Élection des députés

Élection de députés par les Français de l'étranger

Transparence financière de la vie politique

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'élection des députés, du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance du 29 juillet 2009 relative à l'élection de députés par les Français établis hors de France et de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique.

La conférence des présidents a décidé qu'il y aurait discussion générale commune.

Discussion générale commune

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales.  - Le droit électoral est une matière vivante ; il doit être périodiquement revisité et débattu. Tel est l'objet des trois textes qui vous sont soumis aujourd'hui, sur lesquels le rapporteur a accompli un travail remarquable.

L'objectif est unique : adapter notre droit électoral aux exigences du temps. L'ordonnance sur l'élection des députés représentant les Français établis hors de France tire les conséquences de la réforme constitutionnelle de 2008. Ces députés seront de droit commun mais leur corps électoral étant très particulier, il convient d'organiser les conditions de leurs campagnes électorales et des scrutins. Il s'agit là d'une application pragmatique du droit commun.

Le projet de loi relatif à l'élection des députés, quant à lui, précise les règles d'inéligibilité et d'incompatibilité propres aux parlementaires. Il s'agit en particulier d'harmoniser ce régime avec celui des élections locales en apportant une réponse efficace aux exigences de transparence de la vie politique.

L'âge d'éligibilité des députés étant fixé à 18 ans, votre commission des lois a souhaité abaisser à 24 ans l'âge d'éligibilité des sénateurs. Soit.

Mme Nathalie Goulet.  - Deux mesures pour le prix d'une !

M. Philippe Richert, ministre.  - Une incrimination spécifique est prévue en cas de déclaration de patrimoine mensongère.

L'article 2 reprend une recommandation du rapport Mazeaud sur la notion de bonne foi. Votre commission propose de renverser la charge de la preuve. C'est un point de débat central.

Ces deux premiers textes sont indispensables à l'organisation des élections législatives de 2012 ; ils devront donc être adoptés avant juin prochain.

La proposition de loi sur la transparence financière de la vie politique vient du président Warsmann, dans la logique des propositions de la commission Mazeaud. Depuis la loi du 11 mars 1988, première en la matière, la question de la transparence financière de la vie politique a fait l'objet de lois successives, toujours plus rigoureuses, en 1990, 1991, 1995, 1996, jusqu'à l'ordonnance de simplification de 2003. Grâce à ces textes, nous avons désormais une législation complète et stricte en la matière, ainsi que l'a relevé le Conseil de l'Europe.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Très bien !

M. Philippe Richert, ministre.  - Vingt ans après, il faut se demander si nos textes sont toujours aussi bien adaptés. Sans doute peuvent-ils être simplifiés et clarifiés. Tout n'est pas clair, en particulier pour la notion de bonne foi.

Cette proposition de loi propose des mesures techniques qui lèvent des ambiguïtés rémanentes. Je salue le souci de votre commission d'appliquer la réglementation sur les comptes de campagne aux élections sénatoriales ; bien entendu, le Gouvernement lèvera le gage.

Sur la transparence de la vie politique, le débat est non seulement légitime mais aussi utile.

Le vice-président du Conseil d'État a déposé le rapport demandé par le président de la République. Le Sénat lui-même a diligenté un groupe de travail, sous l'égide du président Hyest, sur le même sujet et votre commission de déontologie parlementaire, présidée par M. Badinter, poursuit sa réflexion. Un prochain projet de loi tirera les conséquences de ces différents travaux ; nous avons tous pour objectif de renforcer la confiance des citoyens envers leurs élus.

Le code électoral doit être refondu à court terme. Le Conseil d'État a insisté à plusieurs reprises sur cette exigence ; le Conseil constitutionnel aussi. Le futur code électoral devrait comprendre 900 articles législatifs, dont 200 de nature organique. Vous serez donc prochainement saisis de deux projets de loi en la matière.

Le Gouvernement aborde l'examen de ce paquet électoral dans un esprit ouvert et constructif. Je ne doute pas que la qualité de nos débats sera celle à laquelle le Sénat est accoutumé pour les grands textes ; je sais que je peux compter sur vous pour dépasser les clivages partisans lorsque l'intérêt général est en jeu. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois.  - Après le brillant exposé du ministre, je n'ai pas grand-chose à ajouter. Je regrette, toutefois, que ces textes arrivent un peu tard et que nous ayons été contraints à un travail nocturne en urgence. Je constate également que nous sommes engagés dans un processus de codification d'un code électoral devenu illisible, obsolète et incohérent : pour s'y retrouver, il faut les capacités d'une chatte cherchant ses petits dans une meule de foin ! Le travail de codification est bien engagé ; il donne toute satisfaction : enfin, un chapitre concernera les élections sénatoriales !

Nous allons donc aujourd'hui modifier par anticipation la codification qui nous sera soumise sans doute en juin...

Nous allons examiner un projet de loi organique, une proposition de loi et un texte fourre-tout.

La loi organique effectue un toilettage important sur les incompatibilités et les inéligibilités. Elle contient aussi des précisions intéressantes sur les déclarations de patrimoine. La grande innovation, c'est la mise en place de l'inéligibilité relative. Jadis, pour une erreur d'un seul euro, le candidat était déclaré inéligible pour un an.

M. Robert del Picchia.  - Pour un euro, c'est un peu cher.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Pour deux euros, c'était le même prix ! (Sourires)

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Nous souhaitons que le juge puisse prendre en compte l'évidente bonne foi d'un candidat.

Le projet de loi concerne l'élection de députés par les Français de l'étranger. Je salue le travail remarquable effectué par les sénateurs représentant les Français établis hors de France, très au fait de ces problématiques. Je pense en particulier à la 11e circonscription, qui comprend 49 États, dont l'Ukraine, l'Afghanistan, l'Iran, la Mongolie, la Chine et le Japon.

M. Robert del Picchia.  - Et l'Australie !

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Ce ne sera pas facile ; je souhaite bien du plaisir aux candidats condamnés à effectuer des milliers de kilomètres ! De telles élections poseront des problèmes inconnus dans la Creuse ou la Corrèze...

Je me méfie des lois dites de simplification qui, généralement, complexifient les choses. Nous aurons tout de même l'occasion de préciser les choses à propos de l'élection des sénateurs ; comme de juste, les députés ne se sont pas mêlés de ce qui regarde la Chambre haute. Ils nous ont toutefois donné des idées en abaissant l'âge d'éligibilité des députés à 18 ans. Nous poursuivons dans la voie sur laquelle nous nous étions nous-mêmes engagés en ramenant l'âge d'éligibilité des sénateurs de 30 à 24 ans, ce qui correspond à six ans de mandat local après la majorité. Depuis la IIIe République, où les sénateurs devaient avoir 45 ans, nous avons parcouru bien du chemin...

Comme pour les municipales dans les communes de moins de 10 000 habitants, les sénateurs n'étaient pas tenus à un compte de campagne. Nous en poserons l'obligation pour les sénatoriales de 2014. Cela suppose bien sûr que l'État prenne en charge la moitié des frais de campagne. L'article 40 aurait pu s'appliquer ; je remercie le Gouvernement d'avoir bien voulu lever le gage.

Ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat, il ne s'agit d'une autoamnistie. Au contraire ! Les parlementaires qui ne joueraient pas le jeu encourraient des sanctions qui n'existaient pas. La déclaration mensongère n'était pas sanctionnée ; elle le sera. En outre, l'inéligibilité de trois ans pourra être prononcée pour toutes les élections.

Pour nous, un candidat parlementaire ne doit pas être considéré a priori comme un fraudeur : comme tout citoyen, il doit être présumé de bonne foi. La rédaction de l'Assemblée nationale investissait le candidat de la charge de la preuve. La bonne foi se présume dans les élections locales ; or le Conseil d'État avait inversé les choses et présumé la mauvaise foi.

Je termine sur la codification à venir. La partie organique doit être intégralement contrôlée par le Parlement : il n'y a pas d'ordonnances en la matière. Il y aura, d'autre part, les dispositions à droit constant, pour lesquelles la procédure des ordonnances va de soi. Il y a aussi une partie, qui n'est pas à droit tout à fait constant. Nous tenons à ce que le Parlement contrôle entièrement cette partie de la codification. Là-dessus, la rédaction de l'Assemblée nationale était ambigüe. (Applaudissements à droite)

Mme Jacqueline Gourault.  - Ce projet électoral est une étape de la modernisation de la vie politique française. Ces trois textes sont d'une utilité incontestable.

Reste que le diable se niche dans les détails... Je me félicite de l'adoption d'amendements du rapporteur pour que la codification par ordonnance reste à droit constant.

Le projet de loi ratifie une ordonnance technique sur l'élection des futurs députés représentant les Français de l'étranger. Pourquoi n'avoir pas introduit là la moindre proportionnalité ? Une telle mesure aurait été un bon moyen de résoudre les problèmes posés par l'étendue des circonscriptions, tout en favorisant le pluralisme.

M. Richard Yung.  - Très bien !

Mme Jacqueline Gourault.  - Encore une occasion ratée ! (Approbations à gauche)

M. Bernard Roman, député du Nord, a fait adopter un amendement tendant à ce que le député élu, en cours de mandat, au Sénat ou au Parlement européen soit remplacé par son suppléant. La commission des lois a adopté un amendement de son rapporteur afin de mettre en place un système similaire pour les membres de la Haute assemblée : ainsi, les suppléants ou les suivants de liste de nos collègues appelés, en cours de mandat, à siéger à l'Assemblée nationale ou au Parlement européen pourront prendre leur place jusqu'à la fin du mandat initial.

Cette mesure me choque. D'abord pour des raisons juridiques : le mandat de député étant incompatible avec celui de sénateur, les dispositions de l'article 4 bis sont donc contraires à celles du code électoral. De plus, cet article permettrait à un suppléant de siéger dans chaque assemblée du Parlement à la place du titulaire devenu ministre. Imaginez-vous qu'un ministre puisse avoir un suppléant dans chaque assemblée ? De surcroit, le remplacement du suppléant siégeant à l'Assemblée nationale deviendrait définitif, ce qui serait inconstitutionnel compte tenu de la révision constitutionnelle de 2008.

A ce raisonnement juridique, j'ajoute un argument moral. C'est le « double effet Kiss Cool » : vous êtes élu sénateur ou député et, profitant de cette belle situation, vous vous faites élire dans l'autre assemblée en maintenant un suppléant... Cela promet ! Je vois se profiler des situations où des députés perdant leurs circonscriptions du fait du redécoupage viendront siéger au Sénat tandis que d'autres pourront installer leur dauphins en se faisant élire dans l'autre assemblée.

Ce n'est pas ainsi qu'on ramènera la confiance envers le personnel politique, en faisant toujours siéger les mêmes ! (Applaudissements au centre)

Mme Nathalie Goulet.  - Les mêmes, et des hommes !

M. Alain Anziani.  - La défiance des Français en leurs élus n'est pas nouvelle. Ils constatent que la politique publique ne leur donne aucune réponse aux problèmes qu'ils rencontrent. Ils ont l'impression que les politiques appartiennent à un autre monde que le leur.

Ce paquet électoral ouvre un large débat qui va nous occuper des années : comment réconcilier les Français avec la politique ?

La France a été le dernier État européen à mettre en oeuvre des textes sur la transparence de la vie politique. Le problème n'est pas résolu. Il se pose désormais en termes de conflit d'intérêt, à preuve les démissions de M. Woerth et de Mme Alliot-Marie...

Nous avons, en la matière, un arsenal juridique extrêmement répressif et une pratique extrêmement bienveillante, voire complaisante ; comment réduire cet écart qui, évidemment, contribue à la méfiance de l'opinion ? Et au fond, comment prévenir plutôt que réprimer ? Une des voies que le groupe de travail du Sénat commence à explorer est celle de la transparence.

Elle est un impératif absolu en matière électorale parce qu'elle conditionne la sincérité du scrutin, donc la confiance de l'électeur. Elle implique des règles claires ; or notre régime des inéligibilités et incompatibilités est obsolète. Et elle requiert des sanctions.

Quand les règles du compte de campagne d'un candidat à une élection locale ne sont pas respectées, le Conseil d'État ne prononce l'inéligibilité que si le candidat n'a pas fait preuve de bonne foi, quand le Conseil constitutionnel, pour les législatives, prononce automatiquement l'inéligibilité. On a eu un candidat rendu inéligible pour avoir seulement payé de sa poche -et non être passé par un mandataire- des frais de transport. Avec ce texte, il n'y aura plus d'automatisme.

Cela ne passera pas comme une lettre à la poste : il faudra nous expliquer une nouvelle fois devant l'opinion publique et dire que nous appliquons des principes simples : la Convention européenne des droits de l'homme veut qu'aucune peine ne soit automatique ; toute peine doit être proportionnée à la gravité des faits ; elle doit être prononcée par un juge.

En cas de bonne foi, il n'y aura pas d'inéligibilité. Mais en cas de fraude attestée, nous sommes pour la sanction d'inéligibilité et pas seulement pour le mandat concerné : pour tous. La transparence doit également régner une fois l'élection acquise. La non-déclaration de patrimoine est sanctionnée d'une inéligibilité d'un an, mais si cette déclaration est totalement farfelue, la commission pour la transparence n'a aucun moyen de sanction. Il est temps d'en finir avec cette sorte de droit au mensonge. À l'incitation de M. Jacob, l'Assemblée nationale est revenue sur la peine d'emprisonnement que la commission des lois avait initialement prévue. Je comprends mal pourquoi notre commission veut absolument se caler sur la position du groupe UMP de l'Assemblée. Nous voterons tout amendement qui y reviendra.

Quant au compte de campagne, on voit mal comment on l'imposerait à tous sauf à nous-mêmes -même si la question fait débat au sein de chacun de nos groupes.

Autre point en discussion, l'âge d'éligibilité au Sénat. L'Assemblée nationale l'a ramené à 18 ans. Faut-il donc un mandat local pour être sénateur ? Chacun sait bien que non. Et faut-il davantage de sagesse pour être sénateur que pour être président de la République ? Nous nous rallierons, mais sans conviction.

Je terminerai sur un sujet épineux et pour lequel nous semblons accepter l'opacité : la réserve parlementaire. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; Mme Nathalie Goulet applaudit aussi) Si nous voulons transparence et égalité, commençons par mettre fin aux inégalités profondes qui président à son usage.

Bref, oui à la réforme, mais à condition de nous interdire toute complaisance envers nous-mêmes. (Applaudissements à gauche)

M. Nicolas Alfonsi.  - Je salue l'énergie qu'à mise le doyen Gélard à améliorer ce texte.

Je ne m'attarderai pas sur la ratification de l'ordonnance de juillet 2009, sinon pour relever un découpage peu pertinent, qui aboutit à des incohérences.

Notre code électoral est parcellaire et obsolète, donnant lieu à de fâcheuses divergences d'interprétation. Cela n'est plus acceptable. La transparence, notamment financière, est une attente forte et légitime de nos concitoyens. La suspicion alimente la perte de confiance envers les institutions ; le mélange des genres entre intérêts public et privé ne fait qu'aggraver les choses. Les comportements de certains jettent le discrédit sur l'ensemble des représentants de la nation et nourrit l'extrémisme. Souvenons-nous des dégâts causés, dans les années 1990, par le scandale du financement des partis. Il est heureux qu'avec ce texte nous n'attendions pas le pire pour agir.

Pour le reste, les préconisations de la Commission nationale des comptes de campagne, de la Commission pour la transparence financière de la vie publique et le rapport Sauvé, même si ce dernier ne concerne pas les membres du Parlement, doivent nous inspirer.

Je me réjouis que les réflexions du comité de déontologie mis en place par le président Larcher aient déjà permis d'agir, ici, sur la question des lobbies.

La commission des lois s'est penchée sur le problème des déclarations de patrimoine ; je regrette que l'amendement Copé ait vidé de son sens une disposition essentielle. Une date de dépôt des comptes de campagne est instaurée pour toutes les élections, c'est une bonne chose. Quant à l'automaticité de la sanction d'inéligibilité, il était bon de revenir dessus, en inversant la charge de la preuve.

Notre commission a bien fait d'introduire dans ce texte des dispositions relatives au Sénat. Cependant, je m'interroge sur l'amendement ramenant l'âge d'éligibilité à 24 ans : l'expérience, au Sénat, fait le fond du mandat. Faut-il céder au jeunisme ambiant ? Je ne serais pas choqué que l'âge de 30 ans fut maintenu. Attention aussi -je pense à la suppression de l'article 306 du code électoral- à ne pas modifier les règles du scrutin à moins de six mois des élections. Je me réjouis enfin que la commission ait adopté l'extension des comptes de campagne -à partir de 2014- aux candidats aux élections sénatoriales.

Ces textes contiennent d'indéniables avancées que nous appuyons, tout en regrettant que nous n'ayons pas attendu les conclusions de la commission Sauvé pour légiférer. Le groupe du RDSE aborde leur examen sans préjugé ; il déterminera sa position à l'issue de la discussion des articles. (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs au centre)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - « Un amas de dispositions disparates » : on ne saurait mieux dire que notre rapporteur.

J'ajoute que certaines dispositions venant de l'Assemblée nationale me laissent perplexe, alors qu'un projet de loi a été annoncé par le président de la République pour faire suite au rapport Sauvé. S'agit-il de légiférer a minima et se sentir quitte à bon compte ? Nous sommes en désaccord.

Sur l'âge d'éligibilité, nous militons pour l'abaissement à 18 ans. Sur les inéligibilités, la commission a suivi certaines recommandations du rapport sénatorial ; le renforcement de la transparence financière va dans le bon sens. Mais il eût fallu aller plus loin : la proximité entre les pouvoirs publics et l'argent met la République en grand danger. On sait les frontières entre ces deux sphères plutôt poreuses... En octobre 2010, le groupe CRC-SPG avait déposé une proposition de loi pour y parer... Elle a été renvoyée à plus tard par la majorité.

Tout pouvoir prête à des abus, mais leur nombre rejaillit aujourd'hui injustement sur tous les élus. Rappelons-nous le cortège d'affaires politico-financières des années 1980... Un arsenal législatif a été alors voté -lois de 1984, 1988, 1993- mais qui se révèle aujourd'hui insuffisant, notamment pour la prévention des conflits d'intérêt, pour une part obsolète, incapable de produire de la prévention... et peu appliqué. Certes, la loi du 11 mars 1988 a tenté d'isoler monde politique et monde des affaires, en instituant la déclaration de patrimoine. Mais la Commission pour la transparence ne dispose pas des moyens de contrôle et de sanction suffisants, comme elle le souligne elle-même au fil de ses rapports. Philippe Séguin, alors Premier président de la Cour des comptes, en a souligné, de son côté, les insuffisances. Un des membres de la Commission, M. Christian Pierre, en a d'ailleurs démissionné en 2009, indiquant : « la commission ne contrôle rien. Elle ne fait que recevoir des déclarations. C'est tout. Comme un confessionnal. Ces déclarations peuvent être entièrement fausses sans que rien ne permette d'en détecter l'artifice. »

Le texte qui nous revient de l'Assemblée reste à cet égard en retrait ; nous proposerons une déclaration des intérêts distincte de la déclaration de patrimoine, qui serait publique. Voyez ce qui prévaut chez nos voisins. Mais le Gouvernement n'est pas toujours prompt à user de cet argument...

L'amendement Copé est inacceptable : les élus doivent être sanctionnés s'ils ne jouent pas le jeu de la transparence. C'est la moindre des choses.

La frontière entre intérêts privés et publics sera d'autant plus étanche que les incompatibilités seront claires. Il faut interdire aux parlementaires d'exercer une activité professionnelle, d'abord parce que le mandat de parlementaire requiert un temps plein au service de la République et est indemnisé comme tel ; ensuite à cause de la différence de traitement actuelle selon la profession : un ouvrier ou un cadre ne peut continuer à exercer son activité, mais les professions libérales le peuvent. Les assemblées ne sont-elles pas censées représenter le peuple, dans son entier ?

En l'état de ce texte, nous ne pourrons le voter. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Patrick Courtois.  - Ces textes visent tout d'abord à adapter notre code électoral pour tenir compte de la révision constitutionnelle de 2008, qui a prévu l'élection de députés représentant les Français de l'étranger. La question du nombre et du mode de scrutin a été tranchée par la loi de 2009 : scrutin uninominal à deux tours dans onze circonscriptions.

Deuxième volet de ce paquet, la simplification du code électoral et le renforcement de la transparence financière de la vie politique. Il s'agit de sortir de dysfonctionnements et de renforcer les moyens juridiques de la transparence, ainsi que le recommandait le rapport Mazeaud. Il est bon de n'avoir pas à agir sous la pression de quelque scandale, mais dans la sérénité.

Rien de pire que le silence, qui laisse la place aux fantasmes : nous avons tout à gagner à la transparence. L'inéligibilité automatique en cas de non-respect des comptes de campagne n'était pas juste : ce texte apporte une solution bienvenue. Notre commission est revenue aux principes généraux de droit, qui veut que la bonne foi soit présumée, je m'en félicite. Quand à la sanction, il est juste d'en prévoir la modulation dans la limite de trois ans, à l'appréciation du juge.

Sur la question des cumuls, fonctions ou activités, nous suivons également notre commission. Sur la question de l'option mandat-mandat, après y avoir longuement réfléchi, il nous est apparu qu'un délai de 30 jours était plus pertinent. (Mme Nathalie Goulet approuve)

Nos électeurs ont le droit de savoir quels sont nos biens, nos appartenances et nos intérêts, pour pouvoir voter en toute connaissance de cause. Mais il ne s'agit pas d'exiger d'un élu qu'il mette toute sa vie privée sur la place publique.

Mme Nathalie Goulet.  - Sans doute...

M. Jean-Patrick Courtois.  - Sur l'âge d'éligibilité, nous considérons que la spécificité de notre mode d'élection impose l'expérience d'un mandat de terrain.

Il nous appartient, comme élus, d'être exemplaires : le groupe UMP votera ce texte avec confiance et conviction. (Applaudissements à droite)

M. Robert del Picchia.  - Ces textes étaient très attendus (Mme Nathalie Goulet en doute), tant par nos compatriotes que par les administrations. La révision constitutionnelle de 2008 a permis aux Français de l'étranger d'être représentés tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, mettant fin à une curiosité handicapante.

Nous avons besoin d'une présence française à l'étranger, forte, mobile et attachée à son pays d'origine. Elle marchera désormais sur ses deux jambes. Plus question, désormais, de nous assimiler à une caste d'exilés fiscaux.

Mme Nathalie Goulet.  - Il y en a aussi !

M. Robert del Picchia.  - Un texte récent sur les revenus des Français de l'étranger, à visée manifestement électoraliste, va contre le bon sens, la raison et la réalité...

Mme Nathalie Goulet.  - Un texte Arthuis !

M. Jean Arthuis.  - Les représentants des Français de l'étranger votent l'impôt !

M. Robert del Picchia.  - Soyons attentifs et ouverts aux dispositions qui nous sont proposées. L'étendue des circonscriptions, l'éloignement des bureaux de vote sont des handicaps. C'est pourquoi le cadre législatif doit être adapté à la réalité du terrain : modalités d'élections différentes, date limite de dépôt des candidatures fixée à un mois au lieu de trois semaines -grâce à notre rapporteur-, harmonisation du régime des procurations.

Je regrette de n'avoir pas convaincu la commission des lois de l'insuffisance du délai entre les deux tours ; il eût fallu une semaine de plus.

Mme Nathalie Goulet.  - Allons donc ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat fait écho)

M. Robert del Picchia.  - J'espère que l'on trouvera une solution.

Mes remerciements vont au ministre et à ses collaborateurs, à notre rapporteur et à tous : les Français de l'étranger vous seront reconnaissants de votre sollicitude. (Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit)

M. Hervé Maurey.  - Nos concitoyens veulent plus que jamais des élus exemplaires. L'actualité l'atteste. Selon un sondage de juillet dernier, 64 % des Français jugent les hommes politiques corrompus -ils étaient 38 % en 1977 et 46 % en 1990. Ces chiffres terribles témoignent d'une méfiance propre à favoriser les extrémismes. Nous avons donc le devoir d'agir. Les dispositions de ces trois textes vont dans le bon sens. Le groupe de l'Union centriste les soutient et s'emploiera à les améliorer.

Je salue la qualité du travail mené en amont au Sénat. Je me félicite du renforcement du rôle de la Commission pour la transparence de la vie politique, qui ne peut aujourd'hui agir qu'en cas d'absence de déclaration mais pas si la déclaration est mensongère. On sait les péripéties intervenues à l'Assemblée nationale après l'intervention de M. Jacob. Nous avons donc déposé ici un amendement pour rétablir la peine d'emprisonnement encourue en cas de fausse déclaration. Nous accorder une immunité serait inacceptable.

Nous sommes également favorables à la communication à la commission compétente d'une déclaration de patrimoine des proches et à l'institution d'un compte de campagne pour les sénatoriales, obligation qui s'impose à presque tous les élus.

Si les sanctions sont nécessaires, elles doivent être justes et proportionnées. Nous nous félicitons donc de l'initiative de notre commission, qui supprime l'inéligibilité automatique et remet dans le bon sens la charge de la preuve.

Reste que ces textes ne suffiront pas à répondre aux attentes de nos concitoyens tant est grande la crise de confiance qui met en péril notre démocratie. Nous attendons donc beaucoup des suites qui seront données au rapport Sauvé. Peut-être pourrez-vous nous en dire plus, monsieur le ministre.

Il ne suffit pas que la République soit irréprochable, encore faut-il qu'elle ne soit pas suspectée de ne pas l'être : je rejoins en cela les propos du président de la République. Il ne nous reste que quelques mois pour le faire si nous ne voulons pas que les partis démocratiques soient sanctionnés dans un an. (Applaudissements au centre)

M. Jean-Pierre Michel.  - Ce texte pose une question qui a eu quelque écho dans les médias : les parlementaires sont-ils des citoyens comme les autres ? à vous entendre, il semble que votre réponse ne soit pas acquise.

Et les sénateurs sont-ils, de surcroît, l'exception dans l'exception ? Cela ne saurait durer, et la sanction doit s'appliquer à tous les élus.

Le faux en écriture est puni par le code pénal. Pourquoi alors inventer une incrimination spécifique ? Il faut prévoir la peine d'emprisonnement qui s'applique au chef d'entreprise qui fait un faux bilan.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Ce n'est pas pareil !

M. Jean-Pierre Michel.  - C'est exactement pareil.

Ce paquet comporte d'évidentes avancées, comme le compte de campagne pour les sénatoriales. La loi interdit formellement à un élu de se servir des moyens matériels dont il dispose au titre de ses responsabilités dans certains exécutifs. La transparence doit s'appliquer aussi à la réserve parlementaire.

L'âge de 24 ans ? C'est un compromis acceptable. Il faut être plus sage et aguerri pour être sénateur que président de la République. L'actualité le prouve chaque jour ! (Sourires à gauche)

Reste le problème de la démocratisation de notre assemblée. On se demande si le Sénat va changer de majorité en septembre prochain.

M. Roland Courteau.  - Bonne question !

M. Jean-Pierre Michel.  - Non, très mauvaise : il est clair que notre corps électoral est très majoritairement à gauche. Si la majorité sénatoriale n'est pas conforme à ce qu'elle doit être, ce sera sans doute qu'il y aura des bourgs pourris, comme chez les Anglais au XIXe siècle. Y a-t-il lieu de craindre une banalisation du Sénat ? Ne soyez pas si frileux ! Notre existence tient à notre production législative. Celle de notre commission des lois est appréciée ; elle fait notre force et justifie le bicamérisme. (Applaudissements à gauche)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - En 2002, j'écrivais dans la Revue politique et parlementaire que la non-représentation législative des expatriés était une anomalie. C'est à la Résistance que les Français de l'étranger doivent leur première représentation parlementaire : en 1943, à Alger, Marthe Simard qui faisait partie de l'assemblée consultative provisoire s'est beaucoup battue pour le droit de vote des femmes ; elle aura la semaine prochaine une place parisienne à son nom.

Si le principe de l'élection des députés représentant les expatriés est acquis, reste à en organiser les modalités précises. La question des comptes de campagne n'est pas réglée ; j'attends que mon amendement, supprimé par l'Assemblée nationale, soit rétabli.

Vous avez des députés, cela doit vous suffire, m'a-t-on rétorqué, lorsque j'ai évoqué le Parlement européen et le Cese. Une telle vision de notre diaspora est anachronique. Les récents événements d'Afrique du nord et du Proche-Orient montrent l'importance d'entendre les Français de l'étranger.

L'idée de taxer les expatriés, un moment émise, est une absurdité manifeste : le suffrage n'est plus censitaire !

On ne peut interdire toute candidature de personnalités ne résidant pas à l'étranger mais évitons le parachutage !

M. Jean-Pierre Michel.  - Mme Lagarde...

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Les représentants des Français de l'étranger doivent connaître les spécificités de ceux qu'ils représentent. La consanguinité et la complaisance en vase clos tuent insidieusement la démocratie dans un ghetto stérile.

Il faudra réfléchir à la limitation du nombre de mandats dans le temps, comme le président de la République a eu le courage de le faire dans son cas.

J'en appelle au civisme et au bon sens des grands partis. (Applaudissements à droite)

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Excellente intervention !

M. Richard Yung.  - Je ne vous surprendrai pas en évoquant à mon tour les députés des Français de l'étranger. Nous aurions dû interdire les parachutages de recalés du suffrage universel.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - C'est aux électeurs de trancher !

M. Richard Yung.  - Les deux textes qui nous occupent aujourd'hui ont été déposés sur le bureau de l'Assemblée nationale en juillet 2009... Pourquoi ne pas les avoir étudiés en même temps que le texte sur le découpage des circonscriptions ? Nos candidats sont déjà désignés mais doivent rester l'arme au pied en attendant de connaître les règles...

Je n'ai pas compris la valse-hésitation avec le rapporteur de l'Assemblée nationale... Le gentleman agreement qui veut que députés et sénateurs ne s'occupent pas les uns des autres ne s'appliquait pas ici. Les sénateurs sont les seuls à savoir ce qu'il en est de la représentation parlementaire des Français de l'étranger.

Le texte prévoit une liste d'inéligibilité. Il est bon d'y avoir inscrit le consul honoraire. Mais la liste n'est pas complète, ce qui risque d'altérer la sincérité du scrutin. Au vu du parallélisme des formes, je suggère que l'on reprenne les mêmes incompatibilités que pour les sénateurs. Il faudrait aussi ajouter des fonctions comme celle de responsable de l'enseignement à l'étranger. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Claudine Lepage.  - Enfin, la réforme constitutionnelle de 2008 a donné la pleine citoyenneté aux Français de l'étranger. La particularité de ces nouveaux députés requiert certaines adaptations que l'Assemblée nationale n'a pas prises en compte. Je pense en particulier aux spécificités des campagnes électorales, sur des circonscriptions très vastes : la 11e va de l'Europe de l'est à l'Océanie !

Cela exige d'aller au-delà d'un plafonnement des remboursements, vers un plafonnement des dépenses.

Chaque expatrié doit avoir la possibilité, au moins symbolique, de voter dans son poste consulaire. Je me félicite de la possibilité accordée de voter par correspondance ou par internet, qui suppose un bon équilibre entre simplicité et sécurité.

L'article 3 prévoit que ces députés seront membres de droit de l'AFE et du collège électoral des sénateurs.

L'élection de députés des Français expatriés est une innovation bienvenue ; les conditions de leur élection doivent être parfaites. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

M. Philippe Richert, ministre.  - Nous sommes très largement en phase avec ce que préconise la Haute assemblée. Je me félicite du climat dans lequel s'est ouvert ce débat où il y va du fonctionnement de la démocratie ! Vous avez tous voulu aller au fond des dossiers, sans céder à de vaines polémiques, et je vous en remercie, sans en être étonné, connaissant bien cette maison.