Une salle des fêtes


« L’œuvre décorative du Second Empire se concentre dans la grande salle des Fêtes, […] et dans le salon de l’Empereur qui lui [fait] suite153. » En effet, visitant le palais du Luxembourg le 27 janvier 1852, Louis-Napoléon BONAPARTE demande à Alphonse de GISORS de réaménager le premier étage du corps principal du bâtiment pour y créer une salle de réception destinée aux grandes solennités154. Les travaux débutent le 1er novembre 1852 et sont menés bon train. À peine trois mois plus tard, en février 1853, la pièce est pourvue d’une décoration provisoire faite de grandes glaces155, à l’occasion d’une réception en l’honneur du mariage de NAPOLÉON III et d’Eugénie de MONTIJO. Les peintures, totalement terminées en 1858, font de la galerie du Trône l’un des décors les plus riches du Second Empire.

Figure 42 : Alphonse PROVOST, Salle du trône, palais du Sénat, lithographie, Cette gravure est l’une des rares représentations de la galerie du Trône dans son état d’origine à l’époque du Second Empire. Outre la présence du dais impérial, on aperçoit les peintures disposées à l’époque entre chaque porte, recouvertes sous la IIIe République par les huit tapisseries des Gobelins . Bibliothèque du Sénat, GR 005. (JPG - 202 Ko)

Figure 42 : Alphonse PROVOST, Salle du trône, palais du Sénat, lithographie,
Cette gravure est l’une des rares représentations de la galerie du Trône dans son état d’origine à l’époque du Second Empire. Outre la présence du dais impérial, on aperçoit les peintures disposées à l’époque entre chaque porte, recouvertes sous la IIIe République par les huit tapisseries des Gobelins 156.
Bibliothèque du Sénat, GR 005.

La salle aux vastes proportions issue de la plume de GISORS est inspirée de la galerie d’Apollon du palais du Louvre dont le chantier est entamé au XVIIe siècle157. En dépit de l’écart chronologique qui sépare la construction des deux salles (la galerie d’Apollon a toutefois été terminée par l’architecte romantique Félix DUBAN en 1852), de nombreux éléments leurs confèrent une similitude incontestable : les dimensions magistrales, le style fastueux, la présence massive de boiseries dorées, de sculptures et peintures murales, de tapisseries ainsi que l’agencement de chaque fenêtre en vis-à-vis d’une porte dotée d’un miroir.


•    Dimensions magistrales : 57 mètres de longueur sur presque 11 mètres de largeur ; hauteur de plafond de 11 mètres et jusqu’à 15 sous la coupole, soit une superficie de 644 m² (égale à celle de la galerie d’Apollon158 ).


•    La galerie prend jour par 9 fenêtres donnant sur la cour d’honneur. Elle communique sur la galerie des Bustes grâce à huit portes revêtues de glaces. La largeur de la pièce est telle qu’à chacune des extrémités circulaires de la salle, trois doubles portes peuvent être juxtaposées.


•    L’éclectisme propre au style Napoléon III  mêle le classicisme du mobilier et d’une partie de l’ornementation (canapés style Louis XIV, baies vitrées et leurs berceaux évidés), une prégnante touche baroque (portes des extrémités, lambris, arabesques et plafond largement dorés), l’académisme du décor iconographique (culs-de-four magnifiant l’histoire de France, plafonds allégoriques des Âges et de la France) tandis que subsistent certains éléments du néoclassicisme (la statuaire, les cariatides murales, le dais sous le Second Empire).


•    4 statues de Victoires de marbre symbolisant les succès des armées françaises dans quatre théâtres sont commandées en 1854 par le grand référendaire du Sénat, le marquis Alphonse Henri D’HAUTPOUL et rejoignent le palais en 1857. L’Égypte, (reconnaissable par la tête de pharaon sculptée derrière le pied de la statue), par Henri LEMAIRE, l’Espagne, par François JOUFFROY, l’Allemagne (trois couronnes crénelées posées sur le socle), par Bernard GABRIEL et l’Italie (enseigne romaine dans la main gauche de la statue, portant l’inscription « Italia »), par Francisque DURET159.


•    2 sculptures en face de la cheminée exécutées en 1857 et 1858 : les deux génies ailés inspirés du célèbre Castor et Pollux (Ier siècle av. J.-C.) Le Commerce et l’Industrie (ou Les sciences de la Navigation) par Charles-François LEBOEUF dit NANTEUIL ; L’Art demandant les inspirations à la Poésie (ou Les Sciences et les Arts) par Pierre-Charles SIMART, également représentés sous les traits de deux génies ailés160.


•    2 grandes fresques historiques peintes en 1854 par Henri LEHMANN, fidèle élève d’INGRES, dans les culs-de-four situés à chaque extrémité de la salle : à l’Ouest, l’Histoire de France depuis sa naissance jusqu’à Charlemagne ; à l’Est, l’Épopée française de la première croisade à Louis XIV.


•    Au plafond : de part et d’autre de la coupole, deux compositions d’Adolphe BRUNE, disciple de GROS : à l’Ouest l’Âge de la victoire, à l’Est, l’Âge de la paix ; ainsi que quatre médaillons : la France guerrière, la France chrétienne, la Chevalerie et les Grandes découvertes.


•    8 tapisseries des Gobelins datant de la IIIe République (installées entre 1896 et 1918) décorent les anciens panneaux peints sous le Second Empire161. Elles ont pour sujet les Métamorphoses d’OVIDE : Prométhée et les Océanides, Psyché et les Trois Grâces, Aréthuse, Jason et Médée, Vénus et Adonis, Arachnée, Apollon et Daphné, Jupiter et Sémélé. Elles sont exécutées d’après les cartons d’Abel MAIGNAN162 sauf Psyché et les trois Grâces, réalisée à partir d’un modèle d’Henri ZO163.


•    Subsiste dans la décoration des voûtes de chacune des lunettes un « N » surmonté de la couronne de NAPOLÉON Ier, reste du décor du Second Empire.


•    Les volumineux globes qui surmontent les deux portes principales à chacune des extrémités sont aujourd’hui dépouillés des aigles qui se trouvaient déployés sous le Second Empire.

Figure 43 : Pierre-Ambroise RICHEBOURG, photographie de la porte côté salon Victor Hugo, 1857. Des aigles ornaient les globes surmontant les portes des extrémités de la galerie du Trône. DAPJ 38. (JPG - 169 Ko)

Figure 43 : Pierre-Ambroise RICHEBOURG, photographie de la porte côté salon Victor Hugo, 1857.
Des aigles ornaient les globes surmontant les portes des extrémités de la galerie du Trône.
DAPJ 38.

Figure 44 : Pierre-Ambroise RICHEBOURG, photographie du dais et du trône de NAPOLÉON Ier, installés dans la galerie du Trône sous le Second Empire. DAPJ 41. (JPG - 205 Ko)

Figure 44 : Pierre-Ambroise RICHEBOURG, photographie du dais et du trône de NAPOLÉON Ier,
installés dans la galerie du Trône sous le Second Empire.
DAPJ 41.

La coupole d’Alaux


Au centre de la salle des Conférences, au-dessus de la vaste table que duc DECAZES a été contraint de vendre164 après sa fuite en 1848, figure l’Apothéose de Napoléon Ier peint par Jean ALAUX (1786-1864), dit « Le Romain », entre 1854 et 1858165.


Le style composite d’ALAUX se situe dans un entre-deux thématique et chronologique aux marges du néoclassicisme et de l’académisme166 . Le programme officiel qui lui a été imposé est fort complexe et abstrait : représenter « un peu le présent et surtout l’avenir pour le règne de NAPOLÉON III ».


L’évocation de l’histoire de France mais aussi celle de l’Europe notamment impériale par Rome et Byzance (la première libérée en 1849 sous la présidence de Louis-Napoléon BONAPARTE, la seconde protégée durant la guerre de Crimée entre 1854 et 1856) atteste la volonté d’inscrire dans la continuité de l’histoire millénaire de la France la dynastie napoléonienne encore fragilement établie. Divers détails reflètent cet aspect : les nuées, les signes du zodiaque peints au milieu de la voûte et « l’immense avenir qui semble s’ouvrir dans le ciel  »167.


La coupole réunit les deux empereurs : l’apothéose de NAPOLÉON Ier se double d’une glorification de l’Empereur commanditaire car, « comme le précise le programme, c’est bien l’avenir radieux du pays promis par l’arrivée de NAPOLÉON III sur le trône impérial qui doit être brossé168». « À la manière d’un empereur romain, NAPOLÉON Ier est représenté déifié et couronné de lauriers dorés. Il est, comme le projetait le comité, enveloppé dans son manteau rouge impérial semé d’abeilles dorées et s’élève vers les cieux, dans les nuées porté par l’aigle impériale déployant ses ailes. »


Nombre d’allégories entourent la personne de NAPOLÉON notamment des figures ailées qui se pressent à ses côtés pour l’auréoler des palmes de ses victoires. Sous ce cortège ailé, en arrière-plan, une pyramide accompagnée de l’allégorie masculine d’un dieu fleuve, évoquent « les campagnes menées en Égypte en 1798. Le dôme des Invalides évoque le lieu où repose désormais son tombeau169. »


À la différence de NAPOLÉON Ier qui est représenté au naturel, le règne de NAPOLÉON III est évoqué de façon allégorique, sous la forme d’une figure féminine debout sur un piédestal, les bras levés. On la reconnaît par la symétrie de sa position par rapport à l’Empereur, également entouré de figures angéliques et féminines. La corne d’abondance, disposée à ses pieds, rappelle les 7,5 millions de suffrages ayant été recueillis lors du plébiscite des 20 et 21 décembre 1851 qui restaure l’Empire.

Figure 45 : la coupole d'Alaux, salle des Conférences, Sénat. (JPG - 297 Ko)

Figure 45 : la coupole d'Alaux, salle des Conférences, Sénat.

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