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Table des matières



Dépôt d'un rapport

Loi de finances rectificative pour 2012 (Nouvelle lecture)

Discussion générale

Question préalable

Transport aérien de passagers (Nouvelle lecture)

Discussion générale

Question préalable

Avis sur une nomination

Majoration des droits à construire (Procédure accélérée)

Discussion générale

Discussion des articles

Article premier A

Articles additionnels

Article premier (Supprimé)

Article additionnel

Intitulé du projet de loi

Vote sur l'ensemble

Candidatures à une éventuelle CMP




SÉANCE

du mercredi 29 février 2012

73e séance de la session ordinaire 2011-2012

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

Secrétaire : M. Alain Dufaut.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Dépôt d'un rapport

M. le président.  - M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l'article 59 de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, le rapport sur les conditions de mise en oeuvre d'une fusion progressive de l'impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée. Il a été transmis à la commission des finances et est disponible au bureau de la distribution.

Loi de finances rectificative pour 2012 (Nouvelle lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen, en nouvelle lecture, du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012.

Discussion générale

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.  - Ce collectif témoigne de la détermination du Gouvernement et de sa majorité à répondre au défi de la croissance par le désendettement et la compétitivité. On ne peut continuer à vivre au-dessus de nos moyens, sans gouvernance de l'Europe, sans effort de compétitivité.

Je regrette la position de la majorité sénatoriale qui, rejetant le texte en bloc, n'a pas voulu débattre, sur des sujets qui devraient pourtant dépasser les clivages partisans. On ne sert pas l'intérêt général à fuir ainsi le débat démocratique. Votre refus démontre qu'il n'y a pas de projet alternatif à défendre.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - C'est clair !

Mme Marie-France Beaufils.  - Si ! Il y en a, les Français se prononceront bientôt.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Deux visions s'opposent : celle du Gouvernement, qui vise à préparer la France à l'économie de demain -je remercie les sénateurs de la majorité, qui la soutiennent, et celle de la gauche, qui en prend le contre-pied systématique et qui refuse d'avancer quand elle ne veut pas aller en arrière. Elle fait ainsi la preuve que la compétitivité de la France n'est pas dans ses priorités. Sur les retraites, les 35 heures, elle ne tire pas les leçons de ses erreurs -voire de ses fautes. La politique économique est la grande absente du projet socialiste.

M. François Marc.  - Qu'avez-vous fait depuis cinq ans ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Dans la crise que nous traversons, on ne peut reporter les réformes sine die. Le Gouvernement prend ses responsabilités, poursuivant son programme de réformes.

Nos entreprises industrielles sont soumises à une concurrence internationale féroce. Dans la Somme, la semaine dernière, avec François Baroin, nous avons pu vérifier que la concurrence internationale est leur souci majeur. Pour continuer à produire en France, elles doivent pouvoir se battre à armes égales. Nous avons agi, d'abord sur la compétitivité hors prix, avec le crédit d'impôt recherche (CIR), la suppression de la taxe professionnelle, la défiscalisation des heures supplémentaires. C'est pourquoi ce texte continue de s'attaquer à la compétitivité hors prix : création d'une banque de l'industrie, financée à un milliard d'euros par les investissements d'avenir, augmentation du quota de l'apprentissage.

Mais le problème, c'est aussi la compétitivité des prix. Le récent rapport de l'Insee montre que notre avantage de 1996 par rapport à l'Allemagne a disparu. En 2002 Lionel Jospin avait eu conscience de ce problème du coût du travail. Des ténors de la gauche, comme MM. Strauss-Kahn, Le Guen et Valls, considéraient naguère que les charges sur les salaires sont excessives. D'où les exonérations ici proposées pour les salaires, jusqu'à 2,5 Smic, les plus exposés à la concurrence internationale. Sans pénaliser les bas salaires, nous favorisons l'emploi des salariés moyens : 80 % des salariés de l'industrie, plus encore pour l'agriculture, sont concernés. C'est ainsi que l'on créera de l'emploi, comme les allègements Fillon en avaient sauvegardé. Pour financer les allègements, nous augmentons de 2,6 milliards d'euros les prélèvements sur les revenus du patrimoine. Au lieu de vous focaliser sur la TVA...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - C'est vous qui en parlez !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - ...reconnaissez que cet impôt sur le patrimoine ne touche pas les plus fragiles, mais les ménages les plus aisés. Certes, nous augmentons la TVA au taux normal, mais nous baissons davantage le coût du travail sur les produits français. L'addition jouera en faveur des salariés.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Ils apprécieront !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Quant aux produits importés, la pression concurrentielle est telle que la hausse des prix sera modérée. Voyez ce qui s'est passé lors de la hausse de la TVA Juppé : deux points de hausse, 0,5 % de hausse des prix seulement. Seuls 40 % de la consommation des ménages sont concernés : les loyers, les produits de première nécessité y échappent. Il n'y aura pas de flambée des prix comme vous le prétendez.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Nous avons parlé de 0,5 % d'augmentation, pas de « flambée ».

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Vos raisonnements sont mensongers : le pouvoir d'achat des Français n'en pâtira pas.

Une hausse d'impôt ? Il n'y aura pas un euro supplémentaire.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Évidemment. C'est une opération compensée.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Ce ne sont pas les mêmes qui paient d'un côté et de l'autre.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Il y aurait, à vous entendre, une voie miraculeuse, hors toute réforme !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Vous, vous êtes une prestidigitatrice !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - La seule voie, c'est de réduire les déficits, sans porter atteinte à une croissance encore fragile. Nous progresserons selon un rythme intangible, pour parvenir à l'équilibre en 2016, et non, comme le dit le candidat socialiste, en 2017, et à condition que la croissance soit là : c'est irresponsable !

En 2012, notre objectif est d'atteindre 4,5 % de déficit. Nous y parviendrons par une bonne gestion. Vous prédisiez que nous ne franchirions pas les 5,7 % : vous avez raison... Nous avons fait mieux. Nous tiendrons nos engagements sans demander d'effort supplémentaire aux Français.

La prudence, ensuite. Vous nous reprochiez nos prévisions de croissance, 1,7 % en 2011 : la réalisation a finalement été exactement conforme à ce que nous avions prévu. Chez nos partenaires, la situation est loin d'être aussi encourageante. Preuve que notre stratégie est la bonne.

M. Ronan Kerdraon.  - À quel prix ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Notre prévision à ce jour de 0,5 % pèsera sur le solde des administrations publiques, à hauteur de 5 milliards, sans qu'il soit toutefois besoin de ce troisième plan de rigueur que vous annonciez à cor et à cri. Vous pourriez le reconnaître, et dire que c'est grâce à Nicolas Sarkozy.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ils ne le peuvent pas, ils sont dans l'antisarkozysme primaire !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Le Gouvernement prévoit un effort supplémentaire de 1,2 milliard d'euros et de 4 millions d'annulations en faveur de l'emploi. Tout cela est absorbé par la réserve de précaution, qui s'évalue encore à 4,4 milliards. À quoi s'ajoutent en recettes la taxe sur les transactions financières -1,1 milliard en année pleine, et le renforcement de notre arsenal de lutte contre la fraude fiscale, pour 300 millions.

Prudence, réalisme, gestion rigoureuse : nous n'avons jamais été aussi crédibles et nous tiendrons nos objectifs. Le Gouvernement continue d'agir pour préparer l'avenir. Ce que l'on ne fera jamais par un grand choc fiscal, mais grâce au transfert de charges au bénéfice de la compétitivité de nos entreprises : nécessité reconnue en juin dernier par l'ensemble des partenaires sociaux -et nombre de socialistes s'y sont ralliés depuis. Préparer l'avenir, c'est préparer ce transfert, en allégeant la charge sur les salaires les plus modestes pour redonner du pouvoir d'achat. La gauche, c'est 9 milliards de charges supplémentaires ; avec nous une baisse de 13,6 milliards. Nos deux visions sont clairement opposées : on l'a vu avec la réforme des retraites, les Français trancheront.

Préparer l'avenir, ce n'est pas s'exonérer des décisions courageuses. Convaincus que le défi de la croissance est à notre mesure, nous faisons, quant à nous, le choix de la réforme, du courage et de la lucidité. (Applaudissements à droite)

M. Ronan Kerdraon.  - Et vous prétendez faire en cinq mois ce que vous n'avez pas fait en cinq ans !

M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.  - Voici un collectif déterminant pour notre pays et pour l'avenir de l'Union européenne, puisqu'il trace ainsi les contours du nouveau Mécanisme européen de stabilité (MES) et institue une taxe sur les transactions financières.

Je regrette que le Parti socialiste rejette ces mesures : il n'assume pas sa responsabilité. C'est montrer que la France ne parle pas d'une seule voix, et fragiliser ainsi sa position sur la scène internationale. Comment comprendre cette abstention ? Elle est illisible et contreproductive, diluant le message de la France alors que nous avions besoin de votre soutien.

Au nom de quoi un parti de gouvernement aussi important que le Parti socialiste peut-il rester silencieux sur le MES ? C'est s'écarter de la solidarité pratique organisée au sein de l'Europe, qui doit permettre à la Grèce de se redresser et rendre espoir à sa population.

Grâce à la baisse ciblée du coût du travail, nous renforçons la compétitivité de nos entreprises, pour lutter aussi contre les délocalisations et préserver notre outil industriel. Votre abstention, là aussi, brouille le message. La Commission européenne, dans ses recommandations de l'été 2011, comme le FMI en septembre, l'OCDE début 2012 préconisent un rééquilibrage dans le financement de la protection sociale. La baisse des cotisations et le transfert vers la CSG y pourvoient.

Pour plus de solidarité européenne, ce collectif prévoit l'ouverture immédiate de deux des cinq tranches dues par la France au MES, pour accentuer la crédibilité du pare-feu. Le mécanisme pourra être opérationnel dès juillet, après ratification du traité, et la France est à l'avant-garde.

Daniel Cohn-Bendit lui-même ne comprend pas votre position sur un traité approuvé par l'ensemble de nos partenaires. Renégocier le TSCG ? Cette hypothèse de M. Hollande est une voie sans issue.

La taxe sur les transactions financières ? Nous nous sommes inspirés des travaux de Mme Bricq, du droit de timbre britannique, de l'impôt de bourse sans ses inconvénients, puisque nous ne fixons pas de plafond et taxons les entreprises cotées en France, pas les titres échangés. Il n'y a aucun risque pour l'emploi : le texte est équilibré. Pourquoi voter contre en expliquant que cette taxe est insuffisante ? Vous aviez soutenu l'initiative franco-allemande à l'échelle européenne. C'est incohérent, dans ce contexte de crise. En tout cas le Gouvernement travaillera jusqu'au dernier jour au service des Français ! (Applaudissements à droite et de M. Philippe Marini, président de la commission des finances)

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Pour le dernier exercice budgétaire de cette mandature, vous vous donnez un satisfecit. On n'est jamais si bien servi que par soi-même.

Alors que le candidat président de la République voudrait que l'on oublie son bilan, vous vous faites une gloire de ces cinq années. Pourtant ! 500 milliards de dettes, 1 million de chômeurs en plus.

Mme Gisèle Printz.  - Pas de quoi se vanter.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Les Français apprécieront.

M. Ronan Kerdraon.  - Triste bilan...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - L'échec de la CMP ne fut pas une surprise. Au texte qui nous revient de l'Assemblée nationale, nous opposerons à nouveau la question préalable.

Notre conviction est renforcée par les propos du ministre devant l'Assemblée nationale. Il n'est pas convenable de faire adopter une réforme qui bouleverse l'architecture de nos prélèvements obligatoires à la veille des élections, alors que l'essentiel des mesures n'entrera en vigueur qu'après les législatives.

La conjoncture ne justifie pas un tel bouleversement. La TVA entraînera indéniablement, sinon une flambée, une augmentation des prix. Les créations d'emplois ? Vous-mêmes avez reculé sur le nombre de 100 000.

La taxe sur les transactions financières (TTF) relève d'une conception minimaliste, qui pourrait mettre en cause le projet ambitieux que prépare la Commission européenne. D'autant que l'Assemblée nationale en a encore réduit l'assiette. Le ralliement tardif de ce Gouvernement à la TVA sociale couronne un quinquennat d'improvisation, qui suscite la plus grande insécurité juridique. L'aggravation, en 2010, d'un déficit déjà abyssal, avec les 35 milliards d'euros du Grand emprunt, préempte l'avenir. Les services publics sont mis en péril par la RGPP, dont on voit les dégâts dans nos territoires : le président candidat a annoncé hier un revirement... pour 2013. À la rentrée 2012 il y aura encore 1 500 fermetures de classes.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Les effectifs diminuent.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Ne pas regarder dans le rétroviseur, madame la ministre ? On peut le comprendre, vu votre bilan. Il est vrai que la mesure-phare que vous préparez est bien le MES. Je regrette votre absence hier, monsieur le ministre, parce que nous en avons longuement débattu. Je pense avoir démontré que vous portez atteinte à la crédibilité de ce mécanisme en posant un principe de conditionnalité. L'inscription de la règle d'or dans la constitution sème le doute chez les investisseurs. Et l'Irlande, qui n'est pas concernée par le MES mais par ce principe de conditionnalité commence à parler d'un référendum. L'adoption du TSCG n'est pas pour demain. L'ajournement de la réunion de l'Eurogroupe fait douter de la crédibilité du pare-feu. Peut-être avons-nous tort d'avoir raison trop tôt... Et la France n'arrive pas en position de force pour négocier, parce que le président de la République et ses ministres sont à bout de souffle.

Pour l'instant, le Parlement s'interroge sur le contenu des textes adoptés, six pack et two pack. Comment va se dérouler la procédure budgétaire ? Inscrire la règle d'or dans notre Constitution ? Ce qu'ont voté les Espagnols, auxquels vous nous opposez souvent, c'est simplement le principe d'une priorité donnée à la réduction des déficits. Tous les États, eux y compris, devront donc y revenir, car ce que prévoit la TSCG est autrement contraignant. Quels mécanismes nous proposerez-vous donc ? On ne le saura pas aujourd'hui. Mais la commission des finances sera saisie, en avril, du programme de stabilité 2012-2015, testament budgétaire du président de la République et de ce Gouvernement, en somme. Il sera intéressant de voir quels engagements seront pris à l'égard de nos partenaires européens et du pays, car ils auront un caractère plus contraignant. Le Gouvernement précisera-t-il sur quel poste il entend faire des économies ? Cela sera d'autant plus intéressant que l'ont sait que l'objectif de plus 0,4 % en volume de dépenses publiques est intenable. Quid des prélèvements obligatoires alors que vous venez de nous expliquer que la hausse de la TVA n'est pas une hausse d'impôts ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - C'est un transfert.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - C'est le lapin dans le sac, pour reprendre une expression chère à M. Marini : je ne savais pas, madame la ministre, que vous étiez douée pour cet exercice ! En attendant, la commission des finances propose d'opposer la question préalable à ce collectif. (Applaudissements à gauche)

M. Ronan Kerdraon.  - Le sac est vide, il n'y a pas de lapin !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales.  - Un point rapide sur la situation financière de notre protection sociale, à laquelle ce collectif n'apporte aucun remède. Depuis 2002, 10 milliards annuels de déficit pour un total cumulé de plus de 130 milliards. Pourtant, nos comptes sociaux enregistraient naguère des excédents : ce n'est donc pas une fatalité. Rien n'a été fait, la Cour des comptes l'a rappelé, pour résorber le déficit structurel de nos comptes sociaux. Et la crise demandera des efforts encore supérieurs pour réduire les déficits. Les allégements de charges sociales ont suscité des déficits sans précédent, et l'on y pourvoit en prélevant sur des organismes comme le FSV, la Cnaf ou le FRR : c'est digne du sapeur Camember, dont on fête aujourd'hui, coïncidence, l'anniversaire. (Sourires à gauche)

Vous reportez les difficultés de dix ans sur les générations futures. Les mesures que prévoit ce collectif ne règlent rien. Ainsi de la TVA sociale, qui ne résout en rien l'explosion du chômage, le sous-financement de notre protection sociale et notre manque de compétitivité. À deux mois d'échéances électorales majeures, vous imposez dans la précipitation des mesures qui n'entreront pour la plupart en vigueur qu'après les législatives. Au-delà de ces questions de forme, le transfert sur la TVA pose un problème de fond : il est injuste et ne servira ni la compétitivité ni l'emploi.

La branche famille a été l'une des victimes de la politique du sapeur Camember par le transfert à la Cades d'une part de sa CSG affectée, pour ne donner qu'un exemple. Le transfert sur la TVA s'inscrit dans la même logique, qui fait des finances sociales une simple variable d'ajustement de la politique budgétaire. Et ce transfert n'est pas neutre : on atteint désormais des taux de transfert qui changent véritablement la logique du financement social puisque impôt et taxes représentent en effet plus de 55 % des ressources.

Certes, nous ne sommes plus en 1945, et le mode de financement de la branche famille pourrait donner lieu à débat, mais encore faudrait-il qu'il ait lieu dans la transparence.

Sous couvert d'améliorer la compétitivité des entreprises, vous procédez à une mutation sournoise. La TVA, que vous ne voulez plus dire sociale, sacrifie notre système de protection au nom d'une pensée unique, fondée sur la seule maîtrise de court terme.

Les charges sociales patronales n'ont cessé de baisser depuis 30 ans.

Les causes réelles de notre différentiel de compétitivité mériteraient donc une véritable analyse. Rien ne justifie de sacrifier morceau par morceau notre protection sociale, qui a contribué à amortir la crise, et de changer la nature de son financement au détour d'un dernier collectif.

Nous voterons à nouveau la question préalable de la commission des finances pour marquer notre opposition à la politique budgétaire et financière menée depuis cinq ans. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Le rapporteur général de la loi de financement de la sécurité sociale estime que l'équilibre financier de la protection sociale est en péril. Mais il ne nous dit pas quelles cotisations il propose d'augmenter, avec quelles conséquences ; il ne nous dit pas quelles dépenses il réduirait, et qui porterait l'effort. (Protestations à gauche)

M. Ronan Kerdraon.  - Il n'a cessé de s'en expliquer !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - La critique est facile. (Exclamations à gauche)

De même, quand Mme Bricq notre rapporteure générale nous parle de l'augmentation de la dette publique, elle oublie -volontairement, car elle connaît la macroéconomie- de mentionner la crise, le Grand emprunt.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - On ne va pas reprendre ce débat...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - C'est vous qui parlez chaque jour des 500 milliards de dette de M. Sarkozy ! Assumez ! D'autant qu'hier, vous proposiez plus d'emprunt au niveau européen.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - L'Union européenne n'est pas endettée !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Vous ne pouvez à la fois critiquer l'emprunt national de 35 milliards et solliciter un emprunt européen qui en dernier ressort sera payé par les États membres.

Il n'y a pas de miracle, et la réalité est têtue. (« Très bien » sur les bancs UMP) Avec ce collectif le Gouvernement a au moins le courage de proposer des solutions nouvelles, de mettre à jour les chiffres.

Il est rare qu'une majorité sortante se livre à un tel exercice de transparence... mais peut-être cela vous gêne-t-il ? (Protestations à gauche)

La droite exprime aussi ce qu'elle fera : non seulement c'est « convenable » pour reprendre votre terme, mais c'est courageux... et indispensable. Éluder le problème en votant une motion...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ce n'est pas bien !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - ...c'est la facilité. Est-ce dans l'intérêt du Sénat ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Non, c'est grave.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - En se marginalisant, le Sénat s'affaiblit.

Le calendrier nous conduit à une décision regrettable. J'espère que les questions préalables demeureront exceptionnelles...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Pensez-vous ! Ils ne font que cela.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - La France a besoin du bicamérisme ; un Sénat politisé, à la remorque de l'opinion publique, devenu un simple clone de l'Assemblée nationale serait-il encore utile ? C'est en tout cas la crainte que j'exprime, en vous appelant à voter contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Ronan Kerdraon.  - Voilà une idée qui a germé en octobre...

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Monsieur Marini, il s'agit d'un collectif budgétaire, non d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Si M. Daudigny n'a pas fait aujourd'hui de propositions, c'est qu'il les avait formulées à l'automne dernier : 4 milliards de plus de recettes, taxation des retraites chapeau et stock-options, suppression de certaines exonérations...

Vous trouvez regrettable l'utilisation d'une motion de procédure : ce n'est ni la première, ni la dernière ! Je suis élue depuis quelques années : lorsque l'ancienne majorité proposait des motions, cela ne vous choquait pas. (Exclamations à droite)

Vous dénoncez un Sénat politisé, à la remorque des débats nationaux : c'est bien ce que vous venez de faire, en invoquant les propos tenus par certains candidats... mais pas par tous ! Nous regrettons, quant à nous, que vous ayez attendu ce collectif pour dire ce que vous alliez faire... et que vous n'aviez pas fait pendant toutes ces années où vous étiez aux manettes. (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-France Beaufils.  - L'Assemblée nationale a repris son texte de première lecture, avec la TVA sociale et un sous-produit de l'ancien impôt de bourse sous un nouveau nom, la TTF. Ces deux mesures-phares opposent les deux assemblées.

À peine votée la loi de finances initiale, un volume important de crédits est annulé. Aveuglement ou méthode Coué, 0,4 % de croissance vous semble une embellie ! Pendant ce temps, l'emploi se dégrade encore : le quinquennat de M. Sarkozy se termine avec 4 250 000 chômeurs. Pourtant, ce n'est pas faute de mesures structurelles : suppression de la taxe professionnelle, réduction du taux de l'impôt sur les sociétés, flexibilité croissante du travail, liquidations, privatisations... Nous en voyons tous les jours les résultats.

L'augmentation de la TVA va peser, comme toutes les mesures du quinquennat, sur les plus modestes, et le gel du barème de l'impôt sur le revenu va toucher de plein fouet 100 000 à 200 000 personnes. Je me réjouis que M. Hollande rejoigne la proposition du candidat Mélenchon sur l'imposition des hauts revenus. Quel est l'impact des annulations de crédit, dans des budgets déjà en recul ? La réserve de précaution, outil d'ajustement désormais, sera bientôt nulle. Le MES, qui n'a rien à voir avec la solidarité, aspire plus de 6 milliards d'euros. Les Français doivent être consultés sur ce traité, quand l'injustice fiscale demeure en Grèce, quand les avoirs grecs sont bloqués dans les banques étrangères. Les solutions prônées par la Commission européenne ne sont pas plus souhaitables que celles vantées naguère par les Goldman Sachs Boys. Nous voterons la question préalable. (Applaudissements à gauche)

M. Yvon Collin.  - Après quatre lois de finances rectificatives en 2011, voici, dès ce mois de février, un premier collectif 2012... La surestimation des hypothèses de croissance était pourtant évidente dès décembre dernier. Espérons que cette fois, à 0,4 %, vous ne vous tromperez pas ! J'observe, hélas, que la Banque de France, elle, prévoit une croissance nulle. Et que la ponction sur la réserve de précaution réduit les marges de manoeuvre pour l'année.

Quant à la TVA sociale, le rapport Besson mettait déjà en avant, il y a quelques années, ses conséquences négatives et ses prévisions de créations d'emplois étaient bien inférieures aux vôtres. Si les entreprises en profitent pour restaurer leurs marges, il y aura à la fois hausse des prix et destruction d'emplois. Ne parlons pas de TVA emploi, ni de TVA compétitivité : les économistes préconisent des baisses de charges beaucoup plus importantes si l'on veut relever la compétitivité. On ne comblera pas notre retard avec une mesure inefficace économiquement et injuste socialement.

La TTF -que j'avais été le premier à proposer, dans une proposition de loi hélas rejetée par la majorité sénatoriale au printemps 2010- est très limitée ; la mesure va dans le bon sens, mais son assiette, déjà étroite, a encore été réduite à l'Assemblée nationale.

Les autres mesures ne sont pas non plus à la hauteur des besoins. À l'évidence, le Parlement est instrumentalisé à des fins électoralistes. La majorité du groupe RDSE votera la question préalable. (Applaudissements à gauche)

M. Dominique de Legge.  - La majorité sénatoriale -qui est aussi l'opposition présidentielle- refuse la TVA antidélocalisation et compétitivité. Pourtant, la hausse ne nous place que dans la moyenne européenne, pas plus haut, et ne touchera pas les biens de première nécessité : pourquoi ces cris d'orfraie ? Pourquoi taire l'effort demandé aux plus aisés, par le prélèvement sur les revenus du patrimoine ?

Vous dites que la mesure n'aura pas les effets attendus sur l'emploi. L'emploi ne se décrète pas, il dépend de la compétitivité et de la structure des charges, qu'il faut rendre concurrentielle. M. Valls, porte-parole du candidat Hollande, disait en septembre : « la solution, c'est la TVA sociale » !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales.  - Nicolas Sarkozy était contre.

M. Dominique de Legge.  - Il a enfoncé le clou en octobre dans Les Echos en écrivant « oui, la TVA sociale est une mesure de gauche ».

Sur la forme, je regrette profondément votre refus, qui m'offusque, de discuter, d'amender, d'améliorer. L'an dernier, lors de la réforme des retraites, vous défendiez amendement après amendement en nous expliquant que le rôle du Parlement était de débattre ; depuis que vous êtes majoritaires au Sénat, on ne compte plus les motions en tout genre pour esquiver les débats. Ce faisant, vous affaiblissez le rôle du Sénat et suscitez des interrogations sur l'intérêt du bicamérisme. Souvenons-nous du sort que vous avez réservé à la proposition de loi Doligé, dans un domaine qui est notre coeur de compétence.

Ce collectif, vous le rejetez en bloc. Pourtant il contient, par exemple, la création d'une banque publique de l'industrie, que votre candidat propose dans son programme.

M. Gilbert Barbier.  - Eh oui...

M. Dominique de Legge.  - TTF, intensification de la lutte contre la fraude fiscale, renforcement de l'apprentissage, MES, toutes ces mesures sont utiles et indispensables : pourquoi les refuser ?

Déjà hier vous avez prouvé votre manque de courage, en vous abstenant sur le MES qu'au Parlement européen vous prônez depuis des années. Quelle tristesse, lorsque l'euro et l'Union sont menacés, de voir un tel manque de courage, justifié par M. Ayrault avec des arguments abscons dignes de Tartuffe : « Notre abstention est dynamique et offensive ; le vote non aurait donné l'impression de ne rien décider ».

Si c'est ainsi que vous comptez gouverner la France, voila qui devrait faire réfléchir les électeurs ! Espérons que dans deux mois, ils appliqueront le concept d'abstention dynamique à votre candidat...

Loin de votre irresponsabilité, le groupe UMP s'opposera à la question préalable. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Joël Labbé.  - Néophyte en politique, le bicamérisme me semble utile pour approfondir les débats. Mais je découvre que c'est un autre rôle que l'on veut donner au Sénat, en lui présentant, dans une frénésie électorale, des textes qui définissent des orientations majeures, à examiner dans l'urgence d'une session finissante.

Il est vrai que ces choix ne datent pas d'hier. En cinq ans, que de cadeaux fiscaux, un milliard d'euros par exemple au titre de l'ISF, pendant que nos concitoyens sont toujours plus nombreux à tomber dans la précarité. Nicolas Sarkozy disait en 2007 : « la croissance en 2007, je n'y suis pour rien ; celle de 2008 et de 2009, ce sera la mienne ». On a vu : 1,9 % en 2007, puis 0,9 % en 2008 et -0,4 % en 2009. Aujourd'hui, il ose se présenter en capitaine maintenant le cap dans la crise, alors que son bilan est catastrophique. Il se présentait comme le président du pouvoir d'achat et de l'emploi, et annonçait qu'en cas d'échec, s'il ne remplissait pas son engagement de réduire à 5 % le taux de chômage, les Français seraient en droit d'en tirer les conséquences !

Mme Marie-France Beaufils.  - Excellent rappel...

M. Joël Labbé.  - Création de Pôle emploi, RGPP, TVA restauration, heures supplémentaires, toutes les mesures de ce Gouvernement ont eu des effets désastreux.

Vous multipliez les effets d'annonce et les mesures de dernière minute, qui ne règleront rien. La hausse de TVA, mesure de justice sociale ? Il ne faut tout de même pas exagérer ! Encore un cadeau aux patrons, mais les entreprises attendent autre chose. La course au dumping social nous fera plus compétitifs ? Par rapport à qui ? Nous allons droit dans le mur. Investissons plutôt dans le bâtiment et les économies d'énergie, les transports en commun ; créons du lien entre l'économique et les territoires.

Votre collectif est dangereux et inefficace ; ce coup de publicité politique n'a pas lieu d'être : le Parlement n'a pas à statuer sur le projet économique bancal du candidat Nicolas Sarkozy. Nous voterons la question préalable. (Applaudissements à gauche)

M. Vincent Delahaye.  - La multiplication des questions préalables est-elle une bonne chose pour le Sénat ?

M. Vincent Delahaye.  - La majorité sénatoriale préfère éluder la discussion pour, une fois de plus, se dédouaner de ses responsabilités. Privés de débat sur plusieurs textes récents, nous nous défaussons sur les députés, ce qui n'est pas acceptable.

Les auteurs de la motion invoquent l'absence d'urgence : mais si, il faut agir ! Pas le bon moment, avant les élections ? La croissance et l'activité n'attendent pas les élections, la machine économique ne s'arrête pas, or elle a besoin d'une révision et le Gouvernement s'y emploie, jusqu'au denier jour : cela s'appelle la continuité de l'État. Il n'y aura pas de vacances du pouvoir, en cette période de crise. Tenons notre rôle institutionnel. Ce n'est plus le cas depuis l'automne et cette attitude mine la crédibilité de notre Haute assemblée.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Nous avons voté un projet de loi de finances et un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui contenaient toutes nos propositions !

M. Vincent Delahaye.  - On qualifiait naguère le Sénat de chambre de réflexion. Aujourd'hui, il serait plus juste de parler de chambre d'expédition !

M. David Assouline.  - Vous voulez parler du nombre de textes que l'on nous demande d'examiner dans l'urgence ?

M. Vincent Delahaye.  - Certes, la TVA antidélocalisation aurait pu être votée plus tôt, certes la TTF n'est pas européenne. Mais ces mesures sont réclamées par les centristes depuis longtemps et je salue le rôle pionnier de M. Arthuis. Le texte crée une banque de l'industrie et renforce aussi l'apprentissage. Le sentier de la croissance s'ouvrira à force de mesures structurelles, non en arrosant d'argent public le sable de nos déficits.

Ce projet acte aussi, malheureusement, une augmentation sensible de notre déficit public. Cette augmentation est liée à la prise en compte de la solidarité vis-à-vis de la zone qui est la conséquence du laxisme budgétaire des pays européens, y compris de la France.

Il faudra bien payer nos dettes,...

Mme Gisèle Printz.  - Qui les a faites ?

M. Vincent Delahaye.  - ...même si certains croient que l'on peut continuer à vivre au-dessus de ses moyens.

M. Vincent Delahaye.  - Dommage que nous n'ayons pas ajusté plus tôt notre prévision de croissance à la baisse. (Exclamations amusées à gauche) Nous ne diminuons pas assez nos dépenses publiques. La crise n'est pas terminée et le présent projet de loi de finances rectificative ne règle pas tout. Mais il contient des mesures, certes tardives et pas assez fortes, mais utiles : le groupe UCR votera dans sa grande majorité contre la motion. (Applaudissements à droite et sur les bancs du groupe UCR)

M. David Assouline.  - Je veux évoquer la culture, parent pauvre budgétaire en période de crise économique alors qu'elle est au coeur de notre pacte républicain, de notre vivre-ensemble ; c'est un vecteur vital pour l'ensemble des Français. À Paris, Rennes, Amiens, Strasbourg, artistes et plasticiens ont manifesté contre les coupes budgétaires : 62 millions d'euros dans l'audiovisuel et la culture, à quoi s'ajoutent 67 millions d'euros de crédits gelés.

En fait, la culture n'a jamais fait partie des priorités du président Sarkozy. Dès août 2007, la lettre de mission qu'il adressait à sa ministre de la culture d'alors donnait le ton de son projet ultralibéral : traiter la culture comme une marchandise ordinaire.

Le nombre de spectateurs deviendrait-il un indicateur de performance ? Mozart a-t-il toujours eu du succès ? Pour faire émerger de futurs Mozart, il faut savoir patienter et continuer à subventionner. Après cinq ans d'exercice, les coupes budgétaires se poursuivent : 34 millions d'euros en moins pour 2012. Le patrimoine fait les frais du désengagement de l'État, qui ne se donne plus les moyens d'entretenir les monuments historiques ; des entreprises aux savoir-faire pointus et précieux mettent la clé sous la porte tous les jours.

L'archéologie préventive a fait l'objet de sept lois durant la période où Nicolas Sarkozy était aux affaires. Une évaluation s'impose. Le Gouvernement en est à redéployer les crédits entre les Drac. L'Île-de-France devra rétrocéder 800 millions sur quatre ans. L'Orchestre de l'Île-de-France verra sa subvention baisser de 700 millions.

Et je ne parle pas de l'audiovisuel public, bouc émissaire de cette mandature. Pourquoi avoir tenu à supprimer les recettes publicitaires ? C'était mettre une charge supplémentaire sur l'État : on voit ce qui arrive quand les finances se portent mal...

Alors que le président de la République avait insisté sur la nécessité d'une TVA à bas taux pour certains biens culturels, voyez ce qu'il en est de la TVA sur le livre.

On coupe, en catimini, dans tous les budgets culturels. Cela aura des conséquences : la culture contribue à tisser le lien social sur le territoire. Les intermittents, les créateurs, n'auront d'autre moyen, au moment des festivals, que de manifester pour se faire entendre.

Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons la question préalable proposée par la commission des finances. (Applaudissements à gauche)

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Je remercie les orateurs et la commission des finances pour son efficacité dans l'examen de ce texte.

Les interventions ont montré la distance qui sépare la majorité de la gauche. Alors que nous engageons des mesures courageuses pour relancer notre compétitivité et le projet européen, vous n'avez toujours pas digéré l?échec des 35 heures, qui ont plombé nos entreprises. (Exclamations à gauche) Et M. Hollande prépare un véritable choc fiscal.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - C'est simple : vous êtes des bons et nous sommes des méchants.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - La politique, ce n'est pas faire halte à la veille de chaque échéance électorale. Nous vous proposons le débat, vous le refusez, abaissant ainsi le Sénat.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Vous êtes en campagne électorale permanente !

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Le bilan du quinquennat ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Vous n'aimez pas qu'on en parle.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Je vous renvoie à l'article du Monde qui dressait la liste des réformes effectuées par ce Gouvernement, et que M. Hollande ne remettrait pas en cause. Il y en a beaucoup, de nos réformes, qui ne font plus discussion. Que serait la France sans le crédit impôt recherche, sans l'autonomie des universités, sans le service minimum dans les transports.

La baisse de leurs charges, c'est le moyen pour les entreprises de conquérir des marchés et de relancer ainsi l'emploi et la croissance. La baisse du coût du travail est supérieure de 2,6 milliards à la hausse de la TVA. Il est donc faux de prétendre que celle-ci aurait un effet sur le pouvoir d'achat. Les prix vont baisser plus que la TVA n'augmentera. De toute manière, 60 % des dépenses des ménages sont concentrés sur des produits pour lesquels la TVA est à taux réduit voire faible.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Et les carburants ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Ce Gouvernement est très attaché à la culture, monsieur Assouline. Son budget est accru de plus d'1 milliard d'euros ! Je n'ai d'ailleurs pas vu beaucoup d'indignés de la culture à Avignon. Ce sont pourtant des gens qui manifestent très volontiers.

M. David Assouline.  - Vous verrez dans les urnes.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Peu de gouvernements, madame Bricq, ont fait l'effort de transparence que nous faisons ces dernières semaines en revoyant à la baisse la prévision de croissance.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - La Constitution vous y obligeait dès lors que vous présentiez un collectif budgétaire. Sinon votre budget n'aurait pas été sincère.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Quand, le 11 septembre 2001, Lionel Jospin déclare qu'on ne change pas un budget dans l'urgence, est-il sincère ? Notre première décision, en 2002, ce fut de voter un financement d'1,2 milliard pour l'APA, que vous aviez créée sans la financer.

Le Gouvernement a accompagné cette nouvelle prévision d'un gel d'1,1 milliard. Mais Il reste, madame Beaufils, 4,4 milliards de fonds de précaution ; il est vrai que c'est nouveau, un gouvernement prudent et avisé.

M. Jean-Marc Todeschini.  - « Avisé » !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Rien de nouveau dans la réserve de précaution.

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Vous oubliez, monsieur Labbé, les économies que nous réalisons sur la dépense. Il suffit d'entendre M. Hollande : vous ne croyez pas à la réduction des déficits, parce que vous ne croyez pas à la baisse des dépenses. Mais ce Gouvernement, lui, a effectivement réduit les dépenses. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Lesquelles ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Il a présenté un budget en réduction par rapport à l'année précédente : c'est une première !

M. David Assouline.  - Et le chômage ? Est-il en réduction ?

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Et le prix du carburant ?

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - La Tipp flottante, belle idée ! Vous privez l'État de recettes, c'est-à-dire que vous faites payer le contribuable pour le consommateur. Ce n'est pas une bonne stratégie. La vôtre est connue : augmenter les impôts ; la nôtre consiste à diminuer les dépenses. (« Très bien ! » et applaudissements à droite)

Je remercie M. Marini pour son intervention, qui a rappelé notre politique en matière de protection sociale. Merci à M. Delahaye : je n'ai pas perdu une miette de ses propos, du miel à mes oreilles. La crédibilité du MES, madame Bricq ? L'équilibre de la construction européenne exigeait d'avancer d'un même pas sur la solidarité et la crédibilité. Le cumul du MES et du FESF, la France y est favorable. Le texte va en ce sens. C'est pourquoi je regrette votre abstention.

Toutes les mesures que nous prenons ici sont nécessaires à la compétitivité, à l'emploi, à la sauvegarde de notre modèle social, aussi. (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1, présentée par Mme Bricq, au nom de la commission.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, de finances rectificative pour 2012 (n° 440, 2011-2012).

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Mes arguments de la semaine dernière valent ici. Aucune des mesures proposées n'est pertinente. La hausse de la TVA n'a rien d'urgent ; vous renvoyez d'ailleurs son application à octobre. Vous vous faites gloire d'avoir ramené à 0,5 % votre hypothèse de croissance, mais François Hollande l'avait dit dès janvier.

M. Jean-Claude Lenoir.  - C'est un oracle !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - La droite pousse des cris d'orfraie quand nous parlons d'une tranche supplémentaire pour les très hauts revenus mais elle ne tient pas la hausse généralisée de la TVA pour une augmentation d'impôt. C'est curieux. Quant aux négociations européennes, avec les élections françaises, elles ne sont pas terminées. Or avec ce versement précipité, vous désarmez la France dans la négociation sur le montant du pare-feu, vous la privez d'un levier essentiel : quel rapport de force pourrons-nous avoir avec l'Allemagne qui, elle, attendra et n'y procédera pas avant avril ?

Je vous donne rendez-vous, madame la ministre, pour l'examen en avril, du programme de stabilité de la France. (Applaudissements à gauche)

Mme Valérie Pécresse, ministre.  - Quelles que soient les échéances électorales et même en cas d'alternance politique, la parole de la France est engagée : nous avons signé un traité qui doit stabiliser et sauver la zone euro. Oui, nous sommes les premiers à mettre en oeuvre nos engagements. Des élections franco-françaises ne sont pas de nature à remettre en cause la parole donnée par la France. (Applaudissements à droite)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je comprends mal la majorité sénatoriale : que ne défend-elle ses arguments contre les mesures ici proposées. L'allégement du coût du travail sur les secteurs les plus exposés à la concurrence va créer des milliers d'emplois. (Exclamations à gauche) Comment peut-on être contre ?

La TTF ? Elle est beaucoup plus ambitieuse que l'ancien impôt de bourse et contribuera au désendettement de la France. Comment être contre ?

Le MES est indispensable à la stabilité.

Je me réjouis de la révision de l'hypothèse de croissance.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.  - Le Gouvernement ne pouvait pas faire autrement.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Et de la poursuite de l'effort du désendettement.

M. Jean-Marc Todeschini.  - On croit rêver !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Eh oui ! Monsieur le questeur !

La question préalable affaiblit gravement notre Haute assemblée. Je le regrette. (Applaudissements à droite)

Mme Marie-France Beaufils.  - Nous voterons cette question préalable. Oui, nous souhaitons une harmonisation européenne, mais par le haut ! Nous ne voulons pas que les salaires français soient alignés sur ceux que l'on veut imposer aux Grecs. Si la compétitivité que vous nous proposez est à ce prix, non merci. Nous n'avons pas la même conception que vous de l'Europe : ce n'est pas le moins-disant qui nous rendra une politique industrielle et de l'emploi. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Pignard.  - Puisque M. Assouline a montré que l'on pouvait faire du hors sujet, je vais m'y mettre aussi. La plupart des États, avec la crise, ont coupé dans leurs dépenses culturelles. Voyez le festival d'Athènes, voyez la Scala de Milan, le Liceu de Barcelone. Or ce n'est pas ce qu'a fait la France. Je le sais, comme président de l'opéra de Lyon. Les monuments historiques ? Mme Férat, avec sa proposition de loi, nous a engagés dans des mesures innovantes. L'archéologie préventive était figée, le président Legendre l'a fait évoluer.

Pour le spectacle vivant, la priorité, c'est la création, pas l'administration. Ce sont les frais de structure, qui plombent la création. (Applaudissements à droite) La culture, monsieur Assouline, comme le coeur, n'est pas le monopole de la gauche. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Nous vous ferions un procès d'intention, madame la ministre ? Mais non, nous observons votre bilan. Il est désastreux, et avec ce que vous nous proposez ici, vous ne changez pas de cap.

Pour les PME, qu'avez-vous fait ? Les avez-vous aidées à résoudre leurs problèmes de liquidité ? Vous avez préféré aider les banques, sans leur imposer de contrepartie.

Votre crédibilité ? N'allez pas faire l'éloge de votre bilan aux portes de Molex ou de Continental, si vous craignez les huées.

Notre analyse n'est pas le produit de l'imagination, elle relève de l'observation de votre bilan. (Applaudissements à gauche)

La motion n°1 tendant à opposer la question préalable est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 332
Majorité absolue des suffrages exprimés 167
Pour l'adoption 175
Contre 157

Le Sénat a adopté.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2012 est rejeté.

Transport aérien de passagers (Nouvelle lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle, en nouvelle lecture, la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports.

Discussion générale

M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports.  - L'échec de la CMP sur la proposition de loi de M. Diard, destinée à améliorer l'information des passagers des transports aériens en cas de grève, nous conduit à réexaminer ce texte. Celui-ci garantit la liberté de circuler des personnes, sans porter atteinte au droit de grève. Les syndicats en ont bien compris l'objectif. Ils ont décidé de ne pas poursuivre un mouvement de grève qui menaçait la sérénité des vacances scolaires. C'est un des premiers bénéfices de ce texte. Un accord sur la stabilité des plannings des pilotes a été signé. Les vols seront désormais normalement assurés par des non-grévistes volontaires.

À l'Assemblée nationale le 22 février, le champ d'application du texte a été mieux circonscrit. Seules sont concernées les entreprises de transport aérien de passagers. L'obligation de déclarer sa renonciation à la grève 24 heures à l'avance est levée si la grève est suspendue : cela répond aux objections de certains d'entre vous en première lecture.

Enfin, le recours à la sanction disciplinaire est adapté en conséquence. L'objectif de ce texte n'est pas d'élargir l'arsenal disciplinaire à la disposition de l'employeur : il s'agit d'une simple faculté, sous le contrôle vigilant du juge, et qui n'est encourue qu'en cas de manquements répétés.

Les tentatives de contournement sont ainsi contenues. Notre objectif est d'intérêt général : la sécurité et la santé publique peuvent être menacées, dans un aéroport paralysé. Et les citoyens ne peuvent être laissés, en cas de grève, dans l'incertitude : il y va de leur liberté de déplacement.

Ce texte vise à prévenir les conflits. En cas d'échec de la négociation préalable, la déclaration obligatoire a pour but d'éviter les désordres liés à une grève. (Applaudissements à droite)

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - Je vous prie d'excuser M. Jeannerot, retenu par ses obligations de président du conseil général.

La majorité sénatoriale ne peut transiger sur les droits sociaux : d'où l'échec de la CMP. Concilier le respect du droit de grève avec celui de liberté de circulation est un exercice délicat, dans lequel cette proposition de loi n'a pas réussi. Deux points sont inacceptables. En premier lieu, la transposition pure et simple de la loi du 21 août 2007 sur le transport ferroviaire, inadaptée au transport aérien. La voix des salariés deviendra inaudible si, à la suite des pressions qui ne manquent pas de s'exercer après leurs déclarations, ils devaient renoncer à leur droit légitime de faire grève.

Je ne m'étendrai pas sur les difficultés que soulève le délai de dédit. En dépit des aménagements de l'Assemblée nationale, les dispositions méconnaissent les conditions des mouvements sociaux dans l'entreprise et la nature du droit de grève, par essence individuel.

Les constats de notre rapporteur, en première lecture, restent valables. Cessons d'opposer salariés et passagers, qui ne sont pas de simples victimes collatérales. La grève ne se décide pas dans la joie. L'accord intervenu à Air France entre les pilotes et la direction montre que la grève n'obère pas le dialogue social : il ôte tout son sens à ce texte. Cependant, la direction refuse toujours de négocier sur la situation de dizaines de milliers d'employés d'assistance en escale, catégorie particulièrement fragile.

L'examen à marche forcée de ce texte, enfin, le rend inacceptable. Il n'y a pas eu de concertation en amont, comme le prévoit le protocole que nous avons adopté. Ce n'est pas un hasard si vous avez cherché, en passant par la voie de l'initiative parlementaire, à éviter les observations du Conseil d'État : c'est que ce texte s'expose à un risque de censure constitutionnelle. D'autant que lui manque toute étude d'impact.

Vous comprendrez que nous vous incitions à voter la question préalable. (Applaudissements à gauche)

M. François Fortassin.  - Je ne m'étendrai pas sur les conditions d'examen de ce texte qui, à la veille d'échéances majeures, n'a fait l'objet d'aucune concertation préalable avec les partenaires sociaux.

Prévenir la grève ? Nous pourrions, sénateurs du RDSE, partager l'objectif. Les passagers supportent mal la paralysie du trafic. Mais la méthode pose problème. Le droit de grève est forcément perturbateur, mais c'est souvent le seul moyen dont disposent les salariés pour amener leur direction à la table de négociations. La disparition relative du dédit va au-delà de l'objectif affiché de prévention des conflits. Je regrette que vous n'ayez su privilégier la voie du dialogue social. Voilà qui n'est pas de nature à apaiser le climat dans l'entreprise.

Et le moment est-il opportun pour légiférer ? Personne n'est dupe d'une proposition de loi dont les arrière-pensées sont patentes. La grande majorité du groupe RDSE approuvera la question préalable.

présidence de M. Thierry Foucaud,vice-président

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Ayant participé à la CMP, je déplore que le rejet en bloc rende le Sénat muet, suscitant des interrogations sur la légitimité de notre Haute assemblée.

La proposition de loi vise une meilleure prévisibilité du transport aérien. Dans les transports terrestres, la loi de 2007 avait suscité bien des levées de bouclier, or elle est maintenant bien acceptée.

Ici, du reste, il n'est question ni de service minimum ni de service garanti, puisque le transport aérien de personnes ne constitue pas une mission de service public. Mais les Français en ont assez d'être pris en otages. Les cohues dans les aéroports sont devenues une image familière. Il y a eu1 131 grèves ces trois dernières années, 175 jours de grève au total, ce matin encore il fallait trois heures pour rallier Orly depuis Nice.

Il est temps de concilier les intérêts des usagers et des salariés. La proposition de loi vise à éviter les grèves, empêcher la paralysie des transports, informer les passagers, qui resteront chez eux. La déclaration 48 heures à l'avance a suscité l'émotion de certains, mais il n'en résultera aucune stigmatisation des grévistes déclarés. Elle permettra d'informer 24 heures à l'avance les passagers des annulations de vols. Les déclarations suivies de changement d'avis seront sanctionnées, oui, car il faut empêcher de telles manoeuvres. Le texte est équilibré et le groupe UMP le votera. (Applaudissements à droite)

M. Joël Labbé.  - Les Français en ont assez d'être pris en otages, dit Mme Bruguière : voilà comment on stigmatise et on divise. (M. Jean-Jacques Mirassou renchérit) La proposition de loi sur le transport aérien nous revient. Sachez, madame Bruguière, que l'UMP n'a pas le monopole de l'empathie pour les voyageurs. Mais les mesures proposées ne sont pas appropriées, elles ne renforcent pas le dialogue social mais donnent tout pouvoir à l'employeur contre les salariés, déclaration de grève, de reprise, rétractation soumise à sanctions. Quelle avancée !

Mais peut-être cette réforme vise-t-elle à réduire à rien la possibilité de grève ? Vous clivez la société française, ici passagers et salariés, en espérant en tirer quelque bénéfice, mais vous refusez de voir les problèmes : vous n'empêchez pas Air Méditerranée de délocaliser en Grèce, vous ne vous souciez pas des emplois précaires, ni des conditions de travail déplorables de tous les salariés.

Le Conseil constitutionnel a plusieurs fois rappelé le caractère constitutionnel du droit de grève. Vous invoquez, pour les contourner, l'ordre public ainsi que la sécurité et la santé publiques. La grève est un droit civique. Les grévistes ne sont pas des terroristes. Votre texte est d'affichage. Personne n'en veut, pas même la direction d'Air France, qui vient de signer un accord avec les pilotes. Les Écologistes voteront la question préalable. (Applaudissements à gauche)

M. Vincent Capo-Canellas.  - Nous en sommes réduits à observer les modifications et les apports de l'Assemblée nationale. Je me réjouis que nos collègues députés aient repris nos amendements et qu'ils aient remédié à un défaut de la loi de 2007 en prévoyant des sanctions en cas de rétractation et en annulant le délai de reprise du travail. La loi de 2007 sera d'ailleurs modifiée en ce sens.

Dommage que le Sénat s'en soit tenu à faire de la figuration.

Ce texte n'ouvre pas la voie à un encadrement total de la grève dans le trafic aérien.

M. Thierry Mariani, ministre.  - Absolument.

M. Vincent Capo-Canellas.  - Il ne crée pas non plus un service minimum et ne supprime pas le droit de grève ; il le respecte, tout en respectant les droits des consommateurs. En 2007, chers collègues de la majorité, vous jugiez l'atteinte intolérable dans les transports terrestres et ferroviaires : or vous ne la remettez pas en cause. La proposition de loi s'inspire d'un dispositif validé par le Conseil constitutionnel et encourage le dialogue social. Qui peut nier l'importance des blocages dans le secteur aérien, qui transporte 150 millions de passagers par an ? En février dernier, un millier de vols ont été annulés et Air France a perdu entre 8 et 10 millions d'euros par jour.

Mme Annie David, rapporteure.  - Qu'elle accepte le dialogue social !

M. Vincent Capo-Canellas.  - L'accord intervenu ne limite pas l'intérêt des mesures. Le vrai sujet, du reste, n'est pas la catégorie des pilotes...

Les milliers de passagers désemparés, dormant par terre dans les aéroports, donnent une image déplorable de notre pays. Les aéroports d'Île-de-France génèrent 13,5 milliards d'euros de recettes. Roissy représente 240 000 emplois et le système aéroportuaire francilien, 340 000. Un peu plus de sécurité sera bienvenue. Les membres de l'UCR refuseront la question préalable. (Applaudissements à droite)

M. Jacky Le Menn.  - Le choix de la forme d'une proposition de loi n'est pas un hasard, mais une manoeuvre stratégique pour éviter la consultation des partenaires sociaux et l'examen par le Conseil d'État. Les organisations consultées ont quinze jours pour faire connaître leurs observations, mais elles n'ont pas été saisies. Précipitation, volatilité, temps médiatique : on somme le Sénat de se prononcer, sans lui laisser le temps de la réflexion et du travail. Cette hyperréactivité exacerbe les tensions. En plein conflit social, quelle erreur -sauf si le but est de satisfaire une certaine frange, la plus conservatrice, de la population.

Pour nous, il faut revaloriser le statut et les conditions de travail des salariés du secteur ; sans compter les 120 000 qui ne disposent que de contrats précaires, auprès de sous-traitants. Que faites-vous ici sinon imposer un préavis de grève qu'aucun impératif de service public ne justifie, puisqu'il s'applique à des entreprises privées ?

Seule l'exigence de continuité territoriale serait susceptible de limiter le droit de grève. Vous invoquez l'ordre public, la santé publique, l'information des passagers -mais cette dernière est à la charge des entreprises, et n'est déjà pas toujours assurée, dans le transport terrestre comme aérien. Or quelles sanctions en cas de carence ? Les passagers n'ont qu'à s'adresser aux tribunaux. Vos mesures visent en réalité à restreindre le droit de grève dans les entreprises privées du secteur, non délégataires d'un service public. La grève n'est pas un plaisir, elle témoigne d'une rupture du dialogue.

La vraie responsabilité du législateur consiste à créer tous les outils de dialogue social afin de rendre la grève inutile.

Les députés ont fini par mesurer l'absurdité de la clause de dédit, qui oblige de fait à attendre vingt-quatre heures avant de reprendre le travail et modifie aussi la loi de 2007.

Mais l'ajout ne résout rien : cela ne dérange pas les députés. « Eh bien, ils feront grève », a dit M. Rochebloine.

Votre texte restera sans effet. Le service minimum que vous voudriez imposer exigerait la réquisition de dizaines de milliers de salariés, et de sanctionner les récalcitrants : bonjour le dialogue social !

Ce texte est apparu à l'ordre du jour, pendant la grève du personnel de sécurité travaillant au sol, en décembre dernier. Mais cette catégorie assure une mission de service public, elle doit déjà respecter un préavis de cinq jours avant toute grève. Elle n'est donc pas concernée par ce texte. Ici, ce sont tous les salariés des entreprises privées qui sont visés. Le texte participe du projet global d'imposer silence aux salariés, à la faveur de la crise. Or le dialogue social est productif et crée un climat favorable dans les entreprises. Le Gouvernement cherche à restreindre le droit constitutionnel de grève. Nous voterons la question préalable. (Applaudissements à gauche)

Mme Isabelle Pasquet.  - Quelques heures de débat ont suffi à porter une atteinte grave au droit constitutionnel de grève. Aucune urgence, sinon dictée par votre volonté de passer en force, au mépris des salariés et des syndicats. Le Gouvernement, fidèle serviteur du Medef, déséquilibre les rapports au sein de l'entreprise. Il profite de la crise pour atomiser les droits des salariés. Le droit de grève n'est pas remis en cause, dites-vous ? Mais la déclaration préalable, les sanctions non précisées en cas de rétractation, le délai de vingt-quatre heures avant la reprise du travail compliquent à l'envi l'exercice de ce droit. Les pressions sont fortes sur les salariés.

L'avis du Conseil constitutionnel sur la loi de 2007 était politique, contraire aux jurisprudences des autres juridictions : arrêt Air France de 2003, arrêt de la cour de Grenoble, etc.

Le transport terrestre est un service public, quand le secteur aérien est ouvert à la concurrence, diversifié, avec des catégories de personnels hétérogènes. Le Conseil supérieur de l'aviation civile n'a pas été saisi de la proposition de loi, je le regrette. Ce texte va augmenter la conflictualité.

L'obligation de négocier, qui vaut dès le préavis, est négligée par les chefs d'entreprise. Pourquoi l'étendre ? La proposition de loi vise à mettre fin aux grèves. Le Gouvernement affirme que la loi de 2007 ne sera pas abrogée.

M. Thierry Mariani, ministre.  - C'est vrai, vous la garderez.

Mme Isabelle Pasquet.  - Moi, non. Ce qui mine les transports, aériens comme terrestres, ce ne sont pas les grèves mais le désengagement de l'État. Nous refusons ce texte rétrograde contraire à nos principes républicains. (Applaudissements à gauche)

M. Thierry Mariani, ministre.  - Ce texte indispensable organise bien un service garanti, non un service minimum. Simple affichage politique ? Je suis attaché comme vous au droit de grève. Le préavis s'applique seulement à ceux dont l'absence bloquerait le trafic aérien.

Le printemps arabe a entraîné une chute considérable du trafic vers la Tunisie et l'Égypte : trois vols contre 50 les années précédentes. C'est cela qui a mis à mal la compagnie Air Méditerranée. Si vous avez une solution pour ressusciter le tourisme vers ces pays, dites-le !

Comme ancien député, je ne comprends pas votre hostilité à l'initiative parlementaire. Cette proposition de loi va être votée et, si un jour vous arrivez aux affaires, vous la conserverez. (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1, présentée par Mme David, au nom de la commission.

En application de l'article 44, alinéa 3, de son Règlement, le Sénat,

Considérant que, au nom du droit à l'information des passagers, la présente proposition de loi a pour conséquence de limiter l'exercice du droit de grève dans les entreprises de transport aérien de passagers ;

Considérant qu'en imposant à un très grand nombre de salariés du secteur du transport aérien de déclarer quarante-huit heures à l'avance leur intention de faire grève, elle n'organise pas une conciliation équilibrée entre ce droit constitutionnellement protégé et des impératifs concurrents à la portée mal définie ;

Considérant que l'obligation pour tout salarié d'informer, vingt-quatre heures à l'avance, son employeur de son souhait de poursuivre ou reprendre le travail sera inopérante dans le secteur aérien, la multiplicité des acteurs concernés ne permettant pas de rétablir le service au niveau initialement prévu ;

Considérant que le texte ne règle en rien les véritables problèmes qui sont sources de tension sur les plates-formes aéroportuaires, et notamment les conditions de travail déplorables de certaines catégories de personnels et le manque de considération dont ils font l'objet ;

Considérant que cette proposition de loi a été examinée dans la précipitation, à moins de trois semaines de la fin de la session parlementaire, afin de paraître répondre à une prétendue urgence médiatique ;

Considérant que l'Assemblée nationale n'a pas fait jouer son protocole de consultation des partenaires sociaux alors que ce texte porte avant tout sur les droits sociaux des salariés ;

Considérant qu'après l'échec de la commission mixte paritaire, l'Assemblée nationale a confirmé, en nouvelle lecture, les orientations du texte d'origine sans tenir compte des observations du Sénat ;

Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 428, 2011-2012).

Mme Annie David, rapporteure.  - Je m'en suis déjà expliquée. La proposition de loi n'est pas plus acceptable qu'il y a quinze jours, elle porte une atteinte disproportionnée à un droit constitutionnel, le droit de grève, au nom de la liberté de circulation, autre droit fondamental. Or, les passagers seront certes informés, mais tout de même cloués au sol...

La proposition de loi n'améliore pas le sort des agents d'assistance en escale, de sécurité, bref tous ceux en situation précaire.

M. Thierry Mariani, ministre.  - Ce n'est pas l'objet du texte.

Mme Annie David, rapporteure.  - Le protocole de consultation des organisations syndicales, dont je rappelle que nous l'avions adopté à l'initiative de M. Gérard Larcher, n'a pas été respecté. Nous ne contestons pas le droit d'initiative parlementaire, mais l'usage détourné des propositions de loi que fait le Gouvernement. Nous avons eu raison d'adopter la question préalable en commission. Faisons de même en séance publique.

M. Thierry Mariani, ministre.  - Avis défavorable.

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Je m'étonne de cet acharnement contre la proposition de loi, qui ne vise nullement à limiter le droit de grève mais prend en compte le droit d'aller et venir des passagers et l'ordre public. Quel manque de considération pour les usagers ! Je rappelle que les partenaires sociaux ont été auditionnés à l'Assemblée nationale, au Sénat aussi affirme Mme David, qui cependant ne nous a pas invités.

Ce refus de dialogue est regrettable, nous voterons contre la motion.

présidence de M. Jean Claude Carle,vice-président

M. Jean-Marie Bockel.  - Impression de déjà vu : une question préalable malgré les améliorations à l'Assemblée nationale, est à nouveau présentée au Sénat. La loi de 2007 fonctionne bien. La proposition de loi améliore l'information des usagers et les procédures qu'elle instaure n'ont rien de choquant. Le dispositif du dédit se justifie par les rétractations systématiques qui ruinent le dispositif existant.

Ce texte équilibré est en réalité rejeté pour des raisons idéologiques. Le groupe UCR votera contre la question préalable.

Mme Isabelle Pasquet.  - Le président d'Air Méditerranée a donné le choix à ses salariés : perdre leur emploi ou partir travailler en Grèce avec une très forte diminution de salaire. Ils ont écrit à Nicolas Sarkozy pour qu'il les aide à combattre cet odieux chantage à l'emploi et cette délocalisation. Et vous voudriez les désarmer totalement !

La continuité du service public, le maintien de l'ordre, la liberté d'aller et venir, que vous invoquez, n'ont rien à faire ici, puisque le secteur aérien n'assume pas une mission de service public.

Le droit de grève n'est pas un privilège, or vous donnez aux patrons de nouvelles armes, par un arsenal législatif encore plus réactionnaire qu'auparavant.

Faut-il rappeler la réquisition des salariés de la raffinerie de Grandpuits, ensuite annulée par le juge, le licenciement d'élus du personnel chez NextiraOne, validé par Xavier Bertrand, contre l'avis de l'inspection du travail ? De telles pratiques, qui sont légion, sont inacceptables. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Notre collègue Bruguière a forcé la note en assimilant une grève des transports aériens à une situation insurrectionnelle mettant en cause l'ordre public !

Selon elle, la gauche adopte une posture idéologique. À trop vouloir prouver, on ne prouve rien. Notre position est conforme à nos principes : à une proposition de loi de circonstances, nous opposons une réponse sérieuse, sous forme d'interrogation : pourquoi les salariés font-ils grève ? Croyez-vous qu'ils le fassent par plaisir ? Il y faut des raisons fortes. Bien sûr, pour la droite, la grève ne doit gêner personne... mais ça n'a jamais marché, aujourd'hui comme en 1936 ! (Rires et applaudissements à gauche)

Nous voterons donc avec détermination la question préalable. (Applaudissements à gauche)

À la demande de la commission, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Majorité absolue des suffrages exprimés 172
Pour l'adoption 175
Contre 168

Le Sénat a adopté.

En conséquence, la proposition de loi est rejetée.

Avis sur une nomination

M. le président.  - En application de la loi organique du 23 juillet 2010 et de la loi du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, et en application du décret du 18 juin 1993, la commission de l'économie, lors de sa réunion du mercredi 29 février 2012, a émis un vote favorable, par 21 voix pour, 0 voix contre et 0 abstention, en faveur de la reconduction de M. François Jacq, en qualité de président-directeur général de l'établissement public Météo France.

Majoration des droits à construire (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la majoration des droits à construire.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie.  - Je confirme que la commission se réunira juste après la suspension, pour l'examen des amendements extérieurs.

Discussion générale

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.  - Ce projet de loi avait à l'origine vocation à augmenter les droits à construire. Nous le voulions emblématique d'un futur nouveau modèle économique pour la production de logements. Notre politique du logement repose sur un niveau très élevé d'intervention publique : 41 milliards d'euros, soit 2 % du PIB en 2010. Cela n'a empêché ni la hausse des prix ni celle des loyers. Les encours de crédits sont passés de 290 milliards en 2000 à 900 milliards en 2010 : une multiplication par trois en dix ans, alors que les constructions de logements n'ont progressé que de 0,3 %.

Ce sont les prix, non le volume, qui expliquent la hausse des encours. Preuve que nous sommes plus dans une économie de rente que de production. Le modèle actuel, basé sur l'investissement public et la solvabilité des acheteurs n'est pas adapté.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie.  - Jusque là, ça va.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - J'ai cru comprendre que l'idée de renforcer massivement l'injection d'argent public était répandue parmi vous. Tant mieux si vous dites le contraire.

Certes, nous construisons beaucoup : 425 000 logements en chantier en 2011 : nous sommes proches du record de 2007. Nous avons, après la crise qui a eu un impact fort en 2009, remonté la pente. Les résultats font de la France le premier producteur de logements européen. Cela reste insuffisant néanmoins sur certains territoires, ce qui provoque la hausse des prix.

Les difficultés résultent de plusieurs contraintes.

En premier lieu, le droit de l'urbanisme. Il faudra travailler, comme nous avons commencé de le faire, sur l'urbanisme de projet, introduit dans la proposition de loi Doligé, qui aurait permis d'entamer la discussion.

Deuxième contrainte : les réticences de certains élus. Je peux les comprendre: produire des logements induit bien des dépenses connexes en matière de services publics : écoles, crèches... Il faudra donc aider les maires bâtisseurs.

Troisième contrainte : la dispersion des compétences en matière d'urbanisme. L'échelle intercommunale me paraît être l'avenir, même si beaucoup de maires restent réticents.

Quatrième contrainte : le contentieux, parfois abusif, voire mafieux, qui retarde bien des projets, et donc les renchérit. Dans le cadre de l'urbanisme de projet, un décret, qui ira devant le Conseil d'État en mars, devrait y remédier.

Cinquième contrainte : un foncier insuffisamment disponible. En Île-de-France, 13 000 hectares de foncier constructible restent non construits ; la ville de Paris hors les bois fait 8 400 hectares, pour donner un point de comparaison.

Bref, il y a largement assez de terrains pour produire des logements, mais ils ne sont pas suffisamment mis sur le marché. Différentes pistes sont envisageables.

D'abord, la fiscalité. Un premier pas a été franchi avec le vote à l'Assemblée nationale d'un durcissement de la taxe foncière sur le non bâti (TFNB) ; il faudra alourdir la taxation des plus-values pour lutter contre la rétention foncière ; (on apprécie au banc des commissions) un député a présenté un amendement à ce sujet...

M. Thierry Repentin, rapporteur de la commission de l'économie.  - Il était bien seul...

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - L'amendement n'a été repoussé par le Gouvernement que pour des raisons techniques.

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Nous y pourvoirons.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Ne vendez pas la peau de l'ours...

Nous devons également travailler à la cession de terrains publics. Fin 2011, un programme ad hoc de 55 000 logements a été réalisé. Pour 2012-2016, un programme de 100 000 logements est prévu, dont la moitié en Île-de-France.

Dernier élément emblématique : mieux utiliser le foncier existant. Les documents d'urbanisme témoignent d'une baisse de densité. Il faut y remédier, afin de moins consommer d'espace agricole. On ne peut regretter la disparition, chaque décennie, de l'équivalent d'un département en terres agricoles et s'opposer à la densité.

Il faut aussi plus de logements sur le foncier, ce qui ne fera pas renchérir les prix : d'où ce projet de loi. Où dix logements pouvaient être construits, on pourra en construire treize. La Fédération HLM et l'ensemble des partenaires ne sauraient que s'en réjouir.

Ce texte respecte le principe de libre administration, en permettant aux collectivités territoriales de s'opposer à la mesure.

M. Claude Bérit-Débat. - Belle avancée démocratique !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - On m'objectera que des dérogations étaient déjà possibles pour densifier. C'est vrai, mais elles étaient inappliquées : 33 collectivités seulement les avaient appliquées ! Nous voulons aller plus loin, en inversant la logique : il faudra une délibération négative plutôt qu'une délibération positive.

Le texte ne changera rien pour le vote. Un terrain inconstructible le demeurera.

Il s'agit, en somme, d'engager une politique du logement soutenable, durable, moins fondée sur l'investissement public et les masses monétaires, pour répondre aux attentes des Français sur les territoires tendus.

M. Claude Bérit-Débat. - S'ils en ont les moyens !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Certes, il y a eu quelques évolutions en commission, mais je ne doute pas que la grande sagesse des sénateurs permettra d'examiner les amendements du Gouvernement pour revenir au texte initial. (Applaudissements à droite)

M. Thierry Repentin, rapporteur de la commission de l'économie.  - Le 30 janvier, le président de la République annonçait des mesures fortes pour répondre à la crise du logement. Ce n'était pas une nouveauté. Bien des textes, les plus récents en 2007, 2009 et 2010, se sont succédé sur ce sujet. Le dépôt de ce texte est donc un constat d'échec. Changera-t-il la donne ? Je ne le crois pas, compte tenu de son impréparation, de son efficacité improbable, des risques de contentieux et des redondances par rapport au droit existant.

D'abord, l'impréparation est manifeste. Aucune consultation digne de ce nom n'a eu lieu. L'annonce du président de la République a surpris tout le monde. Associations d'élus, acteurs de la construction, tous ceux que nous avons entendus ont exprimé leurs réserves. Et que dire de la procédure d'examen accélérée : nous avons dû auditionner avant même le vote de l'Assemblée nationale, donc avant de connaître le texte exact.

Le principe d'application automatique, cependant, a été abandonné. Nous examinons ici une version édulcorée de l'annonce présidentielle.

Deuxième défaut : les redondances -vous les avez reconnues- avec le droit existant. Il existe déjà trois dispositifs qui autorisent une majoration de la constructibilité. Ce texte, en surajoute une quatrième, inutile, qui complique le droit existant alors que vous souhaitez comme nous une simplification du droit.

Troisième défaut : l'efficacité improbable.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Le mot est faible !

M. Thierry Repentin, rapporteur.  - Les estimations de l'étude d'impact reposent sur des hypothèses fantaisistes : un tiers des communes conserverait les 30 %, alors que ce n'a été, jusqu'à présent, le cas que de 0,5 % d'entre elles. On voit mal comment on parviendrait à une telle explosion. Pourquoi les collectivités territoriales changeraient-elles subitement d'avis, sur un dispositif analogue à ceux qui existent déjà ?

La mesure, selon le Gouvernement, doit provoquer une « prise de conscience » et « un changement d'esprit des décideurs locaux ». Croyez-vous donc que les élus ignorent la crise du logement ? Vous supposez qu'un sur deux se saisira de cette faculté nouvelle. D'où vous vient cette idée ? Mais les autres règles d'urbanisme, celles du service public, les dispositions de la loi Montagne et de la loi Littoral continueront de s'appliquer. De même que les conventions de droit privé -ainsi des règles de hauteur dans un lotissement... Sans parler des contraintes techniques, dont les constructeurs ne sauraient s'exonérer.

Les effets pervers à attendre, en revanche, sont nombreux. Les prix du foncier seront tirés vers le haut. Seul effet tangible : un effet d'aubaine pour les propriétaires.

On va, enfin, culpabiliser les communes.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Vous ne le faites pas, peut-être, avec la loi SRU ?

M. Thierry Repentin, rapporteur.  - Voyez les déclarations du président de la République à Longjumeau : l'inversion du sens de la délibération est présentée comme un outil de « responsabilisation » des communes.

Sont-elles donc responsables ? Mais c'est bien parce qu'elles prennent leurs responsabilités en élaborant un PLU qu'elles ne vont pas y déroger, comme si ce qu'elles avaient d'abord décidé n'avait aucun sens !

M. Roland Courteau.  - Belle démonstration !

M. Thierry Repentin, rapporteur.  - Dans sa rédaction initiale, la loi Molle de 2009 prévoyait déjà la même chose. Le Sénat, suivant son rapporteur Dominique Braye, s'y était opposé avec succès, usant des mêmes arguments que les miens... Le groupe socialiste, s'il n'avait pas voté la loi, avait voté un article sur la fiscalité sur le non-bâti issu d'un amendement Braye.

Dernier défaut majeur : l'insécurité juridique. Quel sera le degré de précision de la note d'information ? Si elle n'est pas assez précise, elle pourrait déroger à la charte de l'environnement. Le risque d'inconstitutionnalité est réel.

Autre source d'insécurité : la cohérence des PLU. Dans une commune où, faute de délibération, le dispositif s'appliquerait d'office, il pourrait ruiner les équilibres fondamentaux du PLU. Les élus auront-ils les moyens de mener les études d'impact ? Ce n'est pas sûr.

Pour l'intercommunalité, le texte prévoit -étrange novation- qu'une commune pourra appliquer les 30 %, même si l'EPCI compétent en matière d'urbanisme en a décidé autrement. Quelle contradiction ! Faudra-t-il relancer la procédure d'enquête publique, quand bien même elle aura déjà eu lieu quand le PLU viendra d'être adopté ?

Une autre voie est possible, en assouplissant les conditions de cession des immeubles du domaine public de l'État. Cette mesure, adoptée hier à l'unanimité des suffrages exprimés par la commission, permettra de porter la décote de 25 à 100 %, uniquement sur la partie du programme en logement social, pour éviter tout détournement. La procédure est simple, rapide, elle souligne clairement notre différence de philosophie.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Votre mesure est moins ambitieuse que le programme de M. Hollande.

M. Thierry Repentin, rapporteur.  - Prétextant une réglementation malthusienne, le Gouvernement pousse vers le moins d'État : moins de règles, et miraculeusement, tout ira mieux ! Notre vision est autre : l'État est là pour impulser et donner l'exemple. C'est dans ce cadre que ce débat s'ouvre et j'espère que la Haute assemblée, dans sa sagesse légendaire, mais réelle, adoptera notre texte. (Applaudissements à gauche)

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Comme pour tous les textes touchant au droit de l'urbanisme, la commission des lois s'est saisie pour avis de ce texte.

Si le constat de pénurie est largement partagé, la réponse n'est pas à la hauteur des enjeux. Le scepticisme, voire le rejet, de ceux que nous avons entendus fut général. Et les élus locaux n'ont pas été consultés. Tous soulignent l'improvisation, la déconnection par rapport aux réalités locales. La hausse généralisée des droits à construire ici prévue viendra se superposer aux 20 % de la loi Molle, soit s'ajouter par un article propre au code, sans que les deux majorations puissent se superposer.

Une consultation du public est prévue sur un mois. À l'Assemblée nationale, les députés, conscients du coût de la procédure, ont transformé l'étude d'impact en simple note d'information, et levé une ambiguïté rédactionnelle qui pourrait laisser penser que la délibération devrait être conforme aux résultats de la consultation.

Aujourd'hui, il existe 3,6 millions de personnes non ou mal logées, selon la Fondation Abbé Pierre. Pour faire face à la pénurie, il faudra 400 000  à 500 000 logements par an pendant dix ans.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - C'est pourquoi on en a fait 425 000.

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis.  - Le texte repose sur deux postulats erronés.

Le premier, que les contraintes réglementaires limiteraient la construction potentielle. L'impact sur les prix serait, nous assure-t-on, compensé par l'augmentation du nombre de logements à vendre. Mais rien ne laisse attendre un tel cercle vertueux, le mécanisme n'étant assorti d'aucune condition. M. Repentin l'a montré, plus les constructions sont denses, plus les coûts augmentent, donc les prix.

La construction n'est pas tant limitée par le PLU que par le faible pouvoir d'achat des ménages, alors que l'immobilier flambe dans beaucoup de territoires.

Le problème, c'est le deuxième argument, appelant une solution unique, à imposer aux collectivités territoriales.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Très bien !

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis.  - Un gouvernement attaché à la décentralisation comme le vôtre peut-il s'engager dans cette voie ? Le caractère arbitraire de votre dispositif met en cause le travail de longue haleine des élus qui élaborent leur PLU.

Ce texte, de surcroît, est un vrai nid à contentieux. On a dit ce qu'il en était de la note d'information : même si, ne faisant pas grief, elle ne pourra être attaquée, elle restera un acte non détachable de la délibération, laquelle pourra être attaquée. Sans parler des coûts supplémentaires pour les collectivités territoriales qui devront, pour se prémunir, recourir à des bureaux d'études.

Ce texte, enfin, contredit la volonté de faciliter l'accès au logement pour les plus démunis. Il sera tout à fait possible de cumuler les plafonds, au risque de ne pas prendre en compte la priorité à accorder au logement social.

L'autre contradiction, et de taille, est avec le Grenelle, qui ne fut pas rien en matière d'intercommunalité. Si la compétence d'urbanisme est déléguée, il sera possible, pour la première fois, de la voir démentie par le droit de veto d'une des communes membres. Les grands sages de la commission des lois n'en ont pas cru leurs oreilles ! On peut en venir, avec ce texte, à démanteler les cohérences territoriales. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Absolument ! Ce texte démantèle toutes les logiques.

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis.  - Que n'avons-nous assorti cette majoration de conditions d'intérêt général ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Le logement social est d'intérêt général, cela suffit !

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis.  - Et pris en compte les conséquences sur le financement des équipements ? (M. Jean-Pierre Sueur renchérit) Sans parler du renchérissement du foncier. Je le vois dans la communauté urbaine de Lille. Les propriétaires monteront leurs prix de 30 %, sans qu'aucune condition d'intérêt général soit mise à la majoration des droits. (Applaudissements à gauche)

Je vois dans ce texte un véritable cheval de Troie, qui s'attaque aux fondements mêmes de la décentralisation. (Applaudissements à gauche)

La séance est suspendue à 19 h 35.

*

*          *

présidence de M. Charles Guené,vice-président

La séance reprend à 21 h 35.

M. Jacques Mézard.  - Ce projet de loi ne constitue pas une déclaration recevable d'achèvement de la législature. Question sensible pour les communes et intercommunalités, qui n'a fait l'objet d'aucune concertation avec les associations.

Ce texte qui est la dernière cerise sur le gâteau des initiatives préélectorales apporte une mauvaise réponse à un vrai problème. Cinq ans pour arriver à cela ! Il est plus facile de déposer un texte comportant une majoration que de faire appliquer la loi SRU... Plus de 600 000 personnes sans logement, plus de 3,5 millions de ménages en situation de précarité énergétique, mal logés, y compris propriétaires... Le problème se pose partout, même dans les zones détendues. Les prix du mètre carré et les loyers ont flambé, le taux d'effort des ménages pour le logement frôle les 50 % de leur revenu. Les niches fiscales ont alimenté la demande immobilière.

Le problème exige mieux que ce projet de loi qui signe l'échec de votre politique.

Dans son rapport de février 2012, la Cour des comptes souligne la réduction de l'effort budgétaire...

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie.  - Bel euphémisme !

M. Jacques Mézard.  - ...et fustige le recentrage d'une politique de logement social, selon une cartographie conçue plus pour les aides à l'investissement locatif privé.

La concentration des aides dans les zones tendues s'appuie sur des outils inadaptés, contre-productifs ; les résultats sont modestes.

Or au lieu d'en tirer des enseignements, vous rebondissez avec une majoration qui ne fera pas oublier la ponction opérée par ce Gouvernement sur les organismes de logement social, empêchés ainsi de construire. Dans mon département il en va de deux millions.

Ce projet de loi témoigne d'un mépris des collectivités territoriales qui, par les POS, les PLU, les PLH et les Scot, définissent leur orientations en matière de logement. Vous passez outre, vous oubliez qu'il existe déjà des dispositifs de majorations des droits et vous imposez aux collectivités territoriales une usine à gaz, une note d'information à produire dans les six mois. C'est la simplification par la complexification, l'ouverture à un contentieux multiple. Le foncier se renchérira. Seule la fiscalité foncière peut accélérer la mise sur le marché...

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Tout à fait d'accord.

M. Jacques Mézard.  - ...voire l'expropriation, qui devrait être simplifiée. Un permis de construire est délivré sans préjudice du droit des tiers : cette augmentation aveugle de 30 % entrera en contradiction avec les règlements de copropriété, les contrats de lotissement, le régime des servitudes. Dans les ZPPAU, il faudrait modifier la réglementation.

Le paragraphe 3 autorise les communes à aller en sens inverse des orientations de l'EPCI auquel elles appartiennent. Il en résultera des conflits : encore une illustration de votre politique de la rupture ? Avez-vous songé aux transports, aux services publics, aux services d'assainissement ?

Nous souhaitons accentuer les pénalités à l'égard des communes qui renâclent à construire...

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Très bien !

M. Jacques Mézard.  - La population augmente, nous avons besoin de mesures fortes, de prospective. Et la proposition de M. Repentin ? Très majoritairement, le RDSE rejettera votre texte et votera celui de la commission.

Mme Élisabeth Lamure.  - La politique de ce Gouvernement a produit plus de logements locatifs privés, plus de logements sociaux, plus d'accessions à la propriété. Le plan de relance a soutenu le secteur du logement et plusieurs textes ont traduit la forte volonté du président de la République de relancer la construction de logements. Il faut jouer sur l'offre, construire plus pour habiter mieux.

La mesure ne s'appliquera pas dans les zones agricoles, les zones historiques, etc. Elle donne la possibilité aux propriétaires d'agrandir et de réhabiliter leur bien, pour répondre aux besoins de familles recomposées, pour accueillir dans de petits logements de jeunes ménages ou des personnes âgées. Elle diversifiera l'offre.

L'État s'est engagé à libérer un volume important de terrains dans les quatre années à venir, dont la moitié en Île-de-France. Il s'agit de densifier l'urbain et autoriser les économies d'échelle, limiter les transports et mieux utiliser les services publics existants. Des bureaux pourront être transformés en habitations.

Le bâtiment représente 2,4 millions d'emplois sur toute la chaîne, dont la moitié dans le BTP. Les architectes profiteront au premier rang de la mesure.

Sur les recours abusifs, j'ai signé un amendement avec M. Dubois, car toute opération donne lieu à des recours infondés, ce qui retarde de plusieurs mois les travaux. Quelles possibilités pour apporter un début de solution ? Vous avez évoqué un décret... Le groupe UMP aurait voté le projet de loi, mais notre rapporteur lui a trouvé tous les défauts et l'a remplacé par un autre dispositif, cessions d'immeubles par l'État avec une décote jusqu'à 100 %.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Rien que ça !

Mme Élisabeth Lamure.  - L'État a déjà la possibilité de céder ses terrains avec une décote allant jusqu'à 35 % en zone tendue. Ce hold-up du texte, pour proposer une si fade mesure, ne nous convient pas et nous voterons donc contre le texte de la commission. (Applaudissements à droite)

M. Joël Labbé.  - J'ai été stupéfait de l'annonce du président de la République, censée donner du travail au bâtiment, augmenter le nombre de logements et réduire les prix de l'immobilier et des loyers. Monsieur le ministre, vous avez dû vous accrocher aux branches pour rattraper cela. Vous avez participé aux travaux du Grenelle, hélas pas assez appliqués ; une future réforme de l'urbanisme et du logement y pourvoira.

Le président de la République croit-il d'un coup de baguette magique résoudre les problèmes, dans un secteur, le logement social, à l'équilibre fragile ? La mesure gouvernementale brutalise les élus locaux, les collectivités territoriales. Elle est inutile, de faible impact : le coefficient d'occupation des sols, en moyenne, en zone pavillonnaire, est de 0,3.

M. Philippe Dallier.  - Cela dépend où.

M. Joël Labbé.  - Une augmentation de 30 % n'y changera guère.

Elle est pernicieuse, par son caractère systématique. Elle fera le bonheur des promoteurs qui n'ont pas encore déposé de permis de construire mais déjà acheté les terrains. La spéculation foncière va s'emballer. Vous l'avez reconnu, monsieur le ministre, en estimant qu'une hausse ne serait pas grave compte tenu du nombre de mètres carrés supplémentaires.

Votre mesure néglige la qualité du paysage urbain. Oui, la densification est une réponse à l'étalement urbain qui mange les espaces agricoles ; mais certains secteurs souffrent déjà de surdensité et les projets doivent être concentrés. Tel est l'objet des documents d'urbanisme.

Pas d'impact sur les finances publiques ? J'en doute. Les petites communes auront du mal à traiter les dossiers, il faudra encore revoir les PLU, les documents deviendront toujours plus techniques.

Aujourd'hui, 3,6 millions de personnes dont 600 000 enfants souffrent du mal-logement.

L'enjeu majeur est là : il manque 900 000 logements et votre texte en trompe-l'oeil n'y changera rien.

En Suède, aux Pays-Bas, les pouvoirs publics achètent les terrains, les viabilisent, puis revendent une fois l'opération d'aménagement engagée.

Quand un PLU classe une zone comme constructible, les propriétaires de terrains sont heureux, mais obligés à rien. MM. Braye et Repentin dénonçaient déjà les incitations fiscales à la rétention foncière. L'alourdissement de la TFNB voté à l'Assemblée nationale ne suffit pas. À Amsterdam, à Stockholm, l'essentiel du foncier appartient à l'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - En Grande-Bretagne aussi.

M. Joël Labbé. - Les Écologistes veulent que la collectivité publique conserve la propriété des biens, et propose des baux de longue durée pour les logements sociaux et les coopératives d'habitants.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - D'accord.

M. Joël Labbé.  - Ce serait une réponse à ceux qui vivent en logement alternatif, hors de toute législation. Une partie de la population jeune est en demande.

Les établissements publics fonciers peuvent jouer un rôle aussi pour favoriser l'aménagement public. Densification pensée, mixité pensée, mieux vaut s'en remettre à la puissance publique et aux collectivités qu'au marché.

Aide aux maires bâtisseurs, oui, mais là où il y a des besoins ! Le président de la République accuse les collectivités territoriales d'être trop dépensières mais il va bien falloir les aider.

Le Grenelle, quand il sera appliqué, sera une mesure intéressante. Une future politique du logement devra mettre en avant l'intérêt public, au lieu des intérêts privés. (Applaudissements à gauche)

M. Charles Revet.  - Vous n'y êtes pas encore.

M. Daniel Dubois.  - L'article unique désormais proposé est entaché d'irrégularités sur le fond et la forme. Je n'en parlerai pas... La mesure proposée par le Gouvernement, cependant, est simple, sinon simpliste, je poserai des questions simples : la construction en 2012 ne va-t-elle pas baisser, monsieur le ministre ? Faut-il construire plus de logements ? Oui, car seule la politique de l'offre comblera le déficit de logements et calmera la hausse des prix. Y a-t-il des zones en tension ? Oui.

Tous les quatre ans, on consomme l'équivalent d'un département en terrains agricoles pour étendre les zones urbaines. Ce sont les Safer qui le disent. Il faut donc faire plus dense et plus haut -légèrement du moins.

Votre texte, monsieur le ministre, pose tout de même des difficultés. Une seule mesure ne suffira pas. Mettons en place un bonus pour ceux qui construisent plus, qui trouvent des solutions intelligentes. Il faut libérer plus de foncier : le groupe de travail de l'urbanisme concluait qu'il fallait inverser la règle des plus-values et les alourdir avec la durée de détention en inversant la logique actuelle.

Évitons l'urbanisme procédurier : certains documents d'urbanisme sont si contraignants que tous les projets sont bloqués.

Quant aux recours abusifs, ils sont inacceptables et les réduire améliorerait déjà le taux de sortie des opérations et leur coût. Il semble que 15 % des projets soient définitivement abandonnés. Les agences d'architectes doivent fermer, submergées par les procédures. Les initiateurs de projets en viennent à intégrer le coût des procès dans leur business plan !

Avec le groupe UCR, j'ai déposé trois amendements dont un cosigné par Mme Lamure pour encadrer le droit à agir et prévoir un durcissement des sanctions en cas de recours condamnés comme abusifs. Le seul vote de ces dispositions dissuasives diminuerait le nombre des recours et détendrait le climat des affaires. (Applaudissements sur les bancs UCR)

M. Gérard Le Cam.  - Monsieur le ministre, vous voulez prouver qu'on peut impulser une politique du logement sans financements publics. Il y a un mois, l'annonce du président de la République a provoqué un processus législatif mené à la hussarde. C'est une grave dérive de nos institutions : le fait du prince l'emporte.

La situation du logement en France est dramatique, comme le signale la fondation Abbé Pierre. Depuis 2002, la réduction des crédits a touché les aides à la pierre ; les incitations et niches fiscales poussent les prix à la hausse, ceux des loyers inclus. Vous prôniez, il y a quelques années, une France des propriétaires, Nicolas Sarkozy vantait le modèle des prêts hypothécaires. Vous avez asphyxié l'Anru, dépouillé les offices HLM. L'accès au logement n'est pas un droit effectif mais un parcours du combattant. En dix ans, les prix des logements dans l'ancien ont augmenté de 107 % ; le prix des terrains a progressé de 31 % entre 2006 et 2010. Les expulsions se multiplient. Les mal-logés sont toujours plus nombreux ; mais vous êtes toujours aussi content de vous...

Après la maison à 15 euros par jour, voici la majoration de 30 % des droits à construire. Votre mesure est inapplicable dans les logements collectifs, elle crée un effet d'aubaine dans le logement individuel, mais sans augmenter le nombre de logements.

Qui est engagé dans une politique d'occupation des sols sait que le travail est fin, minutieux. Vous ne faites que compliquer la tâche des maires bâtisseurs.

Le privé ? Vous dites que les promoteurs amortiront le renchérissement des terrains par les prix de sortie. Il n'est est rien. Le prix de la construction augmentera. Les seuls gagnants seront les spéculateurs, les promoteurs, les banques.

Bien des communes n'ont pas de COS. Mais en tout état de cause, la qualité du vivre-ensemble ne dépend pas d'un coefficient. Des possibilités existent déjà pour plus de constructibilité. Si les communes ne s'en sont que peu saisies, c'est qu'il y a des raisons.

Rien n'est dit du financement. Les collectivités territoriales devront y pourvoir. En renversant la logique, vous entamez le principe de libre administration des collectivités territoriales.

Nous plaidons pour une aide à la pierre à taux bas, des outils administratifs pour relancer la construction. Il faut repenser le rôle des établissements fonciers, dans le sens d'un renforcement de la maîtrise publique, pour une utilisation des sols socialement utile.

La réécriture de l'article unique de ce projet est pertinente : il faut sortir le logement de la sphère marchande, comme nous l'avions naguère proposé.

Les sénateurs CRC préconisent une autre politique : renforcement de la loi SRU, abrogation de la loi Boutin, recentrage des politiques sur l'aide à la pierre, encadrement des loyers selon la tension territoriale, pour que la charge n'excède pas 20 % du revenu des familles, coup d'arrêt à la pratique barbare des expulsions. Bref, nous sommes aux antipodes de votre politique de marchandisation ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Filleul.  - Ce texte n'est que d'affichage. Le président de la République laisse croire qu'il s'intéresse au quotidien des Français. Cela rappelle d'autres effets d'annonce, comme la maison Boutin à 15 euros par jour ou la maison Borloo à 100 000 euros. Encore une nouvelle mesure hasardeuse d'un président de la République qui ne connaît pas la vie ! Tous les acteurs de la construction sont dubitatifs. Les maires, les équipes municipales qui travaillent à élaborer le PLU estiment que l'on se moque d'eux. Une fois le PLU adopté, il faudrait changer les gabarits, la hauteur, l'emprise au sol des immeubles ? C'est absurde ! Et quid de l'environnement, des déplacements, des réseaux ? Le comptez-vous pour rien ? Quel maire, après un simulacre de concertation acceptera d'annoncer qu'il change ainsi de braquet ?

L'absence de concertation inquiète les organisations professionnelles, qui se sentent exclues. Agrandir un logement familial ne fait pas un logement en plus ! Mais les propriétaires fonciers peuvent se réjouir : 30 % de hausse assurée sur le prix de leur terrain.

Le coût de l'opération, dites-vous, n'augmentera pas. Mais le prix de la maison individuelle a augmenté de 52 % entre 2000 et 2010. Comment l'expliquer ?

Pourquoi n'avoir pas fait appliquer la loi SRU, à laquelle bien des communes restent récalcitrantes et qui pourtant, a fait la preuve de son efficacité ? Elle permet de construire plus là où les besoins sont les plus vifs.

Vous dites être favorable à un nouveau modèle économique. Vous y êtes presque. L'État ne participe plus que pour 4 % à la construction d'un logement HLM. Le logement social est en cause. Un exemple de plus de votre double langage ! Mais les élus, monsieur le ministre, veulent construire. Pourquoi leur refuser quelques parcelles de plus à urbaniser ? Là serait une part de la solution.

Nous plaidons pour plus de logements à prix abordables, ce qui découragerait la spéculation foncière. La crise du logement touche 8 millions de personnes, dont 3,6 millions de mal-logés, 1,2 million en attente d'un logement décent. La Fondation Abbé Pierre estime la situation dramatique, y compris pour les classes moyennes, pas seulement dans les zones tendues.

Le président sortant n'avait-il pas promis que personne ne coucherait plus à la belle étoile ? En sortant d'ici, je vois des hommes qui dorment à même le trottoir. Votre politique, monsieur le ministre, est terriblement inhumaine. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Dallier.  - Nous savons le sort funeste que la majorité sénatoriale réserve à votre texte.

Depuis quelques années, nous n'avons jamais tant construit, et pourtant nos concitoyens ont toujours énormément de mal à se loger. Si l'on compare les mandatures, on constate que l'on n'a jamais autant construit que dans la dernière. Qualifier la politique du Gouvernement d'inhumaine est bien excessif ; entre 1997 et 2001, 1,6 million de logements construits, dont 285 000 sociaux ; entre 2002 et 2011, 1,9 million, dont 620 000 sociaux. Cependant, cet effort n'a pas suffi. Restent ceux qui ne peuvent accéder à la propriété, ceux, surtout, qui ne peuvent accéder à un logement décent. Il faut analyser les causes, sans tabou. Selon nos collègues de gauche, elles tiennent à la loi du marché et certains estiment qu'il faut encadrer les loyers. C'est faire peu de cas des petits propriétaires, dont c'est souvent le complément de retraite. Ni l'une ni l'autre de ces options ne me convainc : ni la loi du marché sans régulation, ni l'encadrement radical.

Il y a un problème du foncier : il faut inciter les propriétaires à vendre, à commencer par l'État, le premier d'entre eux. Mais une décote de 25 % est déjà un effort ; aller jusqu'à donner les terrains, monsieur Repentin, me semble excessif.

Nous avons également, et de cela on parle peu, un problème de gouvernance de la politique du logement en Île-de-France. Faute d'avoir réglé cette question, nous avons, dans le texte sur le Grand Paris, confié au préfet de région le soin de territorialiser les objectifs de construction de logements.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Hélas !

M. Philippe Dallier.  - Je prends le pari que cela ne sera guère plus efficace que les objectifs fixés par la région Île-de-France dans son schéma directeur. Des chiffres sur du papier...

Comme sur la question des transports, ce n'est pas avec un comité Théodule de plus que l'on résoudra les problèmes. Nous sommes ici pour porter l'intérêt général : il faudra le faire comprendre aux présidents de région. Je regrette que mon rapport sur le Grand Paris soit resté lettre morte.

Il est bon de construire, encore faut-il que les équipements publics suivent. Pavillons-sous-Bois sera mon exemple : pour financer les équipements qui auraient dû accompagner l'accroissement de la population, nous n'avons presque aucune rallonge de DGF. Il a fallu surseoir à bien des projets de construction.

Oui, l'offre est insuffisante, si bien que les prix flambent. Mais nos politiques publiques n'y sont pas pour rien : visant à renforcer la solvabilité des acquéreurs, elles ont poussé à la hausse. Le marché a digéré tous les avantages, pour les transformer en hausse des prix et des loyers. Mieux vaut utiliser les règles du marché pour le réguler : conditionner les aides publiques à un barème qui les supprime au-delà d'un montant de loyer ou de prix de vente. Les aides personnelles au logement sont versées même si les loyers sont exorbitants. Je connais un appartement de 38 mètres carrés, dans un état piteux, loué près de 750 euros par mois à Pavillons-sous-Bois, soit près de 20 euros du mètre carré : le propriétaire sait que la collectivité territoriale payera 500 euros d'aide au logement ! Il faut mettre un terme à ces rentes de situation et aux abus : pas besoin d'encadrer les loyers, mesure qui ne va pas sans effets pervers.

Vous le voyez, entre la fixation ou l'encadrement strict des prix et la loi du marché, il y a certainement une troisième voie que nous n'avons pas encore véritablement explorée.

J'en viens au texte proposé par le Gouvernement. Je soutiendrai le Gouvernement dans sa volonté de rétablir son projet initial... même si je ne crois guère que beaucoup d'élus se saisiront du dispositif.

Je suis un maire bâtisseur, mais votre mesure pourrait me poser des problèmes.

M. Thierry Repentin, rapporteur.  - Alors ne la soutenez pas !

M. Philippe Dallier.  - Les Pavillons-sous-Bois a besoin de votre aide monsieur le ministre : je veux construire plus, la population le veut. Ce sont les équipements publics qui nous manquent, pas la volonté. Mais depuis cette année, ma commune est contributrice au Fpic !

Je sais que la densification doit être maniée avec prudence ; en Seine-Saint-Denis, elle évoque plus les barres des années 60-70, que le Paris d'Haussmann, pourtant bien plus dense...

Et que dire de l'effet d'aubaine et l'enrichissement sans cause des propriétaires de terrain ? Pourquoi n'avoir pas prévu de taxer la plus-value sur le foncier, pour l'affecter à la collectivité bâtisseuse ? (Applaudissements à gauche et au centre)

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Tout était bon, à part sur les loyers.

M. Pierre Jarlier.  - Le projet de loi, présenté en urgence, a suscité l'ire des élus, qui voient leurs compétences mises en cause et craignent une flambée des prix.

Après passage devant l'Assemblée nationale, le texte nous revient transformé. Mais c'est une promesse électorale qui se substitue à une autre.

Cela dit, la France compte 3,5 millions de demandeurs de logement. Et l'Auvergne, monsieur le ministre, n'est pas en reste.

M. Jacques Mézard.  - Et notre organisme HLM a été ponctionné de 2 millions d'euros...

M. Pierre Jarlier.  - Oui à l'augmentation des droits à construire sur des bases juridiques solides, dans la concertation avec les élus et la population, et dans le respect des compétences des collectivités territoriales. Hélas, tel n'est pas le cas ici. On est loin de l'urbanisme de projet que vous appelez de vos voeux. La note d'information ? On voit le risque de pression des particuliers sur le projet urbain défini dans le PLU. Quid des communes qui voteront contre parce que radicalement opposées à la construction de logements sociaux sur leur territoire ? La mesure sera inefficace, sauf à revenir au projet initial. Elle pourrait concerner toutes les communes situées en secteur tendu. Le principe de spécialité, enfin, de l'EPCI à compétence d'urbanisme ne saurait s'accommoder d'un droit de veto des communes membres. Il faudra y revenir.

Je forme le voeu que le logement soit priorité de la prochaine législature, quel que soit le résultat de l'élection à venir. (Applaudissements à gauche et au centre)

M. Claude Dilain.  - Nous sommes au moins d'accord sur un constat : le manque cruel de logements sur certains points du territoire.

Mais je m'inquiète du respect du principe de libre administration des collectivités territoriales. Vous leur accordez le pouvoir de dire non ? Dont acte. Mais la liberté des administrés se réduit-elle à un simple droit de veto ? Mine de rien, c'est revenir à une logique de centralisation contraire à notre histoire.

Je pourrais comprendre que l'État imposât des mesures pour défendre l'intérêt supérieur du pays... mais pas en permettant de s'en exonérer par une simple « note d'information ».

Deuxième inquiétude : la densification. Il ne suffit pas d'augmenter le nombre de logements : il faut que les équipements publics suivent. Les villes riches pourront, les autres non ! Ne répétons pas les erreurs des années 60, quand on affirmait que l'intendance suivrait, alors qu'elle n'a jamais suivi !

Troisième inquiétude : rien n'est fait pour orienter le type de construction. Où l'on a construit beaucoup de logements privés, on poursuivra ; de même pour les logements conventionnés. Je n'oppose pas l'un à l'autre, comme ceux qui stigmatisent le logement social. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit)

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Il y a aussi ceux qui stigmatisent le logement privé.

M. Claude Dilain.  - Je suis soucieux d'accorder à la fois l'offre et la demande de logement social et assurer la cohésion de la société. Il faut agir : à Clichy-sous-Bois, la file active des demandeurs représente vingt et un ans de construction... Les bénéfices de ce texte sont réels, mais faibles, et ses risques énormes : je ne le voterai pas. (Applaudissements à gauche et au banc des commissions)

M. Claude Bérit-Débat.  - Six millions de personnes non logées ou mal logées, 10 millions en situation de fragilité, en raison du manque chronique de logements. Nous avons une obligation de résultats. Il n'est pas de recette miracle ; il y faut une politique publique cohérente, laquelle ne s'élabore pas en deux jours. Votre projet est l'exemple même de la fausse bonne idée. Il clôt la série de cinq années d'échec en la matière, à quelques semaines de l'élection présidentielle, méconnaissant les règles de l'urbanisme et le travail des élus. Il ne s'agit de rien d'autre que de claironner l'annonce de campagne d'un président sortant.

Ce texte n'est qu'une accumulation de vices de construction qui le rendent inopérant. Des outils existent déjà. À quoi bon ajouter celui-ci, qui vient, de plus, concurrencer les incitations aux constructions vertes ? Vous compliquez la tâche des collectivités, qui ont fait beaucoup d'efforts pour mettre en place des PLU cohérents, dans une logique d'aménagement durable. Ni les communes, ni les intercommunalités ne pourront débattre sereinement. Vous ouvrez une brèche dans la politique des EPCI dotés de la compétence d'urbanisme.

Bref, ce texte est un contresens. Il suscitera peut-être un peu plus de logements, mais sans baisser significativement les prix.

À l'inverse, M. Repentin propose une mesure d'incitation à la mise à disposition du foncier public. Déjà, les collectivités doivent mettre à disposition des terrains et prendre en charge une partie des coûts. Ce qu'elles font, l'État peut le faire. Cette solution demandera à être accompagnée d'autres mesures, mais elle est de bon sens : je la voterai. (Applaudissements à gauche)

M. Martial Bourquin.  - Mon conseil municipal et moi-même menons une politique très incisive de densification urbaine et de construction de logements sociaux. Votre recette imparable résoudrait, d'un coup de baguette magique, tous les problèmes : elle boosterait l'industrie du bâtiment, augmenterait le nombre de logements et tendrait à réduire les prix. Quel dommage de ne pas y avoir pensé avant... Malheureusement, en matière d'urbanisme comme de construction, la vitesse et la précipitation sont de très mauvaises conseillères.

Votre projet de loi, inopérant, dangereux et injuste, comporte des vices cachés, mais sans garantie décennale !

Il est inopérant, parce que la construction de logements nouveaux n'est pas possible dans de nombreuses zones en tension. Recensons déjà les terrains exploitables sans aggraver les tensions : ce serait un début !

Il est dangereux, parce que sans mesure volontaire pour maîtriser les coûts d'acquisition du terrain et créer un choc d'offre, vous ouvrez les vannes de la spéculation.

Est-il normal que RFF me propose des terrains en friche à dix fois l'estimation des Domaines ? Une partie de logements démolis par l'Anru pourrait être reconstruite là. La proposition du rapporteur est bonne.

Enfin, votre projet est injuste : qui peut croire que les 40 000 logements par an que vous attendez seront destinés à accroître le parc social ?

Vous tournez le dos à l'urbanisme de projet, qui se concrétise dans les PLU, les PLH, les Scot, outils précieux pour densifier raisonnablement et dans la concertation. Le président Lussault explique que la densification exige de repenser les formes architecturales, comme celles de l'urbanisme. Empiler 30 % de plus sur les maisons sans réfléchir à l'équilibre urbain serait une catastrophe. La ville est un ensemble complexe, on ne saurait considérer le logement sans tenir compte du reste et en particulier le bien-être des habitants. La démarche qualitative -énergie, architecture- est essentielle. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier A

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - L'utilisation du foncier public pour construire des logements existe déjà : vous inventez l'eau tiède ! Faire une décote aux bailleurs sociaux, c'est bien, mais jusqu'à 100 %, c'est trop. La décote existe déjà, jusqu'à 35 %. Votre proposition réduit les recettes de l'État : les cessions rapportent la bagatelle de 1,15 milliard d'euros par an.

Un discours tenu près de Paris il y a quelques semaines mentionnait une cession gratuite pour tous. Je constate qu'entre Le Bourget et le Luxembourg les discours évoluent.

M. Thierry Repentin, rapporteur.  - Hier, la commission a voté la réécriture de l'article unique, sans aucun vote contre, je le précise.

M. Charles Revet.  - Allons !

M. Thierry Repentin, rapporteur.  - Nous parlons d'immeubles et non de terrains seulement, pour une faculté de décote ne concernant que la part correspondant aux logements sociaux, afin d'éviter tout détournement, public ou privé. Comment appeler à la construction de logements et refuser de libérer du foncier ?

La situation financière de l'État ne lui permettrait pas cette cession gratuite ? Mais il n'y a pas de dépense publique supplémentaire. La perte d'actifs serait compensée et au-delà, car le mal-logement coût cher à la collectivité. L'État ne s'appauvrirait pas.

Depuis la loi Molle de 2005, combien de décotes ont été consenties ? Difficile de le savoir, puisque le rapport prévu pour les chiffrer n'a jamais été reçu par le Parlement.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - C'est effectivement une erreur.

M. Thierry Repentin, rapporteur.  - En 2008, 131 terrains ont été cédés, avec une décote comprise entre 1 et 35 % qui n'a concerné que 16 d'entre eux. Cela représente moins que le nombre de terrains mis gratuitement à disposition des bailleurs sociaux par les communes dans mon département ! Autorisons une décote plus importante, qui n'est pas une obligation et sera envisagée au cas par cas.

Défavorable à l'amendement n°2. Je devrais plutôt dire retrait car il serait incompréhensible que les membres UMP et UCR de la commission votent le contraire de ce qu'ils ont accepté en commission.

M. Charles Revet.  - Votre analyse est inacceptable.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Faites la même mesure pour les collectivités territoriales aussi !

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - L'essentiel des logements sociaux sont construits avec une aide foncière des collectivités territoriales, qui revient à une décote.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - L'État fait de même.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Pour l'État, il est nécessaire de légiférer parce qu'il n'a pas la même démarche.

M. Philippe Dallier.  - Chaque fois que l'État vend un bien, le Parlement exige de savoir dans quelles conditions. Donner le terrain, l'immeuble ? Drôle de proposition. Il y aura des compensations, dites-vous ? Mais la France a un problème d'endettement à réduire. Donner, c'est aller trop loin.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Que sont donc les aides à la pierre ?

M. Daniel Dubois.  - Dans la petite intercommunalité que je préside, j'achète des terrains que je mets à disposition des bailleurs sociaux. La proposition de décote ne me choque pas. Mais à l'UCR, nous nous sommes abstenus, avec le groupe UMP, car la méthode de la commission est contestable. Elle retoque des amendements comme ne concernant pas le texte en débat, puis elle dépose une proposition qu'elle substitue au texte du Gouvernement. Y a-t-il encore un lien avec le texte en discussion ? Le texte du Gouvernement est difficilement applicable mais je voterai l'amendement.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie.  - Vous disposiez depuis la veille de la liasse des amendements. Nous avons commencé, en commission, par un amendement portant article additionnel, puis un amendement n°2 a consisté à supprimer le texte issu de l'Assemblée nationale. Vous n'êtes pas un perdreau de l'année, vous connaissez la procédure.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

L'article premier A est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Dubois et les membres du groupe de l'UCR.

Après l'article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme est ainsi rédigé :

« Art. L. 600-1-1. - I. - Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si, cumulativement :

« - le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ;

« - son objet statutaire est en lien direct avec des préoccupations ou des considérations d'urbanisme ;

« - le recours comporte la justification de la décision des instances compétentes de l'association d'agir en justice contre la décision concernée, ainsi que du pouvoir donné à son représentant pour signer et déposer la requête.

« II. - Une personne physique n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si elle justifie cumulativement lors du dépôt du recours :

« - de l'occupation antérieure à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire d'un bien immobilier ;

« - de la co-visibilité directe de ce bien avec le terrain d'assiette du projet ayant fait l'objet de la décision concernée.

« III. - Les éléments constitutifs de l'intérêt à agir sont appréciés au jour de la délivrance de la décision contestée. »

« Les dispositions prévues aux I et II sont applicables aux recours administratifs et aux recours contentieux. »

M. Daniel Dubois.  - Il s'agit des recours abusifs. Nous insérons dans la loi les critères de l'intérêt à agir, en reprenant les exigences posées par la jurisprudence. Nous renforçons aussi la sécurité juridique des autorisations d'urbanisme en prévoyant que l'intérêt à agir s'évalue à la date du permis contesté, non lors de l'introduction du recours.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par M. Dubois et les membres du groupe de l'UCR et Mme Lamure.

Après l'article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme, il est inséré un article L. 600-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 600-1-2. - Une personne physique ou morale autre qu'une association n'est recevable à agir à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou à un permis de construire, d'aménager, ou de démolir que si elle justifie, lors du dépôt de sa requête et à peine d'irrecevabilité de son recours, que cette décision aura des incidences directes sur les conditions d'occupation ou d'utilisation du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement, ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente ou de bail. »

Amendement n°7, présenté par M. Dubois et les membres du groupe de l'UCR.

Après l'article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme, il est inséré un article L. 600-1-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 600-1-3. - Le juge peut, à la demande du défendeur, infliger à l'auteur d'une requête contre une autorisation d'urbanisme qu'il estime abusive, une amende dont le montant ne peut être inférieur à 15 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »

M. Daniel Dubois.  - L'amendement n°9 rectifié porte sur la recevabilité des requêtes, tandis que l'amendement n°7 porte sur les amendes.

M. Thierry Repentin, rapporteur.  - De telles mesures sont attendues par les élus locaux notamment, mais il y faut une concertation, une analyse précise, car le diable est dans les détails. Une réforme précipitée pourrait être pire que le mal. Prenons le temps de travailler cette réforme. Retrait de ce que je perçois comme des amendements d'appel au Gouvernement.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement a entendu les amendements d'appel : un décret sera transmis au Conseil d'État en mars. Il y a eu concertation avec les juristes, les acteurs...

M. Thierry Repentin, rapporteur.  - Les corps intermédiaires ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Nous avons travaillé à mieux lutter contre les recours mafieux. Votre amendement n°7 est du domaine réglementaire, les autres, nos6 et 9 rectifié, vont un peu trop loin. Le décret reste dans le cadre actuel.

J'ai déjà évoqué à l'Assemblée nationale le caractère de cavaliers de ces amendements. Mais je le reconnais, le problème que vous évoquez est une plaie. Retrait, sinon rejet.

M. Daniel Dubois.  - Précipitation ? Cela fait quinze ans qu'on en parle et qu'on repousse les mesures qui régleraient le problème. La réflexion a progressé, la Chancellerie a été interrogée sur les sanctions, tout est prêt. Presque tous les projets sont attaqués.

M. Philippe Dallier.  - Jamais ce n'est arrivé chez moi !

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Cela arrive moins en banlieue.

M. Daniel Dubois.  - Un promoteur, après deux ans de recours, même s'il a gagné, est épuisé. Il ne se retourne pas contre les associations, et le manège se poursuit.

Les amendements nos6, 9 rectifié et 7 sont retirés.

Article premier (Supprimé)

M. Gérard Le Cam.  - L'article a été profondément remanié et supprime la supercherie du texte gouvernemental. L'État se désengage du financement des logements sociaux. La réécriture prévoit la mise à disposition gratuite d'immeubles par l'État : il est temps que celui-ci prenne modèle sur les communes rurales, qui vendent à perte les terrains viabilisés. Faiblesse des aides à la pierre, ponctions sur les offices pour financer l'Anru, l'État assèche les financements. Les départements et les communes doivent se substituer à l'État.

La spéculation implacable pousse à la hausse, de façon vertigineuse, le prix de l'immobilier. La valeur du foncier, les intérêts d'emprunt, qui entrent dans le coût de la construction, ne correspondent à aucun travail, ils sont fixés de façon purement spéculative et représentent autant de gisements d'économies.

L'État finance l'investissement locatif lucratif plus que le logement social. À quand un prêt à taux zéro pour la construction des logements sociaux ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Très bien !

M. Gérard Le Cam.  - Nous voterons la rédaction de la commission.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. - Aux deuxième et troisième phrases du sixième alinéa de l'article L. 123-1-11 du code de l'urbanisme, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 30 % ».

II. - Après le même article L. 123-1-11, il est inséré un article L. 123-1-11-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 123-1-11-1. - I. - Les droits à construire résultant des règles de gabarit, de hauteur, d'emprise au sol ou de coefficient d'occupation des sols fixées par le plan local d'urbanisme, le plan d'occupation des sols ou le plan d'aménagement de zone sont majorés de 30 % pour permettre l'agrandissement ou la construction de bâtiments à usage d'habitation, dans les conditions prévues au présent article. Cette majoration s'applique dans les communes dotées d'un plan local d'urbanisme, d'un plan d'occupation des sols ou d'un plan d'aménagement de zone en vigueur à la date de promulgation de la loi n°          du                  relative à la majoration des droits à construire.

« La majoration de 30 % prévue au premier alinéa du présent I n'est applicable ni dans les zones A, B et C des plans d'exposition au bruit mentionnées à l'article L. 147-4, ni dans les secteurs sauvegardés. Elle ne peut avoir pour effet de modifier une règle édictée par l'une des servitudes d'utilité publique prévues à l'article L. 126-1, ni de déroger aux chapitres V et VI du titre IV du livre Ier.

« Elle ne s'applique pas si le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme a pris, avant la promulgation de la loi n°          du                   précitée, une délibération faisant application du sixième alinéa de l'article L. 123-1-11.

« II. - Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n°          du                   précitée, l'autorité compétente, en application de l'article L. 123-6, pour élaborer le plan local d'urbanisme met à la disposition du public une note d'information présentant les conséquences de l'application de la majoration de 30 % prévue au I du présent article sur le territoire de la ou des communes concernées, notamment au regard des objectifs mentionnés à l'article L. 121-1. Le public dispose d'un délai d'un mois pour formuler ses observations à compter de la mise à disposition de cette note.

« Les modalités de la consultation du public prévue au premier alinéa du présent II et du recueil et de la conservation de ses observations sont précisées, selon le cas, par le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent et portées à la connaissance du public au moins huit jours avant le début de cette consultation. Elles peuvent prendre la forme d'une mise en ligne du dossier de consultation ou d'une présentation au cours d'une réunion publique.

« À l'issue de la mise à disposition de la note d'information mentionnée au même premier alinéa, le président de l'établissement public ou le maire présente la synthèse des observations du public à l'organe délibérant de l'établissement public ou au conseil municipal. Cette synthèse est publiée dans les conditions prévues pour la publication des documents modifiant les règles d'urbanisme.

« III. - La majoration mentionnée au premier alinéa du I est applicable huit jours après la date de la séance au cours de laquelle la synthèse des observations du public a été présentée à l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou au conseil municipal et au plus tard à l'expiration d'un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi n°          du                   précitée, sauf si l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article L. 123-6, le conseil municipal décide, à l'issue de la consultation du public prévue aux deux premiers alinéas du II du présent article, qu'elle ne s'applique pas sur tout ou partie du territoire de la ou des communes concernées ou s'il adopte la délibération prévue au sixième alinéa de l'article L. 123-1-11.

« À tout moment, le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent peut adopter une délibération mettant fin à l'application de la majoration prévue au I du présent article sur tout ou partie du territoire de la commune ou des communes concernées. Il en est de même s'il décide d'adopter la délibération prévue au sixième alinéa de l'article L. 123-1-11. Dans les deux cas, cette délibération est précédée de la consultation du public prévue, respectivement, au II du présent article ou au sixième alinéa de l'article L. 123-1-11.

« Les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme peuvent décider d'appliquer la majoration prévue au I du présent article sur leur territoire, nonobstant toute délibération contraire de l'établissement public, ou d'écarter cette application.

« IV. - Le présent article s'applique aux demandes de permis et aux déclarations déposées en application de l'article L. 423-1 avant le 1er janvier 2016. »

III. - L'article L. 128-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il en est de même de l'application combinée des articles L. 123-1-11-1, L. 127-1, L. 128-1 et L. 128-2. »

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Nous rétablissons notre texte.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par MM. Jarlier et Dubois.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. - Aux deuxième et troisième phrases du sixième alinéa de l'article L. 123-1-11 du code de l'urbanisme, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 30 % ».

II. - Après le même article L. 123-1-11, il est inséré un article L. 123-1-11-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 123-1-11-1. - I. - Les droits à construire résultant des règles de gabarit, de hauteur, d'emprise au sol ou de coefficient d'occupation des sols fixées par le plan local d'urbanisme, le plan d'occupation des sols ou le plan d'aménagement de zone sont majorés de 30 % pour permettre l'agrandissement ou la construction de bâtiments à usage d'habitation, dans les conditions prévues au présent article. Cette majoration s'applique dans les communes situées dans des zones géographiques caractérisées par un déséquilibre manifeste entre l'offre et la demande de logements définies par décret et dotées d'un plan local d'urbanisme, d'un plan d'occupation des sols ou d'un plan d'aménagement de zone en vigueur à la date de promulgation de la loi n°          du                  relative à la majoration des droits à construire.

« La majoration de 30 % prévue au premier alinéa du présent I n'est applicable ni dans les zones A, B et C des plans d'exposition au bruit mentionnées à l'article L. 147-4, ni dans les secteurs sauvegardés. Elle ne peut avoir pour effet de modifier une règle édictée par l'une des servitudes d'utilité publique prévues à l'article L. 126-1, ni de déroger aux chapitres V et VI du titre IV du livre Ier.

« Elle ne s'applique pas si le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme a pris, avant la promulgation de la loi n°          du                   précitée, une délibération faisant application du sixième alinéa de l'article L. 123-1-11.

« II. - Dans un délai de trois mois après l'entrée en vigueur de la loi n°        du          relative à la majoration des droits à construire, l'autorité compétente en application de l'article L. 123-6 procède à un débat sur les moyens à mettre en oeuvre en vue d'augmenter la densification urbaine dans les communes et établissements de coopération intercommunale visés au premier alinéa du I.

« Dans le cadre de ce débat, elle détermine les secteurs situés en zone urbaine à l'intérieur desquels s'appliquera la majoration visée au I du présent article, dans le respect des dispositions mentionnées à l'article L. 121-1 et au regard de l'équilibre entre l'offre et la demande de logements, en particulier en matière de logement social.

« Dans un délai d'un mois après ce débat, elle met à la disposition du public une note d'information présentant le contenu, l'impact et la sectorisation de l'application de la majoration des droits à construire.

« Le public dispose d'un délai d'un mois pour formuler ses observations à compter de la mise à disposition.

« Les modalités de la consultation du public et du recueil et de la conservation de ses observations sont précisées par le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent et portées à la connaissance du public au moins huit jours avant le début de cette consultation. Elles peuvent prendre la forme d'une mise en ligne du dossier de consultation ou d'une présentation au cours d'une réunion publique.

« Dans un délai d'un mois à l'issue de la consultation du public, le président de l'établissement public ou le maire présente la synthèse des observations du public à l'organe délibérant qui fixe les secteurs dans lesquels la majoration s'appliquera. Cette synthèse est publiée dans les conditions prévues pour la publication des documents modifiant les règles d'urbanisme.

« III. - La majoration mentionnée au premier alinéa du I est applicable dans les secteurs définis par la délibération visée aux précédents alinéas, huit jours après la date de la séance au cours de laquelle la synthèse des observations du public a été présentée à l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou au conseil municipal.

« À tout moment, le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent peut adopter une délibération mettant fin à l'application de la majoration prévue au I sur tout ou partie du territoire de la commune ou des communes concernées. Il en est de même s'il décide d'adopter la délibération prévue au sixième alinéa de l'article L. 123-1-11. Dans les deux cas, cette délibération est précédée de la consultation du public prévue, respectivement, au II du présent article ou au sixième alinéa de l'article L. 123-1-11.

« IV. - Le présent article s'applique aux demandes de permis et aux déclarations déposées en application de l'article L. 423-1 avant le 1er janvier 2016. »

III. - L'article L. 128-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il en est de même de l'application combinée des articles L. 123-1-11-1, L. 127-1, L. 128-1 et L. 128-2. »

M. Pierre Jarlier.  - Nous rétablissons la mesure du Gouvernement en la modifiant un peu afin de cibler la majoration sur les zones tendues.

M. Thierry Repentin, rapporteur.  - La mesure du Gouvernement n'est pas judicieuse, redondante avec le droit existant, contraire à une démarche urbanistique de qualité, accusatoire des collectivités territoriales. Défavorable.

M. Jarlier cherche à améliorer la mesure en la limitant aux zones tendues, en supprimant la possibilité pour une commune de prendre une option contraire à celle de l'EPCI. Hélas, le texte initial est trop mauvais pour être amélioré.

M. Jarlier veut aussi ouvrir le débat sur la diversification. Mais la loi Molle de Mme Boutin, on l'ignore faute d'un bon service après vote, précise qu'une délibération communale est possible sur les majorations. Les services déconcentrés de l'État devraient informer les communes.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Si l'amendement du Gouvernement n'était pas adopté, ce que je ne puis imaginer, (sourires) l'amendement Jarlier serait un bon repli.

M. Charles Revet.  - Je voterai l'amendement du Gouvernement. Mais pourquoi le rapporteur a-t-il proposé un amendement, adopté par la commission, sur la mise à disposition de foncier par l'État ? Et ensuite, lorsque nous avons proposé des amendements de même nature, a-t-il estimé qu'ils étaient hors sujet ?

Le projet de loi ne provoquera pas à lui seul la reprise de la construction. Mais au moins les familles qui s'agrandissent, accueillent une personne âgée ou handicapée, pourront-elles agrandir leur logement. Cependant, les communes pourront refuser l'application de la mesure : tout le monde ne sera pas logé à la même enseigne.

M. Thierry Repentin, rapporteur.  - Tous les collègues en commission ont eu la liasse des amendements. Et j'ai dit clairement que je présentais un amendement pour introduire un article additionnel. Le code de l'urbanisme prévoit déjà, pour le cas pavillonnaire que vous évoquez, une possibilité de délibération du conseil municipal, qui doit être prise dans un délai d'un mois. Là-dessus, l'amendement du Gouvernement n'apporte rien au droit existant.

L'amendement n°3 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°5.

L'article premier demeure supprimé.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par M. Amoudry et les membres du groupe de l'UCR.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les communes touristiques et stations classées de tourisme couvertes par un plan local d'urbanisme, l'organe délibérant compétent peut décider de la majoration de 30 % des droits à construire, et conditionner le bénéfice de cette mesure au versement par les bénéficiaires au profit de la collectivité d'une contribution affectée obligatoirement au financement de logements sociaux.

Dans un délai d'au moins deux mois avant cette décision, l'assemblée délibérante établit, en conformité avec son projet urbain tel qu'il résulte de l'application de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, une proposition de zonage et les modalités d'application de la majoration des droits à construire, et le cas échéant de sa contrepartie financière.

Cette proposition fait l'objet d'une note d'information mise à la disposition du public.

Au moins un mois après cette mise à disposition, et préalablement à la décision mentionnée au premier alinéa du présent article, l'assemblée délibérante examine la synthèse des observations du public et la publie dans les conditions prévues pour la publication des documents modifiant les règles d'urbanisme.

La majoration de 30 % prévue au premier alinéa n'est applicable ni dans les zones A, B et C des plans d'exposition au bruit mentionnées à l'article L. 147-4, ni dans les secteurs sauvegardés. Elle ne peut avoir pour effet de modifier une règle édictée par l'une des servitudes d'utilité publique prévues à l'article L. 126-1, ni de déroger aux chapitres V et VI du titre IV du livre Ier.

M. Jean-Paul Amoudry.  - Dans les communes touristiques, soumises à une forte pression immobilière, l'accès au logement pour les résidents permanents et les travailleurs saisonniers est bien difficile. Le marché de la résidence secondaire est dopé par une clientèle aisée et les prix du foncier et de l'immobilier s'envolent.

Pour contenir les effets négatifs de cette pression, je propose de permettre la majoration de la constructibilité tout en la subordonnant au versement d'une contribution au profit de la collectivité. Le montant serait affecté obligatoirement au financement de logements sociaux, dissociés de l'habitat résidentiel touristique.

M. Thierry Repentin, rapporteur.  - L'idée est intéressante, j'y suis très sensible mais il existe déjà une possibilité d'augmenter les droits à construire de 50 % s'il s'agit de construire des logements sociaux. C'est plus efficace. Retrait ?

Le groupe d'étude sur le développement de la montagne proposera, je l'espère, un jour, une solution applicable dans tous les massifs.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - La mesure du Gouvernement s'applique dans les zones de montagne comme ailleurs, ce qui est préférable à un dispositif spécifique. Je ne souhaite pas non plus cette taxe. Il y a déjà la taxe d'aménagement. Les collectivités ont déjà des marges de manoeuvre !

M. Jean-Paul Amoudry.  - La mesure proposée est indispensable car les dispositifs existants ne fonctionnent pas. Il faut une proximité aux transports, aux équipements publics. Elle est indolore pour les finances publiques. Elle est attendue. Les nombreux maires qui nous sollicitent n'ont trouvé aucune solution dans les mécanismes existants. Densifier de 30 % sans faire un geste pour le logement des travailleurs saisonniers ou permanents, ce n'est pas raisonnable.

L'amendement n°8 rectifié n'est pas adopté.

Intitulé du projet de loi

L'amendement n°4 n'a plus d'objet, non plus que l'amendement n°11

Vote sur l'ensemble

M. Jean-Jacques Filleul.  - Malgré vos efforts, monsieur le ministre, nous ne sommes pas convaincus du bien-fondé de ce texte d'opportunité. (Applaudissements à gauche)

Mme Élisabeth Lamure.  - L'objectif initial était d'accroître l'offre, tout en utilisant mieux l'espace, dans une démarche sociale. Le texte était pragmatique, il évitait toute spéculation, il respectait le principe de libre administration. La majorité de gauche du Sénat a détourné ce dispositif : le groupe UMP ne pourra apporter son soutien à un texte dénaturé.

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie.  - Que de grands mots ! Après le hold-up, le détournement. À quand le racket ?

M. Joël Labbé.  - Nous voterons la version Repentin de ce texte, en attendant une vraie loi sur le logement pour tous. (Applaudissements à gauche)

Le projet de loi est adopté.

(Applaudissements à gauche)

Candidatures à une éventuelle CMP

M. le président.  - La commission de l'économie a d'ores et déjà désigné les candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de mobilisation du foncier en faveur du logement que nous venons d'adopter.

Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 1er mars 2012, à 9 h 30.

La séance est levée à minuit et demi.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du jeudi 1er mars 2012

Séance publique

À 9 heures 30

1. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l'objet (n° 442, 2011-2012)

Rapport de M. Jean-Pierre Sueur, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 448, 2011-2012)

Texte de la commission (n° 449, 2011-2012)

À 15 heures et le soir

2. Questions d'actualité au Gouvernement

3. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à modifier le régime de responsabilité civile du fait des choses des pratiquants sportifs sur les lieux réservés à la pratique sportive et à mieux encadrer la vente des titres d'accès aux manifestations sportives, commerciales et culturelles et aux spectacles vivants

Rapport de M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour le Sénat (n° 418, 2011-2012)

Texte de la commission (n° 419, 2011-2012)

4. Suite de l'ordre du jour du matin