin de garantir le paiement des sommes dues. Constatant le caractère déséquilibré entre le titulaire et son sous-traitant dans ces types de marché, MM. Portelli et Sueur avaient proposé de rendre obligatoire la constitution de ce cautionnement, ce qui est opportun.

L'amendement COM-42 et COM-33 sont adoptés.

M. Didier Marie. - Mes amendements COM-18 et COM-19 renvoient à un décret les modalités de composition des commissions d'appel d'offres des offices publics de l'habitat. L'ordonnance prévoit qu'elles soient calquées sur celles des collectivités de rattachement, ce n'est pas le cas aujourd'hui et cela poserait des difficultés pratiques.

M. André Reichardt, rapporteur. - Avis favorable.

L'amendement COM-18 et COM-19 sont adoptés.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

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M. REICHARDT, rapporteur

34

Suppression du dispositif des « offres variables »

Adopté

M. PORTELLI

2

Suppression du dispositif des « offres variables »

Adopté

M. SUEUR

21

Suppression du dispositif des « offres variables »

Adopté

M. REICHARDT, rapporteur

35

Renforcement des modalités de motivation de la décision de ne pas allotir un marché

Adopté

M. PORTELLI

3

Renforcement des conditions de motivation de la décision de ne pas allotir un marché

Satisfait ou sans objet

M. SUEUR

22

Renforcement des conditions de motivation de la décision de ne pas allotir un marché

Satisfait ou sans objet

M. MARIE

14

Suppression de l'allotissement pour les marchés dont le montant est inférieur aux seuils communautaires

Rejeté

M. PORTELLI

4

Suppression d'une dérogation concernant le recours par les organismes HLM aux marchés de conception -réalisation

Rejeté

M. SUEUR

23

Suppression d'une dérogation concernant le recours par les organismes HLM aux marchés de conception -réalisation

Rejeté

M. MARIE

15

Pérennisation d'une dérogation concernant le recours par les organismes HLM aux marchés de conception -réalisation

Rejeté

M. REICHARDT, rapporteur

36

Rémunération du titulaire des contrats globaux de performance

Adopté

M. PORTELLI

5

Critères pour le recours aux marchés globaux de performance

Retiré

M. SUEUR

24

Critères pour le recours aux marchés globaux de performance

Retiré

M. PORTELLI

6

Suppression des marchés globaux sectoriels

Rejeté

M. SUEUR

25

Suppression des marchés globaux sectoriels

Rejeté

M. REICHARDT, rapporteur

37

Suppression de la liste des marchés globaux sectoriels de la revitalisation artisanale et commerciale

Adopté

M. REICHARDT, rapporteur

38

Suppression de l'évaluation préalable pour les marchés publics stricto sensu

Adopté

M. REICHARDT, rapporteur

39

Précisions sur la procédure de prévention des conflits d'intérêts

Adopté

M. REICHARDT, rapporteur

40

Reprise au niveau législatif de l'encadrement du critère "prix" unique pour l'attribution des marchés

Adopté

M. MARIE

16

Conditions d'exécution des marchés
des organismes HLM

Rejeté

M. BONNECARRÈRE

32

Conditions d'exécution des marchés des établissements publics à caractère industriel et commercial

Rejeté

M. MARIE

17

Clauses de paiement différé dans les marchés
des offices HLM

Rejeté

M. PORTELLI

7

Exclusion de la conception des marchés
de partenariat

Rejeté

M. SUEUR

26

Exclusion de la conception des marchés
de partenariat

Rejeté

M. PORTELLI

8

Coordination

Rejeté

M. SUEUR

27

Coordination

Rejeté

M. REICHARDT, rapporteur

41

Coordination

Adopté

M. PORTELLI

9

Critères permettant le recours aux marchés de partenariat (urgence et complexité)

Rejeté

M. SUEUR

28

Critères permettant le recours aux marchés de partenariat (urgence et complexité)

Rejeté

M. GRAND

1

Suppression des seuils minimaux comme critères de recours aux marchés de partenariat

Rejeté

M. BONNECARRÈRE

20

Suppression des seuils minimaux de recours aux marchés de partenariat

Rejeté

M. PORTELLI

10

Seuil minimal de 50 millions d'euros pour avoir recours aux marchés de partenariat

Rejeté

M. SUEUR

29

Seuil minimal de 50 millions d'euros pour avoir recours aux marchés de partenariat

Retiré

M. PORTELLI

11

Seuil minimal de 30 millions d'euros pour avoir recours aux marchés de partenariat

Rejeté

M. SUEUR

30

Seuil minimal de 30 millions d'euros pour avoir recours aux marchés de partenariat

Retiré

M. PORTELLI

12

Seuils de 10 à 30 millions pour avoir recours aux marchés de partenariat

Rejeté

M. SUEUR

31

Seuils de 10 à 30 millions pour avoir recours aux marchés de partenariat

Retiré

M. REICHARDT, rapporteur

42

Cautionnement obligatoire pour les titulaires des marchés de partenariat

Adopté

M. BONNECARRÈRE

33

Réforme du délit de favoritisme

Adopté

M. MARIE

18

Composition de la commission d'appel d'offres des offices publics de l'habitat

Adopté

M. MARIE

19

Composition des commissions d'appel d'offres
des OPH

Adopté

Mission de contrôle et de suivi de la mise en oeuvre des dernières lois de réforme territoriale - Communication

La commission entend une communication de M. Pierre-Yves Collombat, co-rapporteur de la mission de contrôle et de suivi des dernières lois de réforme des collectivités territoriales.

M. Pierre-Yves Collombat, co-rapporteur. - Cette communication sera brève dans la mesure où peu d'éléments nouveaux sont apparus depuis mon rapport pour avis sur les crédits alloués à l'administration générale et territoriale de l'État par le projet de loi de finances pour 2016. D'une part, nous n'avons pour l'instant effectué qu'un seul déplacement dans le cadre de la mission de contrôle et de suivi des dernières lois de réforme des collectivités territoriales, à Dijon et Besançon. D'autre part, les fusions en cours n'ont pas encore produit tous leurs effets.

À ce stade, il s'agit surtout de se demander quels sont les défis auxquels l'administration territoriale doit faire face.

En premier lieu, elle doit faire coïncider son organisation avec le nouveau découpage. Or, la réorganisation a, bien entendu, débuté avant le redécoupage : espérons donc que tout cela coïncidera.

Par ailleurs, l'État a fait le choix de prévoir une organisation régionale déconcentrée, avec un éparpillement des services sur plusieurs sites. Du point de vue de l'aménagement du territoire, cela se comprend, mais cela engendrera des dysfonctionnements, c'est inévitable. Pour les secrétariats généraux aux affaires régionales (SGAR), le choix a été fait de tout unifier au niveau du chef-lieu régional : les SGAR des chefs-lieux supprimés ont donc disparu. Le Gouvernement a ainsi admis qu'une partie des personnels des SGAR, affectés dans les chefs-lieux ayant disparu, vienne renforcer les effectifs des autres services. En revanche, les directions régionales sont réparties sur plusieurs sites et au sein de chaque direction, les différents services sont également éparpillés. Cela ne va pas être simple à gérer. On nous présente l'informatique comme le miracle qui assurera le bon fonctionnement de cette organisation multi-sites, mais je m'interroge sur le fonctionnement des services à l'avenir. Il faudra penser l'organisation en conséquence et je crains que des difficultés apparaissent au quotidien.

Mon premier sentiment face à cette situation, c'est la grande souplesse, pour une fois, de l'État. Les personnels que nous avons rencontrés n'ont pas manifesté de désaccords, mais le plus difficile reste à faire. Si l'on continue à dégraisser l'administration territoriale, en parallèle de la réorganisation des services liée au redécoupage, comment ces multi-sites vont-ils fonctionner ? Le challenge est devant nous...

M. Philippe Bas, président. - Lorsque les départements ont été créés, on ne s'est pas interrogé pour savoir s'il fallait répartir les services du représentant de l'État sur différents sites. Le pouvoir local doit aussi être centralisé, sinon c'est au détriment de l'efficacité. La disparition de l'organisation centralisée de l'administration territoriale n'est que partiellement compensée par la dématérialisation des procédures, qui ne permet pas un échange d'informations complet. L'importance des kilomètres à parcourir constitue un frein à l'efficacité des services.

Mme Cécile Cukierman. - La réorganisation de l'administration territoriale nous inspire trois remarques.

En premier lieu, des difficultés apparaitront inévitablement du fait du choix unilatéral de l'État de positionner des services régionaux sur plusieurs sites. Les différents services d'une même direction doivent collaborer alors qu'ils sont situés sur des lieux éloignés.

Ensuite, le numérique ne règle pas tout. Les visioconférences font gagner du temps mais l'aspect humain y est moins satisfaisant, d'autant que certaines visioconférences ne sont pas encore au point techniquement.

Enfin, concernant les agents, toutes les conséquences ne sont pas encore perceptibles. Je ressens de l'inquiétude : il n'y a ni rejet, ni acceptation, de la réforme territoriale en cours car on ne dispose pas encore d'une vision complète de toutes les conséquences qu'elle engendrera sur les conditions de travail des agents. On est donc dans une période d'incertitude, ce qui est facteur d'inquiétude.

M. François Grosdidier. - Je ne partage pas l'avis du président et du rapporteur sur la répartition des services régionaux. Sur des territoires parfois très grands, paradoxalement, il faut parfois renforcer l'échelon départemental pour gagner en efficacité. Je ne suis pas convaincu par exemple, dans une période où nous cherchons à faire des économies, que regrouper tous les services dans les grandes agglomérations, où l'immobilier est le plus cher, soit la démarche la plus pertinente...

M. Pierre-Yves Collombat, co-rapporteur. - Les différentes interventions m'inspirent deux remarques. La problématique n'est pas tant la répartition des directions que celle des services à l'intérieur d'une même direction. Quant aux personnels, ils ont davantage une attitude résignée qu'ils n'expriment du consentement à l'égard de cette nouvelle organisation.

M. Philippe Bas, président. - Je vous remercie. Nous entendrons, en complément, la communication de MM. Darnaud et Vandierendonck la semaine prochaine.

La réunion est levée à 12 h 50