- Mercredi 26 novembre 2025
- Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs à la prévention des risques - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire de la mission « Économie » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes - Examen du rapport pour avis
- Organisation des travaux
Mercredi 26 novembre 2025
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs à la prévention des risques - Examen du rapport pour avis
M. Pascal Martin, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la prévention des risques. - J'ai le plaisir de vous présenter ce matin, comme depuis maintenant six ans, mon avis sur les crédits du projet de loi de finances (PLF) pour 2026 relatifs à la prévention des risques, des programmes 181, consacré à la prévention des risques à proprement parler, et 235, relativement nouveau, relatif à l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ».
Le 1er octobre dernier, le premier Président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a rappelé devant notre commission que « chaque euro investi en prévention économise 3 euros en dommages évités. La transition écologique est très coûteuse, mais constitue bien un investissement rationnel, économiquement pertinent, socialement protecteur et humainement indispensable ».
Il m'a semblé opportun d'évoquer ce propos liminaire pour rappeler que la prévention des risques ne saurait jamais être une variable budgétaire d'ajustement alors que notre territoire est continuellement frappé par des aléas climatiques qui s'intensifient : en février dernier le cyclone Chido, en août l'incendie hors norme qui a frappé l'Aude ou encore, plus récemment, la tempête Benjamin.
Il me revient désormais de vous présenter les principales conclusions de mon avis budgétaire. Je vous décrirai tout d'abord brièvement la dynamique générale d'évolution des crédits budgétaires affectés à cette politique, avant de vous faire part de plusieurs remarques thématiques.
Les crédits budgétaires relatifs à la prévention des risques sont globalement stables. La hausse de 135 % des autorisations d'engagement (AE) du programme 181 tient exclusivement à des rattrapages techniques pour couvrir les besoins engagés précédemment par l'Agence de la transition écologique (Ademe). Il ne faut pas s'y tromper : il s'agit uniquement d'une augmentation en « trompe-l'oeil », un simple effet de style budgétaire.
Concernant les crédits budgétaires du programme 235 alloués à l'ASNR, ceux-ci connaissent une légère baisse d'environ 14 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Le fait que cette diminution se limite à 2,4 % du budget total de l'ASNR ne doit toutefois pas dissimuler les difficultés pratiques de fonctionnement que cela est susceptible d'entraîner pour cette autorité administrative indépendante créée le 1er janvier 2025.
La fusion entre l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), votée par notre assemblée n'a jamais été conçue comme un processus de rationalisation budgétaire. Nous nous étions par ailleurs engagés à ce que la sûreté nucléaire et la recherche demeurent à des niveaux particulièrement exigeants. Dans le cadre de l'examen du PLF 2025, un montant de 8 millions d'euros de crédits avait été budgété afin de compenser les coûts engendrés par la fusion. Or, la réduction des crédits proposée dans le cadre de ce PLF 2026, consistant à ne plus amortir les coûts de la fusion - réputée être totalement réalisée en 2025, alors qu'elle se poursuivra jusqu'en 2027 et 2028 - s'étend au-delà de son coût estimé, d'environ 8,3 millions d'euros, pour s'établir à 13,8 millions d'euros sur les dépenses hors titre 2.
L'effort demandé à l'ASNR est donc particulièrement conséquent. Selon son président, M. Abadie, cet effort se fera au détriment des activités opérationnelles, de la sûreté ou de la recherche, dans la mesure où les évolutions de la masse salariale sont d'ores et déjà amorties par les crédits de fonctionnement et d'investissement (hors T2).
Il n'est pas raisonnable de concéder un tel effort alors que notre pays a pour ambition, dans la droite ligne du discours du Président de la République à Belfort en 2022, de relancer sa filière nucléaire. Amoindrir les ressources de l'ASNR aujourd'hui, c'est envoyer un signal négatif aux acteurs du nucléaire, dans un contexte de raréfaction des compétences d'expertise dans le domaine.
L'année dernière, dans mon avis budgétaire, j'avais déjà estimé que l'on ne devait pas « badiner » avec la sûreté nucléaire ; je réitère avec force cette déclaration. Plus encore, on ne doit pas badiner avec l'avenir du nucléaire tout court.
En conséquence, je vous soumets un amendement dont l'objet est précisément de revenir sur cet effort budgétaire, en abondant de 10 millions d'euros l'action n° 02 du programme correspondant aux dépenses HT2 de l'ASNR.
J'en viens désormais à l'évocation de deux thématiques dont j'estime opportun de vous faire part.
La première thématique concerne la prévention du risque inondation dans un contexte d'intensification des aléas naturels.
Dans leur rapport d'information de septembre 2024 consacré aux inondations, Jean-Yves Roux et Jean François Rapin avaient estimé que la sinistralité relative aux inondations pourrait connaître une progression située entre 6 et 19 % à l'horizon 2050. Malgré ce constat, un rapport de la Cour des comptes paru il y a moins de dix jours nous apprend que seuls 24 % des habitants exposés à un risque d'inondation le jugent très ou assez important et 66 % considèrent qu'il n'y a pas de risque.
Il y a donc péril en la demeure. La diffusion de la « culture du risque » que j'appelle régulièrement de mes voeux peine à faire son chemin. Je ne crois pas que l'acculturation au risque inondation soit liée à une quelconque évolution des crédits budgétaires. J'en veux pour preuve que, depuis 2020, les dépenses de prévention financées par le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier », en faveur de la prévention des inondations représentent au minimum 50 % des crédits budgétaires du fonds et jusqu'aux deux tiers certaines années.
En revanche, la pédagogie à destination des populations est insuffisante. À cet égard, je pense que les élus locaux et les associations sont les relais essentiels de cette prise de conscience collective. Lors de notre déplacement aux Pays-Bas en juillet dernier - je prends à témoin mes collègues ayant participé -, nous avons été frappés de voir à quel point les habitants ont pleinement intégré l'omniprésence du risque. Les initiatives locales, telles que Tegelwippen, consistant à dépaver les rues pour favoriser l'infiltration de l'eau dans les sols et lutter contre le ruissellement, en étaient les meilleurs témoins. Il est indispensable que nos concitoyens deviennent des citoyens véritablement acteurs de leur propre conservation.
Pour autant, le renforcement de nos outils de prévention n'est pas vain. Je salue à ce titre le déploiement du projet Vigicrues 2030, dont l'ambition est d'étendre la surveillance hydrologique - aujourd'hui limitée aux lits majeurs - à l'ensemble des 110 000 kilomètres de cours d'eau recensés. Je serai vigilant, à l'horizon 2028, au déploiement des 60 équivalents temps plein travaillé (ETPT) supplémentaires pour mener à bien ce travail.
J'en viens désormais à la seconde thématique signalée : le phénomène de retrait-gonflement des argiles (RGA).
Je me félicite de la création, au sein du programme 181, d'une nouvelle action relative au RGA. Nous pouvons d'autant plus nous en réjouir que cette avancée résulte directement de l'initiative du Sénat, qui a adopté l'amendement porté par Christine Lavarde en 2025, et ce malgré l'avis défavorable du Gouvernement.
Cette nouvelle action permettra, dès 2026, de financer une expérimentation dans onze départements afin de mieux prévenir les risques liés au phénomène de RGA, pour un montant de 30 millions d'euros. Concrètement, devraient être financées des études de vulnérabilité telles qu'un diagnostic géotechnique de type G5 ou encore des travaux préconisés dans le cadre de ce diagnostic.
J'ai prudemment et à dessein employé le conditionnel puisqu'il me semble que les conditions pour pouvoir bénéficier des financements sont trop restrictives, voire, potentiellement, dissuasives. Je m'explique : dans un souci de pragmatisme et afin d'éviter la création d'une dépense de guichet disproportionnée, le Gouvernement a conditionné l'octroi des aides financières de prévention au risque au RGA à certaines conditions de revenus des ménages, en ciblant exclusivement les revenus très modestes, modestes et, dans une moindre mesure, les revenus intermédiaires. En conséquence, seuls les premiers déciles sont susceptibles de bénéficier de ces aides. Or, la littérature économique a régulièrement souligné que les ménages les plus précaires sont également les plus averses au risque et propices aux comportements d'antisélection. L'association Urgence maisons fissurées, que nous avons auditionnée avec notre collègue Nicole Bonnefoy, partage ce constat.
Je crains donc qu'en laissant un reste à charge conséquent pour les ménages modestes, ces derniers ne se détournent purement et simplement de ce dispositif expérimental afin de ne pas courir le risque d'une perte sèche de revenu.
Dans ces conditions, vous l'aurez compris, c'est l'opérationnalité même du dispositif financé par cette action qui est remise en question. Je crains que l'expérimentation ne manque sa cible et que l'enveloppe budgétaire de 30 millions d'euros ne soit finalement pas consommée, donnant l'illusion que les besoins en matière de prévention du risque RGA sont inexistants.
J'invite donc le Gouvernement à revoir les conditions d'octroi des subventions ou à redéfinir les taux de subvention eux-mêmes afin que les restes à charge soient marginaux pour les plus bas revenus.
Enfin, j'aimerais dire un dernier mot sur le phénomène d'érosion côtière. La semaine dernière, nous avons adopté un amendement de première partie afin d'instituer des recettes nouvelles au bénéfice de la lutte contre cet aléa naturel. Je vous avais indiqué que je déposerais alors un amendement de seconde partie prévoyant la création d'un fonds ad hoc. Je vous informe que Christine Lavarde a déjà déposé un tel amendement et que celui-ci a été adopté par la commission des finances mercredi dernier. Je vous propose donc d'adopter à l'identique l'amendement de notre collègue, afin de conforter cette démarche.
En conclusion, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 181 et 235, sous réserve de l'adoption des deux amendements que j'ai déposés sur la deuxième partie.
M. Jean-François Longeot, président. - Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour la clarté de cet avis budgétaire.
Mme Nicole Bonnefoy. - Le groupe SER n'est pas non plus dupe de la hausse artificielle des crédits relatifs à la prévention des risques du programme 181. Ce gonflement de façade à hauteur de 1,23 milliard d'euros est, en réalité, dû à l'intégration du budget de l'Ademe, autrefois financé par une subvention pour charge de service public. Un tel jeu d'écriture a certes le mérite de clarifier la comptabilité de l'État, mais masque surtout son désinvestissement massif sur l'ensemble de la mission « Écologie ».
Nous l'avons déjà signalé, les crédits du fonds vert subissent ainsi une baisse de 500 millions d'euros ; ceux du fonds économie circulaire de 100 millions d'euros, tandis les crédits des agences de l'eau diminuent de 90 millions d'euros. Ce sont autant de politiques publiques menées par les collectivités locales qui seront affectées par ce nouveau coup de rabot. De ce point de vue, la baisse drastique du fonds économie circulaire est particulièrement inquiétante.
Je veux signifier une nouvelle fois notre profond désaccord avec le fléchage de 450 millions d'euros de la surprime CatNat vers le budget général. Nous plaidons depuis longtemps pour que l'intégralité de ces sommes soit destinée au fonds Barnier, alors que la fréquence des catastrophes climatiques s'intensifie.
Nous l'avons également évoqué lors de nos auditions, le RGA est un phénomène de longue durée qui nécessite des investissements importants afin d'aider nos concitoyens à s'y adapter. Nous saluons la création d'une ligne budgétaire spécifique aux risques RGA. Toutefois, nous restons très loin d'une prise en compte budgétaire à la hauteur du risque.
La direction générale de la prévention des risques (DGPR) estime que les crédits prévus au PLF permettront de financer 10 000 diagnostics et 1 000 programmes de travaux, répartis dans onze départements. Nous savons pourtant que 3 millions de logements sont soumis à un risque RGA fort. J'appelle l'État à une véritable prise de conscience des enjeux, et à ne pas se satisfaire d'une expérimentation sous-dimensionnée, dont vous avez rappelé les limites. En appui de mes propos, le « bleu budgétaire » indique bien qu'« avec le changement climatique, la sinistralité induite par le RGA devrait s'accentuer avec une augmentation de la fréquence des sécheresses intenses. Certaines études suggèrent ainsi une augmentation de la sinistralité de 60 % en 2050 par rapport au climat actuel. »
L'Institut de l'économie pour le climat (Institute for Climate Economics - I4CE) partage cet avis et identifie le fonds Barnier comme l'une des actions portant de forts cobénéfices en matière d'adaptation au changement climatique et à la prévention. Nous avions mené, avec Michel Vaspart, notre ancien collègue, engagé de nombreux travaux préparatoires dans le cadre de notre rapport d'information sur la gestion des risques climatiques et l'évolution de nos régimes d'indemnisation, adopté le 3 juillet 2019, et cette recommandation reste plus que jamais d'actualité. De plus, nous avons démontré, comme vous l'avez également souligné, l'importance de la prévention : un euro investi dans la prévention, c'est 7 euros d'économies dans l'indemnisation de certains risques.
Sans remettre en cause la qualité de votre avis budgétaire, le groupe SER abstiendra eu égard à l'insuffisance des crédits au regard des enjeux. Nous voterons en revanche les amendements du rapporteur.
M. Jacques Fernique. - Je remercie le rapporteur pour la clarté et la pertinence de ses observations.
La bonne lisibilité des financements de la politique de prévention n'est pas évidente. Nous savons que les moyens de l'Ademe n'augmentent pas réellement de façon considérable ; à périmètre constant, ceux-ci ne progressent que faiblement. Il ne s'agit que d'un rattrapage technique d'AE.
Je rejoins par ailleurs ma collègue Mme Bonnefoy : les montants réels du fonds Barnier ne sont pas alignés avec les recettes perçues au titre du prélèvement sur la garantie Cat-Nat, qui abonde toujours le budget général.
Si nous ne sommes pas d'accord sur la politique nucléaire - ce n'est pas une nouveauté ! - , nous sommes en revanche tout à fait d'accord sur le fait qu'on ne badine pas avec la sûreté nucléaire. Nous voterons l'amendement DEVDUR .28, qui abonde de 10 millions d'euros les crédits de l'ASNR, pour ramener ses moyens à la hauteur de ceux de 2025, afin de lui permettre de maintenir un bon niveau d'expertise et de contrôle.
Par ailleurs, il faut en effet que les montants alloués aux actions dédiées aux risques relatifs au RGA soient réellement consommés et utiles : nous devons nous assurer que le reste à charge ne soit pas un obstacle infranchissable pour les ménages modestes.
Enfin, nous voterons l'amendement du rapporteur en faveur d'une action nouvelle de lutte contre l'érosion côtière. Certes, les 20 millions alloués à cette action sont prélevés sur les crédits du fonds vert, mais il s'agit d'une sorte de « préfléchage » afin de s'assurer qu'ils financent réellement cette action importante.
M. Jean Bacci. - Je souscris aux propos du rapporteur. Néanmoins, j'observe que le sujet des forêts et des feux de forêt est omis de l'exposé des risques du programme 181. S'agissant des feux de forêt, ce programme n'abonde plus qu'une campagne estivale annuelle de sensibilisation ; la communication sur les obligations légales de débroussaillement ; et une enveloppe d'environ 1 million, issu d'une redevance, affectée à des actions de prévention et de communication. Nous sommes très loin de ce qu'il faudrait faire. Une subvention de 400 000 euros supplémentaires est certes allouée à l'Office national des forêts (ONF), mais cet organisme ne représente que 20 % des forêts nationales. L'agriculture et la forêt sont soutenues au travers de la dotation à l'Ademe, mais cela relève d'un autre budget.
À l'article 1er de la loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, nous avions inscrit notre volonté que les trois ministères ayant la tutelle de la forêt déclinent une stratégie nationale contre les feux de forêt. Cette stratégie, mise en place avec beaucoup de difficultés, a été présentée par Bruno Retailleau au printemps dernier. Aucun plan d'action ni des mesures financées permettant de l'appliquer ne sont prévues à ce jour : c'est lamentable.
En 2021 et 2022, nous avions parlé de la forêt parce que celle-ci a brûlé. En 2023 et 2024, les incendies étaient moins nombreux, nous n'en avons donc pas parlé. En 2025, la forêt se remet à brûler, mais nous n'en parlons toujours pas : celle-ci n'apparaît même plus dans l'intitulé d'un ministère. Ce n'est pas normal, je souhaitais le souligner.
M. Jean-Yves Roux. - Je m'interroge quant au respect du contrat implicite de financement du fonds Barnier : il stipule que le montant du fonds doit être mis en cohérence, dans une limite raisonnable, avec les prélèvements sur les contrats d'assurance. Or pour 2026, le produit de cette taxe devrait atteindre 720 millions d'euros tandis que le fonds n'est doté que de 300 millions d'euros dans le PLF 2026, en baisse de 30 millions d'euros par rapport à la loi de finances de 2025.
La budgétisation du fonds Barnier devrait permettre au Parlement de se prononcer sur les dépenses de fond, de simplifier sa gestion et de donner une plus grande visibilité et stabilité aux actions abondées. Cette réforme ne devrait pas se traduire par une diminution des financements consacrés à la prévention des risques. Certes, l'écart entre les montants collectés et les dépenses du fonds Barnier, se réduit si l'on considère la totalité des crédits finançant la prévention des risques au sein du budget. Mais cela ne permet pas un suivi pertinent et efficace du fléchage des recettes du prélèvement CatNat.
Ces nombreuses lignes de financement de notre politique de prévention des risques nuisent à sa lisibilité, et par conséquent à son efficacité.
Son efficacité est également mise à mal par l'incessant stop and go des crédits alloués au fonds vert, incompatible avec une véritable politique d'investissement et d'adaptation de nos territoires au changement climatique. Les collectivités territoriales ont pourtant besoin de se projeter dans le temps long, ce qui exige de la stabilité dans les programmes financés et les montants octroyés.
Cette année encore, après avoir perdu 60 % de ses AE dans la loi de finances initiale pour 2025, le fonds vert voit ses AE baisser de 43,5 %, pour s'établir à 650 millions d'euros.
Enfin, je déplore la disparition du fonds territorial climat. Ce fonds, pourtant mis en place en 2024 et 2025, sur l'initiative du Sénat, visait à affecter des sommes directement aux collectivités territoriales pour accompagner les plans climat-air-énergie territorial (PCAET), plutôt que de conditionner ces financements à un examen par les services de l'État, comme c'est le cas pour les autres mesures du fonds vert. Cela permettait ainsi d'appliquer le principe de subsidiarité à la prévention des risques et à l'adaptation au changement climatique.
M. Saïd Omar Oili. - La Cour des comptes indique, dans son rapport du 29 septembre 2025 sur les systèmes d'alerte et de communication à la population en situation de crise, qu'il n'existe à l'heure actuelle aucun système d'alerte et de communication en cas de risque volcanique, alors même que l'ensemble des territoires ultramarins est exposé à un tel risque et que l'insularité est un facteur aggravant en cas de crise majeure.
Dans ce même rapport, la Cour des comptes indique que, pour être pleinement utiles, les retours d'expérience (Retex) doivent être partagés avec les acteurs. Les conseils départementaux de sécurité civile et des risques naturels majeurs (CDSCRNM) pourraient constituer le lieu privilégié d'un tel partage, mais ils fonctionnent de manière inégale : certains de ces conseils ne se réunissent jamais. Le Retex est pourtant une source d'informations essentielles pour permettre le renforcement de notre système d'alerte et de communication en cas de crise majeure au sein des départements ultramarins, d'autant qu'il est certain que l'efficacité et l'adaptabilité de ces systèmes ont fait défaut lors du cyclone Chido.
M. Alexandre Basquin. - Permettez-moi de saluer la pertinence de l'analyse du rapporteur qui montre que les montants alloués à la prévention des risques ne sont pas à la hauteur des enjeux d'aujourd'hui et de demain. S'y ajoute, en parallèle, la baisse continue des crédits alloués aux politiques environnementales. Cette réalité légitime nos inquiétudes en la matière.
Je suis évidemment favorable aux deux amendements proposés, qui sanctuarisent deux dispositifs extrêmement importants. En revanche, vous comprendrez aisément que je voterai contre les crédits parce que ceux-ci ne sont pas à la hauteur de l'ambition qui devrait être la nôtre au regard des aléas climatiques qui vont en s'accélérant.
M. Pascal Martin, rapporteur pour avis. - Vos interventions traduisent la difficulté que nous avons à identifier les politiques publiques de prévention des risques.
Vous l'avez dit, et je l'ai souligné dans mon rapport : il nous est proposé une lecture faussement optimiste des crédits du programme 181. C'est la ligne budgétaire de l'Ademe, dont la politique de prévention est mineure, qui vient gonfler artificiellement le programme 181.
Cher collègue, Jean Bacci, je partage vos remarques. Nous avons été coauteurs de la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie ; nous devons nous interroger sur l'absence de politique particulièrement ciblée sur ce risque. Je partage votre colère !
J'évoque chaque année dans mon avis budgétaire le fonds Barnier. Cette année, nous observons que les 450 millions d'euros issus de l'augmentation de la surprime sur les contrats d'assurance, passée de 12 % à 20 % en 2025, n'abondent pas exclusivement le fonds. Lors de l'audition que nous avons menée auprès de la DGPR, on nous a indiqué que ce montant abonde d'autres programmes impliqués dans de la prévention, mais cela manque un peu de visibilité. Nous manquons aussi d'une approche analytique qui nous permettrait d'observer l'ensemble des crédits, afin d'évaluer les conséquences de cette baisse des crédits pour le fonds Barnier.
Cher collègue, Jacques Fernique, les crédits concernant l'action de lutte contre l'érosion côtière que nous voulons engager au travers de mon amendement seront prélevés sur les moyens de l'administration de l'État. Il s'agit donc d'un transfert de crédits, et non d'un gage.
Cher collègue, Saïd Omar Oili, il me paraît évident que les Retex concernant les systèmes d'alerte et de communication en cas de risque volcanique doivent être partagés avec les acteurs du terrain. J'évoque, dans L'Essentiel, qui sera mis en ligne aujourd'hui même, le risque naturel majeur en outre-mer. Les données toutes récentes de la Cour des comptes que vous avez évoquées y sont mentionnées : en novembre 2025, « 72 % et 68 % de la population de ces territoires a conscience d'être exposée à un risque assez important de séismes ou de cyclones, notamment aux Antilles où 80 % de la population a déjà vécu un événement cyclonique. » Ces conclusions viennent corroborer mes observations sur la culture du risque ; celle-ci est peut-être beaucoup plus présente chez nos concitoyens ultramarins qu'en métropole. Compte tenu des risques potentiels, il faudra remédier à l'absence et au vieillissement des dispositifs d'alerte présents en outre-mer.
Cher collègue, Jean-Yves Roux, vous avez évoqué le fonds territorial climat. Je regrette également sa suppression, car il s'agissait d'un très bon outil, mais cela ne relève pas du périmètre de mon avis budgétaire. Là encore, j'appelle de mes voeux le recentrage de toutes les thématiques liées à la prévention des risques dans un seul programme, afin de favoriser la lisibilité.
M. Pascal Martin, rapporteur pour avis. - L'amendement n° II-154 vise à abonder l'action n° 2 du programme 235 « Sûreté nucléaire et radioprotection » à hauteur de 10 millions d'euros.
La fusion de l'ASN et de l'ISRN va bien au-delà de l'année 2025 ; elle est même intégrée jusqu'à l'horizon 2028. Afin de couvrir ses coûts sur l'exercice 2026, il vous est proposé d'abonder à hauteur de 10 millions d'euros les crédits dédiés à l'ASNR.
L'amendement n° II-154 est adopté.
M. Pascal Martin, rapporteur pour avis. - L'amendement n° II-153 est identique à l'amendement déposé par Christine Lavarde, qui a été adopté par la commission des finances. Cet amendement, qui s'inscrit dans notre volonté de mettre en place une véritable politique publique de lutte contre l'érosion côtière, prévoit le transfert de 20 millions d'euros du programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » au programme 181 « Prévention des risques ».
Des mesures sont certes prévues dans le fonds vert, mais les montants engagés sont très faibles. Ainsi, seulement 12 dossiers ont été acceptés entre le 1er janvier et le 31 août 2025, pour un montant de 1,3 million d'euros. Il est donc nécessaire de mettre en place une véritable politique publique de lutte contre l'érosion côtière et la submersion marine.
Pour conclure, permettez-moi de partager les chiffres délivrés en 2024 par le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) : jusqu'en 2050, nous sommes face à un préjudice potentiel de 1,2 milliard d'euros ; à l'horizon 2100, nous serons à 95 milliards d'euros. Ces sommes donnent le vertige.
L'amendement n° II-153 est adopté.
M. Jean-François Longeot, président. - Merci, monsieur le rapporteur pour avis, pour la clarté de vos propos qui, effectivement, comme les collègues l'ont remarqué, dressent un constat saisissant sur la prévention des risques.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la prévention des risques, sous réserve de l'adoption de ses amendements.
Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire de la mission « Économie » - Examen du rapport pour avis
M. Jean-François Longeot, président. - Nous examinons à présent le rapport pour avis de notre collègue Sébastien Fagnen sur les crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire inscrits au projet de loi de finances (PLF) pour 2026.
M. Sébastien Fagnen, rapporteur pour avis des crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire de la mission « Économie » - J'ai l'honneur de vous présenter mon rapport pour avis sur les crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire, inscrits au PLF pour 2026 sur le programme 343 « plan France Très Haut Débit » de la mission « Économie ».
L'examen de ces crédits intervient à un moment stratégique en matière d'aménagement numérique du territoire. L'année 2025 correspond en effet à l'horizon temporel qui avait été fixé pour la généralisation du déploiement des réseaux de fibre optique sur l'ensemble du territoire national. Ce terme de « généralisation » a toute son importance : il décrit en réalité, derrière un succès technique et industriel incontestable, une situation plus nuancée sur laquelle je reviendrai en détail.
En outre, s'agissant non plus des infrastructures mais des usages, l'année 2025 correspond également à la fin d'un cycle en matière de politiques publiques en faveur de l'inclusion numérique. Ce cycle s'est ouvert au moment du plan « France relance » et du financement rapide et massif en faveur de la création de 4 000 postes de conseillers numériques dans les territoires. Il s'achève avec ce projet de loi de finances, qui propose un désengagement tout aussi rapide et massif de l'État de ce dispositif. J'y reviendrai également.
L'année prochaine correspondra donc à un moment charnière : c'est pourquoi je vous propose de compléter l'analyse strictement budgétaire par un bilan et une analyse plus thématique de ces deux volets complémentaires que constituent les infrastructures et les usages.
En ce qui concerne les infrastructures, 94 % des locaux du territoire national seront éligibles à la fibre optique à la fin de l'année 2025. Il s'agit presque d'un triplement depuis 2017. Je relève en particulier une réussite notable en matière d'aménagement du territoire : la résorption spectaculaire de l'écart entre les territoires ruraux et les territoires urbains. En 2020, le taux de couverture en très haut débit des zones rurales était de 35 % seulement, il s'élève désormais à 91 %, soit un ordre de grandeur comparable à celui des zones urbaines, qui est de 95 %.
Après la phase dite industrielle, entre 2021 et 2023, où le nombre de locaux éligibles a bondi de manière spectaculaire, le plan « France Très Haut Débit » en est ainsi à la phase du « dernier kilomètre », pour reprendre une expression que j'ai plusieurs fois entendue en audition. Les nouveaux déploiements mis en oeuvre en 2024 et 2025 ont visé à atteindre les derniers locaux non éligibles, principalement situés en zone rurale avec une population beaucoup plus dispersée et donc plus difficile à raccorder à des coûts maîtrisés.
Les crédits inscrits au PLF pour 2026 traduisent la fin de cette forte dynamique de déploiement ; en témoigne le rythme de décaissement des crédits en faveur des réseaux d'initiative publique (RIP). De nouvelles autorisations d'engagement (AE) ne sont pas prévues, mais on peut constater une hausse de 56 % des crédits de paiement (CP) cette année, ce qui correspond à l'avancée des derniers travaux de déploiement des RIP.
Cette généralisation du déploiement de la fibre optique sur l'ensemble du territoire français est qualifiée de « très satisfaisante » par les services de l'État.
Cependant, au-delà de cette vision d'ensemble, je souhaite partager avec vous un point de vive préoccupation : la situation de Mayotte. Après la mobilisation dont nous avons fait preuve l'an dernier en faveur du soutien au déploiement de la fibre optique sur ce territoire, et en dépit des engagements qui ont été pris devant la représentation nationale le 3 décembre 2024, lors de la précédente discussion budgétaire, je regrette de devoir vous informer que la situation n'a pas évolué. Mayotte constitue toujours le seul projet de RIP de déploiement de la fibre optique qui ne bénéficie pas encore d'une décision de financement définitive relative à son projet. Or, près de 23 des 32 millions d'euros de CP qui avaient été inscrits lors des précédentes lois de finances pour lancer le projet n'ont pas été transférés à date à l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), afin que l'instruction de la demande de financement puisse être entamée. Par ailleurs, le Gouvernement s'était engagé en 2024 à compléter son soutien au projet pour atteindre un total de 55 millions d'euros. Là encore, la déception est au rendez-vous : le PLF pour 2026 ne prévoit purement et simplement pas les AE associées.
En conséquence, je vous propose de réaffirmer cette année encore notre engagement en faveur du démarrage du dernier chantier qui nous sépare d'une généralisation réellement effective du déploiement de la fibre optique sur notre territoire. À cette fin, je vous soumets un projet d'amendement qui vise à inscrire dans la loi de finances les crédits qui n'ont pas encore été transférés à date, soit près de 23 millions d'euros. Cet amendement serait complété par une invitation appuyée aux services de l'État à ce que les AE correspondantes soient effectivement transférées.
J'en viens maintenant au second pilier de la politique publique d'aménagement numérique du territoire, à savoir l'inclusion numérique. En effet, au-delà de l'investissement dans des infrastructures robustes, il est complémentaire et même nécessaire de faire en sorte que ces infrastructures puissent être accessibles et bénéfiques pour tous. Il faut en effet lire les crédits en faveur de l'inclusion numérique comme un investissement des plus rentables. Ne serait-ce que sur le plan purement économique, France Stratégie évaluait déjà en 2019 à plusieurs milliards d'euros les gains potentiels d'un meilleur accompagnement numérique des Français. À l'inverse, la direction générale du Trésor vient de publier une étude chiffrant à 16 milliards d'euros annuels, soit une perte de 0,6 point de PIB, le coût pour l'économie française des mauvais usages des outils numériques, de la dépendance à certains services numériques non souverains ou encore de la perte de temps liée à des difficultés d'utilisation ou à la captation de l'attention par des usages numériques non adaptés.
En invisibilisant les enjeux d'inclusion numérique par rapport aux enjeux purement industriels et techniques, nous risquerions qu'un territoire soit fibré sans que ses habitants disposent des compétences ou de l'accompagnement nécessaires pour en tirer parti. Gardons à l'esprit qu'un Français sur trois est éloigné du numérique, avec 4 millions d'adultes non internautes et près de 12 millions qui estiment ne pas avoir les compétences minimales en matière d'outils numériques.
Les besoins sont bien réels, et incontestables. Toutefois, la politique de l'État en matière d'inclusion numérique a changé plusieurs fois d'orientations stratégiques depuis le lancement du plan « France Très Haut Débit ».
Les années 2010 ont vu se déployer des tentatives infructueuses de créer des modèles économiques tels que les chèques numériques, les franchises numériques ou encore le déploiement du statut d'auto-entrepreneur pour les médiateurs numériques.
Dans un deuxième temps, dans le cadre du plan de relance, l'État a cofinancé de manière massive la formation et l'activité de 4 000 conseillers numériques accueillis par des collectivités territoriales et des porteurs de projet issus du monde associatif ou de l'économie sociale et solidaire. Ces cofinancements sont devenus dégressifs à partir de 2023.
Enfin, le PLF pour 2026 acte le retrait de l'État du dispositif, avec une baisse de 66 % des crédits associés. Les 14 millions d'euros restants permettront de financer seulement les derniers engagements en cours, sans renouvellement des postes. Comme me l'a indiqué la Banque des territoires, les collectivités et les associations qui emploient actuellement les conseillers numériques n'auront pas toutes, et loin de là, la capacité de pérenniser ces postes à l'issue du cofinancement de l'État. Selon leurs estimations, seuls 1 000 postes créés par le dispositif pourraient être pérennisés à l'issue du retrait du cofinancement de l'État, soit un quart seulement des 4 000 postes initiaux.
Ce désengagement financier s'opère en effet dans des délais trop rapides pour que les collectivités et les porteurs de projets puissent suivre et adapter en conséquence leurs efforts financiers en faveur du dispositif : en seulement vingt-quatre mois, les crédits ont diminué de deux tiers, soit de plus de 40 millions d'euros.
J'insiste sur le point suivant : un retrait aussi rapide de l'État aurait pour effet de balayer le dispositif et de rendre vains les près de 400 millions d'euros d'investissements qui ont déjà été réalisés par l'État dans les conseillers numériques depuis leur création.
Par conséquent, je vous propose de réduire l'effort financier complémentaire qui est demandé aux collectivités pour maintenir ces postes de service direct aux usagers. Je vous soumets ainsi un amendement qui vise à rétablir une partie de ces crédits : sur les plus de 40 millions d'euros de baisse de crédits sur l'action « Inclusion numérique », je vous propose d'en rétablir 20 millions. Il s'agit d'un « coup de pouce » modéré au dispositif, je le concède, mais qui constituerait un signal positif et déterminant pour les collectivités et les porteurs de projets associatifs qui assument au quotidien cet effort public en faveur d'un numérique réellement accessible à toutes et tous.
Cela porterait également un message positif aux collectivités qui se sont engagées dans les feuilles de route « France numérique ensemble » et qui ont bâti des projets variés et structurants en comptant sur une partie de ces cofinancements de l'État. Pour citer l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca), que j'ai eu l'occasion d'auditionner : accompagner les collectivités pour structurer des projets d'inclusion numérique, tout en actant un tel désengagement financier serait une véritable injonction contradictoire !
Voici les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance sur le PLF pour 2026 en ce qui concerne les crédits dédiés à l'aménagement numérique du territoire au sein de la mission « Économie ».
Sous le bénéfice de ces différentes observations et de l'adoption des deux amendements évoqués en faveur de la cohésion numérique territoriale, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
M. Jacques Fernique. - Monsieur le rapporteur, je voterai votre amendement qui inscrit au PLF les crédits des précédents exercices qui n'ont pas été transférés à date à l'ANCT afin d'accomplir le « dernier kilomètre » du plan « France Très Haut Débit ».
Votre amendement de soutien au déploiement effectif de la fibre optique à Mayotte s'impose également.
En ce qui concerne le désengagement de l'État sur l'inclusion numérique, qui suscite l'inquiétude, le Sénat a voté l'an dernier des amendements afin de préserver les postes de conseillers numériques. Nous devons en effet réaffirmer notre volonté politique en la matière.
M. Sébastien Fagnen, rapporteur pour avis. - L'amendement que nous proposons au sujet des conseillers numériques est aussi une forme de réponse à Mme la ministre Françoise Gatel, que nous avons auditionnée. Elle nous a indiqué qu'il fallait passer dès à présent, et massivement, le relais aux collectivités locales et aux associations. Nous connaissons leurs difficultés : cette atténuation de la baisse de crédits permettra d'adoucir ce passage de témoin tel qu'il est prévu actuellement au PLF.
J'en viens maintenant à la présentation formelle de mes amendements.
L'amendement DEVDUR.30 vise à rétablir les crédits du RIP de Mayotte, en augmentant les moyens de l'action 01 « Réseaux d'initiative publique » du programme 343 « plan France Très Haut Débit » de 22,7 millions d'euros, afin de soutenir le déploiement effectif de la fibre optique à Mayotte.
Mme Annick Girardin. - Il me paraît essentiel de préciser que le déploiement de la fibre optique à Mayotte est une composante indispensable de sa reconstruction. Malheureusement, le moment que traverse l'île nous oblige à agir maintenant.
M. Sébastien Fagnen, rapporteur pour avis. - L'objectif de reconstruction de Mayotte sous-tend en effet la logique de cet amendement. Cela a été évoqué dans les deux derniers avis budgétaires : l'après-Chido est le moment ou jamais de déployer la fibre dans des conditions qui garantissent la résilience des réseaux, afin de se prémunir des risques auxquels Mayotte est, malheureusement, exposée.
L'amendement DEVDUR.30 est adopté.
M. Sébastien Fagnen, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.31 vise à diminuer de moitié l'effort financier supplémentaire demandé aux collectivités territoriales, aux porteurs de projets associatifs et aux acteurs de l'économie sociale et solidaire (ESS) en rétablissant 20 millions d'euros d'AE supplémentaires afin de maintenir les postes de conseillers numériques.
L'amendement DEVDUR.31 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire de la mission « Économie ».
Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes - Examen du rapport pour avis
M. Jean-François Longeot, président. - Nous en venons au rapport pour avis de notre collègue Jean-Marc Delia sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes inscrits au projet de loi de finances (PLF) pour 2026.
M. Jean-Marc Delia, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes. - Je suis heureux de vous présenter les principales orientations de mon rapport pour avis au PLF pour 2026 sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes.
Avant toute chose, je souhaite aborder la question centrale du financement des infrastructures de transports, au lendemain de la conférence Ambition France Transports.
Comme cela a été mis en avant par Dominique Bussereau, président de la conférence, que nous avons entendu le 22 octobre dernier, et par nos référents Olivier Jacquin et Didier Mandelli, que je salue, les besoins d'investissements en faveur de la régénération de nos infrastructures de transports sont immenses. Ils sont évalués à 2 milliards d'euros supplémentaires chaque année pour régénérer le réseau ferroviaire et le réseau fluvial et apurer la « dette grise » qui s'est constituée après des décennies de sous-investissement. Les efforts financiers en faveur des réseaux de transport sont d'ailleurs destinés à augmenter afin d'accélérer le report modal et la décarbonation des mobilités, déployer les services express régionaux métropolitains (Serm) et renforcer la résilience des infrastructures face au défi du réchauffement climatique.
Or les transports sont soumis à une fiscalité sectorielle élevée, qui ne leur est que très faiblement affectée : taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), taxe de solidarité sur les billets d'aviation (TSBA), marché carbone européen, taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance (TEITLD)... Ils représentent aujourd'hui un tiers des émissions de gaz à effet de serre en France. Leur décarbonation est donc une priorité : elle suppose des investissements massifs qu'il serait légitime et logique de financer par l'affectation de cette fiscalité sectorielle.
Vous ne l'ignorez pas, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) a subi une forte diminution de ses crédits en 2025, exercice considéré comme une « année blanche » pour les transports. Pour 2026, les montants de recettes affectées à l'Agence et ses crédits budgétaires sont évalués à 3,75 milliards d'euros, soit une légère augmentation de 150 millions d'euros. Ce montant reste néanmoins inférieur de 600 millions d'euros à celui de 2024.
C'est la raison pour laquelle je vous ai proposé la semaine passée avec Hervé Gillé trois amendements afin de renforcer l'affectation de recettes à l'Afit France. Il faut le répéter : la fiscalité assise sur les transports doit être mise au service du report modal.
Je vous proposerai également tout à l'heure, avec Hervé Gillé, de renforcer de 1 million d'euros les moyens de l'Autorité de régulation des transports (ART).
J'en arrive à la question du transport ferroviaire. Sur l'infrastructure, il faut passer à la vitesse supérieure : le diagnostic partagé sur son état fortement dégradé appelle un traitement de choc. Nous le savons, 1,5 milliard d'euros supplémentaires par an sont nécessaires pour la régénération du réseau ferroviaire. Si de nombreux financements peuvent se faire jour à moyen terme, du fait de l'arrivée à échéance des concessions autoroutières, le réseau a urgemment besoin de ressources financières afin d'assurer sa régénération d'ici à 2032.
Les moyens consacrés à la régénération du réseau et à sa modernisation sont stables, à hauteur d'environ 3 milliards d'euros. Ils proviennent de financements internes de SNCF Réseau et du fonds de concours versé par SNCF Voyageurs à SNCF Réseau. Les usagers, contrairement au réseau routier non concédé, et les autorités organisatrices de la mobilité (AOM), financent donc le coût de l'infrastructure via les péages ferroviaires et la marge de SNCF Voyageurs. Contrairement aux autres pays européens dans lesquels les opérateurs s'acquittent quasiment uniquement des coûts marginaux de la circulation des trains, la France a fait le choix de faire supporter le coût complet de l'entretien du réseau par les usagers.
Le niveau de péages ferroviaires insoutenable en résultant freine le développement du transport ferroviaire et l'ouverture à la concurrence du secteur. S'est également installée une concurrence faussée entre la route et le rail, aussi bien pour le transport de passagers que de marchandises.
Je vous proposerai donc un amendement afin que le budget général de l'État finance à hauteur de 100 millions d'euros la régénération du réseau en 2026.
Il nous faut en effet répondre à une demande de train qui ne faiblit pas. Le nombre de voyageurs croît dans un contexte d'offre ferroviaire contrainte, due à une pénurie de matériel roulant. Actuellement, SNCF Voyageurs compte en effet environ une centaine de rames de TGV de moins qu'en 2015.
À cette pénurie pourrait également s'ajouter dans les prochaines années une saturation des gares et des centres de maintenance. Adopter une stratégie nationale pour surmonter ces freins au développement de l'offre ferroviaire est donc un impératif.
Dans le même temps, les péages ferroviaires versés par les AOM pour le transport conventionné et les opérateurs ferroviaires pour le service librement organisé (SLO) continuent leur hausse inexorable. Dans ce contexte, afin de redonner des marges de manoeuvre financières aux AOM qui ne pratiquent pas la gratuité des transports publics, je vous proposerai tout à l'heure un amendement pour abaisser de 10 % à 5,5 % le taux de TVA applicable aux transports collectifs du quotidien.
Il me semble également opportun de prolonger d'un an l'incitation aux employeurs à rembourser jusqu'à 75 % de l'abonnement de transport public de leurs salariés.
Je souhaite également aborder les questions d'ouverture à la concurrence et de rentabilité des dessertes d'aménagement du territoire. Selon l'ART, « la question de la rentabilité des dessertes d'aménagement du territoire ne se pose en réalité qu'en raison du niveau élevé des péages ». C'est aussi la conclusion d'un rapport de l'inspection générale des finances (IGF) et de l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD), qui observe que l'intégralité des dessertes de train effectuées par SNCF Voyageurs est rentable avant intégration de la majoration tarifaire, ou redevance de marché, perçue par SNCF Réseau. Ce constat a conduit SNCF Réseau à diminuer ses majorations tarifaires sur certaines dessertes d'aménagement du territoire à partir de 2027. Je salue ce premier pas encourageant. Cependant, cette évolution ne devrait pas inverser la tendance pour certaines liaisons déficitaires.
Cette situation génère deux effets pervers dans un contexte d'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs. D'une part, elle conduit l'opérateur historique à supporter le coût de dessertes non rentables et dégrade sa situation financière face à ses concurrents ; d'autre part, elle empêche certains nouveaux entrants de lancer des circulations sur certains créneaux du marché ferroviaire.
Ce niveau non soutenable des péages pourrait réduire les bénéfices à attendre de l'ouverture à la concurrence sur le nombre de gares desservies - contrairement à ce que l'on a pu observer en Italie. J'appelle donc à renforcer l'effort de diminution des péages ferroviaires sur ces liaisons.
J'en viens maintenant au fret ferroviaire. Celui-ci a progressé de 2,9 % en tonnes de marchandises transportées par kilomètre entre le 1er semestre 2024 et le 1er semestre 2025. Le secteur reste néanmoins fragile, et c'est pourquoi, en sus des investissements sur les infrastructures portés par le plan « Ulysse Fret », des aides à l'exploitation des services de fret sont prévues. En particulier, l'exploitation des wagons isolés bénéficie d'un soutien annuel passé de 70 millions d'euros à 100 millions d'euros en 2025. Cependant, l'ensemble des aides à l'exploitation des services de fret n'a augmenté que de 14 millions d'euros en 2025 et 2026 par rapport à 2024 : les autres aides ont été réduites de 16 millions d'euros, notamment celles destinées à la réduction des péages ferroviaires, à l'exploitation des services de transport combiné et au démarrage de nouveaux services.
Je vous proposerai donc tout à l'heure un amendement afin d'affecter 16 millions d'euros supplémentaires au fret ferroviaire.
J'en viens à présent au transport fluvial.
Alors que ce secteur présente de nombreux atouts pour la décarbonation des transports, la part modale du transport fluvial demeure inférieure à 3 % au niveau national. De fait, cette situation s'explique en partie par l'état préoccupant des infrastructures fluviales, après des décennies de sous-investissement. Si le contrat d'objectifs et de performance (COP) signé entre Voies navigables de France (VNF) et l'État a permis un renforcement des moyens dédiés à l'entretien du réseau, la trajectoire d'investissements prévue d'ici à 2032 demeure en deçà des besoins. Aussi, la conférence Ambition France Transports a estimé à 200 millions d'euros par an le besoin supplémentaire pour résorber la « dette grise » accumulée par le réseau fluvial, que la Cour des comptes estime à 1,1 milliard d'euros. Les trois amendements que nous vous avons soumis la semaine dernière pour consolider les ressources de l'Afit France de 750 millions d'euros permettront notamment de rehausser les moyens dédiés à la régénération du réseau fluvial et, ainsi, de mieux tirer parti du potentiel de la voie d'eau dans notre pays.
Renforcer notre ambition fluviale suppose également de garantir à VNF un modèle financier et social robuste. Au plan financier, l'amendement que je vous ai soumis la semaine dernière pour déplafonner la redevance hydraulique va dans ce sens : il permettra d'allouer chaque année l'intégralité du produit de cette redevance à VNF, au lieu qu'il soit écrêté au profit du budget de l'État comme c'est le cas aujourd'hui.
Au plan social, j'émets de vives inquiétudes sur la trajectoire d'emplois de l'établissement : après une baisse de 15 % en dix ans, le plafond d'emplois de VNF doit encore diminuer de 40 équivalents temps plein travaillé (ETPT) l'année prochaine, alors que le COP avait prévu sa stabilité jusqu'en 2026 inclus. Cette situation est de nature à compromettre non seulement la conduite opérationnelle du chantier de modernisation du réseau fluvial qui est à l'oeuvre, mais aussi les négociations en cours avec les organisations syndicales sur la refonte des filières métiers de VNF et la réduction du nombre de ses implantations territoriales. Dans ce contexte, je vous proposerai un amendement visant à garantir la stabilité du plafond d'emplois de VNF l'année prochaine, afin que les baisses d'effectifs ne reprennent qu'en 2027, comme le Gouvernement s'y était engagé.
S'agissant à présent du transport maritime, le secteur est pris en étau entre l'impératif de la décarbonation et celui du maintien de sa compétitivité.
Comme vous le savez, la décarbonation du secteur va nécessiter de lourds investissements, qu'Armateurs de France évalue entre 14 et 18 milliards d'euros dans les dix prochaines années. Le Gouvernement avait annoncé en mai dernier lors du comité interministériel à la mer que 90 millions d'euros issus du produit du marché carbone européen seraient alloués chaque année à la décarbonation du transport maritime. Malheureusement, cette mesure est absente du PLF qui nous est soumis. Je vous ai donc proposé la semaine dernière un amendement pour concrétiser cet engagement dans la première partie du PLF pour 2026.
En tout état de cause, la transition écologique du secteur maritime constitue un défi financier et technique colossal pour nos armateurs qui exercent - il ne faut pas l'oublier - sur un marché mondialisé soumis à une intense concurrence internationale. Dès lors, il me semble important d'exprimer une conviction claire : s'il était légitime que les entreprises maritimes - en l'occurrence, la CMA CGM - contribuent à l'effort de redressement des comptes publics en s'acquittant de la contribution exceptionnelle mise en place en 2025, celle-ci ne doit pas donner lieu à une remise en cause de la taxe au tonnage. Depuis sa mise en place en 2003, ce dispositif est le principal soutien à la compétitivité du pavillon français : de fait, sa suppression mettrait nos armateurs en grande difficulté vis-à-vis du reste de la flotte mondiale qui relève, à 86 %, de ce régime fiscal. Je suggère donc, comme l'année précédente, que notre commission ait une position ferme sur ce sujet.
Dans le prolongement de cette question, une vigilance est nécessaire s'agissant des conséquences sur la compétitivité de l'emploi maritime français de la suppression partielle des exonérations de cotisations patronales instaurées cette année pour la marine marchande. Il a en effet été décidé de recentrer ces exonérations sur les navires de transport de passagers, les navires câbliers et ceux opérant dans les champs éoliens offshore lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Si ce recalibrage a été justifié par le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, il importe de s'assurer qu'il n'induit pas d'effets d'éviction au détriment de la main-d'oeuvre française, en particulier s'agissant des jeunes officiers de la marine marchande pour lesquels le différentiel de coût salarial par rapport à nos voisins européens est particulièrement élevé.
Je terminerai en abordant un sujet d'alerte relatif au dragage des sédiments dans les grands ports maritimes (GPM). Le PLF pour 2026 acte l'engagement pris par le Gouvernement de financer à hauteur de 20 millions d'euros par an sur vingt ans le régime de pénibilité des dockers, à la suite des accords conclus en 2025 pour donner à ces personnels une année supplémentaire de départ anticipé à la retraite. Si l'on peut se réjouir de l'instauration de ces nouveaux droits, le PLF prévoit, en contrepartie, une diminution de 25 millions d'euros par rapport à 2025 de la subvention dédiée aux opérations de dragage des GPM. Il n'apparaît pas souhaitable de faire ainsi reposer sur les ports le financement de cette réforme, à plus forte raison si cela se fait au détriment des opérations de dragage, qui sont vitales pour leur activité. Cela est d'autant plus problématique que ce surcoût survient à un moment où les ports doivent réaliser des investissements significatifs pour leur transition écologique. Je vous proposerai donc un amendement sur ce point.
Pour conclure, je vous proposerai d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes, sous réserve de l'adoption de nos amendements.
M. Jacques Fernique. - En termes de volume, le budget fluvial maritime résiste. La conférence Ambition France Transports a eu au moins cet effet bénéfique. Il n'en demeure pas moins que les progressions nécessaires pour concrétiser les trajectoires d'investissement, qui ont été bien identifiées lors de la conférence, ne sont pas engagées pour l'instant.
Pour le fret ferroviaire, la part modale reste en dessous des 10 %. Au vu des éléments à notre disposition, il est peu crédible que l'objectif, fixé à 18 % pour 2030, soit atteint. La part fluviale, elle, s'établit à 2 ou 3 %.
Il faut en effet un traitement de choc. Cela passe notamment par ces 1,5 million d'euros supplémentaires alloués à la régénération du réseau ferroviaire, afin d'éviter la situation que connaît le réseau allemand. À Strasbourg, nous prévoyons une demi-heure à une heure et demie de retard dès lors que nous envisageons d'utiliser un train allemand ICE.
Le sous-investissement dans le réseau entraîne aujourd'hui un effet brutal qui n'a pas été anticipé il y a quelques années. Ce milliard et demi est annoncé à partir de 2028 : il manque à ce PLF des éléments qui nous inscrivent clairement dans cette trajectoire. Une loi-cadre, puis une loi de programmation ont été promises ; l'essentiel reste donc à mettre en place.
Afin de marquer la nécessité de ce traitement de choc, nous aurons un vote choc, défavorable aux crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes.
Nous relevons toutefois le maintien des engagements pour le fret, et soutenons l'amendement DEVDUR.33, en faveur de l'exploitation des services de transport combiné. Nous savons qu'en doublant la part modale du fret ferroviaire en France, nous augmenterons d'autant celle du transport combiné. Cet amendement est donc nécessaire, bien que nous puissions discuter du gage prélevé sur les crédits du programme « Énergie, climat et après-mines ».
Nous avons abordé le sujet du niveau des péages ferroviaires, qui financent à ce jour la régénération des réseaux, et qui n'est pas soutenable. L'amendement DEVDUR.34, qui tend à demander à l'État de contribuer à hauteur de 100 millions d'euros, nous semble donc important.
Parmi les points positifs, nous relevons le lancement d'un marché public de plus de 1 milliard d'euros pour le matériel roulant sur les trains de nuit. Je ne rappellerai pas mes interrogations sur les liaisons de nuit Paris-Vienne-Berlin via Strasbourg.
Nous sommes en désaccord au sujet de la taxe au tonnage. Ce dispositif est certes nécessaire pour une bonne part de notre fret maritime. Il faut toutefois réguler les profits démesurés d'entreprises géantes ; nous estimons donc qu'un plafonnement de cette taxe serait nécessaire.
M. Hervé Gillé. - Monsieur le rapporteur, votre travail s'inscrit dans notre volonté d'affirmer notre vision en matière de politique ferroviaire, et nous nous retrouvons par ailleurs sur un certain nombre d'amendements.
Nous attendons également impatiemment le rapport de l'ART, qui devrait être assez éclairant, mais nous ne disposons à ce jour que de peu d'éléments sur le calendrier de sa production. L'avis du Conseil d'orientation des infrastructures (COI) sur les priorités soutenues dans le cadre des grands projets à l'échelle nationale est également en suspens. Ces éléments sont importants pour nous positionner sur le projet gouvernemental et sa déclinaison en loi-cadre.
En matière de ferroviaire - nous l'avons souvent déploré -, on a tendance à vouloir tout faire plutôt que de concentrer nos moyens sur des priorités, en particulier l'entretien et la rénovation du réseau. Enfin, nous manquons de reporting et d'évaluation des politiques publiques en ce domaine, ainsi que d'éléments plus précis sur les cadences de production des travaux afin d'évaluer ce qui fonctionne, ou quels sont les points de retard.
De manière générale, les éléments portés par le rapport et les amendements me paraissent pertinents. Devant nos collègues de la commission des finances, j'ai évoqué l'idée de passer à un taux de TVA de 5,5 % : elle n'a pas suscité un franc enthousiasme auprès du rapporteur général. Nous nous battrons sur ce sujet. Le choc d'offre et l'attractivité suscités par cette baisse de TVA pourraient augmenter son produit, à partir du moment où l'usage augmente. Pour les AOM, ce serait une plus-value pertinente pour développer l'attractivité. Je saluer la position de la commission à ce sujet. Il faut tenir bon.
Je salue également sa position sur le maintien des moyens de VNF, qui sont absolument nécessaires. Y renoncer serait une forme d'abandon, alors que nous engageons un véritable plan national, prospectif, de relance du fluvial.
Nous voterons les amendements, y compris l'amendement DEVDUR.34, bien que le montant de 100 millions d'euros nous paraisse un peu faible - nous aurions aimé qu'il soit porté à 200 millions d'euros ! Certes, une montée en charge progressive est normale, l'investissement de 1,5 milliard d'euros étant prévu à l'horizon 2028, mais le montant évoqué, versé au fonds de concours de SNCF Voyageurs, nous paraît quand même un peu insuffisant.
Récemment, le président de la conférence Ambition France Transports, Dominique Bussereau, a évoqué une relance des sociétés de projets et des partenariats publics privés sur les grands projets, notamment le projet de ligne à grande vitesse (LGV) Bordeaux-Toulouse. Au regard du coût des péages, cela me surprend.
Lors de la conférence, des grands projets prioritaires nous ont été présentés. Simultanément, son président nous explique que ces projets, par exemple les nouvelles lignes LGV, ne pourront pas être financés malgré les participations des diverses collectivités et que nous devrons de nouveau faire appel à des sociétés de projet.
Nous avons subi la même chose lors du projet de LGV Bordeaux-Paris, qui, permettez-moi de le rappeler, est toujours déficitaire en raison de coûts de péage beaucoup trop élevés. Ces coûts posent problème dans le cadre de l'ouverture à la concurrence et entraînent des interrogations, voire de réelles pertes de dessertes sur des villes intermédiaires comme Angoulême.
Il est paradoxal de vouloir faire baisser les coûts des péages et d'évoquer dans le même temps une relance des sociétés de projets et des partenariats publics-privés.
Au-delà de ces remarques, nous voterons en faveur des amendements et des crédits.
M. Pierre Jean Rochette. - Les frais de péage sont déjà élevés, et nous votons des crédits supplémentaires. Dans ma commune, lorsque la voie ferroviaire a été fermée, nous avons tenté d'obtenir un chiffrage concurrent à celui réalisé par la SNCF pour la rénovation de la voie. Les cabinets européens que nous avons contactés n'ont pas pu nous le fournir. J'aimerais savoir ce que l'on paye ; car nous versons ces montants les yeux fermés tout en constatant que les frais de péage sont très élevés.
Nous n'avons aucun comparatif du coût du kilomètre de voie ferrée en France et à l'étranger, ni du coût et de la manière dont cette infrastructure est exploitée. Il faudrait creuser cette question. On ne peut se contenter de déplorer, régulièrement, le coût trop élevé de nos frais de péages. Si cela fonctionne ailleurs, pourquoi pas chez nous ? L'une des parties prenantes doit coûter trop cher ou jouer insuffisamment la concurrence, soit sur les travaux, soit sur l'exploitation.
Nous arriverons, tôt ou tard, aux projets public-privé, aux sociétés de projets et aux solutions de portage ; cela reste la solution du pauvre. Lorsque l'État n'est plus en capacité d'agir, il fait porter les projets au privé. Sur le temps long, il s'agit de leasing déguisé d'infrastructures publiques et, en effet, cela coûte le double. Que nous payions cher n'est pas le problème ; je souhaite comprendre ce que finance notre argent, et il me semble que nous ne le savons pas, ni la manière dont ces infrastructures sont ensuite exploitées.
M. Alexandre Basquin. - Sans surprise, nous donnerons un avis défavorable au rapport afin de protester, non contre les propos de notre rapporteur, mais contre le manque structurel de moyens accordés aux transports. Le titre de la conférence Ambition France Transports contient le terme « ambition » ! Il n'a pas été pris en compte, sauf à considérer qu'avoir des crédits stables, en période d'austérité, est ambitieux - ce n'est pas notre avis.
Les politiques de transports - fluviaux ou ferroviaires - doivent être particulièrement structurantes pour contribuer efficacement au développement économique, à l'aménagement du territoire et, surtout, à la lutte contre le réchauffement climatique. On peut regretter que les moyens alloués soient insuffisants. Nous parlons de la future loi-cadre ; comme je l'avais exprimé au ministre Philippe Tabarot, une loi de programmation pluriannuelle d'investissements à la hauteur des enjeux d'aujourd'hui et de demain aurait été préférable.
Nous voterons en faveur des amendements, même si nous considérons qu'ils ne demandent véritablement que le minimum. Vous comprendrez aisément, en revanche, que nous voterons contre la position du rapporteur.
M. Jean-Marc Delia, rapporteur pour avis. - Monsieur Fernique, effectivement, mon analyse est qu'un traitement de choc est nécessaire ; les amendements vont dans ce sens. Les trois amendements votés la semaine dernière lors de l'examen des amendements au PLF 2026 visent à affecter 750 millions d'euros à l'Afit France ; en y ajoutant les 100 millions d'euros que prévoit l'amendement, nous atteindrons 850 millions d'euros.
Certes, injecter des financements dans SNCF Réseau est une bonne chose ; encore faut-il que cet opérateur soit en capacité de mener ensuite des travaux à hauteur de ces financements. Or nous ne sommes pas certains qu'il puisse immédiatement absorber 200 millions d'euros de crédits supplémentaires, comme vous le proposez : cette augmentation des crédits de 100 millions d'euros est déjà un premier pas pour rappeler à l'État sa responsabilité dans le financement de la régénération des réseaux de transport.
Concernant l'ART, nous avons sollicité un retour sur le calendrier de publication de leur rapport, que n'avons pas encore obtenu.
J'ai souhaité porter l'amendement DEVDUR.32 précisément afin de répondre à l'inquiétude concernant les 40 ETPT de VNF. Cet opérateur a connu l'an dernier des réductions importantes de son plafond d'ETPT, entraînant un climat social difficile. Par ailleurs, VNF et SNCF Réseau sont aussi touchés par des aléas climatiques de plus en plus forts. Ils ont besoin de moyens afin d'adapter et moderniser leur réseau.
Concernant le transport maritime, il est important de garder à l'esprit que les armateurs peuvent très facilement changer le pavillon de leur navire. Nous avons reçu le président des armateurs de France ; il nous a rappelé que la plupart des armateurs sont en réalité de petites structures. Il faut être assez prudent pour éviter de les fragiliser, alors que le secteur est en croissance.
La souveraineté de nos flottes est, par ailleurs, un point d'attention. Soyons prudents avec tout ce qui touche aux exonérations de charges pour les marins : nous formons des marins, mais s'ils ne sont pas embauchés en France parce qu'ils coûtent trop chers par rapport à la concurrence étrangère, c'est regrettable... Des dispositifs d'économies prévus en raison d'un budget contraint peuvent avoir des effets pervers sur l'ensemble du secteur, fragile mais en croissance, et qui s'inscrit dans un contexte économique international.
Monsieur Rochette, il est en effet difficile d'obtenir des comparaisons européennes sur les gestionnaires d'infrastructures. L'ouverture à la concurrence est bénéfique. Lorsque nous avons reçu les concurrents de la SNCF à une table ronde, nous avons découvert que même l'obtention des éléments nécessaires pour répondre à l'appel d'offres, par exemple les données relatives aux ressources humaines, était compliquée à obtenir. Nous espérons que cela changera lors des prochains exercices.
Globalement, selon mon analyse, les dépenses d'investissements - affectées à la régénération des réseaux, à VNF ou aux armateurs - permettent ensuite des économies sur les dépenses de fonctionnement. Les infrastructures, lorsqu'elles vieillissent, entraînent difficultés et retards. Maintenir un niveau d'investissements très fort est donc important.
Soulignons, par ailleurs, que la méthode d'Ambition France transports a été complimentée par l'ensemble des opérateurs que nous avons entendus. On ne peut que le saluer.
J'en viens à présent à l'examen de nos amendements.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. Jean-Marc Delia, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.32 vise à assurer la stabilité du plafond d'emplois de VNF en 2026, en baisse de 40 ETPT dans la version actuelle du PLF. Les baisses d'effectifs pourront reprendre en 2027, comme VNF s'y était engagé dans le cadre de son COP avec l'État.
L'amendement DEVDUR.32 est adopté.
M. Jean-Marc Delia, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.33 concerne le fret ferroviaire. Lors de la loi de finances pour 2025, les financements à destination du soutien au wagon isolé avaient été augmentés de façon bienvenue de 30 millions d'euros. Cependant, l'ensemble des aides à l'exploitation des services de transport combiné n'a augmenté que de 14 millions d'euros, car d'autres aides ont été revues à la baisse, à hauteur de 16 millions d'euros.
Nous proposons donc d'affecter 16 millions d'euros supplémentaires au fret ferroviaire, afin de soutenir les aides à l'exploitation des services de transport combiné et au démarrage de nouveaux services.
L'amendement DEVDUR.33 est adopté.
M. Jean-Marc Delia, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.34 propose d'affecter 100 millions d'euros supplémentaires à la sous-action « Régénération du réseau ferré national », afin que l'État participe au financement du réseau ferroviaire.
L'amendement DEVDUR.34 est adopté.
M. Jean-Marc Delia, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.35, présenté en commun avec Hervé Gillé, a pour objet d'allouer 1 million d'euros supplémentaires à l'ART.
Mme Marta de Cidrac. - Je souhaite une précision sur l'amendement DEVDUR.35. Ce million d'euros d'AE alloués au programme « Infrastructures et services de transport » est enlevé au programme « Énergie ; climat et après mines ». Je voulais m'assurer que ce n'est pas au détriment d'autres missions importantes pour notre commission.
M. Jean-Marc Delia, rapporteur pour avis. - Nous espérons que le Gouvernement lèvera ce gage.
L'amendement DEVDUR.35 est adopté.
M. Jean-Marc Delia, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.36 propose d'allouer 20 millions d'euros supplémentaires au financement des opérations de dragage portuaire.
L'amendement DEVDUR.36 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption de ses amendements.
Organisation des travaux
M. Jean-François Longeot, président. - Avant de clore nos échanges du jour sur le PLF 2026, je tenais à vous informer du dépôt des amendements adoptés la semaine dernière par la commission sur la première partie du projet de loi de finances pour 2026. L'amendement de Stéphane Demilly, qui consistait à rétablir l'article 15 du texte dans sa version initiale, n'a logiquement pas été déposé. Le texte transmis au Sénat étant le texte initial du Gouvernement, et non le texte amendé par les députés, l'amendement précité est devenu sans objet. La semaine dernière, en effet, la commission a examiné des amendements sans connaître quelle version du PLF 2026 serait transmise par le Gouvernement au Sénat. Cependant, pour des raisons de procédure tenant au délai limite de dépôt des amendements, elle ne pouvait attendre cette semaine l'examen de ces amendements pour en sécuriser leur dépôt auprès de la direction de la séance.
Pour votre bonne information, également, un autre amendement de Stéphane Demilly, qui portait sur la taxe sur l'exploitation des infrastructures de longue distance, a fait l'objet d'une amélioration rédactionnelle. La version déposée diffère donc légèrement de celle que nous avons examinée. Pour rappel, cet amendement vise à éviter que les redevances versées par les compagnies aériennes aux exploitants d'aéroports pour compenser le coût de la taxe entrent dans l'assiette de celle-ci, et ce pour éviter un effet « boule de neige » qui conduirait à une taxe sur la répercussion de la taxe, qu'il faudrait à son tour taxer, et ce à l'infini...
Je souhaiterais clore cette réunion pour évoquer les travaux du bureau de la commission du 12 novembre dernier. Tout d'abord, permettez-moi de saluer, en dépit des propos de Ronan Dantec pointant la difficulté de trouver des accords transpartisans, le climat de confiance et de dialogue que j'ai constaté.
J'en viens aux décisions prises à cette occasion : après nos travaux budgétaires, deux tables rondes thématiques seront programmées : l'une sur la déprise commerciale et l'autre consacrée au biomimétisme qui viendra clore l'année 2025.
Deux textes législatifs sont également annoncés et mériteront toute notre attention, même si leur calendrier d'examen n'est pas connu pour l'instant.
D'une part, nous attendons tous avec impatience le projet de loi-cadre dédié aux transports annoncé ici même en commission par notre ancien collègue, le ministre Philippe Tabarot. Cette réforme vise à concrétiser les propositions de la conférence d'Ambition France transports qui a rendu ses travaux en juillet dernier.
D'autre part, nous examinerons le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (Ddadue), renvoyé à la commission des affaires économiques, mais dont une vingtaine d'articles devraient nous être délégués au fond.
Le précédent projet de loi Ddadue, vous vous en souvenez, avait été renvoyé au fond à notre commission. Derrière des dispositions apparemment techniques, les mesures proposées façonnent notre droit et actent certains choix politiques dans des secteurs clés, en particulier les transports et l'énergie, de nature à justifier une analyse approfondie des mesures qui seront soumises à notre examen.
Un certain nombre de déplacements vous seront proposés, et j'appelle l'attention de la commission sur le fait que c'est au Maroc, que la délégation de la commission se rendra dans le cadre de son déplacement annuel.
J'en viens maintenant à nos travaux de contrôle, qui constituent l'autre volet de notre mission constitutionnelle et contribuent, grâce à votre implication, au rayonnement de l'institution sénatoriale.
Quatre missions d'information vont être lancées au cours des prochains mois qui concernent les trois grands champs d'expertise de la commission, avec des équipes de rapporteurs issus de la majorité sénatoriale et de l'opposition.
La première est d'ores et déjà confiée au rapporteur budgétaire compétent, Sébastien Fagnen. Elle concerne les conséquences de l'extinction des technologies 2G et 3G sur notre territoire.
Une deuxième mission d'information nous a semblé légitime pour expertiser les enjeux liés à la billettique. Ces travaux couvriraient un champ d'investigation large : comprenant le transport ferroviaire, mais aussi tous les modes de transport susceptibles d'être concernés.
Une troisième mission d'information sera dédiée, pour la deuxième fois, au contrôle de proximité et procède d'une demande de notre collègue Louis-Jean de Nicolaÿ. Elle s'inscrirait dans la continuité de la mission d'information d'évaluation du programme Petites Villes de demain et se pencherait sur l'ingénierie territoriale. Les travaux débuteraient au début de l'année prochaine.
Enfin, une mission d'information aurait pour objectif de prendre la mesure de l'impact de l'empreinte environnementale de l'intelligence artificielle, en poursuivant les travaux qui avaient permis des avancées législatives réelles sur l'impact du numérique.
Le programme des prochains mois sera donc bien rempli, et je compte sur votre participation à tous. Il va sans dire que les auditions préparatoires de ces missions d'information ne seront pas la propriété des rapporteurs officiellement désignés par les groupes politiques ; elles seront ouvertes à tous les commissaires qui souhaitent y participer.
La réunion est close à 11 h 10.