Mardi 16 décembre 2025

Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques, de Mme Catherine Dumas, vice-présidente de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et de M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes -

La réunion est ouverte à 17 h 15.

La nouvelle donne du commerce international - Examen du rapport d'information

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. - Je remercie Dominique Estrosi Sassone d'avoir initié le travail de nos trois commissions sur ce sujet structurant. Nous étions convenus, avec Cédric Perrin, de l'importance de disposer d'éclairages sur ce thème, notamment après la crise de l'Accord économique et commercial global (AECG-Ceta).

L'examen de la proposition de résolution européenne (PPRE) sur le Mercosur, que nous venons d'adopter en séance, montre combien il est nécessaire que les Parlements nationaux soient davantage et mieux associés au processus de négociation des accords commerciaux internationaux, ce qui suppose également une bonne compréhension des enjeux d'ensemble.

Je veux enfin saluer le travail des six rapporteurs. Nous avions déjà expérimenté ce type de travail, associant trois commissions et treize rapporteurs, dans le cadre du paquet Fit for 55. Cet exercice est délicat, mais il permet toujours d'aboutir à des résultats intéressants.

Mme Catherine Dumas, vice-présidente de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - Permettez-moi tout d'abord de présenter les excuses de Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui participe à l'accueil d'une délégation étrangère au Sénat.

Je m'associe aux propos de Jean-François Rapin au sujet de cette mission d'information, qui visait quatre objectifs principaux : établir un état des lieux des mesures, notamment douanières, prises par l'administration Trump et de leurs conséquences sur les filières européenne et française ; plus généralement, identifier les grandes tendances du commerce international et s'intéresser aux problématiques soulevées par la Chine ; s'interroger sur les réponses apportées par l'Union européenne (UE) et sur les instruments à sa disposition ; enfin, de manière plus prospective, proposer des pistes pour mieux protéger et accompagner les entreprises européennes et françaises.

Au nom de Cédric Perrin, je tiens à saluer le travail des six rapporteurs, et notamment des membres de notre commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. - À mon tour de remercier les présidents Rapin et Perrin de s'être associés à cette mission d'information sur la nouvelle donne du commerce international. Je félicite et remercie les six rapporteurs pour l'important travail accompli, marqué par de nombreuses auditions, plus particulièrement les deux rapporteurs de la commission des affaires économiques, Évelyne Renaud-Garabedian, sénateur représentant les Français établis hors de France, et Yannick Jadot, sénateur de Paris.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. - Merci de m'avoir confié les fonctions de rapporteur dans le cadre de cette mission d'information, qui s'est révélée particulièrement enrichissante. Les auditions menées ont été de grande qualité, et au fil des échanges, notre appréciation de la question a quelque peu évolué.

Ce travail consacré à « la nouvelle donne du commerce international » a été lancé à la fin du printemps dernier, dans les semaines qui ont suivi le Liberation Day du 2 avril, au cours duquel le président américain a acté ce que le commerce international est devenu, à savoir un instrument de puissance. Donald Trump a déclenché une guerre commerciale contre le reste du monde, imposé des droits de douane sans rationalité économique, puis les a suspendus sous la pression des marchés, avant d'ouvrir des négociations rythmées par les menaces et les rapports de force.

Dès notre première réunion, une évidence est apparue : la relation avec les États-Unis serait centrale dans notre réflexion. Mais une autre réalité s'est également imposée à nous : la menace stratégique pour l'Europe et pour la France ne provient pas seulement de Washington ; elle émane aussi, et peut-être davantage, de la Chine.

Il ressort de nos auditions deux constats préoccupants : d'une part, les relations économiques internationales s'éloignent rapidement des principes que l'Europe entend défendre ; d'autre part, l'UE apparaît affaiblie, incapable de parler d'une seule voix, paralysée par des intérêts nationaux hétérogènes et peinant à influer sur le cours des choses.

Le Liberation Day n'est pas un accident ; il est un révélateur qui a mis en lumière une réalité désormais incontestable : le multilatéralisme n'est plus le cadre de référence du commerce mondial. Le commerce n'est plus un espace de coopération régulée, mais un lieu de confrontation assumée.

Ce basculement s'inscrit dans une recomposition géopolitique marquée par la rivalité sino-américaine, le retour affirmé de la souveraineté économique et la montée en puissance d'acteurs émergents.

À ces évolutions structurelles s'est ajoutée, ces dernières années, une succession de crises majeures : le covid-19 a exposé nos dépendances ; la guerre en Ukraine a révélé notre vulnérabilité énergétique et industrielle ; les tensions au Moyen-Orient ont rappelé la fragilité de nos routes commerciales.

Tout converge vers une même conclusion : le commerce mondial se fragmente, et la sécurité prime désormais sur l'efficience économique.

Face à cette réalité, les États s'adaptent : ils relocalisent, ils subventionnent, ils protègent. Les interventions publiques en faveur des industries nationales ont explosé ; le protectionnisme n'est plus un tabou, il est devenu une norme.

Dans le même temps, les échanges se réorganisent en blocs affinitaires. Le commerce est devenu politique, tandis que la politique se sert du commerce. Le groupe des Brics - le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud -, désormais élargi à de nouveaux membres, forts de près de la moitié de la population mondiale, entend désormais peser davantage dans la redéfinition de l'ordre économique international.

Nous assistons également à une véritable « arsenalisation du commerce », pour reprendre les mots de Pascal Lamy. La rivalité sino-américaine en est l'illustration la plus claire : les États-Unis bloquent, filtrent, sanctionnent ; la Chine investit, sécurise, verrouille ses chaînes de valeur et avance méthodiquement, notamment à travers les « nouvelles routes de la soie ».

La compétition pour l'accès aux ressources critiques est devenue directe. Dans ce contexte, l'institution qui régulait, arbitrait, garantissait le commerce mondial n'est plus audible. L'Organisation mondiale du commerce (OMC) est marginalisée, le multilatéralisme est contourné, les règles communes cèdent la place aux rapports de force.

Face à ce monde instable, l'UE hésite, agissant souvent trop peu et trop tard. Pire encore, elle n'utilise pas l'ensemble des outils dont elle dispose pour défendre une politique d'ouverture commerciale tout en se protégeant des mercantilismes agressifs, non par manque de moyens, mais par défaut de volonté politique et de consensus stratégique. C'est là le coeur du problème.

Pourtant, les atouts existent : un marché de 450 millions de consommateurs - le deuxième au monde en termes de stabilité, de taille et de niveau de consommation -, un cadre juridique puissant, une base industrielle innovante, une capacité à négocier reconnue.

L'Europe n'est pas faible par nature ; elle est faible par choix. La question n'est donc pas celle de la capacité de l'Europe à devenir une puissance commerciale. Il s'agit de savoir si elle accepte enfin d'en assumer le prix politique.

M. François Bonneau, rapporteur. - Au moment d'aborder la question des relations commerciales transatlantiques, je veux rappeler en quelques chiffres combien elles sont fondamentales tant pour l'UE que pour les États-Unis, qui représentent ensemble 43 % du PIB mondial et 30 % du commerce mondial de biens et de services.

Au cours des dix dernières années, les échanges de biens et services entre les deux zones ont doublé pour atteindre 1 700 milliards d'euros en 2024, soit 4,2 milliards d'euros échangés chaque jour.

Les États-Unis sont le premier client de l'UE : elle y expédie 21 % de ses exportations. Les États-Unis sont, pour leur part, le deuxième fournisseur de l'UE, avec 14 % de ses importations, derrière la Chine.

Contrairement à ce que soutient le président Trump, les échanges de biens et de services entre l'UE et les États-Unis sont globalement équilibrés, puisque l'excédent commercial de l'UE avec les États-Unis représentait seulement 49 milliards d'euros en 2024, soit moins de 3 % du total de leurs échanges.

S'il est vrai que, dans le commerce des biens, l'UE réalise un excédent commercial de 198 milliards d'euros avec les États-Unis, ces derniers dégagent pour leur part un net excédent de 148 milliards d'euros en matière de services, grâce notamment aux droits de propriété intellectuelle de leurs nombreuses filiales en Europe ou à l'activité des grandes entreprises de la tech américaine.

Même si le protectionnisme monte aux États-Unis depuis une quinzaine d'années, en particulier lors de la première administration Trump, à la fin de l'année 2024, les deux tiers des exportations de l'UE vers les États-Unis étaient exemptés de droits de douane, et la moyenne pondérée des échanges était taxée à seulement 1 %, témoignant de la libéralisation très avancée du commerce entre les deux zones.

Comme vous le savez, les négociations menées entre l'administration Trump et la Commission européenne ont abouti à la signature de l'accord de Turnberry le 27 juillet 2025. L'ensemble des économistes et des experts que nous avons entendus en conviennent : cet accord est fondamentalement déséquilibré et asymétrique au profit des États-Unis et au détriment de l'UE.

Pour obtenir cet accord, négocié pendant plusieurs mois avec la partie américaine, la Commission européenne a accepté de supprimer les droits de douane sur tous les produits industriels américains. Elle s'est également engagée à élargir l'accès au marché européen, via des baisses de taux de droits de douane ou des hausses de quotas d'importation pour certaines denrées de la mer et produits agricoles américains.

En contrepartie, les États-Unis ont mis en place des droits de douane de 15 %, qui constituent à la fois un plancher et un plafond pour la plupart des exportations de l'UE.

Il s'agit donc, incontestablement, d'une défaite commerciale pour l'UE qui, dans cette négociation, ne s'est pas positionnée comme une puissance commerciale majeure, apparaissant ainsi comme un « vassal » des États-Unis.

La signature de cet accord a été vécue par nombre d'Européens comme marquant le déclassement politique du continent européen et son incapacité à peser face aux États-Unis.

Peut-être plus grave à long terme, l'accord de Turnberry a marqué l'abandon par l'UE du respect des règles de l'OMC dont elle avait jusqu'alors toujours assuré la défense.

En effet, l'une des règles de base de l'OMC est celle de la « nation la plus favorisée » (NPF) : elle signifie que, si le pays X accorde un traitement favorable au pays Y - par exemple en abaissant ses droits de douane -, le pays X devra accorder le même traitement à tous les autres membres de l'OMC.

Or, en accordant aux États-Unis l'abaissement à zéro de ses droits de douane sur les produits industriels américains qu'elle importe, sans pour autant l'étendre aux autres membres de l'OMC, l'UE a violé cette règle cardinale de la NPF.

Elle-même construite sur la règle de droit, se voulant la garante du système multilatéral construit au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l'UE a ainsi semblé céder au primat de la force sur le droit et donner sa caution au délitement du système commercial multilatéral.

Dès lors, était-il possible d'obtenir un accord plus équilibré et de jouer l'épreuve de force avec les États-Unis, comme l'a fait la Chine ?

La première raison pour laquelle l'UE a préféré céder tient, bien sûr, à sa dépendance à la protection militaire américaine. En d'autres termes, l'accord commercial déséquilibré de Turnberry constituait, du point de vue des dirigeants européens, le prix à payer pour conserver l'engagement militaire américain en Europe.

La deuxième faiblesse majeure de l'UE tient à l'existence d'intérêts divergents entre ses États membres, avec en particulier trois États très exposés au marché américain - l'Allemagne, l'Italie et l'Irlande -, qui avaient beaucoup à perdre en cas de surenchère.

Seule la Chine a pris ce risque de la surenchère. Mais cela l'a conduite à subir des droits de douane qui ont atteint jusqu'à 145 % ! Et si elle a réussi à faire plier les États-Unis, c'est grâce à l'arme redoutable des terres rares et métaux critiques dont elle assure 60 % de l'extraction et 90 % du raffinage. L'UE ne dispose malheureusement pas d'un tel atout stratégique.

Enfin, lorsqu'on compare ce qu'a obtenu l'UE par rapport aux autres pays, elle n'apparaît pas si mal lotie, puisque l'accord conclu par les États-Unis et l'UE est plus favorable que ceux qui ont été conclus par le Japon ou la Corée du Sud.

Oui, l'accord de Turnberry est regrettable, mais compte tenu du contexte géopolitique actuel, il était sans doute difficile de faire beaucoup mieux.

L'ensemble des économistes entendus par la mission s'accordent à penser que la volatilité et l'imprévisibilité de l'administration Trump en matière de tarifs douaniers constituent une donnée structurelle, et qu'il faut par conséquent s'attendre à de nouvelles offensives. Il nous faudra tenir bon, faire de l'accord de Turnberry un cadre stable et refuser bien entendu tout chantage concernant les régulations européennes, notamment dans le domaine du numérique.

J'en viens aux conséquences de cet accord sur l'économie française.

La France a exporté 48,6 milliards d'euros de biens vers les États-Unis en 2024. Prises dans leur ensemble, ses exportations vers ce pays n'ont pour l'instant pas beaucoup souffert des droits de douane américains, même si les entreprises exportatrices considèrent l'incertitude permanente et la complexité juridique induites par les décisions de l'administration Trump comme des fléaux.

Le premier poste à l'exportation de la France vers les États-Unis, l'aéronautique et le spatial, demeure exonéré de droits de douane. Le secteur pharmaceutique bénéficie également d'exonérations, et le secteur du luxe devrait pouvoir répercuter tout ou partie des droits de douane sur ses clients américains.

Deux secteurs, en revanche, apparaissent fortement impactés et devront faire l'objet d'une attention particulière dans les mois à venir.

Les États-Unis représentent près du quart des exportations françaises de vins et spiritueux. Or, globalement stables au premier semestre 2025, les exportations de boissons ont fortement chuté à partir de juillet - diminution de 30 % en juillet, de 47 % en août et de 40 % en septembre. La moitié de cette baisse est due au cognac, suivi par les vins et le champagne. Obtenir une exemption pour les vins et spiritueux - la filière viticole française subissant par ailleurs une crise profonde - doit donc constituer une priorité que la France doit continuer à porter auprès de la Commission européenne, dans le cadre des négociations commerciales prévues par l'accord de Turnberry.

L'autre secteur mis en péril est celui de la métallurgie, qui connaît de profondes difficultés, dues en particulier à la faiblesse de la demande et aux surcapacités chinoises. Pour ce secteur, la mise en place sur les exportations européennes d'acier et d'aluminium vers les États-Unis de droits de douane à hauteur de 50 % a constitué une nouvelle très défavorable : les ventes d'acier français aux États-Unis ont chuté de plus d'un quart au cours des derniers mois.

Obtenir des quotas exonérés de taxe aux États-Unis dans le cadre des négociations prévues par l'accord de Turnberry constitue donc une nécessité pour ce secteur, en parallèle des mesures prévues pour le préserver de la concurrence chinoise.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure. - En quelques décennies, la Chine est passée d'une économie émergente à un acteur majeur de l'économie mondiale, son PIB par tête ayant été multiplié par plus de neuf en vingt-cinq ans. Son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001 a constitué un tournant décisif et la Chine est devenue le premier exportateur mondial, avec plus de 15 % des exportations mondiales en 2023, et un excédent commercial qui devrait dépasser 1 000 milliards de dollars en 2025.

Cette croissance s'est appuyée sur un niveau d'investissement exceptionnel, représentant près de 41 % du PIB entre 2001 et 2021, ainsi que sur une politique industrielle volontariste. Le programme Made in China 2025, lancé en 2015, a permis de développer les capacités nationales dans dix secteurs stratégiques à forte valeur ajoutée, grâce à des subventions directes, une utilisation extensive des marchés publics, un soutien massif à la recherche et développement (R&D) et des politiques de transfert de technologies étrangères. Cette stratégie a transformé le modèle chinois, passant d'une compétitivité centrée sur les coûts à une montée en gamme technologique.

Depuis 2023, le concept des « nouvelles forces productives de qualité », forgé par le président Xi Jinping, a élargi les ambitions chinoises aux technologies de rupture - intelligence artificielle, semi-conducteurs, biotechnologies, spatial -, la Chine réussissant à passer d'une logique de rattrapage économique à une logique de leadership technologique de plus en plus assumée.

En conséquence, la relation entre l'Union européenne et la Chine s'est inversée dans de nombreux secteurs : ce sont désormais les entreprises européennes qui dépendent des biens stratégiques chinois et de l'accès à l'innovation chinoise, alors que la Chine a réduit ses dépendances vis-à-vis de l'Europe et des États-Unis.

Forte de sa domination technologique, la Chine s'appuie sur un modèle économique profondément déséquilibré qui favorise son mercantilisme. En effet, les autorités chinoises poursuivent une stratégie de croissance fondée sur l'offre, tandis que la consommation y reste structurellement faible, provoquant l'émergence de surcapacités industrielles.

Ces excédents sont réorientés vers les marchés étrangers à des prix très compétitifs, ce qui exerce une pression déflationniste mondiale et fragilise sévèrement les producteurs européens.

Face à cette concurrence déloyale, un nombre croissant d'États renforcent leurs instruments de défense commerciale. Si elle ne fait rien, l'Union européenne pourrait devenir le marché de report des exportations chinoises. À moins qu'elle ne le soit déjà devenue...

Pour l'Europe et la France, l'enjeu n'est plus seulement commercial, mais stratégique : préserver des capacités industrielles essentielles, garantir la souveraineté économique et adapter les outils de régulation.

Or, force est de constater qu'au cours des dernières années, l'Union européenne s'est trouvée trop souvent dans une posture réactive, cherchant à corriger ses vulnérabilités après-coup plutôt qu'à anticiper les évolutions stratégiques. L'épisode du photovoltaïque en est l'illustration la plus emblématique : malgré l'avance technologique initiale de ses industriels, l'Union a laissé la Chine s'imposer grâce à des subventions massives, jusqu'à provoquer l'effondrement de la filière européenne ; l'industrie solaire européenne ne produit plus qu'une fraction infime des panneaux installés sur son territoire, tandis que 98 % des importations européennes de panneaux solaires proviennent de Chine, plaçant l'Europe dans une situation de très forte dépendance.

Ce constat a influencé l'approche européenne face à la montée en puissance des véhicules électriques chinois. L'UE a cette fois adopté des droits antisubventions significatifs, allant de 17 % à 35 %, ce qui a temporairement soutenu la production européenne et freiné les importations de près de 20 %. Toutefois, ces mesures demeurent limitées : leur niveau reste inférieur aux droits de 100 % appliqués par les États-Unis, leur champ d'application est restreint et les constructeurs chinois s'y adaptent rapidement.

Pour l'acier, l'Union a enfin présenté en octobre une mesure de protection pérenne, visant à réduire fortement les volumes importés sans droits de douane et à renforcer la traçabilité pour contrer les contournements.

Enfin, la réponse européenne au déferlement de petits colis issus du commerce en ligne chinois souffre également de lenteurs et de fragmentation. Alors que certains États membres adoptent leurs propres taxes, l'Union peine à réformer son cadre douanier à un rythme compatible avec l'essor du e-commerce. Tandis que les États-Unis ont supprimé du jour au lendemain leur régime de minimis, qui exonérait de droits de douane les petits colis, la Commission n'envisage une telle évolution qu'à l'horizon mi-2026. Le manque de moyens de contrôle et la faiblesse des sanctions limitent encore l'efficacité des règles existantes.

Pour préserver sa souveraineté économique et anticiper les stratégies industrielles de puissances comme la Chine, l'Union doit passer d'une logique de réaction tardive à une stratégie proactive.

M. Didier Marie, rapporteur. - Entre la tenaille protectionniste américaine et l'impérialisme économique chinois, si nous voulons rester maîtres de notre destin économique, un sursaut européen et français est indispensable.

Car les recompositions en cours des échanges ne sont pas synonymes de « démondialisation ». En effet, contrairement aux années 1930, la montée des barrières commerciales à laquelle nous assistons ne conduit pas à un recul brutal des échanges.

L'« hypermondialisation » des années 1990 et 2000 a laissé place à une mondialisation plus lente, mais toujours dynamique, davantage tirée par les services et les économies émergentes. Ainsi, en 2025, le commerce mondial a progressé de plus de 500 milliards de dollars et devrait dépasser son niveau record de 2024. L'OMC prévoit encore une croissance, modeste mais réelle, en 2026. La mondialisation ne recule donc pas, elle change de forme. Les échanges se régionalisent, les blocs se structurent et les considérations politiques et géopolitiques deviennent déterminantes.

Fondée sur l'idée classique issue de Montesquieu que le commerce international est facteur de paix entre les nations, faisant de l'ouverture au monde l'une de ses valeurs cardinales, l'Union européenne doit continuer à promouvoir un libre échange régulé.

Dans la phase actuelle de la mondialisation, caractérisée par le retour des logiques de puissance et l'instabilité des alliances, la diversification des partenariats commerciaux apparaît comme une exigence stratégique, afin de moins dépendre d'États-Unis en plein repli protectionniste et d'une Chine avec laquelle le rapport de force va nécessairement se durcir compte tenu de son refus d'amender sa politique mercantiliste toujours plus agressive.

La question n'est pas de savoir si nous devons commercer, mais avec quels partenaires et selon quelles règles. Les États-Unis, qui ne représentent plus que 13 % du commerce mondial, peuvent bien se barricader s'ils le souhaitent ; le reste du monde, qui réalise 87 % de ce commerce mondial, veut toujours échanger ! L'Union européenne doit donc aller chercher ailleurs les relais de croissance et de sécurité économiques dont elle a besoin avec ceux qui veulent commercer avec elle et selon ses règles.

Cette diversification est d'autant plus nécessaire que l'Europe dépend massivement de l'extérieur pour ses matières premières, ses composants technologiques et ses équipements énergétiques.

C'est tout le sens des négociations en cours de l'UE avec l'Inde, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande, l'Australie ou encore les Émirats arabes unis. Ces accords permettront d'approfondir nos relations avec ces partenaires en pleine émergence ou déjà parmi les plus développés, dans une zone Asie-Pacifique de plus en plus centrale.

L'Europe ne doit cependant pas tourner le dos à son voisinage naturel.

L'Afrique concentre une part décisive des ressources stratégiques dont dépendra la transition mondiale : plus de la moitié du cobalt et du manganèse, une grande part du cuivre, du lithium ou des terres rares. Or ces importantes richesses, de même que les perspectives offertes par le continent, dont la population devrait être la plus importante à l'horizon 2050, ne sont pas sans susciter les convoitises de nos compétiteurs, en premier lieu des deux superpuissances que sont la Chine et les États-Unis.

Dans ce contexte de compétition accrue, l'Union européenne, et en son sein la France, dispose toutefois d'atouts importants dans son partenariat avec l'Afrique. Elle demeure le principal partenaire commercial du continent et occupe la première place parmi les investisseurs étrangers. Alors que la France et l'Union européenne mobilisent des ressources importantes à travers l'aide publique au développement, malheureusement en diminution dans le PLF 2026, et la stratégie européenne Global Gateway, il est essentiel de mieux articuler ces efforts avec le commerce extérieur. À défaut d'une présence économique durable, le marché africain pourrait être perdu au profit d'autres acteurs. Plus largement, un véritable partenariat stratégique doit être construit avec l'Afrique. Longtemps abordé par la France principalement sous l'angle de l'influence politique et institutionnelle, le continent est désormais un espace de forte concurrence internationale, structuré par des offres économiques intégrées et des partenariats de long terme.

L'Europe doit également renforcer ses relations avec l'Amérique latine et les Caraïbes. Toutefois, cette diversification ne doit pas conduire l'Union européenne à sacrifier ses exigences. L'exemple de l'accord avec le Mercosur que nous venons d'évoquer en séance en est l'illustration la plus frappante. Cet accord, négocié selon des logiques d'un autre temps, ne répond plus aux impératifs actuels, qu'il s'agisse du développement durable ou encore de l'autosuffisance en matière alimentaire. Il expose nos agriculteurs à une concurrence déloyale en l'absence de clauses miroirs imposant aux exportateurs de satisfaire nos normes de production sanitaires et environnementales.

Il reste insuffisant, voire lacunaire sur la protection de l'environnement et sur les engagements climatiques. Il comporte en outre un mécanisme de « rééquilibrage » qui pourrait fragiliser notre capacité à adopter de nouvelles protections environnementales. Cet accord doit donc servir de contre-exemple. L'ouverture ne peut se faire au prix de l'affaiblissement de notre modèle, ni de nos valeurs ou de nos normes.

C'est pourquoi l'Union doit, plus que jamais, assumer son rôle de puissance normative. Sa force réside dans la taille de son marché et la stabilité de ses règles. Pour préserver et projeter ce modèle, nous devons généraliser les mesures miroir dans nos réglementations et dans nos accords commerciaux, afin que les produits importés respectent les mêmes exigences que ceux fabriqués en Europe.

Nous demandons également une meilleure association des parlements nationaux au processus de négociation des accords commerciaux internationaux.

M. Yannick Jadot, rapporteur. - Si l'on cherchait une illustration de l'impuissance actuelle de l'Union européenne à défendre ses intérêts stratégiques, le débat sur le Mercosur en fournirait une démonstration assez claire. La voix de la France comme celle des institutions européennes apparaît aujourd'hui trop molle, trop ambiguë au regard des enjeux que nous avons à défendre.

Un second exemple est celui de l'accord de Turnberry, conclu par la présidente von der Leyen avec le président Trump dans son golf privé. Par l'image qu'il a donnée, cet épisode a été ressenti comme humiliant pour l'Union européenne. À ce moment-là, l'Europe semblait incapable de savoir sur quel pied danser dans ce rapport de force. Les experts que nous avons auditionnés divergent d'ailleurs encore sur cet accord : s'agissait-il d'un bon compromis ou d'un mauvais arrangement ? A-t-il permis d'éviter une escalade ?

Quoi qu'il en soit, nous ne sommes toujours pas prêts face à un monde devenu beaucoup plus instable. Nous ne savons pas comment l'Union européenne réagirait à une attaque sur ses normes, en particulier dans le domaine du numérique ou des services financiers. Nous peinons à identifier les mécanismes de défense collective qu'elle pourrait réellement mobiliser.

Historiquement, la politique commerciale européenne s'est construite sur la libéralisation des échanges et les accords de libre-échange. Ce n'est pas tant l'Europe qui a changé de doctrine que le monde autour d'elle. La pandémie de covid et la guerre en Ukraine ont montré l'urgence de réduire nos dépendances externes. Cela suppose de sécuriser nos approvisionnements stratégiques, de renforcer le contrôle des investissements étrangers afin d'éviter la captation des technologies européennes et d'instaurer des mécanismes de préférence européenne. Sur ce point, l'évolution de la position française est notable.

Dans les faits, la Chine conserve une position dominante sur de nombreuses matières premières critiques. L'Union européenne demeure très exposée, tant sur l'approvisionnement que sur la volatilité des prix et la vulnérabilité géopolitique. Certes, une stratégie européenne a été lancée en 2023, complétée en décembre 2025 par RESourceEU, avec l'objectif de réduire les dépendances et de créer un centre européen des matières premières critiques chargé de coordonner les efforts. Mais, parallèlement, le contrôle des investissements directs étrangers dans les secteurs stratégiques - défense, énergie, transports - reste très hétérogène dans son application.

La force de la construction européenne, c'est le consentement à la norme que nous construisons collectivement, mais cette construction est souvent trop lente dans un monde devenu plus agressif. Nous le constatons avec les investissements chinois et les stratégies de « de-risking » plus ou moins assumées selon les États membres. Une proposition législative sur le filtrage des investissements étrangers a été adoptée par le Conseil et le Parlement européens et devrait entrer en vigueur au premier semestre 2026.

Cela implique aussi d'adopter un changement profond de logique, en assumant ce qu'a été la stratégie chinoise pendant des décennies : si vous voulez exporter vers le marché européen, il faudra installer des usines sur notre territoire, et cette production sur notre territoire impliquera un partage de technologies. C'est quand même un renversement du monde auquel nous ne nous attendions pas aussi rapidement.

De nombreux acteurs auditionnés soutiennent l'idée d'un véritable Buy European Act, instaurant une préférence géographique dans les marchés publics, qui représentent 14 à 15 % du PIB européen. C'est un levier considérable, qui ne nous coûterait pas forcément beaucoup d'argent. Il faut également introduire des critères explicites de contenu européen pour sécuriser nos débouchés et relocaliser certaines chaînes de valeur : médicaments, terres rares, capacités de transformation, composants électroniques, batteries, solaire ou numérique. La dépendance ne porte pas seulement sur l'extraction des ressources, mais aussi sur leur transformation. La Chine n'a pas forcément tous les minerais stratégiques, mais elle se dote des moyens de les transformer, ce qui crée une nouvelle forme de dépendance, qui n'est pas inéluctable.

Nos travaux soulignent enfin la nécessité de mobiliser plus efficacement les instruments de défense commerciale face au protectionnisme et au mercantilisme agressif des États-Unis et de la Chine. L'Union européenne dispose aujourd'hui d'outils plus nombreux - anti-dumping, anti-subventions, mesures de sauvegarde -, mais leur mise en oeuvre demeure lente. À la différence des États-Unis, qui frappent vite et fort, nos procédures prennent du temps. De plus, l'Union applique le principe du « droit moindre », frappant toujours en deçà du dumping que nous avons évalué. Il y a donc là un véritable sujet de réactivité dans un monde devenu très et rapidement agressif.

Cette lenteur est particulièrement visible dans le cas de Shein. Malgré les pressions, notamment françaises, l'Union peine à réagir. Les sanctions, lorsqu'elles interviennent, sont tardives et peu dissuasives, comme la récente amende de 40 millions d'euros. Nous ne protégeons pas suffisamment le secteur du commerce. Nous l'avons vu également sur l'acier, l'automobile ou, désormais, la chimie. Nous réagissons souvent trop tard et trop faiblement.

Le récent règlement sur les subventions étrangères et l'instrument relatif aux marchés publics internationaux nous permettent d'agir un peu plus fortement, mais les moyens humains manquent, tant au niveau des administrations nationales - douanes, direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) - qu'à la direction générale du commerce et de la sécurité économique (DG Trade) à Bruxelles.

Enfin, un constat majeur ressort de l'ensemble des auditions : l'Union européenne souffre toujours de l'absence d'une véritable politique industrielle commune. Comme l'ont montré les rapports Draghi et Letta, nous nous sommes construits sur le marché et les consommateurs, rarement sur les producteurs, à l'exception de l'agriculture. Or c'est une aberration. Alors que tout le monde reconnaît les besoins d'investissements, de recherche et de protection, nous peinons à faire émerger des champions européens faute d'une politique industrielle commune. Des exemples existent, comme la vallée de la batterie électrique dans le nord de la France, mais ces dynamiques restent trop lentes.

M. Jean-Luc Ruelle, rapporteur. - Exporter est vital pour l'économie française comme pour l'économie européenne, les perspectives de croissance de nos marchés domestiques étant plus faibles que celles d'autres régions du monde.

La France peut s'appuyer sur des secteurs d'excellence historiques - aéronautique, matériels de transport, vins et spiritueux, pharmacie, chimie, luxe -, mais elle doit néanmoins continuer à se diversifier en poursuivant ses efforts de réindustrialisation et en favorisant une montée en gamme de ses produits par une politique vigoureuse d'innovation.

Alors qu'un timide mouvement de réindustrialisation semblait s'être amorcé ces dernières années, cette dynamique s'est enrayée en 2024, et l'année 2025 marque un retour du phénomène de désindustrialisation. Aujourd'hui, notre industrie ne représente plus que 11 % de notre PIB. Au-delà de la difficulté conjoncturelle posée par l'instabilité politique depuis la mi-2024, notre réindustrialisation passe donc par la consolidation des points forts traditionnels de notre pays, dont certains sont apparus plus fragiles ces dernières années, notamment en matière de qualité des infrastructures et de coût de l'énergie. Des efforts sont également à faire pour simplifier la vie des entreprises et réaliser des investissements soutenus dans la formation initiale et continue des salariés.

S'agissant de l'accompagnement de nos entreprises à l'export, ces dernières années ont vu la structuration de la Team France Export, qui regroupe Business France, Bpifrance, les services économiques des ambassades, les chambres de commerce franco-étrangères et, plus largement, tout l'écosystème des conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF), de l'Agence française de développement (AFD), des conseillers des Français de l'étranger et de la French Tech.

Si 12 292 entreprises ont ainsi été accompagnées par la Team France Export en 2024, nous nous préoccupons toutefois de l'impact réel de ces accompagnements, puisque nous ne disposons d'aucune mesure à ce sujet. Nous ne savons pas combien de projets d'entreprises se sont concrétisés.

La France compte aujourd'hui 136 000 entreprises exportatrices qui ont généré 645 milliards d'euros d'exportation en 2024, là où l'Allemagne en compte 300 000 pour 1 548 milliards d'euros, et l'Italie 180 000 pour plus de 674 millions d'euros. Nous avons donc un handicap culturel vis-à-vis de l'exportation, mais il apparaît surtout que nous sommes incapables de développer efficacement le volume de nos exportations. Si l'action de Bpifrance à l'international nous paraît adaptée dans sa nature, son module « export » est manifestement sous-dimensionné par rapport à l'enjeu du soutien des ETI et PME françaises. Cette activité gagnerait à devenir un outil intégré de prospection, de conquête de marché et de financement. Aujourd'hui, Business France s'occupe de la prospection et Bpifrance du financement, ce qui représente deux guichets. Ce n'est pas une situation idéale ; il faudrait davantage rapprocher ces deux entités. Nous constatons par ailleurs la persistance d'une tendance à l'éparpillement et à la redondance des offres de services et des dispositifs d'accompagnement.

Beaucoup reste à faire pour maximiser le potentiel français à l'exportation et parvenir au même résultat que l'Allemagne ou l'Italie. Il est donc urgent de simplifier nos outils, casser les silos et intégrer certaines fonctions de la Team France Export pour bâtir une chaîne complète et cohérente, de la détection à l'accompagnement financier, laquelle serait basée sur un modèle d'affaires export pérenne et pilotée par la mesure des résultats concrets pour les entreprises.

Autre impératif retenu de nos auditions : utiliser une seule et même marque, la marque « France », pour promouvoir les savoir-faire français. Lorsque vous êtes dans un salon international, vous voyez la Savoie, la Normandie, telle ou telle région, mais on ne parle pas de la marque « France ». Nous perdons donc en impact. En s'inspirant de l'exemple italien, il est important d'inciter les entreprises françaises à « chasser en meute », de sorte qu'elles s'entraident et s'associent. Il faudrait que l'implantation d'une entreprise issue d'un bassin de production français puisse bénéficier aux autres entreprises de ce même bassin, ce dont nous sommes très loin.

Toujours dans une logique de casser les silos, il conviendrait de lier la politique de soutien à l'internationalisation des entreprises et l'aide publique au développement. Sans dénaturer cette dernière, elle doit constituer un levier structurant pour notre commerce extérieur, notamment en orientant les missions du groupe AFD. Aujourd'hui, l'AFD finance des opérations avec des investisseurs chinois, ce qui doit cesser. Au-delà des instruments industriels et financiers classiques, la capacité de la France à renforcer sa présence repose sur des leviers immatériels insuffisamment mobilisés, dans le domaine desquels nous avons pourtant une véritable supériorité.

La langue, la culture, les réseaux éducatifs, universitaires et la francophonie facilitent l'accès au marché, en particulier en Afrique. Ils structurent des relations économiques de long terme et favorisent des partenariats fondés sur la coproduction, la coformation et l'investissement durable. La francophonie n'est pas qu'un héritage culturel ; c'est un avantage économique sous-utilisé. Son articulation plus systématique avec notre diplomatie économique renforcerait la capacité de nos entreprises à s'insérer durablement dans les chaînes de valeur internationales, en particulier dans l'espace francophone et les régions en forte croissance. Enfin, nos exportateurs gagneraient à s'appuyer davantage sur les entreprises françaises à l'étranger, dont il faudrait rapidement établir un recensement rigoureux, centralisé et opérationnel, comme le prévoyait la proposition de loi d'Évelyne Renaud-Garabedian, adoptée par le Sénat le 30 mai 2023. Ces entreprises françaises à l'étranger (EFE) seraient entre 150 000 et 300 000. Vous voyez combien la fourchette est précise...

Mes chers collègues, la France ne gagnera pas la bataille du commerce international en cherchant à imiter les modèles chinois ou américains. Elle y parviendra en assumant pleinement sa vision, ses singularités, en mobilisant ses propres forces économiques, industrielles et d'influence de manière cohérente et déterminée au service d'une stratégie nationale et européenne. C'est à cette condition qu'elle pourra redevenir un acteur qui compte. Le commerce international a changé de nature ; à nous de changer de méthode.

M. Franck Montaugé. - Merci aux rapporteurs pour ce travail. Je m'étonne que l'OMC n'ait pas été évoquée : faut-il désormais considérer qu'elle n'a plus aucune influence sur les questions relatives aux relations commerciales internationales ? Que peuvent en attendre la France et l'Union européenne ?

Le passage du multilatéralisme à un système favorisant de plus en plus le bilatéralisme se réplique en matière de relations commerciales, ce qui ne me semble pas aller dans l'intérêt des États membres, d'où la nécessité de redonner à l'Union européenne le rôle et l'efficacité qu'elle doit jouer dans ce domaine.

Par ailleurs, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a édicté un Codex Alimentarius rassemblant une série de règles et de normes en matière de production alimentaire : que peut faire l'Union européenne sur ce type de sujets ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. - L'OMC est totalement marginalisée et il ne faut donc pas en attendre grand-chose.

M. Franck Montaugé. - C'est très grave !

M. Didier Marie, rapporteur. - Tout en ayant travaillé ensemble, nous pouvons avoir quelques divergences d'appréciation, notamment à ce sujet. Certes, l'OMC fonctionne mal, mais il est exagéré de dire qu'elle ne fonctionne plus. Ce dysfonctionnement est lié au fait que les États-Unis ont décidé - bien avant la réélection de Donald Trump - de bloquer la nomination des juges au sein de l'organe d'appel de l'organe de règlement des différends (ORD), tandis que la Chine a adhéré à l'OMC - grâce à notre bonne volonté - sans en respecter les règles, puisqu'elle a continué à subventionner massivement son industrie, soit par l'intermédiaire des marchés publics, soit par le biais des entreprises d'État.

Cependant, de nombreux États, dont les Brics, souhaitent le maintien du multilatéralisme et de règles communes au commerce international, ce qui permet à l'OMC de fonctionner cahin-caha et d'obtenir des résultats : je pense notamment à l'accord, certes modeste, portant sur les subventions à la pêche et la pêche illicite. Il faudrait donc réformer l'OMC, mais la tâche restera malaisée tant que les États-Unis bloqueront la machine et s'en désintéresseront.

En résumé, faut-il une OMC à laquelle ne participent pas les deux superpuissances ou faut-il envisager - comme Mme von der Leyen l'a évoqué sans donner suite - un nouvel organisme international associant tous les pays désireux de maintenir des règles et le multilatéralisme ?

M. Yannick Jadot, rapporteur. - L'OMC tirait sa force de sa capacité à produire du « droit dur », ce qui est très rare au niveau multilatéral. Nous sommes effectivement pris en étau entre la Chine, qui a construit son hégémonie grâce à l'OMC et à un mercantilisme souvent destructeur pour une partie de nos économies, situation que n'avons pas su anticiper, et des États-Unis qui se sont dissociés de cette organisation depuis longtemps : si Donald Trump prend en permanence des mesures totalement incompatibles avec ses règles, le mouvement avait commencé avant lui.

Dans ce contexte, l'Union européenne est-elle capable de construire des coalitions qui se donnent pour ambition l'élaboration de règles communes et la mise en place d'une forme d'État de droit international ? Le mécanisme de règlement des différends illustre l'idée d'un espace commun permettant de résoudre les litiges.

S'y ajoute la question des valeurs : selon moi, l'avenir de l'Union européenne passe par le fait de considérer que le multilatéralisme des valeurs peut se conjuguer - soit au travers de ses propres règles, soit au travers de règles adoptées par une coalition - à une forme d'unilatéralisme.

Je suis en revanche plus sceptique s'agissant du Codex Alimentarius, car il s'est souvent révélé assez perméable à des intérêts économiques extrêmement puissants, et notamment à la vision américaine du principe de précaution.

M. Franck Montaugé. - Le concept reste intéressant.

M. Yannick Jadot, rapporteur. - Nous avons en tout cas bien plus et bien mieux à faire avec les pays du Sud. Notre pays s'interroge sur sa relation avec l'Afrique - qu'il convient de reconstruire - et devrait prendre la tête de l'Union européenne afin de bâtir de nouveaux partenariats permettant d'être moins vulnérables face à la Chine.

M. Daniel Salmon. - Je remercie à mon tour les rapporteurs pour ce travail qui montre bien comment l'Europe a vécu pendant des décennies avec l'idée de la mondialisation libérale heureuse, qui était censée nous apporter une croissance perpétuelle. Nous en avons certes recueilli les bénéfices pendant une période, mais la situation est désormais plus difficile.

Certaines des préconisations du rapport me semblent être des voeux pieux : il en va ainsi de la mention d'une « égalité des conditions de production », alors que la compétition mondiale est justement basée sur les écarts de coûts du travail et de l'énergie, ainsi que sur la valeur accordée à la pollution de l'environnement.

De la même manière, la recommandation nº 2 consiste à élargir au maximum la liste des exemptions négociées avec les États-Unis, mais ne soyons pas naïfs : nous devrons faire des concessions en contrepartie des avancées que nous pourrons obtenir pour tel ou tel secteur.

Nous nous sommes également placés dans une situation de dépendance trop forte à l'égard de quelques marchés sur des filières telles que le cognac, 80 % de la production étant destinés aux États-Unis et à la Chine : il faudrait donc diversifier nos exportations.

Comme la commission d'enquête consacrée à la commande publique l'a montré, il nous faut protéger notre marché et nos données, car nous sommes aussi, en matière numérique, dépendants des Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft (Gafam).

J'en termine avec le voyage organisé par la commission des affaires économiques au Maroc, qui nous a montré l'intérêt de nouer des partenariats et rappelé que nous avons des liens privilégiés avec l'Afrique, en particulier avec l'Afrique du Nord. Il y a là des chantiers à poursuivre, en évitant des stop and go qui déstabilisent tant nos entreprises que nos relations avec ces pays.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure. - Nous avons créé des dépendances volontaires, peut-être par facilité, en pensant que le monde ne changerait pas. Vieillissante, l'Europe n'a pas été capable de prendre en compte des mouvements et des changements radicaux, avec les conséquences que nous subissons aujourd'hui.

Au sein même de l'Union européenne, de nombreux acteurs continuent à défendre leurs intérêts nationaux avant toute chose et n'acceptent de négocier qu'à la condition de ne pas être trop affectés. Nous avons besoin d'être proactifs et, si la liste de recommandations peut paraître molle, c'est parce qu'elle correspond à la réalité de ce qu'est l'Union européenne aujourd'hui, qui ressemble à un moteur diesel peinant à accélérer pour suivre les mutations du monde. De ce fait, nous ne réagissons que tardivement, et uniquement lorsque nous y sommes contraints.

Néanmoins, nous représentons encore un modèle pour beaucoup de pays du monde et notre capacité à nous doter de normes devrait - notamment vis-à-vis des Brics - être une force. À ce titre, le détricotage actuel des normes européennes, en particulier en matière environnementale, m'interpelle, car ces dernières devaient jouer un rôle d'entraînement : les affadir nous fait perdre en crédibilité aux yeux des Brics comme du continent africain.

Par ailleurs, le développement de partenariats est bien évidemment souhaitable. Le Maroc a, à une époque, décidé de s'ouvrir vers l'Afrique subsaharienne, mais nous n'avons malheureusement pas su saisir cette opportunité pour nous rapprocher de la Mauritanie, par exemple.

M. François Bonneau, rapporteur. - Le cognac est l'un des produits les plus touchés par la guerre commerciale en cours. Il me semble inexact de dire que les exportations se sont focalisées sur deux pays : par le passé, le cognac s'exportait très bien au Japon, et il faut davantage raisonner en termes de cycles. Dans le cycle actuel, le problème est que les deux principaux marchés sont affectés en même temps, et il faut donc tâcher de se repositionner ailleurs.

M. Didier Marie, rapporteur. - L'accord de Turnberry a été non pas conclu, mais imposé par les États-Unis avec un chantage à l'aide militaire à l'Ukraine. Cela étant, la possibilité de poursuivre les négociations sur un certain nombre de sujets reste ouverte, d'où notre recommandation qui vise à ce que l'Union européenne se saisisse de toutes les opportunités. De plus, le chantage à l'aide militaire varie fortement, d'où la nécessité pour la Commission européenne de ne pas rester focalisée sur cet aspect, d'autant que des mesures telles que la taxe plancher de 15 % ont déjà été mises en place. Un certain nombre de secteurs sont exonérés, tandis que d'autres sont surtaxés, mais il reste des marges de négociation : à la Commission de les trouver, et aux acteurs économiques concernés de l'inciter à le faire.

M. Olivier Rietmann. - Ce travail commun nous permet de dresser le constat d'une guerre économique opposant trois blocs : l'Asie - Chine en tête -, les États-Unis et, au milieu, l'Europe. Toute guerre présente des aspects offensifs et défensifs et, si vous avez longuement analysé le second aspect au travers de mesures de protection, le premier a été nettement moins développé, même s'il a été évoqué par Jean-Luc Ruelle.

Selon moi, la meilleure protection que nous pouvons apporter à nos entreprises, qu'elles soient françaises ou européennes, consiste à leur redonner de la compétitivité. Cet enjeu est peut-être délicat à aborder dans le cadre d'un travail transpartisan, mais nous devons être réalistes et ne pas nous contenter de mesures défensives, car nous avons besoin de conquérir des marchés.

Le différentiel entre les capacités d'exportation de l'Allemagne, de l'Italie et de la France me semble directement corrélé avec le faible nombre d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) dans notre pays : nous ne comptons que 7 000 ETI, alors qu'elles sont au nombre de 11 000 en Italie et de 18 000 en Allemagne. Nous aurions donc pu aller beaucoup plus loin sur les mesures permettant d'accélérer la transformation des PME en ETI et d'accroître la capacité d'export desdites ETI.

Alors que les défaillances d'entreprises ont atteint un niveau record l'an passé - record que nous allons encore malheureusement battre -, les ETI sont de plus en plus concernées par le phénomène, ce qui constitue une nouveauté très inquiétante. Ce réseau d'ETI appuie en effet notre commerce extérieur et notre balance commerciale se dégrade, car nos entreprises ne sont pas suffisamment lestes et compétitives.

M. Jean-Luc Ruelle, rapporteur. - Nous avons évoqué les zones de confort dans lesquelles nous sommes restés et dont nous devons désormais en sortir en misant sur l'innovation, quitte à aller la chercher ailleurs. Il s'agit d'un enjeu de politique industrielle nationale, celle-ci devant être articulée avec l'échelon européen. Nous manquons cependant de visibilité, car l'ensemble des chocs liés aux réajustements des flux commerciaux ne se sont pas encore produits à ce niveau, alors qu'une concurrence accrue sur certaines branches pourrait en résulter. Or les responsables - notamment politiques et administratifs - se refusent à affronter cette réalité, ce qui est fort regrettable.

M. Yannick Jadot, rapporteur. - Premièrement, la difficulté de la thématique traitée dans le rapport est qu'elle peut amener à aborder tous les sujets : il s'agissait pour nous de déterminer si l'Union européenne et la France disposent des outils appropriés pour faire face aux évolutions des stratégies économiques, commerciales et industrielles des États-Unis et de la Chine, et non pas de développer une réflexion sur la compétitivité française dans le monde d'aujourd'hui et de demain.

Deuxièmement, nous avons évoqué une série d'aspects, dont le fait que les barrières non tarifaires sont considérables au sein du marché unique : contrairement à ce que l'on peut imaginer, ce dernier n'est pas un marché de libre circulation des marchandises et des services.

Troisièmement, nous mentionnons le fait qu'il n'existe pas de politique industrielle européenne alors que les circonstances devraient nous amener à accélérer sur ce point. À une époque, l'Allemagne a été le poids lourd de l'industrie européenne, bénéficiant à la fois d'un gaz russe bon marché et de débouchés chinois pour son industrie automobile ; désormais, nos voisins sont plus affectés que nous par les droits de douane américains, ce qui les conduit à vouloir écouler leurs véhicules au Brésil. Ces changements devraient permettre d'ouvrir une discussion sur la politique industrielle avec eux, ce sujet restant un peu tabou.

J'ajoute que les modèles de capitalisme italien et allemand sont basés sur une implication bien plus forte des régions - y compris dans le capital d'un certain nombre d'entreprises -, ce qui génère des stratégies d'investissements bien différentes de celles du capitalisme français, davantage centralisé et articulé autour de grands groupes très liés à l'État et de nombreux sous-traitants, avec un nombre effectivement plus réduit d'ETI autonomes.

Au niveau européen, le fait que le rapport Draghi ne soit utilisé par la Commission européenne que pour caler des meubles est affligeant. Les discussions autour du budget européen tendent davantage vers une flexibilisation des aides d'État et une renationalisation des aides, ce qui est catastrophique si nous entendons constituer des poids lourds industriels européens dans des secteurs stratégiques.

La mise en place d'un budget européen dédié à la politique industrielle devrait être portée par la France avec bien plus d'ambition : à nous de balayer devant notre porte, car notre impuissance au sein de l'Union européenne représente un problème majeur.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. - La commission des affaires européennes a entendu la semaine dernière le président de l'Autorité de la concurrence, Benoît Coeuré, selon qui une bonne articulation entre compétitivité, concurrence, marché intérieur et développement industriel était nécessaire. Il a cité le cas des entreprises chinoises, qui sont soumises à une rude concurrence domestique avant de se positionner à l'international, ce qui leur permet ensuite de gagner des parts de marché plus aisément.

L'un de nos rapports de contrôle se penchera sur les modalités concrètes d'application des rapports Draghi et Letta.. En tout état de cause, il convient de relever de front les défis de la politique commerciale, de la politique industrielle, de la compétitivité et de la concurrence, qui ne sont pas des gros mots.

Mme Martine Berthet. - Merci à tous les rapporteurs pour ces propositions visant à nous sortir de ce mauvais pas qui nous voit coincés entre les surproductions chinoises et les taxes douanières américaines. L'Union européenne doit unir ses forces afin de résister, en s'appuyant sur un marché qui reste important.

Les trois premières recommandations valent-elles pour la France ou pour l'Union européenne ? Il me semblerait plus pertinent de viser la seconde pour réussir à peser sur les États-Unis.

Ensuite, les recommandations nos 4 à 8 incluent-elles une vigilance particulière lorsque des entreprises françaises sont rachetées par des acteurs étrangers ? Je pense au cas récent de DS Smith Packaging Savoie, cartonnerie rachetée par des Américains et qui risque de fermer : même si l'État et les élus cherchent des repreneurs, le groupe concerné ne semble pas souhaiter une poursuite de l'activité. Comment pouvons-nous avoir cette vigilance sur ce type de rachats et de fermetures sèches ?

M. Yannick Jadot, rapporteur. - Le mécanisme d'alerte et de coopération sur le filtrage des investissements étrangers a fait l'objet de discussions très difficiles au niveau de l'Union européenne. En effet, compte tenu de la faiblesse du budget européen, certains États membres s'y opposent, car ils ont besoin d'investissements étrangers, y compris chinois.

Nous serons plus convaincants sur notre capacité à protéger un certain nombre de secteurs et d'usines stratégiques si l'Union européenne accorde les ressources nécessaires au développement de projets européens. Le système actuel ne fonctionne pas ; or, qui ne voit pas le risque que représente la présence chinoise dans une partie des infrastructures stratégiques européennes, qu'elles soient portuaires ou énergétiques ?

De la même façon, le rapport Draghi ne nous dédouane pas des efforts à fournir en matière de recherche et d'innovation, la France n'y consacrant que 2,18 points de PIB, tandis que l'Allemagne y consacre 3,0 points et que l'Espagne est passée devant nous dans le domaine des tests cliniques. S'y ajoute désormais un déficit commercial agroalimentaire, et je ne pense pas que le débat se résume à la compétitivité : une forme d'apathie s'est installée et nous a desservis. Il faut désormais y remédier et rattraper notre retard dans le domaine de la recherche et de l'innovation, sauf à accroître nos retards structurels.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. - La France recule sur l'ensemble des positions d'excellence qu'elle occupait précédemment, qu'il s'agisse d'industrie, d'agriculture, d'innovation ou de savoir-faire, tandis que le reste du monde avance.

Nous devons muscler les capacités d'exportations de nos entreprises en mobilisant le vivier des Français vivant à l'étranger, car ces entreprises peuvent avoir des problèmes liés à la langue et sont moins mobiles que les entreprises d'autres pays : l'Italie fait ainsi preuve de dynamisme en se vendant en tant que pays, tandis que nous ne défendons guère la marque « France ».

Cette faiblesse à l'exportation est selon moi notre principale faiblesse. La France n'est plus une « grande dame », car nous avons - j'insiste - énormément reculé.

Enfin, il faut aider nos grandes entreprises en ne dénigrant pas systématiquement les personnes qui les dirigent : nous sommes par exemple leaders dans le luxe et il faut défendre notre position.

M. Jean-Luc Ruelle, rapporteur. - Je profite de la présence des commissaires des affaires européennes pour évoquer les modes de fonctionnement et de prise de décision au niveau de l'Union : ces derniers ont été de véritables problèmes en termes d'opportunités perdues et de décalages dans la prise de décision. Il faudrait donc se pencher sur les manières d'améliorer ce fonctionnement.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. - Je rappelle qu'il n'est pas question d'une discussion entre la France et l'Union européenne, mais de discussions à vingt-sept États membres qui ralentissent énormément les processus. Nous sommes par exemple incapables d'évaluer précisément le nombre de pays qui soutiennent la position de la France dans le dossier du Mercosur à ce moment précis, car les choses se décideront à la dernière minute.

M. Didier Marie, rapporteur. - Une partie des deux rapports remis par Mario Draghi et Enrico Letta n'a pas été évoquée dans le débat public : il s'agit de celle qui a trait à la nécessité d'une plus grande intégration européenne, en mettant en place un marché des capitaux et en mobilisant l'épargne européenne.

La comparaison des entreprises américaines et des entreprises françaises laisse apparaître un fort écart en termes d'investissements : en France, sur 840 milliards d'euros d'épargne, 250 milliards d'euros sont investis aux États-Unis chaque année. Nous disposons donc des moyens de relancer la machine économique, dès lors qu'il existe une volonté politique pour le faire. Si la prise de décision à vingt-sept est effectivement complexe, c'est bien à l'échelon européen que les choses se jouent, notre marché de 450 millions de consommateurs nous mettant en position de concurrencer les États-Unis et d'autres pays.

M. Yves Bleunven. - Au-delà de notre manque d'expertise en matière d'export, quand nous interrogerons-nous sur les poids que nous avons mis aux pieds de nos entreprises tout en leur demandant de courir le 100 mètres ? La France est devenue une véritable usine à gaz en termes de production et nous serions sans aucun doute des champions si nous exportions nos normes ! Regardons objectivement les contraintes qui pèsent sur nos sociétés et interrogeons-nous sur les causes de la perte d'une série de marchés.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure. - Si nous disposons en effet de tous les outils pour réussir, un changement de culture est nécessaire. À la différence de l'Allemagne, où un grand groupe se positionne à l'étranger en associant l'ensemble de ses fournisseurs et de ses ETI et PME, nous avons toujours favorisé les grands groupes et nos ETI et PME n'ont pas été aussi exposées, ce qui fait qu'elles ne disposent pas de la trésorerie nécessaire pour réaliser des études de marché à l'international, alors qu'il est difficile de partir seul à l'aventure.

Du temps est requis pour accomplir ce changement, et je tiens à ajouter que nous réussissons dans d'autres domaines.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. - Je remercie vivement nos six rapporteurs.

Les recommandations sont adoptées.

La commission des affaires économiques, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et la commission des affaires européennes adoptent, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorisent la publication.

La réunion est close à 18 h 55.

Mercredi 17 décembre 2025

Programme de travail de la Commission européenne - Examen de la proposition de résolution européenne

Le compte rendu sera publié ultérieurement.

Propositions de règlement et de directive relatifs aux petites entreprises à moyenne capitalisation et de la proposition d'avis politique - Examen du rapport

Le compte rendu sera publié ultérieurement.

Conseil européen des jeudi 18 et vendredi 19 décembre 2025 - Audition de M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, chargé de l'Europe

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Le compte rendu sera publié ultérieurement.