Jeudi 10 septembre 2020

- Présidence de M. Philippe Dominati, vice-président de la commission des finances -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Audition de MM. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, et Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur le plan de relance

M. Philippe Dominati, président. - Je vous prie d'excuser le président Vincent Éblé, empêché d'être parmi nous de ce matin. Il le regrette vivement et m'a demandé d'assurer la présidence de cette réunion.

Notre commission a souhaité entendre MM. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance, et Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics, sur le plan de relance présenté jeudi dernier par le Gouvernement.

Ce plan constituera l'un des points majeurs du prochain projet de loi de finances, par son ampleur affichée - 100 milliards d'euros - comme par le nombre très élevé des mesures qu'il comprend - au nombre de 68. Une mission spécifique « Plan de relance » est annoncée pour porter une partie importante de ces crédits, mais d'autres véhicules budgétaires devraient être utilisés.

Malgré la taille imposante du dossier de presse et de l'annexe de 300 pages qui présente ces mesures - que chacun des membres de la commission a reçus en version dématérialisée - nous restons sur notre faim quant à leur contenu concret, à leurs modalités de financement et au rythme d'engagement des dépenses pour sortir notre économie de la crise.

Vous avez choisi de joindre ce plan de relance au budget de l'année 2021 et des années suivantes, alors que beaucoup, dans notre commission, plaidaient pour une application massive dès le second semestre 2020. Il est également difficile de percevoir ce qui relèvera du plan de relance européen, dont la validation n'interviendra pas avant plusieurs mois, des mesures purement nationales, et dans quelle mesure les finances des collectivités territoriales seront impactées par les mesures fiscales que vous annoncez ou sollicitées pour cofinancer les dépenses.

Je suis certain que vous serez à même ce matin, une semaine après la présentation officielle de ce plan, de nous apporter des éléments nouveaux sur son contenu et sa mise en oeuvre.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance. - Ce plan de relance est notre réponse sur le long terme à la crise économique la plus grave que la France ait connu depuis 1929, au choc sur les entreprises, sur l'emploi, sur notre société - un choc dont les effets les plus forts commencent seulement à se produire, ce qui nous invite à agir fortement et sans attendre. Ma conviction profonde, c'est que la France sortira plus forte de cette crise, car c'est l'occasion d'accélérer la transformation de notre modèle économique, d'apporter des réponses à ce qui ne fonctionne pas et de conforter nos points forts.

Nous faisons le choix d'une relance par l'investissement et l'offre, ce qui n'est pas la voie choisie par l'Allemagne, par exemple, mais c'est parce que nos voisins ont déjà rétabli leur compétitivité et rencontrent d'abord un problème de demande. La France, elle, doit continuer à investir pour moderniser son outil de production et créer les emplois de demain, ou bien, et nous en serions tous comptables, nous risquons une véritable relégation de l'économie française.

Ensuite, ce plan de relance est la troisième vague de la réponse que nous apportons à la crise.

La première a été l'amortissement du choc : nous y avons mis des moyens très importants, c'était un choix difficile - en particulier pour le ministre des finances qui n'avait de cesse depuis trois ans que de limiter la dépense publique... - car coûteux pour les finances publiques. Les outils que nous avons utilisés ont évité de la casse économique, sociale et politique : les prêts garantis par l'État à hauteur de 300 milliards d'euros, dont 120 milliards ont déjà été décaissés, le fonds de solidarité pour les très petites entreprises et pour les indépendants, les reports de charges sociales et fiscales, le chômage partiel - lequel représente 28 milliards d'euros cette année et nous a évité des dizaines de milliers de suppressions d'emplois dans nos territoires.

La deuxième vague, ensuite, a été la réponse sectorielle, pour venir soutenir les secteurs qui ont été d'emblée touchés en profondeur par la crise sanitaire. C'est le cas de l'aéronautique, et personne ne sait quand le trafic reviendra, comment le commerce mondial évoluera, quelles seront les relations entre la Chine et les États-Unis, ni comment nous allons, ou non, reprendre l'avion dans les années à venir - et rien n'est pire pour l'investissement que l'incertitude. Nous avons donc adopté un plan massif de soutien à l'industrie aéronautique, qui répond aux demandes des PME du secteur pour les aider à se restructurer, à mettre en place de l'activité partielle, pour financer des garanties pour le maintien de commandes de compagnies qui, si elles n'étaient pas honorées, annuleraient des commandes d'A380 ou d'A350 en chaîne. Il en va de la survie d'Air France-KLM et de la défense d'Airbus, en plus des milliers d'entreprises sous-traitantes. Nous avons soutenu également l'industrie automobile - où nous commencions à réussir la transition à l'électrique - pour que la France, après avoir été un champion de l'automobile thermique au XXe siècle, le reste au XXIe siècle pour l'automobile électrique. Notre soutien a bien fonctionné puisque, en plus de la vente de près de 45 000 véhicules électriques en quelques mois, les ventes automobiles du mois de juin 2020 ont été supérieures à celles du mois de juin 2019. Troisième bloc de secteurs que nous avons soutenu : le tourisme, l'hôtellerie, la restauration, l'événementiel et la culture. Si la saison a été très bonne sur certains pans du territoire comme la façade Atlantique, elle a été très difficile dans les lieux qui accueillent des touristes étrangers, à Paris et dans les grandes métropoles - d'autant qu'il n'y a pas d'arrière-saison, laquelle repose sur les congrès et l'activité économique. Nous avons donc décidé de maintenir le chômage partiel jusqu'au 31 décembre 2020 pour ce secteur.

Le troisième temps est donc celui de la relance par l'investissement. Ce plan représente 100 milliards d'euros. Ce choix assumé pour l'offre ne signifie pas que nous ne soutenions pas la demande : nous le faisons avec le soutien à la consommation pour l'automobile mais aussi avec les 28 milliards d'euros du chômage partiel, qui ont soutenu les salaires, donc la demande. Nous avons toujours soutenu le pouvoir d'achat et la demande par le soutien à l'emploi : face aux demandes des gilets jaunes, nous avons augmenté la prime d'activité pour que les salariés au SMIC touchent 100 euros de plus - cela représente près de 10 milliards d'euros de dépenses publiques en année pleine - et nous avons défiscalisé les heures supplémentaires. Le travail doit payer et c'est par le travail, la défense de l'emploi et la rémunération du travail qu'on défend le mieux le pouvoir d'achat des Français. Nous nous tenons à cette ligne depuis trois ans et nous continuons à le faire avec ce plan de relance.

Le plan repose sur trois priorités et sur une méthode.

Première priorité, l'accélération de la transition écologique. La France peut sortir plus forte de cette crise économique si, grâce à ce plan de relance, elle accélère la décarbonation de son économie. C'est une demande forte de nos compatriotes, un thème qui rassemble et dont nous pouvons débattre de façon constructive.

Nous allons cibler 30 milliards d'euros sur les quatre secteurs les plus émetteurs : le bâtiment, les transports, l'industrie et l'agriculture.

Pour le bâtiment, qui représente un quart des émissions de CO2, nous mettons en place un plan massif de rénovation thermique des bâtiments publics et privés, d'un montant de 7 milliards d'euros. Pour les bâtiments publics - locaux des universités, écoles, centres de service public -, des appels à projets sont lancés pour assurer une sélection efficace et une exécution rapide des rénovations : je ne saurais trop vous recommander d'inciter les maires à y participer, cela vaut pour toutes les communes, des plus rurales aux grandes métropoles. Il faut rassembler les Français : nous ne regarderons pas la couleur politique des communes. Notre objectif est de soutenir le plus grand nombre de projets. Pour les bâtiments privés, nous faisons passer le budget de la prime « MaPrimeRénov' » de 800 millions à 2 milliards d'euros, en l'ouvrant à tous les Français - la moitié des travaux de rénovation étant réalisés par des foyers relevant des 8ème et 9ème déciles des revenus, nous avons décidé d'ouvrir cette prime à tous, c'est un facteur de relance économique.

Sur les transports, nous préparons des grands plans pour développer le vélo, les transports en commun et le ferroviaire - nous mobilisons 5 milliards d'euros pour le ferroviaire, pour éponger ses pertes, rénover certaines lignes, rouvrir certaines lignes et relancer le fret - mais aussi ouvrir des trains de nuit entre Paris et Nice, voire d'autres si la rentabilité de ces lignes est assurée. Pour aider à la décarbonation des grands sites industriels fortement émetteurs de CO2, nous allons aider les entreprises à passer à des chaudières fonctionnant à la biomasse, plus coûteuses et moins rentables. Les premiers appels à projets ont été lancés fin août. Dans l'agriculture, enfin, nous allons accélérer la transition vers agriculture bio et les circuits courts.

Deuxième orientation, la relocalisation d'industries en France, que nous inscrivons dans un mouvement plus large de recentrage de la mondialisation.

La mondialisation cesse de s'étendre toujours plus : elle entre dans une nouvelle ère où la production se recentre, on le voit en Chine et aux États-Unis, il faut accompagner ce mouvement en Europe. Nous devons renforcer notre souveraineté industrielle, relocaliser des productions stratégiques ou à haute valeur ajoutée, exactement comme le président Xi a annoncé qu'il allait le faire en disant que le temps de la Chine ouverte était fini et que la Chine devait s'appuyer sur son propre marché pour se développer - beaucoup plus que sur les échanges commerciaux. Nous devons tirer les conséquences d'un tel mouvement : quand un marché de 1,4 milliard d'habitants, le plus dynamique de la planète, entend se refermer sur lui-même, comprenons qu'il est temps que nous aussi, nous soyons capables de relocaliser un certain nombre d'activités industrielles en France.

Nous n'allons certes pas relocaliser toutes les industries, celles où nous ne sommes pas compétitifs, mais nous pouvons commencer par relocaliser les industries qui sont stratégiques pour notre souveraineté, par exemple celle des principes actifs des médicaments. La crise sanitaire nous a fait découvrir que nous dépendions de l'Asie pour les principes actifs de médicaments entrant dans les antidouleurs : est-ce raisonnable ? Notre industrie pharmaceutique est puissante, la compétitivité-coût des Chinois diminue à mesure que les standards de la société chinoise se rapprochent des nôtres, nous avons donc de quoi parvenir à relocaliser de telles productions stratégiques. Nous pouvons également relocaliser des industries à haute valeur ajoutée : nous avons commencé à le faire en lançant, avec mon homologue allemand Peter Altmaier, le projet de bâtir une filière de batteries électriques en Europe, sur la base d'un accord franco-allemand qui a été étendu à d'autres partenaires, par exemple la Pologne. L'automobile de demain sera électrique : comment supposer qu'un tiers de sa valeur, la batterie, proviendra comme aujourd'hui à 87 % de Chine ou de Corée du Sud ? Nous avons lancé ce projet il y a deux ans, nous avons une usine pilote à Nersac en Nouvelle-Aquitaine, nous ouvrirons en 2022 la première usine de production de masse à Douvrin dans le Nord et la deuxième usine sera ouverte en 2024 à Kaiserslautern en Allemagne : c'est la première fois depuis Airbus que l'Europe recrée une filière de production industrielle indépendante d'un bout à l'autre de la chaîne. Au-delà des batteries électriques, nous allons investir 11 milliards d'euros dans de nouveaux marchés comme la production d'hydrogène, les biotechs ou encore le développement des technologies quantiques, qui sont autant d'occasion de relocaliser. Nous nous sommes trop reposés sur nos lauriers, nous vivons sur nos acquis, avec quelques magnifiques filières industrielles dans le luxe, l'agroalimentaire, la pharmacie et l'aéronautique - ce sont toujours ces mêmes quatre filières que l'on cite depuis vingt ans, nous n'avons pas créé de nouvelles chaînes de valeur qui permettent une relocalisation industrielle.

Ce choix de réindustrialiser nécessite de passer aux actes : c'est le sens de la baisse de 10 milliards d'euros des impôts de production prévue par ce plan de relance. Car au-delà des compétences et du tissu industriel, nous devons aussi être compétitifs sur le plan fiscal : on ne peut demander à nos industriels de courir avec des boulets. Nous ne pouvons pas continuer à avoir des impôts de production deux fois plus élevés que la moyenne européenne, sept fois plus élevés qu'en Allemagne.

Cette baisse de 10 milliards d'euros des impôts de production interviendra au 1er janvier prochain et, pour la concentrer sur les activités industrielles, nous avons écarté la solution qui aurait consisté à diminuer la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), car cela aurait aussi bénéficié au secteur financier, alors que nous préférons cibler directement la production. Nous avons donc opté pour le levier de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et des impôts fonciers sur les locaux industriels, en particulier la cotisation foncière des entreprises (CFE). Ainsi, la CVAE passera de 14 milliards à 7 milliards d'euros, grâce à la suppression de sa part régionale - je salue l'esprit constructif de l'Association des régions de France et de son président, Renaud Muselier, avec lequel nous sommes parvenus à un accord pour compenser cette suppression de CVAE par l'attribution d'une part de TVA, recette dynamique. Quant aux impôts fonciers sur les locaux industriels, ils seront divisés par deux, à 3 milliards d'euros. Les collectivités territoriales seront compensées intégralement par une indemnisation budgétaire mensuelle et les communes conserveront leur liberté de taux. Je connais la sensibilité du sujet.

Troisième grande orientation : la protection de l'emploi et la formation aux métiers de demain, en cohérence avec les choix que nous avons faits depuis le début de la crise sanitaire. Les mesures de chômage partiel, sans précédent en France, ont sauvé des milliers d'emplois : nous ne voulons pas supprimer brutalement ce dispositif de soutien. Aussi le maintenons-nous dans les secteurs très affectés, avec un reste à charge de 15 %, jusque fin 2020. Nous aviserons ensuite. Le maintien de l'activité partielle n'aurait pas de sens, cependant, si nous ne préparions pas aux métiers de demain : c'est pourquoi nous allons mettre en place une gestion prévisionnelle des compétences à l'échelle nationale pour identifier les compétences disponibles et les besoins.

Un mot sur la méthode, décisive pour la mise en place de ce plan : il faut agir vite, quitte à corriger l'action en cours de route - plutôt qu'attendre de tout savoir avant de commencer. Nous faisons aussi le choix d'une consultation la plus large possible : ce plan de relance a demandé des mois de concertation et bénéficie des travaux sur le pacte productif lancés en novembre 2019. De même, si nos projets sur l'hydrogène sont bien avancés, c'est que nous y travaillons depuis près d'un an. Et si 72 % des Français soutiennent le plan de relance, c'est parce que c'est le plan des Français. Je continuerai, dans cette voie, à recevoir les représentants économiques, les syndicats, et à débattre avec vous, car ce plan nous engage tous, et l'avenir de la Nation.

La méthode passe également par une centralisation des crédits pour un décaissement rapide et certain. La création d'une mission budgétaire ad hoc garantira que le décaissement sera suivi au jour le jour. Nous prévoyons aussi des clauses d'extinction, pour être en mesure, quand un projet ne se fait pas au rythme annoncé, de réallouer les crédits à d'autres projets plus avancés. Nous prévoyons deux outils pour suivre la bonne exécution du plan : un conseil de suivi présidé par le Premier ministre, avec les partenaires sociaux, les parlementaires, les élus ; un comité de pilotage hebdomadaire, que je présiderai et dont le secrétariat sera confié à Bruno Parent, ancien directeur général des finances publiques. Ce comité hebdomadaire veillera à la bonne exécution du plan et pourra chaque semaine consulter des partenaires, tous azimuts, pour recueillir les remarques.

Enfin, les derniers mois nous ont appris à faire preuve de pragmatisme et de modestie. Personne ne sait quelle sera l'évolution sanitaire, chacun regarde les chiffres, et quand nos compatriotes se demandent de quoi demain sera fait, notre rôle de politique consiste à faire preuve de cohérence, de stabilité et de vision à long terme. Nous allons passer par des hauts et des bas, il faut maintenir le cap : ce plan de relance nous fera relever ces défis.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur le plan de relance. - Je serai succinct, en précisant quelques aspects de l'architecture budgétaire de ce plan. Nous allons installer des comités territoriaux de suivi dans chaque région, en veillant à ce que les services du ministère des finances soit présents, pour un pilotage véritablement territorial, en appui des services déconcentrés. Une mission budgétaire est créée, avec trois programmes, chacun correspondant aux trois priorités du plan : cela facilitera la lecture des crédits mais nous pourrons aussi les rendre fongibles, pour des redéploiements éventuels en cours d'action. Les crédits du plan feront l'objet d'autorisations de crédits très importantes dans le prochain projet de loi de finances, mais aussi en loi de financement de la sécurité sociale, par exemple pour les investissements dans les hôpitaux. Quelques-uns des crédits sont déjà votés par le Parlement - par exemple la prime pour l'embauche des jeunes, la prime à la conversion automobile ou encore d'autres mécanismes relatifs aux appels à projets sur la décarbonation.

Sur la compensation aux collectivités territoriales, si le montant d'allègement de CVAE est bien de 7,2 milliards d'euros, nous travaillons sur une compensation par la TVA de 9,5 milliards d'euros, pour tenir compte de dégrèvements déjà existants. Pour le bloc communal, les allègements s'élèvent à 1,75 milliard d'euros pour la taxe sur les locaux industriels et à 1,54 milliard pour la CFE. Nous envisageons un prélèvement sur recettes de l'État qui permettra d'avoir une compensation dynamique en fonction de l'évolution des bases - les communes conservant la liberté de taux.

Quant à l'impact du plan sur les finances publiques, nous veillons à ce que les dépenses inscrites n'aient pas de caractère pérenne - je parle bien des dépenses du plan lui-même - et qu'elles ne soient pas renouvelables au-delà de deux ans, de même que nous mobiliserons au mieux le plan de relance européen - tout ceci pour que notre maîtrise des dépenses publiques soit la meilleure possible et que nous puissions faire baisser notre endettement dès 2025, car c'est nécessaire à notre crédibilité financière. Je suis convaincu que nous y parviendrons et nous vous présenterons prochainement un projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour tenir compte des évolutions fortes intervenues depuis 2017 - nous aurons alors à débattre de questions de gouvernance et d'indicateurs.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. - Nous sommes nombreux à approuver l'idée d'un plan de relance, d'autant que nous l'avons appelé de nos voeux à chacun des collectifs budgétaires du printemps et de l'été. Nous sommes cependant circonspects sur certains points, en particulier de méthode. Vous annoncez par exemple des appels à projets en octobre, donc avant toute approbation de la loi de finances : parlez-vous là des crédits du dernier collectif, ou de la prochaine loi de finances ?

Nous partageons aussi votre choix d'une relance par l'investissement, c'est d'autant plus nécessaire que notre pays, faute de s'être réformé comme l'ont fait nos voisins allemands, ne dispose guère des moyens d'une véritable relance de la consommation. Cependant, ici encore, des questions se posent, car votre chiffre global de 100 milliards d'euros, sur lequel le Gouvernement communique beaucoup, recouvre des mesures déjà votées - par exemple les 5,2 milliards d'euros de soutien aux collectivités territoriales, les 2,6 milliards d'euros pour l'automobile... autant de crédits que vous recyclez dans ce plan. Comment, ensuite, mieux distinguer le court et le long terme, les aides pour aujourd'hui, et les investissements à plus long terme comme pour la filière hydrogène ?

Sur le volet fiscal, vous remplacez un impôt de production par un impôt conjoncturel, la TVA, qui n'est pas toujours dynamique, on l'a vu récemment : il faudra donc trouver une forme de garantie.

Par ailleurs, en 2009, nous avions voté des mesures utiles, comme le carry-back et le suramortissement, qui ne figurent pas dans ce plan : les prévoyez-vous dans le projet de loi de finances ?

Enfin, nous avons des questions sectorielles. La situation d'Île-de-France Mobilités est mauvaise, car si l'opérateur assure le service de transports en commun dans la région francilienne, la fréquentation est bien moindre et les recettes manquent ; nous avions proposé des mesures spécifiques en juillet, vous ne les avez pas retenues : que comptez-vous faire ?

Autre exemple : l'entreprise Beneteau subit la chute brutale de la demande de navires de plaisance, quelque 700 emplois de très haute compétence sont en jeu. Comment conserver ces compétences sur notre territoire en attendant la reprise du secteur nautique ?

M. Bruno Le Maire, ministre. - Merci pour vos propos encourageants, utiles dans cette période. Nous avons examiné les options pratiques pour l'architecture budgétaire de ce plan de relance, et plutôt que de prendre un nouveau collectif, nous avons préféré inscrire l'ensemble des mesures dans le projet de loi de finances, par souci de simplicité et de démocratie. La loi de finances est le coeur battant de la vie politique, le vecteur des grands choix et des grands débats. Cette option n'exclut pas des décisions anticipatrices, comme les appels à projets pour l'industrie, qui représentent un milliard d'euros. Cela n'exclut pas non plus d'intervenir ponctuellement pour la relocalisation industrielle. Avec le Président de la République, nous avons visité le laboratoire pharmaceutique Seqens, capable de produire des principes actifs de médicaments qui nous font défaut ; nous sommes convaincus que nous pouvons être aussi compétitifs que les Chinois, mais comme le marché est peu porteur, il faut accompagner le mouvement. Je n'ai pas peur de le dire : nous voulons subventionner directement certaines entreprises capables de développer de tels investissements. Je pense également au groupe Lesaffre, leader mondial de la fermentation, marché porteur pour l'agroalimentaire : le groupe a besoin de monter deux nouvelles lignes de production, pour un montant de 150 millions d'euros, 400 emplois sont en jeu, nous voulons soutenir ce type d'investissement.

Les actions du plan de relance agissent à court et à long terme. Le soutien à la demande, le chômage partiel et les baisses d'impôts auront des effets immédiats sur la croissance. À plus long terme, nos objectifs sont, pour l'ensemble du plan, de récupérer 4 points de PIB d'ici 2025, et nous visons une réduction de 57 millions de tonnes de CO2 sur la durée de vie des projets financés. Nous visons aussi la création de 400 000 emplois d'ici 2022, dont 160 000 pour 2021, tel qu'annoncé par le Premier ministre. Ceux qui pensent que ce n'est pas assez, ne doivent pas oublier d'y ajouter les emplois qui ont été sauvés grâce aux mesures de chômage partiel.

Sur le volet fiscal, nous avons effectivement écarté le suramortissment, lui préférant la baisse d'impôt, mais le carry back figure dans le troisième collectif budgétaire.

Le président Bruno Retailleau nous a signalé les difficultés de l'entreprise Beneteau, ce fleuron de notre savoir-faire nautique, de réputation mondiale. Les élus sont tout à fait dans leur rôle. Nous comptons sur ces relais pour cibler au mieux les aides publiques et nous entendons bien sûr nous mobiliser pour l'entreprise Beneteau : il faut l'aider à passer le cap.

Je donne un deuxième exemple, qui est très cher à mon coeur : le décolletage dans la vallée de l'Arve. Cette activité, qui est une tradition française depuis la fin du XIXsiècle, représente 15 000 emplois directs et dépend totalement de deux secteurs : l'automobile et l'aéronautique. Or le marché aéronautique s'est effondré.

Nous n'allons pas laisser tomber le décolletage dans la vallée de l'Arve. Nous devons trouver des moyens d'accompagner sur la durée un tel secteur industriel ; les entrepreneurs n'ont pas démérité, les salariés non plus, ils ont simplement été victimes d'un effondrement conjoncturel.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. - J'apporte deux précisions.

Au-delà des dispositions qui seront adoptées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, l'objectif, c'est 30 % de décaissement à cet horizon. Les dispositions votées dans les projets de loi de finances rectificative (PLFR) successifs, notamment le troisième, garantissent le financement des actions qui doivent être mises en oeuvre sur la fin de l'année. Si nous devions profiter du PLFR de fin de gestion pour abonder tels ou tels crédits, nous le ferions, mais, à ce stade, ce n'est pas utile. De la même manière, nous avons ouvert l'appel à projets pour la rénovation des bâtiments de l'immobilier d'État. Le processus est très rapide, puisque l'appel à projets sera clos le 10 octobre ; les projets seront sélectionnés entre fin novembre et début décembre, pour une mise en oeuvre en 2021.

Je confirme qu'un accord est intervenu entre le Premier ministre et la présidente de région, Valérie Pécresse. Dans cet accord, qui fait l'objet d'une convention, nous avons arrêté le principe d'une compensation des pertes de recettes d'Île-de-France Mobilités pour un montant compris entre 1,1 milliard et 1,4 milliard d'euros. Nous verrons début 2021 la réalité des pertes de recettes lorsque l'exercice sera clos, afin d'arrêter définitivement le montant de cette compensation. Je signale que, à la suite du vote du PLFR 3, il avait été convenu du principe d'un acompte. Un premier acompte de 425 millions d'euros a été versé à Île-de-France Mobilités. Cet accord permet de garantir que la crise de la covid n'aura pas de conséquences sur le prix pour les usagers et, nous l'espérons, sur le programme d'investissement.

M. Jean-François Husson. - Vous avez dit, et j'y suis sensible, qu'il fallait accélérer la transition écologique et la décarbonation de l'économie pour en faire un sujet de rassemblement. Je forme le voeu que nous y parvenions. Jusqu'à maintenant, cela a plutôt été un sujet de division : je pense aux « bonnets rouges », aux « gilets jaunes » et aux « zadistes ».

Je souhaiterais que vous puissiez nous donner des éléments de réponse sur tout ce qui concerne les efforts faits pour le dernier kilomètre, dont on parle beaucoup depuis vingt ans et qui présente plusieurs avantages : lutter contre la pollution et rendre plus efficace et plus fluide la distribution des marchandises.

L'agriculture paraît être un angle mort. Vous abordez la question agricole principalement sous le volet environnemental. Vous qui avez exercé d'éminentes responsabilités au ministère de l'agriculture, M. Le Maire, vous savez combien l'agriculture française - je dirai même les agricultures françaises - sont en difficulté. Or c'est un sujet majeur pour notre souveraineté alimentaire. J'aimerais par ailleurs que soient rappelés tous les efforts réalisés par le monde agricole en matière de traçabilité et de sécurité des produits. La France mérite autre chose que de l' « agribashing ».

L'Europe mobilise des fonds importants : plus de 700 milliards d'euros. La France va bénéficier de 40 milliards d'euros par rapport à un effort contributif de 100 milliards d'euros, l'Allemagne de 30 milliards d'euros, alors qu'elle mobilise 130 milliards d'euros. Pour quelle raison cet accord est-il intervenu sans corrélation avec la participation des États ? Pour ma part, je suis partisan du donnant-donnant, des efforts partagés, sans distorsions.

J'ai interpellé ici même le gouverneur de la Banque de France au sujet de l'épargne des ménages, qui s'envole. Une bonne partie de cette épargne provient des efforts que fait l'État. Vous avez appelé à un rassemblement. Moi, j'appelle aussi à un rassemblement des énergies et des finances, parce que ce que l'État donne, les Français, peut-être faute de visibilité, le thésaurisent. Nous devons trouver des moyens originaux d'associer les Français à cet effort exceptionnel que nous devons réaliser ensemble.

M. Michel Canevet. - Vous avez terminé votre propos introductif en évoquant l'évolution des métiers. La délégation sénatoriale aux entreprises a publié un rapport fin juin à ce sujet. Il pourra être utile pour bien appréhender cette question.

Dans le cadre du plan de relance, vous avez évoqué différents axes de développement, notamment l'habitat. Les 2 milliards d'euros dédiés à la rénovation énergétique pour l'habitat privé seront-ils suffisants ? Une subvention est-elle vraiment le meilleur moyen d'intervention ayant un réel effet de levier ? Ne faudrait-il pas plutôt envisager un abondement du prêt à taux zéro, dont on connaît l'efficacité ?

Vous avez aussi évoqué la question du numérique, qui est absolument essentielle. Nous avons pu le constater lors de la période de crise sanitaire. En Bretagne, par exemple, nous avons un plan de fibrage jusqu'à l'abonné d'ici à 2026, sans doute 2027, pour tous les foyers. Le secrétaire d'État chargé de la transition numérique a récemment dit que la France serait fibrée intégralement en 2025. Des crédits sont-ils prévus pour les programmes déjà lancés par les collectivités ? L'apport de l'État permettra-t-il d'aller un peu plus vite ?

L'aéronautique est effectivement un secteur extrêmement touché. Dans le Finistère, nous subissons les conséquences de la restructuration du groupe Air France, notamment la suppression d'un site aéronautique historique à Morlaix. Dans le cadre des aides de l'État octroyées à Air France, qui sont par ailleurs justifiées, ne pourrait-on pas envisager des compensations en termes d'aménagement du territoire ? Le siège social de Hop !, par exemple, pourrait être implanté à Morlaix. À Nantes, il y a une telle diversité d'activités que 250 emplois en plus ou en moins ne changeront rien, tandis qu'à Morlaix, l'impact serait significatif.

Si l'aéronautique souffre terriblement, le transport maritime est aussi considérablement touché. Nous avons la chance d'avoir en France une compagnie maritime créée par les paysans : Brittany Ferries. Elle est essentielle au désenclavement d'une partie de notre pays. Le secteur maritime pâtit des mesures de quarantaine décidées par le gouvernement britannique, de la perspective du Brexit et fait face à des concurrents qui bénéficient d'exonérations de charges sociales. Pourrait-on envisager une prolongation du dispositif de chômage partiel, car le temps de retour à meilleure fortune ira au-delà de la fin de l'année ? Des mesures complémentaires du type des exonérations de charges sociales permettant à cette compagnie de retrouver de la compétitivité et de demeurer française pourraient-elles être prévues ?

M. Yvon Collin. - À bien des égards, le plan de relance fait le pari de la reprise de l'offre, ce qui suppose un déblocage de l'épargne accumulée par nos concitoyens. Ce bas de laine est de l'ordre de plusieurs dizaines de milliards d'euros. Avez-vous des signaux concernant une reprise de la consommation, alors que la confiance des ménages doit faire face à un horizon de milliers de faillites attendues et à une hausse du chômage, qui devrait toucher en fin d'année 9,5 % de la population active ?

Dans son allocution aux Français au mois de mars dernier, le Président de la République a déclaré que la pandémie révélait la nécessité de placer des biens et des services en dehors de la loi du marché. Comment le plan de relance aborde-t-il cet objectif, sachant que les aides telles que la baisse des impôts de production ne sont pas conditionnées et que l'emploi public n'est pas mobilisé ? J'ajoute que les maires sont particulièrement inquiets concernant les compensations consécutives à cette baisse des impôts de production. Que leur répondez-vous ?

Mme Nathalie Goulet. - Toutes les collectivités essaient de renforcer leur aide aux entreprises. Comment comptez-vous fluidifier ou, tout du moins, homogénéiser cette territorialisation ? Pensez-vous à un guichet unique ?

Lors de l'examen du PLFR 3, nous n'avons pas pu voter de dispositif de lutte contre la fraude ex ante, et non pas ex post, au chômage partiel. Quelles mesures entendez-vous prendre à la fois pour répondre au rapport de la Cour des comptes sur la fraude fiscale et aux questions de fraude au chômage partiel ?

En tant que rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État », j'aimerais savoir si le Gouvernement serait d'accord pour que nous commencions la session par un débat sur ce thème. Les engagements financiers de l'État vont en effet conditionner notre liberté d'action pour cette relance.

M. Bruno Le Maire, ministre. - M. Husson a mis le doigt sur quelque chose de très juste : la transition écologique ne doit pas devenir un motif de conflit entre les Français. Elle doit au contraire être un sujet de rassemblement. Les dernières années ont montré, avec les « bonnets rouges » ou les « gilets jaunes », que si nous prenons des décisions trop brutales, trop rapides, la transition écologique peut créer des conflits profonds dans le pays, alors même qu'une immense majorité de Français souhaite que nous accélérions en la matière. Il faut donc trouver une autre méthode. Celle que nous avons retenue, c'est la consultation, la plus large possible. C'est l'objectif de la Convention citoyenne ou des discussions avec les fédérations concernées. Lorsqu'en Bretagne, par exemple, un certain nombre de représentants de très petites entreprises de travaux publics se sentent pénalisés par les évolutions fiscales sur le gazole routier ou l'utilisation des engins de chantier, il faut, comme je l'ai fait, les recevoir, apporter des solutions et ouvrir des perspectives. Il ne faut pas se contenter de dire : « Circulez, il n'y a rien à voir ! » C'est inefficace et cela crée des conflits. Pour que la transition écologique soit un facteur de rassemblement entre les Français, cela demande beaucoup d'écoute, beaucoup de travail.

Pour que cet objectif nous rassemble, il faut également être clair sur la stratégie. Personne n'a la vérité révélée, mais, la responsabilité politique, c'est de faire des choix clairs. Nous pensons que la transition écologique ne doit pas aboutir à moins de prospérité pour les Français, moins de technologies, moins de savoirs scientifiques, moins de médicaments ou de thérapies de qualité. Mieux vaut poser ce débat sereinement, parce que c'est en faisant preuve de clarté que l'on convainc davantage. Nous croyons à une croissance décarbonée. Nous ne croyons pas à la décroissance.

Je ne peux laisser dire que l'agriculture est un angle mort du plan de relance. Julien Denormandie, le ministre de l'agriculture, s'est beaucoup battu pour qu'un volet agricole très important figure dans le plan de relance : il représente 1,2 milliard d'euros, avec des projets très concrets ; je pense notamment au renforcement de l'indépendance de la France en matière de produits bio. Il est absolument anormal que nous enregistrions une telle explosion de la consommation de produits bio et que nous ne soyons pas indépendants en matière de production. Nous allons donc continuer à soutenir fiscalement la production bio en France.

Autre exemple très concret : nous mettons 250 millions d'euros pour la rénovation des abattoirs.

S'agissant de l'épargne, nous avons tous conscience du problème : 85 milliards d'euros ont déjà été mis de côté par les Français, tout simplement parce qu'ils voient venir des temps difficiles. Lorsque l'on se dit que son gamin de 22-23 ans risque de ne pas trouver d'emploi, qu'il va être obligé de rester chez vous ou qu'il va falloir lui payer son loyer et sa nourriture, il est normal de réagir ainsi.

Je veux redire à quel point le cercle vertueux est celui qui va amener les Français à consommer, à investir dans l'économie française et à participer au redémarrage de notre économie. Nous le faisons avec des incitations. Quand nous proposons 7 000 euros pour l'achat d'un véhicule électrique, ça marche. Les gens se disent que ce ne sera pas là tout le temps et qu'ils investissent dans un bien durable. Nous l'avons vu, la consommation de biens durables a fortement augmenté au cours des derniers mois ; c'est moins vrai pour la consommation courante. Il faut le faire aussi en offrant des produits attractifs. C'est ce que nous faisons avec le plan d'épargne en actions (PEA), avec l'assurance vie, avec des produits qui vont financer les PME françaises, et c'est ce que nous allons faire avec les obligations convertibles ou les prêts participatifs. Nous allons continuer à développer des produits qui permettront aux épargnants français de financer les PME et l'économie françaises.

Monsieur Canevet, les subventions sont-elles ce qu'il y a de plus efficace ? Effectivement, le prêt à taux zéro fonctionne bien, mais MaPrimeRénov' aussi. Quand vous accordez jusqu'à 20 000 euros d'aide directe à des ménages pour rénover leur habitat, c'est exactement comme pour la prime de 7 000 euros pour les véhicules électriques, cela fonctionne remarquablement bien. Je rappelle que nous avons décidé de simplifier MaPrimeRénov' : d'abord, en l'ouvrant à tous les ménages, qui ne recevront pas la même chose, évidemment, ce sera en fonction de leurs revenus ; ensuite, en faisant deux innovations majeures.

Première innovation : MaPrimeRénov' sera accessible aux syndics de copropriété, afin de permettre une rénovation globale de tout l'immeuble, ce qui inclura la façade et les combles. Nous réfléchissons même à une simplification des décisions des syndics de copropriété pour accélérer ces rénovations globales.

Deuxième innovation : les propriétaires bailleurs seront éligibles à MaPrimeRénov, à condition qu'ils baissent ensuite le loyer.

MaPrimeRénov' s'inscrit donc dans un cercle extraordinairement vertueux : elle permettra la rénovation globale d'un bâtiment - c'est bon pour l'environnement - et elle favorisera la baisse des loyers.

Le déploiement de la fibre doit-il aller plus vite ? Je suis très attaché au développement rapide de la 5G, même si j'entends les inquiétudes concernant ses conséquences sur la santé. Au travers de deux enquêtes, l'une en septembre, l'autre en janvier, notamment avec l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), nous allons étudier de manière très sérieuse cette question. Je dis « nous », mais ce sera en fait mené par des organismes totalement indépendants.

Il est faux de dire, comme tous ceux qui sont des avocats de la décroissance, que la 5G ne va bénéficier qu'à Amazon. Sans la 5G, vous ne répondrez pas aux besoins médicaux des territoires les plus reculés. Si nous voulons accélérer son déploiement, c'est parce qu'elle va bénéficier à tous les Français dans leur vie quotidienne. Aucune usine ne s'installera près de chez vous avec ses vingt salariés si elle a besoin d'envoyer ses plans dans des délais rapides partout à travers la planète. Je le répète, je suis favorable au déploiement rapide de la 5G, pas simplement pour des usages récréatifs, mais pour répondre à des besoins médicaux ou industriels, pour favoriser l'emploi. Pour tous ceux qui sont attachés comme vous et moi au développement de tous les territoires et qui refusent la fatalité des déserts français, la 5G est une opportunité.

S'agissant du site de Morlaix, nous suivons la situation de très près. J'ai demandé à Air France de proposer des options aux salariés et d'avoir une stratégie permettant à ce site de voir comment son avenir peut se construire. Je ne me satisferai pas d'une réponse consistant à dire : voilà, c'est fini, on passe à autre chose.

De manière plus générale, et je ne vise pas du tout Air France en disant cela, nous constatons que beaucoup de plans sociaux sont en préparation. Certains sont nécessaires, parce qu'ils vont permettre à l'entreprise de retrouver des marges de manoeuvre et, donc, de survivre à cette crise. D'autres sont des plans sociaux d'aubaine. Ils ne sont pas acceptables. Le ministère de l'économie et des finances emploiera tous les moyens qui sont à sa disposition pour refuser ces plans sociaux d'aubaine. Je vois se profiler, par exemple, à Belfort, chez General Electric (GE), un certain nombre de propositions qui ne me paraissent pas toutes correspondre aux engagements qui ont été pris. Nous veillerons à ce que GE respecte ses engagements et que le partenariat que l'État a construit avec les salariés et la direction puisse se poursuivre sur de bonnes bases. J'aurai l'occasion d'appeler très prochainement le président de GE, Larry Culp, pour le lui dire. Il faut que les choses soient claires entre nous. Je souhaite que nous puissions conserver la qualité de ce partenariat avec GE, comme avec toutes les autres entreprises en France, ce qui suppose que chacun ait le sens des responsabilités.

S'agissant de Brittany Ferries, je l'ai déjà indiqué, nous sommes prêts à soutenir le trafic transmanche. Soyons honnêtes, le Brexit plus la crise du coronavirus, c'est 75 % à 80 % d'activité en moins. Cela étant, j'ai besoin de voir clair dans les comptes. J'ai besoin que chacun fasse preuve de transparence totale. Le trafic transmanche est vital pour la Bretagne...

Mme Nathalie Goulet. - Et pour la Normandie !

M. Bruno Le Maire, ministre. - ... et pour la Normandie.

Monsieur Collin, la consommation retrouve un niveau proche de celui d'avant la crise : moins 4 % en juillet 2020 par rapport à juillet 2019 et moins 2 % en août de cette année par rapport à août de l'année dernière. En outre, les recettes de TVA sont bonnes. Je veux le dire aux Français : nous sommes dans la bonne direction et nous allons y arriver, mais il ne faut pas se laisser décourager par le moindre incident - il y aura forcément des trous d'air. Je me donne deux ans pour que nous retrouvions le niveau de production d'avant-crise.

Madame Goulet, la territorialisation des aides est indispensable. Pour ce faire, nous allons nous appuyer sur les préfets, les sous-préfets à la relance, la Banque publique d'investissement (BPI), qui fait un travail remarquable dans les territoires, et la Caisse des dépôts et consignations, qui aura la responsabilité de la mise en place des 6 000 foncières - 10 000 demain, je l'espère. Je cite l'exemple des foncières, parce que je pense que c'est très important. Vous voyez tous dans vos communes des commerces qui ferment. Comment résoudre ce problème ?

Premièrement, il faut aider les commerces de proximité à se digitaliser. Tous ceux qui n'ont pas de site internet pour vendre à distance, alors que l'épidémie reste aujourd'hui vivace, ne pourront pas s'en sortir. C'est pourquoi nous apportons plusieurs centaines de millions d'euros, notamment avec le soutien de la BPI.

Deuxièmement, il faut racheter des fonds de commerce, les rénover, notamment sur le plan énergétique, et parfois les regrouper. C'est la Caisse des dépôts qui va s'en charger. Ensuite, il conviendra de les louer à un tarif préférentiel pour faire revenir des commerçants en centre-ville.

Troisièmement, évitons le saccage des terres agricoles pour construire de grands centres commerciaux.

Si ces trois volets de cette politique globale sont réunis, on peut réussir à territorialiser le plan de relance en soutenant le commerce de proximité.

Enfin, nous voulons durcir notre dispositif de contrôle et de sanction pour lutter contre la fraude sociale. Elle est inacceptable en temps ordinaire, elle est révoltante en temps de crise. Nous tirerons toutes les conséquences du rapport de la Cour des comptes.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. - Comme vient de le dire Bruno Le Maire, nous allons durcir nos dispositifs pour lutter contre la fraude, mais nous allons aussi utiliser les dispositifs existants. Aujourd'hui, tous nos services, y compris Tracfin, sont mobilisés, notamment pour lutter contre la fraude au chômage partiel, comme contre la fraude, un peu moindre dans son envergure, au fonds de solidarité. Plusieurs dizaines de procédures sont en cours, mais vous comprendrez que le secret de l'enquête nous interdit de donner leur teneur. En tout cas, soyez assurés que nous sommes vigilants. Nous avons mis à profit cette crise et ce contrôle nouveau sur le chômage partiel ex post pour améliorer les modes de communication et les transmissions d'informations entre nos services d'enquête et un certain nombre de services comme l'Agence de services et de paiement, afin que nous puissions aussi intervenir avant le paiement à d'éventuels fraudeurs.

Sur la question des ressources des collectivités locales, je complète d'un mot ce que j'ai dit précédemment.

La compensation se fera par une fraction de TVA. Elle se fondera sur la recette constatée entre 2019 et 2020. Les discussions avec les régions ont abouti.

Pour la compensation de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et de la CFE, je voudrais apporter deux précisions. Tout d'abord, le prélèvement sur recettes, qui sera dynamique en fonction de l'évolution des bases, sera calculé sur la base des valeurs locatives de 2020 et du taux de 2020, ce qui est rassurant en termes de plancher et de compensation. Ensuite, la contribution économique territoriale (CET) fait d'ores et déjà l'objet d'un plafonnement à 3 %. Si une entreprise devait contribuer au-delà de ce plafond, c'est un dégrèvement que l'État assurera pour garantir à la collectivité l'intégralité de sa recette.

Indépendamment de cette compensation des recettes fiscales à venir pour les impôts de production, la confiance avec les collectivités se bâtit aussi sur le passé. Je renvoie à la stabilité de l'enveloppe globale des dotations de fonctionnement. Je saisis l'occasion pour d'ores et déjà indiquer au Sénat que, dans le PLF pour 2021, les dotations de fonctionnement resteront stables, ainsi que les dotations d'investissement.

Pour l'application du mécanisme de garantie de recettes que vous avez adopté dans le cadre du PLFR 3, en ce qui concerne les départements, l'avance remboursable sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) fait l'objet d'un calcul d'acompte à l'initiative des présidents de département, qui ont jusqu'au 21 septembre pour déposer cette demande d'acompte, en lien avec nos directions départementales des finances publiques (DDFiP). En ce qui concerne les communes et les intercommunalités, qui font l'objet d'un mécanisme de compensation pour garantir un niveau minimum de recettes domaniales et fiscales sur la moyenne de 2017-2019, ce sont nos services des finances publiques qui estimeront la perte de recettes et qui proposeront un acompte. Il n'y aura donc pas de démarche à faire. Comme pour les départements, comme pour Île-de-France Mobilités, le début de l'année 2021 sera l'occasion de la régularisation. Je le dis, parce que je pense que c'est important pour les maires, notamment.

M. Roger Karoutchi. - Deux observations et deux questions.

Première observation : l'accord intervenu sur Île-de-France Mobilités n'est que le rattrapage de l'erreur commise par le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale il y a quelques semaines. J'espère que cet accord sera respecté et se traduira dans les faits, pour que ce ne soit pas les cinq millions d'usagers par jour des transports publics, qui représentent 60 % des utilisateurs des transports publics en France, qui paient la différence.

Deuxième observation : j'entends bien que l'État va apporter 9,5 milliards d'euros pour compenser les 7,3 milliards d'euros de pertes de recettes des collectivités. J'espère que cette compensation aura réellement lieu afin que les collectivités, qui ont eu beaucoup de charges supplémentaires avec la crise de la covid et qui sont exsangues, s'en sortent. Je suis moins rassuré quand on me dit qu'il y a d'abord la perte de recettes, puis la compensation, alors que la situation est déjà très difficile.

Première question : j'avais déjà dit au mois de mai à Bruno Le Maire que j'étais admiratif devant le fait d'avancer, à l'époque avec les PLFR, comme si nous étions non pas en fin de crise, mais pas loin. Je disais déjà que nous n'étions pas à l'abri d'une deuxième vague ou, en tout cas, d'une crise sanitaire tellement forte que les conséquences économiques et sociales seraient beaucoup plus lourdes que ce qui était prévu. Je ne vois pas pourquoi aujourd'hui je serais rassuré. À Bercy, vous maîtrisez peut-être ce que vous prévoyez, mais c'est une maîtrise rationnelle. Or l'irrationnel domine. Les gens ne veulent pas désépargner, non pas seulement parce qu'ils se demandent si leur fils aura un emploi, mais parce qu'ils se demandent quelle sera la situation sanitaire demain pour eux. Je suis un peu éberlué de voir dans ce Gouvernement un côté rationnel, clair, précis, à Bercy et un côté irrationnel, pour ne pas dire totalement aléatoire, de la gestion de la crise sanitaire. Si vous ne redonnez pas confiance aux Français sur la crise sanitaire, vous ne leur redonnerez pas confiance dans l'économie. Comment comptez-vous redonner confiance aux Français ? Cela ne passe pas que par l'aspect économique, cela passe par le fait d'avoir une politique sanitaire crédible, acceptable pour tous.

Deuxième question, presque ironique : vous lancez un plan de relance, qui, par définition, va durer quelque temps. Quel est le lien envisagé avec le Commissariat général au Plan ?

M. Jean-François Rapin. - Je voulais poser trois questions, puis terminer par une remarque, que vous jugerez à mon avis sympathique. Sur les trois questions, deux ont déjà obtenu une réponse. Néanmoins, j'y insiste.

Ma première question concernait le transport maritime et Brittany Ferries. Le ministre Le Maire a évoqué deux régions, la Normandie et la Bretagne ; or je rappelle que le trafic transmanche est aussi très important pour les Hauts-de-France. En tout cas, faire le point sur Brittany Ferries, qui a perdu 80 % de son activité en raison du Brexit et de la crise de la covid, était essentiel.

Ma deuxième question portait sur l'industrie nautique. Ce matin, sur les ondes d'une grande radio nationale, Fabien Metayer, délégué général de la fédération des industries nautiques, a fait part de ses fortes inquiétudes. L'industrie nautique représente 50 000 emplois directs et près de 100 000 emplois indirects. Au-delà de la situation de Beneteau, il y aura des efforts à faire.

Ma troisième question a trait à un point beaucoup plus technique. Comment vont s'articuler le plan de relance européen et le plan de relance national, sachant que, dans les 100 milliards d'euros injectés, 40 milliards d'euros viendront de l'Europe ? Il est important de savoir si cette articulation sera fluide et qui gérera les fonds. Ces réponses sont essentielles pour les déclinaisons régionales du plan de relance.

J'en viens à ma remarque. M. Le Maire a parlé de sa croyance forte dans le déploiement de la 5G, notamment pour la santé et pour résoudre les problèmes de désertification. J'ai une proposition à vous faire : pour une fois, commençons par le milieu rural pour déployer une innovation numérique.

Mme Sophie Taillé-Polian. - Je regrette que Bruno Le Maire soit parti, car j'ai été très étonnée de sa manière de rechercher le consensus sur les questions environnementales. Il a quelque peu caricaturé ce que peuvent être les écologistes, qui voudraient selon lui moins de prospérité, moins de technologies, moins de recherches médicales. Est-ce vraiment le bon chemin pour aboutir à un consensus ? Les questions qui se posent sur le plan de relance par rapport aux contreparties environnementales sont réelles et les attentes des Français en la matière sont très importantes. Il convient d'y répondre autrement que de cette façon.

Dans le plan de relance - c'était déjà une constante dans les différents PLFR que nous avons examinés ces derniers mois -, il y a un impensé et des oubliés : les personnes en situation de précarité. Bruno Le Maire veut soutenir la demande par le travail, mais tous ceux qui connaissent des carrières précaires ou qui ont de grandes difficultés pour accéder à l'emploi sont oubliés. Une très faible part du plan de relance - 0,8 %, si je ne m'abuse - est consacrée à des mesures comme l'allocation de rentrée scolaire ou l'aide pour les tickets restaurant pour les étudiants. Cela ne couvre pas les immenses difficultés que rencontrent un très grand nombre de Français. Neuf millions d'entre eux sont dans la grande pauvreté, et ce sont eux qui sont touchés directement, fortement, terriblement, par cette crise. Oui, c'est vrai, il y a des Français qui épargnent, mais il y a aussi des Français qui sont loin de pouvoir épargner, parce qu'ils n'arrivent pas à boucler leurs fins de mois. On parle de 800 000 chômeurs en plus. J'ai entendu Bruno Le Maire dire que 400 000 emplois seraient créés d'ici à 2022 ; le Premier ministre parle de 160 000 emplois d'ici à 2021. En tout cas, la marche est très haute.

Vous allez de nouveau baisser les impôts des entreprises de 10 milliards d'euros par an. Cela veut donc dire qu'une facture va suivre pour d'autres à partir de 2022, sans compter que les baisses de recettes liées à la suppression progressive de la taxe d'habitation jusqu'à présent n'étaient pas compensées. Voilà une nouvelle baisse d'impôts sans contrepartie, encore une fois, et sans ciblage, alors même que l'on sait que cela ne marche pas. Vous privilégiez une politique de l'offre, alors qu'une relance par la demande pourrait permettre de satisfaire des besoins essentiels. Vous passez à côté de questions très importantes pour les Français, qui ont besoin de pouvoir se projeter un peu dans l'avenir. Ils demandent également davantage de justice.

Un certain nombre de hauts dirigeants, de personnes qui ont de très hauts revenus ont dit qu'ils étaient prêts à payer un impôt exceptionnel. Vous ne retenez pas la proposition ?

M. Jean-Claude Requier. - Je soutiens tout à fait ce plan de relance par l'investissement, qui est nécessaire. Il fait l'objet de deux critiques : certains le trouvent trop sélectif, d'autres le trouvent trop large et parlent de saupoudrage. La vérité est peut-être entre les deux.

Le plan prévoit 3 milliards d'euros pour renforcer les fonds propres des PME. Est-ce vraiment suffisant ? Les études économiques estiment leurs besoins à plusieurs dizaines de milliards d'euros. En outre, le cumul du dispositif des prêts garantis par l'État atteignait cet été un peu plus de 116 milliards d'euros et les entreprises devront rembourser cette montagne de dettes.

S'agissant des allégements de charges, comme on a déjà pu le voir dans le passé avec le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), l'absence de conditionnalité risque une fois de plus de ne pas donner de résultat significatif sur l'emploi. Comment flécher la baisse de ces impôts de production vers les entreprises et les régions, qui en ont le plus besoin ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. - Monsieur Karoutchi, le rapporteur général de l'Assemblée nationale n'a pas commis d'erreur d'appréciation. Au contraire, il a été particulièrement moteur pour qu'une compensation soit versée.

Vous craignez que la perte de recettes n'intervienne avant la compensation. En réalité, il y aura simultanéité. Comme l'a indiqué Bruno Le Maire dans son propos liminaire, le prélèvement sur recettes que nous allons mettre en place dans le PLF et qui s'appliquera dès le 1er janvier 2021 permettra de compenser la perte de recettes des collectivités concernées en matière de CFE ou de TFPB. Nous parlons de 32 000 entreprises et de 86 000 établissements. Il y aura une répartition territoriale.

Sur notre capacité à avoir une maîtrise rationnelle ou non rationnelle du contexte économique, sachez que nous faisons preuve de la plus grande prudence. Lorsque nous avions présenté à l'Assemblée nationale et au Sénat le PLFR 3, nous avions retenu une hypothèse de croissance de - 11 % et un déficit public de - 11,5 % du PIB. L'hypothèse retenue était conforme à la moyenne plutôt basse de l'ensemble des prévisionnistes. Aujourd'hui, un certain nombre d'indicateurs, notamment les recettes fiscales, le niveau de la masse salariale, le niveau de la consommation, tendent à montrer, pour le moment, que la récession pourrait être moins importante que prévu. Dans le cadre de la préparation du PLF pour 2021, nous aurons certainement l'occasion de réviser la trajectoire macroéconomique du PLFR 3. Nous le ferons là aussi sur la base des indicateurs et des analyses qui nous sont fournis par l'Insee, la Commission européenne, la Banque de France ou d'autres organismes. Si nous le faisons toujours avec une très grande prudence, c'est parce que nous partageons l'inquiétude qu'il puisse y avoir un ressaut de l'épidémie. Nous partageons aussi votre appréciation du côté un peu irrationnel du comportement des acteurs économiques en la matière. Nous y sommes très attentifs, y compris dans les messages que nous adressons au monde économique. Il n'y aurait rien de pire que d'être trop optimiste et de devoir réviser ensuite dans un sens négatif des prévisions : ce serait à la fois extrêmement perturbant et facteur de perte de confiance.

Sur le Commissariat général au Plan, vous avez très certainement pris connaissance de la lettre de mission du Président de la République, qui rappelle que le commissaire doit éclairer l'ensemble des choix, y compris pour construire l'économie de demain. L'articulation avec le plan de relance est ainsi assez manifeste.

Monsieur Rapin, nous aurons l'occasion, comme tous les pays européens, de présenter aux autorités européennes à l'automne, entre octobre et novembre, notre plan de relance pour montrer qu'il est cohérent avec les priorités fixées au niveau européen et que les dépenses répondent aux exigences attendues. Un point important : nous devons mettre en oeuvre le plan pour pouvoir obtenir le décaissement des crédits européens. Je rappelle que le plan européen prévoit la nécessité de poursuivre les réformes structurelles et d'envisager les trajectoires pluriannuelles.

En ce qui concerne les plans régionaux, nous y sommes attentifs. À chaque fois que cela est possible, nous travaillons à leur étroite coordination avec les actions nationales. À chaque fois qu'il est possible de jumeler les dispositifs pour renforcer leur efficacité, nous le faisons. L'accord avec les régions évoqué précédemment prévoit à la fois un renforcement des CPER et, dans le cadre du plan de relance, une délégation de crédits directe de l'État vers les régions, à hauteur de 600 millions d'euros : 300 millions pour la rénovation thermique des lycées, 300 millions pour les mobilités douces. Les choses s'articulent donc plutôt bien.

Madame Taillé-Polian, trois choses et, malheureusement, trois points de désaccord.

Je crains que dans l'appréciation que vous avez eue des propos de Bruno Le Maire, vous ne confondiez les décroissants et les écologistes. Tous les écologistes ne sont pas décroissants. Pour ce qui nous concerne, si nous sommes attachés à une croissance décarbonée, nous ne croyons pas à la décroissance, nous ne croyons pas à la diminution de la production de richesses et encore moins au fait qu'il faille s'exonérer de la mise en oeuvre de nouvelles technologies. Nous pouvons être opposés à la décroissance sans faire quelque procès que ce soit aux écologistes, au contraire. Beaucoup d'entre eux travaillent avec nous et, je crois, partagent cette opposition à la décroissance.

Vous avez parlé « d'oubliés ». Pour corriger cette appréciation, sachez que le plan prévoit 200 millions d'euros de soutien à l'hébergement d'urgence, une majoration de l'allocation de rentrée scolaire - elle a déjà été mise en oeuvre -, 110 millions d'euros d'aide aux entreprises d'insertion. Le plan prévoit aussi de compléter ce qui a déjà été fait. Mobiliser 31 milliards d'euros pour le chômage partiel, dont 28 milliards ont déjà été engagés, c'est la meilleure façon de protéger le revenu des salariés. L'OCDE a souligné que nous sommes le pays qui a le mieux protégé le revenu des salariés. Prévoir 7 milliards d'euros pour le « plan Jeunes » avec de la formation, de l'insertion - au-delà de ce que j'ai dit sur les entreprises d'insertion, c'est au total 1,3 milliard d'euros pour l'insertion et la formation -, c'est la preuve que nous nous préoccupons des plus fragiles. Faire en sorte que les parcours emploi compétences soient surabondés à hauteur de 80 000 postes, c'est aussi apporter une aide très directe aux plus fragiles. Nous avons la volonté de soutenir l'offre, de soutenir l'investissement, mais nous avons aussi prévu pléthore de dispositifs en faveur des plus fragiles, de ceux qui perdent leur emploi, de ceux dont les revenus sont menacés.

Le choix que nous avons fait de baisser les impôts de production est guidé par deux objectifs. Premier objectif : l'industrie. Plus de 60 % de la diminution des impôts va bénéficier au secteur secondaire, particulièrement à l'industrie. Deuxième objectif : les relocalisations. Sur les 10 milliards d'euros, 42 % vont profiter aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) et 30 % aux petites et moyennes entreprises (PME), ce qui est une bonne chose pour la relocalisation et l'industrie du territoire.

Je termine sur un dernier point de désaccord. Vous avez évoqué la suppression de la taxe d'habitation. Je vous invite à consulter l'ensemble des maires qui ont vu, cette année comme l'année précédente, les douzièmes de fiscalité arriver. La suppression progressive de la taxe d'habitation, actée ou à venir pour les vingt derniers pour cent, ne s'est jamais traduite par une attrition des recettes des collectivités locales. Elle a été parfaitement compensée.

Monsieur Requier, les 3 milliards d'euros prévus pour renforcer les fonds propres des entreprises viennent s'ajouter aux dispositifs de garantie pour des prêts participatifs, puisque nous voulons passer du prêt garanti de trésorerie à des prêts participatifs assimilables à des fonds propres. Nous nous appuierons notamment sur le secteur bancaire, en particulier sur la BPI. Pour ce qui concerne les allégements d'impôts de production, pour nous, la meilleure réponse, la meilleure contrepartie si je puis dire, ce sont les relocalisations et les créations d'emplois sur le territoire.

M. Charles Guené. - La baisse des impôts de production est légitime lorsque l'on veut favoriser la compétitivité des entreprises et les relocalisations. Cela étant, nous voyons très bien que nous assistons à un mouvement de remplacement de la fiscalité locale par des impôts nationaux. Les mécanismes de dynamique que vous évoquez vont donc être fortement limités. Comme le disait Bruno Le Maire, les élus locaux doivent-ils faire une révolution mentale ? Si vous voulez continuer à rassembler les Français, n'est-il pas temps de mettre ce dossier sur la table et d'évoquer une nouvelle gouvernance des finances locales ?

Vous avez aussi évoqué les DMTO. Là, il s'agit d'avances remboursables, mais nous avons vu lors du dernier comité des finances locales que les DMTO ont été meilleurs que prévu. Peut-être n'aurons-nous donc pas à utiliser l'ensemble des sommes. Est-il convenu de les recycler, bien qu'il s'agisse d'avances, et, le cas échéant, en direction des collectivités locales ? Je pense notamment à la contemporanéité du FCTVA.

Mme Christine Lavarde. - Bruno Le Maire a exposé la difficulté de consommer rapidement les crédits. Je vais prendre un exemple précis, qui me laisse penser qu'il a certainement raison.

Dans le secteur ferroviaire, il a évoqué un certain nombre d'actions qui allaient être mises en oeuvre. Mais qui dit travaux de régénération dit contraintes sur le réseau. Vous n'êtes pas sans savoir que le développement du fret ferroviaire souffre du problème de cadencement et du problème des sillons. Ces deux actions que vous promouvez sont donc en elles-mêmes contradictoires.

J'ai lu dans la fiche-action que tous les marchés publics portant sur la rénovation thermique des bâtiments publics devaient être lancés avant le 31 décembre 2021. Comment les contraintes architecturales qui se posent sur un certain nombre de ces bâtiments seront-elles résolues ? Est-ce à dire que, désormais, la rénovation thermique prend le pas sur la préservation du patrimoine ? Je n'ai pas d'avis tranché. Je pose juste une question technique, pratique.

Ma dernière question porte sur les programmes d'investissements d'avenir (PIA). Nous entendons parler d'un PIA 4. Dans la fiche, il est indiqué que 11 milliards d'euros seront consommés en 2020 et 2021, ce qui représente un doublement des crédits disponibles. Il est vrai que, dans l'enveloppe du PIA 3, il restait globalement 5 milliards d'euros. Est-ce à dire que PIA 4 recycle la fin du PIA 3 ? Va-t-on avoir deux programmes fonctionnant de manière concomitante ? Si oui, comment va-t-on les articuler, sachant que le PIA 2 était toujours en train de se terminer ? Le PIA 4 contiendra-t-il de vrais crédits d'impulsion, c'est-à-dire beaucoup de subventions, ou va-t-on rester dans la philosophie du PIA 3, qui prévoyait finalement peu de subventions et beaucoup d'avances remboursables ou de prêts garantis, ce qui n'est pas du tout la même chose en termes d'impact pour les entreprises ?

M. Philippe Dallier. - Le volet logement, tant le soutien à la construction que la rénovation thermique, apparaît comme le parent pauvre de ce plan de relance. Au-delà des sommes annoncées, tout risque d'être dans l'exécution, comme le disait Bruno Le Maire... Pour revenir sur les difficultés que l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (Anah) a connues pour mettre en oeuvre les dispositifs qui existaient alors, il y a eu des problèmes de financement : on peut espérer que l'on en sera sorti. Mais il y a aussi eu des problèmes de traitement des volumes de dossiers, puis, du côté des entreprises, des difficultés dont on en a encore parlé cet été, dues à un effet d'aubaine lié aux subventions accordées, le prix des chaudières ayant flambé de 20 %... On a connu la même problématique avec l'isolation des bâtiments par l'extérieur. Donc, au-delà des sommes que vous annoncez, qui sont intéressantes, que comptez-vous faire pour que l'on devienne efficace sur le terrain, dans le coeur du sujet, qui est de sortir des logements qui soient effectivement convenablement rénovés, du point de vue énergétique ? Si on ne le fait pas, je crains que les résultats ne soient pas, au bout du compte, à la hauteur de de nos espérances.

Quant au soutien à la construction, il y a certes ce que la Caisse des dépôts peut faire par son plan de 26 milliards d'euros, mais que comptez-vous faire de votre côté ? Cela me semble assez limité. J'ai découvert les 375 millions d'euros de soutien aux maires « densificateurs ». Pouvez-vous, Monsieur le Ministre, m'en donner une définition ? Dans le passé, on parlait de « maires bâtisseurs », mais les sommes qui avaient été mises sur la table étaient assez faibles et les critères d'attribution étaient tellement stricts que très peu de communes concernées ont pu bénéficier d'aides. Pensez-vous que 375 millions d'euros seront à la hauteur du sujet ?

Enfin, puisqu'il est encore question d'exonération de CFE pour les entreprises industrielles, j'attire à nouveau votre attention, monsieur le Ministre, sur la disparition complète de la taxe d'habitation : il ne reste plus aux communes que la taxe foncière. Or la totalité des logements sociaux et le logement intermédiaire en sont exonérés pendant 20 à 25 ans - donc les maires qui construiront accueilleront des populations sans aucune rentrée fiscale ! Pas de taxe d'habitation, pas de taxe foncière ! Si vous voulez que votre aide aux maires « densificateurs » ait un effet quelconque, il faut traiter ce problème de compensation qui n'est pas assumé par l'État. Cela coûte, selon ce que vous indiquiez lors de l'examen de l'un des derniers PLFR, à peu près un milliard d'euros... Si nous voulons faire en sorte que le logement ne soit pas également victime de cette crise, il y a là un sujet difficile à traiter, au moins partiellement. Sinon, les maires ne consommeront pas beaucoup de vos 375 millions d'euros...

M. Patrice Joly. - Dans la présentation du plan de relance, il y aurait intérêt à faire preuve d'un peu plus de rigueur, puisqu'il amalgame des choses de nature différente ou de tempos différents : dépenses réelles et dépenses de trésorerie qui n'ont pas le même impact ; étalement dans le temps et prise en compte de décisions qui ont déjà été prises... Si l'on veut réhabiliter la parole publique, il faut qu'on ait cette exigence de rigueur.

Ensuite, nous attendons des mesures concrètes sur un certain nombre de dispositifs dans le cadre du PLF et du PLFSS pour pouvoir nous prononcer. Ainsi, certaines mesures concernent plus les entreprises que les ménages. On peut critiquer l'absence de conditions environnementales et sociales, compte tenu des risques évoqués par le ministre Le Maire, de stratégies d'opportunité, de la part de certaines entreprises, que de telles conditions auraient évités.

Quant aux ménages, confrontés à des situations de grande précarité, l'Insee vient de publier une étude sur l'accroissement du taux de pauvreté en France entre 2017 et 2018, les ménages les plus riches ayant bénéficié de hausse de revenus, du patrimoine et des placements financiers en particulier, et en contrepartie, d'autres ménages ont subi les conséquences de la suppression ou de la diminution des aides personnalisées au logement (APL) et de réformes d'autres allocations sociales. Malheureusement, le risque de voir ce taux de pauvreté s'accroître est réel. Il est donc nécessaire de faire un effort particulier en direction de ces ménages, du point de vue humain et social, mais également du point de vue de l'accompagnement de la relance économique, puisque les moyens accordés iront immédiatement à la consommation.

Je rappelle que le secteur culturel est en grande difficulté, ainsi que l'événementiel et la restauration. La situation de l'agriculture, soumise aux aléas climatiques, a également été évoquée : un accompagnement fort est nécessaire, pour aider à l'adaptation à la transition des exploitations, mais également à la réorganisation des filières. L'enjeu est fondamental, eu égard à la qualité de l'alimentation, mais également à la souveraineté nationale.

Quant au numérique, nous pouvons, avec cette technologie, oeuvrer à un réaménagement du territoire, au regard des attentes des Français et des entreprises, qui ont compris tout l'intérêt de disposer de salariés situés en France et installés dans des lieux où les mètres carrés de foncier ne sont pas comparables à ceux de zones beaucoup plus denses.

J'insiste sur la nécessité de poursuivre et de développer les moyens qui ont été engagés pour le développement des infrastructures, sachant que, du point de vue des mentalités, des freins ont sauté au cours de ces derniers mois. On s'est aperçu qu'en télétravail, on pouvait faire beaucoup de choses et que cela n'était plus un problème pour l'efficacité du fonctionnement des entreprises.

Comment les communes les plus petites pourront-elles bénéficier de l'accompagnement de la rénovation thermique de leurs bâtiments publics ? Si les crédits augmentent, abonderont-ils une dotation pour les communes les plus petites, à savoir les communes rurales ? Pouvez-vous repréciser les modalités de compensation des pertes de recettes fiscales et domaniales ? Subsistent en effet des incertitudes : nos collègues élus locaux ne connaissent pas exactement les modalités de calcul de ces pertes de recettes...

Enfin, le lien entre le contribuable et les collectivités locales devenant de plus en plus ténu, il y a urgence à réformer la fiscalité et les finances locales, pour permettre le maintien de l'autonomie locale et le lien entre le contribuable, les collectivités et les élus et acteurs locaux : c'est la base de la démocratie et la péréquation des dotations doit en tenir compte.

M. Thierry Carcenac. - Le ministre a évoqué la possibilité de plans sociaux. Ma question concerne les grands groupes. Dans les territoires, se trouvent des établissements qui subissent les conséquences de leurs décisions, établissement par établissement, mais nous n'avons aucune visibilité de ce qui se passe au niveau du grand groupe. Le ministre a appelé à leur sens des responsabilités : il faudrait aller plus loin... Ainsi, dans le cas du grand groupe Verallia, des fonds de pension très importants essaient de se retirer, alors que la BPI détient une participation et que ce secteur, le verre, est très important pour la transition écologique et pour mon département, où se trouve la Verrerie ouvrière d'Albi, qui n'est plus une coopérative, mais appartient à ce grand groupe. Or nous n'avons aucune visibilité sur le plan social qui est en train d'être mis en place !

Une approche territoriale est indispensable. J'ai rencontré la préfète et nous n'avons aucun élément. Comment pouvez-vous, au niveau de l'État, mieux informer les parlementaires dans le territoire ?

Ma dernière question concerne l'une de mes missions à la commission des finances : l'immobilier de l'État. Comment l'État entend-il accélérer ses actions en la matière, notamment pour les cités administratives, dont nous avons constaté que les rénovations pourraient aller un peu plus vite ? Le budget de 2021 le permettra-t-il ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. - Merci à tous les participants pour la qualité de leurs interventions. La question posée par Charles Guené sur le financement des collectivités locales, qui me passionne, a été reprise par d'autres, et nous pourrions débattre longuement des rapports entre l'autonomie financière et l'autonomie fiscale, ainsi que de la lecture qu'en fait le Conseil constitutionnel, et de la lecture que l'on pourrait en faire dans le cadre d'une révision...

Sur la question des DMTO, nous avons provisionné, dans le PLFR 3, pour la compensation, 2,7 milliards d'euros, correspondant à la diminution des DMTO perçus par les départements, que nous envisagions à ce moment-là. Aujourd'hui, les rentrées fiscales de DMTO sont plus importantes que prévu, ou en tout cas moins mauvaises qu'attendu, mais nous craignons un effet de retard entre la date de réalisation des DMTO, leur date d'enregistrement et l'encaissement par l'État. Nous nous gardons donc d'être trop optimistes et sommes extrêmement prudents sur la réalité des recettes des derniers mois de 2020, voire des premiers mois de 2021, avec un effet retard sur le soutien à l'investissement.

Monsieur le sénateur Joly, comme j'ai eu l'occasion de le dire pendant les débats sur le PLFR 3, nous n'avons pas retenu l'anticipation des remboursements de FCTVA, contrairement à ce qui avait été fait en 2009, car nous avons considéré que c'était un fusil à un coup dans la mesure où beaucoup de collectivités sont déjà plus sereines et qu'en 2020 les sections d'investissements sont particulièrement bien financées, du fait des excédents de fonctionnement qui étaient en hausse permanente depuis trois ans et particulièrement en 2019, mais aussi parce que l'annuité du FCTVA versée en 2020 est particulièrement importante. Il en résulte des difficultés de financement résiduelles, ou de mise en oeuvre de tel ou tel projet, au cas par cas, et nous avons inscrit un milliard d'euros de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) à cette fin.

Nous avons forgé des outils de souplesse pour son utilisation : contrairement aux autres années, cette fraction pourra faire l'objet de reports, dès lors que les engagements ont été pris et que les premiers ordres de service ont été passés. Nous avons aussi, comme l'a dit Bruno Le Maire, autorisé les préfets à utiliser cette tranche supplémentaire pour abonder des financements déjà actés au titre de la DSIL et de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), lorsque le financement accordé initialement n'était pas suffisant pour avoir un effet levier et permettre le démarrage du chantier.

Nous avons aussi autorisé les préfets à réattribuer des DETR ou DSIL déjà accordées en début d'année 2020, en cas d'évolution du projet, notamment si le nouveau projet a pour vocation de répondre à la crise sanitaire. Nous avons adressé, avec Jacqueline Gourault, une circulaire aux préfets, pour indiquer, comme vous nous l'avez demandé dans le débat parlementaire, que pour cette tranche exceptionnelle d'un milliard d'euros supplémentaire, les critères d'attribution répondent à la fois à ceux, traditionnels, de la DSIL, mais aussi à ceux de la DETR. Ainsi, les préfets peuvent mobiliser cette tranche supplémentaire de DSIL pour les projets habituellement financés par la DETR. Chaque préfet a reçu cette circulaire et s'est vu notifier ce que représente, département par département, en termes de crédits nouveaux, cette DSIL supplémentaire.

Quant à la question de Mme Lavarde sur le ferroviaire, nous avons choisi, en lien avec la direction générale du groupe bien évidemment, de cibler nos efforts sur le rattrapage des pertes liées à la covid et sur le soutien au fret ferroviaire, ainsi que sur la régénération des lignes, considérant que la SNCF paye encore aujourd'hui dans son intégralité une course aux nouveaux équipements qui s'était traduite par un désengagement des opérations de maintenance, une dégradation du réseau et une diminution des performances. Ce que vous dites, madame Lavarde, est juste mais les travaux d'entretien, malheureusement, doivent aussi s'inscrire dans un temps long. C'est la meilleure façon d'aider la SNCF à traverser la crise mais aussi à préparer son avenir.

Sur la rénovation énergétique, en réponse à Thierry Carcenac, je confirme qu'à la conférence nationale de l'immobilier public que j'ai présidée ce lundi à Clermont-Ferrand, nous avons ouvert deux appels d'offres pour 4 milliards d'euros : l'un concerne les bâtiments d'État, au sens propre du terme, et l'autre les bâtiments universitaires, qui sont aussi des bâtiments d'État mais avec des caractéristiques particulières. Notre objectif est d'accélérer, dans la mesure où les opérateurs ont un mois pour déposer les projets et qu'ensuite, nous nous donnons six semaines pour les instruire. Notre but est avant tout de financer des projets qui sont prêts pour certains, et qui ont été labellisés par la conférence nationale, mais qui n'avaient pas obtenu de financement. Cela répond aux objections ou craintes de Mme Lavarde en matière de préconisations architecturales, puisqu'il s'agit de projets déjà prêts. Nous voulons aller très vite et c'est pourquoi nous souhaitons que tous les marchés publics soient notifiés avant le 31 décembre 2021, puisque nous savons aussi qu'une fois le marché notifié, l'entreprise peut, dans le cadre de son financement habituel, faire valoir cette notification pour garantir un certain nombre de financements à court et moyen terme.

Cette démarche s'ajoute au programme 348 de rénovation des sites administratifs, doté d'un milliard d'euros sur le quinquennat, qui poursuit sa mise en oeuvre. À Clermont-Ferrand, nous avons annoncé qu'indépendamment de l'appel à projets, nous retenons par avance le projet de la cité administrative de l'État, en complément d'une décision de juillet, qui l'intégrait dans le programme 348, ce qui permettra de rénover les trois bâtiments principaux de l'État à Clermont-Ferrand dans les deux ans qui viennent. Nous sommes preneurs de tout ce qui peut être accéléré en la matière : ce n'est pas un problème de disponibilité de crédits mais de mise en oeuvre des programmes qui ont été retenus.

Madame Lavarde, concernant les PIA et particulièrement le PIA 4, il s'agit de crédits nouveaux, à hauteur de 20 milliards d'euros, dont 9 milliards d'euros au titre du budget général et 11 milliards d'euros au titre du plan de relance. La seule nuance que j'apporte, est que ces 20 milliards d'euros intègrent la prolongation de la rémunération des dotations non consommables des PIA 1 et 2, mais sous forme de financements nouveaux, donc il n'y a pas de recyclage, au contraire : c'est vraiment un coup de booster.

Sur la question du logement et les inquiétudes de Philippe Dallier sur la mise en oeuvre du programme et les questions de formation, des contacts sont menés, sous l'égide d'Élisabeth Borne et d'Emmanuelle Wargon, avec les fédérations du bâtiment, sur la qualité des travaux et la mobilisation des crédits de formation pour la montée en puissance. Nous réfléchissons aussi à la labellisation indispensable à l'intervention des entreprises : nous essayons d'élargir le spectre, tout en garantissant la qualité des travaux réalisés. Ce n'est pas une mince affaire, mais cela conditionne la rapidité de la mise en oeuvre et le fait que les entreprises bénéficiaires soient implantées sur les territoires.

Quant au soutien à la construction et au dispositif des maires « densificateurs », monsieur Dallier, je veux vous rassurer sur le fait que les crédits seront consommés. Nous avons, là aussi, des premiers échanges avec les associations d'élus, pour déterminer les critères et mesurer la densité de la construction, à partir du dépôt de permis de construire sur des parcelles déjà urbanisées. Dès lors qu'une commune intégrée dans les zones ainsi définies respectera ces critères, l'aide sera versée automatiquement, sans qu'il y ait lieu de la demander ou de faire valoir une candidature.

Notre volonté est de l''accompagner en deux fois, pour les exercices 2021 et 2022, très certainement au cours de l'été, pour avoir un temps suffisamment long d'examen des permis déposés et des projets menés par la commune, mais le détail de la mise en oeuvre est encore en cours de discussion.

Sur les exonérations, vous ouvrez un débat que nous avons à l'occasion de chaque PLF...

M. Philippe Dallier. - Ah !

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. - Je confirme que ce que vous appelez « le milliard d'euros » existe. Il s'agit en réalité de l'écart qui s'est progressivement creusé entre les recettes dont devraient bénéficier les collectivités et la compensation qu'apporte l'État - progressivement puisque vous connaissez comme moi les mécanismes d'écrêtement et autres gels de compensation...

Monsieur Joly, j'ai rappelé dans mon propos liminaire que certains crédits étaient portés par le PLFSS, que d'autres avaient été adoptés dans le PLFR et que nous aurons l'occasion, dans le débat parlementaire, d'établir une véritable cartographie du plan de relance, qui ne pose aucune difficulté.

Sur la question des ménages, gardons en tête ce qui a été fait précédemment en matière de revalorisation d'un grand nombre de minima sociaux ou d'augmentation de la prime d'activité.

Le PLF nous permettra de revenir sur l'étude de 2018 que vous avez évoquée, qui ne pointe que l'évolution des revenus au sens strict du terme, sans jamais prendre en compte les compensations. Par exemple, l'étude a retenu la baisse des APL, mais pas la baisse de loyer qui en était l'une des contreparties.

Pour la culture, 2 milliards d'euros sont d'ores et déjà prévus dans le cadre du plan de relance et la ministre est en discussion avec les acteurs du secteur. Pour l'agriculture, le plan que nous proposons s'élève à 1,2 milliard d'euros, qui s'ajoutent aux 3 milliards d'euros que le PLF consacre traditionnellement aux politiques agricoles : au total, c'est un développement des moyens consacrés à l'agriculture rarement, voire jamais constaté dans notre pays.

Nous avons voulu un mécanisme de garantie pour les communes qui soit aussi simple que possible : nous savons calculer la moyenne des recettes fiscales et domaniales et je renvoie à l'instruction comptable qui en détermine la liste pour chaque collectivité, commune et intercommunalité, sur la base de la moyenne 2017-2019. Les agents de la direction générale des finances publiques (DGFiP) feront une estimation, en fonction de ce que nous connaissons à date, des mêmes recettes, à périmètre constant, perçues en 2020 par les communes. Nous verserons un acompte : nous avons donné comme consigne qu'il soit à la fois suffisamment élevé pour aider la commune et calculé au plus juste pour éviter les trop-perçus, qui entraîneraient des demandes de remboursement l'année prochaine. Début 2021, lorsque nous connaîtrons exactement le vrai volume de recettes fiscales et domaniales de la collectivité, nous compléterons l'acompte ou, malheureusement, nous demanderons une régularisation en sens inverse. La date n'est pas tout à fait fixée, nos services sont en train de calculer les estimations et nous espérons que cet acompte puisse intervenir courant novembre, donc avant la fin de l'exercice évidemment. C'est pourquoi nous avons évoqué dans le PLFR 3 une idée de provisions : si la situation fiscale s'avère moins dégradée que prévu pour les collectivités, il n'y aura pas lieu d'aller aussi loin que ce qui est inscrit dans le PLFR 3. À l'inverse, si elle se dégrade davantage, il faudra aller plus loin et nous y ferons face, évidemment. Nos services calculeront cet acompte et feront la démarche auprès des collectivités, sans que les communes et les intercommunalités aient à les solliciter ou à faire quelque calcul que ce soit.

Enfin, monsieur le Sénateur Carcenac, vous avez évoqué le cas de l'entreprise Verallia. Le ministère de l'économie et des finances, de manière générale, entretient des liens avec les grands groupes et cherche à accompagner les élus pour y voir plus clair. Nous mobilisons régulièrement, sous l'autorité de Bruno Le Maire, le comité interministériel de restructuration industrielle, pour avoir un outil de pilotage et de discussion. Pour Verallia en particulier, j'ai ici quelques éléments écrits que nous pouvons partager l'un et l'autre.

M. Philippe Dominati, président. - Merci, monsieur le ministre, pour la précision de vos réponses.

La réunion est close à 11 h 20.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.