Mercredi 17 mai 2023

- Présidence de M. Jean-François Rapin, président -

La réunion est ouverte à 14 heures.

Énergie, climat, transport - Régulation de l'énergie - Examen de l'avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement concernant la protection de l'Union contre la manipulation du marché de gros de l'énergie

M. Jean-François Rapin, président. - La Commission européenne a invité les parlements nationaux à vérifier la conformité au principe de subsidiarité d'une proposition de règlement désignée sous la référence COM(2023) 147 final, qui concerne la protection de l'Union européenne contre la manipulation du marché de gros de l'énergie.

Lors de sa réunion du 13 avril dernier, le groupe « subsidiarité » de notre commission a proposé d'approfondir l'examen de ce texte. Les rapporteurs sur l'énergie pour notre commission, Daniel Gremillet, Claude Kern et Pierre Laurent, s'en sont donc chargés. Je les en remercie. Avant de les laisser nous présenter les conclusions auxquelles ils sont parvenus, je précise bien qu'il s'agit ici de traiter non pas du projet de réforme du marché européen de l'électricité - nous nous pencherons sur le sujet dans quelques semaines -, mais uniquement de ce texte précis consacré à la régulation du marché de gros de l'énergie.

M. Pierre Laurent, rapporteur. - Cette proposition de règlement, qu'il nous revient d'examiner aujourd'hui sous l'angle de la conformité au principe de subsidiarité, a été publiée le 14 mars dans le cadre de la réforme du marché de l'électricité, dont elle constitue en quelque sorte le deuxième volet.

La Commission européenne a finalement présenté en mars dernier, sous la pression de plusieurs États membres, dont la France, une réforme de l'organisation du marché de l'électricité de l'Union européenne, qui a pour objectif déclaré de mieux protéger les consommateurs contre de futures hausses des prix, de réduire l'impact de la volatilité des prix des combustibles fossiles sur les factures d'électricité et d'encourager le développement de nouvelles sources d'énergie pour accélérer la transition énergétique. La Commission européenne souhaite une adoption rapide de cette réforme. Nous aurons l'occasion d'y revenir de manière plus approfondie dans quelques semaines.

La proposition de règlement que nous examinons aujourd'hui vise ainsi à réviser deux règlements, d'une part, celui qui institue une Agence de l'Union européenne pour la coopération des régulateurs de l'énergie (Acer), et d'autre part, le règlement européen relatif à l'intégrité et à la transparence des marchés de gros de l'énergie dit « Remit ».

La proposition de règlement soumise au Sénat au titre de l'examen de sa conformité au principe de subsidiarité vise à aligner plus étroitement la législation portant sur les marchés de gros de l'énergie sur celle qui est relative aux marchés financiers. Elle tend aussi à accroître les pouvoirs de coordination et d'enquête de l'Acer. C'est sur ce dernier point en particulier que nous avons des réserves.

Lors des auditions auxquelles nous avons procédé dans le cadre de la réforme du marché européen de l'électricité, certains acteurs français du secteur nous ont fait part de leur surprise s'agissant des dispositions relatives aux missions et compétences de l'Acer qui figurent dans ce texte. Ils considèrent en effet qu'il s'agit d'une réforme d'envergure à laquelle ils ont été insuffisamment associés et qui ne présente aucun caractère d'urgence. Toutefois, dans le cadre de la consultation publique organisée par la Commission européenne sur cette réforme, plusieurs questions portaient sur la pertinence d'une actualisation des règles de mise en oeuvre du Remit pour l'adapter aux nouvelles réalités du marché.

La crise des prix de l'énergie que connaît le continent européen est essentiellement liée à son approvisionnement énergétique. Certes, le couplage du prix de l'électricité avec celui du gaz a fait l'objet de vives critiques, très légitimes, et l'application du bouclier tarifaire et de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) a pu entraîner des effets d'aubaine. Toutefois, aucun dysfonctionnement majeur en matière d'abus de marché, que ce soit sous la forme d'une menace sur la transparence du marché ou d'une manipulation de marché, n'a été identifié par les autorités de régulation nationales au cours des derniers mois. Les régulateurs nationaux ont d'ailleurs renforcé leur surveillance durant cette période, à l'exemple de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) en France.

La surveillance des marchés de gros de l'énergie est aujourd'hui régie par un règlement européen du 25 octobre 2011, directement applicable à tous les États membres. Ce texte établit des règles interdisant toute pratique abusive susceptible d'affecter le bon fonctionnement de ces marchés, en prenant en compte leurs spécificités.

Depuis 2012, l'Acer assure cette surveillance, en coopération étroite avec les autorités nationales de régulation, en vue de détecter et d'empêcher d'éventuels abus de marché. Elle contribue ainsi à garantir le bon fonctionnement du marché européen du gaz et de l'électricité. Elle joue donc un rôle d'assistance auprès des régulateurs nationaux, lesquels disposent d'un pouvoir d'enquête et de sanction sur ces marchés.

M. Claude Kern, rapporteur. - La proposition de règlement qui nous est soumise tend à faire évoluer les règles de surveillance des marchés de gros de l'énergie, en redéfinissant notamment les compétences de l'Acer. L'Agence disposerait ainsi de pouvoirs de coordination et d'enquête élargis, qui lui conféreraient un rôle central dans la régulation de ces marchés.

En effet, ce texte apporte plusieurs précisions sur le cadre du marché ainsi que sur les règles de circulation des informations et de collecte des données. L'enjeu est de s'adapter aux évolutions des instruments financiers que sont les produits énergétiques de gros, notamment aux nouveaux marchés d'équilibrage de l'électricité, aux marchés couplés et au trading algorithmique, mais aussi d'améliorer la transparence des marchés de gros de l'énergie.

La Commission européenne propose également de renforcer les compétences en matière d'enquête et de poursuite de l'Acer concernant les infractions revêtant une dimension transfrontalière. Cette disposition doit permettre d'instituer un cadre unifié et harmonisé pour prévenir les manipulations de marché et autres infractions au Remit. L'habilitation à mener des enquêtes est aujourd'hui réservée aux autorités de régulation nationales.

La révision des deux règlements Remit et Acer soulève des interrogations quant à sa conformité au principe de subsidiarité, qui est indissociable de celui de proportionnalité. En vertu de ces principes et aux termes des traités, notamment de l'article 194 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui traite de la politique de l'Union dans le domaine énergétique, les règles proposées par la Commission doivent en effet laisser aux États membres suffisamment de marges de manoeuvre pour atteindre les objectifs fixés en matière de suivi et de surveillance du marché de l'énergie pour s'assurer de son bon fonctionnement.

La conformité à ces principes de la proposition de directive COM(2023) 147, telle qu'elle est présentée, nous semble à ce titre discutable.

En effet, les nouvelles attributions qui seraient conférées à l'Agence conduiraient à remettre en cause certaines prérogatives des régulateurs nationaux, plus particulièrement en matière d'enquête et de collecte d'informations. Elles modifieraient significativement les rôles respectifs des régulateurs nationaux et de l'Acer en opérant un transfert de compétences et de responsabilités au profit de cette dernière, sans procéder à une clarification suffisante des prérogatives dévolues à chaque partie prenante.

L'adoption de mesures par l'Union dans le domaine de l'énergie et de la surveillance des marchés de gros doit en effet respecter un équilibre permettant d'assurer une certaine latitude aux États membres et de s'appuyer sur l'expérience acquise par les régulateurs nationaux en matière de contrôle de ces marchés.

La Commission européenne propose ainsi d'habiliter l'Acer à mener des enquêtes, en lui permettant de procéder à des inspections sur place et d'adresser des demandes d'informations aux personnes faisant l'objet d'une enquête - en particulier lorsque les infractions présumées au Remit ont une dimension transfrontalière, mais pas seulement. L'Agence pourrait en effet se substituer aux autorités nationales en cas d'absence de réponse immédiate de celles-ci à une demande qu'elle leur aurait adressée sur des manquements à l'application du Remit. Or la Commission européenne ne détermine pas précisément l'articulation entre les pouvoirs de l'Acer et ceux des régulateurs nationaux dans la détection des potentiels abus de marché ni les modalités de leur coopération. L'Acer serait aussi habilitée à mener des investigations sur des enquêtes déjà ouvertes par une autorité de régulation nationale.

Il convient de souligner que l'Acer exerce, en vertu du cadre législatif actuel, un rôle d'impulsion et de coordination des enquêtes en cas de soupçon d'abus de marché, et qu'elle doit s'en acquitter en coopération avec les autorités de régulation nationales.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - En vertu du principe de subsidiarité, il paraît donc essentiel de préserver les pouvoirs d'investigation et de sanction attribués aux régulateurs nationaux pour intervenir sur les marchés de gros de l'énergie sur le plan national. Ils ont en effet acquis une expérience en la matière et sont plus à même, en raison de leurs fines connaissances de ces marchés, d'en assurer la surveillance. Le pouvoir d'enquête et de poursuite sur un acteur de marché de l'énergie doit donc demeurer une prérogative des autorités de régulation nationales.

La Commission européenne envisage également de nouvelles obligations en matière de transmission des projets de décisions de sanctions par les autorités réglementaires nationales. Ainsi, elles seraient tenues d'informer l'Acer de la prochaine adoption d'une décision finale sur une infraction au Remit, au plus tard dans les trente jours précédant cette délibération. Dans ce cadre et aux fins de publication de la décision, elles devraient lui fournir un certain nombre d'éléments relatifs au dossier d'instruction. Force est de noter que la réglementation actuelle permet déjà à l'Acer d'être informée rapidement par les régulateurs nationaux en cas de soupçon d'infractions au Remit.

Il existe ainsi un risque de perturber et d'affaiblir la procédure de poursuite et de sanctions mise en oeuvre par les autorités nationales, ce qui serait de nature à remettre en cause leurs responsabilités en matière d'application des interdictions prévues par le Remit et de divulgation des sanctions imposées.

Je tiens à souligner de nouveau que l'Acer est une instance de coopération et de coordination entre les régulateurs nationaux, et non un organe de contrôle au niveau européen.

Cette proposition de communication des projets de décisions de sanctions pourrait remettre en question le principe du secret des délibérations et porter atteinte au principe d'indépendance des autorités réglementaires nationales, garanti par les directives du troisième paquet « Énergie ». À ce titre, elle n'apparaît pas conforme au principe de subsidiarité.

Enfin, la Commission européenne propose de rendre contraignantes les orientations et recommandations édictées par l'Acer à l'intention des autorités nationales ou des acteurs de marché par un processus de « name and shame ».

Ces lignes directrices pourraient être publiées sans avoir nécessairement fait l'objet d'une concertation préalable des parties intéressées auxquelles il serait ensuite demandé de s'y conformer. Par ailleurs, chaque autorité de régulation nationale devrait informer l'Acer de son intention ou de sa non-intention de s'y plier, et, dans ce dernier cas, en préciser les raisons. Le non-respect de ces orientations ou recommandations donnerait lieu à une publication par l'Agence qui pourrait aussi en indiquer les motivations.

La procédure retenue par la Commission semble remettre en cause les principes de subsidiarité et de proportionnalité. Cette disposition serait en effet de nature à permettre à l'Acer de produire des normes qui s'imposeraient aux régulateurs nationaux et aux acteurs de marché, en dehors des nécessités liées à son fonctionnement et à l'exercice de ses missions d'assistance aux autorités de régulation nationales et de coordination de leurs actions.

Cette mesure conduirait ainsi à conférer à l'Acer un rôle de superviseur à l'échelle de l'Union européenne qui ne paraît pas conforme au principe de proportionnalité et qui remet de fait en cause l'indépendance des autorités de régulation nationales.

En conséquence, plusieurs dispositions proposées par ce texte, dans le but affiché d'harmoniser les règles de protection contre les manipulations de marché sur le marché de gros de l'énergie au niveau européen, nous semblent enfreindre les principes de subsidiarité et de proportionnalité. Elles induisent en l'occurrence un transfert de compétences des régulateurs nationaux au profit de l'Acer qui risquerait de fragiliser leur indépendance et d'affaiblir leur rôle au niveau national.

C'est pourquoi nous vous soumettons la proposition de résolution portant avis motivé qui vous a été transmise.

M. Jacques Fernique. - Si la proposition de règlement portée par la Commission européenne soulève effectivement des interrogations quant au respect du principe de subsidiarité, marque une carence en matière de consultation des acteurs concernés et souffre d'un défaut d'étude d'impact, le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires n'est pas en accord avec plusieurs des arguments développés dans cette proposition de résolution.

Le fait que les marchés de gros servent de repère pour les prix de détail reporte sur le consommateur final la volatilité des prix, alors que les marchés de détail devraient le protéger. De plus, les marchés de gros ne sont pas réglementés par les textes européens. Mettre en place une régulation plus exigeante pour corriger les défaillances que l'on rencontre, impliquant des règles prudentielles - au même titre que celles qui sont déployées à l'égard des banques -, ainsi qu'une meilleure coopération et une plus grande transparence à l'échelon européen nous semblerait une évolution positive. La Cour des comptes européenne (CCE) estime d'ailleurs que, en raison de cadres réglementaires, de taxes et de prix de gros différents dans les 27 États membres, le marché européen de l'électricité est insuffisamment intégré et ne permet pas de fournir une énergie bon marché. Les producteurs d'énergie exploitent toutes ces lacunes, particulièrement depuis l'agression russe en Ukraine. Pour ces raisons, nous sommes plutôt favorables au renforcement des attributions de l'Acer et ne voterons donc pas en faveur de la proposition de résolution.

M. Didier Marie. - Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra pour sa part la proposition de résolution. Les éléments présentés par la Commission visent, sans que l'on comprenne pourquoi, à modifier un système qui fonctionne plutôt bien. L'ampleur de la révision des règlements Remit et Acer aurait effectivement nécessité une concertation approfondie et plus de temps. En outre, il semblerait qu'il n'y ait pas eu de manipulation significative du marché pendant la période récente, y compris pendant les fortes tensions sur les prix.

Néanmoins, la question de la relation entre l'Acer et les autorités nationales se pose. Nous pouvons nous demander s'il sera nécessaire, à terme, de conserver les 27 instances nationales existantes. Au vu de l'importance des problèmes énergétiques pour l'ensemble de l'Union, une plus grande solidarité et une coordination renforcée paraissent nécessaires, ainsi qu'une plus grande vigilance sur les futures évolutions du marché. Tout cela méritera donc d'être rediscuté. Pour autant, on peut se demander si le texte qui fait l'objet de la présente proposition de résolution ne survient pas un peu trop rapidement, alors même que la refonte du marché européen de l'énergie est en discussion.

M. Pierre Laurent, rapporteur. - Nous approfondirons effectivement la question de la réforme du marché européen de l'énergie dans quelques semaines. Les fortes tensions survenues sur les prix en l'absence de manipulation du marché montrent bien que les problèmes actuels du marché ne tiennent pas seulement à la qualité de la régulation en place. Il y aura donc des sujets de fond à examiner.

Cependant, ne pas adopter la présente proposition de résolution reviendrait à laisser passer une réforme qui procède à d'importants transferts de compétences, sans aucune étude d'impact et sans un échange approfondi avec les principaux régulateurs nationaux. Au moment où nous allons entrer dans des observations sur le marché européen de l'énergie, cela ne paraît pas raisonnable.

M. Claude Kern, rapporteur. - Le rôle de supervision des régulateurs nationaux que la Commission européenne souhaite accorder à l'Acer n'est, en outre, pas conforme au principe de proportionnalité.

M. Daniel Gremillet, rapporteur. - Il aurait été plus judicieux d'avoir cette discussion après l'examen de la réforme du marché de l'énergie. Laisser passer une telle proposition de règlement serait une erreur, car cela nous mettrait en situation de faiblesse, ce qui ne serait pas de bon augure quant aux débats à venir sur cette dernière question. La pertinence de conserver 27 régulateurs nationaux est effectivement discutable.

La commission adopte la proposition de résolution européenne portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité, disponible en ligne sur le site du Sénat.

Proposition de résolution européenne relative aux propositions de règlement du Parlement européen et du Conseil portant réforme du marché de l'électricité de l'Union

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l'article 194, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE),

Vu la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite loi NOME,

Vu la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, dite loi Énergie-Climat,

Vu la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, dite loi Pouvoir d'achat,

Vu le règlement (UE) n° 1227/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'intégrité et la transparence du marché de gros de l'énergie,

Vu la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables,

Vu le règlement (UE) 2019/942 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 instituant une agence de l'Union européenne pour la coopération des régulateurs de l'énergie,

Vu le règlement (UE) 2019/943 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 sur le marché intérieur de l'électricité,

Vu la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et modifiant la directive 2012/27/UE,

Vu le règlement (UE) 2021/1119 du Parlement Européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) 401/2009 et (UE) 2018/1999 (« loi européenne sur le climat »),

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil, le règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil et la directive 98/70/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne la promotion de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, et abrogeant la directive (UE) 2015/652 du Conseil, COM(2021) 557 final,

Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 13 octobre 2021 intitulée « La lutte contre la hausse des prix de l'énergie : une panoplie d'instruments d'action et de soutien », COM(2021) 660 final,

Vu la résolution du Sénat n° 47 (2021-2022) du 7 décembre 2021 sur l'inclusion du nucléaire dans le volet climatique de la taxonomie européenne des investissements durables,

Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 18 mai 2022 intitulée « Plan REPowerEU », COM(2022) 230 final,

Vu les déclarations de la Présidente de la Commission européenne lors d'une conférence donnée au forum stratégique de Bled, en Slovénie, les 29 et 30 août 2022, et son discours sur l'état de l'Union devant le Parlement européen, à Strasbourg, le 14 septembre 2022,

Vu le règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022 sur une intervention d'urgence pour faire face aux prix élevés de l'énergie,

Vu le règlement (UE) 2022/2577 du Conseil du 22 décembre 2022 établissant un cadre en vue d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables,

Vu le règlement (UE) 2022/2578 du Conseil du 22 décembre 2022 établissant un mécanisme de correction du marché afin de protéger les citoyens de l'Union et l'économie contre des prix excessivement élevés,

Vu la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2023 modifiant les règlements (UE) nº 1227/2011 et (UE) 2019/942 afin d'améliorer la protection de l'Union contre la manipulation du marché de gros de l'énergie, COM(2023) 147 final,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2023 modifiant les règlements (UE) 2019/943 et (UE) 2019/942 ainsi que les directives (UE) 2018/2001 et (UE) 2019/944 afin d'améliorer l'organisation du marché de l'électricité de l'Union, COM(2023) 148 final,

Vu la recommandation de la Commission européenne du 14 mars 2023 relative au stockage de l'énergie -- « Soutenir un système énergétique de l'UE décarboné et sûr » (2023/C 103/01),

Vu le projet de loi n°117, adopté le 16 mai 2023, dans les conditions prévues à l'article 45, alinéa 3, de la Constitution, par l'Assemblée nationale, relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes,

Vu la résolution du Sénat portant avis motivé n° 111 (2022-2023) du 22 mai 2023 sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) n° 1227/2011 et (UE) 2019/942 afin d'améliorer la protection de l'Union contre la manipulation du marché de gros de l'énergie - COM(2023) 147 final,

Considérant que la crise des prix de l'énergie qu'a connue l'Union européenne à la suite de la reprise économique consécutive à la pandémie de Covid-19, et qui s'est aggravée avec la guerre menée par la Russie contre l'Ukraine, est essentiellement une crise liée à l'approvisionnement énergétique du continent européen ;

Considérant que la crise des prix de l'électricité a révélé les faiblesses du fonctionnement actuel du marché européen de l'électricité qui ne permet pas de faire émerger un signal de prix de long terme, pourtant nécessaire pour orienter les investissements vers la production d'électricité à partir de sources d'énergies décarbonées ;

Considérant que les prix sur le marché de gros de l'électricité sont déterminés par le coût de production de la dernière centrale appelée, qui est le plus souvent une centrale à gaz ou à charbon, soit, par conséquent, par le prix des combustibles fossiles ;

Considérant que le système actuel a exposé les consommateurs à la hausse très importante des prix de gros de l'électricité et que les gouvernements nationaux ont, de ce fait, dû adopter des mesures spécifiques pour atténuer l'augmentation soudaine et durable des factures d'électricité ;

Considérant que les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'au moins 55 % en 2030, par rapport à 1990, et d'atteinte de la neutralité carbone à l'horizon 2050, nécessitent le développement de moyens de production électrique décarbonée pour assurer l'électrification des usages et des procédés ;

Considérant, en conséquence, que la forte hausse des prix des énergies, le modèle de formation des prix de gros de l'électricité et son impact sur les prix de détail, ainsi que les objectifs de la transition énergétique et climatique qui orientent la stratégie industrielle européenne appellent à réformer en profondeur le marché européen de l'électricité ;

Considérant les enjeux de sécurité d'approvisionnement électrique sur le long terme qui nécessitent de favoriser et d'optimiser les échanges transfrontaliers d'électricité et de préserver le système électrique européen de tout risque de défaillance ;

Considérant la nécessité de préserver et de renforcer la compétitivité industrielle de l'Union, en garantissant plus particulièrement la stabilité et la prévisibilité des prix des énergies ainsi la souveraineté de chaque État membre dans la détermination de son mix énergétique ;

Considérant que l'article 194 du TFUE reconnaît que les mesures prises dans le domaine de l'énergie ne doivent pas porter atteinte au droit d'un État membre de déterminer les conditions d'exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d'énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique ;

Sur l'organisation du marché de l'électricité de l'Union

Accueille favorablement la proposition de la Commission européenne de réformer l'organisation du marché de l'électricité de l'Union qui, sans remettre en cause le fonctionnement de ce marché et ses fondamentaux, encourage le développement d'un marché de long terme et doit faciliter les investissements dans les technologies décarbonées ;

Déplore que les dispositions prévues ne permettent pas de prévenir tout risque de répercussion à court terme d'une nouvelle hausse des prix du gaz sur le prix de l'électricité ; souligne, à ce titre, que la réforme envisagée n'aura pas d'impact sur le marché de court terme et que le principe de tarification au prix marginal sur le marché de gros, couplant dans les faits le prix de l'électricité avec celui du gaz, est conservé ;

S'interroge sur la nécessité de procéder conjointement à une révision de la législation relative à la protection contre les manipulations de marché de l'énergie ;

Estime que la réforme de l'organisation du marché européen de l'électricité doit poursuivre trois objectifs : garantir aux consommateurs une protection contre la volatilité des prix des énergies et un bénéfice dans les investissements réalisés dans les sources d'énergies décarbonées, contribuer à renforcer la compétitivité de l'économie européenne face à la concurrence internationale et concourir à la transition énergétique en préservant la neutralité technologique entre les différentes sources d'énergies décarbonées ;

Rappelle que cette réforme doit garantir la compétence des États membres dans la définition de leur bouquet énergétique et assurer à l'énergie nucléaire et à l'hydrogène en étant issu, piliers de notre sécurité d'approvisionnement électrique, une complète neutralité technologique ;

Estime essentiel de faire bénéficier l'ensemble des consommateurs, ménages, entreprises et collectivités, de la compétitivité de l'électricité nucléaire décarbonée produite en France ;

Demande que les factures d'électricité des consommateurs soient moins dépendantes des prix de marché de court terme et reflètent mieux les coûts de production de l'électricité ; estime nécessaire d'apporter une solution globale et pérenne à tous les consommateurs, ménages, entreprises et collectivités, pour les protéger des hausses de prix de l'électricité ;

Soutient que l'adoption de la proposition de règlement sur l'organisation du marché européen de l'électricité par le Conseil et le Parlement européen doit intervenir au plus tôt et avant la fin du mandat de la Commission européenne, d'autant que l'entrée en vigueur de la réforme nécessitera des mesures de transpositions et d'adaptations par les États membres et que, par conséquent, ses effets ne seront pas perceptibles rapidement ;

Estime nécessaire d'évaluer régulièrement les effets économiques et sociaux qu'aura la réforme sur le fonctionnement du marché européen de l'électricité ;

Sur le fonctionnement du marché de l'électricité de l'Union

Considérant que le marché intérieur de l'électricité permet d'assurer en continu la sécurité d'approvisionnement électrique en Europe à un coût compétitif et que les interconnexions protègent les consommateurs contre les coupures d'électricité et peuvent aussi être génératrices d'excédents commerciaux pour les États membres ;

Considérant que les États membres pourront introduire des mécanismes de capacité pour promouvoir les solutions de flexibilité pour les sources d'énergies décarbonées ;

Considérant que les dispositions relatives au régime d'aide à la flexibilité doivent permettre de renforcer la sécurité d'approvisionnement électrique ;

Estime que les mécanismes de capacité doivent rester optionnels et que l'évaluation des besoins en flexibilité doit être réalisée au niveau des États membres et selon les modalités définies par ces derniers ;

Suggère que les échéances sur les droits aux interconnexions soient prolongées ;

Souhaite que soit procédé, avant de décider de leur création, à une évaluation de la faisabilité technique des plateformes virtuelles et de la gestion de l'équilibrage à trente minutes pour le marché à terme, compte tenu des incertitudes techniques liées à leur faisabilité et à leur efficacité ;

Appelle à consolider la compétence des États membres pour mieux réguler les autorisations de fourniture d'électricité, dont les obligations de couverture, et les opérations de courtage ;

Sur le financement des investissements nécessaires à la transition énergétique

Considérant que les propositions de la Commission européenne sont essentiellement ciblées sur le développement d'un marché de long terme, en encourageant le déploiement de contrats à plus long terme pour la production d'électricité à partir de sources d'énergies décarbonées ;

Considérant que les producteurs d'électricité doivent pouvoir disposer d'une visibilité à long terme sur les prix de valorisation de leur production afin de favoriser les investissements dans des installations de production d'électricité à partir de sources d'énergies décarbonées ;

Considérant que le développement d'un marché de long terme doit permettre de garantir la protection des consommateurs contre une trop grande volatilité des prix et concourir à la compétitivité de l'industrie européenne ;

Considérant que le cadre règlementaire actuel n'encourage pas le développement de contrats à long terme en limitant les incitations à y souscrire pour les consommateurs et les fournisseurs ;

Soutient l'ambition de la Commission européenne de faire émerger un marché de long terme, dans le cadre de contrats de gré à gré visant à renforcer le marché à terme, tels que les Power Purchase Agreements (PPA), les Contracts for Difference (CfD) ou les forwards, afin de financer les investissements productifs dans les énergies renouvelables et nucléaire ;

Préconise d'allonger la durée des forwards, de conserver un soutien par tarifs d'achat et d'autoriser un système de garanties publiques ;

Propose d'appliquer aux réseaux de distribution d'électricité un encadrement des délais de raccordement similaire à celui des réseaux de transport ;

Appelle à garantir un niveau de ressources suffisant aux gestionnaires des réseaux de distribution et de transport d'électricité et aux collectivités territoriales ;

Sur les accords d'achat d'électricité

Considérant les facilités accordées aux États membres par la Commission européenne pour permettre le déploiement dans l'Union des Power Purchase Agreements (PPA) garantissant aux entreprises des prix plus stables, susceptibles d'encourager la production d'énergies renouvelables ;

Considérant que le prix des PPA pourrait être fixé par anticipation des prix de marché à moyen terme et pourrait, en conséquence, refléter le prix de moyen terme des combustibles fossiles qui devraient encore être utilisés ;

Considérant que les PPA ont déjà été mis en oeuvre en France pour la production d'énergies renouvelables ;

Fait valoir le rôle des PPA pour assurer la compétitivité de l'industrie européenne à l'égard de la concurrence internationale et le respect des engagements européens en matière de décarbonation ;

Préconise que les PPA puissent être conclus pour la production d'électricité à partir de toutes les sources d'énergies décarbonées, nucléaire comme renouvelables, ainsi qu'à l'hydrogène, d'origine nucléaire comme renouvelable ;

Appelle à garantir la compétence des États membres dans la définition du champ et des modalités des PPA, à veiller à leur caractère rentable, à allonger leur durée, à élargir la liste de leurs possibles bénéficiaires et à envisager leur utilisation dans le cadre du soutien aux industries exposées à la concurrence internationale ;

Estime nécessaire que l'ensemble des acteurs de marché, indépendamment de leur taille, puissent être en mesure de bénéficier de ces instruments de long terme, et notamment que le recours aux PPA ne soit pas réservé aux seules industries électro-intensives ;

Considère que les outils que sont les PPA ne constituent pas à eux seuls des moyens suffisants pour assurer une meilleure adéquation des prix de l'électricité avec les coûts réels de production, en particulier de production d'une électricité issue de l'énergie nucléaire, d'autant que la couverture par les PPA d'une importante partie de la production ne pourra se réaliser que progressivement ;

Suggère qu'une part des recettes tirées des PPA par les producteurs puisse être redistribuée au profit des consommateurs ;

Invite à envisager une extension de ces mécanismes au gaz et à la chaleur renouvelables ;

Sur les contrats pour différence

Considérant que la Commission européenne propose de recourir aux Contracts for Difference (CfD) « bidirectionnels », à prix garanti par l'État, pour encourager les nouveaux investissements dans la production d'électricité de sources d'énergies décarbonées ;

Considérant que les CfD assurent aux producteurs une rémunération garantie et aux consommateurs une stabilité des prix sur le long terme ;

Considérant que les CfD ont déjà été mis en oeuvre en France pour la production d'énergies renouvelables ;

Considérant que la Commission européenne prévoit que les recettes excédentaires perçues auprès des producteurs soumis à des CfD seront reversées à tous les consommateurs finaux, tout en veillant à la mise en place d'incitations à la maîtrise de la consommation, notamment aux heures de pointe ;

Estime que les CfD sont des instruments efficaces pour contribuer à la stabilité des prix de l'électricité payés par l'ensemble des consommateurs, rapprocher les factures des consommateurs des coûts de production de long terme et favoriser les investissements dans la transition énergétique et climatique ;

Se félicite que les nouveaux investissements financés par des fonds publics dans la production d'électricité de sources d'énergies décarbonées, y compris nucléaire, puissent bénéficier des CfD ;

Appelle à ce que les CfD puissent s'appliquer à tous les investissements réalisés dans la production d'électricité à partir d'énergie nucléaire, y compris le fonctionnement des installations de production et l'innovation leur sein, et de toutes sources d'énergies renouvelables (énergie hydraulique, énergie marine, énergie biomasse...) ainsi que dans l'hydrogène, d'origine nucléaire comme renouvelable ;

Appelle à ce que les CfD prennent en compte le cycle de vie des différents actifs ;

Demande qu'il soit effectivement prévu que les CfD s'appliquent aux investissements réalisés pour l'extension de la durée de vie des installations de production d'électricité à partir d'énergie nucléaire ;

Estime nécessaire de garantir la compétence des États membres dans la définition du champ et des modalités des CfD, de veiller à leur caractère volontaire et de considérer leur utilisation dans le cadre de la nouvelle régulation de l'énergie nucléaire ;

Approuve qu'une part des recettes excédentaires perçues auprès des producteurs soumis à des CfD puisse être redistribuée au profit des consommateurs ;

Invite à envisager une extension de ces mécanismes au gaz et à la chaleur renouvelables ;

Sur les mesures visant à protéger les consommateurs particuliers et professionnels

Sur les mesures de protection des consommateurs finaux

Considérant que la Commission européenne propose que les consommateurs puissent avoir accès à un large éventail d'offres de fourniture d'électricité et que les ménages en situation de précarité énergétique ou les clients vulnérables soient mieux protégés ;

Demande que la définition des ménages en situation de précarité énergétique ou des clients vulnérables relève de la compétence des États membres ;

Estime nécessaire de promouvoir les contrats les plus protecteurs des consommateurs, que ce soit à prix fixe ou pluriannuel, dont les tarifs réglementés de vente d'électricité ;

Suggère de rendre optionnels pour les consommateurs les contrats à tarification dynamique ;

Souhaite que les diminutions de puissance soient privilégiées aux interruptions de fourniture, en cas d'impayés de facturation des ménages en situation de précarité énergétique ou des clients vulnérables ;

Préconise de pérenniser et d'assouplir les interventions publiques ciblées dans la fixation des prix, au-delà des crises, pour les ménages, les PME-TPE, les collectivités territoriales et les associations ;

Appelle à ce que les dispositions prévues pour les TPE par les règlement et directive sur l'organisation du marché de l'électricité soient systématiquement étendues aux PME ;

Appelle à garantir aux fournisseurs de secours et aux collectivités territoriales un niveau de ressources suffisant ;

Invite à envisager une extension des mesures de protection des consommateurs aux contrats de fourniture de gaz ;

Sur la reconduction des prix de détail réglementés pour les ménages et les PME en cas de crise des prix de l'électricité

Considérant que la Commission européenne propose de permettre aux États membres de reconduire les prix de détail réglementés pour les ménages et les PME en cas de crise des prix de l'électricité au niveau régional ou à l'échelle de l'Union ;

Considérant que la déclaration de situation de crise relèverait de la Commission et serait fondée sur des critères très restrictifs ;

Estime que la décision de qualifier une situation de crise des prix de l'électricité ne doit pas relever de la Commission européenne mais doit ressortir des États membres ;

Demande que les critères requis pour déclarer une situation de crise des prix de l'électricité soient assouplis en termes d'intensité et de durée prévisible de hausse des prix de l'électricité ;

Sur l'évolution des règles de surveillance des marchés de gros de l'électricité

Considérant que la Commission européenne prévoit de renforcer le rôle de l'Agence de l'Union européenne pour la coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) en matière de surveillance des marchés de gros et d'étendre ses compétences, notamment en matière d'enquêtes en lui accordant des pouvoirs d'investigation et de poursuite, dans un contexte transfrontalier ou en cas d'absence d'intervention de l'autorité de régulation nationale, sur les manquements à l'application du règlement REMIT ;

Considérant que l'ACER a pour mission de faciliter la coopération entre les régulateurs nationaux de l'énergie et d'assurer un fonctionnement efficace et cohérent du marché de l'énergie ;

Considérant que l'ACER dispose déjà de prérogatives pour impulser et coordonner des enquêtes en cas de soupçon d'abus de marché, qu'elle doit exercer en coopération avec les régulateurs nationaux ;

Estime qu'en raison de leur expérience et de leur fine connaissance du marché de gros de l'énergie au plan national, les autorités de régulation nationales doivent conserver les moyens d'enquête et de sanction actuellement à leur disposition pour lutter efficacement contre toute atteinte à l'intégrité et à la transparence des marchés de gros de l'énergie, dans le respect du principe de subsidiarité ;

Considère que l'édiction d'observations et de recommandations par l'ACER ne doit pas avoir un caractère contraignant et que les États membres et leurs autorités de régulation nationales doivent conserver la responsabilité de leur propre réglementation énergétique ;

Demande que les mesures liées à la surveillance des marchés de gros de l'énergie préservent les moyens d'action et l'indépendance des autorités de régulation et des juridictions nationales ;

Conteste, à ce titre, le transfert de compétences des régulateurs nationaux vers l'ACER ;

Sur le stockage de l'énergie

Considérant que la Commission européenne invite les États membres à utiliser les outils existants et à adapter leur réglementation afin de favoriser la flexibilité du système énergétique et notamment le stockage ;

Considérant qu'en 2030, 69 % de la production électrique de l'Union européenne devraient provenir de sources renouvelables et que l'électrification des usages et des procédés devrait très fortement croître ;

Considérant les opportunités de développement des technologies de stockage de l'électricité dans le futur ;

Préconise d'intégrer toutes les sources d'énergies décarbonées, qu'elles soient renouvelables ou nucléaire, et toutes les formes de stockage de l'énergie (batterie, hydrogène, hydroélectricité, méthanisation...) ;

Suggère de faire bénéficier les projets de stockage de l'énergie des outils de soutien de financement nouveaux (PPA, CfD...) ou existants (taxation de l'énergie, tarifs d'accès aux réseaux, projets importants d'intérêt européen commun - PIIEC...) ;

Demande que soit privilégié un critère lié aux émissions de CO2, plutôt qu'un critère sur les technologies vertes, pour la sélection des projets de stockage de l'énergie ;

Propose d'associer les propriétaires publics des réseaux et des logements à la mise en oeuvre des projets de stockage de l'énergie ;

Souligne la nécessité de considérer l'ensemble de la chaîne de valeur des projets de stockage de l'énergie pour apprécier leur impact en termes d'approvisionnement en minerais et métaux, de relocalisation de la production, et de recyclage des déchets ;

Invite à envisager une extension des solutions recommandées par la Commission européenne au gaz et à la chaleur renouvelables ;

Invite le Gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations en cours et à venir au Conseil.

- Présidence de M. Alain Cadec, vice-président -

Institutions européennes - Mission d'observation électorale en Turquie au titre de l'AP-OSCE - Communication

M. Alain Cadec, président. - Notre collègue Jean-Yves Leconte va nous rendre compte de la mission d'observation électorale à laquelle il a participé en Turquie ces derniers jours au titre de l'assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (AP-OSCE), pour le premier tour des élections.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. - J'étais en effet présent pour le premier tour des élections présidentielles et pour les élections législatives qui ne donnaient lieu qu'à un seul tour. La coalition sortante a conservé sa majorité.

En juillet 2018 s'est déroulée la première élection générale en Turquie après le passage d'un régime primo-ministériel à un régime présidentiel, avec l'élection du président Recep Tayyip Erdoðan et d'une majorité de coalition entre son parti, l'AKP (Adalet ve Kalkýnma Partisi, parti de la justice et du développement) et le MHP (Milliyetçi Hareket Partisi, parti d'action nationaliste), un parti ultranationaliste.

Début janvier, il a été annoncé que les élections se tiendraient en mai et non en juin. Le premier tour s'est déroulé dimanche 14 mai dernier, pour élire les 600 membres de la Grande assemblée nationale de Turquie. Les coalitions doivent dépasser 7 % des suffrages pour disposer de sièges à cette assemblée, avec une répartition faite selon un scrutin proportionnel.

Trois hommes étaient candidats à la présidentielle : le sortant Recep Tayyip Erdoðan, le candidat de l'opposition Kemal Kýlýçdaroðlu qui a recueilli 44,38 % des voix et un candidat ultranationaliste, Sinan Ogan, qui a obtenu un peu plus de 5 % des voix.

En même temps, on comptait 13 037 candidats aux législatives, dont 25 % de femmes. En Turquie, il y a 64,4 millions d'inscrits sur les listes électorales, dont 3,4 millions qui votent en dehors du territoire national, dans des postes diplomatiques et consulaires et aux frontières. Plus de 2 millions de personnes déplacées en raison du séisme ont dû revenir sur leur lieu de résidence ; on estime qu'un demi-million de personnes ont pu voter ailleurs.

Le Conseil électoral suprême (SEC) organise le processus électoral, qui est réparti par province avec 85 PEC (commissions électorales de province), par district avec 1 095 commissions électorales de district, et 204 353 « commissions de l'urne ». Ce sont de petits bureaux de vote, rassemblant en moyenne 300 électeurs, avec un ou deux isoloirs maximum, et une commission électorale comportant peu de membres. Cela permet de tenir des élections avec moins de moyens que dans d'autres pays. Plusieurs petits bureaux de vote étaient parfois réunis dans une même école.

La mission d'observation électorale de l'AP-OSCE rassemblait 28 observateurs de long terme sur tout le territoire turc, 213 observateurs de court terme du Bureau international de la démocratie et des droits de l'homme (BIDDH) de l'OSCE, et 90 parlementaires de l'AP-OSCE auxquels s'ajoutaient 39 parlementaires de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE).

Il importe de rappeler que ces élections ont été organisées après le séisme. Même si certains maires, y compris de l'AKP, pouvaient se plaindre de la désorganisation de l'État, cela n'a sans doute pas changé le résultat du vote. De nombreux pays présentés comme des ennemis de la Turquie ou se présentant comme ne tenant pas compte de la Turquie ont, par une sorte de « diplomatie du séisme », montré leur empathie. Ce terrible cataclysme qui a touché le sud de la Turquie et la Syrie a causé 50 000 morts, ravagé des territoires entiers et endeuillé presque toutes les familles turques. L'Union européenne, et en particulier la France et la Grèce, mais aussi l'Arménie, se sont mobilisées pour accompagner la population turque dans cette épreuve.

Le débat politique en Turquie est très violent, particulièrement depuis quelques semaines. Beaucoup craignaient des violences et des contestations des résultats en cas de victoire de l'opposition. Le chef du parti ultranationaliste membre de la coalition avec Erdoðan a même menacé des membres de l'opposition d'une balle dans la tête et de prison après les élections.

Le contexte migratoire était aussi pesant ; il a notamment été utilisé par l'opposition, qui demandait le départ des réfugiés syriens. Cela explique la nouvelle orientation de la politique turque vis-à-vis de la Syrie.

Ces élections se tenaient également sur le fond de difficultés économiques majeures, avec un gouvernement ayant retrouvé une majorité, en s'engageant à crédit sur l'augmentation des retraites et des salaires des fonctionnaires, et une annulation des factures de gaz, tout en ne payant plus le gaz à la Russie depuis longtemps. Ces difficultés risquent de se multiplier.

Nous avions oublié combien une bonne partie de la population se souvient des premières années de l'AKP, qui a permis une libéralisation du pays et l'augmentation significative du niveau de vie dans les années 2000. Les personnes d'une soixantaine d'années sont attachées à cette majorité et sensibles à la propagande matraquée par le gouvernement sur ses réussites.

On pouvait espérer que les six millions de primo-votants feraient la différence, mais ils n'ont pas suffi. La différence de comportement entre le vote urbain et celui des campagnes se retrouve dans l'ensemble des démocraties. Une fois constaté l'échec de l'opposition aux législatives, nous avons entendu des critiques sur une opposition unie pendant la campagne mais sans réserve de voix pour progresser, et unie uniquement par la volonté de remplacer le président, compte tenu des évolutions problématiques de l'État de droit. Cette campagne s'est déroulée dans un contexte de mise au pas de la justice depuis longtemps, marquée par le refus parfois opposé aux avocats d'assister leur client, ou des restrictions de liberté pour des opposants politiques. Un leader du HDP (Halklarýn Demokratik Partisi, parti démocratique des peuples), majoritaire au sud-est du pays, est en prison malgré les injonctions de la Cour européenne des droits de l'homme. En raison de la menace d'interdiction de ce parti, il s'est présenté avec un nouveau nom pour réussir à avoir des candidats jusqu'au bout. Ses observateurs se présentaient sous couvert du parti républicain du peuple (CHP) de Kiliçdaroglu.

Enfin, les médias officiels ou para-officiels ont mené une campagne sans aucun équilibre en faveur du gouvernement sortant.

Toutefois, la mobilisation d'organisations non gouvernementales (ONG) et de la société civile a été significative lorsque des fake news relayées par l'AKP étaient publiées par les réseaux sociaux.

Sur un temps de vote relativement court - de 8 heures à 17 heures -, deux heures avant la fin du scrutin, la participation atteignait déjà 80 % ; elle a été finalement de 87 %. On comprend pourquoi il y a de petits bureaux. Dans la zone kurde, au sud-est du pays, les gens nous disaient qu'il n'y avait pas d'autre manière de combattre que de voter ! C'est l'un des paradoxes de cette élection.

J'en relève deux autres : malgré une situation problématique en matière d'État de droit et le manque de confiance d'une partie des acteurs politiques dans cet État de droit, ceux-ci respectent toujours les institutions ; même si la justice n'était pas indépendante et la campagne déséquilibrée, l'opposition croyait à la victoire.

J'ai constaté des comportements patriarcaux compliqués : certains hommes estimaient normal d'aller dans l'isoloir avec leur mère, leur femme, leur tante... Nous essayions de l'empêcher, mais n'y arrivions pas toujours. Les observateurs de l'AKP étaient parfois plus nombreux dans les bureaux de vote et plus directifs, avec l'aide de la police, que les présidents des bureaux de vote.

Au-delà de ces comportements, nous n'avons pas remarqué d'organisation structurelle de fraude, seulement une campagne déséquilibrée et des comportements influençant à la marge les résultats, très tendus.

L'évolution a été significative entre les premiers résultats et les résultats finaux. Selon certains membres de l'opposition, les premières annonces montraient la force du parti au pouvoir et intimidaient, afin que sortent tardivement les résultats favorables pour l'opposition. Est-ce vrai ? Je ne sais.

Lors des dernières élections, il n'y avait pas eu de ballottage. Mais cette fois-ci, la réserve de voix du candidat de l'opposition est faible.

L'ultranationalisme est représenté partout : le candidat du parti qui a fait 5 % est allié avec Erdoðan, et l'opposition est en coalition avec l'e-Parti, une scission du MHP en coalition avec l'AKP, qui est aussi ultranationaliste. Le panorama politique est donc difficile à appréhender.

Je ne sais pas si la Commission européenne est prête pour des évolutions de la Turquie. Le candidat de l'opposition avait prétendu que dans trois mois, il n'y aurait plus de visa pour les Turcs qui voudraient visiter l'Union européenne. J'ignore si cette hypothèse est sérieuse. Les Turcs viennent en tête des demandes de visas pour l'Union européenne, avec 700 000 demandes. Il s'agit de mobilité, mais de plus en plus de Turcs veulent aussi s'installer dans l'Union européenne, considérant qu'il n'y a plus d'avenir dans leur pays. On assiste au même phénomène que dans les Balkans, où les jeunes ne veulent plus rester. Cela doit nous interpeller.

Je ne suis pas sûr que, du côté européen et français comme du côté turc, nous ayons les comportements qui nous permettraient de regarder les choses ensemble. La France est clairement un sujet de politique intérieure turque : toutes nos difficultés en Afrique sont observées avec sarcasme dans la presse turque, mais il faut voir aussi comment la presse française évoque les élections turques ! Tant que nous n'essaierons pas de mieux nous comprendre, nous ne pourrons pas travailler ensemble pour redynamiser l'union douanière, converger autour du Green Deal, ou faire évoluer les questions migratoires. Je ne suis pas sûr que nous soyons capables de répondre aux attentes d'un nouveau président turc.

M. Alain Cadec, président. - Je précise que Jean-Yves Leconte était accompagné de nos collègues André Vallini et Nicole Duranton, ainsi que de députés.

Mme Christine Lavarde. - Comment sont dépouillés les votes réalisés à l'extérieur ? Est-ce que, comme dans certains pays, l'on constate parfois un petit écart entre ce qui est voté à l'étranger et le résultat trouvé à l'ouverture de l'urne ?

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. - Je ne peux retourner en Turquie le 28 mai, mais j'ai demandé de réaliser une observation électorale dans les postes diplomatiques et consulaires. On m'a dit que ce n'était pas programmé. Le dépouillement est fait à Ankara, et on m'a invité à aller là-bas...

Je n'ai pas réussi à obtenir de l'OSCE une réponse précise, et je ne parle pas turc. Il y avait plus de 20 000 bureaux de vote. Les procès-verbaux des bureaux sont affichés sur les portes des salles de classe. Ensuite, les résultats sont publiés par district. Mais je ne sais pas si les résultats sont publiés systématiquement, bureau de vote par bureau de vote. Je reste prudent, faute de réponse satisfaisante.

M. Didier Marie. - Trois millions de votants habitent en dehors du pays. C'est considérable. Les organisations internationales n'ont pas trouvé utile d'aller les observer dans les pays concernés. Nous en avons débattu au sein de l'APCE. Il n'y a pas de mission prévue en Allemagne, où votent 750 000 Turcs, ou en France où ils sont 300 000. Lors des élections précédentes, le président sortant avait obtenu 69 % des voix chez les Turcs de l'étranger. Cela interroge sur l'opportunité de contrôler aussi les élections en dehors du pays.

M. André Gattolin. - Quelle est la qualité des listes électorales, et comment sont vérifiés les votants ? Lorsque le taux de participation est très élevé, nous ne sommes pas sûrs que les procédures de vérification, d'inscription des personnes voire leurs papiers d'identité soient authentiques.

J'ai entendu les responsables du BIDDH et de la mission de l'OSCE : dans leurs observations en amont, beaucoup ont insisté sur la disparité de visibilité médiatique, avec un rapport entre l'AKP et l'opposition qui serait de 1 à 30, voire de 1 à 60 dans le temps de parole télévisuel. Le confirmez-vous ?

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. - Oui, il y a un déséquilibre absolu de traitement.

Mme Nicole Duranton. - Plutôt de 1 à 5...

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. - Le vendredi soir, Recep Tayyip Erdoðan donnait une longue interview de trois heures. Il n'y a absolument pas d'équité de temps de parole dans les médias. Il en est de même sur internet, avec des publicités pour l'AKP dès que vous ouvrez votre ordinateur. Mais à la différence de la Hongrie, l'année dernière, où il n'y avait que des affiches d'Orban et de la Fidesz, on pouvait voir des affiches de tous les candidats.

J'ai demandé à l'OSCE de voir ce qui se passait dans les ambassades, mais nous ne sommes pas invités à le faire. Pourtant, avec 24,6 millions de voix pour l'opposition et 27,1 millions pour le président sortant, les 3,4 millions de votants à l'étranger ont leur importance.

Sénateur des Français de l'étranger, je sais comment nos compatriotes installés hors de France votent. Ils sont sensibles à leur environnement et à la manière dont leur environnement perçoit les différents candidats à la présidentielle. Les communautés turques en Europe savent comment le gouvernement turc est perçu en France, mais ils votent largement pour Erdoðan. Cela s'explique par une certaine fierté de voir ce gouvernement redonner à la Turquie une place dans le monde. Souvent, ces gens ont quitté le pays il y a trente ans pour des raisons économiques ; ils voient l'évolution économique du pays et sont reconnaissants à l'AKP de cette évolution.

M. Claude Kern. - En complément de l'OSCE, les membres de l'APCE sont invités à observer les élections. Ayant participé au comité d'organisation de l'APCE, je confirme qu'il n'est pas possible d'aller observer les bureaux de vote à l'étranger.

M. André Reichardt. - Lorsqu'il y a autant tant de bureaux de vote pour 300 électeurs, y a-t-il un comité électoral ?

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. - Il y a du monde et des observateurs. L'AKP compte 11 millions d'adhérents ; le Parti du peuple, 1,5 million. Une commission électorale vaut pour 300 votants, mais il y a cinq membres dans chaque bureau de vote, qui sont présents durant tout le vote, de même que des observateurs de chaque parti.

La mobilisation est très importante. Quoi qu'ils pensent de l'évolution des institutions du pays, même les plus critiques continuent de jouer le jeu et de respecter les institutions.

M. Alain Cadec, président. - J'avais déposé avec Stéphane Sautarel une proposition de loi sur le vote obligatoire. En Turquie, cela n'en vaudrait pas la peine, avec une participation de 87 % !

La réunion est close à 14 h 55.