Jeudi 7 juin 2018

- Présidence de M. Jean Bizet, président -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Questions diverses

M. Simon Sutour. - Je souhaiterais appeler au respect du règlement du Sénat. Au moment où nous nous réunissons, la commission des lois est convoquée sous sa forme législative : sa délibération vaudra vote de la loi, au titre de la procédure de législation en commission. Or le règlement du Sénat - voté par notre assemblée il y a trois ans, validé par le Conseil constitutionnel, et dont nul ne peut s'abstraire - prévoit que ce créneau est réservé à la commission des affaires européennes et aux délégations. Je comprends qu'il y ait parfois une surcharge de travail mais le règlement doit s'appliquer à tous. Mme Harribey, MM. Bigot, Reichardt et moi-même sommes ici plutôt qu'à la commission des lois. Lorsque nous, sénateurs, ne respectons pas à la virgule près le règlement, rien ne nous est épargné. Un collègue souhaitait se rendre aux obsèques de son oncle. Quoi de plus normal ? Il a été sanctionné. Après avoir plaidé sa cause, on lui a répondu que son oncle n'était pas son père... Les hautes autorités du Sénat, tant administratives que politiques, doivent respecter ce règlement. Et je compte sur vous, monsieur le Président, pour transmettre mon message à qui de droit.

M. Jean Bizet, président. - Je remercie nos collègues membres de la commission des lois pour le vote, hier soir, de la proposition de résolution du président Larcher. Les modifications du neuvième alinéa de l'article 23 bis du règlement du Sénat corrigent une omission : un membre de la commission des affaires européennes voit son déplacement désormais comptabilisé comme une présence en séance ou en commission. C'est la moindre des choses ! Mais c'était loin d'être acquis et la situation devenait caricaturale : j'ai alors expliqué qu'au sein du groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne, les dix sénateurs de la commission des affaires européennes pouvaient être sanctionnés du fait de leur participation à un déplacement à Londres et Dublin, et non ceux de la commission des affaires étrangères effectuant le même déplacement. Il y aurait deux catégories de sénateurs ! Nous avons obtenu le vote à l'unanimité de cette disposition. Il est dommage de devoir aller jusqu'à ces explications si approfondies pour régler un problème de bon sens.

M. Simon Sutour. - À regret, je constate que nombre de nos amis soulignent que l'Union européenne est importante, mais en réalité, le travail de notre commission, citée à l'article 88-4 de la Constitution, est insuffisamment pris en compte, même si l'on progresse chaque jour...

M. Jean Bizet, président. - Je ne peux qu'abonder dans votre sens. Une table-ronde sur les produits phytosanitaires réunissait hier, devant la commission du développement durable, le directeur de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), celui de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) et le directeur général de l'alimentation. On a peu entendre des affirmations selon lesquelles la France voulait interdire le glyphosate, mais que l'Union européenne lui interdisait de l'interdire. Comment voulez-vous obtenir la faveur des électeurs au printemps 2019 ? Je regrette qu'au sein même du Sénat, certains opposent un bouc émissaire - l'Union européenne - et un cavalier flamboyant - la France.

M. Benoît Huré. - Je partage vos propos. Bien que nouveau à la commission des affaires européennes, je connaissais auparavant la qualité de vos travaux. L'Union européenne va de plus en plus mal, et la situation en Italie lui porte un coup supplémentaire. Je mesure à quel point les démarches des chefs d'État - dont le nôtre - seront insuffisantes pour sauver une majorité d'avenir pour le continent européen. Les quelques rencontres de nos homologues européens m'ont convaincu que le travail de diplomatie parlementaire est très important. Bien sûr, la France et l'Allemagne sont historiquement la locomotive de l'Union européenne. Certes, elles ont une responsabilité, une ambition, et avancent avec détermination et conviction. Mais elles doivent avoir aussi beaucoup d'humilité pour ne pas indisposer les autorités d'autres pays. L'essentiel pour continuer ce projet, c'est qu'ils soient dans le train, même s'ils vont plus lentement.

Composition de la commission

M. Jean Bizet, président. - M. Thierry Foucaud, membre du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste, ayant démissionné, il sera remplacé par M. Pierre Laurent, que nous espérons voir rapidement et auquel nous souhaitons la bienvenue.

Justice et affaires intérieures - Mécanisme de protection civile de l'Union européenne : proposition de résolution européenne et avis politique de MM. Jacques Bigot et André Reichardt

M. Jean Bizet, président. - Notre ordre du jour appelle la communication de MM. Jacques Bigot et André Reichardt sur le mécanisme de protection civile de l'Union européenne. Ils ont préparé une proposition de résolution européenne sur laquelle nous serons appelés à nous prononcer.

Ce mécanisme a été institué en 2001. Par la suite, le traité de Lisbonne a prévu une clause de solidarité, énoncée à l'article 222 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Une première réforme du mécanisme de protection civile est intervenue en 2010. Désormais, les catastrophes naturelles ont tendance à se multiplier, avec des conséquences humaines et matérielles souvent très lourdes. Il est donc nécessaire de bien identifier la plus-value de l'action de l'Union européenne par rapport au rôle premier des États membres.

M. Jacques Bigot. - Depuis 2001, le mécanisme de protection civile de l'Union européenne crée davantage d'espoir et de solidarité entre les États membres lors des catastrophes naturelles et humaines, répondant à une vraie préoccupation des citoyens. Le 23 novembre dernier, la Commission européenne a présenté une proposition de décision modifiant une décision du 13 décembre 2013 relative à ce mécanisme de protection civile et une communication afférente. Ce mécanisme avait fait l'objet d'une précédente réforme en 2010, de manière à l'inscrire dans la stratégie de sécurité intérieure de l'Union européenne et à contribuer à mieux mettre en oeuvre la clause de solidarité.

Il comprend aujourd'hui l'ensemble des États membres, ainsi que six autres États : l'Islande, l'ancienne République yougoslave de Macédoine, le Monténégro, la Norvège, la Serbie et la Turquie. Il est fondé sur un système volontaire : l'Union coordonne les contributions volontaires des États participants à destination d'un État membre qui a demandé de l'aide. Ces offres d'assistance sont coordonnées par le centre de coordination des interventions d'urgence (ERCC), créé en 2013, situé à Bruxelles et opérationnel 24 heures sur 24 et sept jours sur sept.

Le mécanisme peut être activé en réponse aux catastrophes d'origine humaine ou naturelle. Depuis sa création, il a surveillé plus de 400 catastrophes et reçu plus de 250 demandes d'assistance. Sur les années 2016 et 2017, il a été activé à 56 reprises.

Il est intervenu sur le territoire européen, à savoir sur les feux de forêts au Portugal l'été dernier ou sur pollution de la région du Pirée, en Grèce, causée par le naufrage d'un pétrolier ; au-delà des frontières européennes, il a fonctionné pour le séisme meurtrier au Népal en 2015, des inondations au Pérou ou des tempêtes tropicales dans les Caraïbes.

Du fait de la forte augmentation au cours des dernières années du nombre de catastrophes, en particulier climatiques, mais aussi des épidémies ou des grands accidents, la capacité des États membres à s'entraider a été mise à rude épreuve.

La France participe substantiellement à ce mécanisme de protection civile de l'Union européenne. Elle en est le premier contributeur, suivie de l'Allemagne. On peut féliciter la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur, qui a mis en place 49 modules disponibles pour répondre à un besoin en cas de catastrophe. La France contribue aussi, avec 18 modules, au dispositif de pool volontaire.

Les modules français ont été déployés, entre autres, lors d'inondations en Serbie et au Monténégro, et lors de tremblements de terre en Haïti et au Népal.

Cet effort français va encore s'accroître avec l'apport de nouveaux modules de décontamination nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC), de lutte contre les pollutions marines, des laboratoires mobiles pour urgences environnementales, des équipes de recherche et de secours en montagne et en site souterrain et de lutte contre les incendies à bord des navires. Cela intéresse fortement nos concitoyens et mérite qu'on en parle : l'Europe peut avoir du sens.

La France a aussi demandé, avec l'Allemagne, la création d'une réserve sanitaire d'urgence, aboutissant à la mise en place, le 15 février 2016, d'un corps médical européen, concret, impliquant davantage de solidarité européenne.

L'image de la France est renforcée par cette capacité de solidarité lors des catastrophes naturelles.

M. André Reichardt. - Cette présentation du mécanisme de protection civile de l'Union européenne illustre les avantages que constitue la mutualisation réfléchie des moyens de protection civile à l'échelle européenne. Toutefois, ce dispositif se heurte à deux principales difficultés. D'une part, une place sans doute excessive est accordée au volontariat, ce qui se traduit par un fort déséquilibre entre les États membres en matière de moyens engagés et aboutit de facto à des iniquités de traitement. À tel point que la France s'est vu refuser le bénéfice du dispositif pour faire face à des incendies de forêts en août dernier, en raison de la concentration des moyens sur les pays du sud de l'Europe au même moment ; d'autre part, les catastrophes naturelles se multiplient en Europe, probablement provoquées par le réchauffement climatique. Cela engendre une incapacité à répondre à l'ensemble des demandes de mobilisation du mécanisme européen - l'année dernière, seule la moitié des demandes a pu être satisfaite. Une évolution était donc nécessaire, et d'ailleurs souhaitée par notre pays.

La proposition de la Commission s'articule autour de deux axes. D'abord, elle prévoit un renforcement des capacités européennes de réaction. Une réserve spéciale de ressources opérationnelles de protection civile (rescEU), permettant une réaction de l'Union européenne en matière de protection civile, serait mise en place pour aider les États membres à faire face aux catastrophes lorsque leurs capacités nationales sont débordées. Elle comprendra, en complément des capacités nationales, quatre types de moyens : des avions de lutte contre les incendies, des pompes à eau à haut débit, des capacités de recherche et de sauvetage en milieu urbain, des hôpitaux de campagne et une assistance médicale d'urgence. L'ensemble des coûts et des capacités de rescEU serait entièrement couvert par un financement européen. La Commission conserverait le contrôle opérationnel de ces ressources et déciderait de leur déploiement. Néanmoins, elle ne pourra pas activer elle-même le mécanisme de protection civile, seuls les États membres conservant cette compétence. Ce dispositif serait également mobilisable pour les catastrophes en dehors du territoire de l'Union européenne.

Par ailleurs, la Commission aidera les États membres à moderniser leurs capacités nationales affectées à la réserve européenne en finançant, à hauteur de 75 %, leur adaptation, leur réparation, leur transport et leurs coûts d'exploitation. Lorsque ces ressources seront utilisées dans l'Union européenne ou dans un État participant, le budget européen cofinancera, à hauteur de 75 %, les coûts opérationnels liés au déploiement de ces ressources, seuls les frais de transport étant actuellement couverts.

Deuxième axe, la prévention et l'anticipation des catastrophes seront accrues. Les États membres auraient l'obligation de transmettre à la Commission leurs plans d'évaluation et de gestion des risques et seraient invités à partager leurs stratégies nationales de prévention afin de recenser et d'éliminer collectivement les failles éventuelles.

Un réseau européen de connaissances en matière de protection civile mettrait en relation les experts européens qui pourront ainsi partager leurs connaissances et les enseignements tirés de la gestion des catastrophes précédentes.

La proposition de la Commission renforce la coopération et la cohérence par rapport aux autres politiques de l'Union en matière de prévention et de préparation telles que la stratégie européenne relative à l'adaptation au changement climatique, les fonds structurels et d'investissement européens, la législation environnementale, la recherche et l'innovation, les politiques visant à lutter contre les menaces transfrontières graves pour la santé...

Enfin, les procédures administratives nationales devraient être harmonisées et simplifiées afin de réduire le délai nécessaire pour déployer l'aide vitale.

L'impact budgétaire de la proposition est estimé à 280 millions d'euros pour le reste de la période couverte par le cadre financier pluriannuel (CFP), soit jusqu'en 2020, qui viendront s'ajouter aux 368,4 millions déjà inscrits au CFP au titre du mécanisme de protection civile.

Si nous partageons l'économie générale du dispositif proposé par la Commission européenne, il nous semble important d'insister sur plusieurs points, relatifs en particulier au fonctionnement du centre de coordination de Bruxelles, au caractère effectivement supplémentaire des moyens acquis au titre de la réserve européenne, à la visibilité de l'intervention européenne ou encore à la formation - indispensable dans ce domaine. C'est pourquoi nous vous soumettons une proposition de résolution européenne, dont le texte pourrait également être adressé à la Commission au titre du dialogue politique.

M. Simon Sutour. - Je félicite ce tandem alsacien pour la présentation de ce rapport en parfaite harmonie. J'approuve ces propositions pour plus de coordination et une meilleure solidarité européenne. Certaines régions sont plus ou moins équipées. Ma région Occitanie est bien organisée pour la sécurité incendie, et nos services ont aidé la Grèce et le Portugal lors des récents sinistres. Nous pourrions faire de l'ancienne base aérienne de Nîmes-Garons, désormais centre de surveillance en Méditerranée pour les Canadairs, un centre opérationnel. Franck Proust, premier adjoint au maire de Nîmes et député européen, défend cette proposition, et le commissaire européen Chrístos Stylianídis, qui s'est rendu plusieurs fois sur les lieux, estime que c'est un bon projet. Est-il possible d'insérer dans la proposition de résolution un paragraphe d'appui à ce projet ?

M. Jean Bizet, président. - Nous intégrerons votre excellente remarque.

M. Benoît Huré. - Je suis très heureux de cette proposition de résolution. Alors que nous évoquions la mauvaise perception de l'Union européenne par nos concitoyens, voilà des exemples concrets de construction européenne qui leur vont droit au coeur. Michel Barnier, en 2006, avait fait des propositions à la suite du tsunami. Je me réjouis que le sujet avance, qu'il y ait davantage de moyens et qu'il soit vulgarisé. Cela montre comment on peut avoir un centre de management de crise pour réagir quasiment instantanément sur le continent européen comme aux quatre coins du monde. C'est l'autorité morale de l'Europe qui se renforce. Faisons-le bien, et faisons-le savoir. Les mois sont comptés jusqu'en 2019...

M. Guy-Dominique Kennel. - Je félicite nos collègues du Bas-Rhin pour leur synthèse. Où sont stationnés les différents modules ? Ceux dont nous disposons déjà au sein des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) sont-ils intégrés dans la vision globale ? Pourraient-ils être étoffés, notamment grâce à des financements européens, ou sont-ce des moyens supplémentaires par rapport à l'existant ?

M. Claude Kern. - Dernier Bas-Rhinois de la commission, je tenais à féliciter moi-aussi les rapporteurs. J'approuve totalement leur proposition de résolution européenne.

M. Benoît Huré. - Sans être alsacien, j'appartiens à la région Grand Est !

M. Jacques Bigot. - M. Kennel a beaucoup oeuvré pour la création, à la fin des années 1990, du SDIS du Bas-Rhin, qu'il a ensuite présidé. Les modules s'appuient sur l'ensemble des sapeurs-pompiers de France et concernent donc localement les SDIS.

Au regard de son implication extrêmement forte, la France devrait demander aux autres pays d'investir davantage, ou demander plus de financements européens. Les modules qui sont déployés à l'étranger, en situation réelle, se fondent sur des regroupements des services existants.

Monsieur Sutour, nous demandons au point 10 que la mobilisation des moyens d'intervention prenne en compte la dimension régionale. Nous pourrions ensuite évoquer le projet nîmois, très bien situé en Méditerranée.

Merci à nos collègues bas-rhinois ; tous les Bas-Rhinois, au coeur de l'Europe, sont attachés aux missions européennes.

M. André Reichardt. - Dans la proposition de résolution, nous demandons que des moyens nouveaux soient dégagés, après identification précise des risques pour lesquels les moyens actuels semblent insuffisants. L'identification des besoins est un préalable aux investissements. Il faut définir précisément les missions éligibles à ce mécanisme de protection civile communautaire, qui ne doit pas se substituer à un État qui en profiterait pour se désengager : identifions les risques et couvrons l'écart avec les moyens d'intervention.

M. Guy-Dominique Kennel. - Avez-vous une cartographie des modules existant pour notre pays, et selon le risque qu'ils couvrent ? Ce serait utile de la transmettre aux SDIS. Ce sont les départements et les communes qui les financent, l'État ne verse pas un centime. Ce projet permettrait de rééquilibrer un peu leur budget, d'autant que certains sont aux abois.

M. André Reichardt. - Lorsque nous évoquons les États, ce sont les États membres et non l'État français. À l'échelle européenne, il importe peu que ces moyens soient financés par le département ou l'État.

M. Jacques Bigot. - Il faudrait le vérifier auprès du directeur général de la sécurité civile, mais les modules français font partie d'une organisation nationale : en cas de besoin, on fait appel à tel ou tel. Lors d'un feu de forêt, les 286 sapeurs-pompiers départementaux sont pris un peu partout, en fonction des compétences et des formations, selon la capacité contributive des SDIS. Je partage les préoccupations de M. Kennel - j'ai aussi été président du SDIS : étudions ce que cela coûte à nos SDIS.

M. Jean-François Rapin. - Quel lien nouer entre le dispositif européen de protection civile et les autres dispositifs existants, notamment militaires, de coopération internationale, comme les dispositifs maritimes existant en Méditerranée, en Manche et en mer du Nord, un peu moins dans l'Océan Atlantique ? Sous quelle autorité les différents intervenants seront-ils placés ?

M. André Reichardt. - La Commission européenne veut précisément renforcer la coordination et la cohérence par rapport aux différentes politiques européennes. Je ne connais pas précisément les dispositifs maritimes, mais les fonds structurels et d'investissement peuvent dégager des moyens pour ce type d'infrastructures, qui ne seront alors plus financés par rescEU. Il en est de même pour la législation environnementale et la recherche et l'innovation. Nous travaillons, au sein d'un groupe de travail, sur la cohésion régionale. L'objectif est de couvrir l'écart, mais pas de financer deux fois, par deux politiques différentes, un même dispositif. La cohérence et la coordination sont davantage réalisées au niveau européen. Les moyens ne sont pas mobilisés par la Commission européenne, mais par les États membres, lorsque leurs propres moyens sont insuffisants.

M. Jean Bizet, président. - Nous insisterons sur l'exemple concret du Gard. J'enverrai le résultat de nos travaux à M. Jacques Witkowski, directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises, ancien préfet de la Manche. Nous pourrions aussi publier un communiqué de presse. L'Europe qui protège, ce n'est pas seulement la politique de défense et de sécurité commune, mais également la lutte contre l'immigration illégale, le renforcement de Frontex et la lutte contre les accidents lors desquels les États membres sont solidaires, dans l'esprit même de la construction européenne.

À l'issue du débat, la proposition de résolution européenne est adoptée dans la rédaction suivante, ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne :


Proposition de résolution européenne

(1) Le Sénat,

(2) Vu l'article 88-4 de la Constitution,

(3) Vu l'article 196 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

(4)  Vu la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision n° 1313/2013/UE relative au mécanisme de protection civile de l'Union (COM (2017) 772 final),

(5) Vu la communication de la Commission intitulée Renforcer la gestion des catastrophes par l'UE : rescEU - Solidarité et responsabilité (COM (2017) 773 final),

(6) Approuve l'économie générale des propositions de la Commission pour réformer le mécanisme de protection civile de l'Union qui illustre la solidarité européenne et la valeur ajoutée de l'intervention de l'Union européenne au sein des États membres et au-delà ;

(7) Estime que le fonctionnement du centre de coordination des interventions d'urgence doit lui permettre de planifier les opérations, de préparer des opérations complexes et d'analyser les retours d'expériences, et exprime son attachement à la réactivité de l'engagement des moyens d'intervention par le centre de coordination ;

(8) Insiste sur la nécessité que les moyens collectivement acquis au titre de la réserve européenne de protection civile (rescEU) complètent effectivement les ressources nationales affectées au mécanisme européen et ne s'y substituent pas de manière à accroître les capacités globales d'intervention et à pouvoir répondre à l'ensemble des demandes d'activation du mécanisme européen en cas de catastrophe ou de crise ;

(9) Considère que les moyens nouveaux à acquérir doivent être définis sur la base d'une identification précise des risques pour lesquels les moyens actuels sont insuffisants ;

(10) Demande que la mobilisation des moyens d'intervention prenne également en compte l'approche régionale ; à ce titre, soutient le projet de faire de la base aérienne de sécurité civile de Nîmes-Garons une base européenne de référence sur la protection civile, la gestion des risques et la formation dans le cadre du futur dispositif ;

(11) Requiert une meilleure connaissance du coût complet des interventions effectuées au titre du mécanisme de protection civile de l'Union ;

(12) Juge nécessaire de définir précisément les missions éligibles au mécanisme de protection civile de l'Union et les conditions de déploiement dans le cas d'interventions au-delà des frontières européennes ;

(13) Souhaite que les ressources mobilisées au titre de la réserve européenne de protection civile (rescEU) soient bien identifiées lors des interventions afin d'assurer la visilibité de l'action européenne ;

(14) Rappelle que la formation constitue un élément essentiel en matière de protection civile et appelle de ses voeux la mise en réseau des centres de formation nationaux à la protection civile et des compétences et le développement de formations communes aux experts nationaux à des fins d'échanges de bonnes pratiques et d'opérations conjointes efficaces ;

(15) Souhaite que l'information des populations sur les mesures à prendre en cas de catastrophes naturelles soit renforcée de manière à généraliser une culture de la prévention et de gestion de crise à l'échelle européenne ;

(16) Invite le Gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations en cours.

Économie, finances et fiscalité - Règlement « cosmétiques » : proposition de résolution européenne et avis politique de M. Jean-Pierre Leleux 

M. Jean Bizet, président. - Nous allons maintenant entendre la communication de Jean-Pierre Leleux sur la mise en oeuvre du règlement sur les cosmétiques.

C'est un sujet important, car il met en cause des enjeux attachés à la protection de la santé humaine. Il est donc indispensable d'exercer une grande vigilance sur la qualité des produits qui sont mis sur le marché. Un règlement de 2009 impose des obligations aux professionnels, mais il doit faire l'objet de mesures de mise en oeuvre, dont la nature a évolué avec le traité de Lisbonne.

Celui-ci a prévu la possibilité pour la Commission européenne d'adopter des actes délégués : c'est ce qu'elle envisage dans sa proposition de règlement. Nous avons souvent critiqué le recours excessif à ces actes délégués, qui ne sont pas transmis aux parlements nationaux, mais seul un examen au cas par cas peut nous éclairer sur leur bien-fondé.

M. Jean-Pierre Leleux. - La commercialisation des produits cosmétiques sur le marché européen est fortement encadrée. Il est en effet indispensable de veiller à ce que seuls des produits sûrs pour la santé humaine soient commercialisés et de détecter et étudier tout risque potentiel. De fait, les listes de substances autorisées dans la fabrication de ces produits font l'objet de modifications régulières.

Le règlement sur les produits cosmétiques de 2009 organise une procédure de contrôle initiale exigeante, avec un suivi permanent et des mécanismes d'alerte, en particulier en cas de réactions à certaines substances ou à leur combinaison. Il comporte des annexes volumineuses qui énumèrent les substances interdites et celles dont les modalités d'emploi sont encadrées, car elles sont jugées sûres, sous les conditions qu'elles définissent, pour l'utilisation dans des produits cosmétiques.

Les annexes sont mises à jour régulièrement pour tenir compte du progrès scientifique et technique, dès lors que celui-ci établit que les modalités d'utilisation des substances autorisées dans la fabrication de produits cosmétiques font courir un risque potentiel à la santé humaine. Plusieurs séries de modifications sont ainsi intervenues chaque année entre 2013 et 2017.

Ces modifications relèvent actuellement de la procédure de réglementation avec contrôle, dite PRAC, mise en oeuvre par la Commission européenne, après consultation d'experts et du Comité scientifique européen pour la sécurité des consommateurs (CSSC). La proposition de règlement, qui adapte 168 actes européens aux articles 290 et 291 du traité de Lisbonne, prévoit que ces modifications seront désormais effectuées par voie d'actes délégués.

La compétence de la Commission en la matière est strictement définie. Surtout, pour modifier les modalités d'emploi des substances autorisées dans les produits cosmétiques, il est précisé que, outre l'avis du CSSC, dont elle devra tenir compte, la Commission européenne devra consulter les experts nationaux, le Conseil et le Parlement européen. Les modifications envisagées seront notifiées simultanément au Parlement et au Conseil, qui disposeront d'un délai de deux mois, renouvelable une fois, pour formuler des objections. Cette procédure, qui s'inscrit dans la logique du traité de Lisbonne, est conforme à l'accord interinstitutionnel du 13 avril 2016 « Mieux légiférer ».

Notre commission des affaires européennes, vous le savez, exerce une vigilance particulière sur les renvois à des actes délégués et évalue s'ils sont ou non contraires au principe de subsidiarité. Elle demande également que ces actes délégués soient soumis au contrôle de subsidiarité exercé par les parlements nationaux.

Le renvoi à des actes délégués en matière de modification des substances autorisées dans les produits cosmétiques a suscité des réactions du côté du Gouvernement, plus particulièrement concernant les substances dites CMR (cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques), dont le règlement de 2009 autorise l'emploi, selon les modalités et dosages qu'il fixe, en distinguant entre, d'une part, les substances classées en catégorie 2, évaluées par le CSSC comme sûres pour l'utilisation dans les produits cosmétiques, et, d'autre part, les substances classées en catégorie 1, utilisables à titre exceptionnel et dès lors qu'elles réunissent certaines conditions cumulatives, en particulier le fait qu'il n'existe pas de solution de substitution appropriée.

Le Secrétariat général des affaires européennes, que j'ai interrogé sur le sujet, m'a confirmé que, lors de l'examen de la proposition de règlement par le Conseil, le 29 mai 2017, la France, appuyée par plusieurs États membres, avait demandé que les modifications des annexes relèvent dorénavant de la procédure de codécision. Cette demande a finalement conduit à retirer le règlement de 2009 du champ de la mise en conformité avec le traité de Lisbonne, prévue par la proposition de règlement.

Quelles en sont les conséquences ? Les enjeux en matière de santé publique sont cruciaux non seulement pour les consommateurs, mais également pour l'industrie cosmétique. La France, particulièrement bien placée en la matière, serait de toute évidence fragilisée par un scandale sanitaire. Il convient de déterminer quelle procédure de modification des annexes est de nature à répondre efficacement à ces préoccupations.

La procédure législative de droit commun, on le sait, est la codécision. Notre commission ne manque pas de dénoncer les renvois extensifs à la compétence de la Commission européenne. Il convient toutefois d'observer que la mise en oeuvre de cette procédure est longue en raison de l'accord entre institutions qu'elle exige. Or les mises à jour dont nous parlons ici doivent intervenir rapidement si l'on veut pouvoir réagir aux nouvelles données scientifiques et techniques disponibles et prendre rapidement des mesures en cas de risque potentiel identifié pour la santé humaine.

Le renvoi à des actes délégués pris par la Commission européenne est possible, faut-il le rappeler, dès lors qu'il ne porte pas sur des éléments essentiels d'un domaine. Tel est précisément la raison pour laquelle la modification de la liste des substances autorisées et de leurs modalités d'utilisation dans les produits cosmétiques relève d'une procédure de règlementation avec contrôle, conduite par la Commission. Le traité de Lisbonne a, en principe, substitué des actes délégués à cette procédure. Ceux-ci permettraient en l'espèce d'agir rapidement, après consultation des experts scientifiques et sous le contrôle préalable du Conseil et du Parlement. Ce cadre a été renforcé en 2016, même s'il manque encore, il est vrai, la notification préalable aux parlements nationaux souhaitée par notre commission.

La situation actuelle, qui résulte du retrait du règlement sur les produits cosmétiques de la démarche d'harmonisation transversale engagée par la Commission européenne pour remplacer la procédure ancienne de règlement avec contrôle par des actes délégués conformément au traité de Lisbonne, apparaît, quant à elle, fort peu satisfaisante. Elle empêchera les mises à jour indispensables des annexes jusqu'à la révision du règlement, alors que celle-ci ne sera pas engagée avant plusieurs années et prendra du temps. S'il apparaissait alors que certaines mesures ne doivent plus être prises par voie d'acte délégué, cette révision permettrait de revoir l'organisation actuelle sans qu'il soit nécessaire de suspendre les évolutions des annexes à cet exercice.

En conclusion, je vous propose de demander au Gouvernement de soutenir la réintégration du règlement sur les produits cosmétiques dans le champ de la proposition de la Commission européenne afin de préciser à quelles conditions les annexes de ce règlement pourront être modifiées par des actes délégués, conformément au traité de Lisbonne et à l'accord interinstitutionnel de 2016. Un avis politique, reprenant ces éléments, pourrait utilement aller dans le même sens.

M. André Gattolin. - Il faut néanmoins rappeler fermement que nous demandons une notification préalable des propositions d'actes délégués aux parlements nationaux.

M. Jean-Pierre Leleux. - La France a émis des réserves pour revenir à une procédure législative ordinaire en la matière, ce qui a inquiété les industriels, très vigilants sur la qualité de leurs produits, d'autant que la France étant très visible sur les produits cosmétiques, d'autres pays seront certainement encouragés à faire de même. Ils pensent que cette procédure est trop longue pour la modification des annexes, ce qui n'est bon ni sur le plan économique ni sur le plan sanitaire.

Monsieur Gattolin, vous avez raison, nous devons demander la notification des propositions d'actes délégués aux parlements nationaux. En revanche, il faut que le Gouvernement change de position sur la procédure législative applicable en matière de modification des annexes du règlement sur les produits cosmétiques.

*

À l'issue de ce débat, la proposition de résolution européenne est adoptée dans la rédaction suivante, ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne :


Proposition de résolution européenne

(1) Le Sénat,

(2) Vu l'article 88-4 de la Constitution,

(3) Vu l'article 290 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

(4) Vu l'accord interinstitutionnel « Mieux légiférer » du 13 avril 2016 et la convention d'entente sur les actes délégués qui y est annexée,

(5) Vu le règlement (CE) n° 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques,

(6) Vu les règlements (UE) n° 344/2013, (UE) 2013/658, (UE) 483/2013, (UE) 1197/2013, (UE) 1197/2013, (UE) 358/2014, (UE) 866/2014, (UE) 1003/2014, (UE) 1004/2014, (UE) 1190/2015, (UE) 1298/2015, (UE) 314/2016, (UE) 621/2016, (UE) 622/2016, (UE) 1120/2016, (UE) 1121/2016, (UE) 1143/2016, (UE) 1198/2016, (UE) 237/2017, (UE) 238/2017, (UE) 1224/2017, (UE) 1410/2017, (UE) 1413/2017, (UE) 2228/2017 de la Commission modifiant les annexes du règlement (CE) n° 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques et la décision d'exécution de la Commission du 25 novembre 2013 concernant les lignes directrices pour l'application de l'annexe I dudit règlement,

(7) Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil COM(2016) 799 adaptant aux articles 290 et 291 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne une série d'actes juridiques prévoyant le recours à la procédure de règlementation avec contrôle, et plus particulièrement le paragraphe 99 de son annexe,

(8) Considérant qu'il est indispensable de pouvoir prendre rapidement des mesures interdisant ou limitant l'emploi de substances dans les produits cosmétiques dont il apparaît que l'utilisation entraîne un risque potentiel pour la santé humaine ;

(9) Considérant que les annexes du règlement (CE) n° 1223/2009 relatif aux produits cosmétiques, qui fixent la liste des produits interdits, des substances autorisés et de leurs conditions d'emploi, doivent pouvoir être modifiées dès qu'un tel risque est scientifiquement identifié ;

(10) Considérant que le paragraphe 99 de l'annexe de la proposition de règlement COM(2016) 799, qui a pour objet d'adapter aux articles 290 et 291 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une série d'actes juridiques prévoyant le recours à la procédure de règlementation avec contrôle, modifie le règlement (CE) n° 1223/2009 pour remplacer le recours à cette procédure par des actes délégués ;

(11) Observe que le renvoi à des actes délégués pris par la Commission européenne permet de procéder rapidement à des modifications des listes des substances autorisées dans la fabrication des produits cosmétiques, à la réduction des dosages ou à la restriction des conditions d'utilisation de ces substances afin de protéger la santé des consommateurs européens dès lors que leur utilisation ou les modalités de leur utilisation dans les produits cosmétiques entraîne un risque potentiel pour la santé humaine ;

(12) Constate que les mesures d'application ainsi déléguées seront scientifiquement documentées par les analyses préalables conduites par des experts scientifiques indépendants et un avis du Comité scientifique européen pour la sécurité des consommateurs que la Commission européenne devra prendre en compte ;

(13) Observe que tant le Conseil que le Parlement européen seront associés dès l'origine au lancement de la procédure d'élaboration des actes délégués, qu'ils disposeront d'un droit d'opposition et qu'ils peuvent à tout moment retirer la délégation accordée à la Commission européenne ;

(14) Estime dès lors qu'un renvoi à la législation ordinaire pour procéder aux modifications nécessaires du règlement (CE) n° 1223/2009 de 2009 sur les produits cosmétiques et de ses annexes ne permettrait pas une réactivité suffisante eu égard à la technicité de la matière et aux délais de procédure inhérents à la codécision, ce qui pourrait s'avérer gravement préjudiciable à la santé des consommateurs ;

(15) Fait également observer que le retrait de ce règlement du périmètre de mise en conformité avec le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne défini par la proposition de règlement, conduirait à reporter cette mise en conformité au moins jusqu'à la révision du règlement qui n'est pas programmée avant 2021 ;

(16) Estime que quand bien même il pourrait être soutenu que la préparation de cette révision pourrait être l'occasion d'un examen plus approfondi du périmètre de renvoi à des actes délégués, cette perspective paraît trop éloignée au regard des enjeux de santé publique et risquerait au surplus d'être prolongée par les délais inhérents à toute procédure de codécision, et ce alors que même que le périmètre des actes délégués pourrait être revu à l'occasion de la révision du règlement ;

(17) Considère, en conséquence, que la démarche proposée par la Commission pour adapter le règlement (CE) n° 1223/2009 sur les produits cosmétiques afin de remplacer le recours à la procédure de règlementation avec contrôle par des actes délégués dont l'objet et la procédure d'adoption sont strictement encadrés, est la plus à même de permettre l'adaptation rapide des listes des substances autorisées dans les produits cosmétiques et de leurs conditions d'utilisation ;

(18) Invite le gouvernement à soutenir cette approche et à la faire valoir dans les négociations en cours.

La réunion est close à 10 heures.