Mercredi 18 novembre 2020

La réunion est ouverte à 9 h 30.

- Présidence de M. Christian Cambon, président -

Projet de loi de finances pour 2021 - Audition du général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

M. Christian Cambon, président. - Nous accueillons ce matin le général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), puis nous auditionnerons M. Olivier Brochet, directeur de l'AEFE sur le projet de loi de finances pour 2021 avant de commencer l'examen des rapports pour avis sur les premiers programmes budgétaires qui nous arrivent.

Je regrette qu'une partie de nos collègues doivent nous suivre en visioconférence, dispositif qui nous est imposé. Chaque semaine nous ne pouvons accueillir en présentiel que la moitié des effectifs, ce qui créé une certaine frustration. Je dois veiller au respect de ce dispositif et établir un roulement, ce qui est un exercice compliqué. Vous participez à la réunion même si vous subissez la double peine d'être physiquement absent et de devoir déléguer votre vote en vertu d'une décision du Conseil constitutionnel de mai dernier, qui n'autorise les votes au Parlement que lorsque les parlementaires sont présents.

Je veille également au respect des consignes sanitaires, aération, règles de distanciation...

Mon général, nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd'hui pour cette audition budgétaire, d'autant que nous avons le plaisir de vous entendre pour la première fois. Vous avez en effet succédé au Général Lizurey le 1er novembre dernier.

Notre intérêt est grand pour vous entendre sur la gendarmerie car nous sommes tous interpellés par la présence de nos gendarmes sur notre territoire.

Vous savez à quel point notre commission et le Sénat conservent leur attachement à la gendarmerie sur laquelle repose beaucoup de contingences et de servitudes. La plus grande part de ses effectifs sont rattachés au ministère de l'intérieur. Mais la gendarmerie assume un certain nombre de responsabilités militaires et c'est notamment à ce titre que vous êtes devant nous.

Il y a plusieurs bonnes nouvelles budgétaires pour la gendarmerie nationale cette année, mais elles figurent davantage dans le projet de loi de finances rectificative de juillet dernier et dans le plan de relance que dans le programme 152 du présent projet de loi de finances pour 2021. Pourriez-vous nous présenter brièvement les apports de ces trois différents textes, en insistant notamment sur la question de l'investissement en matériels et sur celle de l'immobilier, que notre commission suit avec une particulière attention ?

De la même manière, nous revenons tous les ans sur le problème de la mise en réserve des crédits prévue par la LOLF, qui pénalise fortement l'exécution du budget de la gendarmerie en raison de la proportion élevée de ses dépenses non manoeuvrables, telles que les loyers. Nous plaidons depuis longtemps pour une meilleure prise en compte de cette spécificité et je crois que vous êtes en discussion avec le ministre à ce sujet : pouvons-nous espérer une avancée ?

Compte-tenu du contexte, vous évoquerez sans doute les sujets d'actualité que sont le rôle de la gendarmerie nationale dans la lutte contre le terrorisme et les effets du coronavirus sur votre activité.

Pourriez-vous enfin évoquer le nouveau Livre blanc sur la sécurité intérieure qui vient d'être mis en ligne sur le site du ministère : aura-t-il des conséquences d'ampleur sur l'organisation et le fonctionnement de la gendarmerie nationale ?

Je vous donne la parole pour une présentation générale avant les interventions de nos collègues.

Général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale. - Je ne reviens pas sur le constat de crise permanente auquel nous sommes confrontés depuis plusieurs années.

Lors de ma prise de fonction, nous avons mis en place la mission « Gend 20.24 » qui s'articule autour de quatre piliers : mieux protéger la population, mieux progresser ensemble et en confiance en plaçant le gendarme au coeur de la conduite du changement, mieux accompagner via une expansion technologique pour construire le futur et mieux fonctionner en se dotant des outils et moyens nécessaires.

Concernant la protection de la population, nous devons apporter une offre de protection sur mesure avec l'ambition de mieux protéger la population qui est dans notre zone de compétence. Les priorités sont aujourd'hui multiples, dans un contexte de terrorisme et de risque sanitaire, ce qui nous conduit à avoir un niveau de vigilance maximale et à déployer un maximum de forces sur le terrain. C'est l'engagement des escadrons de gendarmerie mobiles qui tournent comme jamais, et des réservistes, entre 6 et 7 000 engagés aujourd'hui sur le terrain. C'est aussi apporter cette proximité que les élus et la population attendent avec des outils qui nous permettent de mettre en adéquation l'offre et la demande et d'être présent aux endroits en sous-effectif comme le grand Ouest. Les groupes de contact, les groupements de gendarmerie sont en train de se réformer en utilisant des algorithmes pour optimiser leur présence sur le terrain pour dégager du temps et être davantage au contact des élus et de la population. Les gains sont réels. On a 55 départements qui se sont engagés dans cette démarche et, en 2020, on a dégagé l'équivalent de 250 gendarmes que l'on peut affecter au contact et à la proximité. On arrive à augmenter progressivement cette présence sur la voie publique.

Nous avons reçu une Marianne d'Or au moment du déconfinement pour notre présence sur le terrain, au titre de la catégorie « solidarité », pour notre opération #RépondrePrésent.

Sur la préservation du pacte républicain, c'est un travail de fond pour la lutte contre les haines (apologie du terrorisme, actes racistes, crimes de guerre). Nous devrions augmenter les effectifs de l'office national de lutte contre les haines.

Nous avons également des dispositifs qui visent à apporter des réponses très transversales, comme « Demeter ». On nous reproche d'empêcher les lanceurs d'alertes d'agir mais nous empêchons juste les gens de violer la loi.

Nous avons fait la même chose concernant la Covid-19 sur les agressions de personnels soignants, les arnaques et escroqueries aux masques et aux médicaments.

Nous avons également quelques sujets d'incendies de relais téléphoniques.

La lutte contre les stupéfiants s'est dotée d'un nouvel organe pour lutter contre le trafic de drogue. Nous sommes engagés dans l'Ofast (Office Anti-Stupéfiants) au côté de la police nationale. Nous venons de saisir près d'une tonne de cannabis.

Nous participons également à la lutte contre la violence intra-familiale avec la création de maisons de confiance et de protection des familles. Là aussi nous augmentons les effectifs pour lutter contre ce fléau.

La sécurité des nouvelles frontières, c'est l'idée d'être réactif et proactif, c'est également un engagement fort sur le numérique avec l'ambition d'avoir 7 000 cyber-enquêteurs en 2022, c'est aussi le démantèlement d'un réseau crypté téléphonique utilisé par 60 000 truands.

Nous augmentons aussi les effectifs sur les sujets d'environnement et de santé publique. Nous sommes également attentif à la mobilité, la délinquance se déplaçant.

Sur le volet responsabilité sociale et environnementale (RSE), mettre le gendarme au coeur du changement, c'est un sujet de ressources humaines. Il s'agit de mettre en oeuvre des algorithmes pour être plus performant dans les propositions de carrière, que nos personnels soient au coeur de leur carrière, qu'ils soient informés sur le déroulement des carrières et des formations. C'est également la déconcentration des décisions, l'accrochage avec l'éducation nationale sur les certifications de titres, un gros travail sur la prévention des risques sociaux et une dynamique de transformation et de bienveillance. Nous devons aussi raisonner en éco-responsable. Il faut savoir les écouter et mettre en oeuvre leurs idées. Je souhaite faire remonter des photos de logement de gendarmes qui sont dans un état catastrophique. Le modèle tient car le gendarme est un militaire qui habite sur place et peut donc intervenir vite. C'est pour cela que l'on couvre 95% du territoire. Le centre de gravité, c'est le logement. Le logement des gendarmes est un vrai sujet et l'administration est parfois lente à réagir. Aussi il est urgent d'établir un constat pour voir ensuite ce que l'on peut faire avec les collectivités locales et les services de l'État.

La réussite de la mission est conditionnée à la qualité du recrutement, la formation, l'éthique, la déontologie, le commandement...

Le 3ème pilier est l'expansion technologique, l'accompagnement par l'utilisation des nouvelles technologies. Aujourd'hui, nous manquons d'effectifs. Nous travaillons sur des algorithmes de prédictivité de la survenance d'effractions, de cambriolages. C'est un algorithme qui va être amélioré avec plus de données. Il nous dira quel est le nombre de gendarmes nécessaire pour les permanences de nuit. Actuellement nous avons de nombreuses patrouilles et à certains endroits elles ne se justifient pas compte tenu du niveau de délinquance. Cela nous permettra d'avoir plus de monde le jour et augmenter ainsi les contacts avec la population et la présence là où les risques sont plus importants.

Nous avons engagé un plan stratégique de recherche et d'innovation en 2019-2023 qui traite du Big Data, de l'intelligence artificielle, de la robotique, du numérique. Nous avons le projet de travailler sur l'élaboration d'un nez électronique car l'odeur est aussi une empreinte exploitable.

NéoGend est un dispositif qui vise à fournir aux policiers et aux gendarmes français des terminaux mobiles dotés d'une connexion sécurisée haut débit. Cela permettra d'avoir des brigades « sans fil » mobiles. L'idée n'est plus que la population aille à la brigade mais ce seront les gendarmes qui se déplaceront sur rendez-vous et exécuteront les formalités sur place. Nous expérimentons en Corse et dans le Limousin des formules « Camping-car » qui tournent dans les endroits où il n'existe pas de brigades, à la demande du maire, pour continuer à faire de la proximité.

Sur les questions budgétaires, la gestion 2020 a été perturbée par la crise sanitaire.

Sur le Titre 2, nous avons décalé les entrées en école à la fin de l'année, ce qui a permis de dégager le financement de la prime Covid, et ainsi de maintenir le Titre 2 en équilibre.

Sur le hors T2, la crise sanitaire a généré un surcoût de 30 millions d'euros dont 21 pour les équipements de protection individuelle. Pour être à l'équilibre en fin de gestion, le dégel des 51 millions d'euros mis en réserve va nous permettre de financer ce surcoût mais également celui du carburant car nous avions beaucoup de gendarmes sur le terrain pendant le confinement, entre 60 et 65 000 gendarmes présents chaque jour sur les 100 000.

Selon la consigne donnée, tout ce qui n'est pas interdit est autorisé ! Ils devaient adapter leur mode d'action pour être présent sur le territoire. Ils devaient faire remonter leurs idées et en cas d'erreur, rectifier le tir, et faire partager leurs expériences pour que les autres en bénéficient. Une synergie a été créée et les résultats ont été meilleurs.

Comme nous étions sur place, nous avons aidé les maires de petites communes à distribuer des masques, nous avons apporté des médicaments à des personnes isolées et distribué des cours à des enfants dépourvus d'Internet ! On a beaucoup roulé et nous avons ajouté six millions de carburant !

Nous avons eu également 15 millions d'euros sur le plan « poignée de portes » pour des travaux de réparation qui ont financé 3 164 opérations immobilières d'entretien.

Dans le projet de loi de finances rectificatives 4 (PLFR4), 21 millions d'euros sont prévus pour acquérir des équipements de protection individuelle, des moyens informatiques et de communication et la finalisation de la commande de 1 300 véhicules engagée dans la LFR 3.

Le plan de relance nous aura permis au total d'engager des commandes de véhicules en grande quantité, y compris des blindés.

En termes d'effectifs, on est dans la poursuite du plan de renforcement. Sur le hors T2, le plan de relance complète la PLF pour 2021 qui reconduit les crédits de la LFI pour 2020.

Avec les changements de périmètre et les évolutions, en termes de schémas d'emplois, les +500 deviennent +335. Les -210 sont liés à un effort d'effectifs en administration centrale, cela ne pénalise pas les unités de terrain pour des transferts d'ETP. Il y a plus de 27 millions d'euros de mesures catégorielles, dont 11 millions qui font suite à l'amendement au PLF pour 2021 voté en 1ère lecture à l'Assemblée nationale pour valoriser l'engagement et les compétences, essentiellement au profit des personnels militaires.

Le budget de la réserve opérationnelle est sanctuarisé à 70,7 millions d'euros. Le rythme d'emploi actuel est très au-delà du rythme habituel. Cela ne suffira pas si nous restons au même rythme que 2020. Je souhaiterais pouvoir augmenter la maille de nos 30 000 réservistes avec un niveau d'emploi de 2 000 par jour. Actuellement nous sommes sur un rythme de 6 à 7 000 par jour, en raison des menaces. C'est l'une des ressources qui permet de répondre à des situations d'urgence. Nous aidons la police à monter sa réserve, mais cela prend du temps. Il faudra aller sur une jauge de 40 à 50 000 mais il faut que le budget suive pour que les réservistes ne se démobilisent pas en étant jamais appelés. Ils ont montré un apport indéniable avec un niveau d'engagement phénoménal.

En termes de fonctionnement et d'investissement, hors appels à projet, on est à + 161 millions d'euros.

Enfin, nous allons pouvoir renouveler nos engins blindés qui sont anciens et usagés. L'idée est d'en commander 45 dès l'année prochaine avec une perspective d'en avoir 80 à 90 neufs ou réhabilités.

En termes de moyens de mobilité, c'est + 123 millions d'euros, 4 500 commandes dont les 45 véhicules blindés précités et 253 véhicules de maintien de l'ordre, qui ont beaucoup souffert pendant la crise des « gilets jaunes ».

Nous aurons 40 millions de CP dans le cadre de la commande des dix hélicoptères H160, l'idée étant de renforcer les capacités de projection au bénéfice du GIGN et du Raid. Cela nous permettra aussi d'aller chercher des économies là où c'est possible.

Sur les investissements immobiliers, nous avons six millions d'euros dédiés à la sécurisation et au financement d'études et 500 projets présentés dans le cadre d'appels à projets pour un montant global de 444 millions d'euros. 15 millions d'euros sont consacrés à l'équipement des gendarmes, caméras-piétons, terminaux néo, gilets tactiques, voire connectés, tasers. Enfin, 11,6 millions d'euros sont destinés à des appels à projets sur le numérique.

Les moyens de fonctionnement augmentent de 17 millions d'euros, dont 13 pour la hausse des loyers et de l'énergie, et trois millions pour le fonctionnement des hélicoptères.

J'ai créé un service de la transformation de type audit, afin de devenir plus performant. Nous travaillons également sur la finalisation de la réforme des régions dans nos structures de commandement. Nous tirons les conclusions de la crise sanitaire. Cela a été un révélateur des vrais besoins et du rôle hiérarchique de chacun. Il faut mettre les personnels aux bons endroits pour gagner en productivité. Nous sommes en train de modifier également la DGGN avec la création d'un centre national des opérations. C'est une sorte de mini centre de planification et de conduite des opérations (CPCO). Nous voulons un centre de crises constant à géométrie variable pour fonctionner à basse consommation.

Concernant les nouveaux outils, j'ai déjà évoqué la brigade sans fil, la brigade numérique qui a montré toute sa pertinence et qui a de bons indices de satisfaction, et les lycées numériques dans les unités pour se rapprocher des populations en difficulté avec le numérique.

Sur la mise en réserve, le ministre de l'intérieur a conscience du problème et s'est saisi de la question.

Le Livre blanc est en ligne et amorce de nombreuses pistes. Il alimente des réflexions notamment sur le PLF pour 2021, les conséquences de la crise sanitaire et sur une vision plus pragmatique des sujets de police technique et scientifique et de cyber.

Nous sommes également pleinement associés à la lutte contre le terrorisme. Il y a une bonne coordination entre les services. Pharos alimente la police comme la gendarmerie. Nous faisons beaucoup de travail cyber autour des outils numériques dont nous disposons. L'engagement est très fort sur ce sujet en ce moment avec la densité des menaces existantes !

M. Christian Cambon, président. - Je donne la parole à Philippe Paul et Gisèle Jourda, en tant que rapporteurs pour avis.

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis. - Nous n'avons jamais vu un effort budgétaire pareil dû au plan de relance. Vous nous avez notamment parlé de la commande de véhicules, d'hélicoptères, les travaux sur les bâtiments, des véhicules blindés.

Nous voudrions avoir des garanties par rapport au budget. Chaque année, la gendarmerie subit des gels et sur-gels sur ses crédits. Et nous souhaiterions également une meilleure visibilité sur certains dossiers, notamment sur l'immobilier, que vous considérez comme un centre de gravité. On voit que ce sujet revient cette année, et à juste titre, car les gendarmes vivent parfois dans des conditions d'hébergement à la limite de l'insalubrité. L'audition du conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG) a bien montré qu'il y a une vraie demande. Si un effort est envisagé sur 2021, nous recherchons une lisibilité sur plusieurs années avec un vrai plan de remise à niveau. Garantie budgétaire et visibilité sont mes deux maître-mots.

Sur les réserves, je suis étonné des 70 millions d'euros. Pour être efficace la gendarmerie a besoin de ses réservistes et le budget est amputé d'environ 30% par rapport aux besoins initiaux évalués il y a trois ans. Cela n'est pas de bon augure.

Enfin, je suis inquiet de l'interview donné par votre ministre de tutelle au Parisien sur la répartition territoriale police/gendarmerie. Ne s'agit-il pas en fin de processus de supprimer les petites brigades dont l'effectif est inférieur à 10 ?

Mme Gisèle Jourda , rapporteure pour avis. - Je souhaite également vous faire part de mon inquiétude sur le découpage entre les zones de compétence. Dans l'Aude, nous avons subi une réorganisation de la répartition entre les forces de gendarmerie et de police. Le basculement entre zone de gendarmerie et zone de police a créé des difficultés et des dysfonctionnements. S'il se profile, de nouveau, ce type de redécoupages, cela va engendrer des angoisses pour les élus et pour les commandants de brigade. Même si les forces de gendarmerie et de police se coordonnent bien entre elles, tout changement génère des inquiétudes. En fait, je constate que la gendarmerie n'est pas exclusivement rurale et intervient aussi en zone urbaine. La déclaration du ministre de l'intérieur a jeté le trouble.

Je souhaite intervenir sur un second point. Cette année encore, la police verra la création de 1 145 emplois contre seulement un peu plus de 300 pour la gendarmerie. Dans le cadre du plan de relance, la DGPN candidate pour des travaux à hauteur de 684 millions d'euros contre seulement 440 millions d'euros pour la DGGN. En outre, il a été prévu une revalorisation de la filière « police judiciaire » chez les policiers. Ne serait-il pas temps que la gendarmerie nationale passe du statut d'invitée à celui de co-propriétaire de ce ministère, pour reprendre une formule que nous avons entendue en audition ?

Je souhaiterais enfin un focus sur les à-coups dans l'emploi des réservistes. Il t a un manque de disponibilités financières pour recruter des réservistes au moment où c'est nécessaire. Il y a un problème de décalage. Avec Jean-Marie Bockel, nous avions co-signé un rapport sur la garde nationale dans lequel nous avions tracé des axes basés sur l'organisation de la réserve opérationnelle de la gendarmerie. Je regrette une forme de paralysie sur ce sujet.

M. Gérard Poadja. - Ma question porte sur la prime d'installation, équivalente à 12 mois de traitement, pour faire face aux frais d'installation des ultra-marins lors de leur 1ère affectation en métropole. Cela représente en effet souvent un coût élevé. Or cette prime qui existe pour tous les ressortissants ultra-marins, n'a toujours pas été étendue aux ressortissants de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie alors que le Pacifique est un bassin de recrutement dynamique pour la gendarmerie. Je considère cela comme une inégalité injustifiable. Pourriez-vous nous renseigner sur le nombre de gendarmes ultra-marins bénéficiaires de la prime d'installation pour la dernière année connue ainsi que le coût global que cela représente ? Quel est le nombre de gendarmes originaire de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie qui ont eu une 1ère affectation en métropole cette même année et qui n'ont pas reçu cette prime ? Grâce à ces éléments, je vais pouvoir déterminer le coût budgétaire de l'extension de la prime d'installation aux agents du Pacifique et le poids dans le coût global du dispositif, dans la perspective d'un amendement au PLF.

M. Ludovic Haye. - Je vous remercie d'avoir insisté sur les conditions de travail de nos gendarmes. Un gendarme bien installé est un gendarme plus efficace dans ses missions. Ma question porte sur la sécurisation des brigades. Nous avons construit des brigades plus ouvertes sur le monde. Or, les effets collatéraux de certaines gardes à vue peuvent poser des problèmes sur certaines brigades et leurs familles. Est-ce que ces gendarmeries très ciblées sont inclues dans votre plan de sécurisation ?

M. Jean-Pierre Grand. - J'ai également entendu des bruits sur une nouvelle répartition entre la gendarmerie et la police. Cela nous inquiète beaucoup. Les gendarmeries qui ont des compétences en zone urbaine dense, notamment dans certaines métropoles, sont particulièrement efficientes. Nous savons par expérience que si l'on nous enlève une gendarmerie, on ne nous mettra pas un commissariat. Si une politique va dans ce sens, on aimerait savoir ce que deviendront nos brigades.

Sur la question des logements, il faut évidemment que les gendarmes soient regroupés. Nous devrions travailler davantage avec la Caisse des dépôts.

M. Olivier Cigolotti. - Sur la question de l'attractivité de certains territoires, je constate une perte d'attractivité de certains territoires ruraux pour un certain nombre de vos personnels « gradés intermédiaires ». Cela pose des problèmes à bon nombre d'élus. On entend parler de contractualisation. Pourriez-vous nous donner des éléments supplémentaires sur cette formule qui permettrait d'inciter ces personnels à revenir dans nos territoires ? Comment sont coordonnées les opérations entre les forces de Sentinelle et la gendarmerie ?

M. François Bonneau. -Pourriez-vous nous préciser quelle est la proportion de nouveaux gendarmes affectés aux missions opérationnelles sensibles et à la sécurité du quotidien ? S'agissant du numérique, estimez-vous que vos moyens sont suffisants ?

M. Cédric Perrin. - Le Livre blanc parle d'une carte rénovée de la répartition territoriale, sujet extrêmement sensible sur les territoires. Je souscris aux propos de mon collègue Jean-Pierre Grand. Avez-vous des précisions à nous donner ? Sur la problématique du casernement, il m'a fallu six ans pour construire une nouvelle gendarmerie entre la date de la délibération et la date de livraison, pour des raisons purement administratives. Pourrait-on alléger un peu le processus ? J'en profite pour vous renouveler notre reconnaissance et notre soutien aux forces de gendarmerie très sollicitées en ce moment.

M. Édouard Courtial. - Sur la réserve dont vous avez rappelé l'importance, pourriez-vous nous préciser les modalités de formation des réservistes ainsi que leur statut juridique en cas de litige ? Avec la menace terroriste actuelle, est-il envisageable d'autoriser certains réservistes à rester armés, même en civil ? Est-ce que nos réservistes vont bénéficier des 5,6 millions d'euros prévus dans les crédits de la mission du plan de relance et des nouveaux équipements pour la sécurisation des interventions de la gendarmerie ?

M. Guillaume Gontard. - Vous avez rappelé l'importance de la proximité avec la population dans les territoires. Des expérimentations ont été faites dans certains départements pour un meilleur redéploiement, notamment en zone très rurale. Il y a toujours une question de pérennité et de visibilité de ces dispositifs. Sur l'importance d'améliorer le quotidien des gendarmes, et en particulier leurs conditions de logement, quels sont les liens avec les bailleurs, collectivités, EPCI... Enfin, le budget est en forte hausse sur l'investissement mais en baisse sur le fonctionnement. Or, les nouveaux matériels vont générer un coût de fonctionnement et d'entretien sur les années à venir.

M. Pascal Allizard. - Vous avez fait état de recrutements sur des profils de haut niveau scientifique. Vous entrez en concurrence avec d'autres armes, les services de renseignement et avec le secteur privé. Êtes-vous suffisamment armé en termes d'attractivité et en termes de rémunération pour effectuer ces recrutements ?

Sur l'immobilier, nous avons trois dossiers dans le Calvados qui ont plus de 10 ans et qui n'aboutissent pas !

Mme Nicole Duranton. - Ma question porte sur la cyber menace. Nous sommes tous inquiets de l'émergence de cette nouvelle forme de menace. La prise de conscience des acteurs publics et privés est-elle réelle et la diffusion d'une culture de cyber sécurité à grande échelle est-elle avérée sur l'ensemble du territoire ?

M. Bruno Sido. - En Haute-Marne, les travaux de réfection d'une gendarmerie ont mis 20 ans avant de commencer ! Est-ce que l'État a une doctrine stabilisée en la matière ?

Mme Michelle Gréaume. - Je m'inquiète de la publication du Livre blanc sur la révision des zones de compétence. Habitant à la frontière belge, nous avons vu au fil des années la suppression d'une gendarmerie puis d'un commissariat sur mon territoire, remplacés par une simple agence nationale administrative. La sécurité des citoyens repose de plus en plus sur les collectivités territoriales avec une police municipale, sans aucune compensation par l'État, ainsi que par la mise en place d'une vidéo-protection. La frontière inquiète beaucoup la population avec le passage de personnes malveillantes et du manque de personnel au niveau de la police nationale et de la gendarmerie. Pensez-vous que la révision des zones de compétence pourra améliorer la sécurité des citoyens ?

Ma seconde question porte sur « GendNote », application mobile de prise de notes sur des données personnelles comme l'origine ethnique, l'opinion politique, philosophique ou religieuse. Comment contrôler cette application pour éviter les dérives ?

Malgré l'augmentation des moyens financiers octroyés à la gendarmerie pour assurer ses missions, seront-ils suffisant pour les années à venir ?

M. Richard Yung. - Ma question est en dehors du thème budgétaire et vise la contrefaçon. La gendarmerie a été active dans la lutte contre la contrefaçon, de plus en plus liée à la grande criminalité et au terrorisme. Elle sert à financer des réseaux, notamment terroristes. Une expérience a conduit un gendarme à recevoir les plaintes déposées sur Pharos, cette expérience n'a pas été reconduite. Pourrions-nous envisager un renouvellement de l'engagement de la gendarmerie dans ce domaine ?

M. Philippe Folliot. - Je ne reviens pas sur la nécessité pour la gendarmerie d'avoir un maillage resserré en milieu rural et isolé.

Cela fait 11 ans que la gendarmerie et la police dépendent du ministère de l'intérieur avec l'objectif commun du maintien de l'ordre. Est-ce que vous estimez qu'il y a un équilibre dans le traitement et les moyens apportés aux gendarmes mobiles par rapport aux CRS ?

Général Christian Rodriguez. - Sur le Livre blanc et le sujet du redéploiement, la question n'est pas simple et repose sur une ambigüité du code général des collectivités territoriales (CGCT). Ce dernier prévoit une zone de police d'État non pas opposition à une zone de gendarmerie, mais distingue les pouvoirs du préfet des pouvoirs du maire. Tout a été construit là-dessus. Aujourd'hui, on prévoit un seuil de population de 20 000. Les normes sont assez compliquées à apprécier. La question de l'urbanisation, après la crise sanitaire, risque d'être modifiée. Tout bouge. La délinquance aussi. On parle plus des problèmes entre la police et la gendarmerie qu'il n'y en a en réalité. Le sujet du redéploiement est compliqué. La sociologie change. Il faut que l'on s'y intéresse afin de trouver la meilleure adéquation entre l'attente des maires, de la population et ce que le ministère est capable de faire. L'idée est d'apporter une meilleure performance. C'est courageux de poser la question. On pourrait l'ignorer.

Sur la disparité des créations d'emploi, il faut noter que les personnels de la DGSI sont des policiers. En recalibrant les périmètres, on se rapproche du 2/3, 1/3 qui est la norme dans l'évolution des effectifs de la police et de la gendarmerie. Sur la revalorisation de la filière OPJ, les gendarmes en bénéficient aussi. Je sens qu'il y a une volonté de nous faire une place, voire plus, au ministère de l'intérieur. Je peux en attester.

Sur les réservistes, nous avons eu une baisse mais nous avons aussi eu un changement du système de paie. C'est compliqué de faire des comparaisons. Je vous rejoins sur l'apport de ces réservistes et du brassage social qu'il procure.

Sur la sécurisation des brigades, on a mis 10% du montant de l'immobilier chaque année sur la sécurisation depuis 10 ans. Il faut distinguer le locatif du domanial. On essaie de négocier avec les bailleurs un loyer en hausse contre des travaux de sécurisation. Si on a dans l'avenir plus de brigades sans fil, on changera peut être la façon dont on construit la brigade. Nous sommes très attentifs à ce sujet.

Concernant les logements, un député vient de travailler sur un nouveau modèle. Compte tenu des taux d'intérêt aujourd'hui, nous travaillons sur le sujet.

La question de l'attractivité de certaines régions se pose effectivement. Il est plus facile de recruter en Bretagne ! La contractualisation permet d'expliquer aux gradés qu'ils seront prioritaires pour l'affectation de leur choix après un passage dans une certaine région. Ils bénéficient d'une garantie de priorité dans leur future affectation. En jouant sur ce levier, on va considérablement réduire les inégalités.

Nous avons 5 à 10% des effectifs de l'opération Sentinelle en zone gendarmerie. Nous sommes proches et cela se passe bien entre nous, notamment lors des contrôles à la frontière. Nous avons des préoccupations communes même s'ils dépendent toujours du ministère de la défense.

Sur les sujets numériques, ils sont traités à plusieurs niveaux, interministériel et ministériel. Nous sommes nombreux à nous intéresser à l'intelligence artificielle. Et nous sommes tous connectés ensemble pour faire avancer les idées et progresser. La direction interministérielle de la transformation publique (DITP) est un excellent catalyseur en ce domaine. Le numérique doit nous permettre d'être plus performant.

Je rebondis sur l'application GendNote qui est juste une prise de note électronique. Il n'y a aucune atteinte aux libertés individuelles. Le but est de prendre les notes directement de façon électronique sur place afin d'éviter de les prendre de façon manuscrite puis de les retaper au bureau.

Sur les sujets de cyber attaque, nous avons un réseau intranet qui est à diffusion restreinte. Nous avons tout le temps des attaques. Nous n'avons jamais eu de souci malgré les nombreuses attaques. Nous sommes très attentifs dans ce domaine. Nous avons des logiciels libres pour éviter d'avoir des failles et pour une meilleure maîtrise des outils. NEO bénéficie d'un système de protection qui lui est propre. Nous sommes hyper vigilants sur ce sujet.

Sur la question de la lenteur des procédures administratives, nous sommes parfois encore sur des schémas anciens et je souhaite bien évidemment que les normes soient assouplies et plus adaptées aux territoires. Je partage totalement votre constat même si notre administration n'est pas la seule en cause. Les besoins peuvent évoluer au cours du temps, il faut absolument être plus rapide. C'est un combat de plus !

Sur le plan de relance et les réservistes, le nouveau matériel, comme les nouveaux gilets pare-balles, bénéficieront bien entendu aussi aux réservistes.

Sur la pérennité des brigades de contact en zone rurale, nous allons les maintenir. Nous avons arrêté de dissoudre ces brigades et nous les avons même renforcées. Je souhaiterai que le réserviste puisse garder son arme chez lui comme il a son uniforme chez lui, s'ils sont à jour dans leur formation au tir et dans le cadre de la réglementation actuelle sur la possession d'armes chez soi. Cela permet de renforcer le maillage et la proximité avec l'élu dans une situation de crise locale. J'espère expérimenter ce dispositif dès l'année prochaine.

Sur les conditions de logement et les liens avec les bailleurs, la partie locative est la partie la plus importante. Nous sommes des clients comme les autres, nous payons nos loyers, donc le propriétaire a les mêmes obligations envers tous les locataires, nous compris. Je reconnais que nous avons une marge de progrès.

Concernant le recrutement, notamment scientifique, 40% de nos jeunes officiers sont, cette année, ingénieurs. Mon ambition est d'élever aussi le niveau numérique du personnel. Nous avons trois polytechniciens qui nous ont rejoints à la sortie de l'école. Nous en avons recruté sept en trois ans. Ils viennent chez nous car on leur construit des parcours de carrière. On leur offre la possibilité de commander sur la moitié de leur carrière. Au final, nous sommes attractifs. Nous allons créer un concours universitaire Master 2 scientifique l'année prochaine.

Je partage votre avis sur les contrefaçons. La délinquance bouge et s'oriente vers des domaines qui lui font prendre moins de risques. Les trafics de déchets et de véhicules agricoles rapportent beaucoup d'argent. Les nouvelles frontières, c'est aussi ça ! Il faut être présent aux endroits où la criminalité s'installe. Nous avons eu un financement d'Europol pour nous aider à lutter contre ce type de criminalité.

Sur l'outre-mer, il est compliqué de faire des ratios car notre système d'information RH ne connait pas les origines du personnel. Il est interdit d'avoir ce genre d'information dans nos bases de données. Une recherche par le lieu de naissance ne veut pas dire grand-chose avec la mobilité actuelle. Il faut réclamer cette prime.

Aujourd'hui, nous avons 219 personnels bénéficiaires de la prime d'installation pour un montant de 850 000 euros. Nous essayons là aussi d'être plus performants dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM). Les originaires ne sont pas toujours privilégiés. Nous avons un système de gestion un peu particulier. Un polynésien ne reviendra pas en Polynésie à la fin de son école pour y faire toute sa carrière. Nous devons préserver un flux annuel d'affectation en outre-mer qui permette à chacun d'y aller. Parallèlement, nous favorisons le recrutement local pour les volontaires, anciens emplois jeunes, pour une durée de six ans. Je comprends votre volonté de mieux connaître la situation mais je n'ai pas les moyens de répondre précisément.

M. Christian Cambon, président. - Je vous remercie, mon général, pour les précisions que vous nous avez apporté sur ce budget et je vous redis notre attachement à la gendarmerie.

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- Présidence de M. Christian Cambon, président, puis de M. Pascal Allizard, vice-président -

Projet de loi de finances pour 2021 - Audition de M. Olivier Brochet, directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE)

M. Christian Cambon, président. - Nous accueillons M. Olivier Brochet, directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Nous vous avons auditionné le 7 mai dernier sur les conséquences de la crise sanitaire pour le réseau des écoles et lycées français à l'étranger. Nous sommes heureux de vous entendre à nouveau, sur le projet de loi de finances pour 2021.

Les crédits de l'AEFE sont stables, mais votre budget subira les conséquences de la pandémie, qui a entraîné un recul des effectifs malgré l'augmentation du nombre d'établissements homologués. Certains établissements sont durablement fragilisés.

Un plan d'urgence, dont le montant s'élève à 150 millions d'euros, a été annoncé par le Gouvernement le 30 avril dernier. Vous nous direz comment ce plan a été mis en oeuvre. Sera-t-il suffisant, alors que de nombreux pays ont été contraints de prendre de nouvelles mesures de confinement ?

Le Président de la République souhaite doubler le nombre d'élèves du réseau d'enseignement français à l'étranger à l'horizon 2030. Est-ce encore un objectif raisonnable, alors que les emplois de l'Agence continuent de reculer ? Notre commission a affirmé à plusieurs reprises qu'elle ne souhaitait pas que cette extension du réseau se fasse au détriment de la qualité de l'enseignement.

Ce réseau est, en effet, l'un des fleurons de notre diplomatie culturelle et d'influence, je l'ai constaté encore récemment au Caire et à Rabat. C'est une composante essentielle du « soft power » français à l'étranger, à l'heure où toutes les puissances, grandes ou moyennes, mènent des stratégies d'influence de plus en plus affirmées.

M. Olivier Brochet, directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). - La crise sanitaire a effectivement rendu la situation très difficile pour l'ensemble du réseau, avec de forts écarts cependant selon les territoires - et il nous faut aussi compter avec le risque terroriste, suite à l'assassinat de Samuel Paty, qui nous a conduit à passer en revue la sécurité de nos établissements, à rappeler les règles, et, au-delà de la sécurisation physique des établissements, à développer une culture de la sécurité pour tous les personnels. Dans ce contexte difficile, je remercie les familles qui font confiance à l'enseignement français à l'étranger, ainsi que les personnels de l'Agence, sans lesquels nous ne pourrions affronter la crise comme nous le faisons.

L'impact de cette crise sans précédent a montré la résilience du réseau de l'enseignement français à l'étranger. Le 7 mai, je vous disais que tout le réseau avait dû fermer ; avant l'été, quelque 150 établissements avaient rouvert, la moitié étaient ouverts à la rentrée de septembre puis, à la rentrée de la Toussaint, il ne restait plus que 11% des établissements encore fermés. La rescolarisation des enfants est un point très positif. La situation reste fragile, nous prenons toutes les mesures pour garantir la sécurité sanitaire de nos établissements, y compris la fermeture de tout ou partie d'un établissement lorsque c'est nécessaire, mais il y a du mieux, et j'espère que cela va continuer.

En cette rentrée, les effectifs, ensuite, sont presque préservés. L'enquête dite « de rentrée » a révélé à ce stade une perte globale d'environ 1 % des effectifs. Le réseau résiste. Cependant, les variations sont fortes : 40 % des établissements voient leur effectifs stables ou en augmentation, 60 % en perdent, un tiers en perdent plus de 5%. Les pertes peuvent aller jusqu'à 50 % dans de petites structures. Aucun établissement n'a fermé. Mais nous sommes inquiets pour la capacité de certains d'entre eux à passer le cap de l'an prochain, d'autant que l'année s'annonce encore incertaine. L'analyse par zones géographiques souligne aussi les contrastes : le Maghreb fait figure d'exception, avec une progression de 6 % des effectifs, grâce à une bonne résistance des établissements existants et à l'homologation de nouveaux établissements, conformément au plan de développement ; en Europe, les effectifs baissent très peu, de 1 % ; ailleurs, la baisse s'établit aux alentours de 3 ou 4 %, mais elle atteint 5 % en Asie. Le Liban est particulièrement touché : plusieurs milliers d'élèves manquent à l'appel alors que ce pays, avec 62 000 élèves, est notre premier contingent mondial. Aux États-Unis, la baisse est importante, de 9 %, alors que les effectifs sont stables dans le Canada voisin. L'analyse par nationalités montre que la diminution est la plus importante chez les élèves français (- 5%). L'effectif des étrangers de pays tiers baisse de 3,3 %. L'effectif des nationaux augmente (+ 1,4 %) notamment grâce à l'extension du réseau. L'analyse par catégories d'établissements, enfin, montre que les établissements en gestion directe (EGD) perdent peu d'effectifs (-1,3 %). Les difficultés sont concentrées sur quelques établissements. En revanche, les conventionnés perdent davantage d'élèves (- 3,8 %), ce qui fait mécaniquement perdre des recettes à l'Agence. Nous estimons la perte de recettes à environ 11 millions d'euros. Les établissements partenaires connaissent une croissance de leurs effectifs de 1,4 %, portés par les nouvelles homologations.

L'Agence n'a pas ménagé ses efforts au plus près du terrain pour soutenir la mise en place d'un enseignement à distance de qualité. Nous avons lancé, début septembre, une enquête pour évaluer l'enseignement à distance mis en oeuvre de janvier à juin 2020, préparée avec les enseignants et les parents d'élèves : les quelque 70 000 réponses que nous avons reçues établissent une bonne réception par les familles des dispositifs mis en place et indiquent des points à améliorer. Nous communiquerons très prochainement sur le sujet.

Nous avons mis en place le plan d'urgence demandé par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères et voté par le parlement pour aider les familles en difficulté. Sur les 50 millions d'euros qui ont été ouverts au programme 151 pour l'aide aux familles françaises, nous en aurons consommés 16 millions environ et Bercy accepte le report des sommes non dépensées sur l'année prochaine. Je suis donc confiant sur l'aide aux familles françaises. Pour l'aide aux familles étrangères en difficulté, 13,43 millions d'euros ont été mobilisés sur le programme 185, sous forme de subventions aux établissements pour qu'ils les répercutent aux familles ; une enveloppe spécifique, de 7 millions d'euros, a été prévue pour la trentaine d'établissements touchés par l'explosion du 4 août sur le port de Beyrouth, au Liban, une somme qui s'ajoute aux crédits qui ont été fléchés sur la Mission laïque française au Liban.

Nous entrons dans la deuxième phase du plan d'urgence, consistant à aider tous les établissements pour des dépenses qu'ils ont faites dans crise sanitaire, en protection, en équipement informatique, en prêts, en formation. Nous avons reçu 350 dossiers d'établissements, nous y consacrerons 25 millions d'euros, avec une attention particulière à ceux qui ont perdu plus de 5 % d'élèves. S'agissant des avances de trésorerie, nous avons accordé 38 avances, à hauteur de 4,7 millions d'euros, principalement à destination des établissements partenaires. Nous avons également utilisé notre trésorerie pour aider les établissements conventionnés, avec des échéanciers décalés pour le paiement de la participation à la rémunération des résidents (PRR) : au total, nous avons mobilisé 19,7 millions d'euros.

Quelles leçons tirer de cette crise sans précédent ? D'abord, la force et la résilience de notre modèle, celui d'un réseau soutenu fortement par l'État, ce qui le distingue par exemple des réseaux anglo-saxons. Nous constatons l'intérêt pour ce modèle, qui se traduit par une hausse des demandes d'homologation. L'Agence a aidé tous les établissements, quels que soient leurs statuts, nous nous sommes adaptés pour soutenir tout le réseau. La crise a démontré aussi que la solidarité dans notre réseau valait à l'égard des Français mais aussi des étrangers, au-delà, donc, du simple critère de la nationalité, je crois que c'est très important. Nous avons également démontré notre capacité à mettre sur pied, en partant de presque rien, un enseignement à distance qui soit de qualité, mais aussi de la formation à distance pour les enseignants - entre mars et juin, nous avons mené quelque 90 000 actions de formation des équipes dans les établissements.

Du côté des points de vigilance, il y a une inquiétude forte pour une trentaine d'établissements, qui se trouvent en grande difficulté et pour lesquels nous devons regarder jusqu'où nous pouvons les aider, et, plus généralement, une inquiétude sur les conséquences financières de la crise pour l'Agence.

Le plan de développement qu'a souhaité le Président de la République s'est trouvé perturbé par la crise, mais nous ne le perdons pas de vue. Nous avons homologué 14 établissements représentant 5 000 élèves de plus, nous en attendons de nouvelles avant la fin de l'année, ce qui témoigne de notre attractivité. J'espère que nous pourrons poursuivre nos actions en 2021, notamment dans le domaine de la formation et dans le sens d'une augmentation de nos capacités informatiques.

M. Ronan Le Gleut, co-rapporteur du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence ». - Le lycée français de Lomé, au Togo, a perdu un cinquième de ses effectifs en quelques années, passant de 1 000 élèves à 812 élèves ; or, l'établissement, qui demande à rééchelonner un emprunt pour disposer de ressources, bute sur le blocage entre la Direction du Trésor et l'Association nationale des écoles françaises de l'étranger (Anefe) : comment en sortir - pensez-vous que l'article 49 du projet de loi de finances apporte une solution rapide ?

Autre problème, la sécurité et la question des recrutements. On le voit cette année à Ouagadougou, au Burkina-Faso, avec l'embuscade qui, le 11 novembre, vient de tuer quatorze soldats burkinabés. Le lycée Saint-Exupéry avait six postes vacants, il n'y a pas eu de candidats... il faut dire que la carte de conseils aux voyageurs publiée par le Quai d'Orsay s'est détériorée deux fois cette année pour ce pays. Comment, dans ces conditions, assurer le recrutement des enseignants ?

M. André Vallini, co-rapporteur pour avis du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence ». - Votre exposé ayant répondu à bien des questions que j'avais préparées, je ne vous poserai que celle-ci : le soutien que vous apportez au Liban est-il coordonné avec le Fonds pour les écoles chrétiennes francophones au Moyen-Orient ?

M. Bruno Sido, co-rapporteur pour avis du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires ». - Les frais de scolarité augmentent régulièrement, ce qui rend plus sensible la question des bourses dont l'acuité devient encore plus forte dans le contexte de crise sanitaire. Les 14 et 15 décembre prochains, l'AEFE va tenir sa commission des bourses scolaires : allez-vous adapter les critères à la situation, en particulier pour les familles ayant souscrit un emprunt pour régler les frais de scolarité ? Dans quelle proportion pensez-vous utiliser les 50 millions d'euros qui sont ouverts pour l'an prochain ?

M. Guillaume Gontard, co-rapporteur pour avis du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires ».. - Les critères actuels utilisés pour l'octroi des bourses se fondent sur les revenus, le patrimoine immobilier et le patrimoine mobilier ; le système a des défauts, il ne tient en particulier pas compte du caractère de résidence principale, ou secondaire, pour le calcul du patrimoine immobilier. Il serait possible de se caler sur le patrimoine net de la famille : qu'en pensez-vous ?

Mme Hélène Conway-Mouret. - Les crédits pour les bourses sont-ils constants, ou bien allez-vous pouvoir utiliser ceux qui n'auront pas été consommés cette année ? Seront-ils suffisants dès lors que le nombre d'élèves va augmenter, de même que le nombre de familles en difficulté ? Allez-vous adapter les critères d'attribution ?

Une nouvelle organisation administrative et financière du réseau est mise en place en Allemagne, avec une seule agence comptable à Munich : pourquoi ce choix et quel impact sur les emplois ? D'autres regroupements de ce type sont-ils prévus ? Quel impact cela aura-t-il sur les ETPT ?

M. Philippe Folliot. - Lors d'un déplacement au Salvador il y a quelques années, j'avais été frappé de voir que si les élèves du lycée français n'y représentaient qu'une infime minorité des lycéens, nos interlocuteurs parlaient très souvent le français parce que, nous avait-on dit, l'élite du pays était passée par ce lycée français. Nous avions là un outil de rayonnement pour notre pays, avec des conséquences économiques puisque la compagnie aérienne régionale s'équipait en Airbus... Cependant, alors que l'Union européenne soutenait les écoles salvadoriennes, le lycée français n'avait pas accès aux crédits européens, ce qui était un frein à son développement : la situation a-t-elle changé sur ce point ?

M. Richard Yung. - Vous nous annoncez de bonnes nouvelles, et nous aurions été peu nombreux, en mai, à penser que la fermeture complète se traduirait par une baisse d'1% seulement du nombre des élèves. Je me réjouis, également, que Bercy autorise un report des reliquats des trois tranches de 50 millions d'euros prévus par le plan de relance - l'une pour les bourses aux élèves français, la deuxième pour les élèves étrangers et la troisième pour les établissements eux-mêmes.

L'objectif de doubler le nombre d'élèves d'ici 2030 paraît cependant bien ambitieux, parce qu'il demande de gagner, en moyenne, quelque 45 000 élèves chaque année ; vous nous annoncez 14 homologations et 5 000 nouveaux élèves, nous sommes loin de l'objectif : qu'en pensez-vous ?

M. Olivier Cadic. - Depuis vingt ans, nous avons gagné 2 % d'élèves chaque année, mais, mais dans la même période, le nombre d'élèves qui apprennent l'anglais est passé de trois, à vingt fois celui des élèves qui apprennent le français : c'est dire le terrain que nous avons perdu et c'est ce qui motive l'objectif de doubler le nombre d'élèves en dix ans. L'an passé, je vous ai demandé quel était votre objectif chiffré pour l'année, vous avez bien voulu me répondre par écrit mais sans me dire de chiffre précis. Or, si l'on veut tenir le rythme, il faudrait que les effectifs augmentent chaque année de 8%, soit 100 000 élèves de plus dans les trois prochaines années : où envisagez-vous ces progressions ? Quel est votre objectif à l'horizon 2023 ? De combien comptez-vous augmenter les effectifs des 71 établissements en gestion directe ? Vous avez mis en place un service d'appui au développement du réseau (SADR), qui fournit des prestations de services pour aider l'installation d'établissement ; quel est son chiffre d'affaires ? Je vois dans son organigramme qu'il est constitué pour beaucoup d'anciens enseignants et membres de l'inspection académique : des profils d'ingénieurs et de commerciaux n'y seraient-ils pas plus à même de développer l'activité et de convaincre de nouveaux investisseurs ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - L'Anefe a été créée il y a 45 ans par notre ancien collègue Jacques Habert pour aider à garantir les emprunts des établissements français d'enseignement à l'étranger. Elle est remise en question depuis un rapport de 2018 et l'article 49 du projet de loi de finances la dessaisit de sa compétence au profit de l'État. Je le regrette car cette association fonctionnait très bien, sous la présidence de notre ancien collègue André Ferrand à qui je veux rendre hommage. J'en profite d'ailleurs pour rendre hommage à tous les personnels de l'enseignement français à l'étranger.

La sécurité, ensuite, nous inquiète vivement. Nos établissements ont besoin de recruter. J'ai déposé une proposition de loi pour instituer un volontariat national d'enseignement en français, le Président de la République a fait figurer l'idée dans son discours de la Sorbonne, mais il semble que rien n'ait avancé depuis : pourquoi ? L'insécurité pour les enseignants est un fléau, on l'a vu au Cameroun, anglophone, où les assassinats d'enseignants camerounais se sont traduits par une déscolarisation des enfants.

M. Bernard Fournier. - Comment expliquez-vous que les effectifs aient diminué autant aux États-Unis - de 9% nous avez-vous dit ?

M. Olivier Brochet. - L'établissement de Lomé, au Burkina-Faso, s'est effectivement réorganisé et il rencontre des difficultés financières, j'espère qu'il pourra les surmonter dans un avenir proche. Nous l'accompagnons, en y détachant six enseignants formateurs, qui feront chacun un enseignement à mi-temps qui ne coutera rien à l'établissement puisque l'Agence prend en charge ces postes. Une renégociation de son emprunt redonnerait des marges de manoeuvres à l'établissement, il n'est d'ailleurs pas le seul à être dans cette situation, les banques peuvent être tout à fait disposées à renégocier, mais elles s'interrogent sur la reconduction de la garantie de l'État dès lors que l'Anefe sort du jeu. J'espère qu'une solution rapide et claire sera trouvée.

Les difficultés de recrutement à Ouagadougou illustrent le problème de la faible attractivité dans certains pays - qui a été aggravé par la crise sanitaire : l'an passé, il y avait huit postes à pourvoir à Ouagadougou et ils l'ont tous été. Cette année, aucun des cinq postes vacants n'a été pourvu. La covid vient s'ajouter au contexte sécuritaire. Le problème est général : alors que nous avons habituellement une soixantaine de postes non pourvus en septembre, nous en enregistrons plus de deux cents cette année, car des enseignants ont préféré rester en France, et pas seulement pour des raisons de sécurité, mais de crainte d'être bloqués pendant plusieurs mois loin de leurs familles. Les difficultés sont les plus grandes quand le contexte est difficile et que l'indemnité spécifique de vie locale (ISVL) n'est pas élevée. Une piste est aussi de créer des postes d'expatriés formateurs, qui ont pour mission de former des personnels locaux, et reçoivent des primes d'expatriation plus élevées.

Au Liban, nos apports sont bien entendu articulés avec ceux du Fonds de soutien aux écoles chrétiennes francophones, qui est géré par le Quai d'Orsay ; ses quelque 2 millions d'euros iront principalement à des établissements non homologués. Nous soutenons pour notre part les établissements homologués, dont un grand nombre sont d'ailleurs des établissements chrétiens : nous avons soutenu les familles libanaises en difficulté à hauteur de 5 millions d'euros, nous disposons de 7 millions d'euros pour la reconstruction suite à l'explosion du 4 août. L'Agence est à disposition des établissements bénéficiant du Fonds, pour engager ensuite des actions de formation pour leur compte avec l'aide de ces financements.

Le report des crédits pour les bourses - nous en aurons consommés 15 à 16 millions d'euros, sur une enveloppe de 50 millions d'euros - va nous aider l'an prochain. L'augmentation du nombre d'élèves n'est pas tellement dû à des élèves français, à qui vont ces bourses. Nous tâchons bien sûr de tenir compte des circonstances, tout en respectant les critères réglementaires : nous avons par exemple calculé le montant de référence sur une année glissante, de juillet à juillet, pour prendre en compte la crise. Nous devons aussi appliquer les seuils de patrimoine immobilier, mais nous faisons preuve de souplesse et nous tâchons de tenir compte des revenus, quand la famille est proche du seuil. Nous devions former un groupe de travail pour examiner ces critères, la crise ne nous l'a pas permis, nous allons le réunir dès que possible avec des représentants qui sont à la Commission nationale des bourses (CNB).

En Allemagne, nous regroupons les fonctions comptables, pour mieux séparer ordonnateur et comptable, comme nous l'a demandé la Cour des comptes et comme nous le faisons aussi en Tunisie, au Maroc et en Italie, avec un seul agent comptable pour un réseau d'établissements et un secrétaire général dans chacun d'eux. Nous regroupons ainsi un réseau dans l'agence comptable de Munich, nous ne savons pas encore si Berlin y sera rattaché ou bien s'il le sera à Francfort. Une réflexion est en cours pour savoir si nous n'aurions pas intérêt à regrouper, en France, une agence comptable pour toute la zone euro. Quoiqu'il en soit, nous faisons toujours ces regroupements en tenant compte de leurs conséquences sociales.

L'enseignement français est un formidable outil d'influence, dans ce que le ministre appelle un terrain d'affrontement de l'influence. Les crédits européens soutiennent la coopération et l'aide au développement, les établissements français n'en relèvent pas puisque l'éducation reste une compétence nationale, je ne crois pas qu'il y ait d'évolution sur ce point.

Sur les chiffres et le développement du réseau, je serais d'un optimisme raisonnable, car si nous enregistrons effectivement une baisse, nous pouvons compter sur le retour des expatriés, qui a déjà lieu par exemple en Asie quand les parents ont compris que les établissements scolaires rouvraient. Les familles devraient continuer à revenir dans les prochains mois.

Nous aurons un reliquat reporté sur le programme 151. Sur le 185, les 50 M€ seront consommés cette année. S'agissant des avances France Trésor, nous n'allons pas consommer les 25 M€ ouverts. La Mission laïque française est revenue sur un besoin estimé en juin à 10 M€ de trésorerie, qui ne s'est pas concrétisé. Nous avons donc revu nos calculs initiaux.

Au-delà des chiffres récents, il faut aussi retenir notre méthode d'accompagnement du réseau - et le plan de développement annoncé le 3 octobre 2019 reste notre feuille de route, même si la crise sanitaire l'a perturbé. Nous avons installé le Service d'appui au développement du réseau, il suit 47 dossiers d'établissements, prépare des conventions d'accompagnement vers l'homologation, en lien avec les ambassades qui repèrent les investisseurs. Ce soutien porte tant sur le besoin en personnel que sur le besoin immobilier, la réglementation... La croissance est difficile à prédire : 5 000 nouveaux élèves à l'été, d'autres arrivent, nous pourrions dépasser les 10 000 nouveaux élèves cette année. Nous ne serons certes pas à 45 000 nouveaux élèves, d'autant qu'il faudra décompter ceux qui partent, mais nous faisons au mieux et renforçons notre méthode.

Le développement des établissements se heurte effectivement à des problèmes de financement, donc à la question de la garantie de l'État, l'Agence est prête à opérer dès que le nouveau système sera opérationnel. Des besoins importants existent aussi dans les EGD. Or notre mode de fonctionnement ne nous permet pas de recourir à l'emprunt. Je suis un peu inquiet car il sera très difficile d'augmenter les frais de scolarité. Or nous avons des besoins tant pour l'extension que pour l'amélioration de la qualité des bâtiments. L'extension des EGD et des conventionnés est indispensable à la croissance des partenaires car ce sont eux qui, bien souvent, permettront d'assurer la continuité éducative au collège et au lycée.

Le recrutement de nouveaux enseignants est nécessaire, le ministère de l'Éducation nationale a mis en place dans le master d'enseignement du français, un certificat d'aptitude à l'enseignement français à l'étranger. Des étudiants l'ont déjà validé, le travail se poursuit et nous coopérons avec le ministère de l'Éducation nationale sur ce point.

La sécurité est un sujet important de préoccupation. Nous souhaitons développer la culture de la sécurité. Nous avons aussi pris mesures et des instructions très précises pour rendre hommage à Samuel Paty tout en tenant compte des contextes locaux : nous voulons être fermes sur les valeurs - la quatrième édition de la Semaine des Lycées français du monde sera l'occasion de les mettre en exergue - tout en étant sobres dans l'expression, en tenant compte des publics et de l'environnement.

La baisse des effectifs aux États-Unis tient pour beaucoup aux familles expatriées, qui sont revenues en France et ont ensuite rencontré des problèmes de visas pour revenir outre-Atlantique. La crise sanitaire a eu des impacts directs aux États-Unis beaucoup plus qu'en Europe - où les familles bénéficient d'amortisseurs sociaux.

M. Christian Cambon, président. - Merci, nous sommes à vos côtés, pour le rayonnement du français et je rends hommage aux équipes qui font un travail extraordinaire. Les enseignants font honneur à la France. Nous serons particulièrement vigilants sur le Liban, un pays cher à notre coeur mais qui est dans un état d'implosion, et sur les questions de sécurité en général, face à la menace terroriste.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

- Présidence de M. Christian Cambon, président -

Contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'Institut français

M. Christian Cambon, président. - Mes chers collègues, la commission a été saisie du projet de contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'Institut français le 14  octobre dernier.

Nous avons en application de la loi sur l'action extérieure de l'état 6 semaines pour donner notre avis.

En conséquence, je charge les rapporteurs du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » MM. Ronan le Gleut et André Vallini de nous présenter leur avis la semaine prochaine, à l'issue de la présentation de leur avis budgétaire.

Leur communication aura vocation à être publiée sous forme de rapport d'information portant avis de la commission.

Pas d'opposition ? Il en est ainsi décidé.

Désignation des membres du groupe de suivi négociations commerciales

M. Christian Cambon, président. - Nous devons procéder à plusieurs désignations au sein du groupe de suivi sur les négociations commerciales.

Pour mémoire, cette structure, constituée en 2017, est commune à trois commissions : la nôtre, celle des affaires économiques et celle des affaires européennes.

Chacune de ces commissions doit désigner 5 membres, en respectant l'équilibre proportionnel entre les groupes qui n'a pas été modifié par le dernier renouvellement.

Par conséquent, sont désignés pour notre commission : Bruno Sido, Gisèle Jourda, André Gattolin, Pierre Laurent et André Guiol.

Pas d'opposition ? Il en est ainsi décidé.

Par ailleurs, il manquait un membre LR au groupe Brexit : ce sera Édouard Courtial.

Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Direction de l'action du Gouvernement » - Programme 129 « Coordination du travail gouvernemental (cyberdéfense, SGDSN) » - Examen du rapport pour avis

M. Mickaël Vallet, co-rapporteur pour avis. - Pour 2021, les crédits de l'action 2 du programme 129, pour l'essentiel destinés au financement du SGDSN, s'établissent à 389,56 M€ en autorisations d'engagement (AE) et à 361,87 M€ en crédits de paiement (CP), en légère hausse (respectivement + 0,85% et +2,6%).

Cette augmentation des crédits est tirée par la croissance des effectifs. De fait, elle permettra de financer 62 postes supplémentaires en 2021, la plus grosse part (40) étant destinée à l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) dont les missions n'ont cessé de s'étendre ces dernières années. Du fait de l'augmentation régulière de ses effectifs et de l'obligation de renouveler chaque année une proportion importante de ses personnels, constitués à 80% de contractuels, le recrutement apparaît comme un important enjeu pour l'ANSSI. Néanmoins, comme son directeur nous l'a expliqué, l'Agence ne connait pas de problème d'attractivité, malgré la pénurie de ressources humaines dans les métiers du numérique, un passage par l'ANSSI offrant une vraie valeur ajoutée pour une carrière ultérieure dans le privé.

Concernant les crédits hors titre 2, il faut noter cette année une enveloppe de 33,5 M€ destinée à permettre l'installation à Rennes d'une antenne de l'ANSSI composée de 200 personnes. Cet essaimage vise à la fois à conforter le pôle d'excellence cyber constitué autour du ministère des armées et à répondre aux besoins immobiliers de l'Agence qui manque d'espace pour accueillir ses personnels supplémentaires.

Avant que mon collègue revienne sur la menace cyber et la réponse qui lui est apportée, je voudrais dire quelques mots sur le dossier de la 5G. Alors que la commercialisation des offres 5G est imminente, nous avons souhaité faire le point sur l'application de la loi du 1er août 2019 sur la sécurité des réseaux mobiles de 5e génération. Cette loi, vous le savez, confie à l'ANSSI le soin de délivrer aux opérateurs télécoms, sur la base d'une évaluation des risques et pour une durée limitée dans le temps, les autorisations d'utiliser des équipements destinés à constituer leurs réseaux.

L'exigence de continuité de ces réseaux est hautement stratégique. En effet, la 5G va permettre un nouveau bond dans le développement des usages numériques, notamment pour les entreprises. Il est donc essentiel que les opérateurs de télécommunications utilisent des équipements sûrs et non susceptibles de subir des interruptions de services. Or, un tel risque ne peut être exclu lorsque les équipements proviennent d'une entreprise étrangère soumise aux lois de son pays et aux éventuelles pressions de ses gouvernants. L'hypothèse d'un acte offensif étranger qui emprunterait ce canal doit donc être prise en compte, il s'agit même d'une menace majeure pour notre sécurité.

Pour autant, avec cette loi, la France a fait le choix de ne pas exclure a priori un fournisseur en particulier. Il fallait, en effet, tenir compte de l'équilibre du marché et de la situation des opérateurs de télécoms qui tous ne recourent pas aux mêmes fournisseurs.

Dans le courant de l'année 2020, les quatre opérateurs français de télécommunications ont déposé 157 demandes auprès de l'ANSSI, portant sur près de 65 000 équipements, essentiellement des antennes destinées aux zones urbaines. Environ la moitié de ces demandes (82) a donné lieu à une autorisation pour la durée maximale prévue par la loi, soit 8 ans, un tiers (53) a donné lieu à une autorisation pour une durée inférieure à la durée maximale et 22 ont fait l'objet d'un refus. En pratique, toutes les décisions de refus et toutes les autorisations pour des durées réduites ont concerné des équipements Huawei. Outre le fait que le calendrier d'examen des demandes a été parfaitement respecté par l'ANSSI et n'a donc pas pénalisé les opérateurs (vous vous souvenez sans doute que c'était un motif d'inquiétude lors de l'examen de la loi), l'application du régime d'autorisation apparaît bien conforme à l'objectif poursuivi qui est de réduire les risques de sécurité inhérents au développement de la technologie 5G.

M. Olivier Cadic, co-rapporteur pour avis. - Puisqu'on évoque Huawei, je voudrais, de manière connexe, alerter sur l'ouverture récente - en septembre 2020 - d'un centre de recherche de ce groupe chinois à Paris, consacré à l'intelligence artificielle. Quand on sait que Huawei fournit des systèmes de surveillance par intelligence artificielle permettant le contrôle de populations à grande échelle par des régimes autoritaires et qu'il est sous le coup de sanctions américaines depuis le mois d'août 2020 pour aide à la violation des droits de l'homme en Chine, on ne peut qu'être préoccupé par la présence de ce site en plein Paris, à deux pas de nos institutions.

Je voudrais maintenant faire un point sur l'état de la menace cyber dans notre pays et les réponses qui lui sont apportées.

Avec l'évolution technologique et la généralisation des usages du numérique, la menace cyber ne cesse de se développer.

La cybercriminalité s'est beaucoup professionnalisée et se développe à grande échelle grâce à des « rançongiciels » de plus en plus performants. Je rappelle les chiffres particulièrement frappants cités par le directeur de l'ANSSI : 128 attaques par rançongiciels traités par l'agence au 30 septembre 2020, contre 54 sur l'ensemble de l'année précédente ! Pour les cybercriminels, c'est un moyen facile pour gagner de l'argent et même une manière de capter des devises étrangères pour un pays comme la Corée du Nord !

Les organismes publics et les opérateurs critiques comme les hôpitaux ne sont désormais plus épargnés et l'on voit se multiplier les attaques contre les collectivités territoriales, qui commencent tout juste à prendre la mesure du problème.

L'explosion du cyberrançonnage ne doit pas occulter la progression, en parallèle, des formes plus classiques de la cyber-menace, comme l'espionnage, qui pourrait être favorisée par le télétravail - ou les piratages, qui ciblent particulièrement les institutions et administrations publiques. Sur l'année 2019, l'ANSSI a été amenée à traiter 81 incidents de sécurité numérique ayant affecté les ministères français, un chiffre en augmentation (+3 %) par rapport) à 2018.

Enfin, il faut se préparer aux cybermenaces de demain (cyber guerre et cyber terrorisme) qui sont déjà une réalité.

Sans oublier les actions insidieuses qui transitent par les réseaux - manipulations, désinformation, propagande - de plus en plus utilisées par l'ennemi. Celles-ci présentent un grand potentiel de mobilisation en vue de déclencher des opérations terroristes. Il s'agit d'une menace très grave, qu'il nous faut prendre en compte.

Face au renforcement de cette menace, la réponse de l'Etat comporte à la fois un volet offensif, porté principalement par le ministère des armées, et un volet défensif confié à l'ANSSI. Dix ans après la mise en place de l'ANSSI, où en est-on?

Connue comme le « pompier du cyber » pour ses interventions en cas de cyber-attaques, l'ANSSI est avant tout chargée de préparer l'Etat et les opérateurs critiques à la menace et de renforcer leur protection et leur résilience.

Son action dans ce domaine, à travers le contrôle de l'application de la réglementation et la réalisation d'audits, a incontestablement contribué à renforcer la cybersécurité des opérateurs critiques. Depuis 2017, les ministères sont plus nombreux à se doter de plans de cybersécurité. Dans l'ensemble, les administrations publiques restent cependant encore peu sensibilisées à un risque perçu d'abord comme technique et ne coopèrent réellement qu'après la survenue d'un problème majeur. Il faut espérer que la refonte en cours de la politique de sécurité des systèmes d'information de l'Etat, qui conforte le pilotage de l'ANSSI, permettra d'améliorer cette gouvernance.

Par ailleurs, il convient d'accélérer la désignation des opérateurs de services essentiels (OSE), afin d'étendre l'application de normes de sécurité à des activités ou fonctions qui, sans être « critiques » sont pourtant essentielles à la vie de la Nation. La recrudescence actuelle des cyberattaques rend la mise en oeuvre de cette mesure prévue par la directive NIS encore plus urgente.

Au-delà de la mission de surveillance renforcée qu'elle exerce auprès des administrations publiques et des opérateurs privés régulés, l'ANSSI incite à la prise en compte du risque numérique dans le secteur privé, notamment à travers une politique de labellisation des produits et de certification des prestataires de services de sécurité et par des actions dans le domaine de la formation... Elle soutient également le groupement d'intérêt public (GIP) Action contre la cybermalveillance (Acyma) qui anime, au moyen d'une plateforme numérique, un dispositif de sensibilisation, prévention et d'assistance aux victimes d'actes de cybermalveillance.

Enfin, en 2021, l'Agence rejoindra le Campus Cyber qui va regrouper sur un même site, dans le quartier de la Défense, divers acteurs du secteur cyber. Nous nous félicitons que l'ANSSI participe à ce projet phare, qui vise à permettre la structuration d'un « écosystème français de la cybersécurité ».

Au final, des progrès considérables ont été accomplis depuis dix ans sous l'égide de l'ANSSI en termes de cybersécurité. Dans ce domaine, notre compétence est reconnue et respectée et la France fait partie des pays « du premier cercle ». Il nous faut poursuivre dans cette voie et développer la résilience de l'économie et de la société toute entière face à une menace cyber qui ne cesse de renforcer. Il s'agit d'une course de vitesse.

L'augmentation des crédits soumis à notre examen est le signe que cet enjeu important est bien pris en compte, nous vous proposons donc de donner un avis favorable à leur adoption.

A l'issue de la présentation des rapporteurs, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné, pour ce qui concerne le programme 129, un avis favorable à l'unanimité à l'adoption des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » dans le projet de loi de finances pour 2021.

Projet de loi de finances pour 2021 - Mission « Audiovisuel extérieur » - Programmes 844 « France Médias Monde » et 847 « TV5 Monde » - Examen du rapport pour avis

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, co-rapporteur pour avis. - Monsieur le président, chers collègues, j'évoquerai d'abord le contexte financier des deux sociétés de l'audiovisuel public extérieur, à commencer par l'impact de la crise sanitaire sur les comptes. S'agissant de France Médias Monde, la pandémie de covid-19 a eu des effets paradoxalement positifs en 2020. En effet, les surcoûts liés à la crise et la perte de recettes publicitaires ont été plus que compensés par les économies liées à la baisse des dépenses et au report de projets comme la couverture des Jeux olympiques à l'année 2021, faisant apparaître un résultat de 5,4 M€. Ce bénéfice inespéré va permettre à FMM d'accélérer la reconstitution de ses capitaux propres et De préserver ses équilibres financiers à l'horizon 2022.

Concernant TV5 Monde, le bilan est plus nuancé. En effet, au-delà de la baisse prévisible des recettes publicitaires, la chaîne s'attend à une diminution des recettes de distribution, liées à la vente de programmes, particulièrement en en Amérique latine, où la situation économique est difficile et les faillites nombreuses. Il s'agit d'une préoccupation pour le modèle économique de la chaîne sur le long terme. TV5 Monde devrait cependant terminer à l'équilibre du fait de la baisse des dépenses en 2020.

Pour 2021, le projet de loi de finances prévoit une dotation de 254,4 M€, en baisse de 0,5 M€, pour FMM et une dotation de 77,7 M€, reconduite par rapport à 2020, pour TV5 Monde. Ces montants sont conformes à la trajectoire financière définie en 2018, qui prévoit une diminution de l'enveloppe destinée à l'audiovisuel public sur la période 2018-2022. Il faut noter que les deux opérateurs devraient aussi recevoir une petite contribution exceptionnelle au titre du plan de relance.

Cette diminution de la ressource publique fragilise les sociétés de l'audiovisuel public extérieur, confrontées par ailleurs à une augmentation mécanique de certains de leurs coûts (comme la masse salariale, à l'évolution incertaine de leurs ressources propres et à la concurrence internationale d'autres opérateurs beaucoup plus soutenus. En 2020, BBC World a reçu une dotation de 373 M€ et la Deutsche Welle de 362 M€, soit plus de 100 M€ de plus que FMM ! Et je ne parle pas des soutiens que reçoivent les médias extérieurs des Etats puissances!

Dans le même temps, les ambitions affichées ne sont pas revues à la baisse, comme en témoignent les plans stratégiques des deux sociétés récemment redéfinis avec les ministères de tutelle.

Dans ce contexte, des choix difficiles doivent être faits. Après l'abandon fin 2018 de la diffusion satellitaire au Royaume-Uni et en Irlande, TV5 Monde a dû réduire sa couverture satellitaire en Europe orientale et en Asie centrale. De la même manière, FMM a dû renoncer à la diffusion de France 24 sur la TNT outre-mer, résilier certains contrats de distribution de la chaîne (notamment aux Etats-Unis et en Allemagne et réduire sa couverture à Hong-Kong. Elle a dû également se résigner à un plan de départs volontaires portant sur 30 personnes.

Les résultats obtenus par les opérateurs de l'audiovisuel public extérieur n'en restent pas moins méritoires et témoignent d'un fort engagement vis-à-vis de leurs missions. En 2019, FMM a vu le nombre de « contacts hebdomadaires » sur ses trois médias progresser de 17,8 %, la hausse frôlant les 38 % sur le segment numérique. 2019 a notamment été marquée par la montée en puissance de la chaîne France 24 en espagnol, qui est passée d'une diffusion de 6 à 12 heures par jour à budget constant, portant à 13,3 millions le nombre de foyers touchés et permettant une hausse de 50 % du nombre de téléspectateurs hebdomadaires. Il s'agit d'une très grande avancée, qui ancre France 24 en Amérique latine.

TV5 Monde, quant à elle, a lancé il y a quelques semaines sa grande plateforme numérique TV5 Monde Plus et se maintient comme la deuxième chaîne internationale en Afrique francophone. Si son audience linéaire s'effrite en Europe (-9 % en 2019), elle progresse au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et en Asie. Je cède maintenant la parole à mon collègue.

M. Jean-Noël Guérini, co-rapporteur pour avis. - Je souhaiterais, pour ma part, insister sur la spécificité des opérateurs de l'audiovisuel public extérieur, sur leur raison d'être qui est de porter le rayonnement de la France et de promouvoir les valeurs françaises et la langue française dans le monde.

La diffusion des valeurs démocratiques et républicaines dans le monde est la première des missions spécifiques assignées à FMM, qui l'intègre dans l'ensemble de sa ligne éditoriale et en fait un thème prioritaire. Ainsi, après l'assassinat de Samuel Paty, l'opérateur a bouleversé ses programmes pour mettre ce thème en avant et renforcé les actions d'éducation aux médias et à l'information.

Cette priorité s'appuie sur le développement de la diffusion en langues étrangères, notamment les langues africaines et la langue arabe. Concernant les langues africaines, il faut souligner l'intérêt du projet Afri Kibaaru, qui bénéficie d'un cofinancement de l'Agence française de développement (AFD) pendant trois ans et demi et qui permet de renforcer les offres de RFI depuis ses trois pôles régionaux de Dakar, Lagos et Nairobi.

Mais, bien sûr, elle repose aussi sur le développement de la francophonie, axe politique fort que partagent FMM et TV5 Monde.

Toutes ces actions s'accompagnent d'une implication forte dans la lutte contre les infos qui cherchent à semer le doute et à miner la confiance dans les démocraties.

Défendre les valeurs portées par la France fait partie de l'ADN du groupe FMM, dont de nombreux journalistes sont réservistes volontaires de l'Education nationale. « Beaucoup de personnes dans le monde, notamment de Français résidant à l'étranger, comptent sur nous pour lutter contre l'obscurantisme » a indiqué Mme Marie-Christine Saragosse lors de son audition.

Cet engagement fort expose nos opérateurs publics et les place en première ligne face aux menaces. Ils sont ainsi régulièrement visés par les cyberattaques. On se souvient particulièrement de celle qui a visé TV5 Monde en 2015. Il s'agit désormais d'un phénomène permanent (FMM enregistre près de 300 000 tentatives d'intrusion par mois et en a subi jusqu'à 400 000 par jour entre mai et juillet 2019). Tout récemment, FMM et TV5Monde ont été la cible de piratages et d'un déferlement de messages de haine en provenance de pays musulmans dans le contexte de l'assassinat de Samuel Paty et la polémique sur les caricatures de Mahomet.

Sur le terrain, personnels et correspondants sont des cibles privilégiées, comme l'illustre la situation du journaliste algérien Khaled Dareni, correspondant de TV5 Monde, en prison depuis mars 2020 pour avoir couvert les manifestations contre le pouvoir du mouvement Hirak. Pour les deux opérateurs, la sécurité des équipes est une préoccupation de premier ordre.

Malgré ces risques, les opérateurs de la politique audiovisuelle extérieure continuent à accomplir leurs missions avec beaucoup de détermination et d'engagement, et nous aurions tout intérêt à les soutenir davantage. Car les idées et les projets ne manquent pas, seuls font défaut les moyens pour les concrétiser.

Deux exemples :

FMM souhaiterait pouvoir développer la diffusion en France (en DAB+) de la radio MCD, estimant qu'il serait particulièrement judicieux de rendre accessible cette radio de langue arabe, laïque et républicaine, sur notre propre territoire national.

Par ailleurs, elle a besoin d'être soutenue pour développer un très beau projet, dénommé ENTR, développé en partenariat avec l'opérateur allemand Deutsche Welle, et qui vise à concrétiser l'idée de « plateforme numérique franco-allemande » prévue par le traité d'Aix-la-Chapelle. Il s'agira d'une offre 100% numérique s'adressant aux jeunes Européens entre 18 et 34 ans et qui vise à contribuer à la lutte contre la montée des populismes et au développement du sentiment d'appartenance européen. Ce projet, pour lequel est sollicitée une subvention européenne, doit en effet bénéficier aussi d'apports des différents partenaires. La Deutsche Welle va y mettre 750 000 € grâce à un financement spécifique du ministère allemand des affaires étrangères. FMM, pour sa part, finançait elle-même sa contribution, sans aide supplémentaire. On parle désormais de flécher sur ce projet une partie de la dotation exceptionnelle de 0,5M€ qui sera allouée à FMM dans le cadre du plan de relance. Cela nous semble indispensable afin que l'apport de FMM puisse être en phase avec celui de son partenaire allemand, dans un souci d'équilibre.

Sous réserve que nous puissions des assurances en ce sens -et je propose que nous interrogions le ministre en séance à ce sujet -, serions disposés à donner un avis positif aux crédits des programmes 844 et 847.

M. Christian Cambon, président. - Merci aux rapporteurs pour leur rapport sur ces opérateurs qui jouent un rôle important pour le rayonnement de la France. L'an passé, nous avions manifesté notre désapprobation à l'égard de la baisse des crédits de FMM et nous avions voté un amendement destiné à prélever des crédits à son profit sur le budget de l'AFD. Malheureusement, nous n'avons pas été suivis à l'Assemblée nationale.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, co-rapporteur pour avis. - Mais notre initiative n'a pas été vaine car l'AFD a finalement accepté de subventionner à hauteur de 15 millions d'euros le programme Afri'Kibaaru qui vise à renforcer l'accès à une information fiable dans plusieurs langues africaines. Ainsi, grâce au Parlement, des progrès sont accomplis, même si nous aurions, bien sûr, préféré inscrire cette mesure dans la loi. Cette année encore, il faudra que nous obtenions des assurances, en particulier sur le projet évoqué par mon collègue Jean-Noël Guérini, car il n'est pas normal que la Deutsche Welle obtienne 0, 75 million d'euros et que FMM doive puiser dans ses ressources propres.

M. Christian Cambon, président. - Je souhaite attirer l'attention des rapporteurs sur la manière dont France 24 est perçue dans certains pays ; il m'est arrivé d'être pris à parti à ce sujet par exemple en Egypte ou au Maroc. De surcroît, le nom « France 24 » suggère que c'est la voix officielle de la France qui s'exprime par ce canal. Nous défendons bien sûr la liberté d'expression, mais il faudrait s'assurer que France 24 remplit bien les missions prévues par son cahier des charges.

M. André Gattolin. - En ce qui me concerne, je regarde beaucoup cette chaîne, environ deux heures par jour. Je suis très étonné par l'extrême mansuétude des parlementaires à l'égard de l'audiovisuel extérieur français. J'ai l'impression que les gens qui en parlent ne regardent pas ces médias. Nous avons un problème de stratégie sur le plan technologique. Nous ouvrons en Afrique et en Asie, dans des pays pas toujours démocratiques, des stations FM sous la contrainte gouvernementale. En République Centrafricaine, le ministère des affaires étrangères a dû apporter une rallonge de 1 à 2 millions d'euros pour lutter contre la désinformation russe. La Russie et la Chine diffusent en Afrique et en langue française des médias qui touchent la jeunesse africaine. Les stations FM françaises, elles, ne sont regardées que par les plus de 65 ans. Notre influence est nulle. Il y a une erreur stratégique : l'investissement dans la francophonie est très faible. Je me suis, pour ma part, toujours opposé à la diffusion de France 24 en espagnol tant que nous ne serions pas au niveau en français, en anglais et en arabe. On ne peut demander toujours plus d'argent pour diffuser dans d'autres langues, essayons déjà de bien faire ce qui existe, ce n'est pas le cas aujourd'hui. J'avais, à cet égard, préparé un amendement en vue de l'examen du projet de loi sur la réforme de l'audiovisuel pour obliger FMM à produire au moins 50 % de ses programmes en français.

Quant à la ligne éditoriale, je ne vois pas bien le point de vue français qui serait exprimé dans ces médias. Les journalistes disent ce qu'ils veulent, y compris sur la France. Paradoxalement, le seul média qui donne un point de vue français est TV5 Monde, société dans laquelle la France n'est pas la seule partie prenante. Il faudrait regarder attentivement ce que font les opérateurs de l'audiovisuel public chez nos voisins, tout n'est pas seulement une question d'argent. Par exemple, je constate que nos médias ne s'intéressent pas vraiment à l'Europe et à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, où je siège, je suis régulièrement interviewé par la Deutsche Welle, mais jamais par nos opérateurs. Il faudrait que l'on examine d'un peu plus près les contenus et la cohérence de l'ensemble.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Monsieur le Président, pourriez-vous svp préciser les critiques que vous avez entendues concernant France 24 ?

M. Christian Cambon, président. - Certains responsables gouvernementaux se plaignent d'être la cible de critiques et pensent, en outre, que c'est la voix de la France qui s'exprime.

M. Olivier Cadic. - Je remercie les rapporteurs et salue l'action que notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam a évoquée concernant le soutien de l'AFD. J'abonde dans le sens d'André Gattolin sur le manque de cohérence. Le dénigrement de la France s'inscrit dans la guerre hybride, c'est un enjeu important pour nous. L'outil FMM est essentiel pour lutter contre la désinformation à laquelle se livrent certains médias comme RT à des fins de déstabilisation, mais il nous faut piloter davantage sa stratégie.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, co-rapporteur pour avis. - Je m'inscris en faux contre les critiques sur le manque de stratégie de France 24. Il ne faut pas être naïf, il y a des pays où la polémique est répandue, où l'on vous accuse de soutenir tantôt le gouvernement, tantôt l'opposition. Mais FMM ne prétend pas être la voix politique de la France, mais un outil d'influence et de promotion de certaines valeurs, notamment la liberté d'expression et du dialogue. Il est vrai que certains intervenants invités dans les débats ont parfois des propos peu amènes, j'en ai moi-même fait l'expérience. Il doit y avoir une certaine limite. Mais en ce qui concerne la stratégie et le travail qui est mené, je veux rendre hommage à FMM, en particulier France 24, et à TV5 Monde qui, avec des moyens modestes, jouent un rôle important pour notre rayonnement. Nous ne pouvons que les soutenir et essayer de les défendre sur le plan budgétaire.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable, pour ce qui concerne les programmes 844 et 847, à l'adoption des crédits de la mission « Avances à l'audiovisuel public » dans le projet de loi de finances pour 2021, le groupe socialiste, écologiste et républicain s'abstenant.

La réunion est close à 13 h 05.