Projet de loi de finances rectificative pour 2011

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2011.

Discussion générale

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.  - Le 7 novembre, le Premier ministre présentait le plan de redressement financier du Gouvernement : 7 milliards en 2012, 65 milliards d'ici 2016. Dans quel pays un tel effort a-t-il été entrepris si vite ? Sérieux et réactivité sont nos meilleures armes dans la bataille de la crédibilité.

Avec ses partenaires, la France a pris toutes ses responsabilités. Je suis consciente des contraintes qui ont pesé sur la commission des finances. Merci pour la qualité des débats au Sénat, malgré ce contexte difficile.

Cette année a commencé sous le signe de la reprise -1 % de croissance au premier trimestre, qui s'en souvient ?- mais depuis lors, l'économie mondiale a ralenti avec la crise des dettes souveraines. Face aux incertitudes, le Gouvernement a abaissé à 1 % sa prévision de croissance pour 2012. Quoi qu'il arrive, nous ferons en sorte de revenir à l'équilibre budgétaire en 2016.

Le chemin parcouru est considérable. L'an dernier, M. Baroin promettait de réduire le déficit de 50 milliards d'euros : cet engagement est tenu. L'objectif de baisse des dépenses de l'État est respecté dès 2011 : j'en veux pour preuve le niveau extrêmement bas -1,7 milliard d'euros- des ouvertures de crédit en fin d'année, destinés à financer les opérations extérieures et les allocations sociales.

La réserve de précaution est une ceinture de sécurité. Pour 2012, nous avions voulu l'augmenter à 6 milliards par prudence. Bien nous en a pris ! Ensemble, nous avons imaginé une marge de manoeuvre de 600 millions au sein du FCTVA. Nous n'en utiliserons que 400, le reste allant à la réduction du déficit. Face à l'imprévu, nous avons pris de saines décisions.

Lors du vote du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement a déjà fait prévaloir la baisse des dépenses de l'État.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Question de responsabilité ! (On ironise à gauche)

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Mais le Sénat a voté 32 milliards d'impôts supplémentaires : ce choc fiscal serait fatal pour notre économie. (Protestations à gauche)

M. Jean-Pierre Caffet.  - Ça devient risible !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Les économies que nous avons voulues permettent de limiter les hausses d'impôts, concentrées sur les grandes entreprises et les ménages aisés. La majoration exceptionnelle de l'impôt sur les sociétés ne pèsera pas sur les PME. Équité aussi entre les ménages puisque nous alignons la fiscalité du capital sur celle du travail, en portant le prélèvement libératoire forfaitaire à 21 % pour les dividendes et à 24 % pour les intérêts. Je rappelle que la fiscalité du patrimoine est de dix points plus élevée en France qu'en Allemagne.

Le gel du barème de l'impôt sur le revenu en 2012 et en 2013 pèsera sur les seuls contribuables de cet impôt ; or les 10 % les plus aisés en paient plus des trois quarts.

L'équité nous a aussi conduits à exclure du relèvement du taux réduit de TVA les produits alimentaires, l'énergie et les services destinés aux handicapés. Les plus fragiles ne seront donc pas touchés.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Faux !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Nous avons veillé à ne déséquilibrer aucune filière : pour ce qui est du livre, le Gouvernement proposera de reporter de deux mois l'entrée en vigueur du nouveau taux.

Le désendettement est une nécessité nationale. Chacun doit y prendre sa part.

C'est aussi pourquoi il faut lutter contre la fraude, spécialement fiscale, à laquelle nous avons consacré pas moins de 23 mesures. Mise en place d'un registre des évadés fiscaux, de la police fiscale du droit de communication sur les transferts à l'étranger, ce combat contre la fraude, nous sommes en train de le gagner. En 2010, nous avons récupéré 16 milliards de plus que l'an passé ! A elle seule, la cellule de régularisation a rapporté 1,2 milliard d'euros. Au nom des principes républicains, nous refusons l'amnistie, autant que l'accord proposé par la Suisse.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Enfin une bonne nouvelle !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Le Gouvernement a porté de trois à dix ans le délai de prescription, s'agissant des avoirs à l'étranger, car l'administration doit disposer de temps.

Ce collectif parachève l'effort entrepris depuis trois ans. Avec la crise, aucun pays ne peut faire du redressement des finances publiques un objectif de deuxième ordre. La règle d'or s'impose : elle n'est ni de droite ni de gauche.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Elle est de bon sens !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - C'est l'intérêt général. La France serait plus forte si on la reconnaît sur tous les bancs de cet hémicycle. Que la Haute assemblée, dont la sagesse est légendaire, se montre à la hauteur des circonstances ! (Applaudissements sur les bancs UCR et UMP)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - N'en doutez pas !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Je commencerai par le patchwork budgétaire : les textes se succèdent et par une fuite organisée, on nous annonce aujourd'hui un cinquième collectif pour janvier 2012 ? (M. Jean-Pierre Caffet marque son étonnement) Pour la fin de l'année prochaine, le Gouvernement veut réduire le déficit à 4,5 % du PIB : c'est le minimum pour que le Gouvernement issu des élections du printemps puisse tenir l'objectif de 3 % en 2013. Jamais on n'a diminué le déficit d'1,5 point en un an !

Le Gouvernement n'a pas entendu nos mises en garde sur le ralentissement de la croissance. Les mesures proposées aujourd'hui sont animées par une logique de rendement. D'où la levée de plusieurs tabous : relèvement du taux réduit de TVA...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Je m'en réjouis !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - ...hausse généralisée de la fiscalité. Avec le gel du barème de l'impôt sur le revenu, certains deviendront contribuables ! Lorsque le Sénat nouveau a voulu revoir l'assiette de l'impôt sur les sociétés, le Gouvernement l'a accusé de casser la croissance. Et le même argument ne vaudrait pas ici ? Quand le Sénat nouveau a voulu soumettre au barème de l'impôt sur le revenu les revenus du capital, le Gouvernement lui a opposé le coût de trésorerie ; mais il veut aujourd'hui relever le prélèvement libératoire forfaitaire, qui aura un coût aussi et qui ne rendra pas la fiscalité plus progressive !

La politique du Gouvernement manque de cohérence. Cette année encore, les hypothèses de croissance sont fantaisistes. Le plan Fillon n'explique pas comment les dépenses seront réduites : on renvoie à l'après-présidentielle...

La réserve de précaution est considérée comme un matelas destiné à réaliser des économies quand elle doit empêcher les dérapages ! La majorité gouvernementale est-elle prête à admettre que le Gouvernement décide seul, par voie réglementaire, d'une économie de 8 milliards d'euros ?

Le calcul du déficit -avec une baisse de 53 milliards affichée- est biaisé par la débudgétisation des 35 milliards du Grand emprunt.

J'en viens à la déclaration du 9 décembre des chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne. Ne nous emballons pas. Au reste, les marchés ont réagi avec prudence avant d'accuser une baisse. Quid de la coordination budgétaire ? Le président du Conseil devra remettre au mois de mars un rapport sur l'approfondissement de l'intégration budgétaire. Il est donc permis d'espérer.

Sur la mutualisation des dettes, sur le soutien à la croissance, sur tout sauf la discipline budgétaire, l'accord est muet. Quant à l'aide aux pays fragiles, la question de l'effet de levier n'est toujours pas réglée.

On reporte à mars le débat sur le plafond global du Fesf et du MES. Pour la mise en oeuvre du MES, les règles de majorité sont assouplies, mais dans des cas très limités. Quand les parlements seront-ils consultés ? Mars, c'est demain. Quid du refus britannique ? Dans quelles conditions seront versées les contributions françaises ?

On parle de « nouveau pacte budgétaire » : pacte de stabilité et « règle d'or ». Des sanctions automatiques seront prononcées -le Gouvernement jusque là les refusait- et les projets de budget seront soumis à la Commission européenne. Mais l'avis sera rendu après le débat de l'examen à l'Assemblée nationale ! Il faudra intégrer les corrections de Bruxelles.

Les hypothèses économiques sur lesquelles seront fondés les budgets nationaux devront être élaborées par des instances indépendantes.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Cela devrait vous réjouir !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Mais lorsque je les réclame au niveau français, je n'ai jamais de réponse !

Quant à la règle d'or voulue par l'accord, la commission Camdessus l'avait jugée impraticable. Tous les principes du projet de révision constitutionnelle voté par la droite sont caducs ! D'où le déplacement du débat sur le terrain national : en affirmant que les socialistes ne jouent pas le jeu, Mme la ministre s'évite de formuler ses propositions !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - C'est vous qui êtes dans le virtuel !

M. Charles Revet.  - Je dirai même plus : dans l'irréel !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Le Sénat s'attache à dissiper les écrans de fumée car nos concitoyens doivent pouvoir choisir en toute connaissance de cause. (Applaudissements sur les bancs CRC, socialistes et RDSE)

M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis de la commission de la culture.  - La commission de la culture a voulu se saisir pour avis de ce projet de loi de finances rectificative dont plusieurs articles la concernent.

A l'article 9, le Gouvernement propose 44,9 milliards pour financer le déménagement de RFI et de Monte-Carlo Doualiya, dont le coût est estimé à 20,5 millions, ainsi que le plan de départ de salariés consécutif à la fusion de RFI et de France 24. La commission de la culture s'est opposée tant au déménagement coûteux de RFI qu'à la fusion hasardeuse des institutions de l'audiovisuel extérieur de la France : d'où notre amendement de suppression.

La projet de Centre national de la musique a vocation, je le rappelle, à rassembler tous les acteurs du secteur et à compléter les aides allouées aux professionnels. Nous souhaitons attendre les résultats de la mission de préfiguration avant d'engager de nouveaux financements.

La hausse de la TVA, à l'article 11, pèserait lourdement sur la filière du livre et le report de deux mois n'y changera rien. Cette hausse pose aussi des problèmes techniques. Il faut encourager l'accès à la culture ! Le même argument vaut pour le spectacle vivant. Pour le cinéma, l'effort est évalué à 18,5 milliards d'euros. L'amendement de suppression de la commission des finances nous satisfait donc pleinement. A l'article 16, l'Assemblée nationale a supprimé l'ajustement de la CVAE destiné à tenir compte des spécificités du secteur cinématographique ; nous demanderons son rétablissement. Il y a un an, l'amendement de la commission avait été rejeté...

Quand aux dations en paiement, elles sont précieuses car elles enrichissent le patrimoine de l'État. L'article 17 vise à rationaliser le dispositif pour éviter effets d'aubaine et déconvenues -souvenez-vous de la dation Claude Berry qui a échappé au Centre Pompidou ! Notre commission y est favorable.

L'archéologie de sauvetage est devenu préventive, sujet qu'aborde l'article 22. Mais le financement est chroniquement insuffisant. Les besoins sont estimés à 125 milliards d'euros par l'IGF. Chaque année, l'État doit ouvrir des crédits en catastrophe : 154 milliards depuis 2002, 62 milliards dans ce collectif.

Le contrat de performance de l'Inrap permettra de rationaliser sa gestion. Le projet de loi de finances rectificative propose d'adosser la taxe d'archéologie préventive à la taxe d'aménagement. L'assiette sera élargie et le rendement augmenté. Dans un deuxième temps, un compte d'affectation spéciale améliorera la gouvernance. Mais ce dispositif a été modifié à l'Assemblée nationale et les maisons individuelles exonérées, ce qui pose un problème de justice sociale, réduit le rendement et favorise l'étalement urbain. Nous nous rallions à la position de la commission des finances.

L'article 30 vise à rendre effectif le droit à la formation professionnelle continue des artistes auteurs. Notre commission le soutient fortement. Mais ce droit doit bénéficier à tous les artistes auteurs ; la répartition des fonds et des sièges au conseil de gestion doit dépendre de l'effort contributif des secteurs ; validation et définition de critères d'éligibilité devront dépendre des commissions sectorielles. Nous demandons que le Gouvernement tienne les commissions compétentes du Parlement informées de l'impact de ce dispositif.

Enfin, la commission est très favorable à l'inscription des spectacles musicaux et de variétés sur la liste des activités culturelles pouvant être exonérées de cotisations foncières des entreprises par les collectivités territoriales. Il semble que les producteurs de spectacle avaient été oubliés. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Ce collectif, le dernier de l'année 2011 avant que nous n'examinions le premier de l'année 2012...

M. Jean-Pierre Caffet.  - On prend l'habitude !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - L'exercice ne doit pas nous attrister : il est de vérité et témoigne de notre réactivité face à un environnement par nature imprévisible. Ce collectif, disais-je, a donné lieu à des affirmations de la rapporteure générale que je veux commenter pour engager le dialogue. Improvisation ? Non, réactivité ! Une posture fondée sur les fausses certitudes du début 2011 aurait été pulvérisée par l'environnement économico-financier. Je peine à comprendre ce procès en improvisation, et encore plus le procès en crédibilité. D'après le rapporteur général de l'excellente commission de la culture, il faut renoncer à la mesure la plus productive du plan Fillon, modeste cependant, le second taux réduit de TVA.

M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis.  - C'est aussi la mesure la plus injuste !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Et il relaie les doléances d'honorables corporations...

M. Jean-Pierre Caffet.  - Vous ne les aimez pas !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - A croire que la culture majoritaire, vous ne l'avez pas encore digérée...

M. Marc Daunis.  - Pas d'inquiétude ! On apprendra vite dans quelques mois...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Que la gauche caricature notre président de la République, notre candidat (exclamations amusées à gauche) se comprend. Il est de l'honneur des politiques d'exposer leurs convictions...

M. Maurice Vincent.  - Qui paie ses meetings ?

M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis.  - Aux frais de l'État.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Vous aussi avez un candidat ; c'est naturel en politique. (On s'amuse, à gauche) Au niveau européen, c'est le président de la République qui a voix au chapitre. Et comment dénigrer l'accord de Bruxelles conclu à 26 ?

M. Jean-Pierre Caffet.  - Parlez-nous plutôt du collectif !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Cet accord du 9 décembre, loin des chimères fédéralistes, est un bon accord.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Dites-le aux analystes !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Il ne me paraît pas conforme à la culture de la gauche d'aller chercher des cautions du côté des marchés financiers.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Et votre AAA, dont vous avez tant parlé !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - La clarification avec le Royaume-Uni intervient enfin. Tant mieux ! C'en est fini de la contrainte de l'unanimité et les 26 États devront s'atteler à définir ensemble un frein à l'endettement, une expression que je préfère à celle de « règle d'or ».

M. Alain Néri.  - Très bien !

M. Marc Daunis.  - Nous finirons par tomber d'accord.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Nous devons en passer par une révision constitutionnelle et sans doute une loi organique, pour nous adapter à cette nouvelle gouvernance budgétaire. Je forme le voeu que nous sachions l'adopter ensemble. Il y va de notre intérêt national et de la monnaie que nous avons en partage...

M. Alain Néri.  - Il faudrait conclure.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Peut-être le débat vous semble-t-il trop technique et préférez-vous les vaines promesses. ..

Cet accord des 8 et 9 décembre signe, en outre, le retour des banques centrales nationales, qui prêteront au FMI pour que celui-ci prête aux États. Il n'y faudra pas d'accord spécifique de la BCE.

Reste le dernier aspect le plus délicat pour compléter le pare-feu : les modes d'action de la BCE. Peut-être une communication plus active lui aurait-elle évité des interventions répétées qui l'ont amenée à inscrire 200 milliards à son bilan. On peut au moins se poser la question.

Pour autant, ne dénigrons pas les décisions qui ont été prises pour sauver l'euro. Si l'euro disparaît, quelle Europe restera-t-il ?

M. Alain Néri.  - Nous la voulons sociale !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Je vous ai davantage parlé du texte que du contexte...

M. Marc Daunis.  - C'était un prétexte ! (Sourires)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Nous aurons l'occasion de revenir sur le texte dans les jours prochains lors de la discussion des articles -que le rapporteur pour avis de la commission de la culture a déjà amplement exposés pour ce qui le concerne. Pour ma part, je salue l'action du Gouvernement et la refonte de l'architecture de la TVA réduite pour le bâtiment et la restauration. Ce coup de rabot de 10 % est indolore, à la différence de ce que serait une suppression de l'exonération de charges sociales sur les heures supplémentaires. (M. Albéric de Montgolfier approuve)

Enfin, nos amis libraires ne disposent-ils pas d'ordinateurs pour opérer la correction ? (Applaudissements à droite)

M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis.  - C'est plus compliqué que cela !

M. Thierry Foucaud.  - Le président de la commission des finances nous a livré un discours militant. Soit, nous ne l'avons pas choisi...

Ce collectif montre que la politique du Gouvernement n'est pas couronnée de succès. Une fois de trop ! Un chômage de 9,7 %, une baisse de l'activité du commerce de gros de 1,6 %, un repli dans l'activité de détail, les chiffres de 2011 sont peu encourageants : les ferments d'une récession durable sont là. Le relèvement du taux réduit de TVA aggravera la situation.

Vous gelez les salaires des agents publics, au nombre de 5 millions. Sans eux, que seraient les recettes de l'impôt sur le revenu ? Sans eux, que sera la trésorerie des banques ? Après la RGPP, la loi de finances pour 2012 gèle certaines de leurs allocations. Ces lois de finances qui se succèdent sont conçues comme un rasoir jetable à deux lames. Et voici la deuxième !

Vous évitez de frapper à la porte des plus riches tout en doublant la taxe sur la mutuelle. Une majoration de 5 % sur l'impôt sur les sociétés ? Elle est un peu chichiteuse. En 1995, le gouvernement Juppé avait décidé une surtaxe de dix points pour rattraper les comptes publics dégradés par le gouvernement Balladur-Sarkozy. Cette année, cinq points seulement et uniquement pour les entreprises présentant un chiffre d'affaires de plus de 250 millions. Une mesure qui égratigne plus qu'elle ne blesse. Surtout, elle vise à faire passer la pilule de la nouvelle TVA réduite de 7 %. Qui paie en dernier ressort ? Le consommateur ! La TVA, chacun la paie en achetant sa baguette, en faisant réparer ses chaussures, dans tous les actes de la vie quotidienne.

Vient ensuite le gel du barème de l'impôt sur le revenu, une décision que vous avez prise sans avoir l'air d'y toucher quand elle représente 100 euros par an et par ménage pour les contribuables. Elle aura des effets pervers sur le calcul des allocations. Ce sont avant tout les salariés et les retraités qui en subiront les effets, puisqu'ils paient près de 90 % de l'impôt sur le revenu. Au total, les plus modestes seront les premières victimes de votre politique.

Ce collectif entérine le déficit, dont 462 millions pour les opérations en Libye. Mesures ponctuelles, mesures bouche-trou, mesures antisociales, nous ne pouvons pas voter ce collectif. (Applaudissements à gauche)

M. Yvon Collin.  - A peine sortis du projet de loi de finances pour 2012, voici venir le quatrième collectif pour 2011, témoin de la difficulté du Gouvernement à juguler l'endettement de la France. Au vu du contexte économique, nous ne sommes pas au bout du tunnel : crise des dettes souveraines, crise des liquidités -et bientôt récession ?

Les accords intergouvernementaux, malgré un certain volontarisme, n'ont pas rétabli la confiance : l'agence Standard & Poor's a mis sous surveillance la note de quinze pays de la zone euro. Est-ce à dire que les marchés perçoivent les limites des plans successifs ? Le risque de contagion après le défaut de la Grèce n'est pas exclu, Mme Bricq le rappelle à juste titre. Le FESF ne couvre pas les besoins de financement de l'Espagne et de l'Italie pour les deux prochaines années. L'accord du 9 décembre marque, certes, une étape. Difficile de s'opposer au rétablissement budgétaire quand la France affiche un solde négatif de 95,3 milliards en 2011 !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Très bien !

M. Yvon Collin.  - Je veux rappeler mon engagement précoce pour une politique budgétaire et fiscale plus coopérative en Europe. Il faudra oeuvrer à la convergence économique, faire que l'épargne et les investisseurs se rencontrent. Mais l'urgence est de rendre soutenable les dettes nationales. D'où le collectif qui traduit le plan Fillon II.

Avons-nous d'autres choix ? Non. Depuis 2007, vous n'avez pas su ou pas pu répondre au défi. Peut-être vous êtes-vous trop contentés de brandir la RGPP...

Enfin, la norme de dépenses est respectée grâce aux collectivités territoriales. Ce n'est pas le cas de l'État car l'effort porte d'abord sur les recettes, Mme la rapporteure générale l'a montré.

En conclusion, avec ce budget qui concrétise la rigueur, comment comptez-vous soutenir la demande et la croissance ? La majorité du RDSE ne votera pas ce quatrième collectif budgétaire. (Applaudissements à gauche)

M. Aymeri de Montesquiou.  - La perspective de la présidentielle pèse sur nos débats. Nous devrions avoir pour objectif de faire coïncider nos convictions et l'intérêt général. Le débat budgétaire a été dominé par des considérations politiciennes, comme si la nouvelle majorité du Sénat considérait que tout ce qui avait été voté depuis cinq ans était désormais nul et non avenu. Pour avoir connu l'Assemblée nationale, je souhaite que le Sénat reste le Sénat.

Ce texte comporte de bonnes mesures, entre autres le taux intermédiaire de TVA, recommandé par la Cour des comptes, qui participe de la convergence franco-allemande. En revanche, les Sunset laws ne sont pas de bon aloi. Plutôt qu'une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ou une surtaxe de l'impôt sur les sociétés, il aurait fallu un débat de fond. Quid du CAS qui remplace le fonds d'amortissement des charges d'électrification (Facé) ?

La compétitivité doit être l'aiguillon de notre politique : notre balance commerciale accuse un déficit de 75 milliards !

La part des dépenses publiques est de 54 %. J'ai connu un temps où l'on disait que, passé le seuil de 40 %, la France aurait basculé dans le système soviétique.

Le stoïcien Epictète enseigne que « notre salut et notre perte sont en nous-mêmes ». Soyons stoïques mais soyons aussi entreprenants et optimistes : stimulons l'initiative privée par la compétitivité. Mettons en avant nos atouts comme le luxe dans cette mondialisation où la différence dans le coût du travail est de un à cinquante entre la France et le Pakistan. Il est exclu d'aligner nos salaires sur ceux du Pakistan, mais nous pouvons baisser les charges et les faire porter sur la consommation, en faisant en sorte que ce transfert soit à somme nulle pour le consommateur.

La règle d'or n'est pas le remède mais elle freine la propagation de la maladie. (On approuve à droite) Cessons les querelles picrocholines pour faire primer l'intérêt général. Dix ans après une politique économique et sociale difficile, le chancelier Schröder apparaît comme l'homme qui a permis à son pays de tenir un rang envié pour la solidité de son économie et pour son consensus social. Les solutions proposées par le futur président ne pourront guère différer de celles qu'aurait mises en oeuvre son rival malheureux.

Il faut agir, les agences de notation nous surveillent. On peut d'ailleurs s'interroger sur leurs connivences avec les banques. Il y a un mois, une agence annonçait à tort la perte de notre AAA ; combien de spéculateurs en ont profité ? Des sanctions sont-elles envisageables ? Une crise auto-réalisatrice, a affirmé Mme la rapporteure générale. N'est-ce pas le signe qu'il y a un accord sur la règle d'or et le retour aux critères de Maastricht en 2013 ?

Han Seung-Soo, ancien Premier ministre coréen, rappelait qu'en chinois, le mot « crise » a deux sens : danger et chance à saisir. Comme M. Schröder, la France doit saisir l'opportunité plutôt que de céder aux sirènes de Merlin l'enchanteur. Le groupe UCR votera ce texte.

M. Francis Delattre.  - Comme Gambetta en 1876, il faudrait saluer la victoire historique de la nouvelle majorité au Sénat, lequel deviendrait un laboratoire d'idées. C'est oublier, dans l'euphorie, que Gambetta voulait aussi un Sénat modérateur des pouvoirs publics et des pulsions, et plus encore un Sénat des Républiques qui veulent persister et durer.

Votre posture consistant à démolir des budgets légitimes vous donne-t-elle un surcroît de crédibilité ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Il faut le croire !

M. Francis Delattre.  - Voter 30 milliards d'impôts dont 20 milliards sur les entreprises, créer une soixantaine de taxes, c'est faire du clientélisme de bas étage au risque d'amoindrir la plus-value du Sénat.

M. Albéric de Montgolfier.  - C'est vrai...

M. Francis Delattre.  - Peut-être seriez-vous plus crédibles en tenant un langage de vérité aux Français : mensonges sur les heures supplémentaires de la loi Tepa, mensonges sur la réforme des successions ! Elles profitent aux plus modestes ? (Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances, s'esclaffe) 75 milliards de cadeaux aux riches d'après le site du parti socialiste. Mme la rapporteur générale a dû rectifier le tir : 49,8 milliards !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Ce n'est pas rien ! Au moins, vous lisez Le Parisien !

M. Francis Delattre.  - La réforme de la taxe professionnelle, c'est vous qui l'avez commencée en supprimant la part assise sur les salaires...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - C'était le ministre Strauss-Kahn !

M. Francis Delattre.  - Le saut qualitatif a été franchi avec Michel Sapin...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Parlez-nous de nous et pas des absents !

M. Francis Delattre.  - La dette dans l'Espagne du socialiste Zapatero et dans les États-Unis d'Obama a explosé.

M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis.  - Et Poutine, c'est de notre faute aussi ?

M. Francis Delattre.  - Ce gouvernement, qui ne travaille que pour les riches, a créé le RSA, consolidé les minima sociaux, construit trois fois plus de logements sociaux que le gouvernement Jospin sans oublier les 500 millions du « plan Banlieue »...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Dites tout cela aux Français, c'est eux qu'il faut convaincre !

M. Francis Delattre.  - C'est ce gouvernement qui a encadré retraites chapeau et parachutes dorés. Assez de vos larmes de crocodile sur la pénibilité du travail !

Ni M. Rocard, ni M. Jospin n'ont voulu toucher au système des retraites car cela pouvait faire tomber cinq gouvernements. Mais, solution miracle, on a créé un fonds alimenté par les privatisations... ou plutôt par 10 % de leur produit. C'est pourquoi il ne peut aujourd'hui financer les pensions !

M. Jean-Pierre Caffet.  - Vous l'avez siphonné ! C'est délirant !

M. Francis Delattre.  - Vous trichez encore, en promettant la retraite à 60 ans, contribuant ainsi à déconsidérer le monde politique. Quant aux 60 000 postes d'enseignants, vous vous gardez bien de dire comment ils seront financés...

Où est le big bang annoncé ?

Mme Michèle André.  - Qui gouverne ?

M. Francis Delattre.  - Les interventions de la gauche sénatoriale lors du débat budgétaire ont montré le vide de vos propositions. Nous aurions pu parler de l'indépendance énergétique, du contrôle du gaz par M. Poutine !

M. Jean-Vincent Placé.  - Vous êtes au Sénat, pas au café du commerce !

M. Francis Delattre.  - Nous nous souvenons, pour notre part, de de Gaulle et Adenauer, d'Helmut Kohl et François Mitterrand et nous faisons confiance à M. Sarkozy et à Mme Merkel pour poursuivre le chemin. En toute bonne foi, nous faisons confiance au Gouvernement pour trouver le bon équilibre et tout en réduisant la dette, éviter de nuire à la croissance.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Enfin, il revient au sujet !

M. Francis Delattre.  - Les promesses fiscales du parti socialiste ne visent qu'à satisfaire des clientèles.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - C'est vous les sortants, pas nous !

M. Francis Delattre.  - Je vous mets au défi de trouver dans les programmes du parti socialiste la moindre mesure de justice fiscale. A nous, élus de la droite et du centre, de relever le beau drapeau de la France applaudi par les insurgés de Benghazi ! (Applaudissements à droite)

M. François Marc.  - M. le président de la commission a parlé de tout, sauf de ce projet de loi. Mme la ministre s'est surtout occupée de critiquer la gauche.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - A critique, critique et demie !

M. François Marc.  - Quant à la diatribe que l'on vient d'entendre, l'auteur en porte la responsabilité...

M. Francis Delattre.  - Aucun problème !

M. François Marc.  - Le Premier ministre a annoncé, en septembre, des économies de 17,7 milliards d'euros. L'atonie de la croissance nécessitera sans doute des mesures supplémentaires. Mais le Gouvernement oublie que, pour juger de la capacité d'un pays à rembourser sa dette, les marchés considèrent aussi son potentiel de croissance.

Je n'insiste pas sur le procédé qui consiste à proposer des mesures lourdes pour l'an prochain alors que le projet de loi de finances pour 2012 n'est toujours pas voté définitivement. Faut-il parler de dissimulation ? La présentation est contestable : la réduction du déficit tient, pour l'essentiel, à la non-reconduction de mesures exceptionnelles comme les investissements d'avenir, et non à des économies qui restent imaginaires.

Contrairement aux engagements du président de la République, qui dénonçait la folie qui consisterait à augmenter les impôts, qu'il ne commettrait pas parce qu'il n'avait pas été élu pour cela, le Gouvernement les accroît : 20 milliards lors du premier plan, 8 milliards ici. Pourquoi ne pas être revenu sur les cadeaux consentis en début de mandat ? Depuis 2002, la droite a créé ou élargi plus de 230 niches fiscales...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - On verra ça avec vos amendements.

M. François Marc.  - Le Conseil des prélèvements obligatoires a identifié 538 dispositifs dérogatoires dont la moitié, d'après un récent rapport de Bercy, sont inefficaces : cela représente 50 milliards.

L'augmentation de la TVA, l'impôt le plus injuste qui soit, réduit la demande intérieure et pénalise les plus modestes. Un nouveau taux réduit, d'1,5 point supérieure au premier, n'obéit à aucune logique. On ne gagnera pas plus ainsi qu'on n'a perdu en diminuant l'ISF : 2 milliards d'euros.

M. Roland Courteau.  - Exactement !

M. François Marc.  - La gauche tient à la progressivité de l'impôt, principe républicain. Le Gouvernement, lui, développe les impôts proportionnels. Qu'il s'agisse de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, la fiscalité est devenue régressive. Ce soir encore, M. Marini vantait la TVA.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Plus on dépense, plus on paie !

M. François Marc.  - Depuis 2002, la part de la TVA est passée de 44 % des recettes fiscales à plus de 50 % : le tableau de la France, dressé par l'Insee, prend tout son sens.

Nous proposerons de nombreux amendements pour introduire plus d'équité dans notre système fiscal. En l'état, nous ne pouvons pas accepter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. François Fortassin.  - Monsieur Delattre, vos intonations censément gaulliennes m'ont plutôt rappelé le général Boulanger... Le réalisme serait à droite, l'utopie à gauche. J'en passe et des meilleures !

Mme la ministre a parlé d'équité. Mais c'est ce qui a le plus manqué dans le quinquennat Sarkozy ! Depuis dix ans...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Il n'est là que depuis 2007, mais on veut bien en reprendre pour cinq ans supplémentaires !

M. François Fortassin.  - L'UMP était déjà aux affaires.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Il y a eu la rupture...

M. François Fortassin.  - Un brouet a remplacé la tête de veau... Depuis dix ans donc, les inégalités se creusent.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Moins qu'ailleurs...

M. François Fortassin.  - On trouvera toujours en Asie du sud-est des gens qui travaillent pour moins cher. Faut-il les prendre pour modèles ?

M. Francis Delattre.  - Non, mais comme une contrainte !

M. François Fortassin.  - L'important est de restaurer la confiance. Pourquoi l'économie japonaise est-elle saine, malgré une dette publique abyssale ? Parce que les Japonais ont confiance en leur gouvernement. Nous essaierons de restaurer cette confiance que vous avez dilapidée en héritage ! (Applaudissements à gauche)

M. François Patriat.  - J'ai été surpris d'entendre M. Delattre vanter Pierre Mendès-France : lorsqu'il était au pouvoir, à quelle hostilité se heurtait-il de la part de la droite ! Il en a été de même pour Pierre Bérégovoy.

M. Francis Delattre.  - Bérégovoy ? Les nouveaux pauvres ! Le RMI, c'est nous...

M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis.  - Et la CMU aussi peut-être ?

M. François Patriat.  - Sous le gouvernement Jospin, les comptes publics étaient sains, la croissance était au rendez-vous et le commerce extérieur excédentaire.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Il a perdu les élections !

M. François Patriat.  - Il ne suffit pas de nous annoncer une prévision de croissance de 1 % pour qu'elle s'avère. La compétitivité de nos entreprises s'est dégradée. Rien dans ce projet de loi sur l'investissement. Votre politique fiscale depuis 2007 ne l'a jamais favorisé. Le régime des jeunes entreprises innovantes a été raboté en 2011 ; il a fallu une loi de finances rectificative pour rectifier le tir. Pas moins de 80 % des entreprises ont réduit leurs dépenses de recherche et développement !

On ne nous propose que des mesures d'austérité, qui pèsent aux deux tiers sur les ménages quand seule une politique macroéconomique restaurera l'équilibre des finances publiques ! En coupant dans les dépenses, ce projet de loi aggravera la récession.

Après avoir abandonné notre souveraineté aux mains des agences de notation, nous abdiquerions notre souveraineté budgétaire au profit d'instances supranationales ? C'est inacceptable.

Comme M. Delattre, je serai manichéen : nous ne retiendrons des cinq années de sarkozysme que la hausse du chômage et la baisse de la croissance ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Vincent Placé.  - L'enchevêtrement et l'accumulation des textes budgétaires donnent une impression d'impréparation. Le Gouvernement s'est toujours fondé sur des hypothèses de croissance, systématiquement et, donc délibérément surévaluées. En septembre, l'hypothèse d'une croissance de 1,75 % était trop optimiste. Alors que nous avions en octobre retenu un chiffre de 0,8 %, votre prévision reste trop optimiste

M. Sarkozy s'était engagé à baisser les impôts ; les prélèvements ont augmenté de 20 milliards. Il prétendait réduire la dépense publique, elle a atteint un niveau record.

Vous augmentez le taux de l'impôt sur les sociétés, c'est oublier que beaucoup échappent à son assiette. Vous relevez le taux du prélèvement libératoire, sans soumettre les revenus du capital au barème de l'impôt sur le revenu. Vous gelez indistinctement celui-ci et relevez cet impôt injuste qu'est la TVA. La justice fiscale serait-elle devenue un luxe des pays riches ?

Cette crise n'est pas seulement financière : elle est aussi liée à l'aggravation des inégalités de richesse. Les baisses d'impôt des néo-libéraux ont aggravé la précarité et alimenté la spéculation. Pour en sortir, il faudra mieux répartir la valeur ajoutée, entre capital et travail.

La crise est aussi écologique. Les émissions de CO2, loin d'avoir baissé, ont atteint un milliard de tonnes... L'empreinte écologique mondiale est de 1,3 : cette année, c'est le 27 septembre que nous avons outrepassé la limite au-delà de laquelle le renouvellement des ressources naturelles n'est pas assuré. Nous vivons à crédit écologique. Étrange qu'aucune agence de notation ne nous en tienne rigueur quand cette dette est loin d'être une abstraction. Comme la crise sociale, la crise écologique est un soubassement de la crise financière. Les matières premières et agricoles sont devenues des valeurs refuges. Même le prix du pain a considérablement augmenté !

Mais le Gouvernement estime les considérations sociales et écologiques comme des suppléments d'âme...

Au groupe SOC-EELVr, nous savons depuis longtemps que la solution à la crise sera européenne. Cependant, alors que vous ne nous ne savez proposer que la contrainte budgétaire, par un mécanisme intergouvernemental, nous appelons de nos voeux une intégration fiscale, et un budget fédéral.

Nous ne vous suivrons pas sur le chemin de l'austérité. Ne vous laissez pas obnubiler par le AAA des agences de notation pour vous souvenir de celui de Danton : « De l'audace, de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace ! » (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Belle chute ! Mais Danton a mal fini...

La discussion générale est close.

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.  - Les débats budgétaires ont montré la profondeur des divergences entre le gouvernement et la Haute assemblée.

Madame la rapporteure générale, la prévision est difficile. Au printemps dernier, tout le monde s'attendait à une reprise. Les crises sont soudaines et brutales. Le Gouvernement a pris la mesure de celle-ci avec lucidité. Dans l'histoire récente de la France, une attitude aussi responsable est rare. M. le président Marini a parlé à raison du collectif comme d'un exercice de vérité et de réactivité.

Nos objectifs de réduction du déficit restent constants. Constance aussi dans la méthode, qui repose principalement sur des économies en dépenses. Pour la première fois, la dépense de l'État baisse, grâce à la RGPP engagée dès 2007, au non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, à la réforme des cartes militaires en 2008 et judiciaire en 2009, à la réforme des retraites, toutes mesures que vous avez combattues une à une. On attend de la clarification de votre candidat : comptez-vous oui ou non revenir à la retraite à 60 ans ?

La crédibilité du Gouvernement est le fruit de cinq ans d'action. Pour la première fois, la masse salariale de l'État hors pensions diminue.

Vous avez créé 40 milliards d'euros de taxes dans le cadre du projet de loi de finances... Nous préférons les prélèvements ciblés et justes. Seules les grandes entreprises seront touchées par la majoration de l'impôt sur les sociétés. Rien à voir avec la hausse généralisée que vous avez votée ! L'augmentation du prélèvement libératoire forfaitaire ne concerne que les ménages aisés et s'inscrit dans un rapprochement historique entre fiscalité du capital et du travail.

Les leçons de justice fiscale, c'est nous qui sommes en mesure de les donner ! Le plafonnement des niches sur l'impôt sur le revenu, c'est nous qui l'avons établi ! Un ménage gagnant un million d'euros pouvait ne rien payer en 2000 ; il paie désormais au moins 340 000 euros d'impôt.

Nous avons veillé à ce que le nouveau taux réduit de TVA ne déséquilibre aucun secteur, d'où le report de deux mois pour le livre.

Le Gouvernement a toujours pris les mesures qui s'imposaient. On ne peut prétendre redresser les finances publiques et refuser tout engagement contraignant !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Et vous, quels engagements prenez vous ?

M. Patrick Ollier, ministre.  - La règle d'or fait consensus partout en Europe, y compris chez les socialistes allemands et espagnols. Ralliez vos amis et, dans un esprit de responsabilité, dépassons les clivages partisans ; cela honorerait le Parlement !

M. François Marc.  - Le déficit, c'est vous !

M. Patrick Ollier, ministre.  - Faites un effort ! Alors que l'Europe se rassemble, vous semez la division. Que 26 pays se soient mis d'accord marque un progrès considérable.

Les marchés nous observent, ils observent vos réactions car ils savent que nous voulons réduire les déficits. Dans les circonstances exceptionnelles que nous vivons, oublions les divergences quelques mois pour bâtir ce consensus national voulu par M. de Montesquiou afin de sauver l'euro, l'Europe et notre pays ! (Applaudissements à droite)

Question préalable

M. le président.  - Motion n°195, présentée par M. Foucaud et les membres du groupe CRC.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011.

M. Éric Bocquet.  - Le déficit moyen des pays de la zone euro sera de 40 % en 2012, contre 9 % aux Etats-Unis et au Japon. L'économiste Henri Sterdyniak, de l'OFCE, appelait dès l'été le Gouvernement à ne pas vivre dans l'angoisse des agences de notation et la BCE à acheter de la dette publique.

Depuis la semaine dernière, on veut nous faire croire à une refondation de l'Europe. C'est nier l'évidence. La démocratie est le cadet des soucis des auteurs de l'accord. Les parlements seront placés sous tutelle de la Commission européenne et de la CJUE. La BCE garde pour objectif principal de lutter contre l'inflation et de limiter la création monétaire, assurant ainsi le monopole des banquiers auxquels elle prête au taux de 1 %. En revanche, il est toujours interdit à la banque de financer toute politique d'investissement public qui relancerait la croissance. Quels progrès pour la construction européenne dans ces circonstances ? La BCE prête à une banque privée à un taux de 1 %, laquelle pour ne pas laisser l'argent dormir achète des titres... Autrement dit, on alimente la spéculation !

Tel Diafoirus, on administre la saignée à des patients déjà anémiés. Partout en Europe ou presque, les dirigeants ont été débarqués pour être remplacés par des techniciens ou des adversaires de l'austérité. J'invite la droite à voter cette motion pour s'éviter ce sort...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Nous ferons notre travail jusqu'au bout !

M. Éric Bocquet.  - La Grèce, à qui l'on a affublé le bonnet d'âne européen, connaît une récession plus dure encore depuis l'austérité. Dans notre pays, un ménage sur six renonce désormais à se chauffer à cause du renchérissement des prix de l'énergie...

Le projet de loi de finances pour 2012 a été l'occasion pour la nouvelle majorité sénatoriale de revenir sur votre dogme fiscal et budgétaire. Comment croire à l'impôt sur le revenu, à l'impôt sur les sociétés et à l'ISF mités par les niches et les exonérations ? Comment accepter le maintien du dispositif d'heures supplémentaires, trappe à bas salaires ? Nous aurons ce débat lors de la présidentielle. Il faut changer de braquet et mettre fin à ces années de politique libérale qui se concluent par une dette publique inégalée en temps de paix, un déficit historique du commerce extérieur dans toute la Ve République.

Le projet de PPP pour la construction du Pentagone à la française conclu en faveur de Bouygues montre qu'il est temps de mettre fin au gaspillage des deniers publics.

Une réforme fiscale de grande ampleur est nécessaire, ainsi qu'une reconsidération de la dépense publique. Encore heureux qu'il existe des millions de fonctionnaires qui perçoivent un revenu assuré et régulier ! Certains se gaussent de la proposition de création de 60 000 postes dans l'éducation nationale. Mais maintenir 60 000 jeunes sur les bancs de l'école, cela a aussi un coût !

Pour toutes ces raisons, nous invitons le Sénat à voter la motion. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - La discussion générale a montré qu'il y avait lieu de poursuivre le débat. Avec 200 amendements, nous avons de quoi montrer qu'il existe un autre chemin. L'avis est défavorable.

M. Patrick Ollier, ministre.  - Il y a urgence à délibérer pour augmenter les recettes de 5,2 milliards d'euros et pour assurer le fonctionnement normal de l'État et de la protection sociale jusqu'à la fin de l'année : 250 millions pour les APL, 137 millions pour l'allocation adulte handicapé, 52 millions pour les demandeurs d'asile... Allez-vous pénaliser les plus fragiles ? Le Gouvernement est contre la motion.

La question préalable est mise aux voix par scrutin public de droit

M.le Président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 344
Majorité absolue des suffrages exprimés 173
Pour l'adoption 21
Contre 323

Le Sénat n'a pas adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 14 décembre 2011, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit cinquante.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mercredi 14 décembre 2011

Séance publique

À 14 HEURES 30 ET LE SOIR

Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2011 (n°160, 2011-2012).

Rapport de Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances (n°164, 2011-2012).

Avis de M. Vincent Eblé, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°163, 2011-2012).